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Centrale nucléaire de Flamanville

La centrale nucléaire de Flamanville est une centrale nucléaire située sur la commune de Flamanville (Manche). Elle comprend trois réacteurs :

Centrale nucléaire de Flamanville
Administration
Pays
RĂ©gion
DĂ©partement
Commune
Coordonnées
49° 32′ 11″ N, 1° 52′ 54″ O
Opérateur
Construction
1979 (début tranche 1), 1980 (début tranche 2), 2007 (début tranche 3)
Mise en service
1986 (tranche 1), 1987 (tranche 2), 2024 (date prévue pour la tranche 3)
Statut
Centrale en exploitation
Direction
David Le Hir
RĂ©acteurs
Fournisseurs
Framatome (ex-Areva NP), GEAST (Alstom jusqu'en 2014)
Type
REP (tranche 1 et 2)
EPR (tranche 3 en construction)
RĂ©acteurs actifs
2 Ă— 1 330 MW
Puissance nominale
2 660 MW
Production d’électricité
Production annuelle
6,64 TWh (2019)[1] - [2]
Facteur de charge
28,5 % (en 2019)
68,7 % (jusqu'en 2019)[3]
Production moyenne
13,89 TWh (2015 Ă  2019)
Production totale
535,12 TWh (jusqu'Ă  2019)

Carte

Situation géographique

La centrale nuclĂ©aire de Flamanville, Ă©galement appelĂ©e « Centre nuclĂ©aire de production d’électricitĂ© » (CNPE), est situĂ©e sur la commune de Flamanville, dans le dĂ©partement de la Manche), sur la cĂ´te ouest de la pĂ©ninsule du Cotentin. Elle est construite au pied d'une falaise granitique haute de 70 m, Ă  25 km au sud-ouest de Cherbourg-en-Cotentin et Ă  20 km au sud de l'usine de retraitement de la Hague. La centrale se trouve Ă  l’emplacement de l'ancienne mine de fer de Flamanville, qui a fonctionnĂ© de façon discontinue, de 1860 Ă  1962, et du Trou Baligan.

Flamanville figure parmi les lieux d'implantation du programme de développement nucléaire français des années 1970.

Le site s'Ă©tend sur 120 ha dont la moitiĂ© sont gagnĂ©s sur le domaine maritime. Une digue de 950 m de long et une jetĂ©e de 300 m protègent les installations. La plateforme du site se trouve Ă  12,4 m de hauteur.

Caractéristiques des réacteurs

RĂ©acteurs 1 et 2

Les rĂ©acteurs 1 et 2 de Flamanville sont des rĂ©acteurs Ă  eau pressurisĂ©e (REP) du palier P4 de 1 300 mĂ©gawatts, comme ceux des centrales nuclĂ©aires de Paluel et Saint-Alban[4].

Les deux chaudières nucléaires ont été fournies par Framatome. Les deux îlots conventionnels (groupes turbo-alternateurs équipés de turbines à vapeur, l'essentiel de leurs auxiliaires mécaniques et électriques, le poste d'eau) ont été fournis par Alstom[5] - [6].

Chacun des rĂ©acteurs nuclĂ©aires 1 et 2 de Flamanville fournit une puissance thermique maximale de 3 817 MW. La puissance brute gĂ©nĂ©rĂ©e par chaque alternateur est de 1 382 MW. Après dĂ©duction des consommations internes, chaque unitĂ© fournit 1 330 MW sur le rĂ©seau Ă©lectrique[1] - [2]. Le rendement global (puissance Ă©lectrique nette sur puissance thermique) est de 1330 / 3817 = 34,8 %.

RĂ©acteur 3

Le rĂ©acteur 3 de Flamanville est de type rĂ©acteur pressurisĂ© europĂ©en (EPR), rĂ©acteur de troisième gĂ©nĂ©ration qui reprĂ©sente une Ă©volution majeure du REP. Quand il sera en service, ce sera le rĂ©acteur nuclĂ©aire le plus puissant de France, produisant 1 650 MWe en sortie d'alternateur. Il est prĂ©vu pour fonctionner 60 ans au minimum[7]. Les puissances prĂ©vues Ă©tant de 1 630 MWe pour la puissance Ă©lectrique nette fournie sur le rĂ©seau et de 4 300 MWth pour la puissance thermique du rĂ©acteur[8], le rendement net attendu pour ce rĂ©acteur est de 1630/4300=37,9 %.

Caractéristiques des réacteurs[9]
Nom du réacteur Capacité (MW) Début construction Démarrage
1re réaction en chaîne
Raccordement au réseau Mise en service commerciale 2e visite décennale
Therm. (MWth) Brute (MWe) Nette (MWe)
Flamanville-1[1] 3817 1382 1330 décembre 1979 29 sept 1985[10] décembre 1985 décembre 1986 23 février - [11].
Flamanville-2[2] 3817 1382 1330 mai 1980 12 juin 1986[2] juillet 1986 mars 1987 26 juillet - [12]
Flamanville-3[8] 4300 1650 1630 décembre 2007 - - 2024 (prévision)[13] -

Flamanville 1 et 2

En 1978, destruction Ă  l'explosif de l'ancienne mine de fer de Flamanville et de la falaise.

En 1975, une consultation est organisée à Flamanville et 63,7 % des habitants se prononcent en faveur de l'implantation de la centrale nucléaire.

À la suite de l'enquête publique menée en , la déclaration d'utilité publique paraît au Journal officiel le . Les premiers terrassements sont effectués en .

Les constructions des deux réacteurs débutent officiellement en décembre 1979 et mai 1980, les premières réactions en chaine sont initiées en et , les premières connexions au réseau électrique sont effectuées en et , et les mises en service commerciales sont prononcées en et [1] - [2].

Production et maintenance

Le raccordement de la centrale de Flamanville au réseau électrique de 400 kV s'effectue au poste électrique de Menuel, près de Bricquebec-en-Cotentin, où l’électricité est redistribuée prioritairement vers le poste de Tollevast, de Tourbe (Caen), de Domloup (Rennes) et d'Oudon (Laval).

