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Centrale nucléaire de Fessenheim

La centrale nuclĂ©aire de Fessenheim est une ancienne centrale nuclĂ©aire française dĂ©finitivement Ă  l'arrĂŞt depuis le . Il s'agit de la première centrale nuclĂ©aire française de type rĂ©acteur Ă  eau pressurisĂ©e du premier palier 900 MW dit CP0. ImplantĂ©e en bordure du grand canal d'Alsace sur le territoire de la commune de Fessenheim (Haut-Rhin), sa construction est dĂ©cidĂ©e Ă  la fin des annĂ©es 1960 par les prĂ©sidents Charles de Gaulle puis Georges Pompidou. Sa conception repose sur la technologie des rĂ©acteurs Ă  eau pressurisĂ©e de l'entreprise amĂ©ricaine Westinghouse Electric. La centrale est Ă©quipĂ©e de deux rĂ©acteurs d'une puissance unitaire de 900 MWe.

Centrale nucléaire de Fessenheim
Centrale nucléaire de Fessenheim.
Administration
Pays
RĂ©gion
DĂ©partement
Commune
Coordonnées
47° 54′ 11,19″ N, 7° 33′ 46,93″ E
Propriétaires
Opérateur
Construction
1970-1977
Mise en service
(mise en service commercial)
Mise à l’arrêt définitif
(réacteur no 1)
(réacteur no 2)[1].
Statut
À l'arrêt définitif
Direction
Elvire Charre
RĂ©acteurs
Fournisseurs
Type
RĂ©acteurs actifs
0
Puissance nominale
1 760 MW
Production d’électricité
Production annuelle
12,32 TWh (2019[2] - [3])
Facteur de charge
79,9 % (en 2019)
68,2 % (jusqu'en 2019)
Production moyenne
10,27 TWh (2015 Ă  2019)
Production totale
442,52 TWh (fin 2019)

Carte

La centrale est exploitée commercialement durant 42 ans, de 1978 à 2020. Par décision politique[4], en application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte[5] (plafonnement de la production d’électricité d’origine nucléaire), les réacteurs no 1 et no 2 sont mis à l’arrêt définitif, respectivement les et .

Présentation

Production Ă©lectrique de la centrale de 1977 Ă  2010.

La centrale nuclĂ©aire est situĂ©e au bord du Grand canal d'Alsace, « sur le territoire de la commune de Fessenheim, Ă  l’est du dĂ©partement du Haut-Rhin (68), Ă  30 kilomètres de Mulhouse et de Colmar, Ă  proximitĂ© de l'Allemagne et de la Suisse »[6].

Elle a produit plus de 440 milliards de kilowatts-heures d'Ă©lectricitĂ© de 1977 Ă  2019[7] - [8].

En 2010, la production Ă©lectrique s'est Ă©tablie Ă  11 754 GWh[9] - [10], soit 2,88 % de la production Ă©lectrique d'origine nuclĂ©aire française cette annĂ©e (407 900 GWh[11]), et 2,1 % de la production Ă©lectrique toutes sources confondues (550 300 GWh[11]).

En 2012, la centrale a produit 12 417 GWh, soit plus de 88 % de la consommation alsacienne de 2011[12] et 1,5 % de l'Ă©lectricitĂ© française et la moitiĂ© de la production alsacienne[13].

Elle est certifiée ISO 14001 (management environnemental) depuis 2003[14] - [15] et OHSAS 18001 (hygiène et sécurité)[16].

Environ 930 000 habitants vivent Ă  moins de 30 km autour de Fessenheim[17].

Description technique

Architecture de la centrale nucléaire de Fessenheim.

La centrale comprend deux rĂ©acteurs Ă  eau pressurisĂ©e (REP) Ă  trois boucles d'une puissance Ă©lectrique nette de 880 mĂ©gawatts chacun. Elle a pour modèle la centrale nuclĂ©aire de Beaver Valley aux États-Unis, qui est en service depuis 1976[18] - [19].

La centrale de Fessenheim et celle du Bugey, font partie d'un palier nommé a posteriori CP0[20]. La salle des machines est commune aux deux tranches, elle est accolée aux deux bâtiments réacteurs (voir schéma de l'architecture ci joint).

Comme les autres REP Ă  trois boucles de 900 MW, chacune des deux tranches nuclĂ©aires de la centrale de Fessenheim comporte un rĂ©acteur qui produit l'Ă©nergie, trois gĂ©nĂ©rateurs de vapeur, un pressuriseur et trois pompes primaires. La chaleur produite par le cĹ“ur du rĂ©acteur est Ă©vacuĂ©e, en fonctionnement normal, par l'intermĂ©diaire de deux circuits fermĂ©s successifs : le circuit primaire (Ă  une tempĂ©rature d'environ 300 °C et une pression de 155 bar) qui extrait la chaleur produite par le cĹ“ur du rĂ©acteur, puis le circuit secondaire qui rĂ©cupère cette chaleur via les gĂ©nĂ©rateurs de vapeur ; cette chaleur est ensuite transformĂ©e pour environ 1/3 en Ă©nergie Ă©lectrique par l'alternateur, le reste Ă©tant Ă©vacuĂ© via le condenseur en circuit ouvert.

Dans le cas de Fessenheim, le condenseur est alimenté par l'eau du Grand Canal d'Alsace dont le débit est suffisamment élevé pour éviter d'utiliser des tours de refroidissement.

La cuve de chaque rĂ©acteur est en acier, elle pèse environ 260 tonnes. Dans chaque cuve se trouvent environ 60 tonnes de combustible nuclĂ©aire : de l'uranium enrichi Ă  4,2 % (gestion combustible « cyclade »).

Sous chacun des deux réacteurs se trouve une dalle en béton armé d'une épaisseur d'un mètre - le radier - dont l'épaisseur est plus faible que sur les autres réacteurs français. Son renforcement ainsi que la nécessité de mettre en place une autre source froide de secours sont les deux principales leçons tirées de l'accident de Fukushima pour la poursuite de l’exploitation des deux réacteurs[21] (voir ci-après « Débat sur la fermeture de la centrale »).

Deux piscines de désactivation, chacune située dans un bâtiment à combustible séparé et isolé des bâtiments réacteurs, servent au stockage sur place et au refroidissement du combustible nucléaire usé provenant des deux réacteurs, avant son évacuation vers le centre de traitement du combustible usé de la Hague[22].

Caractéristiques des réacteurs

Les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim sont les premiers modèles du palier dit CP0 (contrat palier zéro) qui comprend aussi les quatre réacteurs de la centrale du Bugey. Les chaudières nucléaires ont été construites par Framatome. Les centrales sont exploitées par EDF.

Les caractéristiques détaillées des deux réacteurs de Fessenheim sont regroupées dans le tableau suivant[23].

Nom du réacteurPuissance [MW]Début constr.1er raccordement
au réseau
Mise en service
commerciale
Mise à l’arrêt définitifProduction cumulée
jusqu'en 2020
ThermiqueÉlectrique bruteÉlectrique nette
Fessenheim-1[2] 2 660 MWth[24]920 MWe[25]880 MWe[25]1er septembre 19716 avril 197721 fĂ©vrier 2020[26]226 TWh[27]
Fessenheim-2[3] 2 660 MWth[24]920 MWe[25]880 MWe[25]1er fĂ©vrier 19727 octobre 19771er avril 197830 juin 2020217 TWh[28]

En 2002, l'exploitant EDF a remplacĂ© les trois gĂ©nĂ©rateurs de vapeur de la tranche no 1 ; les travaux ont durĂ© 210 jours et coĂ»tĂ© environ cent millions d'euros[29].

En 2011/2012, EDF a également remplacé les trois générateurs de vapeur de l’unité de production no 2, ce remplacement a nécessité plus de six mois de travaux[30] - [31].

Rejets radioactifs

La centrale nucléaire de Fessenheim rejette des matières radioactives dans l’environnement par la cheminée du BAN (effluents gazeux) et par rejet vers le Rhin via le canal d'Alsace (effluents liquides). EDF a l'obligation de contrôler ces rejets et de ne pas dépasser des limites de rejets annuelles fixées par l'Autorité de sûreté nucléaire.

