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Travail de nuit

Le travail de nuit est le travail (salarié ou non) effectué tout ou partie de la nuit.

Vendeur d'oranges en Tanzanie.

C'est un travail source d'une pénibilité particulière (variant selon le métier et les tâches, mais aussi selon les individus[1], avec de probables prédispositions génétiques ou facteurs liés à l'habitude de ce type de travail, ou à des adaptations individuelles et familiales), et qui peut avoir des impacts sur la santé et la vie sociale des équipes, individus, couples et famille.

Dans la plupart des pays, il fait l'objet pour ces raisons d'une législation particulière.

Modalités

Plusieurs modalités de travail de nuit existent. La plus connue est nommée Trois Huit. L'expression travail posté désigne l'ensemble du cycle incluant les horaires de jour.

Trois huit

Le travail en Trois Huit (en fait 3×8), c'est-à-dire trois équipes se succédant chacune pour huit heures de travail permet de faire fonctionner les installations d'une usine 24 heures sur 24 par la succession de 3 équipes sur le même poste de travail.
Dans la plupart des cas, les équipes changent d'horaire chaque semaine. L'équipe qui faisait l'horaire de nuit durant la semaine A, fait le matin la semaine B tandis que l'équipe du matin passe à l'après-midi.

Exemple de cycle :

  1. Semaine 1 : 4 h - 12 h
  2. Semaine 2 : 12 h - 20 h
  3. Semaine 3 : 20 h - 4 h

Deux-douze

Le travail en deux douze consiste en une Ă©quipe de jour et une Ă©quipe de nuit travaillant chacune 12 heures. Il n'y a pas d'alternance, un ouvrier est soit de nuit soit de jour.

Il y a en fait deux Ă©quipes de nuit qui travaillent en alternance selon les jours :

  • 2+2+3, deux jours travaillĂ©s, deux jours de repos, trois jours travaillĂ©s, la semaine suivante Ă©tant inversĂ©e.
  • 4+4, quatre jours travaillĂ©s quatre jours de repos, chaque semaine est diffĂ©rente de la prĂ©cĂ©dente avec un cycle de 14 semaines.

Ce principe s'applique bien par exemple aux ateliers oĂą le temps de changement d'Ă©quipe est long et oĂą chaque ouvrier peut remplacer l'autre, chacun prenant ses pauses Ă  son tour.

Si une journée ou une nuit de 12 heures sont très exigeant, ne travailler que de nuit ou que de jour demande moins d'adaptation que le 3x8. Ce rythme est par exemple très apprécié des personnes ayant une vie personnelle nocturne très active.

Rémunération

La rĂ©munĂ©ration change selon l'activitĂ© de l'entreprise. La convention collective des HCR (HĂ´tels, CafĂ©s, Restaurants), permet aux employeurs de payer aux smic les travailleurs de nuits et tous ceux qui pratiquent le « trois huit Â».

En France

Les heures de nuit sont généralement comprises entre 21 h et 5 h ou 6 h. La rémunération dépend de la convention collective et des accords d'entreprise (qui peuvent être plus favorables que la convention de branche).

Par exemple :

  • Convention collective nationale du commerce de dĂ©tail et de gros Ă  prĂ©dominance alimentaire[2]< : toute heure, accomplie entre 22 heures et 6 heures, donne lieu Ă  une majoration de 20 % du salaire horaire de base. Toute heure, accomplie entre 21 heures et 22 heures donne lieu Ă  une majoration de 5 % du salaire horaire de base.

Il semblerait que les cadres au forfait jours ne soient pas exclus de cette majoration. En effet, le Code du travail exclut seulement les cadres dirigeants de la législation sur le travail de nuit[3].

  • Dans un cycle de 2 x 12 discontinu, le rythme de travail peut ĂŞtre de cinq jours travaillĂ©s suivis de cinq jours de rĂ©cupĂ©ration en sorte qu'il n'y a pas de bonification de salaire.

