Petit réacteur modulaire
Un petit rĂ©acteur modulaire (PRM) (en anglais : small modular reactor, abrĂ©gĂ© en SMR) est un rĂ©acteur nuclĂ©aire Ă fission, de taille et puissance plus faibles que celles des rĂ©acteurs conventionnels, fabriquĂ© en usine et transportĂ© sur le site d'implantation pour y ĂȘtre installĂ©. Les rĂ©acteurs modulaires permettent de rĂ©duire les travaux sur site, d'accroĂźtre l'efficacitĂ© du confinement et la sĂ»retĂ© des matĂ©riaux nuclĂ©aires. Les PRM (d'une puissance de 10 Ă 300 MW) sont proposĂ©s comme une alternative Ă moindre coĂ»t, ou comme complĂ©ment, aux rĂ©acteurs nuclĂ©aires conventionnels. Ils sont destinĂ©s surtout Ă l'alimentation Ă©lectrique de sites isolĂ©s ou de navires. Ils peuvent ĂȘtre adaptĂ©s Ă la cogĂ©nĂ©ration ou trigĂ©nĂ©ration (production combinĂ©e de chaleur et l'Ă©lectricitĂ© et mouvement) et utilisĂ©s pour des rĂ©seaux de chauffage urbain, le dessalement de l'eau de mer, la production d'hydrogĂšne, la fourniture de chaleur pour des procĂ©dĂ©s industriels, le raffinage d'hydrocarbures ou la propulsion navale, civile ou militaire.
Fin 2018, ils sont dĂ©jĂ utilisĂ©s par les militaires (sous-marins, porte-avions) ou en Russie pour quelques brise-glaces. Une cinquantaine de projets ou concepts de PRM Ă©taient Ă l'Ă©tude ou en cours de dĂ©veloppement (environ 100 MWe par projet en moyenne)[1], allant de versions rĂ©duites de modĂšles existants de rĂ©acteurs nuclĂ©aires, jusqu'Ă des concepts innovants relevant entiĂšrement de la gĂ©nĂ©ration IV, aussi bien de type rĂ©acteur Ă neutrons thermiques que de type rĂ©acteur Ă neutrons rapides. Les pays les plus actifs dans ce domaine sont la Russie et les Ătats-Unis.
Avantages et utilisations potentielles
Les spécificités des cahiers de charges des projets SMR ont été dictées par l'observation des problÚmes rencontrés par les projets de réacteurs en cours ; ce sont[2] :
- une taille/puissance plus modeste que celle des rĂ©acteurs existants : 10 Ă 100 MW dans la plupart des cas, et au maximum 300 MW, contre 900 Ă 1 700 MW, pour rĂ©duire les coĂ»ts (principal obstacle rencontrĂ© par les projets nuclĂ©aires de nombreux pays) ; et pour adapter la solution nuclĂ©aire Ă des sites isolĂ©s, souffrant habituellement d'un manque de main-dâĆuvre qualifiĂ©e et de coĂ»ts Ă©levĂ©s de livraison ;
- un caractÚre modulaire standardisé, diminuant les coûts et les délais de livraison, par l'industrialisation des composants et du montage ; une adaptation progressive de la puissance de la centrale à l'évolution des besoins est alors possible par ajout de modules supplémentaires ;
- un confinement plus aisĂ©, grĂące Ă l'intĂ©gration des composants dans un volume rĂ©duit et hermĂ©tiquement clos, pour rĂ©duire les risques de prolifĂ©ration et permettre une gestion rĂ©duite au strict minimum ; certains PRM sont conçus pour ĂȘtre immergĂ©s dans une piscine et/ou construits en souterrain pour accroĂźtre leur sĂ©curitĂ© ;
- une fabrication et un assemblage possible dans une usine spĂ©ciale, avant envoi sur le site oĂč ils peuvent ĂȘtre installĂ©s plus facilement qu'un rĂ©acteur classique ;
- une forme de souplesse, dans la mesure oĂč il n'est pas nĂ©cessairement connectĂ© Ă un vaste rĂ©seau Ă©lectrique, et peut ĂȘtre combinĂ©s avec d'autres modules s'il faut produire plus d'Ă©lectricitĂ©.
Selon les points de vue et ce qu'on en fera, ces PRM augmenteront ou réduiront le risque de prolifération nucléaire (ils pourraient les exacerber s'ils sont diffusés en grand nombre et dans des sites isolés).
Certains PRM peuvent utiliser des combustibles innovants permettant des taux plus élevés de burnup et des cycles de vie plus long (appréciables dans les lieux isolés, souvent peu accessibles). En allongeant les intervalles de rechargement, on réduit les risques de prolifération et la probabilité que des radiations échappent au confinement.
Des PRM alimentent déjà des navires et sous-marins et selon leurs promoteurs pourraient un jour alimenter des installations de production : par exemple, épuration des eaux ou mines.
Les PRM peuvent fournir des solutions pour des sites isolés présentant des difficultés à trouver des sources d'énergie bas carbone fiables et économiquement performantes[3] - [4].
Les centrales nuclĂ©aires Ă©lectrogĂšnes de plus grande puissance sont en gĂ©nĂ©ral prĂ©vues pour un fonctionnement en base et peu souples en termes de variation de puissance. Les PRM Ă©tant prĂ©vus pour des sites isolĂ©s connectĂ©s Ă des rĂ©seaux Ă©lectriques peu dĂ©veloppĂ©s, ils devront ĂȘtre mieux adaptĂ©s au suivi de charge[5].
Une solution pour faciliter cette adaptation entre consommation et production est la cogĂ©nĂ©ration, ainsi lors des creux de consommation dâĂ©lectricitĂ©, les surplus d'Ă©nergie peuvent ĂȘtre utilisĂ©s pour la production de chaleur pour l'industrie, le chauffage urbain, le dessalement d'eau de mer ou la production d'hydrogĂšne, afin de faciliter le suivi de charge[6].
Du fait du possible manque de personnel qualifiĂ© disponible dans les zones isolĂ©es, les SMR doivent ĂȘtre intrinsĂšquement sĂ»rs. Les PRM sont conçus pour utiliser des dispositifs de sĂ»retĂ© « passive » ; le fonctionnement de tels systĂšmes ne dĂ©pend que de phĂ©nomĂšnes physiques tels que la convection, la gravitĂ© ou la rĂ©sistance aux tempĂ©ratures Ă©levĂ©es (par exemple une soupape de sĂ©curitĂ© qui sâouvre en cas de pression Ă©levĂ©e, un systĂšme fusible qui fond sous lâeffet de la chaleur ou une rĂ©serve dâeau de refroidissement placĂ©e en hauteur pour bĂ©nĂ©ficier de lâeffet de la gravitĂ©), ils sont agencĂ©s de façon Ă fonctionner sans aucune intervention extĂ©rieure. Ces dispositifs de sĂ»retĂ© passive ne requiĂšrent donc aucune intervention humaine, ni piĂšce mobile motorisĂ©e (pompe ou vanne) pour fonctionner de maniĂšre prolongĂ©e (fonction du temps nĂ©cessaire pour une intervention humaine extĂ©rieure)[7] - [8].
Fonctionnement
Les concepts de PRM sont trĂšs variĂ©s ; certains sont des versions simplifiĂ©es des rĂ©acteurs existants, d'autres mettent en Ćuvre des technologies entiĂšrement nouvelles[9]. Tous utilisent la fission nuclĂ©aire. Lorsqu'un noyau atomique instable tel que 235U absorbe un neutron supplĂ©mentaire, l'atome se divise (fissionne), libĂ©rant une grande quantitĂ© d'Ă©nergie sous forme de chaleur et de radiations. L'atome fissionnĂ© libĂšre Ă©galement des neutrons, qui peuvent ensuite ĂȘtre absorbĂ©s par d'autres noyaux instables, produisant une rĂ©action en chaĂźne. Une chaĂźne de fissions entretenue est nĂ©cessaire pour produire de l'Ă©nergie nuclĂ©aire. Les concepts de PRM comprennent des rĂ©acteurs Ă neutrons thermiques et rĂ©acteurs Ă neutrons rapides.
Un rĂ©acteur Ă neutrons thermiques nĂ©cessite un modĂ©rateur pour ralentir les neutrons et utilise en gĂ©nĂ©ral l'235U comme matĂ©riau fissile. La plupart des rĂ©acteurs nuclĂ©aires en fonctionnement sont de ce type. Les rĂ©acteurs Ă neutrons rapides n'utilisent pas de modĂ©rateur pour ralentir les neutrons, par consĂ©quent ils nĂ©cessitent un combustible nuclĂ©aire capable d'absorber les neutrons se dĂ©plaçant Ă grande vitesse. Ceci implique habituellement de changer la disposition du combustible Ă l'intĂ©rieur du cĆur, ou d'utiliser des types diffĂ©rents de combustible : 239Pu est plus apte Ă absorber un neutron rapide que 235U.
