EnquĂȘte publique
Une enquĂȘte publique est une procĂ©dure rĂšglementĂ©e d'information et de consultation de citoyens, dĂ©cidĂ©e par une autoritĂ© lĂ©gitime, avec des champs d'applications et des moyens appropriĂ©s trĂšs variables selon chaque pays. Elle peut ĂȘtre mise en Ćuvre soit prĂ©alablement Ă certains projets ou dĂ©cisions (exemples : en environnement, en urbanisme en France, en Suisse, en Belgique, soit postĂ©rieurement Ă certains Ă©vĂšnements souvent catastrophiques (exemples : accidents majeurs ou meurtres de masse dans de nombreux pays du Commonwealth comme le Royaume-Uni, l'Irlande, l'Australie ou le Canada, changement climatique en Belgique). Son animateur (souvent dĂ©nommĂ© "commissaire" ou "commissaire enquĂȘteur"), ou son groupe d'animateurs (souvent dĂ©nommĂ© "commission d'enquĂȘte"), est rĂ©putĂ© d'une part indĂ©pendant des autoritĂ©s concernĂ©es, organisatrice et dĂ©cisionnaire, et du champ d'application de l'enquĂȘte publique, et d'autre part sans conflit d'intĂ©rĂȘts. Le rĂ©sultat de l'enquĂȘte (ses conclusions) est remis par Ă©crit, dans un rapport, au moins aux autoritĂ©s concernĂ©es et peut ĂȘtre connu du public.
L'enquĂȘte publique est un des lieux et outils de rĂ©gulation de la dĂ©mocratie, oĂč tous et chacun peuvent sâexprimer. La convention internationale d'Aarhus de 2001 et ses dĂ©clinaisons lĂ©gislatives nationales imposent, en matiĂšre d'environnement, une large participation du public aux processus dĂ©cisionnels ainsi qu'un accĂšs Ă l'information et Ă la justice.
Caractéristiques générales
L'enquĂȘte publique est un moyen officiel de recueillir les observations, les remarques, les avis, les propositions de l'ensemble des personnes, physiques ou morales, concernĂ©es par son objet. Elle est mise en Ćuvre par l'autoritĂ© publique organisatrice lorsqu'un texte juridique le requiert[1].
Elle doit respecter les modalitĂ©s ainsi prĂ©vues telles que des Ă©lĂ©ments de publicitĂ© pour que sa tenue soit connue du public, de dĂ©lais, de durĂ©e, de lieu(x) pour permettre l'intervention du public, d'accĂšs aux documents appropriĂ©s pour complĂ©ter l'information du public, de moyens de recueil de l'expression du public (oral, Ă©crit, Ă©lectronique ; rĂ©union(s), prĂ©sence d'un enquĂȘteur). Le rĂ©sultat de l'enquĂȘte doit ĂȘtre identifiĂ© (exemple : rapport) avec des conclusions pouvant ĂȘtre motivĂ©es. Ce rĂ©sultat est transmis Ă l'autoritĂ© organisatrice ainsi qu'Ă l'entitĂ© demandeuse originelle et peut ĂȘtre connu du public. Les modalitĂ©s de prise en compte de ce rĂ©sultat mĂ©ritent d'ĂȘtre prĂ©alablement explicitĂ©es.
Selon des modalitĂ©s spĂ©cifiques Ă chaque pays, l'enquĂȘte publique organise une consultation de la population soit en concertation prĂ©alable Ă certaines dĂ©cisions administratives (d'amĂ©nagement du territoire, environnementales, expropriation, ...) soit a posteriori aprĂšs une catastrophe, naturelle ou technologique.
Modalités selon les pays
En France
En France, l'enquĂȘte publique est rĂ©glementairement nĂ©cessaire[2] :
- sur la plupart des « projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements devant comporter une évaluation environnementale »[3] ;
- pour les projets demandant qui exigent une expropriation justifiĂ©e par l'intĂ©rĂȘt public et prononcĂ©e Ă l'issue d'une dĂ©claration d'utilitĂ© publique[4] - [5] ; Certains projets (relevant de la DĂ©fense nationale) font l'objet de dĂ©rogation Ă ce type de procĂ©dure ;
- avant l'adoption des documents dâurbanismes collectifs[6] - [7].
Elle est donc ouverte localement, sur et autour des lieux impactĂ©s, dans la (ou les) mairie(s) concernĂ©(es) par le projet. Elle est conduite par un Commissaire enquĂȘteur, ou par une commission d'enquĂȘte (nombre impair de commissaires enquĂȘteurs avec un prĂ©sident de commission) pour les enquĂȘtes complexes, le plus souvent dĂ©signĂ©(e) par le prĂ©sident du Tribunal administratif de rĂ©fĂ©rence des lieux.
