Industrie nucléaire en France
Lâindustrie nuclĂ©aire en France est mise en place dans les annĂ©es 1950 et 1960 par la construction de rĂ©acteurs nuclĂ©aires Ă uranium naturel graphite gaz (Ă Marcoule, Chinon, Saint-Laurent et Bugey), d'un rĂ©acteur Ă eau lourde (Ă Brennilis) et d'un rĂ©acteur Ă eau pressurisĂ©e (Ă Chooz A).
AprĂšs le dĂ©ploiement du programme nuclĂ©aire militaire, l'industrie nuclĂ©aire devient progressivement la principale source de production d'Ă©lectricitĂ© en France. Le nuclĂ©aire couvre, en 2016, 72 % de la production française d'Ă©lectricitĂ©, qui reprĂ©sente elle-mĂȘme 27 % de la consommation finale d'Ă©nergie du pays[Ă© 1].
La filiĂšre nuclĂ©aire française rassemble 2 500 entreprises employant en 2015 prĂšs de 220 000 salariĂ©s (emplois directs et indirects) particuliĂšrement qualifiĂ©s et gĂ©nĂšre un chiffre dâaffaires de 50 Md⏠dont 14 Md⏠de valeur ajoutĂ©e, selon la direction gĂ©nĂ©rale des entreprises (DGE) du ministĂšre de l'Ăconomie et des Finances.
La France dĂ©cide de rĂ©duire la part du nuclĂ©aire dans la production dâĂ©lectricitĂ© Ă 50 % Ă lâhorizon 2025, lors de l'adoption de la loi relative Ă la transition Ă©nergĂ©tique pour la croissance verte de 2015[1]. Le gouvernement acte, en , du report au-delĂ de 2025 de la baisse de la part du nuclĂ©aire de 75 Ă 50 % de la production d'Ă©lectricitĂ©, dont le calendrier est fixĂ© en 2019 par la programmation pluriannuelle de l'Ă©nergie, qui reporte Ă 2035 l'objectif de 50 %. En 2020, la centrale nuclĂ©aire de Fessenheim, premiĂšre centrale REP de la filiĂšre Ă 900 MW de France, est mise dĂ©finitivement Ă l'arrĂȘt.
En février 2022, le président Macron annonce la relance d'un programme nucléaire de six nouveaux réacteurs.
Localisation des centrales nucléaires en France |
Historique
Aventure scientifique de l'atome (1895-1945)
Plusieurs physiciens français de renom sont des contributeurs de premier plan Ă l'Ă©lan de recherche international qui permet la comprĂ©hension des mĂ©canismes de fission de l'atome et mĂšne vers le dĂ©veloppement de programmes nuclĂ©aires civils et militaires dans le monde. Henri Becquerel d'abord, tentant de trouver l'origine de la fluorescence dĂ©couverte par l'Allemand Wilhelm Röntgen dans son expĂ©rience sur les rayons X, dĂ©couvre en 1895 que des sels d'uranium Ă©mettent spontanĂ©ment un rayonnement et dĂ©couvre par lĂ -mĂȘme leur radioactivitĂ©[A 1]. Pierre et Marie Curie dĂ©couvriront ensuite le radium et le polonium, ce qui leur vaudra le prix Nobel de physique en 1903, en mĂȘme temps quâHenri Becquerel[A 1].
IrĂšne et FrĂ©dĂ©ric Joliot-Curie mettent en Ă©vidence en 1933, en bombardant une feuille d'aluminium par une source de polonium, la production de phosphore 30 radioactif, isotope du phosphore 30 naturel. Ils en dĂ©duisent qu'il est possible de fabriquer par irradiation des Ă©lĂ©ments ayant les mĂȘmes propriĂ©tĂ©s que les Ă©lĂ©ments naturels mais qui sont Ă©galement radioactifs. DĂšs le dĂ©but ils voient toutes les applications qu'il est possible d'en tirer, notamment dans le domaine mĂ©dical, avec le traçage par des Ă©lĂ©ments radioactifs. Ils obtiennent le prix Nobel pour cette dĂ©couverte en 1935[A 2].
Enfin, en , quatre Français, Frédéric Joliot-Curie, Hans von Halban, Lew Kowarski et Francis Perrin, publient dans la revue Nature, peu de temps avant leurs concurrents américains, un article fondamental pour la suite des événements démontrant que la fission du noyau de l'uranium s'accompagne de l'émission de 3,5 neutrons (le chiffre exact sera de 2,4) qui peuvent à leur tour fragmenter d'autres noyaux et ainsi de suite, par un phénomÚne de « réaction en chaßne »[A 3]. En , les quatre Français déposent trois brevets secrets traitant de la production d'énergie à partir d'uranium et du perfectionnement des charges explosives[B 1].
L'invasion de la France par l'Allemagne en contraint Ă l'arrĂȘt des travaux de recherche et aux dĂ©placements secrets d'une part du stock d'eau lourde au Royaume-Uni par Hans von Halban et Lew Kowarski et d'autre part du stock d'uranium au Maroc[2]. La coopĂ©ration entre le Royaume-Uni et les Ătats-Unis pour la construction d'une bombe atomique exclut les membres de l'Ă©quipe du CollĂšge de France. Ces derniers contribuĂšrent cependant, Ă partir de la fin de l'annĂ©e 1942, aux travaux rĂ©alisĂ©s au Canada par une Ă©quipe anglo-canadienne[2]. Leurs travaux furent aussi dĂ©terminants pour la reprise des recherches françaises sur ce domaine.
GenĂšse dâun programme nuclĂ©aire (1945-1958)
DÚs , et de sa propre initiative, Raoul Dautry (alors ministre de la reconstruction et de l'urbanisme du Gouvernement provisoire de la République française) informa le général de Gaulle (alors président du Gouvernement provisoire) que le nucléaire bénéficierait à la reconstruction ainsi qu'à la Défense nationale. C'est ainsi que le général de Gaulle chargea Raoul Dautry et Frédéric Joliot de proposer une organisation de l'industrie française du nucléaire[2].
Fort des dĂ©couvertes françaises dans le nuclĂ©aire, mais aussi au vu des progrĂšs rĂ©alisĂ©s par la recherche amĂ©ricaine dans le cadre du Projet Manhattan, et aprĂšs les bombardements atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki les 6 et , le gĂ©nĂ©ral de Gaulle crĂ©e le Commissariat Ă l'Ă©nergie atomique (CEA) le . Cet organisme a officiellement pour but de poursuivre les recherches scientifiques et techniques en vue de lâutilisation de lâĂ©nergie atomique dans divers domaines de lâindustrie, de la science et de la dĂ©fense[3] - [4]. Les deux premiĂšres personnalitĂ©s Ă se partager la responsabilitĂ© de la direction de cet organisme sont FrĂ©dĂ©ric Joliot-Curie en qualitĂ© de Haut Commissaire pour les questions scientifiques et techniques et Raoul Dautry, ancien ministre de l'Armement, en tant quâadministrateur gĂ©nĂ©ral[A 4].
Le fort de ChĂątillon, sur la commune de Fontenay-aux-Roses, est affectĂ© au CEA le et câest sur cet emplacement que la premiĂšre pile atomique française ZoĂ© fonctionne pour la premiĂšre fois (« diverge ») le [A 4]. Cette pile fonctionne avec un combustible dâoxyde dâuranium naturel modĂ©rĂ© Ă lâeau lourde. Elle ne dĂ©gage presque pas dâĂ©nergie, quelques kilowatts Ă peine, mais elle va permettre des Ă©tudes de physique assez poussĂ©es pour mieux comprendre les rĂ©actions nuclĂ©aires et permettre la production de radioĂ©lĂ©ments pour la recherche et lâindustrie[5].
Les opĂ©rations de raffinage du minerai d'uranium qui vient d'Afrique sont rĂ©alisĂ©es dans une enclave de la Poudrerie du Bouchet, Ă proximitĂ© de Ballancourt-sur-Essonne oĂč sont Ă©galement isolĂ©s les quatre premiers milligrammes de plutonium le . LâĂ©vĂ©nement est considĂ©rable car les combustibles irradiĂ©s, retirĂ©s de la Pile ZoĂ©, peuvent dĂšs lors ĂȘtre traitĂ©s et parallĂšlement on dispose d'un procĂ©dĂ© pour extraire le plutonium, essentiel pour constituer la premiĂšre bombe atomique[A 5].
Le développement de la guerre froide, d'une maniÚre générale, et l'explosion de la premiÚre bombe nucléaire soviétique en 1949, en particulier, amenÚrent la France à ne plus conserver la position pacifiste du CEA, telle qu'affirmée par Frédéric Joliot. Ce dernier, aprÚs des déclarations publiques favorables à l'Union soviétique, fut forcé de démissionner du CEA en . Le Gouvernement français en profita pour rappeler que le CEA avait aussi pour vocation la Défense nationale[2].
La question de l'armement atomique de la France ne fut cependant posĂ©e officiellement qu'en lors du premier dĂ©bat Ă l'AssemblĂ©e nationale sur le plan quinquennal de l'Ă©nergie atomique. Ce dernier, prĂ©parĂ© par FĂ©lix Gaillard (secrĂ©taire d'Ă©tat Ă la prĂ©sidence du Conseil dans le gouvernement de RenĂ© Pleven, visait un dĂ©veloppement du nuclĂ©aire sur le long terme. La filiĂšre suivie allait ĂȘtre celle des piles atomiques au graphite, fonctionnant Ă l'uranium naturel et produisant du plutonium. En effet, le CEA n'avait pas les moyens techniques et financiers pour l'enrichissement isotopique de l'uranium. Il s'agissait de produire assez de plutonium pour ĂȘtre en mesure de dĂ©velopper un programme atomique militaire[2].
Si le plan quinquennal de 1952 ouvrit la voie Ă la bombe nuclĂ©aire française, la dĂ©cision de sa fabrication ne fut pas prise alors. En fait, l'utilisation du nuclĂ©aire Ă des fins militaires ne fut dĂ©cidĂ©e par la France qu'en 1954 aprĂšs la dĂ©faite de Ăiá»n BiĂȘn Phủ, compte tenu du traitĂ© concernant la CommunautĂ© europĂ©enne de dĂ©fense (CED) et qui interdisait aux Ătats membres d'entreprendre un programme nuclĂ©aire militaire indĂ©pendant et vu le changement de stratĂ©gie de l'OTAN, en faveur de reprĂ©sailles massives et prĂ©coces par l'emploi de l'arme atomique[2].
DĂšs la fin de l'annĂ©e 1954, le CEA disposa d'un terrain de 30 ha Ă BruyĂšres-le-ChĂątel (prĂšs dâArpajon), financĂ© par des fonds du Service de documentation extĂ©rieure et de contre-espionnage (SDECE). Ă partir de , il accueillit le centre d'Ă©tudes du BEG, la premiĂšre Ă©quipe scientifique arrivant en [2]. Des Ă©tudes de dĂ©tonique, pour la mise au point du dĂ©tonateur, furent entreprises au fort de Vaujours dĂšs 1955[6].
Enfin, des études de neutronique et de criticité furent entreprises dans un centre spécialisé à Valduc et à Moronvilliers dÚs 1957[A 6].
Déploiement du programme nucléaire militaire (1958-1996)
Charles de Gaulle est investi prĂ©sident du Conseil par l'AssemblĂ©e nationale le [7]. Lors du premier Conseil de dĂ©fense, qui se tient le , il met un terme au projet de coopĂ©ration nuclĂ©aire franco-germano-italienne initiĂ© en 1957[8] et, Ă la suite de la crise du canal de Suez au cours de laquelle la France est menacĂ©e de riposte nuclĂ©aire, accĂ©lĂšre le programme nuclĂ©aire national en confirmant la date de la premiĂšre expĂ©rience française. La maĂźtrise du nuclĂ©aire et la dĂ©tention de lâarme atomique comme arme de dissuasion sont le cĆur de la politique dâindĂ©pendance nationale voulue par le GĂ©nĂ©ral, tant dans le domaine militaire que le domaine Ă©nergĂ©tique[9].
Lâobjectif assignĂ© est tenu. La premiĂšre bombe atomique française, baptisĂ©e « Gerboise bleue » explose le sur le site de Reggane, en AlgĂ©rie, Ă plus de 700 km au sud de Colomb-BĂ©char. Fort de ce succĂšs, une loi du charge le CEA de la rĂ©alisation des armes et des moteurs de sous-marins Ă propulsion nuclĂ©aire[A 6]. Devant lâhostilitĂ© internationale aux explosions Ă lâair libre, des expĂ©rimentations reprennent en souterrain dans le massif du Hoggar Ă In Ecker. Treize tirs y seront effectuĂ©s de 1961 Ă 1966. Lors du deuxiĂšme tir, le , un accident nuclĂ©aire se produit. Le bouchon fermant la galerie est pulvĂ©risĂ©, laissant s'Ă©chapper un nuage radioactif de gaz et de particules hors de la galerie de tir. Localement une centaine de personnes subissent une exposition supĂ©rieure Ă 50 mSv[10].
Pour maĂźtriser lâensemble du Cycle du combustible nuclĂ©aire, tant militaire que civil, il convient de pouvoir produire son propre combustible. Il est dĂšs lors dĂ©cidĂ© en 1958 d'enrichir l'uranium Ă l'usine militaire de Pierrelatte. Le complexe industriel doit permettre de produire de lâuranium enrichi Ă diffĂ©rents taux : 2 %, 6 %, 25 % mais aussi trĂšs hautement enrichi Ă 90 %. Ce dernier type de combustible est exclusivement rĂ©servĂ© Ă la fabrication de bombes atomiques. Les mises en service vont s'Ă©chelonner de 1964 Ă 1967[A 7].