En 2005, la centrale produit 18,9 TWh, correspondant Ă  4 % de la production française, record de production. Le elle atteint une production nette cumulĂ©e de 100 TWh et les 200 TWh produits sont atteints en 2011.

Tous les 12 à 18 mois, les réacteurs sont arrêtés pour maintenance et rechargement partiel en combustible nucléaire. Les arrêts sont de trois types :

  • arrĂŞt pour simple rechargement du combustible ;
  • visite partielle, consacrĂ©e au rechargement du combustible et Ă  un important programme pĂ©riodique de maintenance ;
  • visite dĂ©cennale qui inclut des contrĂ´les approfondis et rĂ©glementaires des principaux composants que sont la cuve du rĂ©acteur, l'Ă©preuve hydraulique (en) du circuit primaire et l'enceinte de confinement du bâtiment rĂ©acteur.

Les réacteurs 1 et 2 sont conçus pour une durée d’exploitation d'au moins 40 ans. Pour atteindre ou dépasser cette durée de fonctionnement, une réévaluation et un réexamen de sûreté ont lieu lors des visites décennales, afin de prendre en compte l'évolution de la réglementation, les progrès technologiques et le retour d'expérience de l’ensemble des installations nucléaires dans le monde. Les modifications nécessaires sont effectuées pour respecter le niveau de sûreté requis et obtenir de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), l’autorisation de redémarrer[14]. Les dernières visites décennales datent de 2018 (Fla 1) et 2019 (Fla 2)[15] - [16].

Production et facteur de charge de quelques années
Flamanville 1[1] Flamanville 2[2]
Année Production (GWh) Facteur de charge Production (GWh) Facteur de charge
19877 15163,3 %7 14058,9 %
19907 09060,8 %7 82067,1 %
20008 03568,8 %9 90884,8 %
20108 52073,1 %7 59465,2 %
20158 40972,2 %7 86965,7 %
20169 99185,5 %9 88084,6 %
20176 35254,5 %7 64765,6 %
20182 31719,9 %10 35188,8 %
20196 40255,0 %2372,0 %

Emploi

Fin 2012, 731 salariĂ©s EDF et 331 salariĂ©s prestataires travaillent en permanence Ă  la centrale. En pĂ©riode d’arrĂŞt pour maintenance, entre 500 et 1 500 personnes viennent renforcer les Ă©quipes dĂ©jĂ  sur place pour intervenir sur les installations.

Surveillance et protection de l'environnement

Par un arrêté interministériel de 2004[17], EDF a l’obligation de surveiller et protéger environnement autour de ses installations.

Divers moyens de mesures sont répartis autour de la centrale de Flamanville. Des échantillons sont également prélevés par les techniciens Environnement et analysés par le laboratoire de mesures de la centrale. Depuis 2009, le laboratoire EDF de la centrale de Flamanville est accrédité par le Comité français d'accréditation (COFRAC), norme qualité ISO/CEI 17025, ce qui lui permet d’effectuer lui-même les mesures Bêta Aérosol (mesure de la radioactivité des particules en suspension dans l'air ambiant à proximité de la centrale).

L'Institut de radioprotection et de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire (IRSN) assure en permanence la surveillance rĂ©glementaire radiologique de l'environnement. Des organismes indĂ©pendants, comme l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER), rĂ©alisent des contrĂ´les hydrobiologiques de la Manche, tandis que l’IRSN effectue des Ă©tudes radio-Ă©cologiques de la chaĂ®ne alimentaire en milieux terrestre et marin. Ces contrĂ´les n'ont relevĂ© aucune modification significative de l'Ă©cosystème depuis le dĂ©but de l’exploitation de la centrale. Plus de 12 000 mesures et contrĂ´les sont rĂ©alisĂ©s chaque annĂ©e.

Depuis 2003, la centrale est certifiée ISO 14001, norme relative au management environnemental.

En 2012, les rejets émis par l’exploitation de la centrale sont toujours restés inférieurs aux limites autorisées et plus de 81 % des déchets radioactifs ont été recyclés ou valorisés.

Les associations France Nature Environnement, France Nature Environnement Normandie, Stop EPR Ni à Penly ni ailleurs, et le Crilan déposent une plainte le auprès du tribunal de Cherbourg pour « 36 infractions à la réglementation nucléaire et environnementale »[18] - [19]. À la suite de déficiences constatées, le site est placé sous « surveillance renforcée » par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) le . Au vu des améliorations, cette surveillance renforcée est levée le [20].

Incidents

Suivant les recommandations de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) après l'accident nucléaire de Fukushima, un Diesel d'ultime secours est installé pour assurer le refroidissement des réacteurs, en cas de défaillance des autres alimentations électriques. À trois reprises, ce groupe électrogène prend feu, les et et le . Il s'agit d'une vulnérabilité du modèle choisi (acheté à Westinghouse), connue depuis 2008 et portée à la connaissance du public par le Réseau Sortir du nucléaire[21].

Le : un incident — classĂ© au niveau 1 sur l'Ă©chelle internationale des Ă©vĂ©nements nuclĂ©aires — s'est produit Ă  la centrale de Flamanville. Pendant près de six heures, une fuite radioactive est survenue sur le circuit primaire du rĂ©acteur no 1, alors Ă  l'arrĂŞt pour maintenance[22] - [23]. L’eau qui s’est Ă©coulĂ©e par la fuite (environ 22 m3) est restĂ©e en permanence confinĂ©e dans le bâtiment rĂ©acteur puis rĂ©cupĂ©rĂ©e et traitĂ©e par les dispositifs habituels de traitement des effluents. Elle ne prĂ©sentait pas de contamination significative. L’incident, dĂ©clarĂ© Ă  l'ASN, n'a pas eu de consĂ©quence sur les salariĂ©s, les populations, et sur l'environnement.

