Pedro Sánchez
Pedro Sánchez Pérez-Castejón (/ˈpeðɾo ˈsant͡ʃeθ ˈpeɾeθ kasteˈxon/[alpha 1]), né le à Madrid, est un homme d'État espagnol. Membre du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), il est président du gouvernement depuis le .
Pedro Sánchez | ||
Pedro Sánchez en 2023. | ||
Fonctions | ||
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Président de l'Internationale socialiste | ||
En fonction depuis le (7 mois et 7 jours) |
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Élection | ||
Prédécesseur | Giórgos Papandréou | |
Président du gouvernement d'Espagne | ||
En fonction depuis le (5 ans et 1 mois) |
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Monarque | Felipe VI | |
Gouvernement | Sánchez I et II | |
Législature | XIIe, XIIIe et XIVe | |
Coalition | PSOE-PSC (2018-2020) PSOE-PSC-UP (depuis 2020) |
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Prédécesseur | Mariano Rajoy | |
Secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol | ||
En fonction depuis le (6 ans et 14 jours) |
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Élection | ||
Réélection | 12 septembre 2021 | |
Président | Cristina Narbona | |
Prédécesseur | Javier Fernández (intérim) Lui-même |
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– (2 ans, 2 mois et 5 jours) |
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Élection | ||
Président | Micaela Navarro | |
Prédécesseur | Alfredo Pérez Rubalcaba | |
Successeur | Javier Fernández (intérim) Lui-même |
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Député aux Cortes Generales | ||
En fonction depuis le (4 ans, 1 mois et 15 jours) |
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Élection | ||
Réélection | ||
Circonscription | Madrid | |
Législature | XIIIe et XIVe | |
Groupe politique | Socialiste | |
– (3 ans, 9 mois et 14 jours) |
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Élection | ||
Réélection | ||
Circonscription | Madrid | |
Législature | Xe, XIe et XIIe | |
Prédécesseur | Cristina Narbona | |
Successeur | Carlota Merchán | |
– (2 ans et 12 jours) |
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Élection | ||
Circonscription | Madrid | |
Législature | IXe | |
Groupe politique | Socialiste | |
Prédécesseur | Pedro Solbes | |
Biographie | ||
Nom de naissance | Pedro Sánchez Pérez-Castejón | |
Date de naissance | ||
Lieu de naissance | Madrid (Espagne) | |
Nationalité | Espagnole | |
Parti politique | PSOE | |
Conjoint | Begoña Gómez | |
Diplômé de | Université complutense de Madrid Université Camilo José Cela |
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Profession | Universitaire Économiste |
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Résidence | Palais de la Moncloa | |
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Présidents du gouvernement d'Espagne | ||
Formé en économie à l'université complutense de Madrid, il travaille comme assistant parlementaire au Parlement européen en , puis en tant que chef de cabinet du Haut représentant international en Bosnie-Herzégovine en . Il fait partie en de l'équipe du futur numéro deux du PSOE, José Blanco, et devient par la suite un conseiller économique du parti.
Il se présente aux élections municipales à Madrid en , mais il doit attendre pour entrer au conseil municipal. Il est réélu en et devient en député, à la faveur de la démission de Pedro Solbes. Il occupe alors des fonctions de second plan. Il échoue à conserver son siège en , mais le retrouve en après que Cristina Narbona a quitté le Congrès.
À l'occasion des primaires du PSOE pour son congrès extraordinaire de , il est élu secrétaire général avec plus de 48 % des voix. Après que les socialistes ont réalisé aux élections de leur pire score depuis , il tente sans succès de se faire investir président du gouvernement avec le soutien de Ciudadanos.
En conséquence des échecs socialistes aux élections législatives anticipées, en Galice et au Pays basque à l'été , il est mis en minorité par les cadres du PSOE. Il démissionne du secrétariat général, puis de son mandat de député afin de ne pas s'abstenir lors du vote de confiance de Mariano Rajoy. À l'occasion des primaires du 39e congrès socialiste, il est réélu secrétaire général face à Susana Díaz avec 50.3 % des voix.
Il est assermenté président du gouvernement en , après avoir fait voter une motion de censure contre Mariano Rajoy, puis forme le cabinet le plus féminisé de l'histoire. Il annonce huit mois plus tard la tenue d'élections anticipées en , après que le Congrès a rejeté son projet de loi de finances. Le scrutin voit le PSOE remporter la majorité relative au Congrès, signant sa première victoire nationale depuis 2008. Les difficiles négociations avec Unidas Podemos, qui souhaite participer au gouvernement, bloquent son investiture en .
À la suite de ce blocage, de nouvelles élections sont convoquées en novembre. De nouveau en tête mais en léger recul lors de ce scrutin marqué par la percée de l'extrême droite, le PSOE conclut un accord de principe pour gouverner avec Podemos. Un mois après le scrutin, le monarque le propose pour la troisième fois depuis 2016 comme candidat à l'investiture du Congrès. Il remporte début la confiance des députés par deux voix d'avance, bénéficiant notamment de l'abstention des indépendantistes catalans d'ERC.
Quelques semaines après le début de son second mandat, il proclame l'état d'alerte, instaure le confinement général de la population et annonce un plan de soutien à l'économie de 200 milliards d'euros pour faire face à la pandémie de Covid-19.
Formation et premiers engagements (1972-2014)
Jeunesse
Pedro Sánchez Pérez-Castejón naît à Madrid le , dans le quartier de Tetuán. Il est le fils de Pedro Sánchez et Magdalena Pérez-Castejón[1] - [2].
Il accomplit ses études secondaires au lycée Ramiro de Maeztu à Madrid. À cette période, il commence à jouer au basket-ball au sein du club Estudiantes Madrid. Il y reste après la fin de sa scolarité et abandonne son équipe à l'âge de 21 ans[3].
Économiste
En , alors qu'il étudie en licence de sciences économiques et de l'entreprise à l'université complutense de Madrid, il adhère au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et aux Jeunesses socialistes d'Espagne (JSE). Toujours résident de Tetuán, il y fonde la section des JSE et en devient le secrétaire général[4]. Il obtient son diplôme deux ans plus tard et accomplit son service militaire obligatoire[5].
Il obtient son premier emploi dans une société de conseil fiscal, où il gagne 40 000 pesetas non-déclarés. Fautes de réelles opportunités professionnelles, il rejoint alors New York, où il travaille comme consultant[5]. Il fait en la rencontre de Carlos Westendorp, ambassadeur espagnol aux Nations unies et ancien ministre des Affaires étrangères[4]. Il quitte les États-Unis en et s'inscrit à l'université libre de Bruxelles (ULB) pour suivre un master de politique économique de l'Union européenne (UE)[6].
Il devient en collaborateur de la députée européenne Bárbara Dührkop. Recommandé par l'ancien président du Parlement européen Enrique Barón, il vient renforcer l'équipe de Dührkop en prévision du débat budgétaire. Il fait notamment la connaissance d'Óscar López[7].
Il est ensuite nommé chef de cabinet de Westendorp, qui occupe désormais le poste de Haut représentant international en Bosnie-Herzégovine. Sa maîtrise de la langue anglaise est alors remarquée, puisqu'il parle avec un niveau quasi bilingue et que seul Westendorp s'exprime mieux que lui[8].
Proche de José Blanco
Il participe en tant que délégué au XXXVe congrès fédéral du PSOE en , qui voit le rénovateur José Luis Rodríguez Zapatero élu secrétaire général[9].
Il devient ensuite conseiller auprès du département de l'Économie, dirigé par Jordi Sevilla[1]. Il arrive à ce poste grâce au nouveau secrétaire à l'Organisation José Blanco, dont il est un proche avec Óscar López et Antonio Hernando. Chaque membre de ce trio reçoit un surnom, et Sánchez hérite du sobriquet de « Le beau » (en espagnol : El Guapo)[10].
Il entreprend un nouveau cursus universitaire en , en s'inscrivant au master d'intégration économique et monétaire européenne au sein de l'Institut universitaire Ortega y Gasset (IUIOG)[6].
Premier mandat électif à Madrid
Aux élections municipales du à Madrid, il est intégré en 23e position à la liste que mène Trinidad Jiménez, malgré les consignes du département de l'Organisation du parti qui souhaitait le voir plus haut[11]. Celle-ci n'emporte que 21 élus, mais en il fait finalement son entrée au conseil municipal à la faveur de deux démissions. Il devient ensuite un proche de Jiménez[10].
Il participe par la suite au groupe « Économistes 2004 » (Economistas 2004), un rassemblement d'économistes socialistes ou sympathisants qui inspire le programme économique de Zapatero en lieu et place de Jordi Sevilla. En faisaient notamment partie Miguel Sebastián, David Taguas et Javier Vallés, futurs directeurs du bureau économique du président du gouvernement (OEPG), Soledad Núñez, future directrice générale du Trésor, David Vergara, futur secrétaire d'État à l'Économie, et Inmaculada Rodríguez-Piñero, future secrétaire à la Politique économique du PSOE. Sánchez choisit alors de se rapprocher de Sebastián, plutôt qu'intégrer le groupe des proches du ministre de l'Économie Pedro Solbes. À cette occasion, il rencontre Carlos Ocaña, qui sera directeur de cabinet de Miguel Sebastián au ministère de l'Industrie et coauteur avec Sánchez en d'un livre tiré de la thèse de ce dernier[12].
Entre et , il suit les enseignements du programme de direction dans la gestion publique de l'Institut d'études supérieures de commerce (IESE)[6] - [13].
À la demande de Blanco, il rejoint en le siège du Parti des socialistes de Galice-PSOE (PSdeG-PSOE) à Saint-Jacques-de-Compostelle pour travailler avec Óscar López et Antonio Hernando sur la campagne des élections régionales. Les résultats du scrutin permettront au socialiste Emilio Pérez Touriño de s'imposer, et Sánchez participera par la suite à plusieurs rencontres entre le secrétaire à l'Organisation du PSOE et le président de la Junte de Galice[14]. Il est nommé la même année coordonnateur fédéral de l'organisation sectorielle du PSOE pour les entrepreneurs, l'économie sociale et solidaire, et les travailleurs indépendants[15].
Élection au Congrès des députés
Il est réélu conseiller municipal d'opposition dans la capitale en et devient quatre mois plus tard porte-parole du groupe socialiste à la commission de l'Urbanisme et du Logement du conseil municipal[16]. Il figure sur la liste du PSOE pour les élections législatives du 12 mars 2008 en 21e position dans la circonscription de Madrid mais les socialistes n'emportent toutefois que 15 sièges[17]. Il prend alors un poste de professeur de structure économique et histoire de la pensée économique à l'université privée Camilo José Cela, à Madrid[18].
Il entre finalement au Congrès des députés le , à la suite de la démission de l'ancien ministre Pedro Solbes. Le siège revenait initialement à Verónica Díaz Moreno, mais celle-ci y avait renoncé. Il démissionne dix jours plus tard du conseil municipal[19]. Il est désigné porte-parole adjoint des députés socialistes à la commission parlementaire de la Politique territoriale. En , il intègre la plateforme de soutien à Trinidad Jiménez — finalement battue par Tomás Gómez — lors des primaires internes au Parti socialiste de Madrid-PSOE (PSM-PSOE)[15].
Il se fait en suivant le défenseur des mesures d'austérité proposées par le gouvernement de José Luis Rodríguez Zapatero. Il déclare ainsi devant la commission du Budget que le projet de loi de finances — qui diminuait les traitements publics de 5 %, gelait les pensions de retraite et augmentait la TVA — est « austère, crédible et cohérent » et « inscrit dans les décisions de l'Union européenne ». Selon lui, ce projet remplit « cette exigence d'austérité nécessaire pour réduire le déficit public, retrouver la trajectoire de stabilité budgétaire et atteindre en un déficit de 6 % du PIB ». Le mois qui suit, il déclare que « il y a plusieurs chemins qui mènent à Rome. Les défenseurs de David Cameron pensent qu'il est bien meilleur de diminuer la dépense publique en licenciant 500 000 fonctionnaires, alors que le gouvernement socialiste de Zapatero essaie d'ajuster — dans un exercice de responsabilité — les traitements de la fonction publique pour ne pas prendre cette décision bien plus facile »[20]. En , les journalistes de la presse parlementaire lui décernent le titre de « député révélation »[10].
Ascension au sein du Parti socialiste
Il participe à partir de au comité électoral du Parti socialiste pour les élections municipales et dans les communautés autonomes de , aux côtés de José Blanco, Antonio Hernando, Gaspar Zarrías, Pilar Alegría, Elena Valenciano et María González Veracruz, en tant que coordonnateur adjoint[15] - [21]. Au mois de , il intègre le comité de campagne socialiste pour les élections générales anticipées du , où il est chargé de la programmation[22].
Lors de l'élaboration de la liste de la circonscription de Madrid, le chef de file Alfredo Pérez Rubalcaba et Blanco sont contraints d'intervenir directement afin de lui assurer la place la plus élevée possible, mais la présence de poids lourds comme la coordonnatrice de campagne Elena Valenciano, son adjoint Antonio Hernando, le directeur de cabinet de Zapatero José Enrique Serrano le placent finalement en 11e position, initialement occupée par le syndicaliste Juan Antonio Barrios, qui décide de retirer sa candidature[23] - [24].
Au cours du scrutin, seuls les dix premiers candidats sont élus. Il devient alors travailleur indépendant auprès d'une société de conseil tout en poursuivant ses activités d'enseignement à l'université[5]. Devenu docteur de sciences économiques et de l'entreprise en 2012[25], il revient au Congrès en , en remplacement de Cristina Narbona.
Premier mandat de secrétaire général du PSOE (2014-2016)
Émergence
Pour la conférence politique promue par le secrétaire général du PSOE Alfredo Pérez Rubalcaba en , il est responsable du contenu et des amendements, partageant avec María González Veracruz le rôle de coordonnateur[15]. Du fait de ses responsabilités, il parcourt les sections socialistes dans tout le pays pour organiser le travail d'amendement, jetant les bases de son réseau de contacts[26]. Une partie des cadres dirigeants voit alors en lui la figure montante de la nouvelle génération, le jugeant mieux préparé qu'Eduardo Madina du fait de son parcours professionnel[27]. Il présente en son livre La nouvelle diplomatie économique à Madrid. Le livre est introduit par l'ancien ministre de la Présidence Ramón Jáuregui, et Trinidad Jiménez. Assistent à ce moment José Blanco, l'ex-secrétaire d'État à l'Union européenne Diego López Garrido et la vice-secrétaire générale du PSOE Elena Valenciano[28].
Son nom réapparaît ensuite au début de l'année comme le « dauphin » de Rubalcaba — après la prise de distance de Patxi López — dans la perspective des primaires ouvertes pour désigner le chef de file électoral du parti[29]. Il assume lui-même sa volonté d'être candidat à ce scrutin, programmé en , en précisant au mois de son calendrier de campagne. La direction fédérale n'accorde pas de crédit à cette décision, et ne lui donne aucun rôle dans la campagne des élections européennes, à l'inverse des candidats putatifs Carme Chacón, Eduardo Madina et Patxi López[30].
Candidat et vainqueur inattendu
Après la lourde défaite des socialistes au cours du scrutin, Pérez Rubalcaba annonce un congrès extraordinaire, renonce à se succéder et organise une élection consultative de son remplaçant par les militants. Sánchez se déclare candidat le suivant et commence à recueillir les parrainages militants. À la date limite du , il présente 41 338 soutiens, contre 25 238 pour Madina — perçu comme le favori — et 9 912 pour le challenger José Antonio Pérez Tapias. Il domine dans 13 fédérations socialistes, l'Andalousie, l'Aragon, la Castille-La Manche, la Castille-et-León, la Communauté valencienne, la Galice, la communauté de Madrid, la Navarre, le Pays basque, La Rioja, les îles Baléares, les Canaries et Ceuta, soit toutes celles dont le dirigeant avait appelé à une candidature de la présidente de la Junte d'Andalousie Susana Díaz. Dans la fédération andalouse, il totalise plus de 14 000 appuis, soit le quintuple de Madina[31].
Lors du vote du , il reçoit 48,73 % des suffrages exprimés, contre 36,14 % à Madina et 15,13 % à Pérez Tapias. Le taux de participation atteint 67 %, alors que 39 % des militants avaient accordé leur parrainage à l'un des trois candidats. Sur les 62 411 voix qui se portent sur sa candidature, Sánchez en totalise 20 381 en Andalousie, où il l'emporte comme dans dix autres fédérations. Par rapport au recueil des parrainages, la Castille-et-León, la Navarre et Ceuta lui font défaut, mais il devance Edu Madina dans la Région de Murcie. Le soir même, il propose à ses deux concurrents d'intégrer sa future commission exécutive, sans obtenir de réponse immédiate[32].
Confirmation par acclamation
Son élection est confirmée par acclamation le , par les délégués au congrès fédéral extraordinaire réuni à Madrid sous la présidence de Susana Díaz. Lors de son discours d'investiture, il affirme que le PSOE est « le parti du changement », « le meilleur instrument pour faire progresser le pays », « la gauche qui change l'Espagne », ajoutant souhaiter un parti ouvert, dans lequel il sera « peu au siège national et beaucoup sur les territoires, avec la base militante »[33]. Ses deux concurrents lors du vote interne regrettent cependant l'absence d'unité dans la constitution de la commission exécutive fédérale, Madina expliquant qu'il n'a jamais réussi à le joindre par téléphone, tandis que les socialistes des Asturies critiquent l'absence du président Javier Fernández – seul chef de gouvernement régional socialiste avec Díaz en Andalousie – de tout poste à responsabilité, alors qu'il était président jusqu'à présent du conseil territorial, qui réunit les principaux cadres régionaux du parti[34].
Une direction fédérale largement approuvée
Le lendemain, la composition de la commission exécutive fédérale (CEF) est annoncée : Micaela Navarro devient ainsi la première femme présidente du parti, tandis que César Luena prend le poste stratégique de secrétaire à l'Organisation. Le secrétaire général du PSPV-PSOE Ximo Puig et l'ancien lehendakari Patxi López occupent des postes politiques de premier plan, Javier Fernández prenant la présidence du conseil pour la transition industrielle et énergétique[35]. Renouvelée à 85 %, composée de 20 femmes et 18 hommes, elle marque également une rupture générationnelle puisque 40 % de ses membres sont âgés de 30 à 40 ans[36].
La liste pour le comité fédéral comprend, quant à elle, des figures du parti, à savoir les trois principaux cadres de l'ère Rubalcaba, José Antonio Griñán, Elena Valenciano, Óscar López, ainsi qu'une vingtaine des membres de l'exécutif sortant, Eduardo Madina et José Antonio Pérez Tapias, les porte-parole parlementaires Soraya Rodríguez et Marcelino Iglesias, l'ancienne ministre de la Santé retirée de la politique Leire Pajín, l'ancien président d'Andalousie Manuel Chaves et l'ancien président du Parlement européen Josep Borrell[37].
La liste de la CEF est approuvée par 86,1 % des suffrages exprimés, tandis que celle du comité fédéral fait mieux avec un total de 87,4 %. Bien que des tensions aient eu lieu, la plupart des cadres socialistes considèrent que leur parti est bien plus uni qu'il ne l'était à l'issue du 38e congrès fédéral, organisé à Séville en [38].
Campagne électorale
Il présente le un « groupe d'experts » de 12 membres, chargé d'aider le PSOE dans l'élaboration de son programme électoral pour les élections générales du . En font notamment partie les anciens ministres Jordi Sevilla et Ángel Gabilondo, l'ex-secrétaire d'État Teresa Ribera, l'ancien conseiller à la Santé du gouvernement basque Rafael Bengoa, la députée Magdalena Valerio, Patxi López ou encore l'universitaire franco-algérien Sami Naïr. Sánchez affirme que ce groupe proposera « un programme de gouvernement honnête, avec les valeurs du Parti socialiste et avec les Espagnols », qui offrira « des propositions progressistes vaillantes et financièrement tenables pour les dix prochaines années ». Le premier objectif qu'il assigne à son équipe est d'aider le parti à connaître toutes les « possibilités » pour faire tout ce qui est « humainement possible pour améliorer la société, résoudre ses problèmes les plus pressants »[39] - [40].
Il présente le une partie de la liste de la circonscription de Madrid, où il occupe la première place. Il confie la deuxième position à la secrétaire aux Études et aux Programmes du PSOE, la Catalane Meritxell Batet, députée de Barcelone depuis , membre du Parti des socialistes de Catalogne (PSC) depuis et coordonnatrice du programme électoral socialiste. Il indique en outre avoir choisi Zaida Cantera — ancienne officier de l'armée de terre ayant dénoncé le harcèlement moral et sexuel de la part de son supérieur — pour la sixième place[41] - [42]. Trois semaines plus tard, il intègre la députée d'UPyD Irene Lozano — qui avait fait connaître le harcèlement de Zaida Cantera au Congrès — parmi les candidats socialistes, souhaitant qu'elle se charge des propositions en matière de régénération démocratique et lutte contre la corruption[43]. Du fait de ses dures critiques passées envers le PSOE, son incorporation en quatrième position sur la liste de Madrid génère un certain malaise parmi les dirigeants du PSOE, qui valident néanmoins sa candidature lors d'un comité fédéral qui se tient trois jours après cette annonce[44].