Des essais nuclĂ©aires vont ĂȘtre rĂ©alisĂ©s de 1960 Ă 1992, d'abord en AlgĂ©rie de 1960 Ă 1966, puis dans le Pacifique de 1966 Ă 1996. La France signe le TraitĂ© d'interdiction complĂšte des essais nuclĂ©aires (TICE) le et dĂ©mantĂšle ses installations de tests dans le Pacifique. Le Parlement ratifie le TICE le , engageant ainsi la France Ă ne plus jamais rĂ©aliser d'essais nuclĂ©aires.
Au début du XXIe siÚcle, les tests grandeur nature ne sont plus effectués. Les missiles sont modélisés en laboratoire.
La force de dissuasion nuclĂ©aire française va quant Ă elle ĂȘtre progressivement constituĂ©e Ă partir des annĂ©es 1960 pour atteindre un pic durant les annĂ©es 1980 et 1990 avec plus de 500 ogives nuclĂ©aires, le Bulletin of the Atomic Scientists annonçant un pic de 540 ogives en 1992 et un total de 1 260 armes construites depuis 1964[11].
En 1996, les 18 silos de missiles sol-sol du plateau d'Albion dans le Vaucluse sont désactivés.
Déploiement du programme nucléaire civil
AprĂšs le succĂšs des rĂ©acteurs expĂ©rimentaux de Marcoule, ĂlectricitĂ© de France est chargĂ©e de mettre en place le programme Ă©lectronuclĂ©aire français. De 1963 Ă 1971, six rĂ©acteurs sont mis en service Ă la centrale nuclĂ©aire de Chinon, Ă la centrale nuclĂ©aire de Saint-Laurent-des-Eaux et Ă la centrale nuclĂ©aire du Bugey. En fin de pĂ©riode, le nuclĂ©aire fournit 5 % de l'Ă©lectricitĂ© produite en France[A 8].
Le centre de Cadarache, prÚs de Manosque, est créé en 1960. Il permettra l'édification des centrales à partir de la deuxiÚme et de la troisiÚme générations de réacteur à eau pressurisée (REP). Cette filiÚre de production sera choisie par le gouvernement Jacques Chaban-Delmas pour équiper la France, et sera exploité en France à partir de 1977.
Le conflit israélo-arabe et le premier choc pétrolier vont pousser le gouvernement français à privilégier le nucléaire civil et à accélérer son déploiement. à partir d'un partenariat avec la société américaine General Electric, la filiÚre française s'organise autour de la société Alstom (à l'époque Alsthom Atlantique) et Framatome. Outre les tranches de production d'électricité, la France se dote d'une structure d'enrichissement de l'uranium avec l'usine Georges-Besse (aussi connue sous le nom d'Eurodif) pour la fabrication du combustible. Pour le combustible consommé, elle réalise l'Usine de retraitement de la Hague.
Ă partir de 1978, l'affaire de Plogoff, oĂč il s'agissait de construire une centrale nuclĂ©aire auprĂšs de la Pointe du Raz, favorise l'Ă©mergence d'un mouvement antinuclĂ©aire civil.
L'industrie française du nucléaire s'émancipe de son partenariat avec les sociétés américaines. Ainsi, dans les années 1980, Framatome commence à développer ses propres modÚles de réacteurs.
Toutefois, la catastrophe nucléaire de Tchernobyl et la crise économique persistante remettent profondément en cause l'élan français. Durant le mandat du président François Mitterrand, les chantiers en cours sont menés à terme, mais aucune nouvelle centrale n'est commencée. La France participe et s'engage dans un programme contraignant de protection, en appliquant la Convention sur la sûreté nucléaire (en) par un décret d'.
Ă partir des annĂ©es 2000, les enjeux du nuclĂ©aire français se trouvent Ă l'extĂ©rieur de la France. Ă cause de la crise, l'offre intĂ©rieure est en surcapacitĂ©. Framatome renforce la compĂ©titivitĂ© mondiale de son pĂŽle nuclĂ©aire. Dans cet objectif elle se restructure et devient Areva, enfin Orano en 2018. En 2003 lâĂ©lectricien finlandais Teollisuuden Voima Oyj (TVO) la choisit pour construire un rĂ©acteur pressurisĂ© europĂ©en, un chantier phare. Mais il dĂ©passe largement ses coĂ»ts et son planning. Devant cet Ă©chec, la sociĂ©tĂ© s'oriente vers la rĂ©alisation de centrales de plus petite capacitĂ©.
En , un nouvel accident, à Fukushima, au Japon provoqua encore une fois d'importantes inquiétudes sur la sécurité de la filiÚre. L'évolution de l'industrie nucléaire en France aprÚs l'accident de Fukushima a toutefois été de la confirmer à son rang par le gouvernement, aprÚs une évaluation complémentaire de sûreté, en renforçant encore la prévention et en approfondissant les capacités de réaction lors d'un accident majeur.
Ouverture du marché de l'électricité à la concurrence (2000 à aujourd'hui)
Les années 2000 sont marquées par l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence et une restructuration économique du secteur.
La loi no 2000-108 du relative Ă la modernisation et au dĂ©veloppement du service public de lâĂ©lectricitĂ© modifie en profondeur le marchĂ© de lâĂ©lectricitĂ© en France puisque EDF est mis en situation de concurrence pour la production dâĂ©lectricitĂ© et sa fourniture aux plus gros clients, dont la consommation dĂ©passe un seuil, fixĂ© par dĂ©cret[12]. Mais au Conseil europĂ©en de Barcelone des 15 et , il est dĂ©cidĂ© que cette ouverture soit complĂšte. La totalitĂ© des consommateurs doivent ĂȘtre Ă©ligibles aux offres de marchĂ© au . Une deuxiĂšme directive est ainsi adoptĂ©e, la directive 2003/54/CE du . Elle prĂ©voit l'ouverture du marchĂ© au aux clients professionnels puis, Ă compter du , Ă l'ensemble des consommateurs[12].
La loi du relative au service public de l'Ă©lectricitĂ© et aux entreprises Ă©lectriques et gaziĂšres transpose en droit français les obligations communautaires, et parallĂšlement transforme en sociĂ©tĂ©s anonymes les opĂ©rateurs historiques EDF et GDF afin de leur permettre de faire face Ă la concurrence et d'agir sur le marchĂ© europĂ©en[13]. La loi du relative au secteur de l'Ă©nergie achĂšve la transposition, et autorise l'Ătat Ă devenir actionnaire minoritaire dans GDF, en vue de la fusion de l'opĂ©rateur historique avec Suez. La loi apporte Ă©galement une solution Ă la forte hausse des prix de l'Ă©nergie sur les marchĂ©s Ă partir de 2004, en permettant aux clients domestiques de revenir aux tarifs rĂ©glementĂ©s sous certaines conditions et en instaurant Ă titre temporaire pour les clients industriels un tarif rĂ©glementĂ© transitoire d'ajustement du marchĂ© (TaRTAM)[14] - [12].
La totalité du marché, soit prÚs de 450 TWh, est ainsi ouverte à la concurrence depuis le . Toutefois le marché de l'électricité en France reste l'un des plus concentrés de l'Union européenne, avec une position prépondérante des fournisseurs historiques, en particulier EDF. à titre de comparaison, les marchés allemand, britannique et italien apparaissent plus ouverts. En Allemagne et au Royaume-Uni, aucun acteur ne détenait au une part de marché supérieure à 41 % en ce qui concerne les clients résidentiels.
Au vu de ce constat, la Commission europĂ©enne engage en 2006 et 2007 deux procĂ©dures contentieuses contestant le systĂšme français de tarifs rĂ©glementĂ©s de vente d'Ă©lectricitĂ©, sources de la faible concurrence. Pour rĂ©pondre Ă cette exigence, une loi portant nouvelle organisation du marchĂ© de l'Ă©lectricitĂ©, dite loi Nome a Ă©tĂ© votĂ©e le [15], et entre en application le . Elle impose Ă EDF de cĂ©der annuellement jusqu'Ă 100 TWh d'Ă©lectricitĂ© issue des centrales nuclĂ©aires françaises Ă ses concurrents Ă des conditions reprĂ©sentatives des conditions Ă©conomiques de production dâĂ©lectricitĂ©, conditions Ă©valuĂ©es par la Commission de rĂ©gulation de l'Ă©nergie (CRE)[16].
Fin 2016, la part de marchĂ© des fournisseurs alternatifs Ă©tait de 29 % sur le marchĂ© de l'Ă©lectricitĂ© et 55 % sur celui du gaz ; 38 % des ventes d'Ă©lectricitĂ© restent assurĂ©es par EDF au tarif rĂ©glementĂ© et 33 % par EDF et les distributeurs locaux (ELD) en offres de marchĂ©. La suppression des tarifs rĂ©glementĂ©s pour les entreprises et les collectivitĂ©s a fortement accĂ©lĂ©rĂ© l'ouverture du marchĂ©, mais sur le segment rĂ©sidentiel (particuliers et petits professionnels) 88 % des clients restent au tarif rĂ©glementĂ©. Bruxelles a inclus dans son dernier « paquet hiver » la suppression Ă moyen terme de ce tarif dans l'Ă©lectricitĂ©, mais le basculement devrait ĂȘtre progressif[17].
Le Conseil d'Ătat a jugĂ© le que le maintien de tarifs rĂ©glementĂ©s du gaz naturel Ă©tait contraire au droit de l'Union europĂ©enne. Le ministre de la Transition Ă©cologique et solidaire Nicolas Hulot, a reconnu lors d'une audition au SĂ©nat : « Ă un moment ou Ă un autre, il faudra se plier aux injonctions de Bruxelles concernant les tarifs de gaz et d'Ă©lectricitĂ©. Nous allons Ă©videmment faire en sorte que cela se fasse le moins douloureusement possible »[18].
Fin 2018, les reprĂ©sentants de la Commission et du Parlement europĂ©ens confortent le maintien des tarifs rĂ©glementĂ©s en France (et dans trois autres pays: la Bulgarie, la Roumanie et la Hongrie) jusquâen 2025[19].
Restructuration de la filiÚre nucléaire
En 2012, une affaire dâĂtat politico-financiĂšre implique Areva, et particuliĂšrement Anne Lauvergeon, sa prĂ©sidente. Le scandale est liĂ© au rachat de la sociĂ©tĂ© canadienne UraMin. Des accusations et des rĂ©vĂ©lations dâespionnage, de corruption, de fraude, et de conflits dâintĂ©rĂȘts se multiplient dans la presse[20]. Anne Lauvergeon est limogĂ©e Ă la fin de l'annĂ©e 2011 alors que les effets de sa gestion se font sentir aprĂšs son dĂ©part, avec des pertes estimĂ©es Ă dix milliards d'euros entraĂźnant des besoins en recapitalisation et la ruine des petits actionnaires, qui se voient proposer un prix de rachat Ă 4,50 euros les titres Ă©mis Ă 32,50 euros au moment de son dĂ©part[21]. En , elle est mise en examen pour prĂ©sentation et publication de comptes inexacts et diffusion de fausses informations, les provisions pour constater la perte de valeur d'Uramin n'ayant Ă©tĂ© passĂ©es que trĂšs tardivement[22].
Afin de rĂ©soudre les graves difficultĂ©s subies par Areva (dĂ©ficit de 4,8 milliards d'euros en 2014), l'Ătat a exigĂ© une restructuration complĂšte du groupe et un accord entre EDF et Areva, qui a Ă©tĂ© conclu le : EDF doit acquĂ©rir 75 % du capital d'Areva NP (activitĂ© rĂ©acteurs d'Areva), autrement dit l'ex-Framatome, dont Areva conservera 25 % ; EDF revendra une partie de ses actions Ă d'autres partenaires, tout en restant majoritaire[23].
Les accords définitifs ont été signés le : EDF rachÚte 75,5 % de l'activité de réacteurs nucléaires d'Areva, appelée temporairement New NP avant de reprendre son nom de Framatome, dont Mitsubishi Heavy Industries acquiert 19,5 % et Assystem 5 %[24].
SimultanĂ©ment, la division Areva TA (activitĂ© propulsion nuclĂ©aire navale) est Ă©galement repris par l'Ătat français, NavalGroup et le CEA, et reprend son nom de TechnicAtome. Canberra (les instruments de mesure de la radioactivitĂ©) sont cĂ©dĂ©s Ă l'amĂ©ricain Mirion Technologies et l'Ă©olien offshore (Areva Blades) est cĂ©dĂ© au partenaire Siemens Gamesa.
Areva est renommée « New Areva » en 2016 puis « Orano » en 2018. Le groupe qui comptait 42 000 salariés en 2014, n'en compte en 2018 plus que 16 000 et se recentre sur les activités liées au combustible nucléaire. Installée depuis début 2012[25] à la Tour Areva, le siÚge social est déménagé à Chùtillon en 2019[26].
Ă partir de 2014, l'amĂ©ricain General Electric cherche Ă racheter Alstom Power et Alstom Grid, filiales de l'entreprise belfortaine, notamment spĂ©cialisĂ©e dans la production de turbine Arabelle. Ces activitĂ©s Ă©tant considĂ©rĂ©es comme stratĂ©giques[27], le rachat nĂ©cessite l'autorisation de l'Ătat français, obtenu le par le ministre de l'Ăconomie, de l'Industrie et du NumĂ©rique Emmanuel Macron, autorisant lâinvestissement de General Electric dans Alstom[28] - [29]. En 2020, en recherche de liquiditĂ©s, General Electric est engagĂ© dans la vente dâune bonne partie de ses actifs, dont potentiellement les activitĂ©s nuclĂ©aires ex-Alstom[30].