L'avantage majeur des rĂ©acteurs Ă neutrons rapides est qu'ils peuvent ĂȘtre conçus de façon Ă ĂȘtre surgĂ©nĂ©rateurs. Lorsque ces rĂ©acteurs produisent de l'Ă©lectricitĂ©, ils Ă©mettent suffisamment de neutrons pour transmuter des Ă©lĂ©ments non fissiles en Ă©lĂ©ments fissiles. L'usage le plus commun pour un surgĂ©nĂ©rateur est d'entourer le cĆur d'une « couverture » de 238U, qui est l'isotope le plus courant de l'uranium. Lorsque l'238U subit une capture de neutron, il se transforme en 239Pu, qui peut ĂȘtre retirĂ© du rĂ©acteur lors des arrĂȘts pour rechargement, et utilisĂ© Ă nouveau comme combustible aprĂšs nettoyage[10].
Fluide caloporteur
Au début du XXIe siÚcle, la plupart des réacteurs utilisent l'eau comme fluide caloporteur. De nouveaux concepts de réacteurs sont en expérimentation avec différents types de caloporteurs :
- des rĂ©acteurs refroidis par du mĂ©tal liquide, tels que le rĂ©acteur rapide refroidi au sodium, ont Ă©tĂ© expĂ©rimentĂ©s aux Ătats-Unis, en France (PhĂ©nix et SuperphĂ©nix), en Russie et en Chine ;
- le réacteur refroidi au gaz et le réacteur à sels fondus sont envisagés comme options pour un fonctionnement à trÚs haute température[11] - [12].
Production thermique/Ă©lectrique
Traditionnellement, les réacteurs nucléaires utilisent une boucle à fluide caloporteur pour produire de la vapeur à partir d'eau, et cette vapeur actionne des turbines pour produire l'électricité. Certains nouveaux concepts de réacteurs refroidis au gaz sont conçus pour actionner une turbine à gaz, plutÎt que d'utiliser un circuit secondaire d'eau.
L'Ă©nergie thermique produite par les rĂ©acteurs nuclĂ©aires peut aussi ĂȘtre utilisĂ©e directement, sans conversion en Ă©lectricitĂ©, pour la production d'hydrogĂšne, le dessalement d'eau de mer, ou la production de produits pĂ©troliers (extraction de pĂ©trole du sable bitumineux, fabrication de pĂ©trole synthĂ©tique Ă partir de charbon, etc.)[13].
Recrutement
Les développeurs de PRM affirment souvent que leurs projets vont nécessiter moins de personnel pour le fonctionnement des réacteurs à cause de l'utilisation accrue de systÚmes à sûreté inhérente et passive. Certains de ces réacteurs, tels que le Toshiba 4S, sont conçus pour fonctionner avec peu de supervision[14].
Suivi de charge
Les centrales nuclĂ©aires ont Ă©tĂ© gĂ©nĂ©ralement mises en Ćuvre pour couvrir la base de la demande d'Ă©lectricitĂ©[15].
Certaines centrales nuclĂ©aires (en particulier en France) ont la possibilitĂ© de faire varier leur puissance (suivi de charge) entre 20 % et 100 % de leur puissance nominale. Par rapport Ă l'insertion de barres de commande ou Ă des mesures comparables pour rĂ©duire la production, une alternative plus efficace pourrait ĂȘtre le « suivi de charge par cogĂ©nĂ©ration », c'est-Ă -dire le dĂ©tournement de l'excĂ©dent de puissance par rapport Ă la demande d'Ă©lectricitĂ© vers un systĂšme auxiliaire. Un systĂšme appropriĂ© de cogĂ©nĂ©ration nĂ©cessite :
- une demande d'électricité et/ou de chaleur dans la plage de 500 à 1 500 MWth ;
- l'accÚs à des ressources adéquates pour fonctionner ;
- une flexibilitĂ© suffisante : la cogĂ©nĂ©ration peut fonctionner Ă pleine charge pendant la nuit quand la demande d'Ă©lectricitĂ© est basse, et ĂȘtre arrĂȘtĂ©e pendant la journĂ©e.
Du point de vue économique, il est essentiel que l'investissement dans le systÚme auxiliaire soit profitable. Le chauffage urbain, le dessalement et la production d'hydrogÚne ont été proposés comme des options techniquement et économiquement réalisables[15]. Les PRM peuvent fournir une solution idéale de suivi de charge utilisé pour le dessalement pendant la nuit[16].
Réduction des déchets
De nombreux PRM sont des rĂ©acteurs Ă neutrons rapides qui sont conçus de façon Ă atteindre des taux Ă©levĂ©s d'utilisation du combustible, rĂ©duisant la quantitĂ© de dĂ©chets produite. Avec une Ă©nergie des neutrons plus Ă©levĂ©e, plus de produits de fission peuvent habituellement ĂȘtre tolĂ©rĂ©s.
Certains PRM sont aussi des réacteurs surgénérateurs, qui non seulement « brûlent » des combustibles tels que 235U, mais aussi convertissent en combustible fissile[10] des matériaux fertiles comme 238U, qui est présent dans la nature à une concentration beaucoup plus élevée que celle de 235U.
Certains réacteurs sont conçus pour fonctionner en utilisant la solution alternative du cycle du thorium, qui offre une radiotoxicité à long terme des déchets significativement réduite en comparaison du cycle de l'uranium[17].
Le concept de rĂ©acteur Ă onde progressive a suscitĂ© un certain intĂ©rĂȘt ; ce nouveau type de surgĂ©nĂ©rateur utilise le combustible fissile qu'il a crĂ©Ă© par transmutation d'isotopes fertiles. Cette idĂ©e Ă©liminerait le besoin de dĂ©charger le combustible usĂ© et de le retraiter avant de le rĂ©utiliser comme combustible[18].
Dispositifs de sécurité
DĂšs lors qu'il existe plusieurs concepts diffĂ©rents de PRM, il existe Ă©galement plusieurs dispositifs de sĂ©curitĂ© diffĂ©rents qui peuvent ĂȘtre mis en Ćuvre.
Les systĂšmes de refroidissement peuvent utiliser la circulation naturelle (convection), ce qui permet de se passer de pompes, de piĂšces mobiles qui pourraient tomber en panne, et ils continuent Ă Ă©vacuer la chaleur de dĂ©sintĂ©gration aprĂšs l'arrĂȘt du rĂ©acteur, si bien que le cĆur ne risque pas de se surchauffer et de fondre.
Un coefficient de vide négatif dans les modérateurs et les combustibles conserve sous contrÎle les réactions de fission en les ralentissant lorsque la température augmente[19].
Certains concepts de PRM utilisent, pour accroßtre la sécurité, un placement souterrain des réacteurs et des piscines de stockage des combustibles usés.
Des rĂ©acteurs plus petits seraient plus faciles Ă moderniser rapidement, requiĂšrent moins de main-dâĆuvre permanente et ont de meilleurs contrĂŽle de qualitĂ©[20].
Aspects Ă©conomiques
Un facteur clé des PRM est l'économie d'échelle, en comparaison avec les réacteurs de grande taille, qui découle de la possibilité de les préfabriquer dans une usine de fabrication. Cependant, le cout d'une telle usine est important et son amortissement nécessiterait, selon certains experts, une commande significative estimée à 40-70 unités [21].
Un autre avantage économique des PRM est que le coût initial de construction d'une centrale composée de PRM est trÚs inférieur à celui de la construction d'une centrale de grande taille, beaucoup plus complexe et non-modulaire. Ceci fait des PRM, pour les producteurs d'électricité, un investissement à plus faible risque que les autres centrales nucléaires[22].
Marché
à la fin de 2020, au moins 72 concepts de PRM sont en développement, soit 40 % de plus qu'en 2018. Environ la moitié sont basés sur des technologies de réacteur à eau légÚre et l'autre moitié sur des concepts de réacteur de 4e génération. L'Agence pour l'énergie nucléaire de l'OCDE estimait en 2016 que la puissance des PRM construits jusqu'en 2035 pourrait totaliser jusqu'à 21 GW, soit environ 9 % du marché des centrales nucléaires sur la période 2020-2035 et 3 % de la puissance installée nucléaire en 2035. Le National Nuclear Laboratory britannique prévoyait en 2014 jusqu'à 65 GW en 2035[23].