Candidat du roi à la présidence
À l'issue des élections générales, le PSOE obtient 90 sièges sur 350 au Congrès des députés et 47 sur 208 au Sénat, arrivant en deuxième position derrière le Parti populaire (123 sièges au Congrès, 124 sièges au Sénat). La majorité absolue (176 sièges) n'étant atteinte par aucun parti au Congrès des députés, des tractations s'opèrent pour former des alliances.
Le président de la généralité de Catalogne Artur Mas et le porte-parole parlementaire de la Convergence démocratique de Catalogne (CDC) tentent alors de constituer une alliance entre les socialistes et Podemos en vue de remplacer Mariano Rajoy, estimant que le maintien du Parti populaire au gouvernement amenait au pire pour la Catalogne. Toutefois, l'opération échoue après plusieurs réunions entre les dirigeants des deux partis, qui constatent leurs désaccords[45].
Après 1 mois et 13 jours de blocage politique et deux séries de consultations avec les partis représentés aux Cortes, le roi Felipe VI charge le Pedro Sánchez de former le nouveau gouvernement. Ce dernier accepte, après que le président du gouvernement sortant Rajoy s'est trouvé incapable de réunir les soutiens nécessaires. C'est la première fois qu'un candidat à l'investiture n'est pas issu du plus important groupe parlementaire. S'engageant à constituer un « gouvernement progressiste et réformiste », il explique que « le changement n'est pas le patrimoine d'un parti ou d'un chef, mais de millions de citoyens. Tous les Espagnols doivent pouvoir opter pour le changement. Le changement sera pour tous, ou ne sera pas ». Il précise qu'il ne négociera ni avec le Parti populaire, ni avec les partis favorables à l'indépendance de la Catalogne[46].
Il compose dès le lendemain une équipe de négociations. Elle comprend six personnes, quatre hommes et deux femmes. En font partie deux « vétérans de poids » du socialisme espagnol, le député José Enrique Serrano — ancien directeur de cabinet de González et Zapatero — et l'ancien conseiller à l'Intérieur du gouvernement basque Rodolfo Ares. L'ancien ministre des Administrations publiques Jordi Sevilla, le porte-parole parlementaire Antonio Hernando, la coordonnatrice du programme électoral Meritxell Batet et la secrétaire au Bien-être social du PSOE María Luisa Carcedo en sont également membres[47].
Accord avec Ciudadanos
À l'occasion du comité fédéral du PSOE qui se tient le , il annonce que tout accord de coalition signé par les socialistes ferait l'objet d'une ratification par les militants. Il prend ainsi de court les poids lourds du parti comme Susana Díaz, Javier Fernández ou Felipe González, qui s'opposent fortement à tout accord avec Podemos. Il déclare ne pas vouloir « être président du gouvernement à n'importe quel prix » mais qu'il n'est pas non plus « disposé à ce que les Espagnols paient le prix de quatre années de plus de droite à la tête des institutions ». Il indique que « le PSOE tendra la main à la gauche et à la droite, sans affrontements. Avec des politiques, des programmes, pas des postes »[48].
Avec le président de Ciudadanos Albert Rivera, ils présentent le un accord d'investiture. Les socialistes acceptent notamment de supprimer les députations provinciales au profit de conseils des maires, tandis que les libéraux renoncent à leur projet de contrat de travail unique pour trois types de contrats : de formation, à durée indéterminée, et à durée déterminée. Ce dernier ferait l'objet de droits progressifs à l'indemnisation en cas de licenciement, selon la durée du contrat. Alors que le PSOE voulait accroître la pression fiscale et Ciudadanos la diminuer, les deux approuvent de maintenir le niveau de l'impôt sur le revenu, limiter les exemptions des grandes entreprises et baisser la taxe sur la valeur ajoutée sur les produits culturels. Le salaire minimum augmenterait de 1 %, les immigrants retrouveraient leur carte universelle permettant d'accéder à la santé publique, le congé parental serait porté de 18 à 26 semaines. Les deux partis approuvent l'adoption d'une loi de liberté religieuse, pour fixer un statut commun de droits et devoirs de la pratique religieuse, et la révision des accords avec le Saint-Siège. Enfin, le pacte entre les socialistes et les libéraux envisage un moratoire sur la fracturation hydraulique et la fermeture des centrales nucléaires en fonction depuis plus de 40 ans[49]. L'accord est ratifié par les militants socialistes à peine trois jours plus tard, par 79 % de votes favorables pour un taux de participation de 51 %[50].
Échec à l'investiture
Le , lors du premier vote pour l'investiture du président du gouvernement, sa candidature n'obtient que 130 voix favorables, celles du PSOE et de Ciudadanos, contre 219 voix défavorables et une abstention[51]. Lors du second vote organisé le , il échoue de nouveau avec 131 voix favorables et 219 défavorables, la seule députée de la Coalition canarienne — Ana Oramas — lui ayant alors donné son appui[52]. C'est la première fois depuis l'entrée en vigueur de la Constitution de 1978 qu'un candidat n'obtient pas l'investiture du Congrès.
Élections de 2016
Alors que la tenue de nouvelles élections apparaît inévitable, le la députée de Barcelone, ancienne ministre de la Défense, Carme Chacón, ainsi qu'Irene Lozano font savoir qu'elles ne postuleront pas à ce nouveau scrutin[53] - [54]. Il précise deux jours plus tard qu'Eduardo Madina sera confirmé à la septième place de la liste dans la circonscription de Madrid — où le PSOE n'a obtenu que six élus en — et ce malgré les pressions de Susana Díaz[55].
Le , jour de la dissolution des Cortes par le roi, il présente la composition de son comité électoral. Les fonctions de coordonnateur reviennent à César Luena, tandis que le porte-parole parlementaire Antonio Hernando est désigné porte-parole et Meritxell Batet redevient coordonnatrice du programme. Le porte-parole sénatorial Óscar López est responsable de la stratégie de communication, la secrétaire à la Politique municipale Adriana Lastra des actions militantes de terrain et la secrétaire à la Science María González Veracruz gère la mobilisation numérique. En parallèle, Sánchez a l'intention de s'appuyer sur un groupe d'experts, véritable « gouvernement fantôme » destiné à alimenter un éventuel futur exécutif socialiste[56].
Il annonce dix jours plus tard avoir choisi la magistrate du Tribunal suprême et ancienne secrétaire d'État Margarita Robles comme « numéro deux » de sa liste dans la circonscription de Madrid. Elle remplit ainsi les critères fixées par Sánchez, être une femme et indépendante du PSOE, pour prendre la suite de Meritxell Batet, devenue tête de liste à Barcelone[57]. Le « comité des sages » est présenté le à L'Hospitalet de Llobregat. Il compte 20 membres, dont la coordination est assumée par José Enrique Serrano. En font notamment partie les anciens ministres Josep Borrell, Jordi Sevilla et Ángel Gabilondo, la numéro deux du Parti des socialistes de Catalogne Núria Parlon ou encore Margarita Robles[58].
Le soir du scrutin, le PSOE confirme sa deuxième position avec un total de 85 députés. Au cours des semaines qui suivent, il défend sa position des « trois non » : refus de soutenir l'investiture de Mariano Rajoy (par un vote favorable ou l'abstention), renoncement à postuler à la présidence du gouvernement et rejet de nouvelles élections anticipées. Le , après que Rajoy a échoué à obtenir l'investiture du Congrès, il demande à la commission exécutive socialiste de l'autoriser à négocier son investiture avec les « forces de changement », Podemos et Ciudadanos, avec qui il cumulerait 189 suffrages mais qui lui adressent une fin de non-recevoir[59].
Un congrès critiqué par les dirigeants territoriaux
Au lendemain de la déroute historique des socialistes au cours des élections autonomiques en Galice et au Pays basque le , il convoque la commission exécutive fédérale et, après cinq heures de débat, annonce qu'il réunira le comité fédéral le afin que soit convoqué le 39e congrès fédéral du PSOE. Celui-ci se déroulera en deux phases : élection du secrétaire général par les militants le et tenue du congrès au début du mois de [60]. Cette décision est vertement critiquée par plusieurs « barons » du PSOE comme le président d'Estrémadure Guillermo Fernández Vara, le président de la Généralité valencienne Ximo Puig, mais aussi la fédération d'Andalousie dirigée par Susana Díaz et l'ancien président du gouvernement José Luis Rodríguez Zapatero[61].
Il bénéficie alors de l'appui de huit des seize fédérations du parti et du PSC, mais d'une seule présidente de communauté autonome, Francina Armengol, présidente des îles Baléares[62]. Toutefois, une réunion du groupe parlementaire au Congrès, à laquelle il ne participe pas, est l'occasion, pour une majorité des intervenants, de remettre en cause son choix de convoquer le congrès du parti, la critique étant menée par les députés d'Andalousie[63].
Démission de la moitié de la commission exécutive
Finalement, au soir du , 17 membres de la commission exécutive fédérale du PSOE présentent leur démission, dont la présidente du parti Micaela Navarro, l'ancienne ministre de la Défense Carme Chacón et les présidents de Castille-La Manche Emiliano García-Page et de la Généralité valencienne[64]. S'opposant avec les démissionnaires sur l'interprétation des statuts quant au maintien en fonction de la direction du parti, le secrétaire à l'Organisation César Luena indique que les membres restants de la commission exécutive se réuniront le lendemain afin d'inscrire à l'ordre du jour du comité fédéral du la convocation d'un congrès fédéral extraordinaire, conformément aux dispositions prévues par les statuts du PSOE[65].
À la suite de la réunion de l'exécutif du , la réunion du comité fédéral est confirmée et un calendrier pour le congrès extraordinaire dévoilé, qui maintient la date du scrutin pour l'élection du secrétaire général, mais avance la réunion des délégués à la moitié du mois de [66]. Dans la matinée, la présidente du bureau du comité fédéral Verónica Pérez (es) s'était présentée au siège du PSOE à Madrid en s'affirmant « unique autorité qui existe dans [le parti] » et appelant à une réunion de la commission fédérale d'éthique et des garanties, tout en reconnaissant qu'elle n'avait pas la compétence pour convoquer cet organe[67]. Dans la journée, il reçoit le soutien de Josep Borrell, Jordi Sevilla, Pere Navarro, José Antonio Pérez Tapias, et les critiques de Felipe González, José María Barreda, Abel Caballero, Joaquín Leguina[68].
Le , après quatre jours de silence, Pedro Sánchez intervient devant les médias et laisse entendre qu'il remettra sa démission si le comité fédéral du lendemain décide que les députés doivent s'abstenir pour permettre l'investiture de Mariano Rajoy[69]. Plus tôt dans la journée, la commission exécutive fédérale s'était déclarée « par intérim » (en espagnol : en funciones) et avait demandé aux militants de ne pas rejoindre le siège de la rue Ferraz le , tandis que trois des cinq membres de la commission des garanties avaient remis un rapport, sans avoir été mandatés pour le faire, qui estime la direction « dissoute » et juge nécessaire la formation d'une direction provisoire (en espagnol : comisión gestora)[70]. Il déclare être la cible d'une campagne de pressions orchestrée par Felipe González, El País et le groupe Prisa (auquel appartient El País)[71].
Départ du secrétariat du PSOE puis du Congrès
Le lendemain , il remet sa démission après 12 heures de débats et de tensions au sein du comité fédéral qui rejette finalement par 132 voix contre 107 sa proposition de congrès fédéral extraordinaire[72]. Les « barons du parti » s'accordent alors pour la formation d'une direction provisoire présidée par Javier Fernández[73].
Le lundi suivant, le , il annonce qu'il conserve son siège de député. Il occupe désormais le siège 1 401 situé sur la quatrième file, juste devant Eduardo Madina qu'il avait battu lors des primaires de 2014. Son ancien siège, celui de chef de l'opposition, est repris par le porte-parole du groupe parlementaire socialiste Antonio Hernando et ceux de la première file par l'ensemble de la direction du groupe parlementaire[74].
Finalement, le , il annonce lors d'une conférence sa décision de quitter son siège de député. Il dit rester fidèle à ses engagements électoraux et refuse de s'abstenir lors du second scrutin du vote d'investiture de Mariano Rajoy comme l'a décidé le comité fédéral du PSOE le . Il écrit sur les réseaux sociaux sa volonté de « parcourir tous les coins de l'Espagne » et demande à la direction provisoire de fixer la date du prochain congrès du parti sans dévoiler toutefois s'il compte se présenter[75]. Il est remplacé au Congrès par Carlota Merchán.
Le , trois semaines après l'investiture de Sánchez à la présidence du gouvernement à la suite d'une répétition des élections générales, Susana Díaz admet s'être trompée lors de la crise interne de 2016. Lors d'un débat au Parlement d'Andalousie qui marque la première année de pouvoir du centre droit andalou, elle affirme « je me suis trompée et Pedro Sánchez avait fait le bon choix ». Elle explique que « le PSOE s'est abstenu par générosité, en pensant que dans la situation inverse, le Parti populaire ferait de même et placerait l'Espagne au-dessus de ses propres intérêts », constatant que dans les faits cela ne s'est pas produit après les élections de [76].
Deuxième mandat de secrétaire général du PSOE (depuis 2017)
Candidature et projet politique
À l'occasion d'une réunion publique le à Dos Hermanas, ville de la province de Séville dont le maire Quico Toscano est un critique de Susana Díaz, il annonce sa candidature aux primaires du 39e congrès fédéral du PSOE. Il présente alors la campagne à venir comme « un plébiscite » entre deux propositions politiques : « un parti autonome et de gauche où les militants décident, ou un parti qui s'est abstenu face à Rajoy et qui se trouve rendu nulle part ». Il estime que « ce que nous entreprenons aujourd'hui, c'est d'unir le PSOE, pour après unir la gauche et battre le Parti populaire »[77].
Il tient une semaine plus tard un meeting à Castellón de la Plana — secondé par les députés Odón Elorza et Zaida Cantera — devant 900 personnes, au cours duquel il promet que « tous les accords de gouvernement » seront soumis à ratification de la base militante. Il maintient son idée que « le 39e congrès est décisif. Il n'échappe à aucun socialiste que notre organisation est à la croisée des chemins et qu'il n'y en a que deux : celui de l'alliance avec les forces progressistes, le PSOE structurant le changement, ou celui initié par la direction provisoire, qui n'a mené nulle part le socialisme espagnol »[78]. Il fait savoir dans un entretien accordé le à Arsenio Escolar de 20 Minutos qu'il abandonnera la vie politique s'il est défait lors des primaires[79].
Il fait connaître le son projet politique, baptisé « Pour une nouvelle social-démocratie » (en espagnol : Por una nueva socialdemocracia). Sous le titre « Nous sommes socialistes » (en espagnol : Somos Socialistas), le document, présenté à Madrid devant 1 000 personnes, défend « l'unité d'action » avec les syndicats et les autres forces de gauche pour mettre en place une « alliance du progrès » qui change le « modèle économique et social néolibéral ». À cet égard, il critique la social-démocratie européenne, « incapable de proposer [un projet de société alternatif] lors des dernières décennies ». Sánchez se fait ainsi le défenseur du socialisme démocratique, dont « l'adversaire idéologique est le néolibéralisme et l'adversaire politique est le Parti populaire ». Manuel Escudero précise alors qu'il ne propose pas « un virage à gauche [mais] que les socialistes retrouvent leurs principes ». Le projet envisage aussi un premier pas vers la reconnaissance de la plurinationalité de l'État espagnol, en suggérant qu'« une réforme constitutionnelle fédérale — qui maintient que la souveraineté réside dans l'ensemble du peuple espagnol — doit perfectionner la reconnaissance du caractère plurinational de l'État, admis par l'article 2 de la Constitution »[80].
Une nette victoire face à Susana Díaz
Au moment du dépôt des parrainages militants le , il présente 53 117 soutiens d'adhérents, soit 6 273 de moins que Díaz. Plus de 70 % des membres du PSOE ont participé à ce processus. Dans la fédération d'Andalousie, Sánchez récolte 40 % de parrainages en moins que lors du congrès de tandis que sa principale concurrente y capte le soutien de 60 % des adhérents. Toutefois, il la devance largement au sein du Parti des socialistes de Catalogne (PSC) en recevant sept fois plus d'appuis, et s'impose également parmi les militants du Parti socialiste du Pays valencien-PSOE (PSPV-PSOE) avec 2 800 signatures de plus. En revanche, Díaz le dépasse au Parti socialiste ouvrier espagnol de la communauté de Madrid (PSOE-M)[81] - [82].
Au soir des primaires le , il est proclamé large vainqueur face à Susana Díaz et Patxi López. Il remporte ainsi plus de 50 % des suffrages exprimés, soit dix points d'avance sur Díaz. Celle-ci ne s'impose que dans sa fédération d'Andalousie, tandis que López l'emporte au Pays basque. Sánchez totalise de son côté 81 % des voix en Catalogne et l'emporte dans la communauté de Madrid et dans la Communauté valencienne. S'exprimant depuis le siège du parti au milieu de la nuit, il déclare que « rien ne finit ce soir, tout commence au contraire. Nous allons et nous voulons créer une nouvelle organisation. Nous allons accomplir le mandat issu des urnes, faire du PSOE le parti de la gauche de ce pays, et mon engagement reste fermement le même : unir le parti »[83] - [84].
Nouvelle équipe de direction
Lors du 39e congrès fédéral le suivant, il propose une commission exécutive de 49 membres dont 20 femmes : l'ancienne ministre Cristina Narbona en occupe la présidence, Adriana Lastra exerce les fonctions de vice-secrétaire générale et José Luis Ábalos prend la tête du secrétariat à l'Organisation. Deux anciennes ministres de Zapatero, Carmen Calvo et Beatriz Corredor intègrent cette équipe, qui reçoit 70,5 % de votes favorables[85]. La liste des 132 membres du comité fédéral est emmenée par Quico Toscano, maire de Dos Hermanas, tandis que de nombreux anciens dirigeants du parti tels Josep Borrell, José Blanco, César Luena ou Óscar López n'en font pas partie[86]. La composition de cet organe, dont sont également exclus Elena Valenciano, Eduardo Madina ou Soraya Rodríguez, est critiquée par plusieurs personnalités, qui pointent de manière générale « le manque d'intégration » à l'instar de Ximo Puig, du porte-parole du groupe socialiste au Sénat Vicente Álvarez Areces et celui à la Junte générale de la principauté des Asturies Fernando Lastra. À l'inverse, le premier secrétaire du Parti des socialistes de Catalogne (PSC) Miquel Iceta appelle à « oublier les étiquettes et penser au parti »[87].
Le congrès est marqué par deux débats d'importance sur les questions institutionnelles : la revendication du caractère plurinational de l'État espagnol, demandée par Sánchez et que le PSOE reconnaît pour la première fois tout en affirmant que « la souveraineté réside dans l'ensemble du peuple espagnol »[88], et l'instauration d'une République en Espagne, proposition portée par les Jeunesses socialistes, initialement adoptée en commission et finalement retirée avant son passage en séance plénière des délégués après une intervention en ce sens de Sánchez[89].
Président du gouvernement (depuis 2018)
L'annonce
Le , quelques heures après que l'Audience nationale a condamné le Parti populaire au pouvoir dans le cadre de l'affaire Gürtel, Pedro Sánchez prend la décision de déposer une motion de censure contre Mariano Rajoy. Il convoque pour le lendemain une réunion de la commission exécutive du PSOE, après s'être préalablement assuré du soutien des principaux dirigeants du parti. Il prend notamment conseil auprès d'Adriana Lastra, de la porte-parole du groupe parlementaire Margarita Robles ou de la secrétaire à l'Égalité Carmen Calvo[90]. Plus tôt dans la journée, Podemos et ses alliés parlementaires, ainsi que les indépendantistes catalans de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) et du Parti démocrate européen catalan (PDeCAT) s'étaient engagés à voter en faveur d'une éventuelle motion de censure. Ciudadanos refuse initialement de se prononcer avant la prochaine réunion de sa direction, prévue le [91]. La motion est enregistrée dès le lendemain, avant même la réunion de la commission exécutive du PSOE, afin d'activer les différentes procédures réglementaires pour son examen[92].
À l'issue de la réunion de la direction du PSOE, il explique que « les motions de censure sont constructives, pour donner un gouvernement au pays. Nous convoquerons des élections, dès que possible, mais avant cela il faudra retrouver la normalité politique et institutionnelle, répondre aux urgences sociales et s'attaquer à la régénération démocratique ». Il précise que son éventuel gouvernement « appliquera et fera appliquer la Constitution » et garantira « la souveraineté nationale et l'intégrité territoriale », tout en refusant de renoncer au soutien des indépendantistes catalans[93]. Le matin même, Ciudadanos avait indiqué ne pas soutenir la motion, sauf dans l'objectif de convoquer des élections anticipées, le secrétaire général José Manuel Villegas jugeant que « la solution n'est pas l'opportunisme de Sánchez, qui semble vouloir arriver à la Moncloa par n'importe quel moyen »[94].
Sánchez s'engage ensuite à ce qu'une partie des propositions de loi bloquées par le gouvernement — grâce à un mécanisme constitutionnel lui permettant d'empêcher l'étude de tout texte d'origine parlementaire ayant une incidence sur les recettes ou dépenses publiques — soient reprises par son gouvernement en cas d'arrivée au pouvoir. Ces textes, au nombre d'une soixantaine, concernent notamment les retraites, la taxe foncière ou encore l'exhumation des fosses communes datant de la Guerre civile[95]. Il adopte toutefois une stratégie refusant toute négociation ou tractation avec les autres forces parlementaires. S'il exprime sa volonté de rencontrer les autres groupes, il a simplement l'intention de leur présenter sa motion et non de conclure des accords en vue d'obtenir leur soutien. S'il arrive à la tête du gouvernement, son objectif n'est pas d'achever la législature — en — ou de faire voter une loi de finances pour , mais seulement de faire voter quelques mesures sociales avant de dissoudre les Cortes Generales dans un délai de 12 mois[96].