Impact de la loi relative à la transition énergétique
Le cas de la centrale de Fessenheim devient politique en entrant dans le programme de François Hollande lors de sa campagne prĂ©sidentielle de 2012. L'arrĂȘt dĂ©finitif est alors promis pour 2016, engagement rĂ©affirmĂ© en . La mise Ă l'arrĂȘt dĂ©finitif est par la suite fixĂ©e pour 2018 par la ministre de l'Ă©cologie de François Hollande, SĂ©golĂšne Royal. Puis le prĂ©sident Emmanuel Macron annonce le report de la fermeture Ă l'Ă©tĂ© 2020. Le rĂ©acteur numĂ©ro un de la centrale est mis Ă l'arrĂȘt dĂ©finitivement dans la nuit du 21 au . La mise Ă l'arrĂȘt dĂ©finitif du second rĂ©acteur est effectuĂ©e dans la nuit du 29 au . Selon la sociĂ©tĂ© française d'Ă©nergie nuclĂ©aire, l'arrĂȘt de ces rĂ©acteurs entraĂźnera des Ă©missions additionnelles de lâordre de 10 millions de tonnes de CO2 par an, en raison de l'importation nĂ©cessaire d'Ă©lectricitĂ© provenant de centrales Ă charbon allemandes[31].
Plan de relance de 2020
Le plan de relance présenté en par le gouvernement Castex prévoit, dans l'enveloppe de 30 milliards ⏠consacrée à l'écologie, un budget de 470 millions ⏠sur deux ans pour le nucléaire : 200 millions ⏠seront consacrés au développement des compétences, 100 millions ⏠au renforcement des fonds propres des PME et ETI du secteur nucléaire fragilisées par la crise, et 170 millions ⏠à la recherche sur les petits réacteurs modulaires[32].
« France 2030 »
Le président Macron annonce le , dans le cadre du plan d'investissement « France 2030 », une enveloppe d'un milliard d'euros pour « développer des technologies de rupture », notamment des petits réacteurs nucléaires, « une meilleure gestion des déchets nucléaires » et « la recherche et le développement des réacteurs de quatriÚme génération qui permettent de réduire ces déchets ». Cette somme s'ajoute aux 470 millions d'euros alloués à la filiÚre nucléaire dans le cadre du plan de relance, dont 70 millions pour les SMR. Le président déclare également que pour « devenir le leader de l'hydrogÚne vert en 2030 », la France devra compter sur l'électricité nucléaire ; le plan France 2030 prévoit ainsi 2 milliards d'euros pour développer l'hydrogÚne vert[33].
La relance du programme nucléaire français est actée par le président de la République lors de son allocution télévisée du , qui annonce la construction de nouveaux réacteurs, mais sans préciser s'il s'agit d'EPR ou d'EPR2[34] - [35].
« Taxonomie verte » européenne
Le , la Commission europĂ©enne prĂ©sente son « acte dĂ©lĂ©guĂ© » pour la labellisation des activitĂ©s contribuant Ă la rĂ©duction des gaz Ă effet de serre. Ce document fixe les conditions de l'inclusion du nuclĂ©aire et du gaz dans la taxonomie europĂ©enne, les deux sources d'Ă©nergie se retrouvant dans la mĂȘme catĂ©gorie juridique d'Ă©nergies contribuant Ă la transition sans ĂȘtre Ă proprement parler durables. Les nouveaux projets de centrales nuclĂ©aires devront avoir obtenu un permis de construire avant 2045 (avec une clause de rendez-vous pour la suite). Les travaux permettant de prolonger la durĂ©e de vie des rĂ©acteurs existants, tels que le « grand carĂ©nage » d'EDF, devront avoir Ă©tĂ© autorisĂ©s avant 2040. Le futur rĂšglement doit entrer en vigueur le . Il peut encore, en thĂ©orie, ĂȘtre bloquĂ© si le Conseil ou le Parlement font opposition, mais c'est peu probable. L'Autriche, trĂšs antinuclĂ©aire, a confirmĂ© son intention d'attaquer le texte en justice. Le Luxembourg pourrait suivre. La Commission rĂ©torque qu'elle est « confiante » sur la soliditĂ© juridique de sa dĂ©marche[36].
Les industriels du nuclĂ©aire se fĂ©licitent que « pour la premiĂšre fois, un texte europĂ©en reconnaĂźt le rĂŽle du nuclĂ©aire pour dĂ©carboner l'Ă©conomie », mais sont « trĂšs déçus de voir le nuclĂ©aire toujours classĂ© parmi les technologies de transition ». Les garde-fous spĂ©cifiques imposĂ©s aux investissements dans l'atome pour ĂȘtre qualifiĂ©s de « durables » leur semblent peu rĂ©alistes, en particulier l'obligation d'utiliser, Ă partir de 2025, des combustibles rĂ©sistant Ă des tempĂ©ratures trĂšs Ă©levĂ©es pour tenir le choc en cas d'accident, dits « accident tolerant fuel » : ce type de combustible, produit par Framatome, « est actuellement en test aux Ătats-Unis mais il ne sera pas opĂ©rationnel, ni aux Ătats-Unis ni en Europe, d'ici Ă 2025 ». Par ailleurs, la date limite de 2045 pour toute nouvelle commande risque d'entraver le dĂ©veloppement des petits rĂ©acteurs modulaires (SMR). Mais le texte prĂ©voit des clauses de revoyure tous les trois ans[37].
Relance du programme nucléaire
Le , le prĂ©sident Macron annonce sa dĂ©cision de « prolonger la durĂ©e de vie de tous les rĂ©acteurs nuclĂ©aires [dans la mesure du possible] [âŠ] et lancer dĂšs aujourd'hui un programme de nouveaux rĂ©acteurs », soit six EPR2 dĂšs Ă prĂ©sent et potentiellement huit nouveaux exemplaires dans les annĂ©es Ă venir[38].
Un rapport du syndicat professionnel des entreprises du nuclĂ©aire, le Gifen, Ă©value les besoins de recrutement et formation pour la construction des nouveaux rĂ©acteurs nuclĂ©aires : au total, d'ici Ă dix ans, les effectifs de la filiĂšre nuclĂ©aire (quelque 220.000 emplois aujourd'hui, dont 125.000 emplois directs) pourraient croĂźtre de prĂšs de 25 %. Au total, 60.000 recrutements sont prĂ©vus sur les « mĂ©tiers coeur », dont une moitiĂ© pour rĂ©pondre Ă la croissance d'activitĂ© et une autre moitiĂ© pour rĂ©pondre au renouvellement des dĂ©parts en retraite ou vers d'autres secteurs. En tenant compte des emplois indirects, le besoin est de 100.000 recrutements Ă©quivalent temps plein sur dix ans, avec un pic entre 2027 et 2030, lors du dĂ©marrage de la construction des rĂ©acteurs EPR de Penly. La majeure partie de l'effort d'embauche devra ĂȘtre rĂ©alisĂ©e par les multiples PME et ETI qui travaillent pour le nuclĂ©aire en France[39].
Acteurs de l'industrie nucléaire française
La filiĂšre nuclĂ©aire française rassemble 2 500 entreprises employant en 2015 prĂšs de 220 000 salariĂ©s (emplois directs et indirects) particuliĂšrement qualifiĂ©s et gĂ©nĂšre un chiffre dâaffaires de 50 Mds ⏠dont 14 Mds ⏠de valeur ajoutĂ©e, selon la Direction gĂ©nĂ©rale des entreprises (DGE) du MinistĂšre de l'Ă©conomie et des finances[40]. La filiĂšre nuclĂ©aire est en 2018 la troisiĂšme filiĂšre industrielle française, derriĂšre lâaĂ©ronautique et lâautomobile, avec plus de 2 600 entreprises, dont 80 % de PME et de microentreprises, rĂ©parties sur lâensemble du territoire ; la proportion de cadres est deux fois supĂ©rieure Ă celle de lâindustrie française en gĂ©nĂ©ral. La filiĂšre nuclĂ©aire se positionne au quatriĂšme rang des industries innovantes avec 1,3 milliard dâeuros dâinvestissement par an. PrĂšs de 55 % des entreprises de la filiĂšre mĂšnent des activitĂ©s Ă lâexport, qui reprĂ©sentent en moyenne plus de 16 % de leur chiffre dâaffaires. PrĂšs de 60 % du chiffre dâaffaires Ă lâexport est rĂ©alisĂ© en Europe, 16,6 % en Chine, 7,4 % en Asie (hors Chine) et 7,4 % en AmĂ©rique du Nord[41].
Construction et exploitation
Les principaux acteurs de la filiĂšre nuclĂ©aire française sont Ă©galement des acteurs dâenvergure mondiale[42] :
- EDF, opĂ©rant un parc de 58 rĂ©acteurs en France et de 15 en Grande-Bretagne, est le plus important producteur mondial dâĂ©lectricitĂ© nuclĂ©aire, et avec ses filiales Framatome, TechnicAtome[43] dĂ©tenues avant 2018 par Areva, opĂšre dans la conception et la fourniture des chaudiĂšres ou Ăźlots nuclĂ©aires, ainsi que dans les services aux rĂ©acteurs en exploitation (remplacement de certains composants de lâĂźlot nuclĂ©aire, opĂ©rations en arrĂȘt de tranche). EDF, en tant quâarchitecte-ensemblier de ce parc, et en tant quâexploitant, a accumulĂ© plus de 1 000 annĂ©es-rĂ©acteurs ;
- Orano, avec ses filiales Orano Cycle et Orano Mining est présent dans les étapes du cycle du combustible nucléaire de l'extraction au raffinage, ainsi qu'au recyclage. Orano extrait l'uranium au Niger, au Canada et au Kazakhstan ;
- Alstom est lâun des leaders mondiaux pour les Ăźlots conventionnels des centrales nuclĂ©aires (de type REP et REB). Environ 30 % du parc mondial en exploitation utilise des ensembles turbine-alternateur dĂ©veloppĂ©s par ce groupe ; la branche Ă©nergie d'Alstom a Ă©tĂ© rachetĂ©e en 2014 par General Electric[44] ; en , le français EDF et General Electric s'entendent sur une reprise d'une partie de GE Steam Power (GEAST, ex-Alstom Power Systems), les activitĂ©s de GE Power dans le nuclĂ©aire. EDF va dĂ©bourser environ 175 millions dâeuros pour cette transaction, une fois prises en compte les liquiditĂ©s et dettes de lâactivitĂ© rachetĂ©e. Cette ancienne activitĂ© d'Alstom Power valorisĂ©e Ă un milliard dâeuros, spĂ©cialisĂ©e dans les groupes turbo-alternateurs nuclĂ©aires, notamment Arabelle et les services de maintenance associĂ©s aux rĂ©acteurs dĂ©ployĂ©s[45] - [46] - [47] ;
- Bouygues et Vinci, acteurs mondiaux dans leur spĂ©cialitĂ© de gĂ©nie civil et dâouvrages dâart, sont des partenaires historiques qui ont concouru Ă la rĂ©alisation de lâensemble du parc français au travers des sociĂ©tĂ©s qui ont Ă©tĂ© consolidĂ©es pour former ces deux groupes.
Au-delĂ de ces grands acteurs industriels, on compte environ une vingtaine d'entreprises de taille intermĂ©diaire et plusieurs centaines de PME. Ce rĂ©seau dâentreprises, dont environ 200 spĂ©cialisĂ©es dans le nuclĂ©aire, joue un rĂŽle essentiel.
Par ailleurs, Engie détient et exploite sept centrales nucléaires en Belgique.
EDF a menĂ© l'implantation des centrales sur le territoire en veillant Ă les intĂ©grer dans le tissu humain local. Les sites d'implantation Ă©taient avant la construction des campagnes dĂ©shĂ©ritĂ©es, pour lesquelles les taxes fonciĂšres et professionnelles puis, depuis 2012, lâimposition forfaitaire sur les entreprises de rĂ©seau, versĂ©es au titre des centrales, reprĂ©sentent aujourd'hui une aubaine financiĂšre. Si, au dĂ©but, EDF crĂ©ait pour ses agents des colonies nuclĂ©aires, la sociĂ©tĂ© prĂ©fĂšre aujourd'hui favoriser l'achat de bĂąti ancien. De plus EDF systĂ©matise les subventions et la participation de ses agents aux associations locales. Ainsi, Saint-Vulbas (centrale de Bugey), village d'un peu plus de 1 000 habitants, s'est Ă©quipĂ© d'un palais des congrĂšs et d'un centre aquatique. Dans ces campagnes, oĂč la fermeture des services publics induit des crises d'identitĂ©, les centrales d'EDF, toujours perçues symboliquement comme rattachĂ©es Ă la nation mĂȘme si elles relĂšvent d'un rĂ©gime de droit privĂ©, sont devenues des fiertĂ©s locales, entrant souvent dans les blasons des communes tels que ceux de Braud-et-Saint-Louis ou Paluel, ou encore sur les logos des intercommunalitĂ©s comme celles de lâEssor du Rhin et de Cattenom[48].
