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Conditions de travail

Les conditions de travail sont d'une maniÚre générale l'environnement dans lequel les employés vivent sur leur lieu de travail. Elles comprennent la pénibilité et les risques du travail effectué ainsi que les horaires ou l'environnement de travail (bruit, chaleur, exposition à des substances toxiques, les délais de production ou de ventes d'un produit, etc.). C'est l'ensemble des facteurs sociaux, psychologiques, environnementaux, organisationnels et physiques qui caractérise un environnement de travail pour le salarié.

DĂ©finitions

Un entrepĂŽt de matiĂšres premiĂšres

Dans l'exercice d'une activité professionnelle donnée, les conditions de travail sont un ensemble de paramÚtres qui influent sur la satisfaction trouvée quotidiennement à cette activité comme sur les formes et degrés de fatigue et qui dans la durée induisent des conséquences qu'on peut qualifier de répercussions.

Les conditions de travail sont l'objet de l'attention particuliÚre des ergonomes, des ergomotriciens qui peuvent en faire l'analyse (et éventuellement chercher à trouver des moyens de les améliorer ou d'en réduire les effets négatifs), des inspecteurs du travail chargés de contrÎler l'application du droit du travail dans ce domaine, des médecins du travail chargés d'un contrÎle périodique de la santé des actifs, et des psychologues (Ils participent à la préservation de la santé mentale et physique des salariés et à l'amélioration des conditions de travail. Ils assurent des missions de conseil et d'appui auprÚs des acteurs de l'entreprise, dans le cadre d'une démarche collective).

Les conditions de travail considĂ©rĂ©es comme des conditions pathogĂšnes se situent Ă  la frontiĂšre entre le travail et la santĂ©. Elles ont des consĂ©quences sur les risques d'accidents ; elles peuvent directement provoquer certaines maladies ou comme facteur de risque en favoriser d'autres tout en ayant une influence sur le bien-ĂȘtre. Les conditions de travail sont donc des dĂ©terminants de l'espĂ©rance de vie, de l'absentĂ©isme et des maladies professionnelles.

La pénibilité du travail est notamment liée à l'effort, l'exposition au bruit, à la poussiÚre, aux vibrations, à des toxiques
 mais aussi à d'autres critÚres plus subjectifs

Les conditions de travail ne comportent pas uniquement des aspects matĂ©riels ; la vie relationnelle y participe tout autant, ainsi que le statut de l'emploi (statut professionnel, durĂ©e du contrat, ancienneté ).

Le travail en open space a un impact sur la santé des salariés.

Il est difficile de mettre en lumiĂšre ce qui constitue de bonnes conditions de travail. L'absence de souffrances ne signifie pas l'existence de bonnes conditions de travail). Les bonnes conditions peuvent ĂȘtre exprimĂ©es comme telles : ce sont celles « qui donnent au travailleur la libertĂ© de travail favorable Ă  sa santĂ© »[1].

Objectiver les conditions de travail : une variation relative dans le temps, amĂ©lioration ou dĂ©gradation qualitative que des groupes de salariĂ©s soulignent. Un autre rapport peut ĂȘtre Ă©tabli : la comparaison avec le temps hors travail ou d’une autre maniĂšre les conditions de vie extra entreprise.

Certains acteurs institutionnels sont susceptibles d’aider Ă  prendre conscience des conditions de travail Ă  travers le dĂ©veloppement d’information Ă  destination des salariĂ©s, notamment par les syndicats et par l’État (M. Gollac, S. Volkoff et Loup Wolff donnent l’exemple des campagnes de sĂ©curitĂ© routiĂšre Ă  destination des chauffeurs routiers) ou encore les associations (mĂ©decins du travail, Ă©cologistes, associations de victimes de maladies professionnelles), l’inspection du travail, les mĂ©decins du travail. Exemple : le mouvement des infirmiĂšres Ă  la fin des annĂ©es 1980 montre que la perception des conditions de travail s’est trouvĂ©e modifiĂ©e (en 1984, 40 % estiment qu’elles sont amenĂ©es Ă  transporter des charges lourdes, en 1991 passage Ă  70 % ; cela peut ĂȘtre expliquĂ© par les modifications techniques de la gestion de la santĂ©).

Ces Ă©lĂ©ments permettent de dire que les conditions de travail relĂšvent d’une question politique et sociale. La recherche doit dĂ©terminer comment la sociĂ©tĂ© et les politiques abordent cette question et quelles solutions sont choisies pour y remĂ©dier. Les scientifiques ont pour mission d’éclairer le dĂ©bat. Une approche pluridisciplinaire est possible, avec la sociologie, l’ergonomie, la psychologie, la socio-Ă©conomie du travail et de l’emploi.

Il existe plusieurs façons de dĂ©composer le travail. D’une part, les dĂ©marches analytiques en Ă©pidĂ©miologie, psychologie du travail, ergonomie cherchent Ă  montrer la relation entre un aspect du travail et la santĂ© ou la performance. Il s’agit d’une dĂ©marche gĂ©nĂ©rale, qui tend par ses fondements Ă  occulter les particularitĂ©s de chaque travailleur (les recherches sont effectuĂ©es sur un individu « moyen », sans caractĂ©ristiques particuliĂšres en ce qui concerne les aptitudes physiques, le caractĂšre, etc.). En ergonomie, ce courant des human factors procĂšde par expĂ©riences en laboratoires, par succession de tests sur un individu type. Pour un domaine comme l’hygiĂšne en revanche, une dĂ©marche Ă©pidĂ©miologique peut se justifier avec des Ă©tudes sur la toxicitĂ© des produits par exemple. Les premiĂšres Ă©tudes statistiques sur les conditions de travail avec une approche synthĂ©tique : 1978 par la DARES, renouvelĂ©e en 1984, 1991, 1998 portĂ©e sur 20 000 personnes ;complĂ©tĂ©e en 87 sur l’organisation du travail et donnĂ©es psychologiques 93 puis fusion en 98. Les human factors permettent de dĂ©boucher sur de nombreuses applications, notamment dans la conception d’outils ou d’équipements, la mise en place de normes. Pourtant deux difficultĂ©s :variation des situations de travail et des populations d’une part, d’autre part le risque est croire qu’une conformitĂ© aux normes suffit[1].