La ministre du Travail Muriel Pénicaud souhaite modifier la réglementation sur le travail de nuit et présente un projet de loi reprenant un amendement à la loi Pacte repoussant le déclenchement du travail de nuit dans les commerces alimentaires à minuit, contre 21 heures auparavant[4].

Périmètre du travail en équipes dans l'industrie & les services

Les secteurs ou métiers concernés sont notamment les suivants :

  • certains mĂ©tiers de dĂ©fense/veille/sĂ©curitĂ© : police, gendarmerie, douane, armĂ©e, protection civil, sapeurs-pompiers, agents de sĂ©curitĂ©, vidĂ©osurveillance…
  • certains mĂ©tiers du soin et de la santĂ© : hĂ´pitaux ou Ă©tablissements similaires, mĂ©decins en formation, Gardes mĂ©dicales ou de pharmacie, ambulanciers, personnels des institutions rĂ©sidentielles, prisons, pensionnats, etc.
  • certains services dans le funĂ©raire.
  • personnels travaillant dans les ports, aĂ©roports, la logistique…
  • hĂ´tellerie, Restauration, boulangerie ;
  • certains mĂ©tiers de l'information (services de presse, radio et tĂ©lĂ©vision) et de l'image et de la culture (cinĂ©ma, spectacles…), des postes ou tĂ©lĂ©communications ;
  • services de production, de transmission et de distribution d'Ă©nergie (nuclĂ©aire, gaz, Ă©lectricité…) et d'eau,
  • collecte des ordures mĂ©nagères, installations d'incinĂ©ration ;
  • mĂ©tiers d'industries ne pouvant interrompre le processus de travail pour des raisons techniques : feu continu, nĂ©cessitant maintenance et entretien en continu, dans des secteurs de type mĂ©tallurgie, cimenterie, Production automobile, cristallerie, Chimie lourde, PĂ©trochimie, carbochimie, papeterie/cartonnerie…
  • station service 24 h/24 (tendance au libre-service avec paiement par carte) ;
  • certaines activitĂ©s de recherche et dĂ©veloppement ;
  • certaines activitĂ©s agricoles et de pĂŞche
  • secteur des transports (transports urbains nocturnes, FRET par route ou chemin de fer, services de contrĂ´les et sĂ©curitĂ© ferroviaires, aĂ©riens, routiers) ;
  • Certaines activitĂ©s offshore ;
  • cas particuliers de surcroĂ®t prĂ©visible d'activitĂ© (saisonniers de l'agriculture; tourisme et spectacles, services postaux)

Périmètre législatif du travail en équipes

De 1919 à 1948, le travail de nuit a fait l'objet, sous l'égide de l'ONU et plus précisément de l'Organisation internationale du travail de conventions régissant les droits des travailleurs de nuit. Ces textes visent spécifiquement les personnes jeunes, les femmes ou des métiers spécifiques (certaines industrie devant tourner à feu continu, métiers particuliers tels qu'infirmier, boulanger)[5].
Un texte plus général (n'abordant cependant pas les jeunes) a été signé en 1990.

Législation européenne

Outre une directive europĂ©enne gĂ©nĂ©rale sur l'amĂ©nagement du temps de travail[6], une directive « 2003/88/CE Â»[7], plusieurs fois mise Ă  jour) cadre « (…) certains aspects du travail de nuit, du travail postĂ© et du rythme de travail(…) » et le temps de travail dans les pays de l'Union europĂ©enne. IntĂ©grant « les principes de l'Organisation internationale du travail en matière d'amĂ©nagement du temps de travail, y compris ceux concernant le travail de nuit », elle limite le travail excessif de nuit, et fait un droit par dĂ©faut de ne pas travailler plus de 48 heures par semaine. La directive, pour des raisons de santĂ© et de sĂ©curitĂ©, vise notamment Ă  prĂ©munir les travailleurs d'un temps de travail trop long prĂ©sumĂ© cause majeure de stress, de dĂ©pression et de maladie. Cette directive considère que :