Services ministériels
Les questions relatives Ă lâĂ©nergie nuclĂ©aire relĂšvent de plusieurs administrations françaises, en particulier[49] :
- le ministĂšre de la Transition Ă©cologique et solidaire, notamment :
- la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) qui participe à la définition de la politique nucléaire française et assure la tutelle des établissements publics relevant du ministÚre,
- la Direction gĂ©nĂ©rale de la prĂ©vention des risques (DGPR) qui participe Ă l'Ă©laboration et Ă la mise en Ćuvre des politiques relatives Ă la sĂ»retĂ© nuclĂ©aire et Ă la radioprotection,
- le Département de la sécurité nucléaire (DSN) qui est chargé du contrÎle de la sécurité des matiÚres nucléaires civiles, ainsi que des transports et des installations qui leur sont associés, contre les actes de malveillance,
- le ministÚre de l'Europe et des Affaires étrangÚres conçoit la politique extérieure et conduit et coordonne les relations internationales de la France dans le domaine du nucléaire et en particulier en ce qui concerne le contrÎle de la non-prolifération,
- le ministĂšre de lâĂconomie et de Finances,
- le SecrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral des affaires europĂ©ennes, crĂ©Ă© en 2005, instruit et prĂ©pare les positions qui seront exprimĂ©es par la France au sein des institutions de lâUnion europĂ©enne, et en particulier au sein de l'Euratom,
- le ministÚre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation,
- le ministÚre des Armées, notamment :
- le Délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la Défense (DSND), qui assure le contrÎle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection des installations nucléaires de base secrÚtes (INBS),
- la Direction de la protection des installations, moyens et activités de la défense (DPID), qui est notamment chargée de la protection des matiÚres nucléaires attachées à la dissuasion, des transports et des installations qui leur sont associés contre les actes de malveillance.
Autorité administrative indépendante
- lâAutoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire (ASN), crĂ©Ă©e par la loi du relative Ă la transparence et Ă la sĂ©curitĂ© en matiĂšre nuclĂ©aire (dite « loi TSN »). Elle assure, au nom de lâĂtat, le contrĂŽle de la sĂ»retĂ© nuclĂ©aire et de la radioprotection en France pour protĂ©ger les travailleurs, les patients, le public et lâenvironnement des risques liĂ©s aux activitĂ©s nuclĂ©aires. Elle contribue Ă l'information des citoyens. Elle a enfin une activitĂ© importante Ă lâinternational, contribuant Ă lâĂ©laboration et Ă la diffusion des meilleurs principes et pratiques en matiĂšre de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire[50].
Agences et Ă©tablissements publics
- le Commissariat Ă l'Ă©nergie atomique et aux Ă©nergies alternatives (CEA), crĂ©Ă© en 1945, anciennement appelĂ© Commissariat Ă l'Ă©nergie atomique (CEA) et renommĂ© Ă la suite de la loi no 2010-237 de finances rectificatives pour 2010, est un organisme public de recherche. Il exerce ses missions dans trois grands domaines : les Ă©nergies dĂ©carbonĂ©es, les technologies de l'information pour la santĂ©, et la DĂ©fense et la sĂ©curitĂ© globale. Ses recherches dans le domaine de lâĂ©nergie traitent du nuclĂ©aire et des nouvelles technologies de lâĂ©nergie (biomasse, solaire thermique et photovoltaĂŻque, hydrogĂšne et pile Ă combustible, Stockage de l'Ă©nergie). Il conseille par ailleurs le gouvernement en matiĂšre de politique extĂ©rieure dans le domaine nuclĂ©aire[50].
- lâInstitut de radioprotection et de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire (IRSN), crĂ©Ă© en 2001, exerce, selon le dĂ©cret du des missions dâexpertise et de recherche dans le domaine de la protection et le contrĂŽle des matiĂšres nuclĂ©aires. Il apporte en outre son concours technique aux autoritĂ©s de lâĂtat.
- lâAgence nationale pour la gestion des dĂ©chets radioactifs (ANDRA), crĂ©Ă©e en 1991, est chargĂ©e de la gestion Ă long terme des dĂ©chets radioactifs produits en France.
Organes nationaux
- LâOffice parlementaire d'Ă©valuation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), crĂ©Ă© en 1983, a pour mission d'informer le Parlement français des consĂ©quences des choix de caractĂšre scientifique et technologique afin d'Ă©clairer ses dĂ©cisions. Ă cette fin, il recueille des informations, met en Ćuvre des programmes d'Ă©tudes et procĂšde Ă des Ă©valuations.
- La Commission nationale d'évaluation (CNE), créée en 1991, est chargée d'évaluer les résultats des recherches sur la gestion des déchets radioactifs de haute activité à vie longue. Elle produit un rapport annuel.
- Le Haut ComitĂ© pour la transparence et lâinformation sur la sĂ©curitĂ© nuclĂ©aire (HCTISN), crĂ©Ă© en 2006, est une instance indĂ©pendante d'information, de concertation et de dĂ©bat sur les risques liĂ©s aux activitĂ©s nuclĂ©aires.
- LâAssociation nationale des comitĂ©s et commissions locales d'information (ANCCLI), est une association regroupant des Commissions Locales d'Information (CLI) auprĂšs notamment des installations nuclĂ©aires de base et est Ă ce titre une instance reprĂ©sentative de la population.
Organismes professionnels
Le GIIN (Groupe Intersyndical de lâIndustrie NuclĂ©aire), crĂ©Ă© le par les fĂ©dĂ©rations professionnelles nationales, reprĂ©sente les intĂ©rĂȘts des organisations professionnelles et de leurs 450 entreprises adhĂ©rentes (TPE, PME, ETI et grands groupes) intervenant dans le domaine du nuclĂ©aire civil[51].
La SFEN (SociĂ©tĂ© française d'Ă©nergie nuclĂ©aire), fondĂ©e en 1973, est une association scientifique dont lâobjet est de produire et diffuser de la connaissance sur les sciences et techniques du nuclĂ©aire[52].
Le ComitĂ© stratĂ©gique de filiĂšre nuclĂ©aire (CSFN) a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en 2011 par le ministre de lâindustrie, de lâĂ©nergie et de lâĂ©conomie numĂ©rique avec pour mission de consolider les relations et les partenariats entre les diffĂ©rents acteurs de l'industrie nuclĂ©aire française[53].
L'AIFEN (Association des Industriels Français Exportateurs du NuclĂ©aire) a Ă©tĂ© Ă©tablie le par le CSFN pour « soutenir lâĂ©quipe de France du nuclĂ©aire Ă lâinternational »[54].
Sur le modĂšle de lâaĂ©ronautique et de lâautomobile, 24 associations, donneurs dâordre et industriels de la filiĂšre nuclĂ©aire française ont crĂ©Ă©, le , le Groupement des industriels français de lâĂ©nergie nuclĂ©aire, le GIFEN[55].
Production d'électricité
Bilan global en Ă©nergie primaire
Le bilan Ă©nergĂ©tique de la France prĂ©sentant les consommations et production en Ă©nergie primaire, extraite du sol ou issue dâune centrale nuclĂ©aire ou hydraulique, exprimĂ©es en « tonne d'Ă©quivalent pĂ©trole » est donnĂ© dans le tableau ci-aprĂšs. Il s'agit d'une prĂ©sentation conventionnelle qui permet de comparer les Ă©nergies primaires sur la base d'une mĂȘme unitĂ©. En ce qui concerne l'Ă©lectricitĂ©, celle produite par une centrale nuclĂ©aire est comptabilisĂ©e conventionnellement selon la mĂ©thode de « lâĂ©quivalent primaire Ă la production », avec un rendement thĂ©orique de conversion des installations Ă©gal Ă 33 % ; le coefficient de substitution est donc 0,086/0,33 = 0,260 606 tep/MWh. Ainsi les 409,7 TWh d'Ă©lectricitĂ© nuclĂ©aire produits en 2009 Ă©quivalent Ă 106,8 MTep. LâĂ©lectricitĂ© produite par une centrale Ă gĂ©othermie est aussi comptabilisĂ©e selon la mĂȘme mĂ©thode, mais avec un rendement thĂ©orique de conversion des installations Ă©gal Ă 10 % ; le coefficient de substitution est donc 0,086/0,10 =0,86 tep/MWh. Toutes les autres formes dâĂ©lectricitĂ© primaire (production par une centrale hydraulique, Ă©olienne, marĂ©motrice, photovoltaĂŻque, etc. Ă©changes avec lâĂ©tranger) sont comptabilisĂ©es selon la mĂ©thode du « contenu Ă©nergĂ©tique Ă la consommation », avec le coefficient 0,086 tep/MWh[Ă© 2].
Depuis 1973, la consommation d'énergie primaire a connu une augmentation réguliÚre jusqu'en 2000, puis beaucoup plus faible (+ 0,2 % entre 2000 et 2008) et enfin une baisse progressive depuis 2009[é 3]. La production intérieure s'établit en 2016 à 54 % de cette consommation. Le taux d'indépendance énergétique s'est amélioré de 1975 (25 %) à 1995 (55 %), principalement en raison de l'augmentation de la montée en puissance de la production d'électricité nucléaire ; il s'est ensuite stabilisé aux environs de 50 %, puis a progressé jusqu'à 57 % en 2013[é 4].
Au cours de la pĂ©riode de la reconstruction, le dĂ©veloppement Ă©conomique et social de la France a reposĂ© principalement sur le dĂ©ploiement d'industries trĂšs consommatrices en Ă©nergie. Les besoins Ă©nergĂ©tiques en accroissement rapide ont Ă©tĂ© partiellement couverts par le charbon national et des ressources hydroĂ©lectriques. Toutefois, les ressources Ă©nergĂ©tiques fossiles françaises Ă©tant limitĂ©es et coĂ»teuses, le pays Ă©tait fortement tributaire des importations pour son approvisionnement Ă©nergĂ©tique. En 1973, les importations couvraient plus de 75 % de la consommation nationale d'Ă©nergie, comparativement Ă 38 % en 1960. La crise pĂ©troliĂšre des annĂ©es 1970 a conduit le gouvernement français Ă mettre en Ćuvre un important programme Ă©lectronuclĂ©aire, parallĂšlement Ă des mesures d'Ă©conomie d'Ă©nergie, une amĂ©lioration de l'efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique et un effort de recherche et de dĂ©veloppement dans le domaine des Ă©nergies renouvelables[56]. La part du nuclĂ©aire dans l'approvisionnement en Ă©nergie primaire est ainsi passĂ©e de moins de 2 % Ă la fin des annĂ©es 1960 Ă environ un tiers dans le milieu des annĂ©es 1990 et a atteint 41 % en 2016[Ă© 5].
Le taux d'indépendance énergétique, qui compare la production nationale primaire à la consommation primaire (non corrigée du climat) est passé de 23,7 % en 1973 à 54,2 % en 2016.
Bilan énergétique (en Mtep)[56] - [57] - [é 6] | 1973 | 1980 | 1990 | 2000 | 2010 | 2014 | 2015 | 2016 | Ratios | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Consommation d'Ă©nergie primaire | Total | 179,7 | 190 | 228,3 | 269,2 | 268,0 | 245,7 | 249,8 | 245,8 | |
Charbon | 27,8 | 31,1 | 19,2 | 14,2 | 11,5 | 9,3 | 8,8 | 8,6 | 3,5 % | |
PĂ©trole | 121,5 | 107,1 | 88,3 | 95,1 | 81,8 | 71,5 | 72,3 | 69,6 | 28,3 % | |
Gaz naturel | 13,2 | 21,1 | 26,3 | 37,6 | 42,4 | 32,6 | 35,0 | 38,3 | 15,6 % | |
Nucléaire | 7,7 | 22,2 | 83,2 | 108,9 | 111,7 | 113,7 | 114,0 | 105,1 | 42,7 % | |
Renouvelables Ă©lectriques | 6,7 | 7,4 | 7,2 | 7,7 | 3,2 % | |||||
Renouvelables thermiques[n 1] | 9,4 | 8,4 | 11,4 | 13,3 | 16,5 | 16,9 | 18,0 | 20,1 | 8,2 % | |
Exportations d'électricité | -2,6 | -5,8 | -5,5 | -3,6 | -1,5 % | |||||
Production d'Ă©nergie primaire | TOTAL | 43,5 | 52,5 | 5 | 132,5 | 137,4 | 138,8 | 139,8 | 133,1 | |
ĂlectricitĂ© primaire nuclĂ©aire | 3,8 | 16 | 81,7 | 108,2 | 111,7 | 138,8 | 114,0 | 105,1 | 78,9 % | |
ĂlectricitĂ© primaire renouvelable | 4,1 | 6 | 5 | 6,3 | 6,7 | 7,4 | 7,2 | 7,7 | 5,8 % | |
Renouvelables thermiques[n 1] | 9,8 | 8,7 | 10,7 | 12,5 | 16,4 | 16,5 | 17,6 | 19,4 | 14,5 % | |
PĂ©trole | 2,2 | 2,4 | 3,5 | 1,7 | 1,9 | 1,0 | 1,0 | 0,9 | 0,7 % | |
Gaz naturel | 6,3 | 6,3 | 2,5 | 1,5 | 0,6 | 0,01 | 0,02 | 0,02 | 0,02 % | |
Charbon | 17,3 | 13,1 | 7,7 | 2,3 | 0,1 | 0,1 | 0 | 0 | 0 % | |
Taux d'indépendance énergétique | 23,7 % | 27,4 % | 49,7 % | 50,1 % | 51,3 % | 56,5 % | 56,0 % | 54,2 % |
Production d'électricité
La production d'Ă©lectricitĂ© a Ă©tĂ© multipliĂ©e par trois entre 1973 et 2015, essentiellement en raison d'une multiplication par 28 de la production d'Ă©lectricitĂ© d'origine nuclĂ©aire qui est passĂ©e de 14,8 TWh Ă 417 TWh, mais en 2016 elle baisse de 8 %[Ă© 1]. Cette baisse sâexplique par lâarrĂȘt, au second semestre, dâun nombre de rĂ©acteurs plus Ă©levĂ© quâĂ lâaccoutumĂ©e en raison dâopĂ©rations de maintenance et de contrĂŽles renforcĂ©s, exigĂ©s par lâAutoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire[Ă© 7].
ParallÚlement, la production d'électricité des énergies renouvelables augmentent fortement, de 48,1 TWh en 1973 à 94 TWh en 2016, et celle des énergies fossiles recule de plus de moitié avec la fermeture progressive des centrales thermiques à charbon et à fioul[é 1]. Ainsi la part du nucléaire dans l'électricité produite en France reste-t-elle à peu prÚs constante depuis 1990, sauf en 2016.