Le , un dégagement de vapeur d'eau sur un générateur de vapeur qui alimente la turbine à vapeur de l'unité de production no 2, située dans la partie non nucléaire des installations, a causé un fort sifflement pendant environ un quart d'heure et un important panache de vapeur d'eau visible au-dessus du site. Les riverains ont entendu des bruits qu'ils ont jugés comparables à des passages d'avion à réaction, puis un sifflement qui a duré un quart d'heure[24]. Le 24 juin, EDF a identifié comme cause de ce dégagement de vapeur un défaut de la régulation automatique de la pression, qui a entraîné l'ouverture d'une soupape de sécurité permettant d'évacuer le surplus de vapeur vers l'atmosphère à l'extérieur de la salle des machines. Cet incident n'a pas eu de conséquence sur l'environnement.

Le , vers 9 h 45, une détonation et un départ de feu au niveau d'un ventilateur situé sous l'alternateur se sont produits dans la zone non nucléaire (salle des machines) du réacteur no 1, provoquant un incendie durant deux heures. Cet incident a fait cinq blessés légers à cause des fumées de l'incendie. EDF a entrepris la mise à l’arrêt du réacteur no 1 le jour même[25] - [26] puis a prévu de remettre en service ce réacteur le , avant de finalement décider de le « déconnecter du réseau jusqu'au » à cause d'un problème « sur le système d'évacuation d'énergie situé sous l’alternateur »[27].

Flamanville 3

En 2004, EDF décide d’augmenter la capacité de la centrale de Flamanville et propose l’implantation d’un réacteur EPR[28]. Après les premiers travaux de préparation en 2006, la construction de l'EPR débute en décembre 2007 pour une mise en production annoncée à fin 2018[29].

Contexte du projet

En France, EDF anticipe un éventuel renouvellement des centrales à l'horizon 2020, en remplacement des tranches REP qui arriveront en fin de vie. Afin de bénéficier d’un retour d'expérience de conception et d’exploitation pour la construction de réacteurs à partir de 2020, EDF décide (avec l'accord des autorités gouvernementales) de construire la (seconde) tête de série de l’EPR sur le site de la centrale de Flamanville pour une mise en service initialement prévue en 2012[30], mais repoussée à plusieurs reprises, notamment en raison d'« anomalies de fabrications » sur une cuve comme annoncé par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en [31]. En août 2019, elle est prévue pour la fin 2022[32]. La site de la centrale est dimensionné pour permettre la construction de quatre tranches (deux sont en activité depuis 1986 et 1987), il y a donc la possibilité de construire un nouveau réacteur avec des travaux de terrassement réduits. La localisation en bord de mer est plus favorable qu'en bord de cours d'eau du point de vue de la thermodynamique (source froide plus importante et minimisation de l'impact d’une canicule). Certains opposants à l'EPR, comme Greenpeace, affirment en 2014 qu'il existe une surcapacité en France et que la construction de l'EPR de Flamanville n'est pas nécessaire[33].

Historique du chantier

Un premier débat a lieu en 2002/2003 sous l’égide de Nicole Fontaine, alors ministre à l’industrie. EDF fournit un dossier de maître d’ouvrage en 2004 en vue d'un débat public. La loi d’orientation sur l’énergie du fournit le cadre législatif pour le projet EPR. Ce projet est soumis au débat public au niveau national[34] entre et .

Le , des dizaines de milliers de manifestants[35] se rassemblent à l’appel du collectif Stop EPR à Cherbourg, près de Flamanville, pour s’opposer au projet. L’association Greenpeace France a lancé une campagne intitulée « EDF, demain j’arrête », qui vise à s’opposer au projet EPR en faisant pression sur EDF[36].

L'enquête publique, préalable à l’avis du préfet, est menée du 15 juin au (la tenue en période estivale de l’enquête publique est mise en cause par les opposants au projet).

Le samedi , des manifestations rĂ©unissent dans cinq villes de France entre 20 000 personnes selon la police et 62 000 personnes selon les organisateurs du collectif Stop EPR.

Le , après avis du préfet et de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), EDF est autorisé, par décret, à créer l'installation nucléaire de base pour le réacteur EPR Flamanville 3[37]. Ce décret prévoit un délai de dix ans – soit jusqu'au – pour réaliser le premier chargement en combustible nucléaire du réacteur[38]. Des associations et partis politiques protestent contre la publication de ce décret avant l’élection présidentielle française de 2007.

Le , Areva-NP qui redeviendra Framatome en 2018[39], signe le contrat de fourniture du réacteur EPR[40] - [41] et entame le chantier. Le , Greenpeace mène une action de blocage du chantier, puis l'interrompt le lendemain sous la menace de sanctions financières[42].

En 2008, le démarrage du réacteur est prévu pour 2012[30], mais sa construction est plusieurs fois retardée. En décembre 2022 le démarrage de l'EPR de Flamanville est attendu pour 2024[13].

Début septembre 2015, alors que la mise en service du réacteur EPR de Flamanville est reportée en 2018, le PDG d'EDF Jean-Bernard Lévy s’apprête à demander une prolongation de l’arrêté de création du réacteur qui prévoyait un chargement en combustible avant le [43]. L'association anti-nucléaire « Observatoire du nucléaire » de Stéphane Lhomme déclare « ce subterfuge sera attaqué en justice », estimant que l'enquête publique et le débat national sont caducs et devraient être refaits[44].

  • Chantier de construction
  • Le chantier vu de Siouville-Hague en 2008
    Le chantier vu de Siouville-Hague en 2008
  • Le chantier de nuit en 2008.
    Le chantier de nuit en 2008.
  • Le chantier en 2010 (vue sur les trois tranches).
    Le chantier en 2010 (vue sur les trois tranches).
  • Le chantier en 2010 (zoom sur la tranche 3 en construction).
    Le chantier en 2010 (zoom sur la tranche 3 en construction).

Premières étapes

L’EPR est une construction inédite en France, plusieurs étapes ont jalonné sa progression.

Le , un tir de mine projette des débris sur les installations de la tranche no 2. « Un accident heureusement sans conséquence »[45].

La construction de la partie nuclĂ©aire de la tranche no 3 dĂ©bute en pratique le avec la coulĂ©e du premier bĂ©ton de l'Ă®lot nuclĂ©aire. 10 000 t sont nĂ©cessaires afin de rĂ©aliser un cylindre de plus de 55 m de diamètre, sur 1,75 m de hauteur[46].