  • « Des Ă©tudes ont dĂ©montrĂ© que l'organisme humain est plus sensible pendant la nuit aux perturbations environnementales et Ă  certaines formes pĂ©nibles d'organisation du travail et que de longues pĂ©riodes de travail de nuit sont prĂ©judiciables Ă  la santĂ© des travailleurs et peuvent compromettre leur sĂ©curitĂ© au travail. »("considĂ©rant n° 7" de la directive[7]) ;
  • « Il y a lieu de limiter la durĂ©e du travail de nuit, y compris les heures supplĂ©mentaires, et de prĂ©voir que, en cas de recours rĂ©gulier Ă  des travailleurs de nuit, l'employeur informe de ce fait les autoritĂ©s compĂ©tentes, sur leur demande » ("considĂ©rant n° 8" de la directive[7]) ;
  • « Il est important que les travailleurs de nuit bĂ©nĂ©ficient d'une Ă©valuation gratuite de leur santĂ© prĂ©alablement Ă  leur affectation et Ă  intervalles rĂ©guliers par la suite et que, s'ils souffrent de problèmes de santĂ©, ils soient transfĂ©rĂ©s dans la mesure du possible au travail de jour pour lequel ils sont aptes »("considĂ©rant n° 9" de la directive[7]) ;
  • « La situation des travailleurs de nuit et des travailleurs postĂ©s exige que le niveau de leur protection en matière de sĂ©curitĂ© et de santĂ© soit adaptĂ© Ă  la nature de leur travail et que les services et moyens de protection et de prĂ©vention soient organisĂ©s et fonctionnent d'une façon efficace » ("considĂ©rant n° 10" de la directive [7]).
  • « Les normes spĂ©cifiques prĂ©vues par d'autres instruments communautaires en ce qui concerne (…) le travail de nuit de certaines catĂ©gories de travailleurs doivent prĂ©valoir sur les dispositions de la prĂ©sente directive. » ("considĂ©rant n° 14" de la directive [7]).

Cette directive définit

  • la « pĂ©riode nocturne » comme « toute pĂ©riode d'au moins sept heures, telle que dĂ©finie par la lĂ©gislation nationale, comprenant en tout cas l'intervalle compris entre 24 heures et 5 heures »[7] ;
  • le « travailleur de nuit » : comme[7] :
a) « d'une part, tout travailleur qui accomplit durant la période nocturne au moins trois heures de son temps de travail journalier accomplies normalement »;
b) « d'autre part, tout travailleur qui est susceptible d'accomplir, durant la période nocturne, une certaine partie de son temps de travail annuel, définie selon le choix de l'État membre concerné »:
i)« par la législation nationale, après consultation des partenaires sociaux, ou »
ii) « par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux au niveau national ou régional »;

Temps de travail normal de nuit :

  • il ne doit pas dĂ©passer 8 h en moyenne par pĂ©riode de 24 h[7] ;
  • les travailleurs de nuit dont le travail comporte des risques particuliers ou des tensions physiques ou mentales importantes ne travaillent pas plus de huit heures au cours d'une pĂ©riode de vingt-quatre heures durant laquelle ils effectuent un travail de nuit[7] (Dans ce cadre, la notion de risques particuliers ou des tensions physiques ou mentales importantes est « dĂ©fini par les lĂ©gislations et/ou pratiques nationales ou par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux, compte tenu des effets et des risques inhĂ©rents au travail de nuit »[7]

Santé :