Production d'électricité (en TWh)[58] - [é 1] | 1973 | 1980 | 1990 | 2000 | 2010 | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | % 2016 | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
ĂlectricitĂ© secondaire | Thermique classique* | 119,5 | 126 | 47,1 | 49,5 | 55,6 | 49 | 33 | 41 | 54 | 10,1 % |
ĂlectricitĂ© primaire | NuclĂ©aire | 14,8 | 61,3 | 314,1 | 415,2 | 428,5 | 404 | 416 | 417 | 384 | 72,0 % |
Hydraulique | 48,1 | 70,7 | 57,4 | 71,1 | 67,5 | 75 | 68 | 59 | 65 | 12,2 % | |
Ăolien | 0,0 | 0,05 | 9,9 | 16 | 17 | 21 | 21 | 3,9 % | |||
photovoltaĂŻque | 0,62 | 5 | 6 | 7 | 8 | 1,5 % | |||||
Total | 182,4 | 258 | 420,8 | 540,0 | 569,1 | 550 | 541 | 546 | 533 | 100 % | |
part du nucléaire | 8,1 % | 23,8 % | 74,6 % | 76,9 % | 75,3 % | 73,5 % | 76,9 % | 76,4 % | 72,0 % |
- La rubrique « Thermique classique » ne comporte pas seulement la production des centrales à combustibles fossiles, mais aussi celle des centrales brûlant de la biomasse et des déchets urbains, qui sont des énergies renouvelables.
L'année 2019 a montré une baisse de la production, par rapport à 2018, de 2 % de la quantité d'électricité produite. Dans cette baisse on observe :
- une diminution de production d'origine nucléaire (-3,5 %), hydraulique (-12,1 %), venant du charbon (-71,9 %) ;
- une augmentation des productions d'origine Ă©olienne (+21,2 %) et solaire (+7,8 %)[59].
Descriptif du parc de centrales électronucléaires
En 2020, la France compte 18 centrales nuclĂ©aires en exploitation pour un total de 56 rĂ©acteurs nuclĂ©aires de puissance et un rĂ©acteur EPR en construction ; la France compte aussi 14 rĂ©acteurs arrĂȘtĂ©s dĂ©finitivement et en cours de dĂ©mantĂšlement[60]. Chacune de ces centrales comprend deux ou quatre rĂ©acteurs, Ă l'exception de la centrale de Gravelines (Nord) qui en comprend six. Ces rĂ©acteurs sont de la filiĂšre Ă eau pressurisĂ©e. Le parc des 56 rĂ©acteurs se rĂ©partit en[61] :
- 32 réacteurs de 900 MWe, dont 4 réacteurs du palier CP0 (Bugey), 18 du CP1 et 10 du CP2. Les paliers CP1 et CP2 sont regroupés sous le vocable CPY ;
- 20 rĂ©acteurs de 1 300 MWe dont 8 du palier P4 et 12 du palier Pâ4 ;
- 4 réacteurs de 1 450 MWe constituant le palier N4 (Chooz et Civaux) ;
soit une puissance totale installée de 61 370 MWe[60].
Un réacteur, dit de génération III, de type REP et baptisé EPR (Evolutionary Power Reactor), est en construction à cÎté des deux réacteurs existants de la centrale nucléaire de Flamanville (Manche).
Les réacteurs de 900 MWe
Les 32 réacteurs opérationnels de 900 MWe se répartissent en 4 réacteurs du palier CP0 Bugey (4), 18 du CP1 (Blayais (4), Dampierre (4), Gravelines (6) et Tricastin (4)) et 10 du CP2 (Chinon (4), Cruas (4) et Saint-Laurent-des-Eaux (2)). Les paliers CP1 et CP2 sont regroupés sous le vocable CPY. Les 4 réacteurs du palier CP0 ont été mis en service en 1978 et 1979[B 2], les 18 réacteurs CP1 entre 1980 et 1985 et les réacteurs CP2 entre 1981 et 1987[62].
Les chaudiĂšres du palier CPY (CP1 et CP2) se distinguent des rĂ©acteurs CP0 par la conception des bĂątiments, la prĂ©sence dâun circuit de refroidissement intermĂ©diaire entre celui permettant lâaspersion dans lâenceinte en cas dâaccident et celui contenant lâeau de la riviĂšre, ainsi que par un pilotage plus souple[63].
Le bùtiment qui abrite de ce type de réacteur est à paroi simple. Il est cylindrique en béton précontraint de 37 m de diamÚtre et d'environ 60 m de hauteur, surmonté d'un dÎme. La paroi cylindrique a une épaisseur de 90 cm et le dÎme une épaisseur de 80 cm. Ce bùtiment a pour fonction de résister aux accidents aussi bien qu'aux agressions externes. Sa surface intérieure est recouverte d'une peau métallique de 6 mm d'épaisseur dont la fonction est d'assurer l'étanchéité[64].
Les réacteurs de 1 300 MWe
Les 20 rĂ©acteurs de 1 300 MW se rĂ©partissant en 8 du « palier P4 » et 12 du « palier Pâ4 ».
Le palier p. 4 est constituĂ© des rĂ©acteurs de Flamanville (2), Paluel (4) et Saint-Alban (2)[65]. Une des principales diffĂ©rences avec les REP 900, outre la puissance accrue, est la double enceinte de confinement du bĂątiment qui abrite le cĆur. La paroi interne a une Ă©paisseur de 1,20 m et la paroi externe 0,55 m[64]. Par ailleurs, du fait de lâaugmentation de puissance, le nombre de gĂ©nĂ©rateurs de vapeur du circuit primaire est portĂ© de trois Ă quatre afin de disposer dâune capacitĂ© de refroidissement plus Ă©levĂ©e que sur les rĂ©acteurs de 900 MWe[63].
Le palier Pâ4 est constituĂ© des rĂ©acteurs de Belleville (2), Cattenom (4), Golfech (2), Nogent (2) et Penly (2). Les diffĂ©rences avec le palier p. 4 sont faibles. Elles concernent essentiellement le bĂątiment du combustible et la conception de certains circuits[63].
Les réacteurs de 1 450 MWe
Les quatre réacteurs de 1 450 MWe constituant le palier N4 sont situés à Chooz B (2) et à Civaux (2).
Accidents et incidents
Date | Lieu | Description | Coût (en millions de dollars américains 2006) |
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Saint-Laurent, France | 50 kg d'uranium dans l'un des rĂ©acteurs de la centrale nuclĂ©aire de Saint-Laurent a commencĂ© Ă fondre, un Ă©vĂ©nement classĂ© au « niveau 4 » sur le Ăchelle internationale des Ă©vĂ©nements nuclĂ©aires (INES)[68]. En , cela reste le plus grave accident nuclĂ©aire civil en France[69]. | ? | |
Saclay, France | Déversement de liquides radioactifs dans les égouts conçus pour les déchets ordinaires, qui s'infiltrent dans le bassin versant local au réacteur de Saclay BL3 | 5 | |
Loir-et-Cher, France | Un systĂšme de refroidissement dĂ©fectueux fusionne les Ă©lĂ©ments combustibles ensemble au rĂ©acteur A2 de Saint-Laurent, ruinant l'assemblage combustible et forçant Ă un arrĂȘt prolongĂ© | 22 | |
Bugey, France | CĂąbles Ă©lectriques dĂ©fectueux au centre de commandement de la centrale nuclĂ©aire du Bugey et la force Ă un arrĂȘt complet d'un rĂ©acteur | 2 | |
Normandie, France | Dysfonctionnements à l'usine de retraitement de la Hague et expose les travailleurs à des niveaux dangereux de radiation et cinq personnes sont hospitalisées | 5 | |
Tricastin, France | Fuites de liquide de refroidissement, de sodium et hexachlorure uranium, dans le surgénérateur du Tricastin, blessant sept travailleurs et contaminant les réserves d'eau | 50 | |
Blayais, France | Une trĂšs forte tempĂȘte cause l'Inondation de la centrale nuclĂ©aire du Blayais en 1999, forçant un arrĂȘt d'urgence aprĂšs que les pompes d'injection et des systĂšmes de confinement sont noyĂ©s par les eaux | 55 | |
Manche, France | Les systĂšmes de contrĂŽle et les soupapes de sĂ©curitĂ© Ă©chouent aprĂšs une mauvaise installation des condenseurs, forçant un arrĂȘt de deux mois | 102 | |
Lorraine, France | Des cùbles électriques non standard à la centrale nucléaire de Cattenom causent un incendie dans un tunnel électrique, endommageant la sécurité des systÚmes | 12 | |
Tricastin, France | 75 kg d'uranium naturel, en solution dans plusieurs milliers de litres, sont accidentellement déversés sur le sol et ruissellent dans une riviÚre proche | 7 | |
Gravelines, France | Le systĂšme d'assemblage n'arrive pas Ă Ă©jecter correctement les barres de combustible irradiĂ© Ă la centrale nuclĂ©aire de Gravelines, ce qui bloque les barres de combustible, le rĂ©acteur est mis Ă l'arrĂȘt | 2 | |
Marcoule, France | Une personne a été tuée et quatre autres blessés, dont un griÚvement, dans une explosion au site nucléaire de Marcoule. L'explosion a eu lieu dans un four permettant de fondre des déchets de «faible à trÚs faible» teneur radioactive, selon un porte-parole de l'autorité de sûreté et déclare que cela ne représentent pas un accident nucléaire | ? | |
Campagnes de Greenpeace sur des allégations de failles dans la sécurité nucléaire
Greenpeace, alerte depuis plusieurs années[70] sur les risques liés à la sécurité nucléaire dans les centrales françaises, notamment ceux qui pourraient découler d'attaques extérieures.
Le , un « rapport d'experts » mandatĂ©s par l'organisation, qui les prĂ©sente comme « indĂ©pendants », mettant en cause la sĂ©curitĂ© des installations nuclĂ©aires françaises et belges, a Ă©tĂ© remis aux autoritĂ©s. Il affirme que les centrales seraient vulnĂ©rables face aux risques d'attaques extĂ©rieures, en particulier certaines installations telles que les piscines d'entreposage des combustibles nuclĂ©aires usĂ©s[71]. Le directeur gĂ©nĂ©ral de lâInstitut de radioprotection et de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire (IRSN) relativise la portĂ©e du rapport de Greenpeace France sur la sĂ©curitĂ© des centrales nuclĂ©aires françaises, qui selon lui nâapporte rien de nouveau Ă la rĂ©flexion sur le renforcement de la sĂ©curitĂ© des installations nuclĂ©aires[72]. Selon la SFEN, les auteurs du rapport ne sont aucunement des experts de la sĂ©curitĂ© nuclĂ©aire. Ils ne sont pas reconnus par leurs pairs sur le sujet et nâont pas publiĂ© de travaux dans ce domaine[73].
Plusieurs militants de lâassociation Ă©cologiste Greenpeace ont rĂ©ussi Ă pĂ©nĂ©trer Ă l'intĂ©rieur de lâenceinte de la centrale nuclĂ©aire de Cattenom, en Lorraine[74]. Sur place, ils ont allumĂ© un feu dâartifice pour dĂ©noncer le manque de sĂ©curitĂ©. Les militants ont Ă©tĂ© interceptĂ©s par les gendarmes avant d'avoir pu atteindre la zone nuclĂ©aire[75]. Greenpeace a renouvelĂ© cette opĂ©ration le Ă la centrale de Cruas-Meysse, toujours sans parvenir Ă atteindre la zone nuclĂ©aire ; lâAutoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire (ASN), organisme indĂ©pendant, et EDF ont assurĂ© que cette intrusion nâavait « aucun impact sur la sĂ»retĂ© » des installations ; selon la SFEN, il ne s'agit que d'opĂ©rations de communication : ces militants nâont jamais pu pĂ©nĂ©trer dans la zone nuclĂ©aire des sites de centrales nuclĂ©aires, malgrĂ© de nombreuses tentatives ; Greenpeace nâa donc rien rĂ©ussi Ă prouver[73].
Sûreté
Le , est dĂ©posĂ©e au SĂ©nat une proposition de loi visant à « renforcer la sĂ»retĂ© » et « la transparence financiĂšre » du secteur nuclĂ©aire, dans le contexte d'un parc de centrales vieillissant et de dĂ©rive des coĂ»ts. Elle fait suite aux travaux de la dĂ©putĂ©e ex-LREM Ămilie Cariou qui prĂŽne notamment le renforcement de l'action de l'AutoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire et une meilleure maitrise des coĂ»ts de maintenance[76] - [77].
Vieillissement des centrales françaises
De nombreux composants mobiles (pompes, vannes, etc.) subissent une usure mĂ©canique. Leur usure et le risque de dĂ©faillance sont plus ou moins facilement diagnostiquĂ©s. En cas de problĂšme, ils sont remplacĂ©s. D'autres Ă©lĂ©ments non mobiles, tels que le bĂ©ton, les tuyauteries enterrĂ©es ou noyĂ©es dans le bĂ©ton, les soudures et les tubes, sont soumis Ă diverses contraintes et Ă un vieillissement qui peut ĂȘtre accĂ©lĂ©rĂ© par la radioactivitĂ©, la pression, la prĂ©sence d'acide, de sel, de chlore, les hautes tempĂ©ratures[78] ou par la combinaison de plusieurs de ces facteurs. Dans certains pays (au Japon notamment), des contraintes sismiques ajoutent leurs effets au vieillissement normal des composantes d'une centrale.