Processus d'autorisation
Une barriÚre majeure est le processus d'autorisation, historiquement développé pour les réacteurs de grande taille, qui entrave le simple déploiement de plusieurs unités identiques dans différents pays[24]. En particulier le processus américain de la Nuclear Regulatory Commission (NRC) pour l'octroi de licences s'est concentré principalement sur les grands réacteurs commerciaux. Les spécifications de design et de sûreté, les besoins en personnel et les redevances de licence ont tous été dimensionnés pour les réacteurs à eau légÚre de puissance supérieure à 700 MWe ; des études sont en cours pour définir un cadre réglementaire adapté aux projets de petite taille, à leur production en série et à la diversité des concepts[25].
Quatre projets de loi étaient en discussion en 2017 au CongrÚs américain pour soutenir le développement de nouveaux designs de réacteurs nucléaires et pour charger la NRC d'établir un cadre de procédures d'autorisation pour les réacteurs nucléaires[26].
La NRC a reçu plusieurs dossiers de « pré-application » pour des PRM et un dossier de demande de certification du design (pour le projet NuScale)[27].
Le projet de Nuscale est le premier Ă avoir obtenu, fin , une autorisation de la NRC validant le design de sa technologie ; la procĂ©dure administrative a durĂ© quatre ans et coĂ»tĂ© 500 millions de dollars (environ 421 millions dâeuros)[28].
En mars 2022, l'Agence internationale de l'énergie atomique lance l'« Initiative pour l'harmonisation et la standardisation nucléaire » (Nuclear Harmonization and Standardization Initiative - NHSI) mobilisant responsables politiques, régulateurs, concepteurs, vendeurs et exploitants pour développer des approches communes en matiÚre réglementaire et industrielle afin d'accélérer le déploiement des SMR[29].
Non-prolifération
La prolifĂ©ration nuclĂ©aire, ou d'une façon gĂ©nĂ©rale le risque d'utilisation de matĂ©riaux nuclĂ©aires Ă des fins militaires, est un sujet majeur pour les concepteurs de petits rĂ©acteurs modulaires. Comme les PRM ont une puissance rĂ©duite et sont physiquement petits, ils ont vocation Ă ĂȘtre dĂ©ployĂ©s dans des lieux bien plus divers que les centrales nuclĂ©aires existantes : plus de sites dans les pays disposant dĂ©jĂ de centrales nuclĂ©aires, et dans des pays qui n'en avaient pas encore. Il est aussi prĂ©vu que les sites PRM auront des effectifs de personnel beaucoup moins Ă©levĂ©s que les centrales nuclĂ©aires existantes. La protection physique et la sĂ»retĂ© deviennent donc un dĂ©fi accru qui pourrait augmenter les risques de prolifĂ©ration[30] - [31].
Nombre de PRM sont conçus pour amoindrir le danger de vol ou de perte de matĂ©riaux. Le combustible nuclĂ©aire peut ĂȘtre de l'uranium faiblement enrichi, avec une concentration de moins de 20 % d'isotope fissile 235U. Cette faible quantitĂ© d'uranium non-militaire rend le combustible moins dĂ©sirable pour la production d'armes. AprĂšs que le combustible a Ă©tĂ© irradiĂ©, les produits de fission mĂȘlĂ©s avec les matĂ©riaux fissiles sont hautement radioactifs et nĂ©cessitent un traitement spĂ©cial pour les extraire de façon sĂ»re, autre caractĂ©ristique non-prolifĂ©rante.
Certains concepts de PRM sont conçus pour avoir un cĆur de durĂ©e de vie Ă©gale Ă celle du rĂ©acteur, si bien que ces SMR n'ont pas besoin de rechargement. Ceci amĂ©liore la rĂ©sistance Ă la prolifĂ©ration car aucune manipulation de combustible nuclĂ©aire sur site n'est requise. Mais cela signifie aussi que le rĂ©acteur contiendra de grandes quantitĂ©s de matĂ©riau fissile pour maintenir une longue durĂ©e de vie, ce qui pourrait en faire une cible attractive pour la prolifĂ©ration. Un PRM Ă eau lĂ©gĂšre de 200 MWe avec un cĆur de 30 ans de durĂ©e de vie pourrait contenir environ 2,5 tonnes de plutonium vers la fin de sa durĂ©e de fonctionnement[31].
Des réacteurs à eau légÚre conçus pour fonctionner avec le cycle du combustible nucléaire au thorium offrent une résistance à la prolifération accrue en comparaison du cycle conventionnel à l'uranium, bien que les réacteurs à sels fondus aient un risque substantiel[32] - [33].
La construction modulaire des PRM est une autre caractĂ©ristique intĂ©ressante : comme le cĆur du rĂ©acteur est souvent complĂštement construit dans une usine de fabrication globale, peu de personnes ont accĂšs au combustible avant et aprĂšs irradiation.
Concepts de réacteurs
De nombreux nouveaux concepts de réacteurs sont en gestation dans le monde entier. Une sélection de concepts actuels de petits réacteurs nucléaires est listée ci-dessous ; certains ne sont pas à proprement parler des PRM, leur conception n'intégrant pas l'objectif de modularité, mais la plupart sont des concepts innovants.
Nom | Puissance brute (MWe) | Type | Producteur | Pays | Statut |
---|---|---|---|---|---|
ABV-6 | 6â9 | REP | OKBM Afrikantov | Russie | Conception dĂ©taillĂ©e |
ACP-100[35] | 100 | REP | CNNC | Chine | voir infra : Linglong-1 |
ANGSTREM[36] | 6 | LFR | OKB Gidropress | Russie | Design conceptuel |
ARC-100[37] | 100 | RNR-Na | Advanced Reactor Concepts | Ătats-Unis | Design conceptuel |
Aurora | 1,5 | RNR | Oklo Inc. | Ătats-Unis | demande de licence de construction et d'exploitation[38] |
mPower | 195 | REP | Babcock & Wilcox | Ătats-Unis | (AbandonnĂ© en ) |
Brest-300 | 300 | LFR | Atomenergoprom | Russie | Conception détaillée |
BWXT[39] - [40] | microrĂ©acteur HTGR transportable Ă combustible TRISO | BWXT Advanced Technologies | Ătats-Unis | projet Pele de rĂ©acteur pour bases militaires | |
CAREM | 27â30 | REP | CNEA & INVAP | Argentine | En construction |
EGP-6 | 11 | RBMK | IPPE & Teploelektroproekt Design | Russie | 4 réacteurs en fonctionnement à la centrale de Bilibino (seront remplacées en 2019 par la centrale Akademik Lomonosov) |
« Chartreuse P »[41] | 1000 | Stellarator | Renaissance Fusion | France | Design conceptuel |
ELENA[rln 1] | 0.068 | REP | Institut Kourtchatov | Russie | Design conceptuel |
eVinci[39] | 1 Ă 5 | microrĂ©acteur | Westinghouse Electric Company | Ătats-Unis | test de caloducs et de mĂ©thode de rechargement |
Flexblue | 160 | REP | Naval Group/TechnicAtome/CEA | France | Abandonné |
FMR[37] | 50 | RĂ©acteur Ă neutrons rapides refroidi au gaz | General Atomics | Ătats-Unis | Design conceptuel |
Fuji MSR | 200 | RSF | International Thorium Molten Salt Forum (ITMSF) | Japon | Design conceptuel (?) |
GT-MHR (Gas turbine modular helium reactor) | 285 | HTGR | OKBM Afrikantov + partenaires américains, Framatome, Fuji | international | Design conceptuel achevé |
G4M | 25 | LFR | Gen4 Energy (ex-Hyperion) | Ătats-Unis | Design conceptuel |
IMSR400 | 2 x 195 | RSF | Terrestrial Energy, Inc.[43] | Canada | Conception détaillée |
IRIS (International Reactor Innovative and Secure) | 335 | REP | Westinghouse+partenaires | international | Conception de base |
KP-HFR[39] | 140 | rĂ©acteur Ă haute tempĂ©rature Ă sels fondus et combustible Ă particules (TRISO) | Kairos Power | Ătats-Unis | construction d'un dĂ©monstrateur |
KLT-40S / KLT-40C | 35 | REP | OKBM Afrikantov | Russie | Centrale nucléaire flottante Akademik Lomonosov mise en service en |
