Fracturation hydraulique
La fracturation hydraulique est la dislocation ciblée de formations géologiques peu perméables[1] - [2] par le moyen de l'injection sous trÚs haute pression d'un fluide destiné à fissurer et microfissurer la roche.
Cette fracturation peut ĂȘtre pratiquĂ©e Ă proximitĂ© de la surface, ou Ă grande profondeur (Ă plus de 1 km, voire Ă plus de 4 km dans le cas du gaz de schiste), et Ă partir de puits verticaux, inclinĂ©s ou horizontaux.
Cette technique relativement ancienne (1947), inventĂ©e pour les gisements d'hydrocarbures conventionnels, a vu son intĂ©rĂȘt renouvelĂ© par son association au forage horizontal (dĂ©veloppĂ©, lui, Ă partir de 1980). C'est la maĂźtrise graduelle de la rentabilitĂ© Ă©conomique de cette association pour les gisements non conventionnels qui a guidĂ© le dĂ©veloppement rĂ©cent de l'exploitation de ces derniers : elle a rendu accessibles des ressources soit auparavant inaccessibles, soit qui n'auraient Ă©tĂ© exploitables qu'Ă des coĂ»ts exorbitants et avec lenteur.
Elle est effectuĂ©e en fracturant la roche par une contrainte mĂ©canique[3] Ă l'aide d'un fluide injectĂ© sous haute pression Ă partir d'un forage de surface, pour en augmenter la macro porositĂ©, et de façon moindre, la microporositĂ©. Le fluide peut ĂȘtre de l'eau, une boue ou un fluide technique dont la viscositĂ© a Ă©tĂ© ajustĂ©e.
Quand la pression du fluide, injectĂ© Ă la profondeur voulue, dĂ©passe celle crĂ©Ă©e au point d'application par le poids des roches situĂ©es au-dessus, une ou des fractures s'initient ; plus exactement, quand la pression dĂ©passe celle de l'eau interstitielle de la roche. Les fractures s'Ă©largissant avec l'injection continue du fluide. Elles peuvent alors se propager, Ă©ventuellement sur plusieurs centaines de mĂštres, tant que l'apport de fluide est maintenu. La direction que peuvent prendre les fractures est, bien sĂ»r, l'objet dâĂ©tudes prĂ©alables, mais est loin dâĂȘtre entiĂšrement contrĂŽlable.
Pour empĂȘcher que le rĂ©seau de fractures ne se referme sur lui-mĂȘme au moment de la chute de pression, le fluide est enrichi (environ 10 %) en agents de soutĂšnement : des poudres de matĂ©riaux durs, principalement grains de sable tamisĂ©, ou microbilles de cĂ©ramique. Ceux-ci vont remplir les fractures et, une fois en place et recompressĂ©s par le poids des roches, constitueront un milieu suffisamment poreux pour permettre la circulation ultĂ©rieure des produits Ă extraire. Le fluide injectĂ© contient Ă©galement un mĂ©lange complexe de produits issus de l'industrie chimique (0,5 % typiquement au total), puisĂ©s dans une liste de plus de 750 rĂ©fĂ©rences commerciales. Il s'agit notamment d'additifs adaptĂ©s Ă la fracturation des roches en place, et souvent des biocides. Ces derniers sont destinĂ©s Ă empĂȘcher le dĂ©veloppement d'Ă©ventuelles bactĂ©ries qui compliqueraient le processus d'extraction. (Ces bactĂ©ries se nourrissent de composĂ©s chimiques prĂ©sents dans le sous-sol, hydrogĂšne sulfurĂ© notamment, fer dissousâŠ)
Typiquement, une opĂ©ration individuelle de fracturation est rĂ©alisĂ©e en quelques heures â exceptionnellement plusieurs jours â et de trĂšs nombreuses fracturations sont Ă©chelonnĂ©es le long d'un mĂȘme forage horizontal unique. Finalement, pendant la phase d'extraction, ces zones de fissures artificielles rĂ©guliĂšrement espacĂ©es vont permettre de drainer des volumes de roches relativement Ă©loignĂ©es de l'axe du puits, mais guĂšre plus : les zones extractibles restent confinĂ©es Ă la proximitĂ© des fissures ainsi crĂ©Ă©s, l'impermĂ©abilitĂ© de la roche reprenant rapidement au-delĂ . De ce fait, la productivitĂ© d'un puits fracturĂ© chute assez rapidement avec le temps : un quart des volumes rĂ©cupĂ©rĂ©s le sont la premiĂšre annĂ©e, la productivitĂ© se rĂ©duisant Ă 10 % au bout de cinq ans.
Le principal usage de ces techniques est la stimulation de la vitesse et de l'ampleur du drainage de gaz ou de pétrole par un puits, dans des réservoirs rocheux faiblement perméables (ex : schistes) qui, sans cette technique, ne produiraient presque rien.