Un autre courant se dĂ©marque nettement, en particulier dans les pays francophones, en utilisant le concept d’activitĂ© (en partie issu de recherches soviĂ©tiques et scandinaves). Cela commence par la distinction entre la tĂąche (environnement, procĂ©dures, objectifs, moyens) et l’activitĂ© elle-mĂȘme : dans le processus de production, l’homme interagit avec son environnement. Il s’agit d’un processus complexe, pour tout type de travail y compris pour le travail rĂ©pĂ©titif : prise d’informations constante, observation, Ă©coute, raisonnement, choix des gestes Ă  effectuer et exĂ©cution, dans un environnement qui peut ĂȘtre instable. L’intĂ©rĂȘt est la dĂ©termination des facteurs d’instabilitĂ© et d’autre part la comprĂ©hension des compromis nĂ©cessaires Ă  la rĂ©alisation de l’activitĂ©. Par exemple, la conception d’outils ergonomiques peut se rĂ©vĂ©ler inefficace si dans le mĂȘme temps le salariĂ© est amenĂ© Ă  changer de positions (pour des raisons d’instabilitĂ© environnementales).

Nature des conditions de travail

Cadre temporel

Le cadre temporel du travail est un sous-ensemble important des conditions de travail : il est d'une grande variété en particulier dans l'industrie avec les rythmes imposés ou le travail posté, mais aussi dans des services comme la restauration ou les hÎpitaux. Rentre aussi dans ces paramÚtres, la durée des déplacements quotidiens entre le domicile et le lieu de travail.

Citons le type d'horaires, la variabilité de la durée quotidienne de travail, les pauses et congés, les heures supplémentaires, le travail de nuit et les horaires décalés, les temps partiels, l'empiÚtement du travail sur le temps de loisir, etc.

Les rythmes imposés et autres paramÚtres plus spécifiquement liés à la productivité relÚvent de la pression temporelle : ils sont un facteur aggravant des autres conditions vécues ou peuvent transformer de simples exigences qualitatives en contraintes préjudiciables, une déficience partielle en situation ingérable

Contraintes physiques

Les contraintes physiques sont étroitement liées aux tùches effectuées et à l'environnement :

  • sollicitations mĂ©caniques (efforts, posture pĂ©nible, attention permanente, gestes et dĂ©placements rĂ©pĂ©titifs, secousses et vibrations
) ;
  • expositions Ă  diverses nuisances, polluants ou agents chimiques ou biologiques (courants d'air ou intempĂ©ries, bruits, poussiĂšres et fumĂ©es, tempĂ©ratures et humiditĂ© anormales, produits chimiques volatils, toxiques, radiations, agents pathogĂšnes
) ;
  • risques de blessures ou d'accidents qui entrent pour une part dans les contraintes physiques, l'Ă©valuation des risques Ă©tant en partie psychologique.

Les facteurs architecturaux telles que les conditions d'éclairage (naturel/artificiel) ou la qualité des locaux (exiguïté, éléments esthétiques, qualité de la climatisation, vue sur l'extérieur
) font partie des paramÚtres physiques.

Ces niveaux de contraintes peuvent ĂȘtre situĂ©es Ă  l'aide d'indicateur de pĂ©nibilitĂ© physique.

L'impact des contraintes physiques est souvent rapide et peu réversible, ainsi l'accumulation d'efforts excessifs entraßne des troubles ou pathologies musculo-squelettiques causant un vieillissement prématuré.

Sollicitations psychologiques

Les sollicitations psychologiques ou psychosociales sont les traits de l'activitĂ© et de son cadre qui aboutissent au stress si elles excĂšdent les capacitĂ©s de l'individu. Elles peuvent ĂȘtre Ă©troitement liĂ©es Ă  l'activitĂ© (exigences cognitives) ou dĂ©pendre de conditions plus larges (responsabilitĂ©, peur latente de l'erreur, rapports interindividuels et ambiance de travail notamment), voire trĂšs larges comme la crainte d'ĂȘtre licenciĂ©.

La psychopathologie du travail donne lieu Ă  peu de diagnostics. Certains effets sont tout de mĂȘme remarquĂ©s, comme le « burnout », en français le syndrome d'Ă©puisement professionnel (situation de fatigue extrĂȘme, particuliĂšrement dans les secteurs sociaux, dans les hĂŽpitaux par exemple), le « boreout » (syndrome d'Ă©puisement professionnel par l'ennui) et le « brownout » (manque de sens des tĂąches quotidiennes)[2]. Christophe Dejours (psychiatre et psychanalyste) montre que l’écart croissant entre les efforts dĂ©ployĂ©s et la rĂ©munĂ©ration provoque une augmentation des risques psychiatriques. Plus encore, ce sont les modifications techniques et environnementales du travail dans l’organisation nĂ©o-libĂ©rale (Le nouvel esprit du capitalisme de E. Chiapello et L. Boltanski) qui peuvent ĂȘtre Ă  l’origine de nouveaux maux (petits troubles de santĂ© : insomnie, douleurs lombaires, harcĂšlement moral).

Yves Lasfargue montre que les techniques de l'information et de la communication peuvent ĂȘtre sources de pĂ©nibilitĂ© et engendrer de la fatigue mentale. En particulier, le travail permanent sur une reprĂ©sentation abstraite de la rĂ©alitĂ© imposĂ© par l'usage d'internet et des « nouvelles technologies » est l'une des sources de la charge mentale. Une autre source de charge mentale est de respecter Ă  la lettre des procĂ©dures et des rĂšgles du jeu imposĂ©es par les logiciels. Yves Lasfargue a introduit la notion d'ergostressie pour dĂ©signer le stress liĂ© aux techniques de l'information et de la communication[3].

Rapport avec le public

Avec le développement des activités tertiaires, les activités qui comprennent une interaction quelconque avec un public sont de plus en plus nombreuses : on estime à deux tiers la proportion des employés concernés.

La relation habituelle à un public ajoute de nouveaux paramÚtres aux composantes temporelles, physiques et mentales des conditions de travail : aux exigences hiérarchiques, se joignent les exigences souvent complexes des personnes rencontrées ou entrevues, toutes exigences qui peuvent ne s'accorder que partiellement avec les conceptions personnelles du salarié.

Conditions sociales

Cette derniĂšre catĂ©gorie regroupe indistinctement les facteurs qui dĂ©pendent des conditions gĂ©nĂ©rales du travail et de l'emploi dans la sociĂ©tĂ© et que l'individu amĂšnent avec lui lors de son embauche ou par exemple si l'offre d'emplois se rarĂ©fie. Ces facteurs se rattachent aux sollicitations psychologiques dans la mesure oĂč l'excĂšs de la demande sur l'offre durcissant la dĂ©pendance du salariĂ© Ă  son emploi (en fonction du type de contrat de travail) accroĂźt son niveau de tension psychique.