  • « les travailleurs de nuit bĂ©nĂ©ficient d'une Ă©valuation gratuite de leur santĂ©, prĂ©alablement Ă  leur affectation et Ă  intervalles rĂ©guliers par la suite » (l'Ă©valuation peut faire partie d'un système national de santĂ©, mais doit dans tous les cas « respecter le secret mĂ©dical ») ;
  • « les travailleurs de nuit souffrant de problèmes de santĂ© reconnus, liĂ©s au fait que ces travailleurs accomplissent un travail de nuit, soient transfĂ©rĂ©s, chaque fois que cela est possible, Ă  un travail de jour pour lequel ils sont aptes »(article 9 [7]).
  • Les États-membres « prennent les mesures nĂ©cessaires pour que » :
« a) les travailleurs de nuit et les travailleurs postés bénéficient d'un niveau de protection en matière de sécurité et de santé, adapté à la nature de leur travail »(article 12 [7]);
« b) les services ou moyens appropriés de protection et de prévention en matière de sécurité et de santé des travailleurs de nuit et des travailleurs postés soient équivalents à ceux applicables aux autres travailleurs et soient disponibles à tout moment »(article 12 [7]).

Protection des travailleurs de nuit par les États membres :

  • Ces derniers « peuvent subordonner le travail de certaines catĂ©gories de travailleurs de nuit Ă  certaines garanties, dans des conditions fixĂ©es par les lĂ©gislations et/ou pratiques nationales, pour des travailleurs qui courent un risque de sĂ©curitĂ© ou de santĂ© liĂ© au travail durant la pĂ©riode nocturne » (Article 10[7]).

Des dérogations sont possibles dans certaines circonstances ("ex : « accident ou de risque d'accident imminent »[7]) ou à certaines conditions et uniquement pour certaines professions autonomes (cadres dirigeants, travailleurs indépendants, main-d'œuvre familiale, travailleurs dans le domaine liturgique des églises et des communautés religieuses, certains cadres ou d'autres personnes ayant un pouvoir de décision autonome…) ou pour des activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service ou de la production (liste dans l'article 17[7]).

Législation française[8]

Est considéré comme travailleur de nuit tout salarié - homme ou femme - qui accomplit, pendant la période de nuit (21 h - 6 h ou période fixée par accord)[9] :

  • soit, selon son horaire de travail habituel, au minimum trois heures dans la pĂ©riode de nuit, Ă  raison de deux fois par semaine au moins[9] ;
  • soit, un nombre minimal d’heures de travail pendant une « pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence ». Ce nombre minimal d’heures de travail de nuit et la pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence sont fixĂ©s par accord collectif Ă©tendu. Ă€ dĂ©faut d’accord, le nombre minimal est de 270 heures accomplies pendant une pĂ©riode de 12 mois consĂ©cutifs[9].

Une autre période de 9 heures consécutives, comprise entre 21 heures et 7 heures mais comprenant, en tout état de cause, l’intervalle compris entre 24 heures et 5 heures, peut être substituée à la période « 21 heures / 6 heures », par une convention ou un accord collectif étendu ou un accord d’entreprise ou d’établissement. À défaut d’accord et lorsque les caractéristiques particulières de l’activité de l’entreprise le justifient, cette substitution peut être autorisée par l’inspecteur du travail après consultation des délégués syndicaux et avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel s’ils existent. Le travail de nuit présente un certain nombre de spécificités, notamment en termes de conditions d’organisation et de garanties pour le travailleur de nuit[9].

Dans certains secteurs d’activité (production presse écrite, radio, télévision, production et exploitation cinématographique, spectacles vivants, discothèque), la période de travail de nuit est fixée entre 24 heures et 7 heures. Une autre période de travail de nuit peut être fixée par une convention ou un accord collectif de branche étendu, un accord d’entreprise ou d’établissement, à condition de comprendre l’intervalle 24 heures/5 heures[9].