Quand les hydrocarbures sont piĂ©gĂ©s au sein mĂȘme de la matrice rocheuse, la fracturation hydraulique facilite l'accĂšs Ă une plus grande partie du gisement. AssociĂ© Ă d'autres techniques faisant appel Ă un cocktail de produits chimiques ajoutĂ©s au fluide de fracturation, il facilite aussi la dĂ©sorption puis la rĂ©cupĂ©ration du gaz ou pĂ©trole qui Ă©taient depuis des millions d'annĂ©es piĂ©gĂ©s dans la matrice rocheuse elle-mĂȘme (schistes, schistes bitumineux au caractĂšre feuilletĂ© et naturellement inaptes Ă la percolation rapide).
Ces techniques suscitent depuis la fin des années 2000-2010 une controverse en Amérique du Nord, qui semble s'étendre dans le monde, alors que de grands opérateurs industriels se préparent à exploiter de nouveaux champs pétroliers et gaziers, dans les grands fonds marins, en Alaska, au Canada[4] et dans le reste du monde.
Terminologie
On parle aussi, pour cette technique, d'« hydrofracturation » ou « fracturation hydrosiliceuse » (ou encore « frac jobs »[5], frac'ing dans l'industrie[6], ou plus généralement « fracking »[7], ou de « fracturation hydraulique massive »[2] (Massive Hydraulic Fracturing ou MHF pour les anglophones), à ne pas confondre avec l'hydrofracturation naturelle (Cryoclastie) qui résulte, en surface, de l'effet du gel de l'eau emprisonnée dans une roche.
Histoire du concept et de ses premiĂšres applications
Selon le site internet de l'entreprise Halliburton, l'un des plus gros opĂ©rateurs de ce domaine, l'idĂ©e de stimuler la productivitĂ© de forages par la fracturation sous haute pression aurait Ă©tĂ© lancĂ©e par la multinationale Halliburton elle-mĂȘme dans les annĂ©es 1940, avec une premiĂšre expĂ©rimentation en 1947 au Kansas pour le compte de la compagnie pĂ©troliĂšre et gaziĂšre Stanolind Oil and Gas Corp.[8].
En 1957, le procĂ©dĂ© a pu ĂȘtre amĂ©liorĂ© par de nouvelles pompes et compresseurs permettant d'atteindre des pressions plus Ă©levĂ©es. En 1972, le groupe Halliburton met au point son procĂ©dĂ© Waterfrac[8]. Six ans plus tard, Esso Resources Canada teste un puits horizontal au Cold Like Leming (en expĂ©rimentant un drainage par gravitĂ© thermiquement assistĂ©e de pĂ©trole lourd trĂšs visqueux)[9], et Arco rajeunit efficacement ses puits « Ă haut GOR » (High Gas/Oil Ratio Wells ; haut ratio de gaz par rapport au pĂ©trole) en y adjoignant des puits horizontaux l'annĂ©e suivante[9], rĂ©glant du mĂȘme coup un problĂšme de coning (« gasconing »)[10] - [9]. En 1980, Texaco Canada achĂšve un programme de forage d'exploitation de sable bitumineux non consolidĂ©s, Ă faible profondeur dans le gisement d'Athabasca[9].
En Australie, elle est utilisée pour la premiÚre fois en 1969 pour la production de gaz[11].
De 1979 à 1983, alors que des puits horizontaux étaient creusés dans les pays du bloc de l'Est, en Europe de l'Ouest, Elf-Aquitaine, en lien avec l'IFP fore quatre puits horizontaux dans des réservoirs pétrolifÚres dont trois situés sur le continent en France (Lacq 90, Lacq 91, Castera-Lou 110H en France) ; le quatriÚme (Rospo Mare 6D) s'étendant en Italie au large des cÎtes dans le réservoir karstique du champ Rospo Mare (zone italienne de la mer Adriatique). Aux premiers essais de puits horizontaux à Rospo Mare, la productivité était 20 fois supérieure aux puits verticaux des pays voisins[9]. En 1986 et 1987, puis de 2004 à 2008, plusieurs opérations ont été effectuées en Seine-et-Marne sous le contrÎle des DREAL et DRIEE[12].
Depuis le creusement de son premier puits horizontal, plus de 1 million d'opérations auraient été conduites par le groupe Halliburton, qui auraient permis d'extraire plus de 17 milliards de mÚtres cubes de gaz. Mais alors que son « utilisation sûre et efficace n'a jamais été plus importante que maintenant »[8], elle est pointée du doigt pour ses impacts sociaux-environnementaux qui semblent plus importants que prévu (pollution de l'eau, de l'air et des sols, et impacts sur la santé et le climat). En 1974, lors du vote de la nouvelle loi sur l'eau, la fracturation hydraulique et ses risques n'ont pas été pris en compte. Peu aprÚs (en 1979), l'exploration et un début d'exploitation à grande échelle commençaient au Texas (dans un gisement nommé « Barnett shale »[8])
Histoire technologique
La premiĂšre utilisation industrielle de la fracturation hydraulique a plus d'un siĂšcle. Elle est dĂ©crite dans un bulletin du U.S. Geological Survey de 1903, selon T.L. Watson[13]. Avant cette date, la fracturation hydraulique a dĂ©jĂ Ă©tĂ© utilisĂ©e (et l'est toujours) dans les carriĂšres de Mount Airy (prĂšs du Mont Airy, en Caroline du Nord) pour faire Ă©clater le granit et en sĂ©parer plus facilement quâavec des explosifs des blocs du socle rocheux.