En 2019 et depuis 2016, les limites de rejets radioactifs liquides autorisĂ©s se situent Ă  45 TBq/an pour le tritium, 130 GBq/an pour le carbone 14, 0,2 GBq/an pour l'iode et 18 GBq/an pour les autres produits de fission ou d’activation. Pour les rejets radioactifs gazeux, les limites se situe Ă  TBq/an pour le tritium, 1,1 TBq/an pour le carbone 14, 24 TBq/an pour les gaz nobles, 0,6 GBq/an pour l'iode et 0,14 GBq/an pour les autres produits de fission ou d’activation[32]. En 2018, les rejets liquides atteignirent 70 % de la limite pour le tritium, 10 % pour le carbone 14 et 2 % pour l'iode et les autres Ă©lĂ©ments radioactifs. Les rejets gazeux furent de 16 % de la limite pour le tritium, 15 % pour le carbone 14 et moins de 1 % pour les autres Ă©lĂ©ments radioactifs[33].

Historique

Origines du projet

En novembre 1963, le CEA, comme concepteur, et EDF, comme exploitant, envisagent la construction de la première centrale nuclĂ©aire de production d’électricitĂ© rentable du programme français[34]. Il s’agit alors de franchir le pas de la phase industrielle du programme nuclĂ©aire civil français. Pour cela, les ingĂ©nieurs des deux organismes partent d’un rĂ©acteur Uranium-naturel-graphite-gaz (UNGG) de rĂ©fĂ©rence – celui de Saint-Laurent-des-Eaux A1 – qu’ils entendent optimiser pour en accroĂ®tre la rentabilitĂ©. Pour supporter le coĂ»t important du projet, le CEA noue un partenariat avec l’industrie allemande qui prĂ©voit le partage de l’investissement en Ă©change d’un droit de tirage sur l’électricitĂ© produite par la centrale. Le site frontalier de Fessenheim est choisi[35]. La France s’occupe de la conception et de la fabrication de la partie nuclĂ©aire de l’installation tandis que l’Allemagne s’occupe de la partie conventionnelle. En 1964, EDF et son homologue d’outre-Rhin RWE demandent Ă  Siemens et au Groupement atomique Alsacienne-Atlantique (GAAA) de constituer un consortium en vue de la construction de la centrale tout en gardant la maĂ®trise d’ouvrage. Le projet prend le nom de « projet franco-allemand de Fessenheim ». Jugeant le seuil de rentabilitĂ© de la technologie de rĂ©acteur français trop Ă©levĂ© par rapport Ă  ceux du fioul et des filières eau lĂ©gère (RĂ©acteur Ă  eau pressurisĂ©e [REP] et Ă  eau bouillante [REB]) alors Ă©galement en dĂ©veloppement en Allemagne, les Allemands se retirent finalement du projet dès 1965.

Le projet est repris par EDF sous le nom de « projet Fessenheim graphite-gaz ». Le 7 novembre 1967, le Conseil interministériel restreint sous la présidence de Charles de Gaulle prend la décision de la mise en chantier de deux réacteurs nucléaires basés sur la technologie française uranium naturel graphite gaz (UNGG) à Fessenheim, malgré les conclusions du rapport de Pierre Cabanius et Jules Horowitz qui concluait à la supériorité économique des réacteurs à eau pressurisée (REP)[36].

Retournement de situation le 13 novembre 1969, sous la présidence de Georges Pompidou, le Conseil interministériel restreint arbitre définitivement en faveur de la filière REP, et EDF est autorisé en 1970 à lancer la construction de deux réacteurs REP sous licence Westinghouse Electric, à la place des deux réacteurs UNGG initialement prévus.

Construction

Sociétés propriétaires de la centrale de Fessenheim.

La construction de la centrale, autorisée en 1970, a coûté un peu plus d'un milliard d'euros[29].

La centrale a été construite avec la participation financière de trois sociétés : Électricité de France (67,5 %), la société allemande EnBW (17,5 %) et un consortium suisse (NOK, EOS et BKW) (15 %). Ces sociétés disposent d’un droit de prélèvement d'électricité proportionnel à leur participation financière[37].

En 1971, un accord pour enrichir dans les usines soviétiques la première charge de combustible de la centrale nucléaire de Fessenheim a été conclu par la France et l'U.R.S.S.[38].

Le , des militants du commando Ulrike-Meinhof-Puig-Antich dont l'autrice Françoise d'Eaubonne[39], ont commis un attentat à l'explosif (sans faire de victime) sur le chantier et ont ainsi provoqué un retard de plusieurs mois sur le chantier[40].

La centrale a été mise en service en 1977[41]. Le calcul de l'amortissement prenait alors en compte une durée d'exploitation de vingt ans[42].

Organisation

La centrale est dirigée par Elvire Charre[43] depuis octobre 2020. Elle a succédé à Marc Simon-Jean, directeur entre avril 2015[44] et septembre 2020.

En fonctionnement, la centrale employait directement un peu moins de 800 salariĂ©s[45] et environ 250 prestataires. En permanence, près d’une centaine de personnes Ă©tait d’astreinte pour assurer la gestion technique, la mise en Ĺ“uvre des moyens ou la communication[46].

Mise à l’arrêt définitif

L'arrêt définitif de la centrale de Fessenheim pour 2016 fait partie du programme de François Hollande lors de sa campagne présidentielle de 2012[47], engagement réaffirmé en mars 2015.

En , EDF demande une indemnisation avant que la mise Ă  l’arrĂŞt dĂ©finitif de la centrale ne dĂ©bute. Un montant fixe de 400 millions d'euros est alors en discussion plus une part variable dĂ©pendant des futurs prix de l’électricitĂ© et du coĂ»t de production de l’énergie nuclĂ©aire[48] - [49].

En , la ministre de l'écologie Ségolène Royal signe un décret conditionnant la fermeture de Fessenheim à la mise en service du réacteur pressurisé européen (EPR) de la centrale nucléaire de Flamanville et prévoit la « mise à l'arrêt définitif » pour fin 2018[50]. Ce décret est annulé en octobre 2018[51].

En , Emmanuel Macron annonce le report de la fermeture à l'été 2020[52]. En 2019, la fermeture de Fessenheim est confirmée pour 2020[53], malgré les retards de l'EPR de Flamanville[54]. Emmanuelle Wargon, Secrétaire d'État à la Transition écologique, annonce le la fermeture de la centrale pour juin 2020 : « Les réacteurs vont fermer pour le premier d'entre eux en février 2020, pour le deuxième en juin »[55].

Fin septembre 2019, EDF annonce que le premier réacteur sera arrêté définitivement le et le second le 30 juin[56], en application « du plafonnement de la production d’électricité d’origine nucléaire fixé par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte »[57].

L'État a signĂ© avec EDF « un protocole qui prĂ©voit d'indemniser l'Ă©lectricien au titre de cette fermeture anticipĂ©e. Des versements initiaux sont prĂ©vus pendant les quatre annĂ©es suivant la fermeture, pour un montant « proche de 400 millions d'euros ». EDF recevra un supplĂ©ment en cas de « manque Ă  gagner » pour tenir compte des bĂ©nĂ©fices que le groupe aurait engrangĂ©s jusqu'Ă  la fin de vie thĂ©orique de Fessenheim en 2041. Ces versements seront calculĂ©s au fur et Ă  mesure, en fonction des prix de vente de l'Ă©lectricitĂ© nuclĂ©aire et des prix de marchĂ© observĂ©s sur la pĂ©riode, ainsi que des coĂ»ts observĂ©s sur le parc nuclĂ©aire restĂ© en service »[58].

En une mission d'information est lancée à l'Assemblée nationale dédiée à la Fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim[59] dont le député d'Haguenau Vincent Thiébaut est élu rapporteur[60] - [61] - [62].

Le réacteur numéro un de la centrale est mis à l'arrêt définitivement dans la nuit du 21 au [26].

La mise à l'arrêt définitif du second réacteur est effectuée dans la nuit du 29 au [63]. Élisabeth Borne, alors ministre de la Transition écologique et solidaire, qui a mené à terme la mise à l’arrêt définitive de la centrale qualifie l'arrêt de « moment historique » se félicitant d’avoir acté cette décision[64] - [47].