Deux rapports de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sont publiés les et , qui établissent que « des fissures » sont apparues « à la coulée d'un bloc de béton composant la plate-forme (le radier) de l'îlot nucléaire de l'EPR ». C'est pourquoi, en l'ASN ordonne la suspension des travaux de bétonnage pendant un mois. Cette décision — une première dans l'histoire des centrales nucléaires en France — contraint EDF à arrêter les travaux[47]. Une lettre d'injonction de Thomas Oudré, chef de division à l'ASN, exige qu'EDF mette au point des procédures de contrôle satisfaisantes avant toute reprise des travaux[48]. L'ASN autorise finalement, le , la reprise des activités de coulage du béton suspendues le [49].

Le , les six tuyauteries du système de sauvegarde sont installĂ©es dans le bâtiment rĂ©acteur. Les tuyauteries RIS-EVU mesurent 80 cm de diamètre sur environ 16 m de long ; elles participent notamment au refroidissement du rĂ©acteur et de l’enceinte. La pose de ces « composants particulièrement sensibles pour la sĂ»retĂ© » a Ă©tĂ© effectuĂ©e par Bouygues et Areva. Sur cette opĂ©ration, les inspecteurs de l'ASN « ont conclu Ă  l’existence de mesures adaptĂ©es, qui rĂ©pondent aux exigences fixĂ©es par l’arrĂŞtĂ© qualitĂ© »[50].

Le , le pôle nucléaire du groupe CTI creuse les sept piscines de stockage de combustible nucléaire de la centrale, dont trois dans le bâtiment combustible et quatre dans le bâtiment réacteur. Au sujet de ces travaux, Jean-Mathieu Rambach, ingénieur en génie civil à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, précise que « les parois en béton de la piscine du réacteur seront recouvertes d’une peau métallique, qui constituera le cuvelage et donc assurera l’étanchéité »[51].

Le dĂ©bute le montage du groupe turbo-alternateur sur le site. Cette partie stratĂ©gique de la tranche « assure la production d’électricitĂ© »[52] grâce Ă  « sa ligne d'arbre de 70 m de long ».

Le , la salle de commande de l'EPR est installée au sein de la tranche. Après la création d'une réplique de la salle en , où les deux opérateurs et le chef d'exploitation ont été formés à la conduite informatisée des installations, le poste de pilotage et de contrôle du fonctionnement est construit à proximité du réacteur[53].

À la fin de l'année 2012, 93,5 % du génie civil et 41,2 % des montages électro-mécaniques sont achevés. L'année 2013 est marquée par plusieurs étapes cruciales de la construction de la centrale, en particulier pour les éléments électriques[54].

En mars 2013, la mise sous tension des transformateurs de soutirage est effectuĂ©e, permettant Ă  l'EPR de bĂ©nĂ©ficier d'une alimentation Ă©lectrique entièrement indĂ©pendante de celle de la centrale de Flamanville. Pour prĂ©parer ce raccordement, les Ă©quipes d'EDF et d'Ineo ont tirĂ©, fin janvier, trois câbles de 600 m, sur la plateforme Ă©lectrique. DĂ©but fĂ©vrier, des essais d’aspersion sont rĂ©alisĂ©s pour vĂ©rifier la protection incendie des transformateurs[55].

Au début du mois d’avril, les premières armoires de contrôle commande sont installées dans la partie nucléaire des installations. La pose et le raccordement de ces armoires sont confiés à l'entreprise Snef. Avec cette étape, le site entre dans sa configuration définitive d’alimentation électrique.

Le , l’installation du dĂ´me du bâtiment rĂ©acteur est effectuĂ©e par la grue « Big Benny » de la sociĂ©tĂ© belge Sarens (en). Ă€ l'Ă©poque, cette grue (modèle SCG-120) fait partie des trois plus grandes au monde et mesure 200 m de hauteur. Elle soulève ainsi sur 44 m la structure pesant près de 300 t avec une prĂ©cision de pose de cinq millimètres[56] - [57].

Cuve et couvercle non conformes aux spécifications

Fin , la cuve du rĂ©acteur nuclĂ©aire EPR, d’un poids de 425 t pour 11 m de hauteur et 5,5 m de diamètre, est posĂ©e avec succès dans le puits de cuve situĂ© au centre du bâtiment rĂ©acteur[58]. Le directeur du chantier, Antoine MĂ©nager, annonce les premiers essais pour 2015[59].

EDF annonce, le , un nouveau report de la mise en service à 2017 : la durée de construction prévue atteint désormais dix ans. L'électricien attribue ce retard à des difficultés rencontrées par Areva pour livrer certains équipements, comme le couvercle et les structures internes de la cuve, ainsi qu’à la mise en place de la réglementation des équipements sous pression nucléaires (ESPN) pour laquelle Flamanville 3 est tête de série, en particulier sur un lot de montage réalisé par Areva et ses entreprises sous-traitantes[60].

Le , l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) annonce qu'Areva l'a informée d'une anomalie de la composition de l’acier dans certaines zones du couvercle et du fond de la cuve du réacteur de l’EPR de Flamanville[61] - [62]. Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, demande au fabricant de donner sans délai les suites qui s’imposent au rapport de l'ASN[63]. Dans un rapport technique publié le , l'ASN précise que « Les essais réalisés à ce stade mettent en lumière un défaut de maîtrise de la qualité des fabrications, ayant un impact sur les caractéristiques mécaniques des matériaux[64] ». Le président de l'ASN explique qu'« en dépit des difficultés matérielles à remplacer cette cuve, c'est une option réalisable, parce qu'elle n'a pas encore été irradiée, le réacteur n'étant pas en marche[65] ». Pour l'agence Wise-Paris : « Toute solution de réparation [...] conduirait presque certainement à devoir évacuer le corps de la cuve »[66]. Areva propose la mise en œuvre jusque fin 2016 d'un programme d’essais pour justifier le caractère suffisant des propriétés mécaniques du matériau de ces composants[62]. Selon l'organisation écologiste Greenpeace, cette anomalie pourrait condamner le réacteur EPR de Flamanville[67].