LFR-TL-30 | 30 | réacteur rapide à plomb liquide | Newcleo | Italie/France | Conception de base |
LFR-AS-200 | 200 | réacteur rapide à plomb liquide | Newcleo | Italie/France | Conception de base |
Linglong-1 (ex-ACP-100) | 125 | REP | CNNC | Chine | réacteur en construction depuis juillet 2021[44] |
MCRE/MCFR[39] | rĂ©acteur Ă sels fondus Ă spectre rapide[45] | TerraPower/Southern Cy | Ătats-Unis | ||
MHR-100 | 25â87 | HTGR | OKBM Afrikantov | Russie | Design conceptuel |
MHR-T[rln 2] | 205.5x4 | HTGR | OKBM Afrikantov | Russie | Design conceptuel |
MIGHTR[37] | ? | rĂ©acteur intĂ©grĂ© Ă haute tempĂ©rature refroidi au gaz et Ă gĂ©omĂ©trie horizontale | MIT | Ătats-Unis | Design conceptuel |
MRX | 30â100 | REP | JAERI | Japon | Design conceptuel |
Natrium[46] | 345 | FBR | TerraPower/GE Hitachi Nuclear Energy | Ătats-Unis | Design conceptuel |
NuScale[47] | 45â50 | LWR | NuScale Power[48] | Ătats-Unis | Approbation finale du design par NRC en 2020[28] |
Nuward[49] (nuclear forward) | 2x170 ou 4x170 | REP | Naval Group/TechnicAtome/CEA/EDF | France | Design conceptuel |
PBMR-400 (Pebble bed modular reactor) | 165 | PBMR | Eskom | Afrique du Sud | Conception détaillée |
PRISM (Power Reactor Innovative Small Module) | 311 | FBR, surgĂ©nĂ©rateur | GE Hitachi Nuclear Energy | Ătats-Unis | Conception dĂ©taillĂ©e |
RDE (Reaktor Daya Eksperimental)[50] | 10 MWth | PBMR HTGR | Batan | Indonésie | conception détaillée[51] |
RITM-200 | 50 | REP | OKBM Afrikantov | Russie | En construction pour brise-glaces |
Rolls-Royce SMR[52] | 470 | REP | Rolls-Royce | Royaume-Uni | demande d'approbation du concept |
RSS | 37,5x8 | RSF | Moltex Energy LLP[53] | Royaume-Uni | Design conceptuel |
Shidao Bay[54] | 200 | Réacteur nucléaire à trÚs haute température refroidi au gaz | Chine | mise en service en décembre 2021 ; un des premiers réacteurs nucléaires de quatriÚme génération | |
SLIMM[55] | 10 Ă 100 | FBR | ISNPS[56] | Ătats-Unis | Design conceptuel |
SMART (System-integrated Modular Advanced ReacTor) | 100 | REP | KAERI | Corée du sud | A obtenu sa licence |
SMR-160[39] | 160 | REP | Holtec International | Ătats-Unis | Design conceptuel |
SSTAR-LFR[57] | 10 Ă 100[58] | LFR | Laboratoire national Lawrence Livermore | Ătats-Unis | Design conceptuel |
StarCore HTGR | 20 Ă 100 | HTGR | StarCore | Canada | Pre-licensing vendor review process (2016)[59] |
Start-TMX[60] | 100 | Réacteur nucléaire piloté par accélérateur | Transmutex | Suisse/France | Design conceptuel |
SVBR-100[61] - [62] | 100 | LFR | OKB Gidropress | Russie | Conception détaillée, pour cogénération/dessalement |
TerraPower TWR[63] | 10 | TWR | TerraPower - Bellevue, WA | Ătats-Unis/Chine | Design conceptuel |
TerraPower MCFR[64] - [65] | ? | RSF | TerraPower - Bellevue, WA | Ătats-Unis | Design conceptuel |
ThorCon (en) | 500 | RSF | Thorcon (Thorium Molten Salt reactor) | Indonésie et Etats Unis | Exploitation en 2028[66] - [67] . |
Toshiba 4S (Ultra super safe, Small and Simple) | 10â50 | RNR | Toshiba | Japon | Conception dĂ©taillĂ©e |
U-Battery | 4 | PBR | U-Battery consortium | Royaume-Uni | Design conceptuel[68] |
UK SMR[69] | 440 | REP | UK SMR Consortium (Rolls-Royce) | Royaume-Uni | Design conceptuel[70] |
VBER-300 | 325 | REP | OKBM Afrikantov | Russie | Au stade de la demande de licence |
VK-300 | 250 | BWR | Atomstroyexport | Russie | Conception détaillée |
VVER-300 | 300 | BWR | OKB Gidropress | Russie | Design conceptuel |
Westinghouse SMR | 225 | REP | Westinghouse Electric Company | Ătats-Unis | Conception prĂ©liminaire terminĂ©e |
Xe-100 | 35 | HTGR | X-energy[71] | Ătats-Unis | Design conceptuel en dĂ©veloppement |
XSMR | 40 | RSF | Naaera/Assystem[72] | France | Design conceptuel |
Quelques rĂ©acteurs ne sont pas inclus dans le rapport de l'AIEA, et ceux du mĂȘme rapport ne sont pas tous dans la liste ci-dessus. |
- S'il est construit, le réacteur ELENA sera le plus petit réacteur nucléaire commercial jamais construit[42].
- Complexe à plusieurs unités basé sur le concept de réacteur GT-MHR, conçu principalement pour la production d'hydrogÚne.
Projets et sites proposés
Canada
Le 2 décembre 2021, Ontario Power Generation annonce son intention de construire sur le site de la centrale nucléaire de Darlington un petit réacteur modulaire BWRX-300 de GE Hitachi Nuclear Canada ; ce réacteur de 300 MW serait le premier nouveau réacteur du pays depuis prÚs de trente ans[73]. La mise en service est prévue en 2028 ; GE Hitachi, basée en Caroline du Nord, a été préférée au canadien Terrestrial Energy et à X-energy[74].
En mars 2022, le gouvernement canadien apporte une aide de 27,2 millions de dollars canadiens Ă Westinghouse Electric Canada Inc pour soutenir son microrĂ©acteur eVinci. C'est son troisiĂšme investissement dans la technologie des petits rĂ©acteurs modulaires, rĂ©alisĂ© par lâintermĂ©diaire du Fonds stratĂ©gique Innovation, Sciences et DĂ©veloppement Ă©conomique Canada (ISDE), aprĂšs le rĂ©acteur Ă sels fondus intĂ©gral de Terrestrial Energy et le rĂ©acteur SSR-W (Stable Salt Reactor-Wasteburner) de Moltex Energy[75]. Le microrĂ©acteur eVinci est un rĂ©acteur caloduc capable de fournir de la chaleur et de lâĂ©lectricitĂ© combinĂ©es (5 MWe et jusquâĂ 13 MWth), entiĂšrement construit, alimentĂ© et assemblĂ© en usine et destinĂ© aux sites hors rĂ©seau[76].
Chine
CNNC annonce le 14 juillet 2021 le démarrage du chantier de son premier PRM sur le site de la centrale nucléaire de Changjiang, sur l'ßle tropicale de Hainan. Ce réacteur utilise la technologie « Linglong One » développée depuis plus de dix ans par CNNC, également appelée « ACP100 », concept de réacteur à eau pressurisée à buts multiples, qui est devenue en 2016 le premier concept de PRM à passer une revue de sûreté de l'AIEA. Le Linglong-1 a une puissance de 125 MW et produira prÚs de 1 TWh par an. C'est le premier SMR terrestre mis en construction au monde[77] - [44].
La premiÚre connexion du petit réacteur modulaire de Shidao Bay a été réalisée en décembre 2021, dans le Shandong. C'est l'un des premiers réacteurs nucléaires de quatriÚme génération à trÚs haute température refroidi au gaz au monde[54].
Estonie
Lâentreprise estonienne Fermi Energia Ă©tudie la construction dâun SMR en Estonie ; pour cela, elle a signĂ© en des dĂ©clarations d'intention avec le Finlandais Fortum et le Belge Tractebel, puis mi-mars, avec le SuĂ©dois Vattenfall. Ce projet permettrait de mettre fin aux importations dâĂ©lectricitĂ© depuis la Russie et de rĂ©duire les Ă©missions de CO2 dues Ă la centrale de Narva (2 380 MWe), qui fonctionne au schiste bitumeux[78] - [79].
Ătats-Unis
La Tennessee Valley Authority a annoncĂ© qu'elle va soumettre une demande prĂ©liminaire d'autorisation de site (Early Site Permit Application (ESPA) Ă la Nuclear Regulatory Commission en pour l'Ă©ventuelle installation d'un PRM sur son site de Clinch River au Tennessee. Cette demande s'appliquerait sur 20 ans, et concerne la sĂ©curitĂ© du site, la protection de l'environnement et la prĂ©paration aux urgences associĂ©e. La TVA n'a pas mentionnĂ© de choix de technologie si bien que l'ESPA serait applicable pour n'importe quel concept de PRM en dĂ©veloppement aux Ătats-Unis[80].