Le débat
La présidente du Congrès des députés Ana Pastor annonce le que la motion sera débattue les et et votée dans la foulée[97].
Lors du premier jour de débat, le , Pedro Sánchez indique devant les parlementaires qu'il n'a pas l'intention de revenir sur le projet de loi de finances pour , adopté peu avant, mettant en avant la « responsabilité » et la volonté de « garantir la gouvernabilité et la stabilité du pays ». Se faisant le défenseur de la décentralisation, il refuse d'exploiter politiquement le débat territorial pour ne pas « mettre l'accent sur ce qui nous sépare ». Il affirme que son cabinet aurait l'objectif de rétablir les liens avec toutes les communautés autonomes et d'ouvrir « un dialogue entre le gouvernement de l'Espagne et le nouveau gouvernement catalan, ainsi qu'avec le gouvernement basque ». Il promet alors de former « un gouvernement socialiste, paritaire, européiste, qui garantira la stabilité budgétaire, appliquera et fera appliquer la Constitution, qui fera du dialogue sa manière de faire de la politique avec toutes les forces politiques et tous les gouvernements autonomes », s'engageant par la suite à fixer « par consensus » la date des prochaines élections générales. D'ici là, il précise que son programme sera « celui de la stabilité, de la modération, progressiste et consensuel »[98].
Plus tard dans la journée, le Parti nationaliste basque apporte son soutien à la motion, ce qui lui garantit 180 voix favorables[99]. De son côté, Rajoy exclut de démissionner, unique solution pour éviter sa destitution et pour permettre le maintien transitoire du PP au pouvoir[100].
L'adoption
À l'issue du vote du , la motion de censure est adoptée par le Congrès. Elle recueille 180 voix favorables, 169 contre et une abstention. Pedro Sánchez est donc investi président du gouvernement d'Espagne avec le soutien de Podemos, d'Izquierda Unida (IU), de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), du Parti nationaliste basque (EAJ/PNV), du Parti démocrate européen catalan (PDeCAT), d'En Marea, de Barcelone en commun (BeC), de Compromís, d'Equo, d'Initiative pour la Catalogne Verts (ICV), d'Anova-Fraternité nationaliste, d'Euskal Herria Bildu (Bildu), d'En Comú Podem et de Nouvelles Canaries (NCa), soit 15 partis et cinq groupes parlementaires. Tandis que la Coalition canarienne (CC) fait le choix de l'abstention, le Parti populaire (PP), Ciudadanos, l'Union du peuple navarrais (UPN) et le Forum des Asturies (FAC) votent contre[101].
Peu après l'adoption de la motion, Sánchez s'entretient au téléphone avec le roi Felipe VI qui signe le même jour le décret de nomination, publié le lendemain au Bulletin officiel de l'État[102].
Pedro Sánchez prête serment au palais de la Zarzuela le , devant Felipe VI et en présence du ministre de la Justice démissionnaire Rafael Catalá, en sa qualité de grand notaire du Royaume, d'Ana Pastor, présidente du Congrès, de Pío García-Escudero, président du Sénat, de Francisco Pérez de los Cobos, président du Tribunal constitutionnel, de Carlos Lesmes, président du Tribunal suprême, et de Mariano Rajoy. Il choisit de promettre et non jurer loyauté au roi et fidélité à la Constitution. Contrairement à celles de ses prédécesseurs, la cérémonie se déroule sans Bible ni crucifix, simplement avec un exemplaire du texte constitutionnel[103].
Le renversement de Rajoy inscrit plusieurs faits inédits dans l'histoire politique espagnole. C'est la première fois depuis qu'une motion de censure est adoptée, que le président du gouvernement et le président du Congrès ne sont pas issus du même parti, que le principal groupe parlementaire siège dans l'opposition, et que le chef de l'exécutif ne détient aucun mandat parlementaire[104] - [105] - [106].
Formation du gouvernement
Le , l'ancien ministre des Travaux publics puis président du Parlement européen Josep Borrell, membre du « gouvernement fantôme » de Sánchez pour la campagne des élections de , comptant parmi ses défenseurs lors du comité fédéral du et très engagé contre les indépendantistes catalans, accepte la proposition de devenir ministre des Affaires étrangères. À l'inverse, la présidente du PSOE et ex-ministre de l'Environnement Cristina Narbona refuse d'intégrer l'exécutif[107] - [108]. Ce refus peut être expliqué par le fait que Borrell et Narbona sont en couple et que cela pourrait générer une certaine « méfiance » de la part de certains socialistes[109]. En outre, José Luis Ábalos indique que sera créé un haut commissariat à la Lutte contre la pauvreté infantile, qui sera directement intégré à l'administration de la présidence du gouvernement pour marquer l'engagement personnel de Sánchez dans cette cause : 29 % des jeunes de moins de 16 ans vivent en situation de pauvreté, soit plus de deux millions de personnes[110]. À la fin de la journée, il est confirmé que Teresa Ribera, président du conseil consultatif pour la transition écologique du PSOE et ancienne secrétaire d'État au Changement climatique de Zapatero, sera ministre de l'Environnement avec un portefeuille élargi à la transition énergétique[111].
Dans la journée du et alors qu'aucune annonce officielle n'est intervenue, plusieurs autres noms sont révélés et confirmés. Ainsi, Carmen Calvo sera vice-présidente du gouvernement — unique titulaire de ce titre — et ministre de l'Égalité[112]. José Luis Ábalos est présenté comme futur ministre de l'Équipement[113] et Meritxell Batet comme prochaine ministre des Administrations territoriales[114]. Les deux ministères économiques restent séparés : la conseillère aux Finances de la Junte d'Andalousie María Jesús Montero est choisie comme ministre des Finances[115] tandis que le ministère de l'Économie est confié à la directrice générale du Budget de la Commission européenne Nadia Calviño[116]. La conseillère à la Santé de la Généralité valencienne Carmen Montón est désignée ministre de la Santé, après le refus exprimé pour ce poste par l'ancien conseiller à la Santé du gouvernement basque Rafael Bengoa[117]. Le président d'Estrémadure Guillermo Fernández Vara indique le soir même avoir reçu une offre de siéger au gouvernement — sans indiquer à quel poste — mais qu'il l'a déclinée, justifiant son refus par « le pacte éternel » passé entre lui et les Estrémègnes du fait de sa victoire aux élections de [118].
Une nouvelle série de ministres est révélée le , alors que Sánchez a prévu de rencontrer le souverain dans la soirée pour lui soumettre la liste de son gouvernement[119]. L'ancienne conseillère à l'Éducation du Pays basque Isabel Celaá se voit confier le ministère de l'Éducation[120] tandis que Magdalena Valerio, ex-conseillère au Travail de Castille-La Manche, obtient le ministère du Travail[121]. Pedro Duque, connu comme le premier astronaute espagnol, est désigné ministre de la Science[122] et la procureure Dolores Delgado, affectée à l'Audience nationale et spécialisée dans la lutte contre le terrorisme islamiste, sera ministre de la Justice[123].
Le gouvernement le plus féminisé du monde
Il présente son exécutif au complet peu après. Celui-ci réunit 17 ministres, soit quatre de plus que le gouvernement sortant. Il rétablit notamment le ministère de la Culture, en estimant qu'il « n'aurait jamais dû être supprimé ». Il fait apparaître la compétence de la formation professionnelle dans le titre du ministère de l'Éducation tandis que le nom du ministère des Affaires étrangères fait également référence à l'Union européenne pour souligner la « vocation européiste » du cabinet. Il révèle en outre que le juge de l'Audience nationale Fernando Grande-Marlaska occupera le ministère de l'Intérieur, qu'il confie le ministère de la Défense à Margarita Robles et que l'auteur Màxim Huerta sera ministre de la Culture. Il affirme que la nouvelle équipe gouvernementale « est prête pour faire de l'Espagne un pays meilleur, avec réalisme et ambition », jugeant que « c'est un gouvernement ouvert, proposé par le PSOE mais avec l'intention de représenter la société espagnole »[124].
Ayant promis de constituer un exécutif paritaire, il nomme un total de 11 femmes et six hommes, confiant aux ministres féminines des postes-clé comme la vice-présidence du gouvernement, les ministères économiques et deux portefeuilles régaliens[125]. Rassemblant 64,7 % de femmes, le gouvernement Sánchez est le plus féminisé dans l'histoire et dans le monde. Il dépasse le record établi en par le gouvernement finlandais[126]. Lors de la cérémonie d'assermentation devant le roi, Carmen Calvo modifie à l'improviste la formule du serment en y ajoutant une référence féminine. Elle promet ainsi de maintenir le secret des délibérations du conseil des « ministras y ministros ». Elle est imitée, sans concertation préalable, par 12 de ses collègues. Seuls Dolores Delgado, qui a prêté serment avant elle, Nadia Calviño, qui bute sur le mot « délibérations » et se rattrape en lisant textuellement la formule écrite sur une feuille de papier, Josep Borrell et José Luis Ábalos utilisent le simple terme « ministros »[127].
Question territoriale
Au cours de la première réunion du conseil des ministres, le gouvernement prend la décision de lever le contrôle exercé par le ministère des Finances sur les comptes publics de la généralité de Catalogne : depuis huit mois, près de 300 organismes publics ne pouvaient déclencher de paiement ou signer de contrat sans disposer d'une « certification de légalité ». La porte-parole Isabel Celaá présente cet acte comme « un geste de normalité politique ». Précisant que « le droit à l'autodétermination est absolument en dehors » du programme gouvernemental, elle annonce que Sánchez a l'intention de rencontrer les 17 dirigeants des communautés autonomes, incluant de fait Quim Torra[128] - [129]. Après le conseil des ministres du , Celaá précise que les réunions se feront dans l'ordre d'adoption des statuts d'autonomie : les rencontres débuteront avec le lehendakari Iñigo Urkullu puis Quim Torra, et termineront avec Ángel Garrido et Juan Vicente Herrera, ainsi que les présidents des villes autonomes Juan Jesús Vivas et Juan José Imbroda[130]. Sánchez indique également avoir l'intention de recevoir le maire de Vigo Abel Caballero, président de la Fédération espagnole des villes et provinces (FEMP), dans le cadre de ce tour de table territorial. C'est la première fois que le responsable de la FEMP reçoit un traitement égal aux chefs de gouvernement régionaux[131].
Au cours de la séance de questions au gouvernement au Sénat du , il répond à la sénatrice de la Coalition canarienne María del Mar Julios que son gouvernement n'aura pas « le temps matériel » pour réformer le système de financement des communautés autonomes d'ici la fin de la XIIe législature. Affirmant vouloir être « ambitieux mais réaliste », il promet néanmoins des améliorations dans le financement de « toutes et chacune » des autonomies espagnoles[132]. Cette déclaration, qu'il confirme au Congrès des députés le lendemain, elle est mal accueillie par les dirigeants territoriaux : Susana Díaz annonce qu'elle fera valoir lors de son entrevue avec le président du gouvernement le mandat reçu de son Parlement d'obtenir quatre milliards d'euros supplémentaires, Ximo Puig juge qu'on ne peut renoncer à changer le modèle de financement « le plus rapidement possible » car il est injuste, le président de la Junte de Galice Alberto Núñez Feijóo exige un calendrier clair et le président de la région de Murcie Fernando López Miras souhaite que la réforme se fasse en transparence et pas dans « des réunions occultes »[133].
Lors du conseil des ministres du , le gouvernement décide de déférer devant le Tribunal constitutionnel la motion du Parlement de Catalogne confirmant l'objectif d'indépendance de la communauté autonome. Celaá précise alors que « nous interjetons ce recours en défense de la Constitution et du statut d'autonomie ; la légalité suit un chemin, la politique un autre », expliquant que l'exécutif attend la réunion entre Sánchez et Torra, prévue trois jours plus tard, « avec force, illusion et fermeté quant à la réciprocité » des autorités catalanes. Les autorités centrales prétendent ainsi défendre le cadre juridique tout en normalisant les relations avec les institutions catalanes. En parallèle, le cabinet envisage de négocier avec le conseil exécutif de Catalogne le retrait de 14 recours en inconstitutionnalité déposés par le précédent gouvernement contre un certain nombre de lois à dominante sociale, approuvées par le Parlement de la communauté autonome en et suspendues depuis l'admission des recours. En preuve de bonne foi, la ministre de la Justice a nommé le avocate générale de l'État Consuelo Castro, perçue comme la moins centraliste de l'histoire de ce poste[134] - [135]. À l'issue de son entretien avec Torra, Sánchez fait savoir qu'ils se sont mis d'accord pour relancer la commission bilatérale État-Généralité — un organe en sommeil depuis plusieurs années permettant aux deux gouvernements d'avoir des interactions au quotidien sur des sujets comme les infrastructures ou les investissements de l'État — et qu'il a confirmé à son interlocuteur son intention de retirer un certain nombre de recours en inconstitutionnalité. En revanche, et bien que ce point ait été abordé, il réaffirme son refus catégorique de toute reconnaissance du droit à l'autodétermination. Chargée de rendre compte de ce temps d'échange, la vice-présidente Carmen Calvo le décrit comme « institutionnel, plein de courtoisie et fluide », estimant qu'il revêt « une importance spéciale après avoir longuement traversé une crise politique, à laquelle ce gouvernement entend donner une réponse politique »[136]. Calvo et le vice-président du gouvernement catalan Pere Aragonès ont prévu de se rencontrer à leur tour trois jours plus tard[137].
Lors d'un discours au Congrès des députés le , Sánchez affirme que « la crise en Catalogne sera uniquement résolue par le vote ». Néanmoins, il rejette théoriquement les thèses indépendantistes : « nous voulons que le vote se fasse sur un accord alors que [les indépendantistes] veulent qu'il concerne une rupture ». Rejetant le droit à l'autodétermination, il déclare que « nous serons vaillants et audacieux, mais dans le cadre de la Constitution ». Bien qu'il n'ait pas explicité sa stratégie devant les députés, celle-ci s'inscrit dans le cadre de la « déclaration de Grenade », par laquelle le PSOE propose la transformation de l'Espagne en État fédéral. L'objectif serait un double référendum : dans toute l'Espagne pour modifier le texte constitutionnel, puis en Catalogne seule pour adopter un nouveau statut d'autonomie[138].
Après avoir reçu Susana Díaz puis le président de la principauté des Asturies Javier Fernández, il décide le de changer de stratégie concernant la réforme du système de financement des communautés autonomes. Prenant acte des études techniques déjà réalisées par le gouvernement précédent, le Conseil de la politique fiscale et financière (CPFF) avait approuvé la semaine précédente la création d'un groupe de travail au niveau politique sur cette question extrêmement sensible. Fernández indique que lorsque Sánchez avait déclaré le mois précédent ne pas disposer du temps matériel pour mener à bien ce projet, il évoquait comme horizon non pas la fin théorique de la législature — en — mais les élections dans les communautés autonomes prévues en . Sans remettre en cause les propos du président de l'exécutif asturien, la présidence du gouvernement indique que l'achèvement de la réforme pourrait toutefois avoir lieu au cours de la législature suivante, compte tenu de l'extrême faiblesse parlementaire de Sánchez qui rend impossible de déterminer avec certitude la fin de la législature en cours[139].
Débuts sur la scène internationale
Le , Sánchez décide que le navire Aquarius — affrété par l'ONG SOS Méditerranée pour recueillir des migrants et en attente d'un port de débarquement avec 629 personnes à bord — sera accueilli dans le port de Valence. Le bâtiment était alors en attente d'instruction des autorités italiennes après le refus du ministre italien de l'Intérieur Matteo Salvini de le laisser accoster. Après que les maires de Barcelone Ada Colau et de Valence Joan Ribó ont proposé de recevoir le navire, le président du gouvernement valide l'arrivée de l'Aquarius dans la capitale de la Communauté valencienne, estimant que « c'est notre obligation d'aider à éviter une catastrophe humanitaire, et d'offrir un port sûr à ces personnes, en respectant ainsi les obligations du droit international ». Josep Borrell considère alors que « [Sánchez] a rompu avec une attitude qui consistait à regarder de l'autre côté » et Magdalena Valerio juge cette décision « magnifique ». Pour le président du PP de Barcelone, cette décision pourrait créer une « appel d'air », tandis que Ciudadanos juge qu'« on ne peut pas laisser mourir en mer des centaines de personnes » mais que la question doit être réglée au niveau européen, et Podemos fait part de sa satisfaction[140]. Le bateau — précédé par deux autres de la Marina militare qui avaient pris à leur bord une partie des migrants — accoste le [141].
Souhaitant transmettre une image résolument favorable à l'intégration européenne, il fixe comme priorité de renforcer le lien entre Madrid, Paris et Berlin. Conformément à la tradition espagnole depuis 40 ans, ses premières prises de contact internationales ont été avec le Chef du gouvernement du Maroc, Saâdeddine El Othmani. Toutefois, du fait de l'absence du roi Mohammed VI et de la proximité du Conseil européen, la visite de Sánchez dans le royaume est reportée à la fin de l'été, ce qui rompt avec l'habitude de réaliser le premier déplacement à l'étranger sur l'autre rive de la Méditerranée[142].
À l'issue de sa première rencontre avec le président de la République française Emmanuel Macron le , il annonce son soutien à la proposition franco-allemande de création sur le sol européen de « centres fermés » pour accueillir les migrants et réaliser les démarches administratives. Il dit vouloir développer une « politique migratoire commune basée sur la solidarité, respectueuse des droits humains, des êtres humains qui fuient leur pays à la recherche d'un avenir meilleur », et salue « la solidarité et la responsabilité » des autorités françaises qui ont « aidé l'Espagne » lors de l'accueil de l'Aquarius[143]. Il précise le lendemain à Bruxelles qu'il considère qu'il s'agit d'une « solution européenne » et que lui et ses homologues cherchent « surtout à avoir une politique migratoire contrôlée, responsable, qui fasse face à la réalité de ce qui se passe dans l'ensemble de l'Europe » tout en respectant « les droits humains des migrants qui arrivent sur les côtes européennes »[144].
La décision prise d'accueillir l'Aquarius permet ainsi à Sánchez de rencontrer — moins de trois semaines après son arrivée à la Moncloa — le chef de l'État français puis la chancelière allemande Angela Merkel. Elle relance le débat sur la politique migratoire commune et place le président du gouvernement espagnol an cœur des négociations. Merkel le reconnaît en suggérant que la Commission européenne pourrait accorder aux autorités espagnoles un soutien financier plus important. Elle ajoute que « nous pouvons nous répartir les rôles entre chefs d'États membres », proposant ainsi que les Espagnols usent de leurs relations préférentielles avec le Maroc, pays de transit de l'immigration. Sánchez explique alors que son travail se base sur la conviction que « le défi humain que représente [l'immigration impose] une dose énorme de responsabilité »[145].
Il achève son premier tour d'Europe à Lisbonne, où il s'entretient avec le Premier ministre socialiste António Costa. Leurs échanges sont principalement centrés sur le sommet hispano-portugais prévu plus tard dans l'année. Toutefois, les questions européennes comme la nouvelle crise migratoire et la réforme de la zone euro font également partie des discussions. Sánchez révèle à cette occasion que la capitale portugaise accueillera le un sommet sur les connexions énergétiques de la péninsule ibérique avec le reste du continent, auquel assisteront notamment Macron et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Rendant hommage à son homologue, le président du gouvernement affirme s'inspirer de son projet « progressiste, modernisateur et européiste » et qu'il souhaite importer en Espagne un certain nombre des grands principes mis en œuvre par Costa, comme la lutte contre la précarité du travail, la redistribution des richesses ou encore les grands accords avec les partenaires sociaux[146] - [147].
Fraude fiscale de Màxim Huerta
Le , le journal El Confidencial révèle que le ministre de la Culture et des Sports Màxim Huerta a été condamné en pour fraude fiscale et a dû rembourser plus de 200 000 euros au Trésor public pour avoir monté entre et une société afin de percevoir ses émoluments de présentateur télé et ainsi être imposé au titre de l'impôt sur les sociétés, moins élevé que l'impôt sur le revenu. Huerta remet sa démission le soir même. Il avait initialement assuré qu'il ne pas avoir l'intention de quitter ses fonctions, mais Podemos puis le Parti populaire avaient appelé à son départ, menaçant de proposer sa révocation au Congrès dans le cas contraire. Le président du gouvernement le remplace par José Guirao, ancienne figure du PSOE d'Almería et ex-directeur du musée Reina Sofía[148] - [149]. Alors que la nomination de Huerta avait créé une certaine stupeur et reçu un accueil réservé du secteur culturel, la désignation de Guirao est au contraire chaudement applaudie. Le départ de Huerta est toutefois critiqué par Ángeles González-Sinde, dernière ministre de la Culture de Zapatero[150].