Le , EDF annonce que la construction de cet EPR devrait coûter 10,5 milliards d'euros, soit 7 milliards d'euros de plus que l'estimation initiale. La fin des travaux est fixée au 4e trimestre 2018[68].

En , le journal Les Échos révèle un système de possibles « falsifications » des dossiers de fabrication des composants nucléaires destinés aux centrales nucléaires[69].

Le , au vu du programme d'essais conduit par Areva, l’ASN autorise EDF à exploiter la cuve : « sur la base des analyses techniques réalisées, [...] les caractéristiques mécaniques du fond et du couvercle de la cuve sont suffisantes au regard des sollicitations auxquelles ces pièces sont soumises, y compris en cas d’accident »[70], mais il faudra changer le couvercle de la cuve d’ici la fin 2024[71]. Le rapport de l'ASN ne reprend pas les « falsifications » évoquées par le journal Les Échos. EDF prend acte de la position de l'ASN indiquant que la cuve du réacteur de Flamanville 3 est apte au service et de prévoir le remplacement du couvercle d'ici 2024. En parallèle, les équipes d'EDF sont mobilisées pour développer une méthode de suivi en service permettant de démontrer que le couvercle conserve ses qualités dans la durée et échangent régulièrement avec l'ASN sur ce sujet[72].

Le , l'Observatoire du nuclĂ©aire est dĂ©boutĂ© de sa demande d'expertise en rĂ©fĂ©rĂ© par le tribunal de grande instance de Paris, qui juge que le danger imminent allĂ©guĂ© par l'association n'est pas prouvĂ© et qui condamne celle-ci Ă  payer 3 000 euros de dommages et intĂ©rĂŞts Ă  Areva, Ă  l'ASN et Ă  EDF[73].

Phases d'essais d'ensemble

Le , EDF annonce avoir commencé la phase des essais d'ensemble du réacteur[74].

Le , EDF débute les essais à froid du réacteur ; il s'agit de tester la résistance et l'étanchéité de l'installation[75].

Le , EDF annonce avoir achevé les essais à froid avec succès et préparer la phase « essais à chaud » (essais réalisés dans des conditions de température et de pression similaires aux conditions d'exploitation)[76], ainsi que l'épreuve de l'enceinte du bâtiment réacteur[77].

Le , EDF annonce avoir terminé les essais à chaud avec succès[78].

Soudures non conformes aux spécifications

En juillet 2018, un nouveau retard d'un an est annoncé du fait des « écarts de qualité » constatés sur 33 soudures du circuit secondaire principal. Le coût de construction prévisionnel est relevé de 400 millions d'euros, à 10,9 milliards d'euros. Le chargement du combustible est alors prévu au quatrième trimestre 2019, le raccordement au réseau électrique au premier trimestre 2020 et le fonctionnement à pleine puissance au deuxième semestre 2020[79] - [80].

En juin 2019 l’ASN ordonne la réparation des huit soudures situées au milieu de la double enceinte de béton qui protège le bâtiment réacteur, donc très difficiles à atteindre. Selon l'ASN, la rupture de ces soudures « ne peut plus être considérée comme hautement improbable » ; cette décision repousse le démarrage de la centrale à la fin de l'année 2022 au plus tôt. Le président de l'ASN, Bernard Doroszczuk, a écarté l'idée d'une réglementation française qui serait trop tatillonne : le niveau d'exigence est « comparable » à celui « retenu et atteint » pour les autres réacteurs EPR de la centrale nucléaire de Taishan (Chine) et de celle d'Olkiluoto (Finlande). « Nous ne sommes donc pas face à une exigence française qui serait d'un niveau supérieur au niveau d'exigence fixé, pour ces soudures, sur les EPR construits à l'étranger[81] - [82]. »

En octobre 2019, le conseil d'administration d'EDF valide un scénario de réparation par des robots télécommandés. L'ASN doit valider ce projet d'ici à l'automne 2020. Dans le cas où ce scénario ne serait pas approuvé, EDF prépare une « solution de repli » qui contraindrait à démonter puis extraire les tuyauteries, sans avoir à toucher à l'enceinte de béton. Cela entraînerait un surcoût supplémentaire de 400 millions d'euros et un nouveau retard d'une année[83].

Dans son scénario 2017-2050, l'association négaWatt n'envisage pas le démarrage de Flamanville III, qui selon elle « présente de graves problèmes de sûreté et dont le coût ne cesse d’augmenter »[84].

En juin 2021, EDF propose à l'ASN de renforcer les raccordements défectueux identifiés sur le circuit de refroidissement de l'EPR de Flamanville, en plaçant un cerclage métallique autour de ces raccordements dans le circuit primaire du réacteur. Ce « collier » viendra se positionner sur les trois soudures non conformes. C'est la seule solution qui permettrait à EDF de tenir le calendrier qu'il s'est fixé et de démarrer son EPR fin 2022. Selon le directeur général adjoint de l'ASN, Julien Collet, « l'ASN n'a pas d'objection de principe à cette stratégie de traitement qui présente des intérêts en matière de sûreté en évitant des interventions complexes sur le réacteur », mais c'est un procédé sans précédent qui nécessite des investigations complémentaires avant validation. L'ASN demande aussi à EDF d'effectuer sur son réacteur avant sa mise en service des modifications issues du retour d'expérience des premières années de fonctionnement des EPR en Chine et de l'achèvement de la fabrication de l'EPR en Finlande[85].

Préparation du démarrage

Le , l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) autorise l'arrivée de combustible nucléaire sur le site du réacteur EPR de Flamanville[86]. Au , tout le combustible est livré et entreposé dans la piscine de stockage de combustible nucléaire, son chargement dans le réacteur est prévu pour la fin 2022[87].

Le , plusieurs ONG qui s’opposent à la mise en service de ce réacteur sont déboutées par le Conseil d’État « aux motifs qu'aucun des moyens soulevés, en l'état de l'instruction, n'est propre à créer un doute sérieux sur la légalité de l'autorisation délivrée par l'Autorité de sûreté nucléaire »[88].