NuScale Power, basĂ© Ă Portland (Oregon), a dĂ©posĂ© en son dossier auprĂšs de la Nuclear Regulatory Commission pour faire approuver le design de son projet de PRM de 50 MW ; NuScale a conclu un partenariat avec un consortium de fournisseurs d'Ă©lectricitĂ© de l'Utah pour construire une centrale de 12 modules sur un terrain situĂ© dans l'Idaho appartenant au Department of Energy (DoE), qui est aussi partenaire du projet NuScale[81]. Nuscale a obtenu le l'approbation finale de son design par la NRC. NuScale vise le dĂ©marrage dâun premier module de 60 MW en 2029. Une premiĂšre centrale, composĂ©e de 12 modules (720 MW), pourrait ainsi devenir fonctionnelle en 2030, sur le de lâIdaho National Laboratory. Son coĂ»t de construction est Ă©valuĂ© Ă 3 milliards $ (2,5 milliards âŹ)[28]. Le , le DoE approuve une subvention pluriannuelle qui pourrait apporter jusqu'Ă 1,4 milliard $ Ă l'entitĂ© qui va construire cette centrale, un regroupement de rĂ©gies municipales de l'Utah, pour aider au dĂ©veloppement de ce projet et rĂ©duire son risque de prototype ; la construction dĂ©butera en [82].
La jeune pousse canadienne Terrestrial Energy a signĂ© en un mĂ©morandum dâentente avec lâopĂ©rateur Energy Northwest pour la construction et l'exploitation de son prototype sur le site de lâIdaho National Laboratory, dĂ©jĂ retenu pour abriter le prototype de rĂ©acteur modulaire (PRM) de NuScale. Le projet de rĂ©acteur a sels fondus (IMSR) de Terrestrial Energy, dâune puissance de 190 MWe, est conçu en tant que PRM et sera construit en usine[83].
Un rapport du DOE, publiĂ© en , montre comment lâensemble des mesures de soutien fĂ©dĂ©rales ont permis aux Ă©nergies renouvelables (hors hydraulique) de passer entre 2010 et 2016 de 4 Ă 10 % de la production Ă©lectrique et suggĂšre qu'il serait certainement utile que le dĂ©ploiement des PRM puisse bĂ©nĂ©ficier du mĂȘme accompagnement, via des incitations financiĂšres et des politiques fĂ©dĂ©rales favorables : un investissement public de 10 Mds$ pourrait avoir un impact significatif pour soutenir la construction de six PRM dâici 2035 et rĂ©duire de 22 % le coĂ»t de leur Ă©lectricitĂ© produite ; en comparaison, 51,2 Mds$ ont Ă©tĂ© dĂ©pensĂ©s par le gouvernement dans lâĂ©olien et le solaire entre 2005 et 2015, dont 90 % via des crĂ©dits dâimpĂŽts[84] - [85].
Lâentreprise californienne Oklo Inc. est entrĂ©e en juin 2020 dans le processus dâobtention dâune « licence combinĂ©e » (COL) autorisant Ă la fois la construction et lâexploitation dâun rĂ©acteur sur un site donnĂ©, en lâoccurrence lâIdaho National Laboratory. Ce rĂ©acteur, baptisĂ© Aurora, est un rĂ©acteur Ă neutrons rapides compact, dâune puissance de 1,5 MWe pour 4 MWth. Il ne nĂ©cessite ni pompes, ni de vannes, ne contient pas dâeau, le sodium Ă©tant utilisĂ© comme « liant thermique », avec des caloducs contenant du potassium. Le combustible sera fourni par lâIdaho National Lab : un combustible mĂ©tallique (90 % uranium, 10 % zirconium) utilisant de lâuranium enrichi entre 5 et 20 % (High Assay Low Enriched Uranium - HALEU), fabriquĂ© Ă l'origine pour le rĂ©acteur expĂ©rimental EBR-II. Le combustible mĂ©tallique UZr baigne dans du sodium ; des caloducs remplis de potassium traversant le cĆur font office dâĂ©changeurs de chaleur. SpĂ©cialement conçu pour les applications hors-rĂ©seau, le dĂ©ploiement de chaque module d'Aurora pourrait Ă©viter lâĂ©mission d'1 million de tonnes de CO2 en remplaçant les gĂ©nĂ©rateurs diesels[38].
La start-up Kairos Power, crĂ©Ă©e en 2016 par des chercheurs de lâuniversitĂ© de Berkeley en Californie, dĂ©veloppe un projet de rĂ©acteur Ă haute tempĂ©rature refroidi par des sels fondus (Fluoride salt cooled High temperature Reactor - FHR) de 100 Ă 400 MWth[86]. En dĂ©cembre 2020, le projet reçoit du programme ARDP (Advanced Reactot Demonstration Program) du DĂ©partement de l'Ănergie des Ătats-Unis un budget de 303 millions $ sur sept ans pour construire Ă proximitĂ© du Laboratoire national d'Oak Ridge un rĂ©acteur expĂ©rimental, Hermes Reduced-Scale Test Reactor, afin de prĂ©parer le dĂ©veloppement de son KP-FHR, rĂ©acteur Ă haute tempĂ©rature de 140 MW Ă sels fondus (fluorures) comme caloporteur et Ă combustible solide Ă boulets (TRISO - TRi-structural ISOtropic particle)[39].
GE Hitachi Nuclear Energy (GEH) et la startup TerraPower de Bill Gates annoncent en septembre 2020 le projet « Natrium » qui intÚgrera un réacteur rapide refroidi au sodium de 345 MW avec un systÚme de stockage d'énergie à sels fondus. Il combine les innovations du réacteur à onde progressive TWR de TerraPower et de la technologie PRISM de GEH. L'usine de démonstration est conçue pour une livraison d'ici sept ans. Le stockage thermique, inspiré de celui des centrales solaires thermodynamiques, permettra de porter la puissance du systÚme à 500 MW pendant plus de cinq heures si nécessaire. Plusieurs fournisseurs d'électricité ont exprimé leur soutien : PacifiCorp, Energy Northwest et Duke Energy[46].
Le 13 octobre 2020, le DĂ©partement de l'Ănergie des Ătats-Unis annonce la sĂ©lection de deux Ă©quipes amĂ©ricaines qui recevront chacune 80 millions $ dans le cadre du programme ARDP : TerraPower pour son projet Natrium et X-Energy pour son projet Xe-100 de rĂ©acteur Ă haute tempĂ©rature refroidi au gaz destinĂ© Ă la production de chaleur pour des applications industrielles telles que le dessalement et la production d'hydrogĂšne ; ce projet inclut la construction d'une usine de fabrication de combustible TRISO (TRi-structural ISOtropic particle)[87].
L'envoyĂ© spĂ©cial pour le climat John Kerry confirme en 2021 le soutien de l'administration Biden aux PRM : « nous devons garder ouverte une position de repli au cas oĂč l'on ne rĂ©ussirait pas une percĂ©e dans le stockage des batteries, si on ne rĂ©ussit pas Ă crĂ©er une Ă©conomie de l'hydrogĂšne ». Le DĂ©partement de l'Ănergie a attribuĂ© 160 millions de dollars en 2020 Ă X-Energy et Ă TerraPower[88].
Le 2 juin 2021, TerraPower, PacifiCorp (filiale de Berkshire Hathaway Energy) et le gouverneur du Wyoming annoncent la construction dâun dĂ©monstrateur du projet Natrium dans lâĂtat du Wyoming oĂč plusieurs sites sont Ă lâĂ©tude ; lâinstallation se fera sur le site de lâune des centrales Ă charbon mise Ă lâarrĂȘt dans le cadre de la transition Ă©nergĂ©tique. PacifiCorp a annoncĂ© en 2019 fermer les deux tiers de ses installations au charbon dâici Ă 2030. Lâinstallation comprend un petit rĂ©acteur rapide refroidi au sodium de 345 MWe et un systĂšme de stockage Ă sels fondus qui permettra d'atteindre une puissance de 500 MWe pendant 5 h 30 afin de compenser les fluctuations des Ă©nergies renouvelables. Le DOE finance le projet Ă hauteur de 2 milliards de dollars afin de soutenir l'ingĂ©nierie, la demande de licence, la construction et la dĂ©monstration de ce projet prĂ©curseur qui sera mis en service Ă la fin de la dĂ©cennie[89] - [90].
En avril 2022, le DĂ©partement de la DĂ©fense des Ătats-Unis annonce sa dĂ©cision de rĂ©aliser le projet « Pele » de microrĂ©acteur transportable Ă combustible TRISO sur le site du Laboratoire national de l'Idaho (INL). Le prototype sera construit par BWXT Technologies (en) Ă Lynchburg (Virginie) et Euclid (Ohio) et sera livrĂ© en 2024 Ă l'INL. Ce rĂ©acteur Ă haute tempĂ©rature refroidi au gaz (HTGR) fonctionnera Ă une puissance de 1 Ă 5 MWe et sera transportable dans des conteneurs standards. Il sera alimentĂ© en combustible TRISO (TRIstructural-ISOtropic) Ă uranium faiblement enrichi (HALEU) capable de rĂ©sister Ă des chaleurs extrĂȘmes et prĂ©sente de trĂšs faibles risques pour l'environnement[40].