Master de Carmen Montón
Alors que son gouvernement célèbre ses 100 jours au pouvoir, le quotidien en ligne eldiario.es révèle le que la ministre de la Santé Carmen Montón aurait obtenu son master en études interdisciplinaires de genre de manière frauduleuse à l'université Roi Juan Carlos (URJC). Après que celle-ci a tenu une conférence de presse où elle a expliqué avoir suivi ses enseignements à distance, le journal indique que les cours devaient être suivis en classe et qu'une note a été modifiée après la fin de l'année universitaire. Interrogé le lendemain par la presse au Sénat, Pedro Sánchez apporte un soutien appuyé à Montón. Rappelant ses premières actions et le fait qu'elle élabore un projet de loi contre la violence sur les mineurs, il qualifie son travail d'« extraordinaire » et affirme « qu'elle continuera à le faire »[151]. Elle remet finalement sa démission dans la soirée et sera remplacée par María Luisa Carcedo, Haute commissaire à la Lutte contre la pauvreté infantile[152] - [153].
Thèse de doctorat
Au lendemain du départ de Montón, Albert Rivera interpelle Sánchez devant le Congrès des députés et l'invite à rendre publique sa thèse de doctorat en économie — alors uniquement consultable à la bibliothèque universitaire de l'université Camilo José Cela et sans possibilité de reproduction — pour lever les « doutes raisonnables » pesant sur elles[154].
Le , après que le journal ABC et la publication en ligne Okdiario l'ont accusé d'avoir plagié son travail universitaire, il annonce envisager des poursuites judiciaires contre les médias et ordonne la numérisation et publication de sa thèse[155]. Tandis que sa directrice de thèse Isabel Cepeda affirme que le document a été rédigé dans les règles[156], l'économiste Carlos Ocaña — coauteur en avec Sánchez d'un livre reprenant de nombreux éléments de la thèse et ancien directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Miguel Sebastián — indique qu'il n'a en rien participé à l'élaboration du travail universitaire du président du gouvernement, contrairement à ce que disent Okdiario et El Mundo[157].
Le gouvernement émet par ailleurs une protestation contre la présidente du Congrès Ana Pastor car Rivera avait initialement prévu d'interpeller Sánchez sur le conflit en Catalogne, mais a finalement changé le sujet de sa question sans avertissement préalable[158]. Réagissant à l'annonce d'un possible dépôt de plainte de Sánchez contre les journaux, le président de Ciudadanos fait savoir qu'il a l'intention de demander la comparution immédiate du chef de l'exécutif devant les parlementaires, obtenant d'ailleurs le soutien du Parti populaire[159]. Son ancienne université diffuse ensuite un communiqué dans lequel elle explique avoir examiné les processus d'évaluation externe et interne à la thèse sans y détecter aucune irrégularité, jugeant ces processus « normaux, conformes aux normes en vigueur ainsi qu'aux protocoles de vérification et contrôles habituels dans le cadre universitaire »[160].
La présidence du gouvernement fait savoir le avoir soumis le texte de la thèse à deux logiciels de détection du plagiat, Turnitin et PlagScan. Le premier détecte 13 % de coïncidences avec des textes publiés antérieurement, et le second 0,96 %, précisant que ces chiffres sont issus des citations et références contenues dans le travail. Le communiqué affirme ensuite qu'il y a « un large consensus dans le monde académique pour considérer qu'il s'agit de taux normaux, en accord avec les normes et protocoles de contrôle »[161]. Lluis Val, responsable de Turnitin en Espagne tempère cette analyse, expliquant que « un logiciel anti-plagiat ne dit pas à 100 % s'il y a eu plagiat, il donne simplement un pourcentage de similitude avec d'autres documents. C'est une personne qui en détermine l'importance, et avec 13 % le plagiat est possible »[162]. Les journaux El Confidencial, El País et la chaîne de télévision La Sexta soumettent la thèse au contrôle Turnitin et arrivent aux mêmes conclusions que celles énoncées par l'exécutif dans la matinée. La Sexta et El País atteignent également les chiffres identiques à ceux du gouvernement avec PlagScan[163] - [164] - [165].
Le conseil des ministres se tenant le même jour, la porte-parole du gouvernement fait savoir que Sánchez a la « conviction que cette affaire a été créée pour faire du bruit et abattre le gouvernement » et appelle le Parti populaire et Ciudadanos à « demander pardon au président »[166]. En parallèle, les différents partis ayant permis l'accession au pouvoir de Sánchez indiquent ne pas avoir l'intention de soutenir la demande des deux partis de centre droit de comparution immédiate du chef de l'exécutif devant le Congrès, Unidos Podemos et le Parti nationaliste basque jugeant la publication de la thèse comme suffisante, et la Gauche républicaine de Catalogne refusant de « faire le jeu » de Ciudadanos[167].
Rapports avec les autres partis
Il se réunit le avec le secrétaire général de Podemos Pablo Iglesias, en secret au palais de la Moncloa. Cette rencontre est destinée à ouvrir un dialogue en vue de présenter des initiatives conjointes, ce qui permettrait au gouvernement d'élargir sa base parlementaire en totalisant un soutien initial de 151 députés. Cette entrevue est perçue comme la mise en œuvre du rapprochement entre les deux partis promu par Sánchez au 39e congrès socialiste. Au lendemain de ce rendez-vous, Iglesias déclare devant le conseil citoyen de Podemos que « nous sommes disposés à appuyer et pousser ce gouvernement dans son travail, s'il décide d'avancer sur le chemin que marque les défis [auxquels la société espagnole est confrontée]. De même, nous serons obligés de nous situer dans l'opposition si ce n'est pas le cas »[168]. Le lendemain, le gouvernement annonce qu'il lève 18 vétos à l'admission de propositions de loi pour raisons budgétaires imposés par l'équipe précédente, parmi elles 16 textes soumis par Podemos concernant notamment la fermeture des centrales nucléaires, l'assistance juridique gratuite, la retraite des garde-côtes, le transfert de l'autoroute AP-9 à la Junte de Galice, la création d'une carte des services communs du service national de santé, la revalorisation des pensions de retraite ou encore l'instauration d'un statut de base des sapeurs-pompiers[169].
Le , le nouveau président du PDeCAT David Bonvehí et son adjointe, la députée Míriam Nogueras, font savoir par voie de presse que leur formation a l'intention de durcir les conditions de son soutien au gouvernement. La bonne disposition des huit députés indépendantistes de centre droit sera conditionnée à des avancées « concernant le droit à l'autodétermination ou à l'élaboration d'une solution politique au problème catalan » explique Bonvehí. Nogueras ajoute que « nous devons coordonner le parti et le groupe parlementaire, ce qui ne s'est pas bien fait jusqu'à présent ». Ces déclarations traduisent concrètement la prise de contrôle du PDeCAT par le président déchu de la généralité de Catalogne Carles Puigdemont, figure du mouvement indépendantiste et installé en Allemagne du fait du mandat d'arrêt dont il fait l'objet en Espagne. Validant la décision de renverser Rajoy, David Bonvehí indique « que cela coûtera désormais plus » à Sánchez de recevoir l'appui du Parti démocrate. Alors que la direction du groupe parlementaire revenait jusqu'ici à Carles Campuzano et Jordi Xuclà, ceux-ci seront remplacés par Nogueras, perçue comme plus proche des thèses politiques de Puigdemont[170]. Ces propos sont tempérés le lendemain par la conseillère à la Présidence du gouvernement catalan et bras droit de Puigdemont, Elsa Artadi. Assurant que l'objectif de l'exécutif catalan est « de continuer à travailler et dialoguer » avec le cabinet espagnol, elle indique que le PDeCAT et ERC garantiront la stabilité de Sánchez « tant que continueront le dialogue et la négociation politique ». Elle salue le fait que le gouvernement central ne refuse l'inscription d'aucun sujet à l'ordre du jour de la prochaine réunion de la commission bilatérale État-Généralité[171].
Il reçoit le le nouveau président du Parti populaire Pablo Casado. Si leur entretien de près de trois heures ne débouche sur aucun accord ni aucune annonce, il permet aux deux dirigeants de mettre en scène le retour du « bipartisme » (bipartidismo) qui a régi la vie politique espagnole depuis l'avènement de la démocratie. Casado assume pleinement cette stratégie, déclarant vouloir revenir « au modèle de bipartisme imparfait, dans lequel le PP et le PSOE garantissent l'alternance et la stabilité politiques, et dans lequel il peut y avoir des partis comme Ciudadanos ou Podemos qui peuvent garantir la stabilité gouvernementale ». Ainsi, Sánchez choisit de traiter Casado comme un « invité d'État » en lui cédant la salle de presse de l'exécutif, tandis que des proches du gouvernement le reconnaissent comme « chef de l'opposition » et admettent qu'il a eu droit à un « traitement déférent ». Le président du gouvernement reprend ainsi la stratégie adoptée par son prédécesseur, destinée à marginaliser le président de Ciudadanos Albert Rivera, alors premier parti dans les sondages. Plusieurs ministres admettent d'ailleurs que la ligne idéologique portée à droite par le nouveau chef du PP aide à mobiliser l'électorat de gauche et accorde plus d'espace politique au centre pour le PSOE[172] - [173].
Trois semaines plus tard, le gouvernement et Unidos Podemos parviennent à un accord pour réformer la loi organique relative à la stabilité budgétaire et l'actualisation des pensions de retraite suivant l'inflation. Rompant la méfiance qui s'était installée entre eux, Pedro Sánchez et Pablo Iglesias s'impliquent directement dans les discussions afin de les faire aboutir. La ministre des Finances María Jesús Montero et le secrétaire à l'Organisation de Podemos Pablo Echenique, actant cette volonté de dialogue entre leurs deux formations, ouvrent quatre groupes de travail sur la Sécurité sociale, les retraites et l'emploi ; l'amélioration des services publics de l'éducation, de la santé et de la dépendance ; les finances municipales ; et les revenus de l'État. L'enjeu pour les deux formations est l'établissement d'un accord économique global valable jusqu'à la fin de la législature, donnant à la politique économique du gouvernement une base minimale de 155 députés, ce qui lui apporterait une forme de stabilité[174].
Le , le président de la généralité de Catalogne Quim Torra déclare devant le Parlement de Catalogne, un an et un jour après le référendum d'indépendance, que s'il n'obtient pas d'ici le mois de novembre un accord sur la tenue d'une consultation sur l'autodétermination de la Catalogne, « l'indépendantisme ne pourra garantir aucune stabilité à Pedro Sánchez au Congrès des députés ». Il avait précédemment affirmé que « la patience des Catalans n'est pas infinie » et « ne pas être ici pour gérer une communauté autonome » mais avancer vers l'indépendance[175]. Le soir même, la porte-parole du gouvernement rejette toute forme d'ultimatum et rappelle que l'exécutif espagnol propose l'autonomie interne et le dialogue, mais pas la séparation. Dès le lendemain, les principaux groupes indépendantistes au Parlement catalan déposent une résolution appelant au dialogue et à la négociation, sans conditions ni limites de temps[176] - [177].
Programme social
Après l'affaire Huerta, l'exécutif accélère la mise en place d'un agenda social. Le conseil des ministres du approuve ainsi la distribution aux communautés autonomes de 1,4 milliard d'euros issus du plan d'État pour le logement -, lance la réinstauration de l'accès aux soins pour les migrants en situation irrégulière — supprimé en par Mariano Rajoy et partiellement rétabli par certaines régions depuis — et une étude pour faire retirer les barbelés apposés sur les barrières séparant le Maroc des enclaves Ceuta et Melilla[178] - [179].
Dans un entretien accordé à El País le , il annonce sa volonté de lancer un « grand plan contre l'exploitation des travailleurs », sans entrer dans le détail. Citant l'exemple de l'engagement des Baléares, qui a mobilisé des ressources supplémentaires pour l'inspection du travail dans le secteur de l'hôtellerie, il précise que ce plan sera partagé avec les communautés autonomes. Il souhaite par ailleurs augmenter le taux maximum des cotisations retraite sur les hauts salaires et confirme sa volonté d'augmenter l'impôt sur les sociétés pour les banques afin de financer le système de retraite. Il réaffirme son objectif d'abroger la réforme du marché du travail adopté sous le gouvernement Rajoy mais constate l'absence d'une majorité parlementaire pour y parvenir. Il ajoute qu'il existe toutefois une majorité pour améliorer la protection des salariés d'entreprises prestataires et que le débat doit être ouvert au sujet sur la primauté des conventions collectives, sur l'égalité dans le travail et des salaires[180].
Après la conclusion d'un accord national interprofessionnel entre syndicats et patronat concernant notamment la hausse du salaire minimum à 1 000 euros par mois à la fin du mois de , le gouvernement décide que ce montant sera également appliqué au salaire minimum interprofessionnel (SMI), afin de concerner tous les salariés et non uniquement ceux couverts par le champ de la négociation collective. Ce montant devant être atteint en , le SMI progressera de 36 % en deux ans, ce qui en fait la plus forte hausse de l'histoire. Elle dépasse celle du début des années , d'un niveau de 25 % et équivaut à celle enregistrée au cours des 13 années précédentes[181].
Le conseil des ministres adopte le le décret-loi rétablissant un accès universel au service national de santé (SNS). En vertu de la nouvelle norme, l'assistance sanitaire est déconnectée de la condition d'assuré. Ainsi, les étrangers, les retraités expatriés et les travailleurs transfontaliers sont établis comme titulaires du droit à l'assistance sanitaire[182]. Six semaines plus tard, le texte est ratifié par le Congrès des députés avec l'opposition du Parti populaire et l'abstention de Ciudadanos[183].
Le , le gouvernement approuve un décret-loi relatif à la transition énergétique, dont l'objectif est de faire baisser le coût de l'électricité. La suspension pour six mois de deux impôts affectant les entreprises de production électrique pour un total de 970 millions d'euros devrait diminuer la facture de l'ordre de 4 %. Le texte accroît le bénéfice du chèque social pour l'électricité, instaure un chèque social thermique et interdit de couper la fourniture d'électricité pour factures impayées à des foyers bénéficiant du chèque social dans lequel vivent des mineurs de moins de 16 ans, des personnes handicapées ou dépendantes[184] - [185]. Ces annonces ont un effet quasi immédiat sur le marché à terme puisque le prix du mégawatt chute de près de 10 % par rapport au début du mois de [186].
Nominations de second rang
Le cabinet procède le à une série de nominations à plusieurs postes administratifs, perçue comme une forme de correction de ses choix ministériels après l'affaire Huerta. Alors que le gouvernement comprend un certain nombre d'experts, les fonctions de second rang sont davantage confiées à des personnalités du PSOE. Huit membres de la commission exécutive reçoivent ainsi de nouvelles responsabilités. Par exemple la secrétaire exécutive à la Santé María Luisa Carcedo devient haute commissaire à la Lutte contre la pauvreté infantile, le secrétaire à la Transition écologique de l'économie Hugo Morán est désigné secrétaire d'État à l'Environnement et le secrétaire à l'Entreprenariat Francisco Polo prend le poste de secrétaire d'État au Numérique. Sánchez rappelle également des figures de l'ère Zapatero, comme Octavio Granado qui retrouve les fonctions de secrétaire d'État à la Sécurité sociale et Consuelo Rumí qui redevient secrétaire d'État aux Migrations. Le choix des 19 délégués du gouvernement obéit pour partie à une stratégie interne. Ainsi le délégué dans la communauté de Madrid, au Pays basque ou en Estrémadure est nommé en lien avec la fédération régionale du parti. À l'inverse, la décision de nommer Alfonso Gómez de Celis — opposant à Susana Díaz — en Andalousie, Manuel González Ramos — seul secrétaire provincial opposé à Emiliano García-Page — en Castille-La Manche et Juan Carlos Fulgencio — proche de José Luis Ábalos — en Communauté valencienne est un geste d'opposition aux « barons socialistes » qui dirigent ces trois territoires. Par ailleurs, il désigne Pablo Zuloaga en Cantabrie et Diego Conesa en Région de Murcie afin de leur donner une projection publique avant les élections de auxquelles ils seront candidats. Le poste stratégique de délégué en Catalogne est confié à l'ancienne députée Teresa Cunillera, un choix validé par Miquel Iceta[187].
Par ailleurs, les ministres José Luis Ábalos, Margarita Robles et Meritxell Batet remettent en parallèle leurs démissions au Congrès des députés, renonçant ainsi à leur mandat de parlementaire. Bien que celui-ci soit compatible avec leurs fonctions ministérielles, ils obéissent ainsi à une demande du président du gouvernement. Cela permet au PSOE d'avoir la certitude que les 84 députés formant son groupe parlementaire seront présents à chaque vote, alors que des obligations officielles peuvent tenir les ministres éloignés de Madrid. Ils mettent ainsi en œuvre le principe de non-cumul des fonctions et des rémunérations établi par les statuts de leur parti. C'est la première fois depuis qu'aucun ministre ne siège au Congrès[188] - [189] - [190].
La présidence du gouvernement indique le que Sánchez nommera María Teresa Fernández de la Vega présidente du Conseil d'État. Âgée de 69 ans, l'ancienne ministre de la Présidence de José Luis Rodríguez Zapatero sera la première femme à diriger l'organe de conseil du gouvernement, où elle siège depuis [191]. Peu après, l'exécutif décide de confier la présidence du Conseil supérieur des Sports (CSD) — dont le rang équivaut à celui d'un secrétaire d'État — à l'ancienne skieuse alpine María José Rienda, vainqueure de six des neufs épreuves de slalom géant lors de la coupe du monde -. Elle est alors la première femme à prendre la direction du principal organe de la politique sportive du gouvernement espagnol[192].
En trois semaines, le gouvernement a pourvu près de 144 postes de second rang administratif, dont 86 hommes et 58 femmes, ce qui rompt avec la nette prépondérance féminine du conseil des ministres. S'il y a 16 directrices générales pour neuf directeurs, on compte en revanche dix secrétaires généraux pour trois secrétaires générales et six directrices de cabinet sur 18. Sur les 19 délégations du gouvernement, la parité est atteinte avec neuf femmes titulaires, tandis que 12 femmes sont nommées parmi les 27 secrétaires d'État. La porte-parole du gouvernement Isabel Celaá avait pourtant indiqué que lors du conseil des ministres du , Pedro Sánchez avait fait part de sa volonté de respecter l'équilibre et l'égalité hommes/femmes dans les nominations aux hautes fonctions administratives[193].
Au total, 18 membres de la commission exécutive du PSOE ont intégré des responsabilités exécutives, dont trois ministres et 15 fonctions de second plan : deux secrétaires d'État, trois délégués du gouvernement, l'ambassadeur auprès de l'OCDE, le président du Centre de recherches sociologiques (CIS) et deux conseillers du président entre autres. Ainsi, 37 % des secrétaires du parti appartiennent à l'appareil gouvernemental. Parmi eux, seul le secrétaire aux Études et président du CIS José Felix Tezanos remet sa démission de la direction du PSOE[194]. En réorganisant la présidence du gouvernement, Sánchez y crée la plus importante administration de l'histoire démocratique. Sept personnes occupent ainsi un poste de rang équivalent à un secrétaire d'État ou un sous-secrétaire, deux de plus que Mariano Rajoy. Bien que le bureau économique du président du gouvernement (OEPG) ait été supprimé, le nombre de directions générales passe de huit à 15[195].
Au début du mois d', Ciudadanos dénonce le fait que 44 % des membres de la direction socialiste exercent une charge publique sur désignation du gouvernement. Parlant de « désignations arbitraires » (en espagnol : dedazos), le parti d'Albert Rivera convoque devant le Congrès plusieurs dirigeants d'entités publiques, comme le président de la SEPI Vicente Fernández, ex-contrôleur de la Junte d'Andalousie, le président de Paradores de turismo Óscar López, ancien secrétaire à l'Organisation du PSOE, ou encore le président de Correos Juanma Serrano, ex-directeur de cabinet de Sánchez[196] - [197].
Politique de mémoire historique
En , il annonce la volonté de son gouvernement de faire retirer la dépouille de Francisco Franco du mémorial du Valle de los Caídos, dans la communauté de Madrid. Expliquant que « l'Espagne ne peut se permettre des symboles qui divisent les Espagnols », il affirme agir conformément à la volonté exprimée par le Congrès des députés : « le gouvernement doit gouverner avec le Parlement, qui en , a clairement dit que la dépouille de Franco doit être exhumée, remise à sa famille, et que le Valle de los Caídos devienne un mémorial de la lutte conte le fascisme ». La résolution parlementaire — votée sans l'appui du Parti populaire et de la Gauche républicaine de Catalogne — demandait également que la dépouille de Primo de Rivera soit déplacée dans un lieu moins prééminent de l'édifice. Plus tôt dans la journée, le porte-parole du PSOE Óscar Puente considérait que « c'est le moment » de prendre cette décision, tandis que la vice-secrétaire générale du PP Andrea Levy dénonçait le « sectarisme » des socialistes[198]. Il fait savoir que l'objectif du cabinet est de réaliser le transfert de la dépouille de Franco pendant le mois de . Le déplacement des restes mortels est prévu sans cérémonie et discrètement, à la fois pour éviter toute forme de manifestation et pour donner un sentiment de normalité à cet événement. Le Valle de los Caídos est ensuite censé devenir un « lieu de culte et de réconciliation »[199].
C'est finalement deux mois plus tard que le conseil des ministres adopte un décret-loi modifiant la loi de mémoire historique de afin de permettre l'exhumation de Franco. Le texte, qui qualifie d'« urgent » le déplacement du corps de l'ancien Caudillo, donne 15 jours à ses descendants pour assumer la prise en charge des restes mortels. Passé ce délai, ce sera au gouvernement espagnol de décider où ceux-ci seront déplacés. Quelques jours plus tôt, la Gauche républicaine de Catalogne s'était dite prête à soutenir la ratification du décret-loi au Congrès, à condition que soient annulés les jugements du franquisme, notamment celui ayant condamné Lluís Companys à mort en . Bien que la réforme législative ne le prévoie pas, la vice-présidente Carmen Calvo précise que l'exécutif souhaite que le décret-loi soit soumis au Parlement selon les règles d'un projet de loi, ouvrant la voie à des amendements des groupes parlementaires[200] - [201]. Le texte est adopté en séance publique le suivant, par 176 voix pour et 165 abstentions, aucun parti n'ayant voté contre[202].