Le premier essai de fracturation hydraulique profonde (sans forage horizontal), visait Ă stimuler un puits de pĂ©trole et de gaz naturel. Il aurait Ă©tĂ© testĂ© pour la premiĂšre fois aux Ătats-Unis, en 1947, par la compagnie Halliburton[14] - [15].
Son dĂ©veloppement commercial a rapidement suivi, dĂšs 1949[14]. En raison de son efficacitĂ©, cette technique a rapidement Ă©tĂ© adoptĂ©e par dâautres compagnies, pour ĂȘtre aujourdâhui utilisĂ©e dans le monde entier, dans des dizaines de milliers de forages pĂ©troliers et gaziers chaque annĂ©e.
Les nombreux gĂ©ologues qui travaillaient pour les pĂ©troliers Ă la pĂ©riode dite de l'or noir connaissent dĂ©jĂ des exemples naturels de fracturation par pression ou dĂ©pression interne, dans le socle rocheux. Dans une faille naturelle, l'introduction d'une solution hydrothermale sous une pression dĂ©passant celle de l'eau interstitielle (ici contenue dans les pores de la roche) provoque une fracturation. De tels phĂ©nomĂšnes peuvent ĂȘtre d'origine volcanique, eustatique, tectonique, ou rĂ©sultent de mouvements et rĂ©Ă©quilibrages gĂ©ologiques. Ils sont des phĂ©nomĂšnes de fracturations naturelles « hydrauliques » (au sens gĂ©nĂ©ral et mĂ©canique du mot hydraulique, ou la pression hydraulique peut ne pas provenir d'eau, mais aussi de boue, de lave ou roche magmatique).
Les plus spectaculaires sont les « dykes ». Ces lames rocheuses, tantĂŽt fines, tantĂŽt Ă©paisses de plusieurs mĂštres, peuvent recouper (Ă©ventuellement Ă angle droit) dâautres couches gĂ©ologiques rocheuses, ce qui les diffĂ©rencie des « sills » oĂč la roche magmatique n'a fait que sâinsinuer entre deux lits rocheux prĂ©existants.
Dans ces deux derniers cas, ce nâest pas de lâeau, mais de la roche magmatique, liquide parce qu'en fusion, qui a fragmentĂ© ou simplement rempli le rĂ©seau fracturĂ©. Une fois la roche refroidie, lâintĂ©gritĂ© physique du socle rocheux est en quelque sorte rĂ©tablie, voire renforcĂ©e.
Au contraire, la fracturation hydraulique, telle que pratiquĂ©e industriellement aujourdâhui, vise Ă briser l'intĂ©gritĂ© du substrat rocheux, de maniĂšre durable par insertion de sable ou matĂ©riaux spĂ©ciaux visant Ă empĂȘcher le rĂ©seau de fractures de se refermer. Ă trĂšs petite Ă©chelle, trĂšs localement, et en surface, certains systĂšmes de geysers pourraient induire des phĂ©nomĂšnes de microfracturation hydraulique, mais sans comparaison avec les fracturations produites Ă grande profondeur au moyen des pompes hydrauliques modernes.
L'homme connaĂźt depuis longtemps la fracturation, par le gel, de certains calcaires gĂ©lifs (phĂ©nomĂšne utilisĂ© par les agriculteurs depuis des siĂšcles pour la production dâamendements calcaires en zone froide ou tempĂ©rĂ©e, mais redoutĂ© par les bĂątisseurs qui n'utilisaient ces calcaires quâenfouis dans les fondations (hors-gel), ou protĂ©gĂ©s du froid au cĆur des appareillages de murailles de fortification). Les hommes prĂ©historiques, pour produire des menhirs savaient dĂ©jĂ utiliser des encoches taillĂ©es dans le granit, dans lesquelles on enfonçait un morceau de bois sec, ensuite arrosĂ© pour quâil se gonfle au point de fendre des granits. L'idĂ©e d'utiliser la pression pour fendre ou fragmenter des roches est donc ancienne, mais son usage Ă grande profondeur nĂ©cessitait de puissantes pompes hydrauliques (montĂ©es sur camions) et des moyens pour bien rendre Ă©tanches les tĂȘtes de puits, moyens qui n'existaient pas autrefois.