Le , la ministre de la Transition Ă©cologique autorise EDF Ă  exploiter l'EPR de Flamanville[89].

Les autorisations délivrées par l'ASN pour charger le combustible nucléaire et mettre le réacteur en service sont prévues pour fin 2022[90] - [91].

En novembre 2021, EDF annonce que le premier mégawatt sera produit en 2023[92].

En janvier 2022, EDF annonce que le chargement du combustible est décalé de fin 2022 au second trimestre 2023 et que l'entrée en service n'est pas prévue avant fin 2023[93]. Ce nouveau décalage est principalement lié aux activités de reprise des soudures sur le circuit secondaire du réacteur, qui devraient être terminées en au lieu d'avril. Au total, 110 soudures sont à refaire ; 70 d'entre elles sont en cours, dont 12 sont déjà terminées avec la qualité requise[94].

En décembre 2022, EDF annonce le chargement du combustible pour le premier trimestre 2024[95].

Économie du projet

Évolution au fil du temps du coût estimé du réacteur Flamanville 3.

Le rĂ©acteur est dimensionnĂ© avec une puissance thermique de 4 300 MWth, pour une puissance Ă©lectrique dĂ©livrĂ©e sur le rĂ©seau de 1 630 MWe[8].

En mai 2005, Enel et EDF signent une lettre d’intention pour qu’Enel participe à hauteur de 12,5 % au projet « Flamanville 3 ». L’administrateur délégué de Enel, Fulvio Conti (en), déclare alors que, par sa participation à l’EPR, l'électricien retrouvera les capacités nucléaires perdues après le référendum de 1987 en Italie[96].

Son coût, initialement estimé à 3,4 milliards d’euros, est successivement réévalué par EDF à 4 milliards en décembre 2008, puis à 5 milliards d'euros en juillet 2010[97], puis à 6 milliards d'euros en juillet 2011, à 8,5 milliards d'euros en décembre 2012[98] - [99], à 10,5 milliards d'euros en septembre 2015[100], à 10,9 milliards d'euros en juillet 2018[101], à 11 milliards d'euros en [102], à 12,4 milliards d'euros en [83], à 13,2 milliards en [95]. En la Cour des comptes évalue le coût à 19,1 milliards d'euros[103]

Le , 25 millions d’Italiens (94 % des votants) rejettent la relance du nucléaire, voulue par Silvio Berlusconi. Ce vote souverain, qui marque un adieu, sans doute définitif, à l'atome dans la péninsule italienne, contribue également au retrait d'Enel du projet EPR[104].

En décembre 2012, à la suite de la première de ces annonces, Enel annonce son retrait du projet[105].

La facture de l'EPR finlandais, construit à la centrale nucléaire d'Olkiluoto, de même puissance, et qui en est à une phase plus avancée des travaux, s’élevait initialement à 3 milliards €[106], puis a été réévaluée en 2011 à 6,6 milliards €[107] - [108]. En , le PDG d’Areva, Luc Oursel affirme que la facture d’Olkiluoto 3 devrait être du même ordre que celle de l’EPR de Flamanville[109]. À titre de comparaison, le coût de construction par kilowatt-heure de l'EPR de Flamanville serait le double de celui des réacteurs construits en Chine, mais inférieur de 20 % à celui du réacteur AP1000 en construction aux États-Unis[110].

Le coĂ»t du mĂ©gawatt-heure produit (entre 100 et 120 €) serait le double de celui des dernières installations solaires[111]. Cependant, le prix du solaire ne prend pas en compte le surcoĂ»t liĂ© au stockage et dĂ©stockage, qui peut reprĂ©senter Ă  lui seul entre 40 et 200 â‚¬/MWh d’énergie renouvelable produite[112]. Le coĂ»t du mĂ©gawatt-heure de l'EPR de Flamanville devrait Ă©galement ĂŞtre largement supĂ©rieur au prix de vente retenu pour l'EPR d'Hinkley point : 104 â‚¬/MWh[113].

Le coût de construction des réacteurs à eau pressurisée précédemment mis en service en France est estimé à 2 milliards € par réacteur[114].

Le , le ministère de l'Économie et des Finances publie le rapport commandĂ© par EDF Ă  Jean-Martin Folz (ancien PDG de PSA) sur le chantier de l'EPR de Flamanville[115]. Celui-ci dĂ©taille les dysfonctionnements qui ont pĂ©nalisĂ© le projet depuis son lancement en 2006. Il ne critique pas la technologie de l'EPR elle-mĂŞme : la mise en service des rĂ©acteurs de Taishan, en Chine, apporte « la preuve de la pertinence du concept et du design de l'EPR, qu'il faut certainement Ă©viter de remettre substantiellement en cause ». EDF a « grossièrement sous-estimĂ© » les dĂ©fis d'une technologie nouvelle ; la taille et la complexitĂ© de l'EPR ont entraĂ®nĂ© « un sensible surcroĂ®t de complexitĂ© pour l'ingĂ©nierie et la construction ». L'auteur constate une « confusion entre les rĂ´les majeurs dans la gestion d'un projet, maĂ®trise d'ouvrage et maĂ®trise d'oeuvre ». Pour ce projet, EDF « semble avoir ignorĂ© certaines des bonnes pratiques en vigueur dans d'autres secteurs » : pas de gestion prĂ©visionnelle des coĂ»ts, pas de maquette numĂ©rique du projet, pas de planning partagĂ© avec les sous-traitants ; de plus, la rĂ©glementation du nuclĂ©aire en France a Ă©voluĂ© pendant le chantier. Le rapport est particulièrement critique sur la façon dont EDF a gĂ©rĂ© ses relations avec ses sous-traitants et fournisseurs, ainsi que sur les relations difficiles entre EDF et Areva. Enfin, il constate une « perte de compĂ©tences gĂ©nĂ©ralisĂ©e » de la filière nuclĂ©aire française, aucun rĂ©acteur n'ayant Ă©tĂ© construit depuis celui de Civaux 2, seize ans avant Flamanville[116]. Le ministère de l'Ă©conomie et des finances espère que la filière se ressaisisse afin d'atteindre les meilleurs standards. L'ancien patron de PSA ajoute qu'il s'agit d'un Ă©chec pour EDF[117]. Le rapport Ă©tudie aussi le dĂ©roulement du chantier des deux EPR de Taishan en Chine : ces rĂ©acteurs ont Ă©tĂ© construits en 110 et 113 mois, soit un dĂ©passement de cinq ans du dĂ©lai initialement annoncĂ©, pour un coĂ»t d’environ 95 milliards de yuans (12,2 milliards d'euros), soit 60 % de plus que le budget prĂ©vu ; ces chantiers dĂ©marrĂ©s quatre ans après celui d'Olkiluoto et deux ans après celui de Flamanville ont bĂ©nĂ©ficiĂ© du retour d'expĂ©rience de ces deux tĂŞtes de sĂ©rie. « La construction simultanĂ©e de deux tranches sur le mĂŞme site a Ă©tĂ© un vĂ©ritable atout » et, surtout, « la construction de centrales nuclĂ©aires se poursuit rĂ©gulièrement en Chine depuis une vingtaine d’annĂ©es, si bien que le rĂ©servoir de compĂ©tences disponibles, et en particulier de soudeurs qualifiĂ©s, a non seulement Ă©tĂ© maintenu au fil des annĂ©es mais il a Ă©tĂ© en rĂ©alitĂ© continĂ»ment dĂ©veloppĂ© ». En , la Cour des comptes estime que le coĂ»t final complet devrait atteindre 19,1 milliards €[94].