Démantèlement

À la suite de la mise à l’arrêt définitif des deux réacteurs[65], les opérations de démantèlement de la centrale commenceront au plus tôt en 2025, après l’évacuation du combustible nucléaire usé[66] - [67] - [68].

Dans le cadre de la fermeture, un appel d'offres pour 300 MW de photovoltaĂŻque dans le Haut-Rhin est lancĂ©[69]. GrDF se donne comme objectif concret la crĂ©ation de 50 unitĂ©s de mĂ©thanisation d'ici 2030, toujours dans le Haut-Rhin[70]. Une usine de fabrication de pellets pourrait voir le jour[71].

Compte tenu d'un contexte national favorable à l'énergie nucléaire, eu égard au réchauffement climatique, des élus alsaciens demandent la construction de nouveaux réacteurs à Fessenheim[72].

Les visites décennales

Tous les dix ans, chaque réacteur nucléaire doit faire l’objet d’une visite décennale, ou réexamen de sûreté[73].

Concernant le vieillissement de la centrale, l'ASN a d'abord Ă©mis un avis gĂ©nĂ©rique en favorable Ă  la poursuite de l’exploitation de l'ensemble des rĂ©acteurs de 900 MWe jusqu’à 40 ans après leur première divergence, sous rĂ©serve d’une conformitĂ© au nouveau rĂ©fĂ©rentiel de sĂ»retĂ©. Le bilan des actions de maintenance rĂ©alisĂ©es pendant la troisième visite dĂ©cennale de Fessenheim estime que « l'usure et le vieillissement des composants du rĂ©acteur sont conformes aux prĂ©visions et ne prĂ©sentent pas de singularitĂ© particulière » ; de ce fait aucune rĂ©serve sur cet aspect n'a Ă©tĂ© Ă©mise[74].

EDF a investi plus de 380 millions d’euros depuis 2009 pour les visites dĂ©cennales des unitĂ©s de production no 1 et no 2[75].

3e visite décennale du réacteur no 1

La troisième visite dĂ©cennale du rĂ©acteur numĂ©ro 1 de la centrale de Fessenheim a durĂ© cinq mois. CommencĂ©e le , elle s'est achevĂ©e le [76]. La commission locale d'information et de surveillance (CLIS) de Fessenheim, une instance pilotĂ©e par le conseil gĂ©nĂ©ral du Haut-Rhin pour informer les citoyens et permettre la concertation avec les dirigeants de la centrale et les autoritĂ©s de contrĂ´le, a par ailleurs confiĂ© au Groupement des scientifiques pour l'information sur l'Ă©nergie nuclĂ©aire (GSIEN) une Ă©valuation de cette visite dĂ©cennale. Celui-ci a rendu un rapport de 117 pages en juin 2010[77], stipulant que la 3e visite dĂ©cennale de Fessenheim-1 ne « met pas en Ă©vidence de facteurs alarmants mĂŞme si des points concernant la maintenance, la rĂ©alisation de chantiers, la formation doivent ĂŞtre mieux pris en compte et fortement amĂ©liorĂ©s. Toutefois certaines questions restent en suspens :

  • Par exemple, la tenue du radier en cas d'accident grave reste une question importante, et ce d'autant plus que la probabilitĂ© de ce type d'accident augmenterait en raison du vieillissement des installations et de l'augmentation du taux de combustion des combustibles.
  • La question des dĂ©chets sans filière d'Ă©limination et dont l'entreposage sur le site de la centrale n'est pas permis par la gĂ©ographie (risque d'inondation, par exemple).
  • L'augmentation des rejets de tritium liĂ©e au passage au combustible Cyclade qui entraĂ®ne l'augmentation de l'utilisation du bore.
  • Les problèmes rĂ©sultant d'une installation conçue il y a plus de 40 ans. Le rajeunissement de certains Ă©quipements risque de se heurter Ă  l'inadaptation des techniques actuelles Ă  celles des annĂ©es 60-70 »[77].

L'ASN a rendu public son avis consécutif à la troisième visite du réacteur no 1 de la centrale de Fessenheim le [74]. L'avis exprimé par l'ASN est favorable sous réserve des conclusions à venir des évaluations complémentaires de sûreté (ECS) engagées à la suite de l'accident de Fukushima, mais surtout avec l'exigence absolue de respecter les « deux prescriptions majeures suivantes :

  • Renforcer le radier du rĂ©acteur avant le , afin d’augmenter sa rĂ©sistance au corium en cas d’accident grave avec percement de la cuve ;
  • Installer avant le des dispositions techniques de secours permettant d’évacuer durablement la puissance rĂ©siduelle en cas de perte de la source froide. »

Parallèlement Ă  cet avis, l'ASN Ă©met le mĂŞme jour une dĂ©cision qui comprend 40 prescriptions spĂ©cifiques prenant effet immĂ©diat Ă  compter de la notification de la dĂ©cision. 29 concernent directement le rĂ©acteur no 1, dans les domaines du management de la sĂ»retĂ©, de la maĂ®trise des risques d'accidents et de la gestion et de l'Ă©limination des dĂ©chets et des combustibles usĂ©s. 11 autres concernent les deux rĂ©acteurs[78].

À la suite de cet avis positif de l'ASN, le gouvernement est resté prudent, la ministre de l'écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, soulignant que cet avis « ne valait pas prolongation ». Outre le fait que la visite décennale du réacteur no 2 doit encore être faite, le gouvernement avait indiqué fin-juin qu'il attendrait aussi les résultats mi-novembre 2011 des tests de sécurité décidés après l'accident de Fukushima (réserve qui figure également dans l'avis de l'ASN), pour se prononcer sur la prolongation de la durée d'exploitation de la centrale[79].

3e visite décennale du réacteur no 2

Il était prévu que la troisième visite décennale du réacteur numéro 2 de la centrale de Fessenheim dure près de sept mois. Commencée en avril 2011, elle devait initialement se terminer en novembre 2011[80]. Dans le contexte post-Fukushima, l'arrêt est finalement prolongé de quelques mois. L'avis de l'ASN sur la poursuite d'exploitation de ce réacteur est émis au début de 2012. Le réacteur numéro 2 est remis en service la semaine du 5 mars 2012, il n'est porté de nouveau à sa puissance maximale qu'au bout d'une semaine.

Anomalies, incidents et accidents

La liste des incidents nucléaires survenus à la centrale de Fessenheim après l'an 2000, avec leur niveau de gravité, leur origine et les mesures prises pour éviter leur reproduction est publiée sur le site de l'ASN[81].

Selon l'échelle internationale des événements nucléaires (INES) ces événements sont classés en 7 niveaux : ceux de niveaux 1 à 3 sont qualifiés du terme « incidents » (qui sont par définition sans conséquence significative sur les populations et l'environnement), ceux des niveaux supérieurs (4 à 7) sont qualifiés du terme « accidents ».

1980

Le soir du 2 juin 1980, des personnes non identifiées se sont rendues au portail de la centrale électrique et ont tiré des coups de feu sur les gardes. Aucun des gardes n'a été touché.

2000

Une anomalie de conception affectant la tenue à un séisme de forte intensité des réservoirs d'eau des centrales de Fessenheim et de Bugey a été détectée en 2000. Après une étude plus générale, EDF a informé l'ASN le 14 octobre 2002 que ce défaut affectait également les centrales du Blayais, de Chinon, de Dampierre, de Saint-Laurent et du Tricastin[82].

Le réservoir PTR contient de l'eau borée destinée à remplir la piscine du réacteur lors du déchargement ou du rechargement du combustible. Cette eau borée sert aussi au refroidissement du cœur du réacteur dans certaines situations accidentelles en alimentant le système d'injection de sécurité ou le système d'aspersion de l'enceinte. Le réservoir ASG alimente en eau les générateurs de vapeur[82]. Ainsi, l'indisponibilité de ces réservoirs pourrait affecter sévèrement le système de refroidissement des réacteurs en cas d'accident.

L'incident est classé au niveau 1 de l'échelle INES.

Les réservoirs ASG et PTR des réacteurs de Fessenheim ont été réparés en 2002. Ceux des autres centrales ont été terminés en 2005[83].