On a rapidement eu l'idĂ©e d'injecter du sable dans les fractures et microfissures produites par le fluide de fracturation. Dans les annĂ©es 1970, de nouveaux agents de soutĂšnement (proppants), hautement rĂ©sistants, en cĂ©ramique (frittĂ©e), sont apparus sur le marchĂ©[16]. TestĂ©s en laboratoire dans des systĂšmes de fracturation de 2 750 m Ă 5 800 m de profondeur, ils sont rĂ©putĂ©s mieux maintenir les fractures ouvertes en rĂ©sistant mieux Ă la compression et aux hautes pressions (plus de 76 MPa), tout en rĂ©sistant aux acides introduits dans les fluides de fracturation ou prĂ©sents dans le gisement[16]. En laboratoire, ils rĂ©sistent Ă des pressions trĂšs Ă©levĂ©es et ne perdent aucune de leurs qualitĂ©s Ă des tempĂ©ratures de 150 °C[16]. Ils sont microporeux, et de diamĂštres et couleurs variĂ©es. Leur densitĂ© peut ĂȘtre la mĂȘme que celle des sables qui Ă©taient utilisĂ©s antĂ©rieurement.
Au-delà de certaines pressions, c'est le matériau rocheux qui s'écrase autour des proppants.
Pour que ces forages soient rentables, il fallait encore inventer et maĂźtriser le forage horizontal, qui remplace souvent avantageusement plusieurs puits verticaux, et qui - Ă partir d'un seul puits vertical - peut drainer plusieurs couches d'un rĂ©servoir « multi-couches » (on parle alors de « puits multilatĂ©raux », dont les versions les plus modernes et complexes sont en arĂȘtes de poisson[17]).
Le premier forage horizontal volontaire et rĂ©ussi serait celui d'un puits creusĂ© par Elf-Aquitaine, Lacq-90, dans le sud de la France, effectuĂ© en , suivi par Lacq-91, Casteralou (France), Rospomare-6d (Italie) et Pelican Lake (Canada)[17]. Dix ans plus tard, des centaines de puits horizontaux Ă©taient forĂ©s chaque annĂ©e, et ensuite des centaines le seront chaque annĂ©e, puis des milliers dans les annĂ©es 2007-2010, grĂące aux progrĂšs de la chimie et de la physique des boues de forage et fluides de fracturation, et grĂące aux progrĂšs de la prospection souterraine et offshore, des moteurs de fonds, combinĂ©s Ă des appareils de gĂ©opositionnement souterrain en continu permettant de forer des puits Ă courbure Ă faible rayon[17]. Dans le mĂȘme temps, avec les progrĂšs des ordinateurs et logiciels informatiques, la modĂ©lisation a Ă©galement progressĂ©. Toutes ces conditions Ă©taient nĂ©cessaires pour pouvoir rendre la fracturation « utile » et « rentable » (dans les conditions Ă©conomiques, techniques et juridiques du moment) pour exploiter des ressources fossiles de plus en plus Ă©loignĂ©es et fortement piĂ©gĂ©es dans la roche.
En ce qui concerne les proppants, il faut souligner l'évolution de la technologie, consistant à utiliser depuis les années 1980 des billes en céramique électrofondue à base de silice et de zircone, fabriquées par la société française « Société Européenne des Produits Réfractaires » sous l'appellation commerciale Zirprop. Ces produits sont décrits notamment dans le brevet européen no 52537.
Impacts environnementaux
La mesure des impacts environnementaux négatifs a émergé en Amérique du Nord, puis s'est étendue en Europe.
Elle porte sur les impacts directs et indirects de cette nouvelle forme d'exploitation d'Ă©nergies fossiles et particuliĂšrement sur les dĂ©gradations environnementales (des Ă©cosystĂšmes, des nappes, de l'air, des eaux souterraines et de surface, du sol et du sous-sol) ; les cas supposĂ©s de contamination des nappes phrĂ©atiques ont Ă©tĂ© rĂ©pertoriĂ©s aux Ătats-Unis. Il est notamment mis en cause le dĂ©faut de cimentation dans les parties supĂ©rieures du forage et non la technique de fracturation hydraulique elle-mĂȘme. Les nappes phrĂ©atiques se situent Ă environ un kilomĂštre de distance en profondeur des zones exploitĂ©es, ce qui rend trĂšs hypothĂ©tique le risque dâune contamination directe[18].
Par ailleurs, les impacts Ă moyen et long terme de la fracturation profonde ne semblent pas avoir fait l'objet d'Ă©tudes publiĂ©es, et au sein mĂȘme des administrations, il peut exister des conflits d'intĂ©rĂȘts ou divergences de points de vue entre les services chargĂ©s de l'environnement, de l'eau potable ou de l'Ă©valuation environnementale, et ceux chargĂ©s (dans l'Ătat de New-York par exemple[19]) d'assurer une Ă©nergie abondante et peu chĂšre ou une industrie florissante.
