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Procédure inquisitoire

La procédure inquisitoire est la procédure judiciaire où la maîtrise du procès est confiée au juge qui joue un rôle actif. En plus des éléments que les parties vont lui apporter, le juge pourra rechercher des éléments de preuve lui-même afin de fonder sa propre opinion.

La procédure inquisitoire s'oppose donc à la procédure accusatoire, en usage au civil et, dans les pays anglo-saxons, au pénal, où le rôle des juges se limite seulement à celui d’arbitre impartial entre les parties. La procédure inquisitoire est employée dans la plupart des pays d'Europe de l'Ouest et en Amérique latine.

Histoire

Jusqu'à l'Inquisition médiévale au XIIe siècle, les systèmes légaux utilisés en Europe étaient généralement fondés sur le système accusatoire (exceptionnellement, l’inquisitio est le type d'enquête criminelle sous le principat[1]), pour déterminer ceux qui pouvaient être jugés pour un crime ou délit et s'ils étaient coupables ou innocents. Dans ce système, à moins qu'elle n'ait été prise en flagrant délit, une personne ne pouvait pas être jugée tant qu'elle n'avait pas formellement été accusée sur la base d'un nombre suffisant de témoignages ou par une enquête. Une des faiblesses de ce système était qu'elle était fondée sur les accusations de témoins et que, les pénalités pour fausse accusation étant importantes, les témoins pouvaient être hésitants à s'impliquer. Face à ces difficultés, dans des cas décisifs, des procédures telles que l'épreuve (ordalie) ou le combat judiciaire ont été mises en place.

À partir de 1198, le pape Innocent III a publié une série de décrets qui ont réformé le système des tribunaux ecclésiastiques. Sous l’Inquisition (processus per inquisitionem) les magistrats ecclésiastiques n'exigeaient plus une accusation formelle pour poursuivre et juger un accusé. Au lieu de cela, le tribunal ecclésiastique pouvait se réunir et interroger des témoins de sa propre initiative, et si ces témoins accusaient une personne d'un crime (souvent en échange du secret du témoignage), une personne pouvait alors être jugée. En 1215, le quatrième concile du Latran (canon 8, Qualiter et quando), fixe le "mode inquisitoire", qui peut désormais être mis en œuvre alternativement au "mode accusatoire" et au "mode de dénonciation". Le concile interdit également au clergé de recourir aux ordalies (épreuves ou duels judiciaires). Peu à peu, la procédure inquisitoire va devenir dominante pour juger les causes judiciaires les plus graves (au pénal)[2].

En Angleterre, en revanche, le roi Henri II avait établi des cours séculières séparées pendant les années 1160. Alors que les tribunaux ecclésiastiques d'Angleterre, comme ceux du continent, adoptaient le système inquisitoire, les cours séculières de droit coutumier ont continué à fonctionner selon la procédure accusatoire. La plupart des affaires criminelles étaient donc encore jugées selon le principe qu'une personne ne pouvait pas être jugée tant qu'elle n'était pas formellement accusée. En 1215, ce principe a été inscrit dans l'article 38 de la Magna Carta qui disposait qu’« aucun conseiller municipal ne soumettra dorénavant quiconque à sa loi, sur sa seule accusation non corroborée, sans produire des témoins fiables convoqués pour cette raison. »

Dans la lignée du développement des systèmes juridiques modernes au XIXe siècle, la plupart des juridictions ont non seulement codifié leur loi de droit privé et de droit pénal, mais les règles de procédure civile ont également été passées en revue et codifiées. C'est ainsi que la procédure inquisitoire s'est peu à peu enracinée dans la majorité des systèmes légaux civils européens. Cependant, il existe des différences significatives entre les procédures du XVIIIe siècle et celles qui se sont développées depuis le XIXe siècle ; en particulier, furent ajoutées des limites à la puissance des investigateurs et, parallèlement, de plus grands droits à la défense.

Il serait trop généralisé de dire que le système de droit civil est purement inquisitoire et que le droit coutumier serait accusatoire. En effet, la coutume romaine antique de l'arbitrage, qui était la forme la plus ancienne de procédure accusatoire, a été adaptée dans de nombreuses juridictions de droit coutumier sous une forme plus inquisitoire.

Caractéristiques

C'est une procédure :

  • Ă©crite : Ă©tablissement d’un procès-verbal d’audience
  • non contradictoire : l’accusĂ© y joue un rĂ´le passif
  • secrète : l’accusĂ© ne connaĂ®t pas les charges qui pèsent sur lui, les tĂ©moins ne savent pas dans quelle affaire ils tĂ©moignent

Les juges dans cette procédure sont des professionnels (fonctionnaires publics), formés aux méthodes de l’instruction et de l’inquisition. L’accusateur devient public et « tout juge est procureur général » : tout juge peut se saisir d’office, dès lors qu’il a connaissance d’une infraction. La procédure apparaît donc rapide et énergique.