Elle est ouverte Ă tous (sans restriction d'Ăąge ou nationalitĂ©). Chacun peut s'y informer du projet et exprimer son avis, ses suggestions et d'Ă©ventuelles contre propositions, auprĂšs du commissaire enquĂȘteur, sur un registre d'enquĂȘte au format papier ou parfois Ă©lectronique (dĂ©matĂ©rialisĂ©)[8] - [9]. Ă lâexpiration du dĂ©lai dâenquĂȘte, le registre dâenquĂȘte est clos puis transmis avec le dossier dâenquĂȘte au commissaire enquĂȘteur. Celui-ci rĂ©dige ensuite des conclusions ainsi quâun avis motivĂ©, favorable ou non, sur le projet envisagĂ©, avec Ă©ventuellement des rĂ©serves. Il les transmet Ă l'autoritĂ© organisatrice de la procĂ©dure[10], Ă l'autoritĂ© qui l'a dĂ©signĂ©e et, parfois seulement au maĂźtre d'ouvrage du projet.
Plusieurs milliers d'enquĂȘtes publiques sont ainsi menĂ©es chaque annĂ©e en France[10].
La Charte de l'environnement précise qu'il est du devoir de chaque citoyen de protéger son environnement.
En Belgique
LâenquĂȘte publique est rĂ©glementĂ©e dans la RĂ©gion wallonne dans le Livre Premier de son Code de lâEnvironnement[11]. Elle est requise pour toutes les demandes de permis dâenvironnement ou de permis unique (classe 1 et 2).
En Suisse
L'enquĂȘte publique est citĂ©e dans la loi fĂ©dĂ©rale sur la procĂ©dure administrative[12]. La loi fĂ©dĂ©rale sur lâamĂ©nagement du territoire impose « Ă ce que la population puisse participer de maniĂšre adĂ©quate Ă l'Ă©tablissement des plans »[13] directeurs et d'affectation avec une compĂ©tence des cantons pour rĂ©gler la procĂ©dure de l'enquĂȘte publique (publication, durĂ©e, participation, gestion des observations, etc.).
Pays du Commonwealth
Dans les pays du Commonwealth, une commission royale d'enquĂȘte a un champ d'action qui concerne tout ce qui risque de prĂ©occuper la population. Elle est un hĂ©ritage de la Commission d'enquĂȘte parlementaire au Royaume-Uni qui trouve son origine dans la prĂ©rogative royale d'initier des enquĂȘtes depuis Henri VII en 1517[14].
Au Québec
Dans la province canadienne du QuĂ©bec, une Commission d'enquĂȘte publique est un organisme ad hoc et temporaire dotĂ© de certains pouvoirs judiciaires et mis sur place par le gouvernement quĂ©bĂ©cois afin de faire la lumiĂšre sur des allĂ©gations ou des Ă©vĂ©nements prĂ©cis qui sont potentiellement contraires Ă l'intĂ©rĂȘt public, ou encore pour comprendre les causes d'un accident ou sinistre majeur[15]. Son fonctionnement s'inscrit dans le cadre d'une procĂ©dure inquisitoire « lorsque le gouvernement juge Ă propos de faire faire une enquĂȘte sur quelque objet qui a trait au bon gouvernement du QuĂ©bec, sur la gestion de quelque partie des affaires publiques, sur l'administration de la justice ou sur quelque matiĂšre importante se rattachant Ă la santĂ© publique ou au bien-ĂȘtre de la population »[16].
SubsĂ©quemment, s'il avait lieu de porter des accusations contre l'auteur prĂ©sumĂ© d'un dĂ©lit ou autre infraction, seule la procĂ©dure accusatoire serait retenue dans un procĂšs relevant de l'ordre judiciaire, et non plus d'une commission d'enquĂȘte. Les tĂ©moignages et autres documents de la commission d'enquĂȘte serviront alors Ă la poursuite Ă Ă©tablir la preuve que les faits allĂ©guĂ©s sont effectivement ceux de l'accusĂ©.
Tendance, Ă©volution
Selon les pays, la liste des projets soumis Ă enquĂȘte publique varie. Elle est parfois obligatoire Ă partir d'un certain plafond de budget.
Dans le monde, le volet environnemental ou socio-environnemental des enquĂȘtes tend Ă prendre de lâimportance, notamment en raison de lâapplication obligatoire de la Convention d'Aarhus. Dans l'Union europĂ©enne, cette convention a Ă©tĂ© transcrite dans la directive europĂ©enne 2003/4/CE[17], amendĂ©e dans la dĂ©cision 2006/957/CE[18] et prĂ©cisĂ©e dans le rĂšglement 1367/2006/CE[19]. Ces textes imposent Ă toutes les collectivitĂ©s publiques de l'Union europĂ©enne de donner au public « une rĂ©elle possibilitĂ© de participer au plus tĂŽt Ă lâĂ©laboration, Ă la modification ou au rĂ©examen des plans et programmes relatifs Ă lâenvironnement ».
