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Sellafield

Le site de Sellafield est le principal complexe de la filière Ă©lectronuclĂ©aire britannique. Initialement nommĂ© Windscale, il a Ă©tĂ© rebaptisĂ© Sellafield Ă  la suite d'un grave accident dans l'un de ses rĂ©acteurs nuclĂ©aires en 1957. SituĂ© sur la cĂ´te de la mer d'Irlande dans le comtĂ© de Cumbria au Nord-Ouest de l'Angleterre, il comprend aujourd'hui 400 bâtiments rĂ©partis sur 10 km2 et emploie environ 10 000 personnes.

Sellafield
Administration
Localisation
Coordonnées
54° 25′ 08″ N, 3° 29′ 17″ O
Opérateur
Mise en service
Carte

Présentation du site

Le site de Sellafield en 2005, vue vers l’ouest avec la mer d'Irlande en arrière-plan

Ce site abrite plusieurs installations :

  • une ancienne usine de traitement du combustible usĂ© ouverte de 1951 Ă  1964, l'unitĂ© B204.
  • une usine de traitement des combustibles et d'entreposage des dĂ©chets hautement radioactifs, ouverte depuis 1985, impliquĂ©e dans l'accident de 2005, l'unitĂ© B570 Thorp, qui sera dĂ©finitivement fermĂ©e en 2018 puis dĂ©mantelĂ©e[1].
  • un rĂ©acteur du type graphite gaz accidentĂ© en 1957 et son frère jumeau, les piles Windscale.
  • le WAGR (Windscale Advanced Gas-cooled Reactor), exploitĂ© de 1963 Ă  1981, qui est un prototype des rĂ©acteurs AGR (Advanced Gas-cooled Reactor)
  • une usine de traitement du combustible des rĂ©acteurs Magnox, l'unitĂ© B205
  • l'usine Sellafield Mox Plant (SMP) ouverte en 1997 pour produire du combustible MOX,
  • Le laboratoire national du nuclĂ©aire britannique NNL (National Nuclear Laboratory), centre de recherche nuclĂ©aire lancĂ© en 2009[2].
  • les quatre rĂ©acteurs Magnox de Calder Hall dĂ©finitivement arrĂŞtĂ©s en 2003,
  • d'autres usines Ă  vocation militaire.

Le site est, entre autres, exploité par le British Nuclear Group (la branche démantèlement de British Nuclear Fuels, BNFL).

Origine

Les deux premières usines sur le site furent construites en 1940 pour fabriquer des explosifs, avant que le site ne soit choisi comme site de production nucléaire en 1947. Le site a été choisi pour fournir la matière première des armes nucléaires britanniques, le plutonium. Il commence avec la construction de B204 en 1947, puis B205 en 1964.

Au fil des ans, d'autres usines viendront s'y ajouter, comme les piles Windscale pour la production de plutonium d'usage militaire en 1952, une centrale de 200 MW en 1956, des surfaces de stockage pour les dĂ©chets radioactifs qui s'accumulent, etc.

Unités notables

Le nom des unités de Sellafield sont officiellement nommées suivant la concaténation de la lettre B et d'un numéro[3].

WAGR - Windscale Advanced Gas-cooled Reactor

Le WAGR est un prototype à échelle réduite de réacteur AGR d’une puissance de 32 MWe net. Sa construction est terminée en 1962, il est arrêté définitivement en 1981[4], et démantelé en 2011[5]. Sa forme sphérique en faisait un des bâtiments les plus identifiables du site de Windscale[6].

La cheminée principale B6 et la sphère du WAGR

Les piles Windscale

L'expérimentation du premier chargement de combustible dans les piles Windscale a eu lieu en juillet 1950, ce chargement été traité par B204 à partir de juillet 1952 pour en séparer le plutonium de l'uranium.

Contrairement aux premiers rĂ©acteurs amĂ©ricains d'Hanford modĂ©rĂ©s au graphite et refroidis par eau, les piles Windscale sont faites d'un cĹ“ur d'uranium mĂ©tallique modĂ©rĂ© au graphite et refroidi par air. Chaque rĂ©acteur contient pratiquement 2 000 tonnes de graphite.

Un incendie en 1957 entraîne leur fermeture.

Calder Hall

Calder Hall est la plus ancienne centrale nucléaire de production d'électricité dans le monde. Elle est équipée de 4 réacteurs Magnox chacun ayant une capacité de production de 50 MW. Elle a été définitivement arrêtée en [7].