Des dispositions spécifiques doivent contribuer à protéger les salariés travaillant de nuit [10]:

  • tout salariĂ© - avant l’affectation Ă  un poste de travail de nuit- doit ĂŞtre examinĂ© par le mĂ©decin du travail qui signe, le cas Ă©chĂ©ant, une fiche d’aptitude constatant la compatibilitĂ© de l’état de santĂ© du salariĂ© avec ce poste.
  • Une visite mĂ©dicale pĂ©riodique est obligatoire au moins tous les 6 mois.
  • Le mĂ©decin du travail doit informer le salariĂ© des incidences potentielles du travail de nuit sur leur santĂ© et des prĂ©cautions Ă©ventuelles Ă  prendre.
  • Le travailleur de nuit bĂ©nĂ©ficie - dans l'entreprise - d’une prioritĂ© d’attribution d’un emploi Ă©quivalent de jour, s’il le demande. Et le refus d’être affectĂ© Ă  un poste de nuit - s'il est motivĂ© par des obligations familiales impĂ©rieuses - ne peut constituer une faute ou un motif de licenciement (art L. 213-4-1 et L. 213-4-3) ;
  • Le travail de nuit des jeunes est thĂ©oriquement interdit (mais des dĂ©rogations sont Ă  certaines conditions possibles[11]).
  • les femmes enceintes ou venant d’accoucher peuvent, sur leur demande ou celle du mĂ©decin du travail, prĂ©tendre Ă  une affectation Ă  un poste de jour, sans perte de rĂ©munĂ©ration (L. 122-25-1-1). Si ce reclassement sur un poste de jour est impossible (impossibilitĂ© Ă  dĂ»ment motiver par l’employeur), le contrat de travail est suspendu et l'employĂ©e bĂ©nĂ©ficie alors d’une garantie de rĂ©munĂ©ration (allocation journalière versĂ©e par la SĂ©curitĂ© sociale avec complĂ©ment Ă  la charge de l’employeur)[12]

Histoire et techniques

Hors du domaine militaire et des veilles de nuit, le travail de nuit apparaît en France dans l'industrie textile. Il suit l'installation des mule-jennys (machines de filage continues) inventées par Samuel Crompton et se développe de l'an IV à l'an XII. Il concerne alors tant des enfants de 11 à 13 ans que des adultes[13]

Chez Delaitre, à l'Épine (près d'Itteville), en l'an IV, on compte 100 enfants "fournissant le travail de 1000 femmes, qui n'ont d'autre besogne que rattacher le fil quand il casse". Les frères Perier font travailler 600 garçons et filles de 11 à 13 ans dans une fabrique située à Amilly près de Montargis.

Les enfants sont logés. Les industriels sont persuadés de poursuivre la tradition charitable qui consiste à donner du travail aux orphelins.

Évolution du travail de nuit

Depuis 1950, le recours au travail posté, sous-tendant le travail de nuit, a connu une recrudescence considérable. Ce phénomène a eu lieu pour maintes raisons, notamment l’évolution technologique dans plusieurs secteurs tels que les télécommunications. Environ 15 à 20 % de la population travaillant dans les pays industrialisés sont impliqués dans des quarts de travail en rotation (ou travail posté)[14].

En France

La part des travailleurs de nuit est en hausse depuis 1991, passant de 13 % Ă  15,4 % en 2012. Plus prĂ©cisĂ©ment c'est la catĂ©gorie des travailleurs de nuit habituels qui a fortement augmentĂ© passant de 3,5 % Ă  7,4 % alors que la part des travailleurs de nuit occasionnels a lĂ©gèrement baissĂ© [15]. Le travail de nuit touche davantage les hommes et les salariĂ©s de la fonction publique. Les effectifs les plus importants de travailleurs de nuit se trouvent parmi les conducteurs de vĂ©hicules ; l'armĂ©e, la police ou les pompiers ; les infirmiers et sages-femmes ; les aides-soignants ; les ouvriers qualifiĂ©s ; les agents d'entretien ; les techniciens et agents de maĂ®trise. Dans chacune de ces catĂ©gories plus de 100 000 personnes travaillent de nuit [15].

En Europe

La définition du travail de nuit peut varier selon les pays et la comparaison entre pays doit donc être considérée avec précaution. Les données d'Eurostat montrent une forte baisse du travail de nuit au Royaume-Uni entre 1992 et 2012 et une baisse plus modérée en Italie, en Belgique ou au Danemark. La proportion de travailleurs de nuit a en revanche augmenté aux Pays-Bas, en Espagne et en France [15].