Hormis dans quelques pays (Canada, certains pays anglo-saxons ou d'Europe du Nord), les services municipaux ou de l'Ătat qui accompagnent les enquĂȘtes publiques manquent souvent de moyens et d'expĂ©rience en matiĂšre de concertation et de dĂ©bat public et citoyen .
Notes et références
- David Renders, Droit administratif général, Bruxelles, Bruylant, coll. « Centre Montesquieu d'études de l'action publique », , 624 p. (ISBN 978-2-8027-5009-3 et 2-8027-5009-7, lire en ligne), p. 151
- « Les enquĂȘtes publiques », sur Portail de LâĂtat au service des collectivitĂ©s, (consultĂ© le )
- Code de l'environnement (France), « Article L123-2 », sur Légifrance, (consulté le )
- MinistÚre de l'Intérieur (France), « Procédure d'expropriation », sur demarches.interieur.gouv.fr, (consulté le )
- Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, « Article L110-1 », sur Légifrance, (consulté le )
- Code de l'urbanisme (France), « Article L104-1 », sur Légifrance, (consulté le )
- Code de l'urbanisme (France), « Article L104-2 », sur Légifrance, (consulté le )
- Code de l'environnement (France), « Article R123-9 », sur Légifrance, (consulté le )
- EnquĂȘtes & dĂ©matĂ©rialisation, « Recherchez une enquĂȘte publique », sur e-enquetespubliques.com (consultĂ© le )
- Compagnie nationale des commissaires-enquĂȘteurs - CNCE, « Les enquĂȘtes publiques », (consultĂ© le )
- Code wallon de l'environnement, « Articles D29-7 à D.29-20 », sur http://www.ejustice.just.fgov.be, Région wallonne (consulté le )
- Loi fédérale sur la procédure administrative, « Art. 30a Procédure spéciale », sur https://www.admin.ch/opc/fr, Portail du gouvernement suisse, (consulté le )
- Loi fédérale sur l'aménagement du territoire, LAT, « Art. 4 Alinéa 2 », sur https://www.admin.ch/opc/fr, Portail du gouvernement suisse, (consulté le )
- (en) Dobuzinskis et al. Laurent, Policy analysis in Canada, Policy Press, , 352 p. (ISBN 978-1-4473-4604-3, lire en ligne), « Commissions of inquiry and public analysis »
- Jean Deaudelin, « Le dĂ©roulement des commissions dâenquĂȘte », Actes de la XIIIe ConfĂ©rence des juristes de l'Ătat,â , p. 198 (lire en ligne)
- Loi sur les commissions d'enquĂȘte (L.R.Q., c. C-37)
- Parlement européen et Conseil de l'Union européenne, « Directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l'accÚs du public à l'information en matiÚre d'environnement », sur https://eur-lex.europa.eu/homepage.html?locale=fr, (consulté le )
- Conseil de l'Union européenne, « Décision relative à l'approbation, au nom de la Communauté européenne, d'un amendement à la convention sur l'accÚs à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accÚs à la justice en matiÚre d'environnement », sur https://eur-lex.europa.eu/homepage.html?locale=fr, (consulté le )
- Parlement europĂ©en et Conseil de l'Union europĂ©enne, « RĂšglement concernant lâapplication aux institutions et organes de la CommunautĂ© europĂ©enne des dispositions de la convention dâAarhus sur lâaccĂšs Ă lâinformation, la participation du public au processus dĂ©cisionnel et lâaccĂšs Ă la justice en matiĂšre dâenvironnement », sur https://eur-lex.europa.eu/homepage.html?locale=fr, (consultĂ© le ), Article 9
Voir aussi
Bibliographie
- Huguette Bouchardeau, L'enquĂȘte publique. Rapport Ă Michel Barnier, ministre de l'environnement, MinistĂšre de l'environnement. Paris, :
« Dix ans aprĂšs le vote de la loi du 12 juillet 1983 relative Ă la dĂ©mocratisation des enquĂȘtes publiques et Ă la protection de l'environnement, ce rapport fait un bilan et montre que les objectifs affichĂ©s par la loi n'ont pas Ă©tĂ© atteints »
- Conseil d'Etat, LâutilitĂ© publique aujourdâhui, La Documentation française, , 166 p. (lire en ligne)
- Y. Goutal, P. Peynet et A. Peyronne, "Droit des enquĂȘtes publiques", Lamy, 2012
- Grégoire Milot, Construire une ville participative, Territorial Editions, 2013