Unité B30 - piscine

Cette grande piscine ouverte de stockage de combustible Magnox irradiĂ© est connue pour son mauvais Ă©tat. Elle fait environ 20 m de large, 150 m de long et m de profondeur. Des oiseaux viennent se poser Ă  sa surface, emportant avec eux un peu de sa radioactivitĂ©. Elle a Ă©tĂ© utilisĂ©e de 1960 Ă  1986[8]. Un mur de confinement est prĂ©vu afin de limiter les consĂ©quences d'une rupture du bassin en cas de tremblement de terre. Elle doit ĂŞtre vidĂ©e de ses dĂ©chets et dĂ©mantelĂ©e dans les annĂ©es Ă  venir.

Il est impossible de dĂ©terminer avec prĂ©cision les quantitĂ©s de matières stockĂ©es, les algues se dĂ©veloppant dans l'eau rendant très difficile le contrĂ´le visuel du bassin. Les autoritĂ©s britanniques n'ont pas pu fournir de comptabilisation prĂ©cise aux inspecteurs d'Euratom. La Commission europĂ©enne a poursuivi en consĂ©quence la Grande-Bretagne devant la Cour europĂ©enne de justice[9] - [10]. Il y aurait environ 1,3 tonne de plutonium, dont 400 kg sous forme de boue au fond[11].

Elle contiendrait également des déchets en provenance de la centrale nucléaire japonaise Tokai Mura[12].

Cette unité est la plus grande préoccupation de l'Autorité britannique de démantèlement nucléaire en Grande-Bretagne, en raison de son très important niveau de radiation. Les radiations sont tellement importantes par endroits qu'il n'est pas possible pour une personne d'y rester plus de deux minutes, d'où la difficulté de son démantèlement ou de son contrôle. Le bassin n'est même pas étanche, le temps fissurant le béton et le froid le contractant, permettant à l'eau radioactive de s'échapper. Ce qui lui vaut le surnom de Dirty thirty, "sale trente" en anglais[3].

Unité B111 - centre de recherche & développement, accueil des visiteurs

Centre d'accueil de Sellafield

C'est dans cette unité qu'a été mis en place un centre d'accueil des visiteurs.

Ce centre permet d'assister à des expositions interactives, à des démonstrations scientifiques et à des films en immersion. Il a aussi été équipé par le Science Museum (Musée de la Science) de Londres sur le thème des sources d'énergie qui seront disponibles au XXIe siècle.

Unité B204 - fuel reprocessing plant

Cette usine de traitement du combustible usĂ© militaire fut construite pour extraire le plutonium du combustible irradiĂ© en vue de construire des armes nuclĂ©aires. Elle a Ă©tĂ© exploitĂ©e entre 1951 et 1964 pour une capacitĂ© de traitement annuelle de 300 tonnes de combustible. Après la mise en place de B205, B204 Ă©tait utilisĂ©e comme usine de prĂ©paration du combustible Ă  traiter dans ce nouveau rĂ©acteur, avant d'ĂŞtre fermĂ©e en 1973.

Unité B205 - Magnox reprocessing plant

Construit en 1964 pour prendre la relève de B204, il est d'abord utilisé pour traiter les barres d'uranium métallique irradiées issues des centrales graphite-gaz et ainsi réutiliser l'uranium dans les centrales Magnox. À partir de 1969, il sera fait de même sur les barres d'oxyde d'uranium irradiées issues des centrales PWR anglaises et des centrales étrangères.

Pour ce faire, un procédé nommé PUREX (plutonium uranium extraction) utilise entre autres de l'acide nitrique et un solvant, le TBP (tributyl-phosphate).

Unité B215

Constituée de 21 réservoirs qui contiennent des déchets de haute activité sous forme liquide. Ces déchets fortement radioactifs dégagent de la chaleur et doivent donc être refroidis en permanence, sous peine d'ébullition et de contamination atmosphérique[13].

Unité B570 - Thorp

Thorp, pour Thermal Oxide Reprocessing Plant, est une usine de traitement de combustible nucléaire irradié. Construite entre 1978 et 1994 puis mise en service en août 1997.

Elle est conçue pour traiter les combustibles britanniques mais aussi étrangers. Le procédé choisi n'est pas le même que pour B205.

Elle a été fermée d' à à la suite de l'accident de 2005.

Elle sera fermée en 2018 après le solde des contrats en cours, puis démantelée[14].

Accidents nucléaires

Le complexe de Windscale/Sellafield a été le lieu de plusieurs accidents nucléaires, notamment en 1957 et en . Il est considéré comme le site le plus radioactif d'Europe occidentale.