Le film documentaire Gasland a prĂ©sentĂ© des images de cas trĂšs prĂ©occupants de pollutions par les fluides de forage et/ou de fracturation et de remontĂ©e de gaz, par exemple dans le rĂ©seau domestique d'eau potable et dans les puits de surface d'une ville du Colorado[20]. Une enquĂȘte menĂ©e par la Colorado Oil and Gas Conservation Commission aurait par la suite dĂ©montrĂ© que ce cas particulier serait dĂ» au mĂ©thane naturellement prĂ©sent dans lâeau et non Ă la technique de fracturation hydraulique[21]. Dans d'autres zones d'exploitation de gaz par fracturation hydraulique, le film tĂ©moigne de problĂšmes de santĂ© chroniques dans la population.
Ămission de gaz Ă effet de serre
Les gaz à effet de serre émis peuvent provenir de fuites dans le sol, à partir des puits et lors du transport. Le méthane (CH4) ainsi libéré est un puissant contributeur à l'effet de serre, du fait de son potentiel de réchauffement global 28 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone (CO2).
En 2012, l'importance des fuites de méthane est confirmé par des analyses faites en 2011-2012 dans le bassin gazier de Denver-Julesburg (Colorado) en exploitation. PrÚs de 4 % de la production qui sont ainsi perdus dans l'atmosphÚre, sans prendre en compte d'autres pertes sur l'aval du réseau (fuites des systÚmes de stockage, de canalisation et de distribution). Ces chiffres confirment l'évaluation de Howarth de 2011, qui a été contestée par l'industrie gaziÚre et certains universitaires.
La fracturation hydraulique produit de premiers rejets irrĂ©guliers (bulles de gaz et « rots de production » que les sociĂ©tĂ©s gaziĂšres rejettent dans l'air au dĂ©but, durant un mois voire plus)[22], avant que le puits ne soit connectĂ© Ă un pipeline[22]. AprĂšs la « fermeture » du puits, d'autres fuites plus diffuses peuvent survenir. Dans ce bassin Ă©tudiĂ© en 2011-2012, une petite partie du CH4 perdu provenait de rĂ©servoirs de GPL (stocks avant expĂ©dition), « mais une grande partie de celui-ci (le CH4) est juste du gaz brut fuyant de l'infrastructure », reprĂ©sentant de 2,3 Ă 7,7 % de perte, soit une estimation moyenne de 5 %, lĂ©gĂšrement plus Ă©levĂ©e que celle faite par l'UniversitĂ© Cornell en 2011 (de 2,2 % Ă 3,8 %) pour les puits et la production de gaz de schiste. Cette estimation est Ă©galement plus Ă©levĂ©e que celle, prĂ©cĂ©dente, de l'EPA (qui a rĂ©visĂ© sa mĂ©thodologie), « ce qui a en 2011 Ă peu prĂšs doublĂ© l'inventaire officiel des Ă©missions de l'industrie du gaz naturel au cours de la derniĂšre dĂ©cennie aux Ătats-Unis »[22]. Durant la vie d'un forage, 1,9 % du gaz perdu s'Ă©chappe du puits Ă la suite de la fracturation. On saurait techniquement capter et stocker ce gaz et ceux issus du processus de fracturation, mais Ă des coĂ»ts trop Ă©levĂ©s selon l'industrie gaziĂšre[22]. Selon une publication de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) parue dans le journal Nature (), le CH4 perdu dans l'air est en quantitĂ©s au moins deux fois supĂ©rieures Ă ce qu'annoncent les industriels gaziers[22].
Les producteurs et exploitants de ressources fossiles proposent, pour diminuer leur dette écologique ou celle des activités « carbonées », un stockage géologique consistant à injecter et à stocker le CO2 produit par la future exploitation du gaz, charbon et pétrole, au moins à partir des grandes centrales électriques ou usines de carbochimie. Mais il est à craindre que la fracturation géologique des réservoirs, qui sont précisément constitués de couches rendues trÚs perméables, ne rende de nombreuses formations géologiques également impropres à conserver le CO2.
Pollution des eaux
En février 2011, le New York Times publie des documents qui révÚlent que les eaux rejetées par les forages de gaz de schiste sont radioactives à des taux atteignant 1 000 fois les limites autorisées[23].
Par ailleurs les industriels du secteur ont montrĂ© peu de transparence, certains ne rĂ©vĂ©lant pas la composition exacte du mĂ©lange injectĂ© au nom du secret opĂ©rationnel, a Ă©tĂ© lâun des principaux points dâattaque de la part des dĂ©tracteurs de cette technologie. Cependant, plusieurs opĂ©rateurs ont publiĂ© la liste des produits prĂ©sents dans le fluide de fracturation, Ă la demande d'associations de consommateurs et des autoritĂ©s amĂ©ricaines. Aujourdâhui, les entreprises ont l'obligation d'en publier la liste[24].