2004

Le samedi 24 janvier 2004, une vanne a été fermée par erreur, ce qui a entraîné l'intervention de sept agents qui ont accidentellement inhalé des particules radioactives. L'anomalie a été classée au niveau 1 de l'échelle INES[84] - [85].

2005

Le 29 septembre 2005, lors du déchargement du réacteur no 1, un essai mal conçu de décharge de batterie électrique a induit une coupure de courant sur un tableau électrique, causant conjointement un arrêt des pompes du système de refroidissement de la piscine de stockage du combustible, la perte du moyen de mesure de la réactivité, et la perte du moyen de mesurer le taux de bore dans le réacteur. Cette anomalie a été classée au niveau 1 de l'échelle INES[86].

2009

Le 27 décembre 2009, des débris végétaux ont bloqué le système d’alimentation en eau de la centrale, ce qui a entraîné une réduction des débits dans les circuits de refroidissement. C'est pourquoi l'arrêt pour travaux de maintenance du réacteur no 2 a dû être prolongé d'urgence. Cette anomalie a été classée au niveau 1 de l'échelle INES[87].

2010

En 2010, Fessenheim a enregistré trois anomalies de niveau 1 sur l'échelle INES[88].

2011

En 2011, une erreur d'opérateur conduit à un arrêt automatique d'un des réacteurs. Incident de niveau 1 sur l'échelle INES[89].

2012

Le 25 avril, un départ de feu a touché un matériel de refroidissement de l’alternateur en salle des machines. Une trentaine de pompiers sont intervenus, les gendarmes du peloton spécialisé de protection, qui surveille le site et ses environs, et ceux de la brigade de Blodelsheim ont également été mobilisés[90]. L'incident n'a fait aucun blessé et n'a pas affecté la production d'électricité selon EDF[91].

Le 8 mai, le réacteur no 2 s’est automatiquement arrêté en raison de l’échec d’un essai d’îlotage[92].

Le 5 septembre, un dégagement de vapeur d'eau brûlante lors d'une injection de peroxyde d'hydrogène dans un réservoir proche du réacteur no 1 fait deux « blessés légers » et déclenche l'alarme incendie[93] - [94]. Après contrôle médical, les deux personnes concernées ont pu reprendre immédiatement le travail[95].

2013

En février, plusieurs centaines de manifestants pour et contre la fermeture de Fessenheim se sont rassemblés à Colmar, lors de l'ouverture de la Commission locale d'information (CLIS)[96].

En juillet, le réacteur no 2 est arrêté automatiquement à la suite de l'arrêt d'une pompe du circuit primaire[97].

2014

Le 18 mars, 56 militants Greenpeace de « 14 nationalités différentes » ont occupé la centrale pour dénoncer le « risque que fait courir le nucléaire français à l’Europe entière ». Une quarantaine ont réussi à entrer en zone protégée, la quasi-totalité ont été interpellés[98], puis condamnés pour violation de domicile à deux mois de prison avec sursis[99].

Le 9 avril, le réacteur no 1 est mis à l'arrêt en raison d'une fuite détectée dans sa tuyauterie d'alimentation en eau[100]. L'incident est classé au niveau 1. En mars 2016, les médias allemands signalent qu'en fait la situation serait devenue hors de contrôle et qu'il a fallu arrêter le cœur avec une solution borée. L'ASN répond alors que la situation est restée sous contrôle tout en admettant l'usage de la borication[101].

Le 18 avril, le réacteur no 2 est arrêté à la suite de la fermeture intempestive d'une soupape qui règle l'arrivée de la vapeur sur le groupe turbo-alternateur. Les deux réacteurs de la centrale sont alors à l'arrêt[100].

2015

Le 28 fĂ©vrier, EDF communique qu'un dĂ©faut d'Ă©tanchĂ©itĂ© sur une tuyauterie a conduit Ă  l'arrĂŞt du rĂ©acteur no 1[102]. La salle des machines est inondĂ©e par plus de 100 m3 d'eau, ce qui Ă©clabousse un circuit Ă©lectrique et dĂ©clenche une alarme en salle de commande. Le 5 mars, l’AutoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire rĂ©alise une inspection, qui met en Ă©vidence un manque de rigueur dans le processus de traitement des Ă©carts et la prise en compte du retour d’expĂ©rience. Quelques minutes après l'inspection se produit une seconde rupture de canalisation sur la mĂŞme tuyauterie que le 28 fĂ©vrier. Lors de cet incident, le personnel croit qu’il s’agit d’un essai de sirène et n'Ă©vacue pas[103].

Le tribunal de police de Guebwiller, puis la cour d'appel de Colmar condamnent EDF Ă  7 000 € d'amende pour sa mauvaise gestion de l'incident[104]. Le pourvoi en cassation d'EDF est rejetĂ©[105].

2016

Le 13 juin 2016, EDF procède à la mise à l’arrêt du réacteur 2 car l’ASN a suspendu le certificat d’épreuve du générateur de vapeur affecté par une des irrégularités détectées dans l’usine Creusot Forge d’Areva[106]. Greenpeace porte plainte car EDF aurait tardé à déclarer l'anomalie à l'ASN, en la dissimulant pendant un mois entre mai et juin 2016. Le parquet de Paris ouvre alors une enquête préliminaire[107].

2018

Le 12 mars 2018, l'ASN a levé la suspension du certificat d'épreuve d'un générateur de vapeur du réacteur 2, permettant ainsi le redémarrage du réacteur prévu fin mars[108].

Le réacteur 2, arrêté depuis juin 2016, a redémarré le [109].

DĂ©bat sur la fermeture de la centrale

Manifestation devant la centrale de Fessenheim.

Lors de sa conception, la durée initiale d'exploitation de la centrale de Fessenheim était de quarante ans (rapport initial de sûreté de 1971, confirmé par le rapport définitif de sûreté de 1979). En exploitation, conformément à la réglementation, la durée effective d'exploitation en sûreté est revalidée tous les dix ans par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à la suite des visites décennales[110] en 1989, 1999 et 2009 pour la tranche 1 et en 1990, 2001 et 2011 pour la tranche 2.

La centrale nucléaire de Fessenheim est contestée par certains riverains et par le mouvement antinucléaire tant en France que dans les pays frontaliers (Allemagne et Suisse) qui réclament sa fermeture et son démantèlement (cf. section « Manifestations » ci-après) en raison de son âge et de son implantation sur un site à risque sismique[111]. En mars 2007, à l’occasion des trente ans de la centrale nucléaire de Fessenheim, le Réseau Sortir du nucléaire a demandé sa fermeture immédiate[112].

Fin août 2012, le président de la République François Hollande a réaffirmé sa volonté de fermer la centrale alsacienne, conformément à ses engagements de campagne. Il a ensuite fixé la date de fermeture de la centrale à fin 2016, lors de la Conférence environnementale du 14 septembre 2012[113].

Le 12 décembre 2012, Francis Rol-Tanguy est nommé en conseil des ministres comme délégué interministériel à la fermeture de la centrale nucléaire et à la reconversion du site de Fessenheim[114].

Le 25 janvier 2013, l'Élysée et la ministre de l'Écologie et de l'Énergie (Delphine Batho) ont réaffirmé leur engagement de fermer la centrale d'ici « fin 2016 » ou « début 2017 », en fonction des difficultés juridiques et économiques qui accompagnent cette mise à l'arrêt[115].

En effet :

  1. La centrale appartient pour 67,5 % à EDF et pour 32,5 % à des groupes allemands et suisses (EnBW, Alpiq, Axpo et BKW). Avec l'accord de tous les actionnaires, EDF a engagé des travaux afin de porter la durée d'exploitation de la centrale à cinquante ou soixante ans. En cas de fermeture anticipée, EDF estime qu'il sera nécessaire de dédommager les actionnaires pour la perte subie[116]. En 2016, EDF demande un accord sur son indemnisation comme préalable à la fermeture de la centrale[117].
  2. La fermeture par l'État français nécessite « une disposition législative » attendue dans la loi de programmation pour la transition énergétique qui devrait être débattue au Parlement fin 2013[118] - [119].