Ces conditions sont d'autant plus prĂ©gnantes que le salariĂ© est lui-mĂȘme fortement dĂ©pendant de son emploi pour des raisons personnelles (chef de famille, dettes, expĂ©rience de chĂŽmage
) et qu'il ne dispose pas par ailleurs que de bonnes possibilitĂ©s d'un nouvel emploi.

Émanant de la conjoncture, ces conditions n'ont pas de limites thĂ©oriques ; il suffit par exemple d'imaginer les rĂ©percussions sur le travail du moindre signe de dĂ©veloppement soudain de la concurrence ou plus directement de difficultĂ©s de l'entreprise elle-mĂȘme.

Situations particuliĂšres et individuelles

Tous les individus ne sont pas égaux face aux exigences et contraintes d'une activité, ce qui souligne l'importance de :

  • l'orientation et de la sĂ©lection professionnelles pour l'accord de l'emploi aux capacitĂ©s individuelles ;
  • des prĂ©occupations ergonomiques pour l'adaptation des tĂąches et des postes ;
  • la formation professionnelle pour une meilleure maĂźtrise et une plus grande autonomie.

Certaines catégories de personnes présentant une vulnérabilité particuliÚre sont particuliÚrement sensibles aux conditions de travail :

  • les personnes handicapĂ©es ;
  • les personnes souffrant de maladies chroniques ou Ă  Ă©volution lente ;
  • les femmes enceintes ;
  • les personnes qui peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme psychologiquement fragiles (Ă©tat dĂ©pressif, dĂ©pendance alcoolique
) ;
  • Les personnes susceptibles de souffrir de discriminations ou de pressions particuliĂšres (tĂąches ou mĂ©tiers dĂ©valorisĂ©s, dĂ©butants, intĂ©rimaires
).

Effet de l'Ăąge

Le vieillissement des effectifs nĂ©cessite des amĂ©nagements dans l’organisation du travail. En effet, le parcours travail d’un salariĂ© montre que la constitution physique d’un salariĂ© se modifie avec l’ñge. Le salariĂ© ĂągĂ© peut rester tout aussi performant, tant du point de vue de la qualitĂ© que de l’exĂ©cution, simplement ses gestes devront ĂȘtre plus adaptĂ©s (exemple d’un ouvrier sur une chaĂźne qui adapte ses positions pour Ă©viter de recourir Ă  des membres plus fragiles ; pour amĂ©nager sa façon de faire, l’espace de travail doit donc ĂȘtre important). Les travailleurs ĂągĂ©s dans une phase d’intensification du travail sont malgrĂ© tous les premiĂšres victimes, en particulier dans les secteurs exigeants sur le plan physique, avec un effet d’éviction Ă©vident, conduisant parfois Ă  la sĂ©lectivitĂ©. Retour sur les effets de la flexibilitĂ© accrue amorcĂ©e par les nouveaux modes d’organisation du travail, qui dessinent le contour du nouveau modĂšle nĂ©o-libĂ©ral.

Cette flexibilitĂ© accrue se rĂ©percute sur les horaires de travail et de fait sur la vie privĂ©e des salariĂ©s. Tendance : aujourd’hui 7 contrats sur 10 ne sont pas des contrats normaux (normalitĂ© par rapport au code du travail, c'est-Ă -dire un CDI Ă  temps plein). Le temps partiel est passĂ© de 9 % en 1984 Ă  18 % Ă  la fin des annĂ©es 1990. Les consĂ©quences sont multiples et d’autant plus importantes que ce sont les femmes qui sont principalement touchĂ©es (plus de 4/5 des temps partiels). Celles-ci ont un rĂŽle social de tout premier ordre dans la famille, notamment dans la prise en charge des enfants. Le chamboulement des horaires de travail peut Ă©galement entrer en contradiction avec le rythme biologique, dit circadien (24 h). Certaines fonctions sont en effet plus actives pour des pĂ©riodes du cycle. Le rythme de travail peut ainsi entrer en contradiction avec ce rythme comme le dĂ©calage avec les repas, l’attention, le rythme du sommeil, etc.

Cette flexibilitĂ© se traduit Ă©galement dans l’incertitude, notamment dans la grande distribution, chez les cadres (il s’agit nĂ©anmoins d’un amĂ©nagement personnel dans le cadre de forfait), dans le transport (les routiers notamment, dont les horaires dĂ©pendent de conditions de travail particuliĂšrement imprĂ©visibles), la maintenance des industries nuclĂ©aires.

Situation en France

Selon un bilan publiĂ© en 2018 sur les conditions de travail et les risques psychosociaux en France, par rapport aux pĂ©riodes d'enquĂȘtes « Conditions de travail » faites depuis 1978 (et en particulier par rapport Ă  la pĂ©riode 1984-2016), en 2016, l'autonomie des travailleurs Ă©tait en recul (surtout chez les personnes peu qualifiĂ©es) mais l'ambiance de travail Ă©tait globalement moins tendue[4]. L’intensitĂ© du travail a augmentĂ© de 2005 Ă  2013 pour atteindre un palier de 2013 Ă  2016 et le travailleur est plus soumis Ă  des normes et procĂ©dures : les procĂ©dures de qualitĂ© sont Ă©galement plus rĂ©pandues en 2016 (46 % des salariĂ©s) qu’en 2013 (43 %, tableau 5). Les contraintes de vigilance croissent en 2016, 43 % des salariĂ©s disent ne pas pouvoir quitter leur travail des yeux, soit quatre points de plus qu’en 2013[4], et dans le mĂȘme temps le travail Ă  faire dans l'urgence augmente, notamment dans les administrations (45 % des salariĂ©s disent devoir se dĂ©pĂȘcher « toujours ou souvent »)[4]. En 2016, 48 % des salariĂ©s disent avoir des normes de production Ă  satisfaire en une journĂ©e alors qu'ils n'Ă©taient que 21 % en 1978 ; en 2016, 35 % des salariĂ©s dĂ©clarent avoir un rythme de travail imposĂ© par un contrĂŽle ou un suivi informatisĂ© (contre 17 % en 1984)[4]. « Les salariĂ©s sont de moins en moins nombreux Ă  ‘choisir eux-mĂȘmes la façon d’atteindre les objectifs fixĂ©s’ et Ă  ‘pouvoir faire varier les dĂ©lais fixĂ©s’ »[4]. Les salariĂ©s interrogĂ©s ont moins signalĂ© d'hostilitĂ© Ă  leur Ă©gard au travail et moins de sentiment de manque de reconnaissance ainsi que moins d'exposition Ă  des conflits Ă©thiques. Une diminution des changements organisationnels observĂ©e de 2013 Ă  2016 pourrait expliquer le plateau de la courbe de ressenti de l’intensification croissante du travail et le recul des violences morales au travail[4]. Il sera Ă  confirmer ou non par de futures enquĂȘtes. Les managers et salariĂ©s pourraient aussi avoir fait plus d'efforts pour rĂ©duire les conflits interpersonnels sur le lieu de travail, encouragĂ© par un contexte politique et mĂ©diatique de plus grande sensibilitĂ© au harcĂšlement moral, sexuel et aux risques psychosociaux (RPS).