« Un des problĂšmes majeurs rencontrĂ©s lors du vieillissement des rĂ©acteurs Ă eau pressurisĂ©e est la fissuration de composants en alliage 600 (tubes de gĂ©nĂ©rateur de vapeur, traversĂ©es de fond de cuve, adaptateur, piquage) ainsi que des soudures attenantes, liĂ©e Ă la formation dâun film d'oxyde Ă la surface de l'alliage ». Cette formation d'oxydes, parfois liĂ©e Ă des biofilms, peut inhiber les Ă©changes thermiques et accĂ©lĂ©rer la corrosion. Peuvent ainsi apparaĂźtre des fissures dites de « corrosion sous contrainte »[79], ou CSC, Ă laquelle l'alliage 600, de formule NiCr15Fe et trĂšs utilisĂ© dans le nuclĂ©aire, est par exemple sensible Ă partir de quelques centaines de degrĂ©s, ce pourquoi il a Ă©tĂ© remplacĂ© dans les nouvelles centrales en France par l'alliage 690 (NiCr30Fe) traitĂ© thermiquement, jugĂ© insensible Ă la CSC en milieu primaire, et en Allemagne par l'alliage 800 base Fe. Ces phĂ©nomĂšnes peuvent gĂ©nĂ©rer divers contraintes Ă lâinterface alliage/oxyde voire contribuer Ă dĂ©former certaines de ces interfaces, de maniĂšre diffĂ©rentiĂ©e selon les mĂ©taux en prĂ©sence, la nature physicochimique de la couche d'oxyde et son Ă©paisseur[78]. De nombreux programmes de suivi, dâentretien et de recherche ont permis d'allonger la durĂ©e de vie des centrales nuclĂ©aires, qui font l'objet d'une implication croissante des rĂ©gions oĂč elles sont implantĂ©es[80]. Le temps moyen d'indisponibilitĂ© d'un rĂ©acteur en France pour arrĂȘt technique Ă©tait en 2018 de 87,6 jours par an, dont l'essentiel est constituĂ© d'arrĂȘts programmĂ©s pour rechargement en combustible et pour maintenance[81].
En mai 2022, 28 rĂ©acteurs sur 56 exploitables se trouvent simultanĂ©ment Ă l'arrĂȘt. Douze d'entre eux le sont de maniĂšre non programmĂ©e (et pour une durĂ©e indĂ©terminĂ©e) en raison de la dĂ©couverte de micro-fissures, symptĂŽme d'un phĂ©nomĂšne de corrosion[82] - [83], tandis que les autres sont en arrĂȘt programmĂ©.
Les réacteurs du futur
DCNS dĂ©veloppe depuis 2008, en partenariat avec AREVA, le CEA et EDF, le projet Flexblue, un concept de petit rĂ©acteur modulaire (de 50 Ă 250 MW) immergĂ©, dĂ©rivĂ© de la technique des sous-marins nuclĂ©aires, dont le premier exemplaire devait ĂȘtre mis en service en 2017[84] - [85].
Depuis 2018 et l'abandon du projet Flexblue, le CEA, TechnicAtome et Naval Group ont lancé des études pour la construction d'un prototype de petit réacteur modulaire dénommé NUWARD[86].
En , l'Office parlementaire d'Ă©valuation des choix scientifiques et technologiques appelle le gouvernement à « un sursaut de la recherche dans le nuclĂ©aire ». Il estime que l'abandon du projet Astrid de rĂ©acteur Ă neutrons rapides « sĂšme le doute sur les intentions de la France dans le nuclĂ©aire Ă long terme. Elle risque d'ĂȘtre perçue comme un partenaire peu fiable en matiĂšre de R & D. De plus, les pays souhaitant acheter des centrales nuclĂ©aires en s'appuyant sur des fournisseurs pĂ©rennes pourraient s'interroger sur les intentions de la France ». LancĂ© par le CEA en 2010, Astrid a pour but de « fermer le cycle du combustible » en recyclant comme combustible l'uranium appauvri et le plutonium produits par les rĂ©acteurs existants, permettant ainsi de rĂ©duire la quantitĂ© de dĂ©chets nuclĂ©aires sur le territoire. L'arrĂȘt du programme Astrid mi-2019, ajournĂ© « Ă la fin du siĂšcle », risque, selon ValĂ©rie Faudon (SociĂ©tĂ© française d'Ă©nergie nuclĂ©aire), « d'entamer le leadership français Ă l'international alors que la Russie, la Chine et les Ătats-Unis poussent justement leurs feux dans ces technologies »[87].
Ăvolution possible du coĂ»t de l'Ă©nergie nuclĂ©aire en France
Le coĂ»t du nuclĂ©aire a Ă©tĂ© Ă©valuĂ© par le gouvernement, pour la vente de l'Ă©lectricitĂ© issue du nuclĂ©aire aux concurrents d'EDF (loi NOME), Ă 42 euros le mĂ©gawattheure au , et il passerait Ă 54,2 euros en incluant les travaux de sĂ©curisation post-Fukushima selon des rapports du SĂ©nat[88] et de la Cour des comptes[89]. Il pourrait mĂȘme, selon le sĂ©nateur Ă©cologiste Jean Dessessard, atteindre 75 euros le mĂ©gawattheure en rĂ©Ă©valuant les coĂ»ts de dĂ©mantĂšlement et en ajoutant les coĂ»ts des assurances couvrant les cas de catastrophe[90] - [91]. En , le prĂ©sident de l'AutoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire, dĂ©signe par ailleurs un « contexte de sĂ©curitĂ© prĂ©occupant », compte tenu d'un budget de maintenance insuffisant[92].
Quels que soient les mix Ă©nergĂ©tiques choisis, les investissements d'EDF dans les annĂ©es Ă venir seront importants[93], s'Ă©levant selon la Cour des Comptes Ă 110 milliards[94] d'euros d'ici 2033, y compris les investissements dans les rĂ©seaux[95] ; le rapporteur Ă©cologiste de la commission du sĂ©nat sur « le coĂ»t de l'Ă©lectricitĂ© en France » les Ă©valuait Ă 400 milliards entre 2012 et 2032, mais le groupe UMP de la commission n'a pas avalisĂ© cette estimation du rapporteur[96]. Les investissements Ă venir s'Ă©lĂšveraient selon la Cour des Comptes Ă 79 milliards d'euros et seraient donc infĂ©rieurs Ă ceux de la construction des centrales (annĂ©es 1970 Ă 1990), qui ont atteint 170 milliards d'euros hors rĂ©seaux[97]. En particulier, le projet de « grand carĂ©nage » est un chantier de maintenance d'EDF dont l'objectif est de faire passer la durĂ©e moyenne de vie des centrales de 40 Ă 60 ans. Son coĂ»t se situerait entre 55 et 100 milliards d'euros[98]. Il est en partie incompatible avec l'engagement du prĂ©sident François Hollande de rĂ©duire Ă 50 %, d'ici 2025, la part de l'Ă©nergie nuclĂ©aire dans le mix Ă©nergĂ©tique. En effet, avec ce projet, la part de l'Ă©nergie nuclĂ©aire, Ă consommation Ă©gale d'Ă©lectricitĂ©, resterait Ă peu prĂšs constante entre 2016 et 2036. GrĂące Ă la prolongation de la durĂ©e de vie des centrales permise par ce projet, le coĂ»t Ă©conomique complet du parc nuclĂ©aire existant, incluant l'investissement initial consenti dans la construction et le Grand CarĂ©nage, s'Ă©tablira selon EDF Ă environ 55 âŹ/MWh en moyenne, coĂ»t qui serait proche de ceux des moyens de production les plus compĂ©titifs[99] - [100] - [101]. Cette estimation du coĂ»t comptable de rĂ©acteurs dĂ©jĂ amortis est, bien Ă©videmment, infĂ©rieure Ă celles fournies, pour le LCOE (coĂ»t actualisĂ© de lâĂ©nergie) d'un rĂ©acteur neuf aux Ătats-Unis, par la Banque Lazard[102], par l'Energy Information Administration[103] ou par le World Nuclear Industry Status Report (en) de Mycle Schneider[104] - [105].
Le coût du programme de « grand carénage » destiné à allonger la durée de vie des centrales nucléaires de vingt ans et à intégrer les enseignements de Fukushima s'élÚve selon EDF à 51 milliards d'euros[106] soit 2,5 milliards d'euros par année de production gagnée pour 75 % de la production d'électricité française ; en comparaison, les surcoûts supportés par les consommateurs d'énergie du fait des éoliennes et du solaire sont évalués par la Commission de régulation de l'énergie à 3,7 milliards par an en 2016[107] pour 5,5 % de la production d'électricité française[108].
Le document de rĂ©fĂ©rence 2016 d'EDF annonce que les travaux dâoptimisation conduits en 2015 et 2016 ont permis de rĂ©viser Ă la baisse lâenveloppe initiale du programme de grand carĂ©nage Ă 45 milliards dâeuros 2013 (soit 48 milliards dâeuros courants) sur la pĂ©riode 2014-2025[109].
Selon Dominique MiniĂšre, directeur exĂ©cutif chargĂ© de la direction du parc nuclĂ©aire et thermique d'EDF, le coĂ»t « cash » (sorties de trĂ©sorerie) de production du parc nuclĂ©aire français s'Ă©tablit en 2017 Ă 32 âŹ/MWh (euros par mĂ©gawattheure) en tenant compte du « grand carĂ©nage » et qu'il redescendrait progressivement Ă moins de 30 âŹ/MWh[110]. Ce coĂ»t comptable est trĂšs Ă©loignĂ© du coĂ»t actualisĂ© Ă©valuĂ© par l'Ademe en 2017 entre 50 âŹ/MWh (nuclĂ©aire ancien) et 100 âŹ/MWh (EPR)[111].
En 2017, l'Ătat investit directement 3 milliards dans le capital d'EDF[112] - [113] et 4,5 dans celui d'Areva[114].
Coût du démantÚlement
Le coĂ»t moyen de dĂ©mantĂšlement d'une centrale est Ă©valuĂ© au niveau mondial entre 2 et 4 milliards d'euros[115] - [116]. La Cour des comptes Ă©valuait en 2013 le coĂ»t du dĂ©mantĂšlement des installations nuclĂ©aires, de la gestion des combustibles usĂ©s et des dĂ©chets nuclĂ©aires Ă 87,2 milliards d'euros, dont plus des trois quarts pour EDF ; pour justifier un coĂ»t de dĂ©mantĂšlement plus bas que celui de ses voisins europĂ©ens (1 milliard d'euros prĂ©vu pour 4 rĂ©acteurs de 900 mĂ©gawatts), EDF Ă©voque l'« effet de sĂ©rie » du parc actuel, largement standardisĂ©[117]. La loi du sur la gestion durable des matiĂšres et des dĂ©chets radioactifs a imposĂ© aux exploitants d'installations nuclĂ©aires la constitution progressive de provisions pour dĂ©mantĂšlement, gestion des combustibles usĂ©s et des dĂ©chets nuclĂ©aires, et le placement de ces provisions dans des portefeuilles d'actifs destinĂ©s au financement futur de ces dĂ©penses[118] - [119]. Fin 2015, les provisions pour dĂ©construction dĂ©jĂ constituĂ©es par EDF atteignaient 14 930 MâŹ[120]. Selon un rapport parlementaire[121] - [122] de la Mission dâinformation relative Ă la faisabilitĂ© technique et financiĂšre du dĂ©mantĂšlement des installations nuclĂ©aires de base, qui a rendu ses conclusions en , « le coĂ»t du dĂ©mantĂšlement du parc nuclĂ©aire :français serait sous-estimĂ© ». EDF n'aurait pas pris en compte « le paiement des taxes et des assurances, ni la dĂ©contamination des sols »[123]. EDF prĂ©cise que les montants provisionnĂ©s pour la dĂ©construction des centrales nuclĂ©aires, les derniers cĆurs et la gestion Ă long terme des dĂ©chets radioactifs s'Ă©lĂšvent Ă 22,2 milliards d'euros au , sommes placĂ©es dans des actifs dĂ©diĂ©s. Ces provisions pour dĂ©construction ont fait l'objet d'un audit commanditĂ© par le MinistĂšre de l'Environnement, de l'Ănergie et de la Mer, publiĂ© en , qui conforte globalement l'estimation faite par EDF du coĂ»t de dĂ©mantĂšlement de son parc nuclĂ©aire[124].
Un arrĂȘtĂ© publiĂ© au Journal officiel du modifie le calcul du taux d'actualisation utilisĂ© pour fixer le montant des provisions pour le dĂ©mantĂšlement ; aux conditions Ă©conomiques de 2018, la nouvelle formule obligerait EDF Ă augmenter de plusieurs milliards d'euros ses provisions, mais cette modification est Ă©talĂ©e sur dix ans[125] ; le surcroĂźt de provisions pour dĂ©mantĂšlement atteindrait 2 milliards d'euros sur 2017 et 2018 pour EDF et d'environ 400 millions d'euros pour Areva[126]. Cependant cette rĂ©vision ne suffira pas Ă compenser l'Ă©cart entre la provision retenue par EDF pour le dĂ©mantĂšlement d'un rĂ©acteur (350 millions d'euros) et celle retenue, dans des contextes trĂšs diffĂ©rents, par les autres exploitants europĂ©ens (comprise entre 0,9 et 1,3 milliard d'euros)[127].
Le coût du démantÚlement de la centrale accidentée de Fukushima, plus celui de la décontamination du site, pourrait atteindre entre 180 et 570 milliards d'euros, selon les estimations[128].