Le 21 octobre 2013, Francis Rol-Tanguy, délégué interministériel à la fermeture de la centrale nucléaire et à la reconversion du site de Fessenheim, est nommé directeur de cabinet de Philippe Martin, ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. Dans ce contexte, Michael Ohier, adjoint de Francis Rol-Tanguy, assure désormais l’intérim de la délégation à la fermeture de la centrale nucléaire et à la reconversion du site de Fessenheim[120].

Le 15 janvier 2014, Jean-Michel Malerba est nommé en Conseil des ministres nouveau délégué interministériel à la fermeture de la centrale de Fessenheim sur proposition du ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie[121].

En septembre 2015, la ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, Ségolène Royal, annonce que la fermeture de la centrale est repoussé à fin 2018, à la suite du retard du chantier de construction de l'EPR de Flamanville 3[122].

Un porte-parole du ministère allemand de l'environnement ayant déclaré au début de mars 2016 que des réacteurs « aussi vieux représentent un risque sécuritaire » et que Fessenheim « devrait être fermée le plus vite possible », Sophie Letournel, chef de la division de Strasbourg de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), a répondu « Pour nous à l'ASN, aujourd'hui, du point de vue de la sûreté nucléaire, il n'y a pas de raison de fermer la centrale de Fessenheim. Après, il y a des décisions de politique énergétique qui relèvent du gouvernement et qui peuvent conduire à des choix différents. Fessenheim est tout à fait dans la moyenne de l'appréciation que l'ASN porte sur les centrales nucléaires françaises, c'est-à-dire que c'est globalement satisfaisant »[123].

Le 24 mars 2017, la Commission européenne valide le protocole d’indemnisation du groupe EDF relatif à la fermeture anticipée de la centrale. Les trois conditions posées par EDF pour enclencher la procédure de fermeture sont donc satisfaites[124].

Le 6 avril 2017, le conseil d'administration de EDF valide un arrêt de la centrale, à condition que celui-ci ne se fasse que 6 mois avant la mise en service de l'EPR de Flamanville (fin 2018 - début 2019). Le même jour, Ségolène Royal assure que la centrale sera fermée en 2018[125].

Le 20 janvier 2018, Sébastien Lecornu, secrétaire d'État à la Transition écologique, se rend à la centrale nucléaire de Fessenheim pour lancer le comité de pilotage travaillant sur la fermeture et sur la reconversion du site[126].

Alors qu'en 2015, la centrale nuclĂ©aire de Fessenheim avait produit plus de 12 TWh d’électricitĂ©, elle en avait dĂ©livrĂ© 8,4 TWh en 2016 contre seulement 5,8 TWh en 2017[127]. La centrale devait fermer Ă  l'Ă©tĂ© 2019[127], mais sa fermeture reste en fait tributaire de la mise en service de l'EPR de Flamanville. Le gouvernement Ă©vite de communiquer une quelconque date de fermeture tant qu'il n'est pas sĂ»r de la fin de travaux de l'EPR[128].

En juillet 2018, un nouveau retard d'un an du chantier de Flamanville 3 est annoncĂ© du fait des « Ă©carts de qualitĂ© » constatĂ©s sur 33 soudures. Le fonctionnement Ă  pleine puissance ne sera pas effectif avant le deuxième semestre 2020 ; la fermeture de Fessenheim est donc reportĂ©e Ă  2020, et plus probablement Ă  2021 ou 2022 selon le cabinet Colombus Consulting[129].

Le 4 octobre 2018, le ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, a estimé que le calendrier de fermeture de la centrale de Fessenheim n'était plus forcément lié à celui du démarrage de l'EPR de Flamanville. En effet, elle n'a pas construit les Diesels d'ultime secours, demandés par l'Autorité de sûreté nucléaire après l'accident nucléaire de Fukushima, qui devaient, en théorie, être installés au plus tard à la fin 2018 ; de plus, les réacteurs doivent réaliser tous les dix ans une « épreuve hydraulique » pour tester la résistance de leurs installations ; or la dernière a été réalisée lors de la visite décennale fin 2009 ; la fermeture de Fessenheim peut donc difficilement être repoussée au-delà de la fin de 2019, alors que Flamanville doit être mis en service en 2020. Le calendrier officiel de fermeture présenté par EDF en septembre 2018 au comité central d'entreprise annonce l'arrêt probable des deux réacteurs au dernier trimestre 2019[130].

Le 25 octobre 2018, le Conseil d'État annonce l'annulation du décret ordonnant la fermeture de Fessenheim qui avait été signé par Ségolène Royal en avril 2017. Le juge administratif estime en effet que cette décision n'avait pas été « légalement prise ». Il faut que l'exploitant, EDF, demande officiellement la fermeture afin que celle-ci puisse être validée. La décision du Conseil d’État ne signifie donc pas que cette fermeture est impossible mais plutôt qu'il faut lui imposer un cadre légal afin de l'autoriser[131].

Réexamen et validation de la durée d'exploitation

Placement de Fessenheim par rapport aux tranches d'âge des autres centrales nucléaires en 2013.

Tous les dix ans, à la suite d'inspections approfondies réalisées durant les visites dites « décennales », l'autorité de sûreté nucléaire française (ASN) réexamine son accord concernant la poursuite de l'exploitation pour dix années supplémentaires. À la suite des dernières visites décennales, à la requête de l'ASN et afin de poursuivre l'exploitation, EDF doit, sur les deux réacteurs, renforcer le radier (dalle de béton armé située sous les réacteurs) et mettre en place un système de refroidissement de secours supplémentaire. Ces travaux, tirés des enseignements de l'accident nucléaire de Fukushima, doivent être terminés avant 2014[132] - [133] - [134].

L'autorité de sûreté nucléaire (ASN) considère qu'il n'y a pas de risques justifiant l'arrêt de l'exploitation de la centrale. Elle a donc donné son accord à la poursuite de l'exploitation de la centrale pour dix ans supplémentaires, en 2011 pour la tranche 1[135] et en 2013 pour la tranche 2, sous réserve que soient réalisés les travaux tirés des enseignements de l'accident nucléaire de Fukushima[136] mentionnés ci-dessus. En octobre 2013, après notamment « l'ajout d'une source d'eau froide supplémentaire et le renforcement du radier », l'ASN déclare le « dossier de la visite décennale du réacteur 1 de la centrale de Fessenheim […] globalement clos »[137].

En comparaison, aux États-Unis, l’autoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire amĂ©ricaine (NRC), a accordĂ© des renouvellements de licence jusqu’à 60 ans pour 81 rĂ©acteurs sur les 99 en service dans le pays dont la centrale de Beaver Valley qui est la centrale de rĂ©fĂ©rence de Fessenheim[138] ; et elle a publiĂ© fin 2015 un projet de lignes directrices, soumis Ă  consultation publique jusqu’en fĂ©vrier 2016, pour « dĂ©crire les mĂ©thodes et techniques acceptables par les Ă©quipes de la NRC pour le renouvellement de licence » jusqu’à 80 ans d’exploitation[139].

Position des syndicats

Des représentants des organisations syndicales CFDT, CGT Mine-Énergie, CGT-FO et CFE-CGC/Unsa de Fessenheim ont été reçus par François Hollande pendant la campagne présidentielle de 2012[140]. Ils s'opposent à la fermeture de la centrale proposée par le candidat, la qualifiant de dogmatique[141]. François Hollande a été hué à la sortie par une quarantaine de salariés de la centrale[142].

Une quarantaine de syndicalistes appartenant à la CGT, CFDT, FSU et à Solidaires ont lancé en avril 2012 un appel « hors des structures syndicales » pour l’arrêt de Fessenheim[143].

Position des collectivités locales

Avant son arrêt définitif mi-2020, la centrale versait chaque année environ cinquante millions d’euros d'impôts et de taxes locales[148] - [149].

Actions juridiques

L'Association tri-nationale de protection de la population des alentours de Fessenheim (ATPN), qui regroupe des villes comme Fribourg (Allemagne), Bâle (Suisse), des communes allemandes, suisses et françaises, des associations et des particuliers, a déposé un recours gracieux devant le tribunal administratif de Strasbourg en juillet 2008. Le 17 octobre 2008, le Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire a rejeté — sans explication ni proposition de concertation — le recours déposé par l'ATPN[150].