Depuis quelques années, les démarches visant à améliorer la qualité de vie au travail se développent en France.

Impact sur la santé

En France, le discours public autour de la question de la santĂ© est limitĂ© au discours mĂ©dical restreignant le cadre Ă  l’individu, en occultant le travail. D’oĂč le problĂšme de sa construction sociale et de sa visibilitĂ©. L’évaluation scientifique des effets du travail soulĂšve Ă©galement des interrogations quant aux mĂ©thodes Ă  utiliser. Il est par exemple nĂ©cessaire de mettre en relation la santĂ© mentale, physique, le cadre de vie gĂ©nĂ©ral (stress, irritations, douleurs, inconfort). A contrario, l’absence de travail peut gĂ©nĂ©rer d’autres formes de pathologies, comme la dĂ©pression, l’alcoolisme, etc. Jacques Freyssinet, Le chĂŽmage]. La santĂ© peut donc ĂȘtre dĂ©finie comme telle : « Être en forme, se sentir libre, ce qui implique autant le sentiment d’avoir barre sur les choses que la connaissance et l’acceptation de ses propres limites ; enfin, percevoir la suite des Ă©vĂšnements comme une unitĂ© susceptible de faire sens et de constituer une histoire. » [Davezies, De la rĂ©cupĂ©ration psychique, 1998].

En France, les donnĂ©es sont collectĂ©es par la CNAM-TS de fait limitĂ©e par ses objectifs : mesurer la dĂ©pense. Pour les maladies professionnelles, leur dĂ©finition nĂ©cessite un important travail juridique. La reconnaissance d’une maladie professionnelle dĂ©pend de son appartenance Ă  une liste limitative de pathologies, liĂ©es Ă  certains facteurs. Celle-ci est en constante nĂ©gociation entre les syndicats et les entrepreneurs, ce qui peut laisser de nombreuses pathologies de cĂŽtĂ©. Avec ce systĂšme extrĂȘmement limitĂ©, une comptabilitĂ© existe et l’entreprise se fixe ainsi des objectifs chiffrĂ©s en la matiĂšre.

Ordres de grandeur : dans les annĂ©es 2000, le nombre d’accidents avec arrĂȘt de travail a variĂ© entre 650 000 et 680 000 pour 14 millions de salariĂ©s relevant du rĂ©gime gĂ©nĂ©rale de SĂ©cu ; 50 000 Ă  60 000 ont Ă©tĂ© qualifiĂ©s de graves et ont donnĂ© lieu au versement d’une rente permanente ; 700-800 ont entraĂźnĂ© la mort. Sur le plan national, le taux de frĂ©quence des accidents est de 25 accidents avec arrĂȘt de travail/million d’heures travaillĂ©es, le taux de gravitĂ© est de 1 journĂ©e non travaillĂ©e/1 000 heures travaillĂ©es, Ă  long terme une baisse de ces indicateurs est observĂ©e mais avec une progression de la gravitĂ© moyenne — effet des petits accidents — le nombre de maladies professionnelles dans l’annĂ©e est de l’ordre de 10 000, en forte augmentation Ă  cause des troubles musculo-squelettiques.

Les relations travail/santĂ© ne sont ni univoques ni instantanĂ©es. Une caractĂ©ristique du travail peut avoir plusieurs effets (comme le bruit par exemple). Certains troubles peuvent avoir plusieurs origines, professionnelles et non professionnelles (comme les troubles du sommeil). Dans un autre sens, une dĂ©gradation de la santĂ© joue sur la qualitĂ© du travail (une douleur d’un membre peut amener Ă  une sollicitation plus importante d’un autre). Parfois les effets sont diffĂ©rĂ©s (amiante).

Certaines conditions de travail peuvent gĂ©nĂ©rer de graves maladies. Pour pouvoir observer les diffĂ©rences d’espĂ©rance de vie entre certaines catĂ©gories sociales, il est plus probant de s’intĂ©resser aux diffĂ©rences entre les catĂ©gories d’une mĂȘme profession (le niveau de vie est Ă©quivalent, les effets dus au travail sont donc mis en lumiĂšre). Chaque annĂ©e entre 5 000 et 10 000 dĂ©cĂšs sont imputables Ă  des cancers d’origine professionnelle. Le travail jouerait dans la survenue de 5 % des cancers (12 000 par an dus au travail pour partie au moins). La liste des produits cancĂ©rigĂšnes Ă©volue en fonction des connaissances scientifiques mais les conditions dans lesquelles ces produits sont nocifs sont plus difficiles Ă  dĂ©terminer (quantitĂ©, maniement, durĂ©e d’exposition). Exemples : poussiĂšre de bois, huiles minĂ©rales, benzĂšne (protection dans l’industrie chimique mais pas pour les mĂ©caniciens qui les manipulent rĂ©guliĂšrement).

Pour les agents biologiques, 55 000 salariĂ©s sont dĂ©libĂ©rĂ©ment exposĂ©s (agro-alimentaire) [enquĂȘte SUMER]. Le nombre de salariĂ©s exposĂ©s serait en rĂ©alitĂ© de 1 200 000 confrontĂ©s Ă  des agents biologiques inconnus a priori (personnel soignant par exemple, travaux avec des animaux, Ă©levage
).

Contraintes physiques

D’aprĂšs l’enquĂȘte de 2001, TG. La rĂ©pĂ©tition de certains mouvements, dĂ©placements, station debout prolongĂ©e peuvent entraĂźner un risque pour la santĂ© des salariĂ©s. La recrudescence des troubles physiques (qui concernent potentiellement deux millions de travailleurs, dans le commerce, les transports), en particulier les troubles musculo-squelettiques peuvent rĂ©sulter de l’intensification du travail[5], avec par exemple la suppression des pauses informelles, la pression temporelle, les situations d’urgence. ProblĂšme : les atteintes MS ne sont trĂšs peu reconnues comme telles. Environ 500 000 personnes sont atteintes de MS d’origine professionnelle.