Impact sur la facture d'électricité des consommateurs
Les coĂ»ts de maintenance importants des centrales nuclĂ©aires expliquent en partie l'augmentation de la facture d'Ă©lectricitĂ© pour les particuliers de 37 Ă 42 %, en France, entre 2006 et 2016[129], et donnent rĂ©guliĂšrement lieu a des demandes d'augmentation des tarifs d'EDF, fixĂ©s par le gouvernement[130], mais environ le tiers de ces augmentations provient de l'augmentation de la Contribution au service public de l'Ă©lectricitĂ© (CSPE) de 4,5 âŹ/MWh en 2006 Ă 22,5 âŹ/MWh en 2016, soit +18 âŹ/MWh, dont 60 %[131] Ă 80 %[n 2] destinĂ©s Ă compenser les surcoĂ»ts des Ă©nergies renouvelables[132] ; la CSPE reprĂ©sente 16 % de la facture moyenne du consommateur en 2016[133]. Un rapport parlementaire[134] de la commission des finances de l'AssemblĂ©e nationale relevait par ailleurs en une situation financiĂšre dĂ©licate pour EDF[135] - [136]. La commission d'enquĂȘte du sĂ©nat sur le « coĂ»t rĂ©el de l'Ă©lectricitĂ© » prĂ©voyait en 2012 une augmentation de l'ordre de 50 % entre 2012 et 2020 de la facture d'Ă©lectricitĂ© des particuliers, dans laquelle la composante fourniture (production) augmenterait de 34 % et reprĂ©senterait 45 % du total en 2020 ; les composantes TURPE (rĂ©seau) et CSPE (surcoĂ»ts des EnR) augmenteraient de 100 % et 158 % respectivement[88].
Projet Hinkley Point
L'investissement dans les rĂ©acteurs EPR d'Hinkley Point a Ă©tĂ© jugĂ© trop risquĂ© dans les circonstances de 2016 par l'ancien directeur financier d'EDF ainsi que par la Cour des Comptes ; leur production serait vendue 116 euros par mĂ©gawattheure[137] - [138], alors que le prix de gros de l'Ă©lectricitĂ© est en 2016 infĂ©rieur Ă 40 âŹ/MWh, en France et en Allemagne[139]. Selon EDF, la rentabilitĂ© aprĂšs impĂŽts de cet investissement sur 70 ans a Ă©tĂ© estimĂ©e initialement Ă 9 % ; elle ne peut pas ĂȘtre Ă©valuĂ©e sur la base d'un prix de marchĂ© Ă court terme[140]. Un calcul de rentabilitĂ© sur une pĂ©riode de 70 ans est toujours contestable, car il repose sur des hypothĂšses fragiles, compte tenu de l'innovation technologique. Ainsi en , un premier report de la livraison au-delĂ de 2025 est envisagĂ©[141], tandis qu'un surcoĂ»t de 2 milliards d'euros Ă©tait envisagĂ©[142]. En un nouveau surcout de l'ordre de 3 milliards d'euros est annoncĂ©[143].
Chantier de Flamanville
En 2019, le démarrage du réacteur EPR de la centrale nucléaire de Flamanville est annoncé pour 2023, tandis que le coût du chantier a été ré-évalué à plus de 12,4 milliards d'euros au lieu des 3,3 milliards prévus initialement[144] - [145] - [146].
Ă l'Ă©tĂ© 2017, l'ASN a autorisĂ© une Ă©ventuelle mise en service malgrĂ© des anomalies initialement dĂ©tectĂ©es sur la cuve[147] - [148]. Ă titre de comparaison, le coĂ»t de construction (en euros par kilowatt-heure) de l'EPR de Flamanville serait le double de celui des rĂ©acteurs construits en Chine et comparable Ă celui du rĂ©acteur AP1000 en construction aux Ătats-Unis[149]. Cependant, en 2017, la construction de deux rĂ©acteurs AP 1000 Ă la Centrale nuclĂ©aire de Virgil Summer, dĂ©marrĂ©e depuis 2012, est stoppĂ©e, en raison d'une rentabilitĂ© aprĂšs coup jugĂ©e insuffisante. La derniĂšre estimation Ă©valuait en effet Ă 23 milliards de dollars le coĂ»t de construction de la centrale[150].
Combustible MOX
L'intĂ©rĂȘt Ă©conomique du Mox est discutĂ©. Une commission d'enquĂȘte du Parlement français sur les coĂ»ts du nuclĂ©aire conclut en 2014 qu'elle a une grande difficultĂ© Ă Ă©valuer l'intĂ©rĂȘt Ă©conomique du Mox par rapport au simple stockage des dĂ©chets, mais que dans le meilleur des cas « il ne revenait pas plus cher de stocker directement le combustible usĂ© que de le retraiter »[151]. Le retraitement-recyclage « permet une Ă©conomie en matiĂšres premiĂšres, telle que la plupart des industries cherchent Ă en rĂ©aliser, et contribue Ă limiter les importations dâEDF ». Ăvaluer la rentabilitĂ© Ă©conomique du Mox implique aussi de prendre en compte les externalitĂ©s induites par une gestion des dĂ©chets plus complexe[151] et, selon Global Chance, des risques supĂ©rieurs Ă la filiĂšre classique[152], ainsi que, selon l'Institute for Energy and Environmental Research, des risques de prolifĂ©ration nuclĂ©aire[153] - [151]. Areva est depuis 2011 le seul producteur mondial de Mox[154] en attendant l'Ă©ventuelle construction d'une usine de retraitement et de recyclage prĂ©vue en Chine par CNNC (lettre d'intention signĂ©e avec Areva en 2013)[155] et concrĂ©tisĂ©e par la signature d'un accord en [156]. Un rapport gouvernemental interne britannique[157] conclut par ailleurs en 2013 que le Mox n'a pas prouvĂ© sa rentabilitĂ© Ă l'Ă©chelle d'une dĂ©cennie Ă l'usine de Sellafield. Le recyclage des dĂ©chets nuclĂ©aires, autrefois rĂ©alisĂ© par l'usine d'extraction du plutonium de Marcoule arrĂȘtĂ©e en 1998, est effectuĂ© Ă l'usine de retraitement de la Hague. D'aprĂšs un rapport, datĂ© de 2012, de l'Andra, si le projet de rĂ©duction de la part du nuclĂ©aire Ă 50 % Ă©tait poursuivi Ă l'horizon 2025 (engagement du prĂ©sident Hollande), la production de plutonium devrait s'ajuster Ă la consommation de Mox, ce qui impliquerait un arrĂȘt du retraitement du plutonium Ă l'usine de la Hague vers 2018-2019[158]. Cependant, le retraitement Ă©tait encore en activitĂ© en [159]. Ă l'Ă©tĂ© 2016[160], la Programmation pluriannuelle de l'Ă©nergie ne mentionnait cependant pas de dĂ©cision sur le projet de construction du rĂ©acteur Astrid. Celui-ci est par ailleurs Ă©troitement liĂ© Ă au domaine militaire par sa capacitĂ© Ă produire du plutonium 239[161] - [162]. L'accord signĂ© en 2011[163] entre le parti socialiste et Europe Ăcologie Les Verts sur la reconversion Ă partir de 2017 de la filiĂšre Mox, n'a donnĂ© lieu Ă aucune dĂ©cision pratique. En 2019, le projet du rĂ©acteur Astrid est abandonnĂ© par le CEA « au moins jusqu'Ă la deuxiĂšme moitiĂ© du siĂšcle » ; la solution alternative proposĂ©e par la Programmation pluriannuelle de l'Ă©nergie est de travailler sur le multi-recyclage du combustible Mox[164]. En , le journal Le Monde rĂ©vĂšle que le gouvernement d'Ădouard Philippe a adressĂ© une « feuille de route au prĂ©sident d'EDF pour la construction de six nouveaux Epr dans les quinze prochaines annĂ©es »[165]. Cette dĂ©cision relancerait la filiĂšre Mox par le choix d'un rĂ©acteur qui a Ă©tĂ© conçu de façon Ă pouvoir fonctionner avec 100 % de Mox[166], Ă la diffĂ©rence des rĂ©acteurs des prĂ©cĂ©dentes gĂ©nĂ©rations qui n'Ă©taient autorisĂ©s (pour 24 rĂ©acteurs en 2014) Ă utiliser qu'au plus 30 % de combustible Mox[167].
Applications militaires
Cycle du combustible
Cycle fermé avec retraitement
Le cycle du combustible nucléaire comprend l'extraction du minerai, la concentration en uranium, la conversion, l'enrichissement, la fabrication du combustible, son irradiation en réacteur, puis son recyclage éventuel et enfin la gestion des déchets[C 1].
Ce cycle peut ĂȘtre ouvert, le combustible usĂ© aprĂšs irradiation dans les rĂ©acteurs ne subit aucun traitement et est dirigĂ© vers des lieux stockages de conception variable selon les pays, comme câest le cas pour la SuĂšde ou les Ătats-Unis. Il peut ĂȘtre fermĂ©, le combustible usĂ© subit un traitement dans des usines spĂ©cialisĂ©es pour permettre la rĂ©cupĂ©ration du plutonium et de l'uranium de retraitement et son Ă©ventuelle rĂ©utilisation, les dĂ©chets ultimes Ă©tant stockĂ©s dĂ©finitivement sur des sites spĂ©cialisĂ©s[C 2].
La France a choisi le cycle fermĂ© avec retraitement, Ă lâinstar du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la Russie et du Japon[C 2].
La matiĂšre recyclable constitue 96 % des combustibles usĂ©s : l'uranium de retraitement (URT), obtenu aprĂšs sĂ©paration du combustible usĂ© dans l'usine de retraitement de La Hague, est utilisĂ© pour fabriquer un nouveau combustible nuclĂ©aire, lâuranium de retraitement enrichi (URE) ; le plutonium, mĂ©langĂ© avec de l'uranium de retraitement issu de l'Ă©tape d'enrichissement, est quant Ă lui recyclĂ© en combustible MOX (Mixed oxyde fuel) neuf. Ce nouveau combustible est alors utilisĂ© dans les centrales nuclĂ©aires qui acceptent ce type de combustible[168].
Sur les annĂ©es 2007 Ă 2009, 8 100 tonnes dâUranium naturel ont Ă©tĂ© enrichies pour obtenir 1 033 tonnes dâuranium enrichi, qui ont permis de fabriquer le combustible alimentant les 59 rĂ©acteurs français (58 aujourdâhui), et 7 330 tonnes dâuranium appauvri. AprĂšs irradiation, 1 170 tonnes de combustible usĂ© ont Ă©tĂ© dĂ©chargĂ©es en moyenne par an des rĂ©acteurs. 37 tonnes d'uranium enrichi aprĂšs retraitement (URE) et 8,5 de Plutonium rĂ©cupĂ©rĂ© ont pu permettre de fabriquer 45,5 tonnes de combustible neuf[C 3]. Ainsi, le taux de recyclage est de 3,9 %, ce qui est relativement faible par rapport aux 96 % recyclables[169].
Si on ajoute les 91,5 tonnes dâuranium appauvri rĂ©utilisĂ©s pour fabriquer du Mox, on obtient 137 tonnes dâuranium Ă©conomisĂ©es. Le taux dâuranium Ă©conomisĂ© est donc de prĂšs de 12 % ; selon le HCTISN, ce taux devait passer de 12 % Ă 17 % Ă partir de 2010[C 4].
Cycle amont
Le cycle du combustible nucléaire en France, est l'ensemble des opérations destinées à fournir du combustible aux réacteurs nucléaires français puis à gérer le combustible irradié. Ces opérations comprennent : l'extraction du minerai, la concentration en uranium, la conversion, l'enrichissement, la fabrication du combustible, son irradiation en réacteur, puis son recyclage et enfin la gestion des déchets.
En France, les parties amont et aval du cycle sont assurées par les entreprises du groupe Areva.
L'industrie de l'extraction miniÚre d'uranium en France s'est fortement développée dans les années 1980, avec des sites comme Saint-Pierre ou Jouac. AprÚs l'épuisement des gisements, la mine de Jouac est la derniÚre à fermer en [170]. à partir de 2001, l'intégralité des 8 000 à 9 000 tonnes d'uranium naturel[171] nécessaires chaque année est importée de pays dont l'Australie (mine d'Olympic Dam par exemple), le Canada (McClean Lake, McArthur River, Cigar Lake), le Kazakhstan (mine ISR) et le Niger (mine d'Arlit notamment)[172]).
AprÚs la fermeture de la derniÚre mine française en 2001, quelques tonnes d'uranium sont encore produites annuellement jusqu'en 2011, par traitement des résines issues des eaux d'exhaure de l'ancienne mine de LodÚve, dans le sud de la France.
Le minerai est ensuite converti dans l'usine de Malvesi, dans l'Aude, puis enrichi dans l'usine Georges-Besse II sur le site nucléaire du Tricastin. Les assemblages pour réacteurs sont fabriqués par les entreprises FBFC sur le site nucléaire de Romans pour le combustible normal et par Melox sur le site nucléaire de Marcoule pour le Mox, un combustible composé d'uranium et de plutonium.
- L'uranium en provenance des mines étrangÚres arrive dans le port du Havre puis est transféré à l'usine Comurhex de Malvési pour conversion en UF4.
- Le tétraflurorure d'uranium (UF4) produit par l'usine Comurhex de Malvési est transformé en hexafluorure d'uranium (UF6) dans l'usine Comurhex de Pierrelatte.
- Le matériau UF6 est enrichi dans l'usine d'enrichissement Georges-Besse du Tricastin (DrÎme).
- L'uranium enrichi est transféré dans l'usine FBFC de Romans pour y fabriquer des assemblages de combustible UO2 et dans l'usine Melox de Marcoule pour produire du Mox.
Irradiation
Les assemblages de combustibles sont irradiĂ©s dans les diffĂ©rents rĂ©acteurs civils ou militaires pour produire de l'Ă©lectricitĂ© ou des rĂ©acteurs de recherches pour produire diffĂ©rents isotopes destinĂ©s aux secteurs industriels et mĂ©dicaux. L'isotope uranium 238 fertile reprĂ©sente au dĂ©part 96,7 % du total. Lors de l'irradiation, il se transforme en partie par capture d'un neutron thermique en uranium 239 instable qui donne par Ă©mission du neptunium de pĂ©riode trĂšs courte et qui par le mĂȘme processus se transforme en plutonium 239[173].