Si aux Ătats-Unis, les industriels pouvaient faire signer aux propriĂ©taires privĂ©s un accord de confidentialitĂ© ne permettant pas la rĂ©vĂ©lation de problĂšmes sanitaires ou environnementaux, aucun accord de la sorte ne peut ĂȘtre passĂ© en France (la gestion du sous-sol appartenant Ă lâĂtat)[25].
Un des impacts Ă©voquĂ©s, notamment dans les rĂ©gions sĂšches ou bien lĂ oĂč la potabilitĂ© de l'eau est dĂ©jĂ dĂ©gradĂ©e, est le problĂšme de la consommation importante d'eau que requiert la fracturation hydraulique massive (MHF, qui se dĂ©veloppe le plus), qui peut nĂ©cessiter de 190 Ă 1 900 m3 de fluide de fracturation, et de 50 Ă 500 tonnes d'agents de soutĂšnement (proppants)[2].
Faible durabilité et dégradation des paysages
Les puits de ce type d'exploitation sont trÚs productifs au début mais peu durables. Il y a peu de gaz dans les réservoirs, parfois soumis aux effets d'ennoiement du puits par l'eau (coning) qui profite aussi de la fracturation pour mieux circuler[17] (en se polluant éventuellement au passage), ce qui rend le puits obsolÚte en quelques années[20].
Les exploitants des champs gaziers ou pétroliers ont ainsi été contraints de cribler le paysage de dizaines voire de milliers de puits en quelques années[20] (accompagnés de zone de stockage, bassins, routes.....) entrainant une dégradation des paysages.
Par ailleurs, il existe une incertitude gĂ©ologique[26] : mĂȘme si les techniques de sondage sismique affinĂ©es par les pĂ©troliers ont beaucoup progressĂ©, certaines failles ou inhomogĂ©nĂ©itĂ©s peuvent ne pas apparaĂźtre ou ĂȘtre mal interprĂ©tĂ©es, tout particuliĂšrement dans d'anciens bassins miniers dĂ©jĂ exploitĂ©s, Ă la suite des affaissements miniers par exemple. De plus maitriser le volume et la rĂ©gularitĂ© de la fracturation d'une roche non homogĂšne reste un dĂ©fi[27].
Controverses
Les pratiques passées ou actuelles ont généré d'autres controverses.
Impact sur la structure géologique
Le travail Ă grande profondeur est soumis Ă un empirisme (les lois d'Ă©chelle et rĂ©gimes de propagation sont modifiĂ©s par les conditions locales, mais aussi par la rĂ©pĂ©tition des opĂ©rations de fracturation). L'empirisme est encore inĂ©vitable, mĂȘme prĂšs de la surface du sol oĂč les risques pour les nappes superficielles sont plus importants[28] ; la confrontation expĂ©rimentale de la modĂ©lisation d'une fracturation (d'un matĂ©riau connu avec une pression connue) avec le rĂ©seau rĂ©ellement fracturĂ©, dans le cas d'expĂ©riences simples faites en surface, montre des diffĂ©rences pouvant atteindre 30 %. On peut supposer qu'en profondeur, il est plus encore difficile de modĂ©liser, contrĂŽler et vĂ©rifier les processus de fracturation, surtout quand les puits de forage sont proches (ce qui est souvent le cas aux Ătats-Unis). Les modĂšles et Ă©quations mathĂ©matiques ne sont pas encore capables de dĂ©crire la rĂ©alitĂ© trĂšs complexe des processus de fracturation en profondeur[29].
D'autres incertitudes persistent quant au risque de drainage acide, au comportement modifiĂ© de la roche fracturĂ©e face Ă l'alĂ©a sismique. Des mises en relation des zones fracturĂ©es avec des failles gĂ©ologiques existantes[30] pouvant Ă©galement apparaĂźtre. Et dans certains cas (gisement gazier de Texas Cotton Valley par exemple), mĂȘme quand on a utilisĂ© une quantitĂ© trĂšs faible de sable ou de proppants, le systĂšme de fracture ne s'est pas refermĂ©[31].
Outre les impacts paysagers, maintenant visibles sur l'imagerie satellitaire, les impacts directs et indirects en termes d'empreinte Ă©cologique, et sur l'effet de serre et la pollution de l'air (via la pollution routiĂšre fortement mobilisĂ©e par ces activitĂ©s) et de possibles impacts Ă©co-paysagers (liĂ©s notamment aux Ă©manations des installations et bassins de stockage des fluides et eaux polluĂ©es), on sait par l'observation de systĂšmes naturels de fracturation hydraulique que la fracturation de roches profondes contribue Ă modifier la formation gĂ©ologique, avec crĂ©ation de chemins prĂ©fĂ©rentiels, de zones de corrosion chimique de la roche. Des populations bactĂ©riennes nouvelles peuvent ĂȘtre introduites dans des milieux oĂč elles peuvent se nourrir des hydrocarbures dĂ©sorbĂ©s par la roche et qui n'auront pas Ă©tĂ© remontĂ©s par le puits en fin de vie. Ă grande profondeur, des fluides hydrothermaux contenant des Ă©lĂ©ments indĂ©sirables (radionuclĂ©ides, mĂ©taux lourds, arsenic, acides) peuvent se former ou envahir le rĂ©seau de fracturation et rejoindre les puits. L'injection d'acides dans le sol facilite la dissolution de mĂ©taux et d'arsenic.