Amérique du Nord

Selon le Bureau of Labor Statistics (BLS), il y a environ 15 millions d’Américains engagés en tant qu’employés de nuit[16]. Par ailleurs, d’après Statistique Canada (StatCan), au moins 30 % de la population canadienne est impliquée dans cette situation aussi[17].

Impacts sur la santé humaine

Le travail de nuit surtout s'il est posté[18] dit "horaires atypiques" par l'INRS a des impacts (directs et indirects) sur la santé ; sur l'individu et souvent collatéralement sur son entourage.

Les problèmes reconnus par la médecine du travail[19] sont :

  • fatigue accrue[19], troubles du sommeil avec stress liĂ© au dĂ©phasage temporel et risque d'accumuler une « dette » importante de sommeil, avec risques de dĂ©tĂ©rioration de la vie familiale et sociales ;
  • diminution de la capacitĂ© de concentration[19]
  • troubles digestifs[19]
  • risque d’accident plus Ă©levĂ©[19] notamment liĂ© Ă  une baisse de vigilance augmentant le risque d'accident de trajet ;
  • risque accru (chez l'Homme et la Femme) de troubles chroniques du sommeil[19].
    Les salariés travaillant en horaires décalés ont plus souvent des troubles du sommeil, avec chez la femme, une différence nette dès 42 ans [20].
  • risque accru (chez l'Homme et la Femme) de pathologies cardiovasculaires
  • risque indirect d'obĂ©sitĂ©, qui pourrait ĂŞtre induit par la fatigue, des troubles hormonaux et une alimentation perturbĂ©e ou augmentĂ©e ;
  • risque accru (chez l'Homme et la Femme) de pathologies du tractus digestif
  • risque accru (chez l'Homme et la Femme) de symptĂ´mes vĂ©gĂ©tatifs et/ou psychiques
  • risque de troubles mĂ©taboliques ; Une Ă©tude ayant portĂ© sur 700 personnes travaillant de jour ou en 3X8 a montrĂ© des anomalies mĂ©taboliques chez celles travaillant en 3X8 : taux amoindris de HDL («bon cholestĂ©rol»), taux accru de triglycĂ©rides, augmentation du rapport taille-hanche.
  • risque de perturbation hormonale chez des travailleurs de nuit jugĂ©s « bien adaptĂ©s Ă  leur rythme de travail », avec notamment sĂ©crĂ©tion accrue de mĂ©latonine (et baisse de la tempĂ©rature), modifications du rythme du cortisol, avec impacts secondaires sur la TSH, la GH et le glucose (glycĂ©mie accrue en fin de nuit et insulino sĂ©crĂ©tion amoindrie).
    Des adultes jeunes, privés de sommeil montrent une diminution du taux de TSH, une moindre tolérance glucidique, une augmentation du cortisol en soirée, une augmentation de la balance sympatho-vagale. Il existe un risque augmenté de diabète et d'hypertension artérielle.