Les assemblages restent dans le cĆur des diffĂ©rents rĂ©acteurs environ trois ans. Au fur et Ă mesure de sa combustion, le combustible s'appauvrit en Ă©lĂ©ments fissiles tandis qu'il s'enrichit en produits de fission, dont certains jouent le rĂŽle de poison et ralentissent les rĂ©actions de fission. Au bout des trois annĂ©es, il devient nĂ©cessaire de remplacer le combustible usĂ© par du neuf. Pour Ă©viter un arrĂȘt trop long du rĂ©acteur, l'opĂ©ration de renouvellement n'est pas rĂ©alisĂ©e en une seule fois mais chaque annĂ©e par tiers[174].
Cycle aval
Au bout de trois ans d'irradiation, le combustible s'est transformĂ© avec l'apparition de plutonium, de produits de fission et d'actinides mineurs. Il reste en outre Ă peu prĂšs 1 % d'isotope 235 fissile, plus que dans l'uranium naturel (0,7 %) et il peut ĂȘtre intĂ©ressant dâenrichir cet uranium usĂ© afin de le recycler.
AprĂšs un dĂ©pĂŽt dâune annĂ©e dans une piscine de dĂ©sactivation du site nuclĂ©aire producteur dâĂ©lectricitĂ©, les assemblages sont ainsi transportĂ©s Ă lâusine de retraitement de La Hague, dans la Manche, afin que lâensemble des radionuclĂ©ides valorisables soient sĂ©parĂ©s des autres Ă©lĂ©ments qui sont traitĂ©s en tant que dĂ©chets. Cette opĂ©ration est entreprise aprĂšs une nouvelle pĂ©riode dâentreposage en piscine dâune durĂ©e de trois Ă cinq ans afin de permettre une dĂ©croissance de la radioactivitĂ©.
Les piscines qui stockent temporairement les assemblages usagĂ©s (sur les sites des centrales et Ă La Hague) pourraient ĂȘtre saturĂ©es entre 2025 et 2035. EDF prĂ©pare donc la crĂ©ation d'un nouveau site, et a dĂ©posĂ© un dossier sur les grandes options de sĂ»retĂ© de ce futur site auprĂšs de l'AutoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire, qui demande notamment que l'enceinte de la piscine puisse rĂ©sister Ă une chute d'avion, comme celle de l'EPR en construction Ă Flamanville. Le site envisagĂ© serait celui de la centrale de Belleville. Il serait destinĂ© au stockage des combustibles MOX. la demande d'autorisation de crĂ©ation pourrait ĂȘtre dĂ©posĂ©e d'ici 2020, aprĂšs quoi la construction de la piscine et sa mise en service progressive prendrait une dizaine d'annĂ©es. Elle aurait une durĂ©e d'exploitation de 50 Ă 60 ans[175].
850 tonnes d'assemblages sont traitées chaque année. Un tiers de l'uranium récupéré à La Hague (soit 280 tonnes par an) est réenrichi en uranium 235 permettant la production annuelle de 35 tonnes d'uranium de retraitement enrichi (URE). Plutonium et uranium de retraitements sont ensuite envoyés à l'usine Melox pour fabriquer du Mox qui sera exploité dans une des 22 centrales habilitées.
Au , 1 150 969 m3 de déchets étaient stockés sur les différents sites, dont 2 293 m3 de déchets de haute activité. Le centre de stockage de Morvilliers, dans l'Aube, recueille les déchets de trÚs faible activité (TFA), celui de Soulaines, situé à proximité, accepte les déchets de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC). Ceux à vie longue et ceux à haute activité (HA) seront admis dans ces sites profonds qui seront définis avant 2015.
Le , EDF a communiquĂ© aux autoritĂ©s de contrĂŽle ses prĂ©visions dâĂ©volution du cycle pour la pĂ©riode 2007-2017 sur la base de quatre scĂ©narios. LâASN a demandĂ© le quâune Ă©tude complĂ©mentaire soit rĂ©alisĂ©e sous un an, prenant en compte les enseignements de lâaccident nuclĂ©aire de Fukushima, notamment en ce qui concerne les capacitĂ©s de stockage des piscines de dĂ©sactivation et une rĂ©vision Ă la baisse de la production annuelle.
Les capacités de stockage de l'usine de retraitement de la Hague deviennent insuffisantes pour pouvoir accueillir de nouveaux combustibles nucléaires à traiter entre 2030 et 2034[176].
- Les assemblages de combustible UO2 ou Mox fabriquĂ©s Ă Romans ou Ă Marcoule sont acheminĂ©s dans les centrales nuclĂ©aires françaises pour y ĂȘtre irradiĂ©s.
- Les assemblages irradiĂ©s sont acheminĂ©s dans l'usine de retraitement de la Hague pour y ĂȘtre retraitĂ©s ou entreposĂ©s temporairement.
- Les déchets de faible et moyenne activité sont acheminés vers le Centre de stockage de l'Aube. L'uranium de retraitement est réutilisé pour fabriquer du combustible.
Exportation
Israël
La France signe le , un an aprÚs la crise de Suez, un accord secret avec Israël, portant sur la construction d'un réacteur dans la centrale de Dimona[177], faite en dehors du régime de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA)[177]. Afin de préserver le secret, le gouvernement français raconte aux officiers des douanes que les piÚces exportées serviront à construire une usine de dessalement d'eau de mer en Amérique latine[177].
Westinghouse cĂšde sa licence (1974)
En 1974, la société américaine Westinghouse cÚde sa licence à Framatome concernant les réacteurs nucléaires à eau pressurisée (REP), que la France a exportée par la suite.
Afrique du Sud
En 1974, un consortium d'entreprises françaises, composé de Spie Batignolles pour le génie civil, d'Alsthom pour l'ßlot conventionnel et de Framatome commence la construction de la centrale de Koeberg, doté de réacteur à eau pressurisée (REP) et d'une licence Westinghouse[178]. La centrale a été mise en service en 1984 et 1985, soulevant un tollé international du fait de l'embargo qui frappait le régime d'apartheid.
Moyen-Orient dans les années 1970-1980
La France a signé, par la main de Jacques Chirac, un accord de coopération nucléaire avec l'Irak le , qui devait aboutir à la construction de la centrale d'Osirak[179].
Dans le mĂȘme temps, la France signe des accords avec l'Iran. Georges Besse fonde le consortium international Eurodif en 1973, qui inclut la France, la Belgique, l'Italie, l'Espagne et la SuĂšde. La SuĂšde se retire rapidement du jeu, et Eurodif se tourne alors vers TĂ©hĂ©ran, qui devient actionnaire d'Eurodif.
L'accord franco-iranien du prĂ©voit la vente par la France de cinq centrales atomiques amĂ©ricaines (licence Framatome); l'approvisionnement de l'Iran en uranium enrichi ; la construction par TechnicAtome d'un centre nuclĂ©aire comportant trois rĂ©acteurs de recherche; l'exploitation en commun des gisements d'uranium qui pourraient ĂȘtre dĂ©couverts en Iran et celle de gisements dans des pays tiers; la formation des scientifiques iraniens, ainsi que « l'accĂšs de l'Iran Ă l'industrie de l'enrichissement de l'uranium »[180].
Le Commissariat Ă l'Ă©nergie atomique (CEA) français et l'Organisation iranienne Ă l'Ă©nergie atomique ont alors fondĂ© la Sofidif (SociĂ©tĂ© francoâiranienne pour lâenrichissement de lâuranium par diffusion gazeuse), possĂ©dant respectivement 60 % et 40 % des parts. En retour, la Sofidif a acquis une part de 25 % dans Eurodif, ce qui donnait Ă l'Iran une minoritĂ© de blocage dans Eurodif. Le reste des 75 % d'Eurodif Ă©taient rĂ©partis entre le CEA (27,8 % des parts[181]), et trois actionnaires minoritaires (l'Italie, l'Espagne, la Belgique[181]).
En tant qu'actionnaire, l'Iran avait un droit d'enlĂšvement sur 10 % de l'uranium enrichi par Eurodif[182].
à la suite de la Révolution islamique de 1979, Paris refusa d'honorer ses engagements, empoisonnant ainsi les relations avec Téhéran (voir Eurodif pour des détails sur le contentieux franco-iranien), jusqu'à la signature d'un accord en 1991.
Chine depuis les années 1980
Areva collabore en outre depuis les annĂ©es 1980 avec la rĂ©publique populaire de Chine, oĂč elle a aidĂ© Ă la construction de neuf rĂ©acteurs nuclĂ©aires. Elle a perdu un marchĂ©, en 2007, au profit de sa rivale Westinghouse, dĂ©tenue par Toshiba, mais en a remportĂ© un autre, d'une valeur de 8 milliards d'euros, signĂ© avec China Guangdong Nuclear Power Company en pour la construction des deux rĂ©acteurs nuclĂ©aires de technologie EPR de la centrale nuclĂ©aire de Taishan.
Ătats-Unis dans les annĂ©es 2000
En 2005, Areva et Constellation Energy, lâun des principaux Ă©lectriciens amĂ©ricains, ont crĂ©Ă© la coentreprise Unistar Nuclear (en), qui a pour mission de promouvoir et commercialiser la technologie EPR aux Ătats-Unis. En 2006, Unistar a annoncĂ© un accord entre Areva et BWX Technologies (en), acteur amĂ©ricain de l'industrie nuclĂ©aire, pour la fabrication de composants pour lâUS EPR.
Libye dans les années 2000
Le président Nicolas Sarkozy a signé un accord de coopération nucléaire avec la Libye lors de sa visite du , qui était lié à l'affaire des infirmiÚres bulgares[183] - [184].
L'ĂlysĂ©e affirmait que les centrales nuclĂ©aires vendues devaient servir Ă la dĂ©salinisation de l'eau de mer[185], mais cela a Ă©tĂ© mis en doute par Le Monde[186].
Le Parisien, citant Philippe Delaune, un responsable du CEA, a par la suite écrit que l'accord concernait en fait les réacteurs EPR de 3e génération, et que le contrat portait sur un montant de trois milliards de dollars[187].
Areva a cependant démenti les informations du Parisien[188]. Nicolas Sarkozy a aussi nié tout contrat de la sorte[189] - [190].
Le site internet Bakchich s'est nĂ©anmoins procurĂ© le mĂ©morandum secret de . L'article 1 affirme que lâun des objectifs de l'accord franco-libyen est dâ« encourager les institutions et entreprises industrielles des deux pays Ă mettre en Ćuvre des projets communs ». Mais aussi dâ« autoriser les institutions et entreprises industrielles des deux pays Ă Ćuvrer conjointement en vue de la rĂ©alisation de projets de production dâĂ©nergie nuclĂ©aire et de dessalement de lâeau, ainsi que des projets de dĂ©veloppement liĂ©s Ă lâutilisation pacifique de lâĂ©nergie atomique »[191].
SuĂšde
En , Areva a remporté deux contrats portant sur la modernisation de la tranche 2 de la centrale d'Oskarshamn et l'extension de la durée de vie de la tranche 4 de la centrale de Ringhals[192].
Inde
à la suite de l'accord signé en par le groupe des fournisseurs nucléaires avec l'Inde[193], un accord de coopération entre l'Inde et la France a été signé[194], conduisant en retour à la signature d'un contrat entre Areva et Nuclear Power Corp of India Ltd (NPCIL), portant sur deux réacteurs de 1 650 mégawatts (MW) de type EPR[195] pour la centrale nucléaire de Jaitapur.
Finlande
Le est signé par un consortium mené par Areva le contrat de fourniture d'un EPR pour la centrale nucléaire d'Olkiluoto de l'électricien finlandais TVO. AprÚs de multiples retards et le rÚglement final en des contentieux entre TVO et Areva, la mise en service de ce réacteur est prévue pour 2019.
Royaume-Uni
Le projet de construction de deux réacteurs EPR à la centrale nucléaire de Hinkley Point a été lancé en 2012 ; la décision définitive a été votée le par le conseil d'administration d'EDF et le gouvernement britannique a donné son accord final le ; EDF prévoit en que la premiÚre tranche serait mise en service en 2025.
Outre Hinkley Point, deux autres accords ont Ă©tĂ© conclus en 2015 : Ă Sizewell, sur la cĂŽte est de lâAngleterre, deux rĂ©acteurs EPR sont prĂ©vus ; EDF prendra 80 % de ce projet et le chinois CGN 20 %. Ă Bradwell, Ă lâest de Londres, CGN prendra 66,5 % des parts et EDF 33,5 %, et cette centrale utilisera la technologie chinoise Hualong, pour la premiĂšre fois en Occident[196].
Notes et références
Notes
- biomasse : bois + déchets végétaux et animaux
- Augmentation des charges de service public constatĂ©es : 7035 - 1574 = 5 461 M⏠; augmentation des charges dĂ©coulant des contrats d'achat des Ă©nergies renouvelables : 4425 - 111 = 4314 MâŹ, d'oĂč part des EnR dans l'augmentation de la CSPE : 4314/5461 = 79 % ; ce calcul nĂ©glige les EnR dans les ZNI, qui augmenterait encore la part des EnR.
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Voir aussi
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Vidéographie
- Inauguration officielle de la premiĂšre pile atomique française au Fort de ChĂątillon, sur le site de lâINA.
- Histoire des essais nuclĂ©aires français : du dĂ©sert de la soif Ă lâĂźle du grand secret : Partie 1, Partie 2, Partie 3 et Partie 4