Dérogations à la législation environnementale
Le fait qu'aux Ătats-Unis et au Canada, les opĂ©rateurs industriels et Ă©conomiques qui ont portĂ© les projets d'exploitation de ressources fossiles non conventionnelles ont bĂ©nĂ©ficiĂ© de privilĂšges, de facilitĂ©s et de dĂ©rogations extraordinaires tout Ă fait inhabituelles par rapport Ă la lĂ©gislation (ces entreprises n'ont pas Ă respecter les trois grandes lois environnementales aux Ătats-Unis), tout en ne rĂ©vĂ©lant pas la liste des produits chimiques qu'ils utilisaient, ni les impacts indirects de leurs activitĂ©s[32] - [33] - [34]. Un projet de loi dit Fracturing Responsibility and Awareness of Chemicals Act dĂ©posĂ© en 2009 vise Ă obliger les industriels Ă divulguer la liste des produits chimiques qu'ils injectent dans le sous-sol, mais en 2010, l'industrie gaziĂšre et pĂ©troliĂšre s'opposait encore, avec succĂšs, Ă cette loi. L'EPA leur a proposĂ© de coopĂ©rer en leur accordant la possibilitĂ© d'arguer du secret de fabrication pour ne pas divulguer au public certains produits.
Effets mesurés sur la santé
Pour le grand public, la question des impacts sur la santé a d'abord été soulevée par le film Gasland, mais qui n'était pas une étude scientifique épidémiologique à grande échelle.
Diverses Ă©tudes ont ensuite suggĂ©rĂ© que vivre prĂšs des sites pĂ©tro-gaziers utilisant le fracking est associĂ© Ă un large Ă©ventail dâeffets nĂ©gatifs allant dâun risque accru d'asthme et de migraines Ă un accroissement du risque d'hospitalisation pour maladie cardiovasculaire, trouble neurologique et cancer[35]. Par prĂ©caution quelques Ă©tats ont dĂ©jĂ interdit la fracturation (Maryland et Ătat de New York). Les premiĂšres Ă©tudes concernaient essentiellement la pollution de l'eau par les produits chimiques du fluide de fracturation suite Ă d'Ă©ventuelles pertes d'intĂ©gritĂ© des conduites de forage[36] ou par les remontĂ©es dâĂ©lĂ©ments profonds via les forages[37] - [38] - [39] - [40].
Puis, plusieurs études récentes ont porté sur des évaluations coûts-bénéfice pour l'environnement[41] et sur les effets possibles des produits chimiques présents dans le « fluide de fracturation » puis retrouvés dans l'air prÚs des puits de fracturation[42] - [43] - [44] - [45] - [46].
Fin 2017, une large Ă©tude (conduite par des Ă©pidĂ©miologistes de l'universitĂ© de Princeton) est publiĂ©e dans la revue Science Advances[35]. Câest la premiĂšre comparaison Ă grande Ă©chelle de quelques indicateurs de santĂ© robustes, d'une part chez des bĂ©bĂ©s nĂ©s avant et aprĂšs l'extraction du gaz de schiste par fracturation en Pennsylvanie et d'autre part chez des bĂ©bĂ©s nĂ©s Ă diverses distances dâun forage en activitĂ©. Cette Ă©tude montre que les parents vivant Ă proximitĂ© des puits de fracturation ont un risque nettement aggravĂ© dâavoir des enfants dont le poids de naissance est significativement plus bas. Des Ă©tudes antĂ©rieures ont aussi mis en Ă©vidence un risque accru de faible poids Ă la naissance pour les nouveau-nĂ©s, mais elles manquaient de puissance statistique ou nâavaient pas mesurĂ© si lâintensitĂ© du risque Ă©tait corrĂ©lĂ©e Ă la distance par rapport au forage[35]. Cette fois, 1,1 million de certificats de naissance de Pennsylvanie ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©s, produits de 2004 Ă 2013 (laps de temps durant lequel plus de 10 000 puits de fracturation ont Ă©tĂ© forĂ©s en Pennsylvanie pour extraire le gaz). L'adresse des parents, le poids Ă la naissance, le nombre de mois de gestation, la prĂ©sence dâanomalies congĂ©nitales et certaines anomalies Ă la naissance figurent sur ce certificat. Les chercheurs ont pu superposer ces donnĂ©es Ă des cartes figurant les lieux et dates de dĂ©buts et fins dâactivitĂ© des puits forĂ©s en Pennsylvanie[35]. Ils ont Ă©tudiĂ© les donnĂ©es des certificats pour les bĂ©bĂ©s nĂ©s dans des cercles concentriques de 1 km dessinĂ©s autour de chaque site : un Ă 1 km, deux et 3 km et au delĂ . Les diffĂ©rences sont nettes : les bĂ©bĂ©s nĂ©s dâune mĂšre vivant Ă moins d'un kilomĂštre d'un puits Ă©taient 25 % plus susceptibles d'avoir un faible poids Ă la naissance (moins de 2 500 grammes ou 5,5 livres) que les bĂ©bĂ©s Ă plus de trois kilomĂštres. Ces bĂ©bĂ©s Ă©taient Ă©galement en moins bonne santĂ©. Ceux qui sont nĂ©s dans les deuxiĂšme et troisiĂšme cercles Ă©taient Ă©galement plus petits et moins bonne en santĂ© que les bĂ©bĂ©s nĂ©s de mĂšres vivant plus loin, mais un peu moins affectĂ©s que ceux nĂ©s dâune mĂšre habitant Ă moins dâun kilomĂštre dâun forage.