Accident de 1957

L'accident se produit dans la pile Nº1. Lors d'une opération d'entretien du graphite, un incendie nucléaire se produit et dure plusieurs jours[15], pendant lesquels des produits de fission, essentiellement 740 téra-becquerels (740 000 milliards de becquerels) d'iode 131, sont rejetés à l'extérieur. Le nuage radioactif parcourt ensuite l'Angleterre, porté par les vents, puis touche le continent sans que la population soit avertie. L'accident de Windscale se classe au niveau 5 sur l'échelle internationale des événements nucléaires (INES). Voir Liste des accidents sur des unités de production de plutonium.

Après cet accident, Windscale est débaptisé et devient Sellafield.

Accident de 2005

Le , 83 000 litres de matière radioactive furent dĂ©couverts dans une pièce en bĂ©ton armĂ© (conçue afin de recueillir les fuites) Ă  l’usine de traitement de Thorp Ă  la suite d'une fuite dans une canalisation. La quantitĂ© de plutonium libĂ©rĂ©e, 200 kg, aurait pu suffire pour dĂ©clencher un accident de criticitĂ©, mĂŞme si l'enquĂŞte estime que la concentration Ă©tait insuffisante pour cela[16].

L'enquête a montré que la fuite n'avait été formellement détectée qu'au bout de 8 mois[17] :

  • Une incohĂ©rence entre la quantitĂ© et le poids de matière entrant et sortant du système de traitement avait Ă©tĂ© notĂ©e pour la première fois en .
  • Ensuite, l’augmentation de la tempĂ©rature et la dĂ©couverte de liquide radioactif dans le puisard indiquèrent aussi un problème.
  • La fuite ne fut formellement identifiĂ©e puis dĂ©clarĂ©e le qu'après un autre audit qui suggĂ©ra que de la matière manquait, amenant les opĂ©rateurs au bout de quelques jours Ă  envoyer une camĂ©ra robotisĂ©e sur la canalisation dĂ©fectueuse afin de mesurer le volume du liquide dans le puisard.

L'usine THORP a Ă©tĂ© fermĂ©e jusqu'en oĂą l'une des cuves a Ă©tĂ© remise en service, avec des recommandations de l'autoritĂ© de sĂ»retĂ©. Un rapport de 28 pages a Ă©tĂ© publiĂ© et mis en ligne[18], concluant l'enquĂŞte demandĂ©e par l'autoritĂ© de suretĂ© britannique (HSE/ND[19]). Les gestionnaires responsables ont Ă©tĂ© sanctionnĂ©s. Un audit interne a Ă©tĂ© fait par l'entreprise BNFL qui a plaidĂ© coupable lors de son procès et a dĂ» payer trois amendes imposĂ©es le par la cour royale de Carlisle, pour non-respect de trois autorisations concernant respectivement la « sĂ»retĂ©, les mĂ©canismes, appareils et circuits », les « instructions opĂ©ratoires » et les « fuites et pertes de matĂ©riaux radioactifs ou de dĂ©chets radioactifs » (soit au total 500 000 ÂŁ d'amendes plus environ 68 000 ÂŁ de procĂ©dures).
Quelque 19 tonnes d’uranium et 160 kilogrammes de plutonium (sur 200 kg selon l'IRSN) dissous dans de l’acide nitrique ont Ă©tĂ© pompĂ©s du puisard dans un rĂ©servoir hors de l’usine dĂ©sormais fermĂ©e de Thorp. Les niveaux de radiation dans le rĂ©servoir empĂŞchent toute entrĂ©e d’humains et la rĂ©paration de la fuite par un robot serait trop difficile. Les responsables envisagent un dĂ©tournement afin d’éviter le rĂ©servoir pour continuer l’exploitation. Selon l’exploitant le niveau de criticitĂ© n'aurait pas pu ĂŞtre atteint durant le temps oĂą la solution a Ă©tĂ© prĂ©sente au fond du bâtiment abritant les cuves.