Mais les membres de la famille de Franco font ensuite connaître son intention d'enterrer leur aïeul au sein de la cathédrale de l'Almudena de Madrid, un monument situé en plein cœur de Madrid et très visité où elle dispose d'un caveau familial[203]. Cette hypothèse apparaît à la gauche espagnole comme pire que la situation initiale : ce qui était perçu comme une importante victoire politique et symbolique pour Sánchez se transforme alors en camouflet[204]. Le Tribunal suprême ayant rejeté le le dernier recours déposé par la famille Franco, le gouvernement annonce le que la dépouille sera exhumée de son mausolée trois jours plus tard et réinhumée au cimetière du Pardo, chaque opération se déroulant dans l'intimité familiale mais en présence de la ministre de la Justice Dolores Delgado[205]. L'enlèvement du corps puis le nouvel enterrement se produisent comme prévu, le président du gouvernement déclarant à cette occasion que « L’hommage public au dictateur était plus qu’un anachronisme ou une anomalie, c’était un affront à la démocratie espagnole. Y mettre fin était un devoir pour les générations qui n’ont pas grandi sous le traumatisme de la guerre civile et du franquisme »[206].
Dans la continuité de sa politique de mémoire historique, il se rend le dans le sud de la France, et devient le premier président du gouvernement à se recueillir sur les tombes du dernier président de la République espagnole, Manuel Azaña, à Montauban, du poète Antonio Machado, à Collioure, et au cimetière espagnol d'Argelès-sur-Mer, où reposent des exilés de La Retirada. À son propos, il évoque « l’un des épisodes les plus tragiques et les plus injustes de l’histoire de l’Espagne » et juge que « l’Espagne s’est amputée d’une partie d’elle même ». Au sujet des descendants des 475 000 exilés « qui durent abandonner leur patrie simplement pour leurs idées politiques », il présente les excuses de l'État « parce que cet hommage a beaucoup tardé, arrive trop tard »[207] - [208].
Réforme de la télévision publique
Le conseil des ministres du adopte un décret-loi modifiant la désignation des dirigeants de la Radiotelevisión Española (RTVE), le service public audiovisuel. Ce même jour le mandat du président de la RTVE et du conseil d'administration échoit, et les Cortes Generales n'ont pas lancé l'appel public à candidature pour les remplacer. Afin d'éviter que la RTVE se retrouve sans direction, Sánchez fait approuver par son gouvernement une modification législative en urgence, qui devra être ratifiée par les parlementaires à posteriori. Elle autorise les deux chambres à désigner à titre provisoire, jusqu'à ce qu'elles soient en mesure de le faire via l'appel public à candidature. Dans un délai de 15 jours, le Congrès devra avoir désigné six administrateurs et le Sénat quatre, par un vote à la majorité des deux tiers. En cas d'échec, la désignation se fera à la majorité absolue, tant qu'elle bénéficie du soutien de la moitié des groupes parlementaires. Si la chambre haute ne désigne pas les administrateurs qui lui sont dévolus ou seulement une partie, les vacances éventuelles seront couvertes par la chambre basse. Au cas où les Cortes ne seraient pas capable de former le conseil d'administration, le gouvernement désignera un administrateur unique. Le décret-loi fixe par ailleurs les règles de composition du comité d'experts chargé de valider les candidatures aux postes d'administrateurs, objet de dissensions entre le PP et Ciudadanos d'une part et le PSOE et Podemos d'autre part. La réforme permet au PP de proposer quatre administrateurs, le PSOE trois, Podemos deux et Ciudadanos un[209].
Peu avant le conseil des ministres, la porte-parole des députés socialistes Adriana Lastra indique que le gouvernement bénéficiera de la majorité requise pour ratifier le décret-loi au Congrès des députés, soit 176 voix au moins. Sans préciser quels groupes ou formations politiques appuient la réforme, elle annonce simplement que « il y a une majorité de députés qui comprend qu'il faut régénérer RTVE, qu'elle soit une télévision de qualité, où l'on respecte le travail des professionnels et qui offre l'information véridique à laquelle les citoyens ont droit ». Le Parti populaire et Ciudadanos font alors savoir qu'ils n'ont pas l'intention de voter en faveur du texte du gouvernement[210] - [211]. Le député Ramón Moreno annonce au lendemain de l'adoption du décret-loi que le PP déposera un recours devant le Tribunal constitutionnel, estimant que ce texte retire aux chambres leurs compétences constitutionnelles et dénonçant une « quasi-prévarication »[212].
Quatre jours plus tôt, Sánchez avait appelé les Cortes Generales à procéder à la désignation du conseil d'administration, ajoutant qu'en cas d'échec « le gouvernement ne regardera pas de l'autre côté », précisant que l'exécutif devra « exhorter le Congrès à ne pas retarder ce nécessaire renouvellement ». Il avait également réaffirmé son engagement pour un service public de l'information, une télévision et une radio publiques indépendants, qui ne soient soumis au diktat d'aucun parti politique[213].
Le , trois jours après que le Congrès a échoué à une voix près à élire les dix membres du conseil de la RTVE du fait d'une erreur de vote de deux parlementaires, l'exécutif trouve un accord avec les partis ayant voté la motion de censure afin de désigner la journaliste Rosa María Mateo, personnalité historique de la radiotélévision publique, comme administratrice provisoire unique. Alors que le PSOE la présente comme « une personne de grand prestige et à la trajectoire irréprochable », Podemos juge qu'elle se conforme parfaitement à ses exigences, à savoir « une grande expérience de l'entreprise et le respect des salariés ». Le gouvernement estime qu'il s'agit d'une « figure iconique, avec une très large expérience professionnelle et qui — par son seul mérite — est devenue le visage télévisuel de la transition »[214]. À l'inverse, le Parti populaire s'y oppose, dénonçant une personnalité « sans aucune expérience de gestion » qui « représente la pire époque de la RTVE », connue comme « telePSOE » au début des années [215]. Le Congrès approuve le la désignation de Mateo par 180 voix pour, soit quatre de plus que la majorité requise et deux de plus que le résultat attendu. Deux jours plus tôt, elle avait échoué à obtenir les 234 votes nécessaires lors du premier tour de scrutin[216].
Fiscalité et budget
Au début du mois de , le gouvernement obtient de la Commission européenne une marge budgétaire de 5,5 milliards d'euros après avoir négocié à la hausse son objectif de déficit public pour , tout en restant dans la limite des 3 % du pacte de stabilité. Cette somme est affectée à 40 % aux communautés autonomes, dont l'autorisation de déficit est ainsi multipliée par trois. De cette manière, Sánchez apporte aux régions une compensation à son renoncement de réformer le système de financement territorial avant la fin de la législature. Les 60 % sont accordés au système de Sécurité sociale, dont le déficit se creusera ainsi jusqu'à 1,3 % du PIB, soit les deux tiers du déficit des administrations publiques pour [217].
Sánchez annonce ensuite sa volonté de modifier l'impôt sur les sociétés pour que le taux d'imposition réel des grandes entreprises ne soit jamais inférieur à 15 %, de mettre en place la « taxe Google », un impôt basé sur les recettes réalisées par les grandes entreprises du numérique grâce à leurs opérations sur le territoire espagnol, d'instaurer un « impôt fléché » sur le secteur bancaire afin de « compléter les cotisations sociales et contribuer à maintenir la dignité des pensions de retraite » et de créer des mécanismes fiscaux pour lutter contre les mauvaises pratiques environnementales[218]. Il indique également qu'il souhaite réviser le code général des impôts pour éviter à l'avenir les amnisties fiscales, tout en admettant que la loi ne lui permet pas de dévoiler — comme il s'y était engagé — les noms des bénéficiaires de celle décidée par le ministre des Finances de Rajoy, Cristóbal Montoro[219].
Lors du vote du , le Congrès rejette la nouvelle trajectoire de déficit public pour la période - : seuls le PSOE, le Parti nationaliste basque et Nouvelles Canaries votent pour, soit 88 voix favorables, contre 173 refus et 86 abstentions principalement issues d'Unidos Podemos, du Parti démocrate européen catalan et de la Gauche républicaine de Catalogne. À l'exception du vote raté sur le renouvellement du conseil d'administration de la RTVE, il s'agit du premier échec de Sánchez lors d'un scrutin à la chambre basse des Cortes depuis son arrivée au pouvoir. En conséquence, les pouvoirs publics ne pourront avoir recours aux 5,5 milliards d'euros supplémentaires négociés avec l'Union européenne au début du mois, puisque les précédents objectifs de déficit établis par le Parti populaire restent en vigueur. En revanche, le plafond des dépenses des administrations publiques pour — en hausse de 4,4 % par rapport à celui de et qui sert de base à l'élaboration de la loi de finances — n'est pas affecté par ce vote parlementaire[220].
Le , María Jesús Montero arrive à un accord avec Pablo Echenique de Podemos en vue de réformer la loi organique de stabilité budgétaire : il s'agit d'en réviser l'article 15 pour retirer au Sénat son pouvoir de veto sur l'adoption de la trajectoire pluriannuelle de déficit public, puisqu'en vertu de la législation en vigueur un vote négatif de la chambre haute oblige l'exécutif à présenter une nouvelle proposition de programmation pluriannuelle[221]. En conséquence de cet accord, le gouvernement renonce à proposer de nouveau sa trajectoire de déficit pour la période - — pourtant approuvée la même semaine par le Conseil de la politique fiscale et financière (CPFF) et la Commission nationale de l'administration locale (CNAL) — jusqu'à ce que la réforme de la loi organique entre en vigueur[222]. La Gauche républicaine de Catalogne, le Parti démocrate européen catalan et le Parti nationaliste basque indiquent soutenir cette modification législative[223], tandis que le Parti populaire et Ciudadanos la critiquent vertement, le PP annonçant avoir l'intention de recourir « à tous les instruments parlementaires et juridiques » possibles pour l'empêcher[224].
Pedro Sánchez et le secrétaire général de Podemos Pablo Iglesias signent le suivant un accord pour l'élaboration du projet de loi de finances pour . Les socialistes et Podemos s'accordent sur une hausse du salaire minimum à 900 euros mensuels, un alignement de la hausse des pensions de retraite sur l'inflation, une progression de 3 % des pensions les plus faibles, une augmentation de 200 millions d'euros du budget pour le logement, 237 millions supplémentaires alloués à la recherche et à l'innovation, un budget de 330 millions d'euros pour faciliter la scolarisation des 0-3 ans, l'encadrement des loyers dans les zones tendues identifiées par les mairies, une réforme des cotisations sociales des travailleurs indépendants pour les aligner sur leurs revenus réels, le rétablissement des cotisations sur les heures supplémentaires, l'alignement du congé de paternité sur le congé de maternité, une hausse de 62 % des allocations familiales pour réduire la pauvreté infantile. L'impôt sur le revenu augmente de deux points pour les revenus annuels supérieurs à 130 000 euros et de quatre points pour ceux qui dépassent 300 000 euros, tandis que l'impôt sur le patrimoine progresse d'un point pour les fortunes supérieures à dix millions d'euros. Une taxe de 0,2 % sur les transactions financières réalisées en Espagne est instaurée, de même qu'un taux minimum de 15 % d'impôt sur les sociétés pour les entreprises au bénéfice supérieur à 20 millions d'euros et un impôt de 3 % sur la publicité en ligne pour toucher les entreprises du numérique. Cet accord permet au gouvernement de soumettre à la Commission européenne un projet de budget bénéficiant du soutien de 151 députés[225] - [226] - [227].
Réformes institutionnelles
Il annonce le son intention de proposer une révision de la Constitution de afin de limiter le privilège de juridiction (aforamiento) dont bénéficie le personnel politique : à l'avenir, les titulaires de mandats et fonctions politiques nationaux seraient responsables devant les tribunaux ordinaires de leurs actes accomplis en dehors de l'exercice de leur charge. Il indique que cette réforme peut se faire en 60 jours via un dispositif déjà employé sept ans plus tôt pour inscrire le principe de stabilité budgétaire dans le texte constitutionnel[228].
Le secrétaire général du Parti populaire Teodoro García Egea se montre extrêmement critique, dénonçant à la fois un « écran de fumée » visant à détourner l'attention et un cadeau fait aux « putschistes » catalans, mais se dit ouvert à la discussion tout en appelant à ce que le privilège de juridiction soit maintenu pour le roi émérite[229]. La porte-parole de Podemos Noelia Vera salue « avec joie » l'annonce de Sánchez, mais fait savoir que son parti souhaite voir l'abrogation étendue à l'ancien monarque Juan Carlos Ier et que la modification constitutionnelle permette de garantir le droit au logement, à l'éducation, à la santé et avance sur la question territoriale[230]. Le secrétaire général de Ciudadanos José Manuel Villegas, dont le parti est favorable au principe de la réforme, se dit lui aussi ouvert à aborder la possible suppression du privilège de juridiction de l'ex-souverain espagnol[231].
Résultats économiques
La politique économique de son gouvernement, qui vise à relancer l'économie en augmentant les dépenses et en luttant contre l'austérité économique imposée par son prédécesseur, couplée à l'augmentation de 22 % du salaire minimum espagnol en un an, obtient de bons résultats : l'inflation est en baisse depuis son arrivée au pouvoir[232], tout comme le taux de chômage, et le pays enregistre en 2019 son plus important taux de croissance depuis 2017[233]. Les prévisions indiquent que la production espagnole augmentera de 2,3 % en 2019, soit le double de la moyenne de la zone euro[234].
L'Institut national de la statistique (INE) annonce en que la croissance du PIB en 2018 a atteint 2,6 %, soit 0,1 point que plus que le chiffre annoncé en janvier, notamment du fait d'importations plus faibles que calculé initialement. Il s'agit cependant du plus faible taux de croissance depuis 2014. Parallèlement, la dette publique finit l'année 2018 à 97 % de la richesse nationale, en recul de 1,1 point par rapport à fin 2017, mais en repartant à la hausse sur le dernier trimestre. Le taux de chômage tombe à 14,45 % de la population active, après une année marquée par plus de 560 000 créations d'emplois, un record depuis le début de la crise économique[235] - [236] - [237].
En , l'INE indique que le taux de croissance est en recul à 2 % du PIB, dans un contexte de ralentissement de l'économie mondiale. Par ailleurs, le chômage recule à 13,78 % de la population active après que le pays a créé 402 000 emplois nouveaux. La Banque d'Espagne annonce le mois suivant que la dette publique atteignait 95,5 % du PIB fin 2019, soit 0,4 point de moins que l'objectif fixé[238] - [239] - [240]
Dissolution
Il annonce le , à la suite d'un conseil des ministres extraordinaire, son intention de demander au roi d'Espagne la dissolution des Cortes Generales et de convoquer des élections générales anticipées le suivant. Cette décision intervient deux jours après que le Congrès des députés a rejeté son projet de loi de finances pour l'année , cinq jours après une manifestation convoquée par le Parti populaire, Ciudadanos et Vox en faveur de « l'unité de l'Espagne » et contre l'indépendantisme catalan, et une semaine après la rupture du dialogue entre le gouvernement, la généralité de Catalogne et les partis indépendantistes[241].
Le processus d'élaboration des listes de candidats au Congrès et au Sénat est marqué par une importante rénovation, puisque 44 députés sur les 84 sortants ne sont pas reconduits. Certains poids lourds de son premier mandat à la tête du PSOE, comme l'ancien secrétaire à l'Organisation César Luena, l'ex-porte-parole parlementaire Antonio Hernando, ainsi que la députée de Murcie María González Veracruz, se trouvent exclus des listes. Il en va de même pour des figures du groupe parlementaire, comme l'ancien numéro deux du parti et élu sous huit législatures Ciprià Císcar ou l'ancien directeur de cabinet de Zapatero José Enrique Serrano[242]. Au total, 80 % des candidats à un siège de député et 86 % de ceux cherchant à conquérir un mandat de sénateur sont présentés pour la première fois, un chiffre qui tombe à 57 % pour les têtes de liste au Congrès et 80 % pour celles du Sénat[243].
La formation des candidatures dans les huit circonscriptions andalouses est l'occasion d'un affrontement assez net entre Pedro Sánchez et Susana Díaz. Lors de la constitution des listes pour les élections andalouses du 2 décembre 2018, la direction nationale avait laissé la main au PSOE-A, qui n'avait accordé aucune place aux soutiens du secrétaire général. Pour celles des élections générales, Sánchez entend avoir la main, et empêche ainsi Antonio Pradas, Micaela Navarro ou Miguel Ángel Heredia de se présenter au Congrès, les deux derniers étant déplacés sur des candidatures sénatoriales. Il impose ses proches à des places stratégiques, comme Alfonso Rodríguez Gómez de Celis et Paco Salazar en deuxième et quatrième à Séville, tandis que quatre ministres sont placés en tête de liste, dont celui de l'Intérieur Fernando Grande-Marlaska à Cadix, malgré son absence de liens avec ce territoire. Réagissant publiquement lors du comité fédéral de ratification du , Díaz déclare simplement « prendre note » de ces candidatures et de l'impossibilité de trouver un accord avec la direction du parti[244] - [245] - [246].
Nette victoire
Au soir du scrutin, le PSOE l'emporte pour la première fois depuis les élections générales de 2008. Avec 28,7 % des suffrages exprimés, il fait élire 123 députés au Congrès et devance le Parti populaire (PP), en déroute, de plus de 12 points de pourcentage. Bien qu'une hypothétique coalition avec Unidas Podemos ne totalise que 165 élus, soit 11 de moins que la majorité absolue, le Parti socialiste est la seule formation en mesure de forger une majorité parlementaire pour gouverner. Dans la soirée, il prend la parole devant les sympathisants socialistes réunis face au siège du parti à Madrid et affirme que « les Espagnols veulent clairement que le PSOE gouverne et conduise le pays ». Aux cris de « Avec Rivera non ! » poussés par les militants présents, en référence à la possibilité arithmétique de constituer une alliance avec Ciudadanos bénéficiant de la majorité absolue, il répond « je crois que c'est assez clair, non ? ». Au Sénat, les socialistes parviennent à briser l'hégémonie acquise en 1993 par les conservateurs et conquièrent une très nette majorité absolue 121 sièges sur 206 pourvus directement, contre 43 aux élections de 2016[247] - [248].
Environ un mois plus tard se tiennent les élections municipales, aux parlements des communautés autonomes et européennes du . Au niveau régional, le PSOE l'emporte dans 10 des 12 territoires concernés, rassemblant la majorité absolue dans ses fiefs de Castille-La Manche et d'Estrémadure, s'imposant pour la première fois dans les îles Baléares, bénéficiant de la possibilité de reprendre le gouvernement de La Rioja après 24 ans d'opposition. Ce bon résultat est gâché par la victoire des partis de droite dans la communauté et la ville de Madrid. Face à la possibilité que le parti Vox, classé à l'extrême droite, accède aux responsabilités dans certaines communes et régions, Sánchez appelle solennellement, lors d'une intervention qui n'était pas prévue, Ciudadanos à reconsidérer son véto absolu à toute alliance avec les socialistes[249] - [250]. Le scrutin européen est lui aussi dominé par les socialistes, qui font élire 20 de leurs candidats sur 54 sièges à pourvoir en rassemblant 32 % des voix, ce qui correspond à une délégation renforcée de 50 % par rapport à la législature sortante[251].
De nouveau candidat du roi à la présidence
Le , après deux jours de consultation des différents partis politiques représentés au Congrès, le roi Felipe VI propose Sánchez comme candidat à la présidence du gouvernement. Réagissant à cette désignation, il affirme accepter cette mission avec « honneur et responsabilité » et exprime « [sa] profonde gratitude envers le peuple espagnol ». Il appelle alors les autres formations à agir « avec de la hauteur de vue et une grande responsabilité » comme lui-même s'engage à le faire. Il précise que pour lui, « soit le PSOE gouverne, soit le PSOE gouverne » car « il n'existe pas de majorité alternative ». Il explique avoir l'intention de « former un gouvernement aussi vite que possible » et « gouverner selon des valeurs progressistes, en construisant de grands consensus, en dialoguant avec tous » pour faire « avancer » l'Espagne en respectant la justice sociale. Il n'apporte pas plus de précision sur la manière dont il compte concrètement remporter le vote d'investiture ou sur ses intentions concernant la volonté d'Unidas Podemos de constituer une coalition avec participation à l'exécutif[252].