En aoĂ»t 2022, la start-up X-energy signe avec Dow Chemical une lettre d'intention pour installer des SMR avancĂ©s Ă haute tempĂ©rature Xe-100 sur un site industriel de Dow dans la rĂ©gion du Golfe du Mexique. Cette centrale Ă SMR fournira Ă la fois de l'Ă©lectricitĂ© et de la chaleur Ă partir de 2030. X-energy avait Ă©galement Ă©tĂ© choisie en 2020 par le DĂ©partement de l'Ănergie pour construire une centrale de 4 rĂ©acteurs Xe-100 dans l'Ătat du Washington[91].
En mai 2023, lâentreprise sud-corĂ©enne de sidĂ©rurgie Doosan Enerbility commence le forgeage du premier module de la centrale SMR du type Voygr-6. Lâinstallation sera construite sur le terrain du Carbon Free Power Project (CFPP), Ă proximitĂ© dâIdaho Falls, et devrait ĂȘtre mise en service en 2029[92].
Finlande
Les villes dâHelsinki, dâEspoo et de Kirkkonummi ont lancĂ© des Ă©tudes pour dĂ©terminer la possibilitĂ© de remplacer le chauffage urbain assurĂ© aujourdâhui par du gaz et du charbon par des petits rĂ©acteurs modulaires (PRM) ; plus de la moitiĂ© des Ă©missions de gaz Ă effet de serre dâHelsinki provient du chauffage urbain[93]. Plus de 100 candidats aux Ă©lections municipales ont signĂ© une dĂ©claration appelant les villes finlandaises Ă explorer lâutilisation des petits rĂ©acteurs nuclĂ©aires (SMR) pour le chauffage urbain, dont de nombreux candidats Verts[94].
France
A partir de 1973, de petits rĂ©acteurs nuclĂ©aires modulaires, dont la conception est basĂ©e sur les modĂšles de rĂ©acteurs de sous-marins tel que le K48, sont conçus pour lâexportation avec lâespoir dâun marchĂ© fleurissant en raison du premier choc pĂ©trolier. Un projet français de petits modĂšles de rĂ©acteurs Ă eau pressurisĂ©e va prendre le nom de chaufferie avancĂ©e de sĂ©rie (CAS) :
- le CAS 2G est un rĂ©acteur Ă eau pressurisĂ©e (REP) de 250 MWth pour les applications navales. ProposĂ© Ă plusieurs reprises (brise-glace pour garde-cĂŽtes canadiens, porte-hĂ©licoptĂšres, corvette nuclĂ©aireâŠ), il n'aura finalement pas de dĂ©bouchĂ©s[95] ;
- le CAS 3G est un REP de 420 MWth terrestre adaptĂ© Ă la production d'Ă©lectricitĂ© et/ou de chaleur fabriquĂ© par la sociĂ©tĂ© Alsthom-Atlantique sous licence CEA[95]. Il n'aura pas d'application concrĂȘte ;
- le rĂ©acteur Thermos de 100 MWth qui alimenterait un rĂ©seau de chaleur en eau Ă 120 °C. Envisager pour chauffer le centre du CEA Saclay, lâĂcole polytechnique et les communes environnantes, le projet est abandonnĂ© en 1977 puis renait Ă Grenoble avant d'ĂȘtre abandonnĂ© par la ville en 1981 pour des raisons techniques et financiĂšres[96].
En , un plan de relance présenté par le Gouvernement Jean Castex prévoit un budget de 170 millions d'euros pour accélérer la recherche sur les petits réacteurs modulaires[97].
Le prĂ©sident Emmanuel Macron annonce le 12 octobre 2021 le plan d'investissements « France 2030 », dotĂ© de 30 milliards d'euros, dont un milliard d'euros pour la filiĂšre nuclĂ©aire, en particulier pour le dĂ©veloppement des petits rĂ©acteurs modulaires : « L'objectif numĂ©ro un, c'est de faire Ă©merger en France, d'ici 2030, des rĂ©acteurs nuclĂ©aires de petite taille innovants, avec une meilleure gestion des dĂ©chets », « amĂ©liorer la sĂ»retĂ© en baissant les coĂ»ts »[98]. Selon ValĂ©rie Faudon, dĂ©lĂ©guĂ©e gĂ©nĂ©rale de la SociĂ©tĂ© française d'Ă©nergie nuclĂ©aire (SFEN), le premier bĂ©ton du dĂ©monstrateur est visĂ© Ă l'horizon 2030. La France a entre 5 et 10 ans de retard sur les compĂ©titeurs les plus avancĂ©s : les Ătats-Unis, oĂč le projet NuScale a obtenu la certification de son design en septembre 2020 ; la Chine, oĂč le SMR chinois ACP100 est en construction depuis juillet 2021, et la Russie, oĂč Rosatom a mis en service une centrale SMR flottante en 2019[99].
En mars 2023, l'Ătat lance le « Fonds France nuclĂ©aire »[100], dotĂ© de 200 millions ⏠et gĂ©rĂ© par la sociĂ©tĂ© Siparex, afin de soutenir les PME et ETI sensibles de la filiĂšre nuclĂ©aire. Dans le cadre de France 2030, un appel Ă projets de 500 millions ⏠doit Ă©galement financer de nouveaux concepts de rĂ©acteurs nuclĂ©aires innovants[101].
Le 9 juin 2023, les premiers lauréats de l'appel à projets « réacteurs nucléaires innovants », lancé par le programme France 2030, sont annoncés : Naarea, société française fondée en 2020 par un ancien d'Alstom, Jean-Luc Alexandre, qui mise sur un microréacteur à sels fondus et à neutrons rapides fonctionnant à partir de combustibles ayant déjà été irradiés, et Newcleo, start-up fondée par l'Italien Stefano Buono, physicien, cofondateur de la biotech Advanced Accelerator Application qui mise sur un réacteur à neutrons rapides refroidi au plomb. Naarea recevra 10 millions ⏠et Newcleo 15 millions ⏠pour accélérer le développement de leurs réacteurs. D'autres lauréats seront choisis. Par ailleurs, le projet Nuward va bénéficier de 300 millions ⏠de financement publics, dans le cadre de France 2030, pour engager une phase d'avant-projet détaillé[102].
Concept « Flexblue »
En 2011, l'entreprise de construction navale DCNS avait annoncĂ© travailler depuis 2008 sur un projet d'industrialisation d'un petit rĂ©acteur nuclĂ©aire sous-marin (50 et 250 MW, pouvant alimenter de 100 000 Ă un million d'habitants) dit « Flexblue », avec Areva, EDF et le CEA, pour un nuclĂ©aire de « proximitĂ© » sous-marin, opĂ©rationnel dĂšs 2017. Il s'agirait d'un Ă©quivalent rĂ©acteur de sous-marin nuclĂ©aire : cylindre dâune centaine de mĂštres de long et de 15 mĂštres de diamĂštre, pesant environ 12 000 tonnes qui pourraient ĂȘtre immergĂ© entre 60 et 100 m, directement refroidis par l'eau. L'entreprise avait annoncĂ© une mise en service pour 2017. Des questions de sĂ»retĂ©, de sĂ©curitĂ© et d'acceptabilitĂ© (concernant notamment les effets de la chaleur dĂ©gagĂ©e sur les Ă©cosystĂšmes, les risques de fuite, d'attaque, de tsunami, etc.) pour des rĂ©acteurs prĂ©sentĂ©s comme conçus « sur les mĂȘmes bases quâun rĂ©acteur de troisiĂšme gĂ©nĂ©ration (type EPR) [...] protĂ©gĂ© par une triple barriĂšre (gaine du combustible, circuit primaire, coque). » DCNS proposait une filet de maille contre les attaques de torpilles. DCNS estimait qu'un marchĂ© de 200 unitĂ©s en 20 ans Ă©tait possible[103]. Finalement le projet a Ă©tĂ© abandonnĂ©[104].