Selon les experts français de l'IRSN, il semble qu’un « excès de confiance dans la conception de l’usine et qu’une culture de sûreté insuffisante soient à l’origine de ces défaillances ». Ils ont classé cet accident au « niveau 3 » de l'échelle INES. Côté français, à la suite de ce retour d'expérience et de deux « pertes d'étanchéité » survenues en 1997 dans l'ex-usine UP2-400 et en 2001 dans son usine UP2-800, AREVA a dû mettre à jour les procédures de sécurité de ses usines de La Hague (usines UP3 et UP2-800). En particulier des contrôles visuels périodiques seront réalisés pour parer au risque des fuites de matière radioactive pulvérulente ou liquide, et susceptible de cristalliser ou de s'évaporer en raison d'une forte ventilation, d'une paroi, d'un substrat chaud ou d'une surface d’étalement assez vaste, car ces types de fuites ne sont pas nécessairement détectées par les systèmes situés en fond de lèchefrite ou de puisard. En , l'IRSN a précisé que des moyens de surveillance vidéo et des appareils de mesure neutronique ont été ajoutés au dispositif existant.

L'accident est passé quasiment inaperçu dans la presse à l'époque, et a causé des pertes financières très importantes[20].

Notes et références

  1. (en) The Huffington Post - 7/06/2012 : Sellafield Nuclear Plant To Be Decommissioned By 2018
  2. https://uk.ambafrance.org/Un-nouvel-elan-pour-le-nucleaire
  3. BBC : Nuclear Cumbria
  4. WINDSCALE AGR - base de données PRIS de l’AIEA - consultée le 17 janvier 2019
  5. "The iconic Windscale Advanced Gas Cooled Reactor (WAGR) has become the first nuclear power reactor to be decommissioned in the UK, with the completion of the final campaign of a twenty-year project." - WNA - 16 juin 2011
  6. "The Sphere : Perhaps the most identifiable building on the plant - the big ball like building - it was an experimental Advanced Gas Cooled Reator (AGR) which was designed to generate electricity. It is now 70 percent decommissioned", BBC, mis Ă  jour en avril 2008
  7. Base de données PRIS de l’AIEA, pris.iaea.org, consulté le 11 juin 2019
  8. RAPPORT sur le déclassement des centrales nucléaires et d'autres installations nucléaires
  9. Sécurité nucléaire : la Commission impose des mesures contraignantes pour mettre fin à une infraction sur le site de Sellafield au Royaume-Uni
  10. infonucléaire : Windscale, une passoire nucléaire rebaptisée Sellafield
  11. Greenpeace : Media briefing: Sellafield's B30, avril 2004
  12. NucNews - July 13, 2003
  13. Greenpeace : FAQs: Reprocessing and Sellafield
  14. (en) The Huffington Post - 7/06/2012 : Sellafield Nuclear Plant To Be Decommissioned By 2018 - the Huffington Post - 07 juin 2012 « A nuclear reprocessing site which has been in operation for 20 years is to close in 2018 after current contracts are completed Â»
  15. Mathias Goldstein, « Il y a 50 ans : L’incendie (nucléaire) de Windscale », sur http://www.hns-info.net,
  16. Health and Safety Executive 2005, p. 21 « a criticality incident would not have been possible with the particular concentration of leaked liquor involved in this incident »
  17. Health and Safety Executive 2005, p. 4 « The leak remained undetected for a period of some eight months »
  18. Health and Safety Executive 2005.
  19. Health and Safety executive / Nuclear Directorate
  20. De Tchernobyl en tchernobyls, Georges Charpak, Richard Garwin et Venance Journé, Éditions Odile Jacob, 2005 (ISBN 2-7381-1374-5) p. 9

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Gardner MJ, Hall AJ, Snee MP, Downes S, Powell CA, Terrell JD. Methods and basic data of case-control study of leukaemia and lymphoma among young people near Sellafield nuclear plant in West Cumbria]; Br Med J ; 1990 ; 300:429-34. [(en) texte intĂ©gral]
  • (en) Smith PG, Douglas AJ. Mortality of workers at the Sellafield plant of British Nuclear Fuels; Br Med J ; 1986 ; 293:845-54.
  • (en) Black D. Investigation of the possible increased incidence of cancer in West Cumbria. London: HMSO, 1984.
  • (en) Gardner MiJ Hall AJ, Downes S. Terrell JD. Follow up study of children born to mothers resident in Seascale, West Cumbria (birth cohort) ; Br Med J ; 1987 ; 295:822-7.
  • (en) Gardner MJ, Hall AJ, Downes S, Terrell JD. Follow up study of children born elsewhere but attending schools in Seascale, West Cumbria (schools cohort) ; Br Med J ; 1987 ; 295:819-22.
  • (en) Health Executive et Safety Executive, Report of the investigation into the leak of dissolver product liquor at the Thermal Oxide Reprocessing Plant (THORP), Sellafield, Sudbury, Health and Safety Executive Books, , 28 p. (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes

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