Le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le 9 mars 2011[151] la demande de fermeture immédiate de l’association transfrontalière antinucléaire ATPN[152]. À la suite de cette décision de justice, l'ATPN a décidé à l'unanimité de saisir le Conseil d'État et « s'apprête en outre à saisir la Commission européenne d'une plainte contre la France »[153].

En avril 2016, un riverain porte plainte contre la centrale de Fesseheim pour « mise en danger de la vie d'autrui ». Il est soutenu par l'avocate Corinne Lepage[154].

Manifestations

Manifestation contre la centrale de Fessenheim, 13 janvier 2013.

Le 12 avril 1971 se dĂ©roule la première manifestation du mouvement contre le nuclĂ©aire civil français. 1 500 personnes participent Ă  la première marche sur Fessenheim organisĂ©e par le ComitĂ© pour la sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin[155].

Le 24 avril 2004, soit deux jours avant l'anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl, environ 2 000 manifestants français, allemands et suisses se sont rassemblĂ©s devant la centrale Ă  l’occasion du dĂ©part du « Tour de France pour sortir du nuclĂ©aire » organisĂ© par le rĂ©seau sortir du nuclĂ©aire[156].

Une manifestation a eu lieu le 3 octobre 2009 Ă  Colmar en faveur de la sortie du nuclĂ©aire et pour la fermeture de la centrale de Fessenheim. 3 500 (selon la prĂ©fecture) Ă  10 000 personnes (selon les organisateurs) ont participĂ© Ă  ce rassemblement qui s'est dĂ©roulĂ© sans incident[157].

Le 20 mars 2011, 10 000 personnes dont une majoritĂ© d'Allemands ont manifestĂ© Ă  ChalampĂ© pour demander la fermeture de la centrale (situĂ©e Ă  1,5 km de la frontière franco-allemande)[158]. Le 10 avril 2011, environ 3 800 personnes, selon les gendarmes, se sont rĂ©unies l'après-midi sur l'Ă®le au milieu du Rhin, en face de la centrale nuclĂ©aire de Fessenheim[159].

Le 25 avril 2011, entre 6 000 et 9 000 personnes, venues de France, d’Allemagne et de Suisse, ont manifestĂ© sur six ponts entre la France et l'Allemagne. Le but affichĂ© de ces manifestations Ă©tait de commĂ©morer la catastrophe de Tchernobyl, survenue 25 ans auparavant, dĂ©noncer la catastrophe de Fukushima et rĂ©clamer la sortie du nuclĂ©aire[160].

Chaîne humaine devant la centrale de Fessenheim le 26 juin 2011.

Le 26 juin 2011, 5 000 Ă  10 000 manifestants ont formĂ© une chaĂ®ne humaine autour de la centrale pour rĂ©clamer sa fermeture immĂ©diate[161].

Le 18 mars 2014, 56 militants de l'ONG Greenpeace s'introduisent avec l'aide d'un camion de 19 tonnes sur le site pour dĂ©noncer la vĂ©tustĂ© et la dangerositĂ© de la plus vieille centrale nuclĂ©aire française (plus de 40 ans) et pour rappeler au PrĂ©sident Hollande sa promesse Ă©lectorale sur la fermeture de ce site et sur la transition Ă©nergĂ©tique[162].

Le 11 mars 2017, d’après le journal en ligne Le Monde, six ans après la catastrophe de Fukushima, des rassemblements massifs et des manifestations ont eu lieu a Paris et en province[163]. Le but des manifestants Ă©tait d'affirmer leur opposition au nuclĂ©aire. SupportĂ©s par les ONG, ils Ă©taient entre 400 et 500 personnes[164] venues pour rĂ©clamer la fermeture de la centrale nuclĂ©aire de Fessenheim[165].

Pour le Bund (Fédération allemande pour l’environnement et la protection de la nature), il est hors de question de construire un EPR sur le site de Fessenheim[166] - [167].

Le 29 juin 2020, une quarantaine de personnes manifeste contre la fermeture de la centrale devant les locaux de Greenpeace à Paris au nom de l'association « les voix du nucléaire »[168].

Impact de la fermeture sur les Ă©missions de CO2

La fermeture de Fessenheim entraînerait, d'après Maxence Cordiez, ingénieur dans le secteur de l'énergie, « un surcroît d’émission de gaz à effet de serre compris entre 6 et 12 millions de tonnes équivalent CO2 par an, par rapport à la situation dans laquelle la centrale aurait été prolongée », du fait du recours à des centrales au gaz ou au charbon pour compenser la perte de production que sa prolongation aurait permis d’éviter[169] - [170]. L'estimation de la Société française d'énergie nucléaire (SFEN), qui représente les défenseurs de la filière nucléaire, est de 6 et 10 millions de tonnes[171].

Ces estimations sont considérées comme surestimées par le chercheur Daniel Heuer : « L’estimation de la Sfen correspond à une compensation totale par une centrale au charbon. Il s'agit donc d'une estimation haute. » (…) « en fait l'arrêt de Fessenheim pourrait provoquer l'émission de plusieurs millions de tonnes de CO2 par an sans pouvoir préciser ce que contient ce plusieurs »[172] et aussi par Yves Marignac, de l'association anti-nucléaire négaWatt : « je ne sais même pas si on peut parler en millions de tonnes. Ce qui est sûr, c'est que l'argument produit par la Sfen et le raisonnement qu'elle présente est une évaluation maximaliste, déconnectée des réalités ». Mais selon Nicolas Goldberg et Nicolas Berghmans, chercheurs en politiques climatiques et énergétiques à l'Iddri, l'ordre de grandeur donné par la Sfen n'est pas incohérent, « avec [la réserve] qu'on fait comme si on retirait les centrales et que rien d'autre ne changeait dans le système »[173].

Critiques de la Cour des comptes

Un rapport de la Cour des comptes publié en mars 2020 estime que le protocole d'indemnisation que l'État négocie avec EDF présente un « risque financier » à ses dépens[174].

Critiques de l'Académie des sciences

L'Académie des sciences publie le un avis intitulé « Fermer Fessenheim et d’autres réacteurs est un contre-sens », qui rappelle que « l’énergie nucléaire n’émet pas de CO2,[...] elle est décarbonée. C’est grâce à cette énergie que la France est l’un des pays les plus vertueux en matière d’émissions de CO2 en Europe et que, par exemple, la production d’un kWh en France émet dix fois moins de CO2 qu’en Allemagne » et que « lorsque les éoliennes s’arrêtent faute de vent ou que le photovoltaïque cesse de produire, il faut les remplacer par des centrales pilotables. La France y parvient avec ses centrales nucléaires et hydroélectriques [...] l'Allemagne, où ces énergies intermittentes représentent déjà 29% de l’électricité produite, se retrouve dans l’obligation d’équilibrer l’intermittence par l’activité de centrales à gaz, charbon ou lignite ». Elle conclut : « il faut garder un nucléaire fort, sûr et bon marché, pour que la France maintienne sa position de pays parmi les moins émetteurs de CO2[175] [...] Il faut donc très rapidement prendre la décision de construire de nouveaux réacteurs pour remplacer ceux dont l’arrêt est programmé ou qui arriveront bientôt en fin de vie »[176] - [177].

Risques

Prise en compte du risque Ă  la conception

Emplacement de la centrale dans le fossé rhénan.

En cas de tremblement de terre important, mais n’occasionnant pas de dommages empêchant son redémarrage ultérieur, la centrale peut être amenée à s’arrêter. Le redémarrage est alors soumis à accord de l’autorité de sûreté nucléaire (voir par exemple le redémarrage de Cruas en 2020[178]). En cas de tremblement provoquant des dommages irréparables, le confinement nucléaire doit rester assuré. La pratique réglementaire française prévoit que le maintien des fonctions importantes de sûreté d'une installation nucléaire de base en surface (notamment et selon ses caractéristiques précises, l'arrêt sûr, le refroidissement et le confinement des produits radioactifs) puissent être assurés pendant et/ou à la suite de séismes plausibles pouvant affecter le site de l'installation considérée[179].