Projet « NUWARD »
Sur la base de concepts en rĂ©flexion prĂ©liminaire et Ă©tude depuis les annĂ©es 2005/2010 chez TechnicAtome, les Ă©tudes d'ingĂ©nierie prĂ©liminaires ont Ă©tĂ© lancĂ©es en 2018 d'un projet de 150 Ă 170 mĂ©gawatts Ă©lectriques, dĂ©veloppĂ© par EDF, TechnicAtome, Naval Group et le CEA[104]. Ce petit rĂ©acteur modulaire dĂ©nommĂ© « NUWARD », projet portĂ© par un consortium rĂ©unissant EDF, le CEA, TechnicAtome et Naval Group, a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© le Ă la confĂ©rence gĂ©nĂ©rale annuelle de lâAIEA. La technologie/filiĂšre de base est celle (classique et Ă©prouvĂ©e) des rĂ©acteurs REP, trĂšs compacts et modulaires[49]. Cependant le concept comporte des innovations importantes en termes de sĂ»retĂ© passive (sans sources Ă©lectriques) et de simplifications d'exploitation.
Le produit proposé à l'exportation est une petite centrale de 340 MWe composée de 2 réacteurs identiques de 170 MW. EDF et ses partenaires comptent soumettre en 2022 un premier dossier d'option de sûreté à l'Autorité de sûreté nucléaire et finaliser en 2026 l'ensemble du design et les spécificités techniques de cette nouvelle centrale, en vue d'une entrée sur le marché entre 2035 et 2040. Le projet vise avant tout le marché à l'export, mais EDF discute avec les pouvoirs publics pour installer au préalable un démonstrateur en France[105].
Le 31 mars 2023, EDF annonce la finalisation de « l'avant-projet sommaire » de son réacteur Nuward et son intention de déposer en juillet 2023 son dossier d'option de sûreté à l'Autorité de sûreté nucléaire. EDF s'engage désormais dans « l'avant-projet détaillé » du projet, étape qui doit aboutir d'ici 2027 au dépÎt d'une demande d'autorisation de création du réacteur. EDF crée une filiale spécialisée dans le projet, dont le coût de développement sera de l'ordre du milliard d'euros. EDF espÚre lancer un premier chantier de démonstrateur en 2030, en France[106].
Projet « Naarea »
La start-up française Naaera, soutenue financiĂšrement par lâentrepreneur PĂąris Mouratoglou (fondateur dâEDF Energies nouvelles et Eren Groupe) et Ă©paulĂ©e par lâingĂ©nieriste Assystem, dĂ©veloppe un concept de rĂ©acteur Ă sels fondus qui utiliseront les combustibles nuclĂ©aires usĂ©s des centrales nuclĂ©aires du parc EDF. Elle vise le marchĂ© des groupes Ă©lectrogĂšnes, avec une gamme de micro-rĂ©acteurs, rebaptisĂ©s XSMR, dâune puissance de 1 Ă 40 MW, installĂ©s au plus prĂšs des besoins des industriels ou des collectivitĂ©s locales. Leur autonomie pourrait atteindre dix ans. Une fois le combustible Ă©puisĂ©, Naaera remplacera le rĂ©acteur par un autre, comme une pile. Les sels fondus seront eux aussi recyclĂ©s ; les rĂ©acteurs de Naarea seront aussi chargĂ©s de thorium, un sous-produit de lâexploitation des terres rares dĂ©jĂ disponible massivement[72].
Naarea dĂ©voile fin 2021 un projet de microrĂ©acteur de quatriĂšme gĂ©nĂ©ration Ă sels fondus de 1 Ă 40 MWe pour alimenter en Ă©lectricitĂ© dĂ©carbonĂ©e lâindustrie et les villes, au plus prĂšs des besoins. Ces rĂ©acteurs pourront valoriser les combustibles usĂ©s qui sâaccumulent dans les piscines dâOrano, Ă©vitant quâils ne deviennent des dĂ©chets[107]. En dĂ©cembre 2021, Naarea signe un accord de coopĂ©ration avec Assystem, groupe international indĂ©pendant dâingĂ©nierie, pour la construction dâun micro-gĂ©nĂ©rateur nuclĂ©aire ultra-compact, le XSMR. Assystem assurera les prestations de gestion de projet et dâaccompagnement Ă lâobtention des permis, dâintĂ©gration et dâingĂ©nierie[108].
En octobre 2022, Jean-Luc Alexandre, cofondateur de Naarea avec Ivan Gavriloff, indique avoir déjà levé quelques dizaines de millions d'euros et viser un horizon 2030 pour la commercialisation de son réacteur[109].
En dĂ©cembre 2022, Naarea prĂ©cise son projet : la puissance de son rĂ©acteur sera de 40 MWe, le marchĂ© visĂ© est lâalimentation de sites industriels ou de communautĂ©s isolĂ©es, le cĆur du rĂ©acteur sera fabriquĂ© en impression 3D, il utlisera des matĂ©riaux innovants comme du carbure de silicium avec du graphĂšne, un jumeau numĂ©rique devrait ĂȘtre achevĂ© Ă l'Ă©tĂ© 2023, un prototype d'ici quatre ans et un premier de sĂ©rie un ou deux ans plus tard[110].
Le 9 juin 2023, Naarea est lauréate de l'appel à projets « réacteurs nucléaires innovants », lancé par le programme France 2030 ; elle recevra 10 millions ⏠pour accélérer le développement de son réacteur[102].
Projet « Jimmy Energy »
En février 2022, la startup Jimmy Energy effectue une levée de fonds de 2,2 millions ⏠pour développer un microréacteur nucléaire thermique de technologie HTR destiné aux entreprises des secteurs de la chimie, de l'agroalimentaire ou de la papeterie[111].
En octobre 2022, Jimmy rĂ©alise une levĂ©e de fonds de 15 millions âŹ. La commercialisation est prĂ©vue en 2026. Jimmy indique ĂȘtre arrivĂ© Ă la fin d'une premiĂšre phase d'instruction par l'autoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire et s'est portĂ© candidat Ă l'appel Ă projets « RĂ©acteurs nuclĂ©aires innovants » lancĂ© dans le cadre du programme France 2030[109].
En novembre 2022, Jimmy prĂ©cise que la puissance de son rĂ©acteur sera de 10 MWth ; le cĆur, dont la tempĂ©rature maximale est de 600°C, chauffe de l'hĂ©lium qui transporte la chaleur jusqu'Ă un circuit intermĂ©diaire de CO2 pressurisĂ© qui fait le lien avec l'usine. L'avant-projet sommaire est validĂ© et l'avant-projet dĂ©taillĂ© est lancĂ© ; la demande d'autorisation de crĂ©ation sera dĂ©posĂ©e en 2023[112].
En avril 2023, Jimmy Energy annonce avoir signé un premier contrat avec un industriel, auquel elle fournira 10 % des besoins en chaleur. Le démarrage est prévu en 2026. La vapeur est produite dans un échangeur situé dans l'usine du client[113].
Projet Newcleo
La start-up Newcleo, lancĂ©e en 2021 par le physicien italien Stefano Buono, a bouclĂ© en deux mois un tour de table de 118 millions ⏠afin de mettre au point un prototype d'un rĂ©acteur Ă plomb liquide avec l'ENEA, le CEA italien. Elle cherche un site en France, au Royaume-Uni ou au Canada[114]. En juin 2022, Newcleo, soutenu par la famille Agnelli au travers de sa sociĂ©tĂ© d'investissement Exor et par plusieurs investisseurs italiens, annonce sa deuxiĂšme levĂ©e de fonds, Ă 300 millions âŹ. Son projet de rĂ©acteur de quatriĂšme gĂ©nĂ©ration vise Ă fermer le cycle du combustible, c'est-Ă -dire Ă utiliser du combustible dĂ©jĂ utilisĂ© dans des rĂ©acteurs en activitĂ©. Il s'agit d'un rĂ©acteur Ă neutrons rapides refroidi au plomb, d'une taille cible de 200 MW[115].
Newcleo développe deux modÚles de réacteurs refroidis au plomb liquide : un petit réacteur LFR-TL-30 de 30 MW pour des applications industrielles ou la propulsion navale et un réacteur LFR-AS-200 de 200 MW ; ils utiliseront un combustible MOX et le réacteur LFR-AS-200 pourra brûler des actinides mineurs. Newcleo espÚre réaliser un démonstrateur d'ici 2030 sur le site de Brasimone en Italie, puis commercialiser le réacteur de 30 MW au début des années 2030 et celui de 200 MW deux ou trois ans plus tard. Une premiÚre levée de fonds de 400 millions ⏠a été réalisée[116].
En mars 2023, Newcleo lance une levée de fonds de un milliard d'euros[117].
Le 9 juin 2023, Newcleo est lauréat de l'appel à projets « réacteurs nucléaires innovants », lancé par le programme France 2030 ; il recevra 15 millions ⏠pour accélérer le développement de son réacteur[102].