  • Risque accru (chez la femme) de cancer du sein (« en particulier chez les femmes prĂ©-mĂ©nopausĂ©es » et en cas de « travail de nuit postĂ© de haute intensitĂ© et de longue durĂ©e »[21]) : sur la base d'Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques[22], le Centre international de recherche sur le cancer (IARC/CIRC) a classĂ© le travail de nuit postĂ© comme « cancĂ©rogène probable » [23] - [24] (probablement en raison d'une diminution de l'immunitĂ© et Ă  une insulino rĂ©sistance consĂ©quentes Ă  la perturbation de la synthèse de mĂ©latonine par l'exposition Ă  la lumière artificielle[21], la mĂ©latonine Ă©tant produite par la glande pinĂ©ale (ou Ă©piphyse) et aussi en très faible quantitĂ©, par la rĂ©tine en lien avec le cycle nycthĂ©mĂ©ral).
    Divers études sur l'animal et l'Homme l'on montré, dont l'une[25] a montré un risque de 36 % plus élevé de développer un cancer du sein pour les femmes ayant travaillé de nuit durant plus de 30 ans (par rapport aux femmes n'ayant jamais travaillé la nuit. Le Danemark a reconnu juridiquement ce risque ; Il y a fait objet de compensations financières[26]. On suppose que ces "cancers hormonaux" sont induits par la lumière qui devient perturbateur endocrinien du cycle naturel de la mélatonine, hormone dont la sécrétion est naturellement calée sur le cycle solaire jour/nuit (Rythme nycthéméral). Les personnes travaillant le soir 8 heures doivent bénéficier de 50 % de bonus de salaire. Une étude finlandaise a montré une incidence du cancer du sein accrue chez les hôtesses de l'air. Une autre étude, norvégienne, a conclu que les opératrices de radio et télécommunication potentiellement plus exposées à un éclairage nocturne présentaient un risque plus élevé de cancer du sein. Les infirmières ayant travaillé en quarts de nuit depuis plus de 20 ans avaient quant à elles 79 % de risque en plus de développer un cancer du sein (par rapport à celles ne travaillant pas de nuit).
  • risque probablement accru de cancer de la prostate chez l'homme (« probablement », car selon le CIRC, des Ă©tudes Ă  ce sujet sont en 2019 encore peu nombreuses et manquent encore de robustesse pour assurer que l'effet est certain)[21] ;
  • risque probablement accru de cancer colorectal(« probablement », car selon le CIRC, des Ă©tudes Ă  ce sujet sont en 2019 encore peu nombreuses et manquent encore de robustesse pour assurer que l'effet est certain)[21]).
  • Un protocole pour estimer les effets du travail de nuit depuis plusieurs annĂ©es pour diffĂ©rents types de cancer a Ă©tĂ© crĂ©Ă© pour aider les professionnels de la santĂ© a identifier les travailleurs Ă  risque[27].
  • La morbiditĂ© chez d'anciens ouvriers en travail postĂ© ou de nuit est accrue chez les hommes de 40 Ă  64 ans[28].
  • Une Ă©tude suggère Ă©galement chez la femme (et non chez l'homme) une baisse du taux de vitamine D lors du travail de nuit et de longues durĂ©es hebdomadaires de travail ; cette baisse contribuerait Ă  l'augmentation de plusieurs pathologies (ostĂ©omalacie, diabète, maladies cardio-vasculaires, affections articulaires…)[29].