En ce qui concerne la zone géographique de la centrale de Fessenheim, le dernier gros séisme de référence dans la région est le tremblement de terre de Bâle de 1356 dont la magnitude estimée, sur la base de l'étude de chroniques religieuses de l'époque, est de 6,2 (estimation française) ou de 6,9 (estimations suisses et allemandes). La différence entre les deux valeurs correspond à un tremblement de terre libérant 15 fois plus d'énergie. Cette différence peut s'expliquer par l'imprécision de l'estimation des dommages, mais aussi par l'inconnue sur la profondeur du foyer. La centrale de Fessenheim est conçue pour résister à un tremblement de terre de magnitude de 6,7[180] - [181]. « Les contrôles réalisés ont permis de s'assurer du fonctionnement normal de l'installation dans l'hypothèse de la survenance d'un séisme libérant une énergie cinq fois supérieure à celle du séisme de Bâle[182]. »

Tous les dix ans, à l'occasion des réévaluations périodiques de sûreté, la protection contre le risque sismique est elle aussi réévaluée.

Pertinence de l'Ă©valuation du niveau du risque

En 2007, les cantons suisses de Bâle et du Jura mandatent le bureau d'études suisse Résonance pour évaluer la pertinence de la prise en compte du risque sismique de la centrale nucléaire de Fessenheim par l'opérateur et les autorités de contrôle françaises[183] :
  • Le rapport d'Ă©valuation du bureau d'Ă©tudes suisse aboutit Ă  la conclusion d'une forte sous-estimation du niveau d'Ă©valuation de la magnitude du sĂ©isme de rĂ©fĂ©rence tant par EDF que, dans une moindre mesure, par l'IRSN. La magnitude Ă©valuĂ©e par l'IRSN en 2002 est de 6,0. Le bureau d'Ă©tudes suisse fait valoir que le catalogue allemand en vigueur en 2007 attribue Ă  ce sĂ©isme une magnitude de 6,6 et le catalogue suisse une magnitude de 6,9. Il fait en particulier rĂ©fĂ©rence Ă  l'Ă©tude Pegasos, menĂ©e en Suisse de 2002 Ă  2004 et ayant pour objectif la dĂ©termination probabiliste de l'alĂ©a sismique des quatre sites nuclĂ©aires en Suisse, qui aboutit Ă  cette Ă©valuation de 6,9[184].
  • Le mĂŞme rapport critique par ailleurs l'utilisation d'une mĂ©thode dĂ©terministe prĂ©conisĂ©e par la mĂ©thodologie française alors qu'au niveau international ce sont souvent des mĂ©thodes probabilistes qui sont employĂ©es.

En réponse :

  • L'IRSN affirme que l’estimation d'une magnitude de 6,0 est conforme aux connaissances de l'Ă©poque (2001)[183]. Dans son « avis sur le rapport RĂ©sonance » publiĂ© en 2008, l'IRSN mentionne diffĂ©rentes Ă©tudes et colloques qui sont faits depuis, en particulier l'Ă©valuation publiĂ©e par Bakun & Scotti en 2006. Sur ces nouvelles bases, l'IRSN est conduit Ă  revoir l'Ă©valuation de cette magnitude Ă  la hausse en mars 2008, dĂ©sormais fixĂ©e Ă  6,8. EDF reste toujours fixĂ© sur une Ă©valuation Ă  6,1[185].
  • Concernant la critique de la mĂ©thode française d'Ă©valuation de l'alĂ©a sismique, l'IRSN rĂ©pond que les deux approches sont complĂ©mentaires et pas contradictoires. Dans une approche dĂ©terministe, « on s'intĂ©resse principalement aux sĂ©ismes connus les plus importants et aux mouvements du sol qu'ils gĂ©nĂ©reraient sur le site Ă©tudiĂ©, si ces sĂ©ismes se produisaient Ă  proximitĂ© du site. Dans l'approche probabiliste, on tient compte de la frĂ©quence des sĂ©ismes en fonction de leur magnitude, ce qui permet de dĂ©finir l'alĂ©a sous la forme d'une probabilitĂ© de dĂ©passer un niveau donnĂ© de mouvement du sol (par exemple l'accĂ©lĂ©ration du sol). Les deux approches nĂ©cessitent les mĂŞmes donnĂ©es de base, Ă  savoir un catalogue de sismicitĂ© qui recense les sĂ©ismes (magnitude et localisation) passĂ©s dans la rĂ©gion Ă©tudiĂ©e »[183].
[source secondaire nécessaire]

Dimensionnement des structures

Dans la conclusion de son étude, le bureau d’études suisse reconnaît toutefois qu’il est « impossible de conclure que la sous-évaluation de la magnitude représente un risque sismique inacceptable pour la centrale »[186].

Concernant le dimensionnement des ouvrages, il existerait en effet une marge de sécurité importante, de l’ordre d’un facteur 2 voire plus, par rapport au séisme de dimensionnement, du fait de la méthode de dimensionnement « élastique » employée à l’époque. Il fait, sur cet aspect, en particulier référence au séisme de Chuetsu-oki du qui a affecté la centrale de Kashiwazaki-Kariwa, dimensionnée selon la même méthode, et qui a subi sans dommages une sollicitation sismique environ deux fois plus forte que celle prise en compte lors de son dimensionnement[186].

À l’instar du bureau d’études, l’IRSN confirme dans son étude de 2008 qu’« une évaluation sérieuse de la capacité résistante des structures aux mouvements sismiques réévalués nécessiterait de comparer le ferraillage en place (résultant des calculs de dimensionnement) au ferraillage requis (résultant d’un calcul de vérification prenant en compte l’aléa sismique réévalué). Ce diagnostic, qui impliquerait de mobiliser des moyens d’études conséquents, ne peut être envisagé que dans le cadre d’un réexamen de sûreté[187]. » Il n’existe a priori en 2011 pas de document public qui permette de savoir si l’évaluation du ferraillage en place a bien été faite.

Par ailleurs, en juin 2010, un groupe d'experts du Groupement des scientifiques pour l'information sur l'énergie nucléaire mandaté par la CLIS a rappelé que « la tenue au séisme des bâtiments annexes et des installations qualifiées de « mineures » est aussi importante que celle du bâtiment réacteur. C’est l’effet « domino », bien connu des Sapeurs Pompiers. EDF a confirmé à la CLIS que ce type d’équipement est dimensionné pour résister au séisme. Il est essentiel que les diverses études en cours sur les effets « séisme » soient menées à bien »[188].

[source secondaire nécessaire]

Nouveau zonage sismique en France

Depuis l'entrée en vigueur le 1er mai 2011 de la nouvelle réglementation parasismique[189], la majorité du département (dont le site de Fessenheim) est passée d'une zone de sismicité faible à modérée mais le tiers méridional est resté en zone de sismicité moyenne. C'est dans cette zone du fossé rhénan qu'a été enregistré en juillet 1980 à Sierentz le séisme le plus récent du département, d'une magnitude de 4,7[190]. Ce changement ne concerne toutefois pas l'installation nucléaire qui est soumise à la réglementation RFS 2001-01 (« règle fondamentale de sûreté »), plus contraignante.