Le bruit : il y a risque lorsque le bruit dĂ©passe 80 dĂ©cibels toute la journĂ©e ou 130 dBA pour les bruits les plus forts. Il s’agit d’un consensus social, la sensibilitĂ© des individus Ă©tant variable. D’autre part les conditions dans lesquelles le bruit intervient a son importance selon que le bruit est subi ou produit par le salariĂ© (musique d’ambiance dans certaines activitĂ©s par exemple) avec des effets fortement nĂ©gatifs sur le moral (stress, irritabilité ) en outre des consĂ©quences directes (surdité  explicitĂ© dans les enquĂȘtes : la diffĂ©rence de perception auditive entre les cadres et les ouvriers est considĂ©rable).

Depuis les années 1990 et la pérennisation du chÎmage, les salariés sont plus attentifs à conserver leur emploi, quitte à fournir des efforts supplémentaires : efforts physiques, mais aussi dépassement de soi, toutes catégories de travailleurs confondues.

Selon le Dr Patrick Legéron, les cas de suicide au travail n'ont commencé à prendre de l'ampleur que depuis les années 2000[6].

Ces nouvelles contraintes de travail peuvent ĂȘtre fatales Ă  certains travailleurs, qui ne rĂ©sistant pas, mettent fin Ă  leurs jours. Les causes sont multiples : stress, surcharge, harcĂšlement ou peur de perdre son emploi.

Le lien de cause Ă  effet entre des conditions de travail et le suicide peut ĂȘtre obtenu par une lettre de la personne qui se tue, par des tĂ©moignages de l'entourage, du mĂ©decin traitant ou du mĂ©decin du travail.

En France, les suicides pour cause de conditions de travail sont estimés par le Conseil économique et social à un mort par jour[7] (300 à 400 suicides par an pour des raisons professionnelles). Des derniers cas de suicides médiatisés ont concerné la centrale nucléaire de Chinon (EDF)[8], le Technocentre Renault[9], France Télécom[10], Thales[11].

La fonction publique n'est pas Ă©pargnĂ©e subissant, selon les syndicats, un rythme effrĂ©nĂ© de rĂ©formes entraĂźnant des suppressions de postes et une insuffisance d'Ă©valuation des risques psychosociaux[12], ni mĂȘme l'inspection du travail[13], chargĂ© de contrĂŽler la mise en Ɠuvre de la prĂ©vention des risques professionnels dans les entreprises et subissant l'« effet miroir » de la plainte des salariĂ©s[14].

Variations sociales des conditions de travail

Les conditions de travail sont souvent utilisées dans le discours politiques, ce qui permet notamment de forger une identité collective.

  • Le secteur ouvrier, bien qu’en dĂ©clin avec la montĂ©e en puissance des services dans l’économie, reste soumis Ă  des conditions extrĂȘmement pĂ©nibles sur le plan physique (port de charges lourdes, travail dans la saletĂ©, etc.). Le machinisme accru s’accompagne d’ailleurs de contraintes supplĂ©mentaires pour les ouvriers, notamment par l’importance du travail de nuit : le capital est rentabilisĂ© au maximum au dĂ©triment du confort des ouvriers. Ceux-ci restent Ă©galement soumis Ă  une hiĂ©rarchie forte (dispositifs disciplinaires).
  • Les cadres : il s’agit d’une catĂ©gorie qui regroupe un large ensemble de professions, cadres de la fonction publique, professeurs et chercheurs, mĂ©decins salariĂ©s, artistes et journalistes
 En matiĂšre de conditions de travail, les cadres se distinguent en particulier par une protection physique vis-Ă -vis de l’environnement : le lieu de travail est propre, ils ont peu d’efforts physiques Ă  rĂ©aliser (sauf Ă©ventuellement au niveau visuel). Ils disposent d’une forte autonomie pour rĂ©aliser leurs objectifs (voir sciences humaines). Ils ne sont donc pas soumis Ă  une taylorisation de l’organisation de travail mĂȘme s’ils sont contrĂŽlĂ©s rĂ©guliĂšrement et ont un rythme de travail dĂ©terminĂ©s par
 leurs collĂšgues, les clients ou les usagers. Il s’agit d’une catĂ©gorie ambivalente oĂč la relative libertĂ© dont ils disposent se payent avec un investissement personnel assez lourd, notamment sur le plan des horaires (flexibles, ils doivent s’adapter aux demandes des clients, Ă  l’activitĂ© exceptionnelle
).
  • Le service public : de nombreux cadres et peu d’ouvriers, avec de nombreuses professions en contact avec le public (enseignants, policiers, infirmiĂšres, mĂ©decins
) avec des horaires atypiques plus rĂ©pandus. La variabilitĂ© des horaires est plus grande dans les services publics mais elle est mieux rĂ©gulĂ©e. Le problĂšme se situe dans les tensions qui peuvent apparaĂźtre dans le contact avec les usagers (population pauvre de plus en plus nombreuse).
  • Les indĂ©pendants : lorsque les professions se rapprochent, les conditions de travail sont semblables. Du point de vue des conditions de travail, les petits exploitants sont en premiĂšre ligne face au marchĂ©. Ils peuvent bĂ©nĂ©ficier de l’organisation de la firme pour Ă©viter le contact direct avec la clientĂšle mais les contraintes sur les horaires sont trĂšs fortes (1/2 dĂ©clare finir leur journĂ©e 11 h aprĂšs l’avoir commencĂ©e, plus 1/3 travail 6/7). D’autre part ces conditions pĂ©nibles sont acceptĂ©es comme faisant partie du travail (il faut ĂȘtre sous pression pour rĂ©ussir). Il faut cependant distinguer les petits entrepreneurs des PDG des plus grandes entreprises qui peuvent sous traiter Ă  loisir.
  • Conditions de travail et segment de la main d’Ɠuvre – Les ouvriĂšres. L’installation de la taylorisation s’est faite contre un haut niveau de salaire. Les femmes n’en ont pas bĂ©nĂ©ficiĂ© du fait de la domination masculine, des considĂ©rations concernant leur statut (il s’agirait d’un salaire d’appoint). Auparavant les femmes pouvaient Ă©voluer vers des emplois de service avec de meilleures conditions. Aujourd’hui cette prĂ©caritĂ© s’est reproduit dans les services. Le problĂšme est qu’une partie des femmes ont intĂ©riorisĂ© ce type de comportement.