Projet Transmutex
Transmutex, fondĂ©e Ă GenĂšve en 2019 par Franklin Servan-Schreiber, Federico Carminati et Jean-Pierre Revol, dĂ©veloppe un projet de rĂ©acteur hybride dont la technologie est connue sous le nom dâADS pour « Accelerator Driven System ». Ce rĂ©acteur de 100 MW, dĂ©nommĂ© « Start » pour « Subcritical Transmuting Accelerated Reactor Technology », se compose de deux parties majeures : le rĂ©acteur sous-critique et le cyclotron, un accĂ©lĂ©rateur de particules circulaire. La partie rĂ©acteur utilise un caloporteur plomb qui peut fonctionner avec un cycle uranium ou thorium. Elle intĂšgre en son cĆur une cible de spallation contenant du plomb bismuth. Le rĂ©acteur est sous-critique, câest-Ă -dire quâil nây a pas de rĂ©action en chaĂźne autoentretenue ; la fission sâarrĂȘte dĂšs que lâapport de neutrons cesse, ce qui est un Ă©lĂ©ment de sĂ»retĂ© intrinsĂšque. Cet apport est assurĂ© par lâaccĂ©lĂ©rateur de particules qui, en bombardant de protons la cible de spallation, provoque lâĂ©mission de neutrons en quantitĂ© suffisante. Le cyclotron de 800 MeV est inspirĂ© de celui de lâInstitut Paul Scherrer en Suisse. Les dĂ©chets produits par un rĂ©acteur au thorium possĂšdent une durĂ©e de vie beaucoup plus courte que ceux des rĂ©acteurs Ă uranium, de plusieurs centaines dâannĂ©es, au lieu de plusieurs milliers dâannĂ©es, et leur volume est considĂ©rablement rĂ©duit ; le cycle du thorium prĂ©sente aussi lâavantage de prĂ©venir la prolifĂ©ration nuclĂ©aire. Ce type de rĂ©acteur pourrait de plus permettre de transmuter les actinides mineurs pour une dĂ©pense d'Ă©nergie 20 fois moindre que dans un rĂ©acteur Ă neutrons rapides. L'horizon visĂ© pour la construction d'une tĂȘte de sĂ©rie est le dĂ©but des annĂ©es 2030[60] - [118].
Projet « Renaissance Fusion »
La start-up grenobloise Renaissance Fusion compte dĂ©velopper un rĂ©acteur Ă fusion nuclĂ©aire en une dizaine d'annĂ©es[109]. CrĂ©Ă©e le par Francesco Volpe et Martin Kupp, elle compte construire un rĂ©acteur de 1 000 MWe dĂ©nommĂ© « Chartreuse P » pour un coĂ»t total de 2 Ă 3 milliards ⏠et un coĂ»t du MWh situĂ© entre 40 et 80 âŹ, en utilisant la technique du stellarator avec trois innovations : les parois solides du rĂ©acteur seront protĂ©gĂ©es des neutrons par du lithium liquide Ă 700 °C circulant sur les parois grĂące au champ magnĂ©tique ; des aimants supraconducteurs Ă haute tempĂ©rature permettront de doubler le champ magnĂ©tique et de rĂ©duire la taille du rĂ©acteur d'un facteur 5 ; les aimants supraconducteurs s'enrouleront directement sur un cylindre. Une premiĂšre Ă©tape de 2,5 ans consistera Ă dĂ©montrer la faisabilitĂ© de ces innovations, une deuxiĂšme Ă©tape de trois ans cherchera Ă combiner ces briques et Ă agrandir la taille du dispositif, et une troisiĂšme Ă©tape aboutira Ă la construction du rĂ©acteur tĂȘte de sĂ©rie[41]. En , Renaissance Fusion rĂ©alise une levĂ©e de fonds de quinze millions d'euros[119].
Projet « Hexana »
En mars 2023, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) essaime deux start-up issues du concours interne organisé pour inciter ses salariés à innover : Stellaria et Hexana, qui se consacrent à la conception de réacteurs nucléaires innovants déployables à l'horizon 2030-2040. Hexana travaille sur la conception d'une paire de deux réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium de 300 MWe, à partir de l'expérience acquise par les projets Rapsodie, Phénix, Superphénix et Astrid. Hexana compte coupler ces réacteurs avec un systÚme de stockage thermique permettant d'imaginer de nombreuses applications qui s'ajouteraient à la production flexible d'électricité : production de chaleur pour l'industrie, production d'hydrogÚne ou d'eau potable[120].
Projet « Stellaria »
Le projet Stellaria, issu lui aussi du CEA, vise la conception d'un rĂ©acteur nuclĂ©aire de quatriĂšme gĂ©nĂ©ration fonctionnant aux sels fondus, capable d'utiliser une trĂšs grande variĂ©tĂ© de combustibles et de fonctionner plusieurs annĂ©es sans s'arrĂȘter. TrĂšs compact, il pourrait ĂȘtre localisĂ© Ă proximitĂ©, voire sur des sites industriels[120].
Projet « Sparta »
Le projet Sparta, porté par la start-up Neext Engineering de Belfort, utilise la technologie de réacteur à neutrons rapides refroidi au plomb (LFR pour « lead fast reactor »). Son dossier a été déposé à l'appel à projets « Réacteurs nucléaires innovants » de France 2030[121].
Roumanie
En novembre 2021, Nuscale et l'opĂ©rateur des centrales nuclĂ©aires roumaines Nuclearelectrica annoncent leur projet de construire une centrale de six rĂ©acteurs SMR Nuscale[122]. Le est signĂ© le mĂ©morandum d'entente entre Nuscale, Nuclearelectrica et E-INFRA, le propriĂ©taire du site choisi : DoiceÈti, oĂč la centrale Ă charbon sera remplacĂ©e par les SMR. L'accord couvre les Ă©tudes dâingĂ©nierie, les analyses techniques et les formalitĂ©s administratives[123].
Royaume-Uni
En 2016 selon le Sunday Telegraph des sites sont en cours d'examen pour le déploiement de PRM dans le Pays de Galles, dont celui de l'ancienne centrale nucléaire de Trawsfynydd et sur les sites d'anciennes centrales nucléaires ou à charbon dans le Nord de l'Angleterre. Les sites nucléaires existants sont considérés comme des possibilités, dont Bradwell, Hartlepool, Heysham, Oldbury, Sizewell, Sellafield et Wylfa[124].
En , une commission d'experts missionnée par le gouvernement a préconisé dans son rapport un soutien massif aux PRM ; elle recommande un effort semblable à celui consenti pour l'éolien offshore dans les années 2010[125].
En avril 2022, Rolls-Royce SMR annonce le lancement de la procédure réglementaire d'approbation du concept de son SMR de 470 MWe, qui devrait s'achever en 2024. L'entreprise prévoit de mettre en service son premier réacteur en 2029 et se fixe l'objectif de construire 10 réacteurs d'ici 2035[126].
Russie
La Centrale nucléaire de Bilibino, centrale nucléaire la plus septentrionale du monde, au nord du cercle polaire arctique, compte 4 petits réacteurs mixtes qui produisent à la fois de l'énergie thermique et électrique. Cette centrale a été remplacée par la centrale nucléaire flottante Akademik Lomonosov (deux réacteurs PWR de 35 MW chacun). En , Rosatom annonce la mise en service complÚte de la centrale, qui a déjà produit plus de 47 GWh depuis sa mise en service partielle en [127].
Turquie
En , lâĂ©nergĂ©ticien public turc EUAS a signĂ© avec Rolls-Royce Holdings plc une dĂ©claration dâintention portant sur la rĂ©alisation d'une Ă©tude relative Ă lâutilisation de petits rĂ©acteurs modulaires (SMR) en Turquie. Rolls-Royce dirige un consortium dâentreprises britanniques consacrĂ© Ă la construction au Royaume-Uni du UK SMR, rĂ©acteur d'une puissance comprise entre 220 et 440 MW dont le coĂ»t de production de lâĂ©lectricitĂ© est annoncĂ© Ă 60 livres sterling par mĂ©gawatt-heure (environ 8 câŹ/kWh)[128].
Ukraine
Mi 2019, un consortium a été annoncé, qui regroupe Energoatom (Ukraine), le centre national de la science et de la technologie (SSTC) de l'Ukraine, et Holtec international (société enregistrée dans le paradis fiscal du Delaware aux Etats-Unis) pour développer le SMR-160 en Ukraine[129].
Références
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- Enerpress, rubrique actualité "Création d'un consortium pour déployer des SMR" ; no 12344.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Projet de PRM français NUWARD (TechnicAtome)
- « Mini-rĂ©acteurs : le nuclĂ©aire change dâĂ©chelle », La MĂ©thode scientifique, France Culture, 24 novembre 2021.
- Jacques ChĂ©nais, Les rĂ©acteurs Ă©lectrogĂšnes modulaires de faible puissance ou Small Modular Reactors (SMR), EncyclopĂ©die de l'Ănergie, .
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