Il se réunit cinq jours plus tard avec le chef de file d'Unidas Podemos Pablo Iglesias et les deux dirigeants s'accordent pour constituer un « gouvernement de coopération », sans préciser concrètement à quoi correspond cette formule. Si pour les socialistes il s'agit d'un gouvernement minoritaire comprenant des indépendants proposés par Podemos, ces derniers estiment que cela correspond à un cabinet au sein duquel ils seront libres de désigner une partie des membres. La porte-parole parlementaire du PSOE Adriana Lastra rappelle cependant que les deux formations ne disposent pas de la majorité absolue et que certains partis nécessaires pour l'obtenir s'opposent à la présence d'Iglesias au sein du conseil des ministres[253]. Au cours d'un nouvel entretien le , Sánchez propose à Iglesias qu'Unidas Podemos soit « le partenaire de référence » du Parti socialiste au cours de la législature, s'engageant ainsi à étudier et négocier avec eux les principaux dossiers à traiter sans chercher à bâtir des majorités à géométrie variable, que les deux partis signent un accord d'investiture qui marquera l'agenda politique des années à venir, et que Podemos accède à des hautes fonctions administratives au sein des ministères mais sans en diriger aucun[254]. La proposition est rejetée par la formation de gauche radicale, pour qui cela reviendrait à « exécuter des politiques imaginées par d'autres, par des ministres socialistes » et « cela n'a pas de sens »[255].
Blocage des négociations avec Podemos
Une nouvelle rencontre entre le président du gouvernement et le secrétaire général de Podemos le confirme le blocage des discussions entre eux. Iglesias informe Sánchez qu'il est prêt à voter contre sa reconduction au pouvoir et ce dernier réplique que, avec ou sans accord, il ira au vote d'investiture au cours du mois de juillet. De fait, il déclencherait le compte à rebours de deux mois amenant à la convocation de nouvelles élections en cas d'échec du Congrès à désigner le nouveau chef de l'exécutif. Au cours de cette entrevue, le secrétaire général du PSOE réitère sa proposition du , en y ajoutant la création d'une commission de suivi de l'application du programme d'investiture, sans convaincre son interlocuteur[256]. Durant sa conférence de presse postérieure au sommet du G20 à Osaka le , Sánchez juge que « l'Espagne ne peut pas et ne doit pas s'arrêter », cherchant à mettre la pression sur Podemos pour qu'il permette la constitution du gouvernement le plus rapidement possible, et indique « vouloir gouverner depuis la gauche, en menant des politiques progressistes ». Il souligne par ailleurs que « les élections ont été recherchées par la droite comme un plébiscite pour me renverser, et le résultat a été sans appel », dénonçant que « la deuxième et la troisième force politique proposent seulement le blocage » et réitérant son appel à l'abstention du Parti populaire et de Ciudadanos[257].
Après s'être mis d'accord avec la présidente du Congrès pour organiser son débat d'investiture les 22 et , Sánchez retrouve Pablo Iglesias le , mais tous deux ne peuvent que constater leur désaccord qui se focalise sur la constitution d'une coalition avec participation gouvernementale[258] - [259]. Deux jours plus tôt, la commission exécutive du PSOE avait soutenu à l'unanimité la posture de son secrétaire général et proposé un « gouvernement monocolore » socialiste intégrant des « indépendants reconnus » et permettant l'entrée de représentants de Podemos au sein de la haute administration[260]. De son côté, la formation de la gauche radicale s'engage à soutenir la position du Parti socialiste sur les dossiers régaliens et notamment la question catalane, objet de désaccords profonds entre eux puisque Podemos appuie l'idée d'un référendum d'indépendance négocié et s'était opposé en 2017 à l'application de l'article 155 de la Constitution[261]. Deux jours plus tard, le président du gouvernement propose une nouvelle formule au secrétaire général de Podemos, qui verrait l'intégration au conseil des ministres d'indépendants proposés par le parti de la gauche radicale et certains de ses membres ayant un profil de « technicien » mais aucun représentant de la direction, une suggestion rejetée par Iglesias pour qui aucune forme de véto ne peut être acceptée. Sánchez estime que les positions politiques défendues par son interlocuteur amèneraient le cabinet à verser dans la « contradiction » alors qu'il cherche à constituer un exécutif « cohérent et uni »[262].
En réaction aux difficultés rencontrées, la direction de Podemos décide de consulter sa base militante par un vote, proposant aux adhérents de soutenir soit la proposition d'une « coalition intégrale » comportant un accord programmatique et la participation au gouvernement, soit l'idée du PSOE d'un accord politique d'investiture et de postes administratifs au sein des différents départements ministériels[263]. Lors d'une interview le , Sánchez annonce la rupture des échanges avec Podemos, dénonçant que ce parti a opposé un refus à « cinq propositions différentes » pour gouverner ensemble, et qu'Iglesias a convoqué un référendum militant « portant sur de fausses questions ». Il indique qu'en cas de vote négatif, Unidas Podemos exprimerait ainsi la même opinion que Vox[264]. Podemos annonce le que 70 % des militants ayant pris part au vote interne soutiennent l'idée d'une coalition intégrale, donc de l'entrée de leur formation au sein du gouvernement, le taux de participation s'élevant à 26 % des inscrits et 72 % des « membres actifs »[alpha 2] - [265].
Au lendemain de cette annonce, Pablo Iglesias indique qu'il renonce à faire partie du gouvernement, alors qu'il prétendait jusqu'à présent à un poste de vice-président, afin de ne pas être « une excuse à l'absence d'un gouvernement de gauche ». Il exige en échange que son parti puisse proposer les ministres qu'il souhaite sans opposition de la part du PSOE et de disposer d'une présence au sein du conseil des ministres proportionnelle à son nombre de voix, ce qui inclurait cinq des 17 ministères actuels. Cette décision intervient au lendemain d'une déclaration de Sánchez présentant le dirigeant de Podemos comme « le principal écueil » pour la constitution du nouvel exécutif et renouvelant ses critiques au sujet de la question catalane[266]. Les socialistes réagissent en appelant à discuter d'abord du programme avant d'évoquer la répartition des responsabilités exécutives, soulignant que « sans véto ni obligations, nous pouvons arriver à un accord ». La direction socialiste entend toutefois que Podemos propose un certain nombre de noms de ministres et que la décision finale de les nommer ou non reviendra au président du gouvernement[267].
Échec au premier vote d'investiture
Lors de la présentation de son programme le , Sánchez multiplie les propositions et les promesses d'actions rejoignant les revendications de Podemos, dans le but affiché de séduire les députés de la gauche radicale. Il promet ainsi de faire adopter une loi sur l'euthanasie, d'abroger la loi sur la sécurité dite « loi baillon », de réindexer les retraites sur l'inflation et d'augmenter le salaire minimum jusqu'à 60 % du salaire médian, soit 1 150€ nets par mois[268]. Les dirigeants de Podemos accusent cependant les socialistes de ne leur proposer qu'un « rôle de figuration », sans aucun ministère régalien ni portefeuille marqué à gauche, tels le Travail, les Finances, la Transition écologique ou l'Égalité. Pablo Iglesias avertit ainsi que sans gouvernement de coalition, Pedro Sánchez ne sera « jamais président » du gouvernement[269]. La situation se complique le 23 avec l'intervention du porte-parole des indépendantistes catalans d'ERC Gabriel Rufián, qui prend la forme d'un ultimatum. Reprochant à Sánchez de n'avoir qu'a peine mentionné la Catalogne dans son discours de politique générale, il donne 48 heures aux deux dirigeants de gauche pour se mettre d'accord, menaçant de ne pas faire s'abstenir sa formation, un prérequis indispensable pour la reconduction de Sánchez[269].
Lors du premier vote le , Sánchez reçoit seulement 124 voix favorables, soit 52 de moins que le minimum constitutionnel requis, 170 voix contre et 52 abstentions, quatre parlementaires étant absents car placés en détention provisoire. Seul le Parti régionaliste de Cantabrie soutient, avec le PSOE, son maintien au pouvoir, tandis que le Parti populaire, Ciudadanos, Vox, ERC et Junts per Catalunya (JxCat) notamment, s'y opposent. En sus du Parti nationaliste basque, Unidas Podemos fait le choix de s'abstenir afin de démontrer sa bonne volonté dans la poursuite des négociations de coalition[270].
Nouvel échec des négociations
Juste après le vote, le président du gouvernement se réunit avec ses proches dans les bureaux du gouvernement au palais des Cortès afin d'analyser la situation et préparer une nouvelle offre en direction d'Unidas Podemos. La vice-présidente du gouvernement Carmen Calvo prend ensuite contact avec le négociateur de Podemos Pablo Echenique et tous deux se mettent d'accord pour se réunir le lendemain afin d'étudier une nouvelle proposition des socialistes[271]. À l'issue de la rencontre, le PSOE demande que la négociation soit conclue et précise qu'il « ne fera plus aucune offre », tandis que Podemos juge qu'il n'y a « aucune avancée »[272]. Sánchez téléphone dans la soirée du à Iglesias afin de l'informer qu'il n'a aucune intention d'accorder aux ministres éventuels de Podemos des compétences dans le domaine du travail, de la transition écologique et des finances publiques[273].
Un document, diffusé par la direction socialiste, révèle les propositions transmises par le Parti socialiste : la création d'une vice-présidence aux affaires sociales coordonnant toutes les politiques liées à l'État providence et d'un ministère du Logement et de l'Économie sociale, attribués à Podemos avec le ministère de la Santé et le ministère de l'Égalité restauré ; Podemos souhaitait pour sa part disposer d'une vice-présidence du gouvernement, du ministère du Travail, du ministère de la Transition écologique, du ministère de la Science, et de deux nouveaux départements, celui de la Justice fiscale et celui des Droits sociaux et de l'Égalité. Face à ces désaccords, le gouvernement annonce la rupture des négociations[274]. Gabriel Rufián prend alors l'initiative de se mettre en contact avec Pablo Iglesias et le secrétaire à l'Organisation du PSOE José Luis Ábalos afin de rouvrir le dialogue et permettre la formation d'un exécutif commun, ce qui amènerait à l'abstention de son parti et à l'investiture de Sánchez[275].
Le matin du , à deux heures du début de la session du deuxième vote d'investiture, Podemos remet une nouvelle offre socialiste, dans laquelle ils demandent l'attribution d'une vice-présidence chargée des droits sociaux et de l'égalité, et des ministères du Travail, de la Santé, et de la Science. Cette proposition est rejetée par les socialistes, qui s'en tiennent à celle qu'ils ont soumise la veille à Podemos et estiment que ce nouveau projet est à peu près le même que celui présenté précédemment par leurs interlocuteurs et qui avait été rejeté[276]. Parallèlement, la Gauche républicaine de Catalogne annonce qu'elle s'abstiendra lors du vote d'investiture, faisant reposer sur l'entente entre le PSOE et Unidas Podemos la reconduction de Sánchez au pouvoir ; Rufián appelle à cette occasion le président du gouvernement à lever son véto sur la présence d'Iglesias au sein de l'exécutif et demande à ce dernier d'approuver la proposition socialiste de répartition des portefeuilles ministériels[277].
Investiture ratée
Après une intervention au cours de laquelle il reproche à Unidas Podemos d'avoir fait primer l'obtention de ministères sur la rédaction d'un programme commun et affirme qu'il préfère renoncer au palais de la Moncloa qu'à ses convictions, il échoue à obtenir l'investiture du Congrès par 124 voix pour, 155 contre et 67 abstentions. Au cours de la session, Pablo Iglesias avait tenté une dernière fois d'obtenir un accord en proposant que sa formation soit compétente pour piloter les politiques de soutien et retour à l'emploi, sans diriger formellement le ministère du Travail, une idée rejetée par Adriana Lastra peu de temps après[278].
Cet échec ouvre, conformément à l'article 99 de la Constitution, un délai de deux mois — à compter du vote du 23 juillet — au-delà duquel de nouvelles élections devront être convoquées si le Congrès ne parvient pas à élire un nouveau chef de l'exécutif. Compte tenu des délais légaux d'organisation d'un tel scrutin, celui-ci se tiendrait le [279]. Au soir du vote, Sánchez affirme qu'il « ne jette pas l'éponge ». Constatant que c'est « la seconde fois », après l'investiture de , que ses désaccords avec Podemos bloquent son accession au pouvoir, il appelle à « revenir au point de départ et chercher de nouvelles voies » pour que l'Espagne ait un gouvernement aussi vite que possible. Il annonce vouloir rencontrer de nouveau les dirigeants du Parti populaire, de Ciudadanos et d'Unidas Podemos car « il existe des raisons suffisantes pour parler, dialoguer et se mettre d'accord entre les quatre principales forces parlementaires sur la manière de débloquer la situation », sans préciser le contenu des échanges qu'il entend mener. S'il admet se sentir « personnellement frustré » de ce qu'il vient de vivre, il assume d'avoir rejeté les exigences de Podemos car « on ne peut avoir deux gouvernements en un seul, on doit avoir un exécutif qui fonctionne sans équipe parallèle qui serait dans la récrimination permanente »[280].
Négociations avortées
Les négociations restent au point mort presque tout au long du mois d'août. Podemos finit le 27 par proposer un accord revoyant considérablement ses prétentions à la baisse, les ministères du Travail et de la Transition écologique n'y étant plus exigés. Ce dernier, rendu méfiant par les négociations infructueuses de mois de juillet, y oppose une fin de non recevoir, jugeant invivable l'existence de deux gouvernements au sein d'un même conseil des ministres, et évoquant d'« importantes différences » sur plusieurs questions régaliennes dont la Catalogne. Les socialistes s'opposent en effet au souhait de Podemos d'y organiser un référendum, préférant une réforme du statut d'autonomie[281].
Le , Sánchez réitère son intention de former un gouvernement minoritaire, sur l'exemple du Portugal, en proposant un programme commun contenant notamment l'annulation des réformes du marché du travail et des retraites de son prédécesseur Mariano Rajoy, la revalorisation des retraites et du salaire minimum — de 900 à 1125 euros mensuels —, l'augmentation des dépenses de santé et d'éducation, et le contrôle des loyers. Le coût du programme est estimé entre 30 et 36 milliard d'euros sur la durée de la législature, une dépense financée par la mise en place d'une impôt minimum de 15 % sur les entreprises qui monterait à 18 % pour les banques, la création d'une taxe sur les transactions financières, et une hausse de la fiscalité verte[282] - [283]. Bien que reconnaissant des affinités avec un tel programme, Pablo Iglesias déplore « l’incapacité » selon lui de Pedro Sánchez « à comprendre qu'il doit partager les responsabilités », rejetant à nouveau tout gouvernement qui ne soit pas de coalition. Le programme économique dévoilé par le dirigeant du PSOE est vu comme un possible programme pour les éventuelles élections à venir[282]. Le 11, les deux dirigeants se rejettent à nouveau la responsabilité du blocage, tout en assurant l'un l'autre qu'un accord serait préférable à leurs yeux que de nouvelles élections[284]. Le , le PSOE rejette un nouveau compromis de Podemos, qui les aurait vu siéger au gouvernement pendant une année, puis, en cas de désaccord à l'issue de cette période d'essai, quitter le gouvernement tout en maintenant leur confiance à un gouvernement minoritaire[285].
Les 16 et , le roi Felipe VI lance de nouvelles consultations dans le but d'éviter de nouvelles élections[286]. Le , Ciudadanos propose son abstention et celle du PP lors du vote d'investiture, en échange d'une promesse de Sánchez de ne pas gracier les séparatistes catalans en cas de condamnation éventuelle, et de rompre la coalition régionale du PSOE avec les nationalistes basques de Bildu en Navarre, au profit des partis de droite, ce que Sánchez refuse[287]. Prenant acte de la situation de blocage entre les partis, le souverain ne propose aucun candidat à la présidence du gouvernement, ouvrant la voie à la convocation de nouvelles élections le suivant[288] - [289]. La dissolution est officiellement prononcée le et prend effet le lendemain[290].
Élections anticipées de novembre 2019
Lors des élections générales du 10 novembre, le PSOE arrive de nouveau en tête mais enregistre une baisse de trois sièges. Ciudadanos s'effondre en perdant 47 de ses 57 députés, tandis que le PP et Vox — devenu troisième force politique espagnole — progressent[291].
Coalition avec Unidas Podemos
Dès le , le Parti socialiste et Unidas Podemos — également en recul avec sept députés perdus — concluent un accord de principe pour constituer un gouvernement de coalition dirigé par Pedro Sánchez avec Pablo Iglesias comme vice-président. Les deux partis s'entendent sur dix priorités et un discours commun à propos de la Catalogne, principal point de crispation entre eux : leur déclaration appelle au vivre-ensemble, au dialogue et à la normalisation de la vie politique dans le cadre constitutionnel tout en envisageant une évolution de la décentralisation espagnole[292].
Más País, Compromís et Teruel Existe saluent l'accord trouvé. Le Bloc nationaliste galicien et la Coalition canarienne évoquent la nécessité d'un engagement clair en faveur de leurs régions respectives tout en se disant prêts à dialoguer avec les nouveaux partenaires de coalition[293]. À l'inverse, l'entente entre le PSOE et UP est vertement critiquée par Ciudadanos, dont le président Albert Rivera a démissionné la veille en conséquence de son résultat électoral catastrophique[294]. Son secrétaire général annonce que ses députés ne soutiendront pas le nouvel exécutif, et sa porte-parole parlementaire, Inés Arrimadas, demande à Sánchez qu'il renonce et cherche à établir un « accord modéré et constitutionnaliste » avec le PP et eux reposant sur « de bons accords régaliens pour l'Espagne »[295]. L'ancien président du gouvernement José Luis Rodríguez Zapatero, qui avait joué un rôle de médiateur de l'ombre lors de la négociation ratée de l'été, reconnaît qu'il souhaitait la conclusion de cet accord, qu'il qualifie de « très bon » tout en reconnaissant qu'il ne s'attendait pas à ce qu'il advienne aussi vite[296].
Ratification militante de l'accord
Au lendemain de la signature, la direction du PSOE confirme que, conformément aux statuts du parti, l'accord sera soumis à la ratification de sa base lors d'une consultation des militants — dont le résultat sera contraignant — qui aura lieu le [297]. Les adhérents socialistes répondront à la question « Soutiens-tu l'accord obtenu entre le PSOE et Unidas Podemos pour former un gouvernement progressiste de coalition ? »[298]. Podemos, la Gauche unie (IU) et Catalogne en commun (CatComù) annoncent convoquer également leurs militants pour approuver le pacte de gouvernement[299].
L'alliance est clairement approuvée par les militants socialistes. Au sein du PSOE, 63 % des adhérents participent au scrutin et 92 % d'entre eux valident l'accord avec la gauche radicale. Par rapport au vote sur l'entente avec Ciudadanos en 2016, la participation augmente de 11 points et le soutien à l'accord de 13 points. Au PSC, le taux de participation est plus faible puisque seulement 44,9 % des inscrits se rendent aux urnes, mais 93,6 % d'entre eux se prononcent en faveur de la coalition. L'objectif de la direction d'obtenir un appui plus important que lors du scrutin interne de 2016 est donc atteint. À cette époque, Sánchez était cependant critiqué par les dirigeants régionaux du parti pour son pacte avec le parti d'Albert Rivera, alors que l'alliance avec Podemos était seulement remise en cause par d'anciens hauts responsables sans aucune fonction interne, comme Felipe González, Alfonso Guerra ou Juan Carlos Rodríguez Ibarra[300].
Troisième candidature à la présidence
Le soir du , après avoir consulté 18 forces politiques en deux jours, le roi Felipe VI convoque Pedro Sánchez et lui propose d'être une nouvelle fois candidat à l'investiture du Congrès des députés, ce que ce dernier accepte pour la deuxième fois en 2019 et pour la troisième fois depuis 2016. Lors d'une conférence de presse postérieure, tenue au palais de la Moncloa, il annonce qu'il s'entretiendra avec le président du Parti populaire Pablo Casado et la porte-parole parlementaire de Ciudadanos Inés Arrimadas, ainsi qu'avec le président de la généralité de Catalogne Quim Torra et les présidents des communautés autonomes. Cette prise de contact avec le dirigeant catalan est perçue comme un geste en direction de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), avec laquelle les socialistes négocient en vue de leur abstention lors du vote de confiance, une posture indispensable pour le maintien de Sánchez au pouvoir[301].
Renonçant de facto à obtenir le soutien du Congrès des députés avant la fin de l'année, ce qui était son objectif premier, il annonce par ailleurs que la porte-parole parlementaire du PSOE Adriana Lastra — qui mène les négociations avec ERC — prendra contact avec toutes les formations parlementaires pour sonder leur position, ce qui inclut l'extrême droite de Vox et les séparatistes basques de Bildu, partiellement héritiers de Batasuna. Malgré toutes ces rencontres et mises en relation, il continue de privilégier l'option choisie au lendemain des élections, à savoir la formation d'un gouvernement minoritaire de coalition avec Unidas Podemos avec le soutien du Parti nationaliste basque (EAJ/PNV), d'un certain nombre de petites formations et mouvements régionalistes, et l'abstention de la Gauche républicaine[302].
Accords et débat d'investiture
Le , Sánchez et Iglesias signent leur accord de coalition, un texte de 50 pages contenant de fortes mesures sociales comme l'encadrement de la hausse des loyers, l'abrogation de la loi de sécurité publique connue comme la « loi bâillon », une hausse de l'impôt sur le revenu pour les plus aisés, l'instauration d'un revenu minimum vital, la suppression des franchises médicales, la légalisation de l'euthanasie, un plan de lutte contre l'exode rural et une loi instituant la laïcité de l'État[303] - [304]. Il ratifie peu après un accord de législature avec le Parti nationaliste basque (EAJ/PNV)[305].
Il s'assure ensuite le soutien de Más País-Equo[306], Compromís[307], Nueva Canarias (NC), Teruel Existe (TE)[308], du Bloc nationaliste galicien (BNG)[309], et l'abstention de Bildu[310]. Le , ERC accepte de s'abstenir en ratifiant l'accord conclu avec le Parti socialiste qui prévoit l'instauration d'une commission de négociation entre le gouvernement de l'État et le gouvernement de la Généralité dans les 15 jours suivant l'entrée en fonction du nouvel exécutif espagnol et la possibilité de soumettre les décisions de cette commission à un référendum[311].