La base de ces effets serait un dérèglement de l'accord entre les rythmes nycthéméraux et le système hormonal, empêchant le (re)calage de l'horloge biologique interne des individus sur le rythme naturel jour-nuit. L'exposition à la lumière artificielle la nuit modifie les heures de production de la mélatonine[30], ce qui, en cas d'exposition durable, peut conduire à divers troubles graves de la santé et du métabolisme[31].

Prévention

Un dépliant de sensibilisation aux effets sur la santé, sur la sécurité et sur la qualité de vie des travailleurs concernés par le travail de nuit et le travail posté a été publié par l'INRS[32]. Des mesures de prévention sont préconisées pour en limiter les effets négatifs, notamment car une fois acquis, ces troubles persistent souvent, même après changement de poste de travail (de jour).

Études basées sur le modèle animal

Chez l'animal sauvage, les effets d'une exposition à la pollution lumineuse environnementale, sont difficiles à évaluer, mais les effets de l'exposition à un rythme jour/nuit décalé ou à une lumière constante la nuit ont expérimentalement été mis en évidence sur l'animal de laboratoire ; ainsi, par exemple :

  • chez des souris (mâles et femelles, de 3 souches diffĂ©rentes ; une sauvage et deux gĂ©nĂ©tiquement modifiĂ©es) exposĂ©es de l’âge de 4 Ă  90 semaines, Ă  des dĂ©calages rĂ©pĂ©tĂ©s de 8 heures du cycle lumière-obscuritĂ©, on observe un taux accru de carcinome hĂ©patocellulaire (chez les 3 souches) par rapport aux souris tĂ©moins ayant vĂ©cu sous un cycle stable de 12 h de lumière et 12 h d’obscuritĂ©[33].
  • des souris exposĂ©es Ă  la lumière chaque nuit durant toute leur vie dĂ©veloppent plus d'adĂ©nocarcinome pulmonaire, de mĂ©lanome malin et de toutes les tumeurs considĂ©rĂ©es dans leur ensemble chez des souris femelles CBA de type sauvage par rapport Ă  des souris tĂ©moins vivant un cycle de 12 heures de lumière et 12 heures d’obscuritĂ©[34].
  • selon le CIRC (2019) ont confirmĂ© ces effets Ă  partir de rongeurs exposĂ©s Ă  des dĂ©calages du cycle nycthĂ©mĂ©ral ou Ă  une lumière continue, dont en prĂ©sence d'agents cancĂ©rigènes ou dans le cadre de modèles de tumeurs transplantables[21].
  • toujours en laboratoire, l'Ă©clairage nocturne et/ou l'altĂ©ration du cycle nycthĂ©mĂ©ral on un effet immunosuppresseur et induisent une inflammation chronique et une prolifĂ©ration cellulaire chez le rongeur (rat, souris et hamster de laboratoire), chez les animaux nocturnes[35] - [36].

Notes et références

  1. Knauth P, « Les horaires de travail Â» In : EncyclopĂ©die de sĂ©curitĂ© et de santĂ© au travail, vol. II, 3e Ă©d. Genève, BIT, 2000, p. 43-2 Ă  43-16.
  2. www.legifrance.gouv.fr
  3. Journal du droit social
  4. « Le gouvernement veut assouplir le travail de nuit dans le commerce alimentaire », sur LExpress.fr,
  5. OIT, Origins and history. Ilo.org (OIT). Consulté 2012-06-02
  6. Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail
  7. Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail
  8. repris du Ministère du travail car il n'y a pas de droit d'auteur sur l'information administrative.
  9. Article L3122-31 du Code du Travail (voir sous section DĂ©finitions)
  10. articles R. 213-6 et R. 213-8-1 du Code du travail
  11. Art. L3163-2 du Code du travail
  12. Dossier Travail de nuit et travail posté : réglementation (http://www.inrs.fr/risques/travail-de-nuit-et-travail-poste/reglementation.html)
  13. Jean-Michel Chaplain, La chambre des tisseurs Louviers, cité drapière, 1680-1840
  14. (en) Erhard Haus et Michael Smolensky, « Biological Clocks and Shift Work: Circadian Dysregulation and Potential Long-term Effects », Cancer Causes & Control, vol. 17, no 4,‎ , p. 489–500 (ISSN 0957-5243 et 1573-7225, DOI 10.1007/s10552-005-9015-4, lire en ligne, consulté le )
  15. Élisabeth Algava, « Le travail de nuit en 2012 », Dares Analyses, no 62,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. « http://www.apa.org/monitor/2011/01/night-work.aspx », sur www.apa.org (consulté le )
  17. Shields Margot. (2002). Shift Work and Health. (Vol. 13, No. 4). Repéré sur le site de Statistics Canada: http://www.statcan.gc.ca/pub/82-003-x/2001004/article/6315-eng.pdf
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Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Vidéographie

  • Documentaire « Lumière sur la nuit », de FrĂ©dĂ©ric Sauzay, 55 minutes (ergonomie et mĂ©decine du travail), produit par MĂ©cano Productions avec France TĂ©lĂ©visions - France 3 Bourgogne (prĂ©sentation par France-3)

Liens externes

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Dans le domaine scientifique, médical et statistique :

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