Emploi prĂ©caire, travail dĂ©gradĂ©. Les conditions de travail sont de fait plus dĂ©gradĂ©es, que ce soit en ce qui concerne l'environnement, le rythme, la prĂ©vention, etc. Cela se retrouve d’ailleurs dans le nombre d’accidents, les horaires flexibles, etc. Ces conditions sont d’autant plus acceptĂ©es que les prĂ©caires souhaitent ĂȘtre embauchĂ©s dĂ©finitivement.

  • Comparaisons europĂ©ennes : Ă©tude (95) de la fondation europĂ©enne pour l’amĂ©lioration des conditions de travail. Globalement, les rĂ©sultats laissent Ă  penser que le lien entre croissance et conditions de travail est positif. En effet, la comparaison entre des pays ayant un retard dans le dĂ©veloppement Ă©conomique (la GrĂšce) et des pays plus avancĂ©s en la matiĂšre montre de fortes disparitĂ©s. Pourtant, en Ă©tudiant de plus prĂšs le cas de certains pays, notamment la France, le lien n’est peut-ĂȘtre pas aussi Ă©vident (conditions mĂ©diocres en ce qui concerne la pĂ©nibilitĂ© physique par exemple).

Organisation du travail

L’organisation est primordiale pour rĂ©ussir Ă  mettre en place de bonnes conditions de travail, Ă  l’image des routiers (temps pour les dĂ©chargements de marchandises), pour la construction du savoir-faire de prudence dans le bĂątiment (Dejours montre que la stabilitĂ© des effectifs joue positivement).

  • D’une part, il apparaĂźt que les formes anciennes d’organisation du travail sont nĂ©fastes pour le salariĂ©. D’une part du fait de l’aspect totalitaire dans l’organisation familiale/domestique qui rejaillit jusque dans la vie privĂ©e. L’organisation taylorienne quant Ă  elle a de nombreux impacts, tant sur le plan physique que sur les capacitĂ©s cognitives des salariĂ©s (ennuie profond des salariĂ©s).
  • Les nouvelles organisations sont en revanche plus exigeante sur le plan de l'intensitĂ©. En effet, S. Volkof distingue deux types de contraintes : industrielle et marchande. La contrainte industrielle se traduit par des normes de production fixĂ©e pour les salariĂ©s. La contrainte marchande se constitue par le besoin d’adaptation Ă  la demande. Alors qu’au dĂ©but des annĂ©es 1980 les deux contraintes Ă©taient distinctes, celles-ci tendent de plus en plus Ă  s’accumuler : exigence d’une productivitĂ© minimale pour le salariĂ© avec de surcroĂźt adaptation aux pĂ©riodes de pointes (cf. Thomas Coutrot). Pour le salariĂ©, cela se traduit par des rythmes Ă©levĂ©s et des situations d’urgence perturbatrices et nĂ©fastes sur le plan nerveux.
  • ConsĂ©quences de l’intensification : hausse des rythmes, donc surcroĂźt d’efforts requis. L’intensitĂ© accrue est ressentie par l’organisme comme une agression, celui-ci rĂ©agit alors par une rigidification, c’est-Ă -dire une contraction des muscles, cause des douleurs. L’urgence ne permet nĂ©cessairement pas d’adopter des postures optimales. C’est le cas en particulier pour les emplois cumulant les deux types de contraintes, que ce soit dans l’industrie automobile (travail Ă  la chaĂźne et diversification) et dans les services (santĂ©, distribution). À terme, cela peut se concrĂ©tiser par des infrapathologies (des pathologies non graves Ă  court terme mais qui peuvent se transformer en gĂȘne constante Ă  long terme, comme pour les cervicales
). Par comparaison, les enquĂȘtes statistiques montrent clairement la diffĂ©rence avec les salariĂ©s ne subissant pas ces contraintes.

Les aspects psychologiques sont en revanche plus importants. À court/moyen terme, certains individus vont trouver cette intensification stimulante, vont s’investir de maniĂšre plus forte dans leur travail au risque de dĂ©border sur la vie privĂ©e. À long terme cependant, les dĂ©fenses des individus peuvent ĂȘtre dĂ©bordĂ©es. Le surcroĂźt d’investissement peut se rĂ©vĂ©ler alors nuisible, liĂ© Ă  la peur (Dejours) de perdre son emploi ou de ne pas ĂȘtre estimĂ© Ă  la hauteur. La concentration est restreinte sur ses seules activitĂ©s en cours, dĂ©finies dans l’urgence. L’autonomie dans le travail se traduit par des pertes de contrĂŽles sur le travail (urgence), sur la vie, sur le temps (flexibilitĂ©), la trajectoire professionnelle (prĂ©carisation).

  • Bonnes et mauvaises organisation : la qualitĂ© des conditions de travail dĂ©coule directement des choix d’organisation : si les piĂšces arrivent en retard sur une chaĂźne, il faudra les monter en urgence, si une intervention sur un chantier nĂ©cessite plusieurs corps de mĂ©tier, il faut une bonne coordination pour Ă©viter un certain nombre de risques, de mĂȘme pour le guichetier soumis Ă  la clientĂšle. Une distance entre groupes sociaux dans l’entreprise peut freiner directement les possibilitĂ©s de mettre en place une bonne organisation.
  • Robert Karasek (qui a Ă©tabli un modĂšle de stress) montre cependant que le bien ĂȘtre au travail (psychologique) est d’ordre multidimensionnel avec le degrĂ© d’autonomie accordĂ© au salariĂ©, le degrĂ© d’exigence et le soutien des collĂšgues. En fait il s’agit de replacer au centre l’environnement entourant le salariĂ© afin de bien prendre en compte les innovations organisationnelles. Ainsi l’intensification peut avoir diffĂ©rents effets selon que le salariĂ© a les moyens de faire face Ă  cette situation (matĂ©riel, personnel
) ou non.

DĂšs lors, la dĂ©finition d’une bonne organisation devient restrictive : il faut pouvoir donner une relative autonomie au salariĂ©, assurer une certaine stabilitĂ© en matiĂšre de carriĂšre et d’horaires, limiter les situations d’urgence
 Se pose Ă©galement le problĂšme de la notation dans les grandes entreprises : la mĂ©ritocratie peut ĂȘtre bĂ©nĂ©fique dans certains cas, notamment pour les salariĂ©s performants, issus de l’école et habituĂ© Ă  cette procĂ©dure de notation. Cette forme peut ĂȘtre ambivalente dans la mesure oĂč la pression constante produit des attentes du salariĂ© en matiĂšre de carriĂšre et de valorisation, qui ne peuvent toujours ĂȘtre satisfaites. Cette pression ne peut ĂȘtre perpĂ©tuellement supportĂ©e, au risque d’un Ă©puisement. D’autre part les carriĂšres peuvent ĂȘtre influencĂ©es par des Ă©vĂšnements personnels, comme la maternitĂ© pour les femmes. Le risque alors est de tout sacrifier au dĂ©triment de la vie personnelle.