Le contenu de l'accord avec les indépendantistes catalans entraine le retrait du soutien du Parti régionaliste de Cantabrie (PRC), avec qui les socialistes avaient maintenu l'accord d'investiture signé en [312], puis pousse la députée de la Coalition canarienne (CC) Ana Oramas à annoncer son vote défavorable lors du premier jour du débat parlementaire d'investiture, une décision dénoncée par son parti qui lui avait commandé de s'abstenir[313].
Le débat d'investiture s'ouvre devant le Congrès des députés le . En ouverture de son propos, Sánchez indique à l'attention des partis de droite que « L'Espagne ne va pas se briser, ni la Constitution ; ce qui va se briser, c'est le blocage [politique] », avant de défendre son programme politique qui prévoit la hausse du salaire minimum, de la fiscalité pour les hauts revenus et les entreprises, et une remise en cause de la réforme du marché du travail mise en œuvre en 2012. S'agissant de la crise en Catalogne, il affirme : « Nous n’allons pas résoudre du jour au lendemain un problème vieux de dix ans, mais nous pouvons y arriver [avec] générosité et empathie » et propose « de reprendre le dialogue politique en abandonnant la judiciarisation du conflit ». En réaction, le président du Parti populaire, Pablo Casado, le qualifie de « président fake » dirigeant une coalition de « communistes et séparatistes » tandis que le président de Vox, Santiago Abascal, le désigne comme « menteur, [...], traître [et] escroc ». Le porte-parole d'ERC, Gabriel Rufián, rappelle pour sa part que « si l'accord n'est pas respecté, il n'y aura pas de législature ». À l'issue de ce débat très virulent, le président du gouvernement sortant reçoit la confiance de 166 députés, l'opposition de 165 d'entre eux et 18 s'abstiennent, un résultat insuffisant pour être investi immédiatement puisque la majorité absolue des 350 parlementaires est requise, mais qui permettra de l'emporter au second tour le , où la majorité simple suffit[314] - [315].
Courte investiture et assermentation
Le , Pedro Sánchez est investi pour un nouveau mandat au poste de président du gouvernement par le Congrès des députés, après presque neuf mois de gestion des affaires courantes. Il emporte l'élection au second tour par 167 voix favorables contre 165 oppositions et avec 18 abstentions, ce qui constitue le résultat le plus serré depuis l'entrée en vigueur de la Constitution de 1978[316]. C'est alors la première fois qu'il remporte un vote d'investiture, ayant échoué les deux fois précédentes puis accédé au pouvoir par l'adoption d'une motion de censure[317].
Au cours des débats ayant précédé le vote, il appelle de ses vœux à « se débarrasser du climat toxique » et « de l'atmosphère d'irritation » qui traverse le pays selon lui en citant le dernier président de la République espagnole Manuel Azaña, qui affirmait que les Espagnols « sont tous les enfants de la même terre et dépendants du même fleuve ». En réponse, Pablo Casado, qui dénonce un « pacte avec l'extrême gauche, les indépendantistes et les batasunistes » formant « le gouvernement le plus radical de l'histoire », s'appuie à son tour sur une phrase d'Azaña : « Je tolère qu'ils attaquent la République, mais jamais qu'ils attaquent l'Espagne »[318].
Le décret royal portant sa nomination est publié dès le lendemain au Bulletin officiel de l'État (BOE)[319]. Il prête serment quelques heures plus tard, au palais de la Zarzuela, au cours d'une courte cérémonie devant le roi, les présidentes des assemblées parlementaires, les présidents du Tribunal suprême et du Tribunal constitutionnel, et la ministre de la Justice Dolores Delgado. À la suite de son assermentation, il plaisante avec Felipe VI sur la brièveté de la cérémonie comparée à la durée de la crise politique, ce à quoi le monarque lui rétorque que « cela a été simple, rapide et sans douleur. La douleur, c'est pour après »[320]. Comme lors de sa première prestation de serment en , il choisit — conformément aux règles de protocole mises en place après le couronnement de Felipe VI — de tenir la cérémonie sans symboles religieux, simplement devant un exemplaire de la Constitution ouvert à la page de l'article 99, qui traite de l'investiture du président du gouvernement[321].
Nouveau gouvernement
Quelques minutes après avoir remporté le vote d'investiture, il fait savoir qu'il présentera la liste de ses ministres au cours de la semaine du . Cette annonce génère surprise et malaise au sein du Parti socialiste, dont les cadres s'attendaient à une assermentation du gouvernement le et un premier conseil des ministres le 10, d'autant qu'Unidas Podemos a déjà révélé qui sera chargé de diriger les ministères et secrétariats d'État qui lui reviennent[322]. Ce retard, inattendu en raison de l'insistance de Sánchez d'être investi au plus vite, est dû à la volonté du président du gouvernement d'une part d'anticiper des changements dans les niveaux supérieurs des ministères et d'autre part d'éviter la reproduction des affaires qui avaient émaillé son début de mandat avec les démissions de Màxim Huerta, puis de Carmen Montón[323].
C'est finalement le que le gouvernement sera présenté au roi avant d'être communiqué à la presse. La prestation de serment se tiendra le lendemain, pour convoquer le premier conseil des ministres le [324].
Dès le , Sánchez laisse filtrer des informations concernant la composition de son nouveau cabinet. Il confirme notamment la liste des ministres issus d'Unidas Podemos, qui compte cinq noms. Le secrétaire général de Podemos, Pablo Iglesias, se voit confier une vice-présidence du gouvernement chargé des Droits sociaux et de l'Agenda 2030 et la porte-parole parlementaire, Irene Montero, dirigera le ministère de l'Égalité, jusqu'ici rattaché à Carmen Calvo. Le coordonnateur général de la Gauche unie (IU), Alberto Garzón, prendra la tête du nouveau ministère de la Consommation, la députée galicienne d'IU Yolanda Díaz sera ministre du Travail sans les compétences liées aux pensions et à la Sécurité sociale, et le sociologue Manuel Castells, sans appartenance partisane mais proposé par le parti Catalogne en commun d'Ada Colau, occupera le nouveau ministère de l'Enseignement supérieur[325].
Il annonce en parallèle que son équipe comptera quatre vice-présidences, un chiffre inédit depuis le rétablissement de la démocratie, puisqu'en sus de Calvo — déjà vice-présidente et qui obtient les compétences en matière de mémoire historique — et Iglesias, la ministre de l'Économie Nadia Calviño et la ministre de la Transition écologique Teresa Ribera se verront confier un tel titre. La première aura la responsabilité de coordonner la politique économique et la transformation numérique de la société, et la seconde gagnera des compétences en matière de lutte contre la désertification des provinces rurales de l'Espagne intérieure. La ministre des Finances María Jesús Montero est pour sa part confirmée et prend les fonctions de porte-parole du gouvernement[326]. Le choix de créer une quatrième vice-présidence provoque un certain malaise au sein d'Unidas Podemos, puisque cette possibilité n'avait jamais été évoquée pendant les négociations avec le PSOE, et qu'elle dilue de facto la place majeure qu'occupe Iglesias au sein de la structure gouvernementale[327].
Une nouvelle série de nominations est avancée dès le lendemain. D'abord avec la création du nouveau « ministère de la Sécurité sociale, de l'Inclusion et des Migrations », qui reprendra toutes les responsabilités qui seront séparées du ministère du Travail et sera placé sous la direction de José Luis Escrivá, président de l'Autorité indépendante de responsabilité fiscale (AIReF)[alpha 3] - [328]. Ensuite, avec le choix d'Arancha González pour diriger le ministère des Affaires étrangères[329]. Ce choix d'experts économiques adeptes de la rigueur budgétaire et du libéralisme, contraste avec la volonté initiale de renforcer le poids politique de l'exécutif espagnol notamment face au défi catalan. L'objectif paraît plutôt celui de donner des gages aux autorités européennes et aux marchés du fait de l'entrée de Podemos, perçu comme un parti aux idées radicales, au sein du gouvernement. Sánchez cherche ainsi à équilibrer son équipe entre des ministres à l'idéologique communiste revendiquée et des techniciens représentant d'une ligne plus orthodoxe économiquement[330].
Trois nouveaux noms sont ensuite proposés, dont deux confirmations. Le ministre de l'Équipement et numéro trois de la direction du Parti socialiste José Luis Ábalos est maintenu dans ses responsabilités mais change de titre pour devenir « ministre des Transports, des Mobilités et des Programmes urbains »[331]. Son collègue sortant Fernando Grande-Marlaska, ministre de l'Intérieur, est lui aussi reconduit[332]. À l'inverse, la ministre de la Santé, María Luisa Carcedo, est relevée de ses responsabilités. Elle les cède à Salvador Illa, secrétaire à l'Organisation du Parti des socialistes de Catalogne (PSC)[333].
Le , à minuit de la communication officielle de la liste ministérielle, Sánchez révèle que Carolina Darias, conseillère à l'Économie du gouvernement des Canaries et ancienne présidente du Parlement canarien, dirigera le ministère de la Politique territoriale et de la Fonction publique[334] ; le porte-parole adjoint du groupe socialiste à l'Assemblée de Madrid José Manuel Rodríguez Uribes est pour sa part choisi pour succéder à José Guirao comme ministre de la Culture et des Sports[335] ; enfin, le juge et député de Cadix Juan Carlos Campo, porte-parole parlementaire du PSOE sur les thématiques de justice, est désigné pour prendre la succession de Dolores Delgado, ancienne procureure anti-terroriste, au ministère de la Justice[336].
Mesures sociales
À la suite du premier conseil des ministres tenu le , il annonce une revalorisation des pensions de retraite de 0,9 %, soit le chiffre correspondant à l'inflation attendue pour 2020, rétroactive au 1er janvier. Il précise que si le niveau d'inflation à la fin de l'année était finalement plus élevé, les retraités toucheraient une prime compensatoire dans les quatre premiers mois de l'année 2021. Il refuse en revanche de se prononcer sur la hausse de 2 à 3 % des traitements des fonctionnaires prévue pour 2020, sur l'approbation du plafond des dépenses de l'État ou du projet de loi de finances, ainsi que sur l'augmentation du salaire minimum qu'il confirme avoir l'intention de porter à 60 % du salaire médian espagnol en 2023, soit 1 200 euros par mois[337].
La hausse des traitements de la fonction publique de l'État, elle aussi rétroactive au 1er janvier, est finalement approuvée en conseil des ministres le , pour un coût de 3,12 milliards d'euros pour les finances publiques[338]. Le lendemain, le gouvernement, les syndicats et le patronat s'entendent pour une hausse de 5,5 % du salaire minimum interprofessionnel, qui se trouve ainsi porté à 950 euros mensuels, alors que l'exécutif visait initialement un objectif de 1 000 euros par mois. Là encore rétroactive au 1er janvier, cette mesure concerne plus de deux millions de salariés[339]. Son objectif est de détricoter la réforme du marché du travail mise en place sous son prédécesseur conservateur en 2012, qui a permis de réduire le chômage tout en augmentant la pauvreté du fait d'emplois précaires[340] - [341]. La première mesure est celle de réglementer les licenciements abusifs des salariés en arrêts maladies[342].
La situation de crise générée par la pandémie de Covid-19 accélère le travail pour la mise en œuvre d'un revenu minimum, déjà prévu dans l'accord de coalition entre le Parti socialiste et Unidas Podemos. La ministre de l'Économie Nadia Calviño indique ainsi le que le gouvernement souhaite « le faire dès que possible », puis le ministre de la Consommation Alberto Garzón évoque deux jours plus tard « un large consensus » et « des discussions entre plusieurs ministères pour [le] mettre au point ». Le ministre des Droits sociaux Pablo Iglesias détaille le projet comme un instrument « temporaire » dans le cadre de la pandémie, avant d'en faire « un élément structurel, permanent » puisque celui-ci était « déjà une nécessité avant la crise, avec dix millions de citoyens en situation de risque de pauvreté et 30% de pauvreté infantile en Espagne »[343]. Le , le conseil des ministres adopte la création du revenu minimum vital (Ingreso Mínimo Vital, IMV), dont le montant oscille entre 461 et 1 015 euros selon la composition du foyer, réservé aux personnes de 23 à 65 ans (voire 18 ans en cas d'enfant à charge), dont le revenu annuel se situe entre 5 538 et 12 184 euros, qui devrait sortir 850 000 familles de la pauvreté selon le ministre de la Sécurité sociale José Luis Escrivá et qui pourra être sollicité dès le [344]. Pour Sánchez, il s'agit d'« une mesure historique, pour ne laisser personne sur le bord du chemin »[345]. Le décret-loi instituant l'IMV est ratifié par le Congrès des députés le par 297 voix pour et 52 abstentions : si Vox fait le choix de la neutralité, le Parti populaire et Ciudadanos votent en faveur du texte[346].
Politique fiscale
La ministre de l'Économie et du Numérique Nadia Calviño indique le , dans le cadre du Forum de Davos, que le gouvernement espagnol a bien l'intention de mettre en place un impôt spécifique sur les grandes entreprises internationales du numérique, surnommée en Espagne la « taxe Google ». Elle précise cependant que l'adoption de cette nouvelle fiscalité ne se fera pas dans l'immédiat, préférant attendre la conclusion d'un accord global sur le sujet au sein de l'OCDE[347]. Cependant, lors d'un conseil des ministres, le gouvernement décide d'appliquer une «taxe GAFA» de 3 %, ce qui devrait permettre de récolter sur un an 968 millions d'euros. De même, le gouvernement a approuvé le principe d'une «taxe Tobin», qui doit prélever 0,2 % sur les achats et ventes d'actions de sociétés espagnoles dont la valeur en Bourse dépasse le milliard d'euros. Il s'attend à prélever 850 millions d'euros[348].
Le suivant, la ministre des Finances María Jesús Montero annonce que le gouvernement a adopté une nouvelle trajectoire pluriannuelle des finances publiques qui envisage un déficit public de 1,8 % du produit intérieur brut pour l'année 2020, soit 0,7 point de plus que ce qui avait été envisagé un an auparavant, ce qui représente neuf milliards d'euros supplémentaires. Montero qualifie cette nouvelle trajectoire de « cadre bien plus réaliste et flexible que celui dont nous disposions précédemment », ajoutant que le plafond des dépenses publiques validé par le gouvernement est en hausse de 3,8 %. En parallèle, Nadia Calviño fait savoir que la prévision de croissance économique a été abaissé de 1,8 à 1,6 % du PIB, « conformément à la prévision des principaux organismes nationaux et internationaux »[349]. Le , le Congrès approuve la nouvelle trajectoire de déficit par 164 voix pour, 150 contre et 19 abstentions, l'absence de vote défavorable de la Gauche républicaine de Catalogne se révélant de nouveau déterminante[350]. Le Sénat la ratifie le avec 133 suffrages favorables, 103 défavorables et 14 abstentions, dont celle d'ERC à nouveau[351]
Au milieu du mois de , le gouvernement renonce de facto à présenter un projet de loi de finances en raison de la concentration des ressources administratives sur la gestion de la pandémie de Covid-19 et de la crise économique qu'elle génère. La mobilisation d'importantes ressources publiques et la récession attendue rendent obsolètes la prévision de croissance et la trajectoire de déficit. L'exécutif serait donc contraint de reprendre les quatre mois de préparation budgétaire, et ceci pas avant la levée de l'état d'alerte. Devant le Congrès, Sánchez s'engage par ailleurs à présenter « un budget de reconstruction une fois la crise surmontée », le présentant comme « super social » et « protecteur des citoyens »[352].
À l'été , l'élaboration du projet de loi de finances crée des désaccords au sein de la majorité. Podemos cherche en effet à rallier la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) et souhaite donc repousser la présentation du budget pour 2021 après les élections parlementaires en Catalogne, celles-ci contraignant la stratégie politique d'ERC à Madrid ; pour la ministre des Finances, il est nécessaire de discuter « avec tous les partis », ce qui inclut les formations de l'opposition de droite comme Ciudadanos et le Parti populaire, afin de dégager des « consensus » dans la future loi de finances, quitte à laisser de côté un certain nombre d'engagements de l'accord de coalition comme l'abrogation de la réforme du droit du travail de 2012 ou encore les hausses de la fiscalité sur les hauts revenus et les grandes entreprises[353].
Le projet de loi de finances pour est finalement approuvé en première lecture par le Congrès le , par 188 ou 187 voix pour selon les différents votes. Bénéficiant du vote favorable de la Gauche républicaine de Catalogne, d'Euskal Herria Bildu et du Parti démocrate européen catalan, Pedro Sánchez obtient ainsi une majorité plus forte que lors de son investiture 11 mois plus tôt et pourra mettre un terme à la prorogation du dernier budget voté, celui proposé en par le gouvernement de centre droit de Mariano Rajoy[354]. Le Sénat ratifie à son tour le projet de budget de l'État le , sans aucun amendement, par 145 voix pour, 118 contre et deux abstentions, permettant son adoption définitive sans nécessité d'une seconde lecture au Congrès. C'est alors la première fois depuis qu'une loi de finances est approuvée par le Parlement avant la fin de l'année civile[355].
Décisions et conséquences économiques
Le gouvernement adopte le un « plan de choc » d'un montant de 18,225 milliards d'euros destiné à soutenir l'économie espagnole. Il prévoit notamment un moratoire fiscal de six mois pour les indépendants et les petites et moyennes entreprises, le déblocage de 400 millions d'euros de l'Institut du crédit officiel (ICO) pour le secteur touristique, le transfert aux communautés autonomes de 2,8 milliards d'euros pour financer les services de santé et de 25 millions d'euros pour lutter contre la pauvreté infantile, et la reconnaissance de la contamination par le Covid-19 comme accident du travail[356].
Une nouvelle batterie de mesures est annoncée le , pour près de 200 milliards d'euros, ce qui correspond à 20 % du PIB espagnol. En plus du plan de choc annoncé cinq jours plus tôt, l'exécutif décide d'allouer 100 milliards d'euros en caution pour des prêts bancaires aux entreprises, soit cinq fois plus qu'initialement envisagé. Il présente un « bouclier social » pour « protéger les familles, les entreprises, les indépendants » et que « seuls les pouvoirs publics peuvent forger ». Marqué par les conséquences sociales de la crise de 2008, le président du gouvernement décrète ainsi un moratoire sur les hypothèques ainsi que l'interdiction de couper l'eau, le gaz, l'électricité, et les communications pour les personnes en difficulté. Les salariés qui ont une personne dépendante à charge (pour raison de santé, de maladie ou de handicap) pourront réorganiser leur journée de travail et avoir recours au télétravail. Il en est de même pour les parents en raison de la fermeture des écoles. Sánchez souligne que « le télétravail est établi comme mesure principale de flexibilité quand les circonstances le permettent »[357]. Le conseil des ministres du décide d'accorder une aide de 430 euros aux travailleurs intérimaires dont le contrat est arrivé à échéance et n'ayant pas droit à l'indemnisation chômage, de verser une aide aux employés de maison qui ont perdu leur emploi ou ne peuvent plus travailler, d'un moratoire de six mois sur les cotisations sociales des indépendants et PME, de suspendre les expulsions locatives pendant six mois après la levée de l'état d'alerte, de proroger les baux locatifs de six mois, d'interdire de couper l'eau, le gaz ou l'électricité à l'ensemble des foyers, ou encore de prohiber la hausse des forfaits téléphoniques[358].
Le , Sánchez décide de renforcer les effets du confinement sur le secteur économique en restreignant les déplacements des salariés aux activités économiques essentielles. Initialement opposé à cette mesure — réclamée tant par son partenaire d'Unidas Podemos que par l'opposition et plusieurs dirigeants territoriaux — en raison de son impact économique, le président du gouvernement s'y résout après deux jours consécutifs de forte hausse du nombre de décès. Ainsi, seules les activités en lien avec l'approvisionnement alimentaire et sanitaire sont maintenues, ainsi que toutes celles qui peuvent être réalisées à distance[359]. Il indique le que cette restriction cessera d'être en vigueur, comme prévu, cinq jours plus tard, au lendemain du Jeudi Saint et prévoit que le traditionnel pont retardera le démarrage effectif des secteurs concernés au [360].
Le tourisme représentant 15 % du produit intérieur brut et 13 % des emplois espagnols, l'économie du pays pourrait être fortement affectée par la crise sanitaire et tomber en récession, puisque la reprise dans ces secteurs dépend de la levée des mesures de confinement à l'étranger, après une croissance de 2 % en 2019, supérieure à la moyenne de la zone euro. Alors que le nombre de chômeurs progresse de 300 000 et que la Sécurité sociale a perdu plus de 800 000 affiliés au cours du mois de mars, le gouvernement prend la décision d'interdire les licenciements tout en facilitant le recours au chômage partiel et à l'indemnisation chômage[361] - [362]. Le , le gouvernement signe avec les partenaires sociaux un accord prévoyant la possibilité de maintenir les plans de chômage partiel liés au Covid-19 jusqu'au , les entreprises n'ayant alors pas le droit de verser des dividendes sur l'exercice fiscal et celles ayant leur domicile dans un paradis fiscal en sont exclues[363].