En janvier 2022, EDF annonce une nouvelle révision en hausse du coût du projet, passant de 12,4 à 12,7 milliards €, précisant qu'il s'agit d'euros de 2015 et ne prenant pas en compte les intérêts intercalaires. En décembre 2022, six mois supplémentaires de travaux sont annoncés, qui augmentent le coût total du projet à 13,2 milliards €[118].

Conditions de travail et travail dissimulé

Le , le journal France-Soir rĂ©vèle que sur le chantier un salariĂ© de Bouygues Travaux Publics sur trois vient des « pays de l’Est » et se fait le relais du syndicat CGT qui dĂ©nonce leurs mauvaises conditions de travail, en particulier pour les horaires (10 Ă  15 heures par jour)[119]. Le code du travail prĂ©voit, en son article R 8111-11, que les missions d'inspection du travail sont exercĂ©es par des ingĂ©nieurs et techniciens de l'AutoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire (ASN), sous l'autoritĂ© du ministre chargĂ© du travail.

À la suite du rapport fourni par l’ASN faisant état de situations salariales abusives, des centaines de travailleurs européens, parmi lesquels plusieurs dizaines « semblent » avoir été rapatriées d’urgence en Pologne[120]. D'autre part, une délégation du groupe socialiste et démocrate au Parlement européen, accompagnée par des représentants des syndicats européens, s'est rendue, le , sur le chantier de l’EPR à Flamanville pour évaluer les conditions de travail et de logement des ouvriers. La délégation est emmenée par la présidente de la Commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen, Pervenche Berès (France), l’eurodéputée de la circonscription, Estelle Grelier (France) et la députée membre de la commission emploi, Jutta Steinruck (Allemagne)[121].

Après la visite du chantier et une table ronde avec des représentants d’EDF, maître d’ouvrage et d’œuvre, et des syndicats sur le site, Pervenche Berès, tout en dénonçant « un exemple d’esclavage moderne[122] », prévoit d’« exiger, dans le cadre des marchés publics, des mesures pour clarifier les responsabilités sociales dans la chaîne des sous-traitants du maître d’ouvrage »[120].

Après le scandale Atlanco touchant l'emploi d'ouvriers polonais sans couverture sociale, EDF signe en 2012 avec la CGT, la CFDT, la CFE, la CFTC, et FO, un engagement en faveur du dialogue social pour une meilleure information des ouvriers et un renforcement des instances de concertation dont le Comité de suivi créé en 2008[123]. Cet accord est par la suite cité en exemple par les syndicats[124]

Les sociĂ©tĂ©s Bouygues Travaux Publics, Atlanco (agence d’intĂ©rim chypriote), Elco (entreprise de construction roumaine) et Welbond comparaissent du 21 au en correctionnelle Ă  Cherbourg, dans une affaire de travail dissimulĂ© concernant 460 travailleurs polonais et roumains, 163 ouvriers de la sociĂ©tĂ© Atlanco et 297 de la sociĂ©tĂ© Elco[125]. L'entreprise Bouygues Travaux Publics est condamnĂ©e une première fois en , puis en appel en 2017, la condamnant Ă  payer une amende de 29 950 euros. Le montant ne doit rien au hasard car, comme le prĂ©cise le prĂ©sident de la cour d’appel de Caen, une amende de 30 000 euros aurait interdit l’accès de l'entreprise aux marchĂ©s publics pendant plusieurs annĂ©es. Le pourvoi en cassation est rejetĂ© le [126].

Emplois sur le chantier

Ă€ la fin de l’annĂ©e 2013, on dĂ©nombrait 2 850 travailleurs sur le chantier, pour 57 % d’emploi local (Basse-Normandie) et 19 % de salariĂ©s d’origines Ă©trangères[127]. Pour obtenir cette rĂ©partition, et faire appel au maximum Ă  la main d’œuvre de proximitĂ©, les industriels ont notamment Ă©tĂ© aidĂ©s par la Chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg-Cotentin. La chambre consulaire a en effet publiĂ© un guide Ă  destination des entrepreneurs de la rĂ©gion dans le but d’obtenir une « meilleure anticipation et une bonne coordination des acteurs de notre territoire[128] ».