Dans son livre intitulĂ© La Mise en scĂšne de la vie quotidienne, le sociologue Erving Goffman indique qu'il est intĂ©ressant, pour comprendre l'organisation du travail en entreprise, d'associer le point de vue technique avec le point de vue qu'il dĂ©signe comme « dramaturgique ». En effet le controle se fait toujours non seulement par des normes techniques, mais aussi selon les apparences que controlĂ©s et controles veulent donner aux autres. Qui veut controler les autres doit maintenir certaines informations secrĂštes, et il est avantageux aussi d'avoir de l'autoritĂ©, la facultĂ© de donner un exemple, des explications, de nĂ©gocier, de persuader, de manipuler, de menacer, de punir, de contraindre, et il est plus facile de faire la dĂ©monstration de ces moyens plutot que de les utiliser directement : c'est l'aspect dramaturgique. MĂȘme la contrainte physique est en gĂ©nĂ©ral assortie d'une valeur dĂ©monstrative. C'est au niveau que la distanciation sociale qu'une autoritĂ© maintient avec les autres pour mieux prĂ©server ses secrets que les deux approches coincident le plus nettement. Et c'est au niveau des normes morales (ce que doit penser un individu de l'organisation, etc) que les perspectives culturelles et dramaturgiques s'associent le mieux. -[15].

Histoire des conditions de travail

Entre le dĂ©but du XXe et le dĂ©but du XXIe siĂšcle, les conditions de travail semblent s'ĂȘtre amĂ©liorĂ©es avec la disparition progressive de tĂąches insalubres et l’amĂ©lioration des conditions d’hygiĂšne et de sĂ©curitĂ©. D’autre part, de profondes mutations dans la structure de l’emploi en France ont elles-mĂȘmes eu des rĂ©percussions sur l’organisation du travail, avec notamment la montĂ©e en puissance des services.

La dĂ©matĂ©rialisation du travail intervenue Ă  partir des annĂ©es 1970 semble limitĂ©e. D’un cĂŽtĂ© des contraintes physiques sont Ă©cartĂ©es, des conditions de sĂ©curitĂ© sont amĂ©liorĂ©es, les tĂąches les plus contraignantes peuvent ĂȘtre Ă©cartĂ©es (peinture par exemple), mais d’un autre cĂŽtĂ© cela exige des Ă©quipements lourds et coĂ»teux et donc une maintenance importante. Les consĂ©quences sont donc Ă  nuancer puisque cela entraĂźne une hausse des horaires de nuit, de nouvelles postures contraignantes.

L’insertion de l’outil informatique est Ă©galement un exemple des effets ambivalents que le progrĂšs peut apporter. D’un cĂŽtĂ©, celui-ci apporte un certain degrĂ© d’autonomie pour le travailleur et rĂ©duit Ă©galement les contraintes physiques (pour les ouvriers par exemple). Cependant, ils sont Ă©galement mis directement en contact avec le marchĂ© : une nouvelle contrainte psychologique. Acteurs concernĂ©s : marchĂ© (thĂ©orie des diffĂ©rences compensatoires), action publique (rĂ©glementation), syndicats, travailleurs (phĂ©nomĂšnes de dĂ©fense).

Facteurs influençant l'évolution des conditions de travail

La qualité des conditions de travail résulte des choix et des moyens de l'employeur ou du travailleur indépendant. Ces choix sont influencés par sa perception du contexte (rÚglements, normes, situation du marché du travail, coût relatif des différentes option, etc.), par ses valeurs et son éthique personnelle.

Les employĂ©s peuvent intervenir en faveur d'une amĂ©lioration des conditions de travail au travers de la relation syndicale et pour les entreprises de plus de 11 salariĂ©s, au travers des reprĂ©sentants du CSE ComitĂ© social et Ă©conomique, ainsi que par des mouvements sociaux. Un rapport de force favorable aux salariĂ©s ou Ă  l'employeur peut avoir pour consĂ©quence une amĂ©lioration ou une dĂ©gradation des conditions de travail. À l'inverse, une dĂ©sorganisation des salariĂ©s couplĂ©e Ă  un contexte de laxisme lĂ©gislatif dans ce domaine entraĂźnera une dĂ©gradation de ces conditions.

Exemples

  • Facteur syndical : la capacitĂ© d'organisation des travailleurs conditionne le rapport de force, un syndicat puissant pourra obtenir plus qu'un syndicat faible, un patronat affaiblit devra cĂ©der plus de choses.
  • Facteur dĂ©veloppement : le niveau de vie de la zone joue sur ce qu'est obligĂ© d'offrir l'employeur en salaire comme en conditions de travail. Il peut arriver (c'est le cas par exemple pour une marque française de grande distribution en ThaĂŻlande, et cela l'avait Ă©tĂ© pour des constructeurs amĂ©ricains d'ordinateurs en France) que l'employeur ait un parti-pris d'offrir des salaires supĂ©rieurs Ă  la moyenne afin de s'assurer le choix des meilleurs Ă©lĂ©ments pour son expansion.
  • Facteur chĂŽmage : la situation du marchĂ© du travail peut influer sur les conditions de travail. Par exemple, Ă  la LibĂ©ration, le patronat français Ă©tait politiquement affaibli en raison de la collaboration de nombreux chefs d'entreprise, ce qui, conjointement avec la faiblesse du taux de chĂŽmage, a entraĂźnĂ© une amĂ©lioration des conditions de travail.
  • Facteur gouvernement : le gouvernement peut choisir via le code du travail de donner plus ou moins de droits ou de pouvoirs aux salariĂ©s, aux acteurs syndicaux, aux mĂ©decins du travail, au service d'hygiĂšne

  • Facteur boursier : sans lien rationnel avec la rĂ©alitĂ© de l'entreprise, les actionnaires peuvent rĂ©clamer une augmentation de leurs dividendes, ce qui pourra se traduire par une dĂ©gradation des conditions de travail au profit d'une meilleure rentabilitĂ© Ă  court terme, s'il y a dĂ©faillance du facteur syndical.
  • Facteur culturel: certains secteurs professionnels comme le conseil en stratĂ©gie[16] ou la banque d'affaire exposent structurellement leurs salariĂ©s Ă  des rythmes de travail plus Ă©levĂ©s que la moyenne. Ces conditions de travail sont gĂ©nĂ©ralement acceptĂ©es par les salariĂ©s de ces secteurs en contrepartie d'une rĂ©munĂ©ration plus Ă©levĂ©e que la moyenne.