État d'alerte
Le , le gouvernement du Pays basque déclare l'urgence sanitaire[364] tandis que les autorités de la communauté de Madrid et de la Communauté valencienne annoncent leur intention de fermer les bars, les restaurants, les discothèques, les cinémas, et l'ensemble des commerces de détail à l'exception de ceux destinés à l'alimentation, aux produits de santé et des stations-service[365] - [366]. De son côté, l'exécutif de la Catalogne décide d'imposer le confinement général de sa population et demande le soutien du gouvernement espagnol pour l'appliquer puisqu'elle ne bénéficie pas des compétences pour la mette en œuvre[367].
Sánchez annonce dans la soirée son intention de réunir le lendemain un conseil des ministres afin de décréter l'état d'alerte, prévu à l'article 116 de la Constitution, pour 15 jours, afin de faire face à la pandémie de Covid-19. C'est alors la seconde fois depuis 1978 que cette disposition constitutionnelle est invoquée. Alors que 4 200 cas et 120 décès ont été recensés en Espagne, le président du gouvernement indique vouloir prendre « des mesures exceptionnelles pour mobiliser toutes les ressources de l'État pour protéger la santé de tous » et annonce « que cela sera très difficile, mais nous arrêterons ce virus »[368].
Après un conseil des ministres de plus de sept heures, marqué par les désaccords entre la ministre de l'Économie Nadia Calviño et le ministre des Droits sociaux Pablo Iglesias sur les mesures économiques et sociales à adopter, Sánchez présente le les principales mesures qu'implique la proclamation de l'état d'alerte. Le gouvernement décrète notamment le confinement de la population, les Espagnols n'étant autorisés à sortir seuls que pour faire leurs courses, acheter leurs médicaments ou se rendre au travail. Sauf exception, les commerces de détail sont fermés, tandis que les cérémonies civiles et religieuses sont limitées et que la fréquence des transports publics est diminuée de moitié. Le ministère de l'Intérieur prend le contrôle de l'ensemble des forces de police tandis que le ministère de la Santé devient l'unique autorité de coordination des mesures à prendre pour lutter contre la diffusion du virus ; les communautés autonomes conservent la gestion des services sanitaires mais sont soumises aux décisions du gouvernement central[369]. Le lendemain, il tient une réunion par visioconférence avec les présidents des communautés autonomes. Après les critiques du président de la généralité de Catalogne Quim Torra et du président du gouvernement basque Iñigo Urkullu pour la reprise en main de certaines compétences décentralisées, et de la présidente de la communauté de Madrid Isabel Díaz Ayuso pour son délai de réaction, Pedro Sánchez reçoit l'appui de tous les dirigeants autonomes — à l'exception de Torra — qui signent un communiqué de presse commun par lequel ils s'engagent à « renforcer l'action commune de toutes les administrations » et à maintenir « une communication fluide et efficace » sur tout ce qui touche à la pandémie[370].
Conformément aux dispositions constitutionnelles, il sollicite le l'autorisation du Congrès des députés pour proroger l'état d'alerte jusqu'au , déclarant lors de cette session à laquelle 43 députés participent tandis que les 307 autres la suivent à distance que « ce n'est pas facile de décréter le confinement, de le soutenir, ou de l'appliquer de la part des citoyens, mais tous, au-delà de nos idéologies, nous savons que c'est la seule alternative. Nous avons besoin de temps pour vaincre le coronavirus ». La prorogation est accordée par 321 voix pour et 28 abstentions, toutes issues des groupes parlementaires indépendantistes basque et catalans[371]. Il fait savoir le qu'il a l'intention de demander à nouveau la prolongation de l'état d'alerte, jusqu'au [372]. Cette deuxième prorogation reçoit le feu vert des députés cinq jours plus tard, avec un appui moindre que lors du précédent vote, recevant 270 pour, 54 contre et 25 abstentions, comptant avec l'opposition de Vox et de la CUP[373].
Le , le Congrès valide la troisième prorogation de l'état d'alerte, jusqu'au , par 269 voix pour et 60 contre, Ensemble pour la Catalogne s'y opposant au même titre que Vox et la CUP[374]. Il obtient le la quatrième prorogation de l'état d'alerte par 178 suffrages favorables, 75 défavorables et 97 abstentions, ayant négocié le soutien de Ciudadanos et Parti nationaliste basque, perdu celui du Parti populaire qui préfère s'abstenir, tandis que la Gauche républicaine de Catalogne bascule de l'abstention à l'opposition[375]. Le , le Congrès accepte de maintenir en vigueur l'état d'alerte jusqu'au par 177 voix pour, 162 contre et 11 abstentions, le Parti populaire ayant décidé cette fois-ci de s'y opposer[376]. L'état d'alerte est prorogé une dernière fois jusqu'au , à l'occasion d'un vote organisé le avec un résultat de 177 pour, 155 contre et 18 abstentions, après une négociation à plusieurs niveaux assurant à la fois le soutien de Ciudadanos et du Parti nationaliste basque, et l'abstention de la Gauche républicaine de Catalogne[377].
Le , l'état d'alerte est de nouveau proclamé par le conseil des ministres pour 15 jours. À l'inverse de celui déclaré au printemps, il ne prévoit pas de confinement général mais des règles de « restriction de la mobilité nocturne » — Pedro Sánchez refusant d'utiliser le terme de couvre-feu — entre 23 h et 6 h. De même, il n'est pas prévu de « direction centralisée » (mando único) de la part du gouvernement central, puisque les présidents des communautés autonomes sont reconnus comme « autorités déléguées » et se voient confier le soin de décréter ou non l'interdiction de franchir les limites de leurs territoires ou d'une partie de celui-ci, ainsi que la possibilité de moduler le couvre-feu d'une heure de plus ou de moins au début et à la fin. L'intention poursuivie par l'exécutif est d'obtenir par la suite une prorogation de six mois, soit jusqu'au [378]. À la suite d'un débat parlementaire auquel le président du gouvernement n'assiste pas, le Congrès approuve quatre jours plus tard le maintien de l'état d'alerte pendant une période de six mois démarrant le , par 194 voix pour, 53 voix contre et 103 abstentions, le décret ayant reçu le soutien notamment de la Gauche républicaine de Catalogne, de Ciudadanos, du Parti nationaliste basque et du Parti démocrate européen catalan. À cette occasion, le gouvernement accepte que Pedro Sánchez comparaisse devant les députés tous les 60 jours pour évaluer la situation et l'efficacité des mesures adoptées[379].
Positionnement européen
Il cosigne le avec huit autres dirigeants européens — dont le président de la République française Emmanuel Macron et le président du Conseil des ministres italien Giuseppe Conte — une lettre reprenant l'idée du gouverneur de la Banque du Portugal de créer un « instrument de dette commun ». Recevant le surnom de « coronabond », il permettrait de financer le système de santé des États membres touchés par le Covid-19[380]. Lors du Conseil européen tenu le lendemain par visioconférence, Sánchez s'oppose fermement à un communiqué final vague et sans mandat clair pour les ministres des Finances de la zone euro, obligeant le président Charles Michel à retravailler un texte qui donne finalement 15 jours de l'Eurogroupe pour réaliser une proposition de réponse économique et budgétaire. Aux côtés de Conte, Sánchez plaide alors pour une réponse européenne coordonnées sous la forme d'un « plan Marshall », là où les gouvernements allemand et néerlandais préfèrent une réponse nationale en suspendant les règles du Pacte de stabilité et de croissance[381].
Au cours des débats, le ministre néerlandais des Finances Wopke Hoekstra déclare souhaiter que la Commission européenne ouvre une enquête afin de déterminer pourquoi certains États ne disposent pas de marges de manœuvre budgétaires suffisantes pour affronter la crise. Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, qui regrette l'image de fermeté renvoyée en raison de ces propos, déclare vouloir organiser une rencontre trilatérale aux dirigeants espagnol et italien tout en proposant la création d'un fonds de solidarité que son pays abonderait « de manière substantielle ». Il explique ainsi vouloir « faire un don, et non un prêt », confirmant ainsi son opposition à une mutualisation de l'endettement public[382]. Prévue le , cette réunion téléphonique en présence de Charles Michel est finalement annulée après que Giuseppe Conte a demandé la participation d'Angela Merkel et Emmanuel Macron, puisque de son point de vue toute décision qui pourrait être prise lors de ce mini-sommet devrait être à nouveau discutée avec eux par la suite[383].
Le , Pedro Sánchez signe une tribune dans plusieurs journaux européens, appelant à « une réponse unie, unique, extrême et ambitieuse pour préserver notre système économique et social » et « agir de manière solidaire : créer un nouveau mécanisme de mutualisation de la dette, agir comme un seul bloc [...] et préparer un grand plan d’attaque pour assurer une reprise rapide et solide du continent ». Selon lui, « l'avenir de l’Europe est en jeu » car « des millions d’Européens adhèrent au projet de l’Union » et doivent avoir « des raisons de continuer à y croire »[384].
À l'issue d'une réunion du Conseil européen, les États membres s'accordent le sur un plan de relance de 750 milliards d'euros, dont plus de 300 milliards d'euros en subventions directes[385]. Pedro Sánchez qualifie ce pacte de « grand accord pour l'Europe et pour l'Espagne », estimant qu'il écrit « une des plus belles étapes de l'Union européenne » et se disant satisfait « à 95 % » en raison de la diminution du montant initialement prévu pour les aides directes ; Pablo Casado, président du Parti populaire, évoque de son côté « un bon accord » dont il estime que le contenu constitue une « correction » aux politiques envisagées par le gouvernement espagnol[386].
Pactes de la Moncloa
Lors de l'annonce, le , de la future prorogation de l'état d'alerte, Pedro Sánchez appelle également l'ensemble des forces politiques, « indépendamment de leur idéologie », à « travailler à de nouveaux pactes de la Moncloa, pour relancer et reconstruire l'économie et le tissu social ». Selon lui, il sera nécessaier d'adopter « des décisions transcendentales qui conditionneront l'avenir des plus jeunes », ce qui suppose « une unité bien plus forte et compacte » qui devra exister « sur tous les fronts : social, institutionnel, politique et européen »[387]. Il indique devant le Congrès des députés cinq jours plus tard qu'il compte a l'intention de convoquer la semaine suivante les partis politiques, les partenaires sociaux et les dirigeants des communautés autonomes, qui n'existaient pas lors des pactes de 1977. Selon lui, « si la société est unie pour combattre le virus, la division n'aurait pas de sens. À qui bénéficierait-elle ? ». Il en appelle à « un grand accord de toutes les forces disposées à se serrer les coudes, pour la reconstruction économique et sociale » de l'Espagne[388].
La présidente de Ciudadanos Inés Arrimadas apporte rapidement son soutien au principe de la proposition émise par le président du gouvernement, devenant la première dirigeante de parti à soutenir cette idée. Elle lui reproche cependant de ne pas chercher déjà le consensus, sur les mesures sanitaires et économiques à prendre, et l'appelle à travailler en premier lieu avec les partis « ayant le sens de l'État », ce qui exclut dans son propos Podemos et les indépendantistes catalans[389]. À l'inverse, les nouveaux pactes de la Moncloa sont rejetés par le président du Parti populaire (PP) Pablo Casado, qui affirme que Sánchez ne dispose « d'aucune autorité morale » pour réclamer « loyauté et unité » à l'opposition, l'invite à cesser de chercher « des subterfuges en phagocytant des succès historiques pour couvrir les échecs d'aujourd'hui » et à ne pas « lancer des ballons d'essai pour diluer les responsabilités et mutualiser les erreurs commises »[390].
Sánchez et Casado — qui préfère des accords ponctuels mais pas une entente aussi solennelle que les pactes de la Moncloa — se réunissent le par visioconférence afin d'établir les termes du dialogue institutionnel et social voulu par le président du gouvernement. Après une heure d'entretien, ce dernier accepte la contre-proposition du chef de l'opposition de constituer une commission parlementaire, constituée à la proportionnelle du résultat des élections générales, destinée à proposer des mesures économiques, sociales et sanitaires, en s'appuyant notamment sur l'audition des partenaires sociaux et d'experts[391]. Le PP propose qu'Ana Pastor occupe la présidence de la commission, mais la coalition gouvernementale s'y oppose. Le , elle est battue par le socialiste Patxi López qui obtient le soutien d'Unidas Podemos, du Parti nationaliste basque et de plusieurs petits partis territoriaux[392].
Lors d'une séance plénière du Congrès des députés le , les parlementaires approuvent deux des quatre rapports de la commission spéciale, ceux concernant le modèle de santé publique et l'engagement européen de l'Espagne. Le document relatif aux politiques sociales est rejeté à la fois par les partis de droite — qui dénoncent l'absence de subventions à l'école privée — et les nationalistes, qui dénoncent une invasion des compétences décentralisées ; celui concernant les politiques économiques est pour sa part suspendu en raison d'une erreur de vote[393]. Le vote du Congrès étant seulement indicatif, puisque ne comprenant aucune disposition normative, l'exécutif entreprend de préparer plusieurs initiatives parlementaires pour mettre en œuvre les recommandations rejetées, notamment la médicalisation des résidences pour personnes âgées et leur association avec un hôpital pour faciliter les prises en charge[394].
Critiques
Au cours d'une allocution prononcée le , Pablo Casado affirme qu'il « partage l'indignation de la société espagnole ». Usant d'un ton dur, il dénonce que « le gouvernement a plongé les Espagnols reclus chez eux dans l'inquiétude, en raison de son improvisation et de son incapacité à réagir ». Selon lui, « le retard de Sánchez dans la gestion de cette crise a eu des conséquences évidente sur la propagation de la pandémie sur tout le territoire espagnol ». Revendiquant la « loyauté » et le « sens de l'État », il estime « que l'unité ne peut être exigée à l'opposition quand le gouvernement est divisé »[395]. Le , reprenant une idée défendue dix jours plus tôt par la porte-parole parlementaire Cayetana Álvarez de Toledo, il remet en cause l'organisation des grandes manifestations de la Journée internationale des droits des femmes du en affirmant que « malheureusement, les chiffres des contaminations et des décès coïncident avec le pic des concentrations massives qui ont lieu il y a presque deux semaines » et ajoute que « c'était irresponsable d'encourager les gens à manifester »[396].
Adoptant un ton plus conciliant le lors de la session du Congrès de validation des mesures de soutien à l'économie et à la population, Casado demande au président du gouvernement d'aller plus loin en imposant notamment un moratoire sur les loyers des personnes en difficulté, en annulant les cotisations sociales des indépendants en cas d'absence de revenus, une baisse générale des impôts et la dévolution aux territoires de 2,5 milliards d'euros de TVA. À l'inverse, le porte-parole de Vox, Iván Espinosa de los Monteros, choisit de tenir un discours radical, dénonçant que Pedro Sánchez et Pablo Iglesias forment « un duo très dangereux pour l'Espagne. Vous êtes un danger pour la survie de la Nation si vous parvenez à mener à bien vos plans et vos idées ». Il estime en outre que « Iglesias a la même affection pour les Espagnols que Joseph Staline pour les Russes, Fidel Castro pour les Cubains ou Nicolás Maduro pour les Vénézuéliens. C'est-à-dire aucun. Les personnes fragiles, les malades ou les personnes en difficulté ne signifient rien pour lui »[397].
À la suite de la proclamation de l'état d'alerte, Quim Torra refuse que « le gouvernement espagnole confisque nos compétences dans les domaines de la santé publique, de la sécurité et des transports ». Il affirme que « nous avons besoin de soutien, pas de recentralisation ». La porte-parole du gouvernement catalan Meritxell Budó (ca), rappelant que les autorités de la communauté autonome souhaitent la fermeture de leurs frontières administratives, soutient que « nous n'autoriserons pas que l'on porte atteinte à nos compétences, surtout en voyant que le gouvernement espagnol répond tardivement et mal ». Iñigo Urkullu souhaite de son côté que « les mesures qui pourraient être adoptées en conseil des ministres prennent en considération le modèle territorial de l'État, la configuration de base du système juridique, et la décentralisation »[398]. Deux jours plus tard, l'exécutif catalan annonce avoir rédigé une résolution interdisant toute forme de déplacement des habitants, mais admet que celle-ci ne peut entrer en vigueur sans avoir été assumée par les autorités de l'État. Le conseiller à l'Intérieur Miquel Buch (ca) explique que « en l'absence d'état d'alerte, nous aurions porté la question en justice, mais pas cette fois-ci » et attaque Sánchez sur ses accents patriotiques en l'accusant de « se draper dans le drapeau national »[399].
Crise énergétique
Dans le contexte de la crise énergétique mondiale de 2021, les prix de l'électricité ont augmenté de plus de 200 % dans le pays. Les protestations se sont multipliées et la question est devenue politiquement sensible pour le gouvernement qui s'est engagé à aider ceux qui sont incapables de payer leurs factures d'énergie. Les entreprises énergétiques devront faire face aux coûts plus élevés tant que des mesures pour stabiliser les prix seront en place, mais elles seront remboursées ultérieurement par le biais de tarifs plus élevés, ce qui signifie, selon le gouvernement, que le coût global pour elles sera neutralisé. Néanmoins, les entreprises énergétiques s'opposent au plan du gouvernement espagnol[400].
Alors qu'elle est leader dans l'éolien et le solaire, l'Espagne dépend toujours fortement des importations d'énergie et l'Algérie fournit 42 % de son gaz naturel et est le premier fournisseur de gaz du pays[401]. En octobre 2021, l'Algérie déclare qu'elle ne renouvellerait pas l'accord, qui a permis à son gaz naturel de transiter par le Maroc et l'Espagne au cours des 25 dernières années[402]. Le 1er novembre 2021, l'Algérie arrête les exportations de gaz naturel vers l'Espagne via le gazoduc Maghreb-Europe[403].
Élections anticipées de 2023
Le , au lendemain de la défaite du Parti socialiste ouvrier espagnol et d'Unidas Podemos aux élections municipales et régionales, Pedro Sánchez annonce qu'il réunira le jour même le Conseil des ministres pour prononcer la dissolution des Cortes Generales, et que les élections générales seront convoquées le de manière anticipée[404]. Pour la chercheuse Maria Elisa Alonso, cette défaite du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) est vraiment « un vote à l'encontre du gouvernement, voire contre Pedro Sanchez lui-même ». Selon elle, le leadership de Pedro Sanchez est « particulièrement contesté », beaucoup d'électeurs déçus par la personnalisation du pouvoir qu'il a amenée, ayant voté contre lui[405].
Vie privée
Parents et fratrie
Son père, Pedro Sánchez, a notamment été gérant de l'Institut national des arts de la scène et de la musique (INAEM) à l'époque de la ministre de la Culture Carmen Alborch. Sa mère, Magdalena Pérez-Castejón, est fonctionnaire de la Sécurité sociale[4]. Il a un frère aîné, David Sánchez, plus connu sous son nom d'artiste, David Azagra[406].
Épouse
Lors d'une fête en , il fait connaissance de Begoña Gómez. Ils se marient un an après leur rencontre, au cours d'une cérémonie civile tenue à Madrid et présidée par Trinidad Jiménez[407].
Née à Bilbao et ayant grandi à Valderas, Begoña Gómez étudie le marketing à l'ESIC Business & Marketing School de Madrid. Elle y obtient un master en direction des entreprises. En , elle est recrutée par la société Task Force, où elle conseille des ONG telles Greenpeace, Oxfam et Amnesty International. Lorsque Inmark absorbe la société qui l'emploie en 2014, elle est promue directrice de l'expertise-conseil externe et recrute des salariés chargés de récolter des dons[408].
Lors de la révélation du scandale d'abus sexuels à Oxfam, le nom de Gómez est cité à tort comme directrice générale de la branche espagnole de l'ONG, alors que celle-ci n'est qu'une cliente de son entreprise[409].
Elle est recrutée en par la fondation Instituto de la Empresa pour diriger un centre de développement de projets d'action sociale en Afrique. Le mois précédent, elle avait demandé une mise en disponibilité du groupe Inmark[410]. Sur les réseaux sociaux, ce recrutement est âprement commenté : une partie des internautes dénonce un recrutement dicté par la position politique de son époux, tandis que d'autres — dont le député indépendantiste catalan Gabriel Rufián — prennent sa défense en rappelant ses nombreux diplômes, sa longue expérience professionnelle dans le secteur concerné et la quasi-absence de subventions publiques perçues par l'Institut[411].
Enfants et vie de famille
Begoña Gómez et Pedro Sánchez ont deux filles : Ainhoa, née en 2005, et Carlota, venue au monde deux ans plus tard. La famille vit dans le quartier de Somosaguas, à Pozuelo de Alarcón, dans la communauté de Madrid[413]. Lors de l'accession de Sánchez au pouvoir en , ils déménagent au palais de la Moncloa, où le président du gouvernement dispose d'un logement de fonction, alors que Begoña Gómez préférait conserver leur résidence familiale[414].
Décorations
- Médaille de Salvador Allende (28 août 2018)[415].
- Grand-collier de l'ordre du Condor des Andes (Bolivie, 29 août 2018)[416]
- Grand-croix de l'ordre du Soleil (Pérou, 27 février 2019)[417]
- Chevalier grand-croix de l'ordre du Mérite de la République italienne (16 novembre 2021)[418]
Notes et références
Notes
- Prononciation en espagnol d'Espagne retranscrite selon la norme API.
- Au sein de Podemos, un « membre actif » est un inscrit ayant participé au cours des 12 derniers mois à au moins un vote interne.
- L'AIReF est l'organe qui veille au réalisme des prévisions macroéconomiques et au respect de la trajectoire des finances publiques en lien avec les engagements européens de l'Espagne.
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