Ce choix apparaît avec la grande ordonnance de 1670, avec une instruction préparatoire fondée sur l’aveu (même sous la torture), puis améliorée par l’édit du qui exigea la motivation des jugements et un délai d’un mois pour la mise à exécution.

Ce système connaît des limites :

  • le but du système inquisitoire est de chercher Ă  tout prix un coupable, ce qui peut nuire aux droits de la dĂ©fense. En outre, pouvant induire des erreurs, cette procĂ©dure conduit Ă  une instruction et Ă  des procès interminables.
  • l’écrit peut dĂ©former la rĂ©alitĂ©, face Ă  la spontanĂ©itĂ© de l’oralitĂ©.

Notes et références

Bibliographie

  • (en) Richard M. Fraher, « IV Lateran's Revolution in Criminal ProcĂ©dure : the Birth of inquisitio, the End of Ordeals and Innocent III's Vision of Ecclesiastical Politics », dans Rosalius Josephus Castillo Lara (Ă©d.),Studia in honorem eminentissimi cardinalis Alphonsi M. Stickler, Rome, Librairie Ateneo Salesiano, coll. « Pontificia studiorum universitas salesiana, Facilitas juris canonici, Studia et textus historie juris canonici Â», n° 7, 1992, p. 97-111.
  • (it) Antonia Fiori, « Quasi denunciante fama : note sull’introduzione del processo tra rito accusatorio e inquisitorio Â»", dans Der Einfluss der Kanonistik auf die europäische Rechtskultur, 3. Strafrecht und StrafprozeĂź, ed. O. Condorelli, Fr. Roumy, M. Schmoeckel, Cologne, Weimar, Vienne, 2012, p. 351-367, lire en ligne.
  • (de) Lotte KĂ©ry, « Inquisitio-denunciatio-exceptio : Möglichkeiten der Verfahrenseinleitung im Dekretalenrecht », Zeitschrift der Savigny-Stiftung fĂĽr Rechtsgeschichte, Kanonistische Abteilung, 87, 2001, p. 226-268.
  • Michel Porret, « Mise en images de la procĂ©dure inquisitoire », SociĂ©tĂ©s & ReprĂ©sentations, no 18,‎ , p. 37-62 (lire en ligne).
  • Julien ThĂ©ry, « Fama : l'opinion publique comme preuve judiciaire. Aperçu sur la rĂ©volution mĂ©diĂ©vale de l'inquisitoire (XIIe-XIVe) », dans Bruno Lemesle (dir.), La preuve en justice de l'AntiquitĂ© Ă  nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 271 p. (ISBN 2-86847-835-2, lire en ligne), p. 119-147.
  • Julien ThĂ©ry-Astruc, « Faide nobiliaire et justice inquisitoire de la papautĂ© Ă  Sienne au temps des Neuf : les recollectiones d'une enquĂŞte de BenoĂ®t XII contre l'Ă©vĂŞque Donosdeo de' Malavolti (ASV, Collectoriae 61A et 404A) Â», dans Susanne Lepsius et Thomas Wetzstein (Ă©d.), Als die Welt in die Akten kam. ProzeĂźschriftgut im europäischen Mittelalter, Francfort, V. Klostermann, coll. « Rechtsprechung Â», n° 27, 2008, p. 275-345, lire en ligne.
  • Julien ThĂ©ry-Astruc, « L'Église, les CapĂ©tiens et le Languedoc au temps d'Alphonse de Poitiers : autour des enquĂŞtes pontificales sur les crimes imputĂ©s Ă  VĂ©zian (OFM), Ă©vĂŞque de Rodez (1261-1267) », Annales du Midi, n0 282, 2013, p. 217-238, lire en ligne.
  • Julien ThĂ©ry-Astruc, « 'Excès' et 'affaires d’enquĂŞte'. Les procĂ©dures criminelles de la papautĂ© contre les prĂ©lats, de la mi-XIIe Ă  la mi-XIVe siècle. Première approche », dans P. Gilli (dir.), La pathologie du pouvoir : vices, crimes et dĂ©lits des gouvernants, Leyde, Brill, 2016, p. 164-236, lire en ligne.
  • (de) Winfried Trusen, « Der Inquisitionsprozess : seine historischen Grundlagen und frĂĽhen Formen », Zeitschrift der Savigny-Stiftung fĂĽr Rechtsgeschichte, Kanonistische Abteilung, 74, 1988, p. 171-215.

Voir aussi

Liens internes

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