La tentation est grande pour des multinationales de localiser leur production lĂ  oĂč les droits des travailleurs sont moindres. L'acte d'achat des consommateurs, qui peut faire jouer des critĂšres Ă©thiques est l'un des moyens d'influencer cette tendance. Une autre est l'internationalisation de l'action syndicale et sa coordination avec des ONG environnementales, associations de consommateurs


Concept de travail décent

L’Organisation internationale du travail (OIT) s’efforce de faire la promotion du concept de travail dĂ©cent[17] comme le moyen d’identifier les prioritĂ©s majeures de l’Organisation. Il est fondĂ© sur l’idĂ©e que le travail est source de dignitĂ© personnelle, de stabilitĂ© familiale, de paix dans la communautĂ© et de dĂ©mocratie, de croissance Ă©conomique qui augmente les possibilitĂ©s d’emploi productif et de dĂ©veloppement d’entreprises.

L'objectif global du travail dĂ©cent est d'apporter un changement positif dans la vie de chacun aux niveaux national et local. Pour progresser, il faut aussi agir au niveau mondial. L’agenda pour le travail dĂ©cent de l’OIT identifie quatre objectifs stratĂ©giques :

  • crĂ©ation d’emplois dĂ©cents et productifs ;
  • promotion de l’accĂšs aux systĂšmes de protection sociale ;
  • respect des normes de travail fondamentales ;
  • dialogue plus important entre les partenaires sociaux.

Ces objectifs s’appliquent Ă  tous les travailleurs : femmes et hommes, salariĂ©s ou indĂ©pendants, les Ă©conomies formelles ou informelles, les secteurs privĂ©s et publics, et toutes les activitĂ©s Ă©conomiques, y compris la manufacture, l’agriculture, le travail de bureau, le travail intĂ©rimaire ou Ă  domicile. Selon l’OIT, « un travail dĂ©cent reprĂ©sente l’ensemble des aspirations des gens en ce qui concerne leur vie professionnelle » - aspirations concernant les possibilitĂ©s et le revenu, les droits et la reconnaissance, la stabilitĂ© familiale, le dĂ©veloppement personnel, l’équitĂ© et l’égalitĂ© entre les sexes.

Quelques chiffres

Dans le monde, on compte 2 millions de morts d'un accident de travail chaque annĂ©e (1 tous les 15 secondes), 350 000 par accident direct et le reste par la suite de maladies (dont 400 000 par l'exposition Ă  des produits chimiques nocifs). L'OIT compte 160 millions de victimes de maladies professionnelles.

MĂȘme si les conditions de travail ne sont plus celles de 1880, on compte chaque annĂ©e, en France, environ 750 accidents de travail mortels, 4 500 accidents graves avec handicap, 700 000 accidents de travail avec arrĂȘts, des dizaines de milliers de cas de maladies professionnelles, ainsi qu'un nombre de suicides au travail supĂ©rieur Ă  370.

Sources

  • Marie-France Cristofari, Bilan des sources quantitatives dans le champ de la santĂ© et de l'itinĂ©raire professionnel, Centre d'Ă©tudes de l'emploi, octobre 2003.

Notes et références

  1. Serge Volkoff et Loup Wolff, Les conditions de travail, La DĂ©couverte, (ISBN 978-2-7071-8339-2 et 2-7071-8339-3, OCLC 900867975, lire en ligne)
  2. Jean-Marie Peretti, Ressources humaines, Vuibert, , p. 121.
  3. Yves Lasfargue, Halte aux absurditĂ©s technologiques, Éditions d'Organisation, p. 47-63
  4. “Quelles sont les Ă©volutions rĂ©centes des conditions de travail et des risques psychosociaux ?”, Dares Analyse n° 82, dĂ©cembre 2017. EnquĂȘte Conditions de travail et risques psychosociaux 2016, basĂ©e sur 21 000 salariĂ©s, jugĂ©s reprĂ©sentatifs de 22,8 millions de salariĂ©s, interrogĂ©s en face Ă  face entre octobre 2015 et juin 2016 sur leur ressenti vis-Ă -vis des horaires et organisation du temps de travail, l'organisation et les rythmes du travail, sa pĂ©nibilitĂ©, les risques et prĂ©vention, les aspects psychosociaux, les relations avec autrui dont le public, la violence au travail, le suicide, l'hostilitĂ© et les discriminations).
  5. Cf. Thomas Coutrot, "L'entreprise néolibérale, nouvelle utopie capitaliste?"
  6. Interview du Dr Patrick Legeron, Impact Médecine, n° 192
  7. Article de l'Express, Conditions de travail : un suicide par jour, 14 mars 2007
  8. Le grand malaise des employés du nucléaire, Sébastien Darsy, 26 avril 2011 : « Entre 2004 et 2007, quatre employés du site de Chinon se sont donné la mort »
  9. Nouveau suicide d'un salarié de Renault reconnu comme accident du travail, L'Express.fr-L'Expansion.com, 9 mars 2010
  10. France Télécom : un salarié s'immole par le feu devant son ancien site de Mérignac, 26 avril 2011
  11. Nouveau suicide chez ThalÚs, La Tribune, 14 février 2010
  12. Reportage France2 sur 2424actu.fr, 6 mai 2011 : ministùre du travail : 11 tentatives de suicide en 2010, ministùre de l'Écologie : 19 suicides en 2010, ministùre du Budget : 25 suicides en 2009, Pîle emploi : 4 tentatives, 1 suicide en 2009, police : 33 suicides en 2009 - Sources Le Parisien/CGT/SNUI
  13. Suicide d'un inspecteur du travail dans les locaux du ministÚre du Travail, de l'Emploi et de la Santé, 4 mai 2011.
  14. L'inspection du travail et l'effet miroir Point de vue, L'Humanité, 16 mai 2011.
  15. Erving Goffman (trad. Alain Accardo), La prĂ©sentation de soi, Paris, Les Éditions de Minuit, , 251 p. (ISBN 2-7073-0014-4, BNF 37496128), p. 226, Conclusion / Le contexte de l'analyse
  16. « La relation au temps des consultants est Ă  bien intĂ©grer lors de vos entretiens de consulting », sur Étude de cas: prĂ©paration des candidats au conseil en stratĂ©gie (consultĂ© le ).
  17. http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/decent-work-agenda/lang--fr/index.htm agenda du travail décent de l'Organisation internationale du travail (OIT)

Annexes

Bibliographie

Filmographie

Articles connexes

Liens externes

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