Prise en compte du risque Ă  la conception

Le rapport de sûreté prend en compte les éventuelles fuites du grand canal d’Alsace à la suite d'un séisme majeur, EDF ayant aussi vérifié la tenue des digues du canal en cas de séisme. De plus des modifications ont été effectuées sur la centrale afin de prendre en compte la conjonction d'une crue centennale avec l'effacement de l'ouvrage de retenue le plus contraignant[191] :

  • p. 18 : « EDF a vĂ©rifiĂ© la tenue de la digue du Grand canal d’Alsace au sĂ©isme majorĂ© de sĂ©curitĂ© » ;
  • p. 27 : « le rapport de sĂ»retĂ© inclut le scĂ©nario d’une inondation superposĂ©e avec un sĂ©isme, en envisageant qu’un sĂ©isme pourrait provoquer des fuites dans la digue du grand canal d’Alsace. »
  • « Les principaux risques pris en compte dans le rapport de sĂ»retĂ© sont les suivants : (...)
Fuites du grand canal d’Alsace à la suite d'un séisme majeur (des dispositions de protection de la centrale nucléaire ont été prises par EDF et un plan de surveillance du bief a été mis en place) »
  • « en 1999, EDF a revu les Ă©tudes associĂ©es Ă  la protection du rĂ©acteur no 1 de la centrale nuclĂ©aire de Fessenheim contre le risque d'inondation afin de prendre en compte d'une part le niveau d'eau en cas de crue millĂ©nale majorĂ©e de 15 % et d'autre part le niveau atteint par la conjonction des ondes d'une crue centennale et de l'effacement de l’ouvrage de retenue le plus contraignant. Le niveau d'eau maximal issu de ces deux valeurs est appelĂ© cĂ´te majorĂ©e de sĂ©curitĂ© et correspond au niveau d'eau maximal pour lequel la centrale nuclĂ©aire doit ĂŞtre protĂ©gĂ©e. »

Pertinence de l’évaluation du niveau du risque

Contrairement à EDF qui soutient que l'événement est hautement improbable, le Conseil général du Haut-Rhin a estimé le 29 juin 2011 que le risque d'une inondation devait être envisagé. En effet, une étude des Services Techniques du Conseil général du Haut-Rhin[192], menée à la suite de l'accident nucléaire de Fukushima au Japon, a estimé que la centrale pourrait être inondée en cas d'un séisme majeur provoquant la rupture de la digue du Grand Canal d'Alsace et que le niveau de l'eau pourrait atteindre un mètre à l'intérieur du site[193], ce qui conduirait à la mise hors service des systèmes de refroidissement de secours comme à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi.

Le 23 avril 2013, lors de la délivrance de son accord pour la prolongation de l'exploitation de la centrale, l'ASN a demandé à EDF de mettre à jour son évaluation des conséquences d'un séisme majoré de sécurité sur la tenue du Grand Canal d'Alsace et du risque d'inondation du site nucléaire[194].

Risque de contamination de la nappe phréatique

La centrale de Fessenheim est construite directement sur la nappe phréatique rhénane dont dépend, de Bâle à Francfort, l'alimentation en eau de quelque six millions de personnes (Rhin Supérieur). De ce fait, si un accident nucléaire conduit à une contamination de cette nappe phréatique, cela conduirait à une interdiction de tous prélèvements dans cette nappe.

Selon Eva Joly, la centrale est situĂ©e « sur la plus grande nappe phrĂ©atique du monde occidental, entre 4 et 8 mètres de profondeur. S’il y a un accident Ă  Fessenheim, la nappe phrĂ©atique est touchĂ©e »[195].

En cas de fusion du cĹ“ur et percement de la cuve par le corium, le radier - la dalle en bĂ©ton situĂ©e sous le rĂ©acteur, d'une Ă©paisseur actuelle d'un mètre (pour comparaison, celle de Fukushima est Ă©paisse de 3 mètres) - pourrait ĂŞtre percĂ© et alors « le Rhin serait contaminĂ©, jusqu'Ă  Rotterdam » selon une source gouvernementale non citĂ©e[196].

Le 4 juillet 2011, l’ASN a transmis les prescriptions complĂ©mentaires applicables Ă  la centrale de Fessenheim, au vu des conclusions de la troisième visite dĂ©cennale du rĂ©acteur no 1. Une de ces prescriptions demande Ă  EDF de renforcer, avant le 30 juin 2013, le radier du bâtiment rĂ©acteur de la tranche 1, afin d’augmenter très fortement sa rĂ©sistance au corium en cas d’accident grave avec percement de la cuve. EDF a soumis, pour accord Ă  l’ASN, le dossier analysant les solutions envisageables et justifiant les modifications de l’installation proposĂ©e pour atteindre cet objectif. Les travaux de modification du radier vont consister Ă  couler, dans l’enceinte du bâtiment rĂ©acteur et sous la cuve du rĂ©acteur, une couche de bĂ©ton d’une Ă©paisseur d’environ 60 cm. Cette solution que l’on appelle « coulĂ©e en place » est bien dĂ©veloppĂ©e dans le monde et les essais prĂ©liminaires rĂ©alisĂ©s sur le bĂ©ton sont concluants.

En effet, comme tous les réacteurs en exploitation en France, les réacteurs de Fessenheim ne disposent pas, à ce jour, d'un dispositif de récupération du corium pouvant limiter les conséquences ultimes d’un accident grave en cas de fusion de son cœur[197]. C'est pourquoi l'ASN a prescrit dans son avis du que le radier du réacteur soit renforcé avant le [78].

Risque terroriste

Selon un collectif d'associations Ă©cologistes, une attaque terroriste Ă  l'aide d'armes perforant le bĂ©ton du cĂ´tĂ© est de la centrale permettrait d'atteindre le cĹ“ur radioactif des rĂ©acteurs ainsi que la piscine de dĂ©sactivation[198]. Par ailleurs, selon la SociĂ©tĂ© pour la sĂ»retĂ© des installations et des rĂ©acteurs nuclĂ©aires (sociĂ©tĂ© allemande), des terroristes sont en mesure de dĂ©clencher un accident nuclĂ©aire majeur Ă  Fessenheim avec n'importe quel type d’avion de ligne[199]. La largeur des murs de confinement est de 90 cm de bĂ©ton[200].

Comme toutes les centrales nuclĂ©aires françaises, conçues et construites depuis les annĂ©es 1970, celle de Fessenheim a Ă©tĂ© dimensionnĂ©e conformĂ©ment Ă  la rĂ©glementation alors en vigueur (actuellement : RFS I.2.A, publiĂ©e en 1980) pour ĂŞtre protĂ©gĂ©e des chutes accidentelles d'avions, en s'appuyant sur des bases statistiques, et donc pour rĂ©sister sans dommage Ă  l’impact d’appareils de l’aviation dite gĂ©nĂ©rale, soit d'une masse de moins de 5,7 tonnes (Cessna, Learjet…) et volant Ă  moins de 360 km/h au moment de l'impact[201].

[source secondaire nécessaire]

La centrale au cinéma

Dans L'inspecteur ne renonce jamais (The Enforcer), film américain de James Fargo sorti en 1976 avec Clint Eastwood, il est fait référence au Centre de Fessenheim. Un dialogue du film évoque un attentat à la bombe qui aurait visé le Centre[202].

Dans le film documentaire Irrintzina, les cyclistes du Tour Alternatiba sont arrêtés à Fessenheim par les forces de l'ordre pour avoir filmé la centrale[203].

Le film franco-allemand Le Jour de vérité (Tag der Wahrheit) est diffusé en 2015 sur la chaîne Arte, il s'agit d'une fiction sur le risque terroriste dans une « centrale nucléaire française (alsacienne) proche de la frontière allemande »[204].

Notes et références

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  192. Imaginer tous les risques - CLIS - site du Conseil GĂ©nĂ©ral du Haut-Rhin : "Si une chaĂ®ne d’évènements graves mais peu probables devait se produire, la digue du canal pourrait cĂ©der et entraĂ®ner dans sa brèche un dĂ©bit d’eau important qui aurait pour consĂ©quence l’inondation de la basse terrasse du Rhin, avec un niveau d’eau de 1 mètre près de l’îlot nuclĂ©aire"
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  194. Décision no 2013-DC-0342 de l’ASN du 23 avril 2013 "[EDF-FSH-43] L'exploitant prend toutes dispositions pour tenir à jour son évaluation des risques de surverse du Grand Canal d’Alsace liés au comportement des ouvrages hydrauliques du bief en cas de séisme majoré de sécurité."
  195. Eva Joly va relayer au Parlement européen l'appel à la fermeture - Article du Parisien publié le 21 avril 2011 - source non disponible
  196. Dix ans de plus pour la centrale de Fessenheim - Le Figaro, 23 juin 2011
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  199. « Article du Comité pour la sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin (CSFR) et du BUND Regionalverband Südlicher Oberrhein »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
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  203. « « Irrintzina » : La génération climat crève l’écran », Politis,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  204. (en) ARTE, « Le jour de vérité », sur ARTE Boutique - Films et séries en VOD, DVD, location VOD, documentaires, spectacles, Blu-ray, livres et BD (consulté le )

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