De plus, la Direction gĂ©nĂ©rale de la compĂ©titivitĂ©, de l'innovation et des services (DGCIS) rappelle que dans le volet « condition de recours aux entreprises prestataires » des Ă©valuations complĂ©mentaires de sĂ»retĂ©, « la filière a mis au point, avec les reprĂ©sentants des salariĂ©s, un cahier des charges social applicable aux prestations de services et de travaux rĂ©alisĂ©es sur une Installation NuclĂ©aire de Base en France »[129]. Par ailleurs le site de Flamanville s’est vu attribuer le « label grand chantier » par le Premier ministre en 2008. Au total, un budget de 110 millions d’euros a pu ĂŞtre dĂ©ployĂ© notamment dans le cadre de l’engagement de dĂ©veloppement des emplois et des compĂ©tences (EDEC) qui consacre la formation et la reconversion des salariĂ©s comme deux prioritĂ©s. Concrètement cela s’est traduit par 540 000 heures de formation dispensĂ©es, dont 55 000 en 2013.

Sécurité et sûreté nucléaire

Clôture de la centrale nucléaire de Flamanville.

Sécurité nucléaire

D’après le site du ministère des Armées, « la sécurité nucléaire comprend la sûreté nucléaire, la radioprotection, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance, ainsi que les actions de sécurité civile en cas d'accident »[130].

Dans une vidéo en images de synthèse projetée par Areva en , on constate que les installations sont désormais prévues pour résister « aux catastrophes naturelles, humaines et industrielles les plus extrêmes »[131].

En 2018, l'ASN aurait, selon Le Canard enchaîné, « mis plus d'un an à s'alarmer officiellement des graves soucis de soudure rencontrés par EDF sur le chantier du réacteur de l'EPR de Flamanville », en dépit de sa connaissance du problème[132].

Sûreté nucléaire et radioprotection

Selon le site du ministère du Développement durable, « la sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets »[133].

Comme l’explique l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, « l’EPR (European Pressurized Reactor) est un réacteur « évolutionnaire », il ne présente pas de grande rupture technologique par rapport aux installations en exploitation. [...] Néanmoins, ce réacteur de troisième génération offre des améliorations des systèmes de sûreté[134]. » Parmi les améliorations apportées sur ce plan, on peut citer les quatre voies pour les circuits d’eau, le récupérateur de corium permettant de refroidir le cœur fondu en cas d’accident de fusion du coeur, ou la réduction de la quantité de stellite afin d’améliorer la radioprotection des travailleurs.

Cependant, dans un rapport du , l'ASN relève « treize constats » d'infraction dans le chantier EPR, dont du matériel et des équipements de secours de mauvaise qualité[135]. Ces équipements sont les « filtres de la piscine de réserve d'alimentation en eau borée en cas de situation accidentelle, sur des limitateurs de débit du système d'alimentation des générateurs de vapeur et sur des accumulateurs du système d'injection de sécurité en cas de perte du système de refroidissement[136]. » La validation des matériels par l'ASN est légalement indispensable à la poursuite du chantier et au lancement de la centrale.

Pour autant, les rapports de l’Inspecteur Général pour la Sûreté Nucléaire et la Radioprotection (IGSNR) de 2012 et 2013, montrent que de nombreuses améliorations ont été apportées depuis lors. Ainsi, si Jean Tandonnet (IGSNR) explique que les pistes évoquées dans le rapport Letalon n’ont pas encore été totalement réalisées, la priorité accordée à la recherche sur le conditionnement chimique des équipements devrait permettre d’atteindre les meilleurs standards de sûreté internationaux[137].

Dans son dernier rapport en date de , l’IGSNR soulignait notamment le rôle clef qu’avait pu jouer le Pôle de conseil et compétence (PCC) pour adapter les emplois aux évolutions des équipements et des méthodes d’exploitation. Il mentionne également l’intérêt du projet COLIMO qui « vise à définir, dans la perspective du Grand carénage, de nouvelles pratiques de consignation et de lignage plus simples et plus efficaces » et « à recentrer la consignation sur les objectifs de sécurité, en faisant évoluer le référentiel et les outils »[137].

Prévention et lutte contre les actes de malveillance

Les normes de sûreté de l’EPR sont à l’origine du différentiel de coûts avec ces principaux concurrents de troisième génération. En effet, dès sa conception la volonté de prévenir contre les menaces extérieures avait prévalu. Entre autres, la coque de béton « constitue une protection très efficace contre les agressions externes, notamment en cas de chute d'avions militaires ou commerciaux »[138]. Toutefois, le directeur exécutif d’EDF, Hervé Machenaud, exposait devant l’Assemblée nationale[139] la possibilité d’optimiser la conception de l’EPR dont « la redondance de barrières de protection excessivement coûteuses sans rapport avec les faibles gains de sûreté obtenus » pouvait freiner ses exportations.

Des protections qui peuvent se révéler rassurantes, notamment lorsque les sites nucléaires font l’objet d’intrusion par des « militants pacifistes » comme ce fut récemment le cas avec les opérations de Greenpeace. Malgré la volonté du gouvernement d’empêcher ces manifestations à risques, l’avocat Jean-Pierre Mignard rappelle que l’octroi du statut militaire pour les 58 réacteurs n’est pas à l’ordre du jour ; car comme le précise le directeur de la production nucléaire d’EDF, Philippe Sasseigne, il faut parvenir à « un durcissement de la loi qui ne change pas les conditions de travail pour les salariés d'EDF et les sous-traitants »[140].

Enjeux politiques

Ce réacteur est l'objet de tractations politiques importantes. Il devient l'un des symboles de l'énergie nucléaire française[141].

Lors de l'élection présidentielle de 2007, le lancement du chantier fait l'objet[142]d'un débat entre les candidats Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy[143].

En 2012, les deux principaux candidats à la présidentielle, François Hollande et Nicolas Sarkozy se déclarent favorables à la poursuite de sa construction[144] ; en revanche, les candidats Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon y sont opposés[145].

Projet Flamanville 4

Flamanville fait partie des sites envisagés pour l'implantation d'un second réacteur EPR français. En décembre 2020, le site de la centrale nucléaire de Penly est choisi par EDF, mais la décision du gouvernement français est attendue pour 2023[146].

Notes et références

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Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

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