Pour Ă©viter les biais liĂ©s Ă dâautres facteurs de risque (comme vivre dans un quartier pauvre ou une ville polluĂ©e) lâĂ©tude nâa pas comptabilisĂ© les bĂ©bĂ©s nĂ©s dans les zones urbaines comme Pittsburgh et Philadelphie (oĂč les bĂ©bĂ©s ont aussi plus de risque de naĂźtre avec un poids plus bas que la moyenne[47])[35]. Les chercheurs ont aussi comparĂ© les frĂšres et sĆurs nĂ©s de mĂšres vivant prĂšs dâun site de fracturation et ayant eu un enfant avant et aprĂšs le dĂ©but de la fracturation puis un autre aprĂšs ; cet Ă©chantillon Ă©tait plus modeste (594 enfants exposĂ©s Ă la fracturation ayant des frĂšres et/ou sĆurs non exposĂ©s) mais chez ces enfants, ceux nĂ©s dâune mĂšre exposĂ©e Ă©taient statistiquement plus petits et en moins bonne santĂ© que les autres[35]. Ă plus de trois kilomĂštres, il nây a plus dâeffet dĂ©tectable[35].
Les facteurs en cause ne sont pas encore connus. Dans ce cas, la pollution de l'eau de boisson ne semble pas ĂȘtre en cause ou en tous cas pas le premier facteur, car beaucoup de familles nâont pas bu dâeau dâun puits ou forage local. La cause semble Ă rechercher dans lâair ou lâenvironnement proche du puits ; restent donc une dispersion dans lâenvironnement des produits chimiques utilisĂ©s pour la fracturation, les fuites de gaz, un effet indirect dĂ» Ă l'augmentation de la circulation des camions et des travaux lourds liĂ©s Ă la fracturation hydraulique[35]. Les auteurs rappellent qu'un faible poids Ă la naissance frĂ©quemment dĂ» Ă un environnement dĂ©gradĂ©[48] et est prĂ©dictif dâun risque accru de mortalitĂ© infantile, d'asthme, d'hyperactivitĂ© associĂ©e Ă des troubles et un dĂ©ficit de l'attention, de rĂ©sultats scolaires infĂ©rieurs puis de revenus financiers moindre que la moyenne. L'auteure principale ajoute que les bĂ©bĂ©s peuvent ĂȘtre comparĂ©s aux « canaris » autrefois utilisĂ©s dans les mines en raison de leur grande sensibilitĂ© comme dĂ©tecteur de grisou ou de monoxyde de carbone mortel ; ils ne sont probablement pas les seules victimes ; s'ils subissent de tels effets, les personnes ĂągĂ©es et dâautres personnes vulnĂ©rables vivant Ă proximitĂ© des puits risquent Ă©galement de voir leur santĂ© dĂ©gradĂ©e. Selon elle, « il ne sâagit plus de discuter pour savoir sâil y a ou non des effets sur la santĂ©, mais de discuter pour savoir comment aider aider les gens qui vivent prĂšs de la fracturation »[35] - [49].
Objectifs
Elle vise Ă augmenter ou rĂ©tablir la vitesse Ă laquelle les fluides gras tels que pĂ©trole, liquides (eau) ou gazeux peuvent ĂȘtre produit et extraits Ă partir d'un rĂ©servoir souterrain, dont (c'est de plus en plus le cas) pour des rĂ©servoirs dits non conventionnels tels que lits de charbon ou de schistes n'ayant pas pu ĂȘtre exploitĂ©s par les mĂ©thodes conventionnelles.
Par exemple, les schistes (roche sĂ©dimentaire la plus rĂ©pandue) contiennent un peu de gaz enfermĂ© dans des pores trĂšs petits (environ mille fois plus petits que ceux du grĂšs des rĂ©servoirs conventionnels de gaz naturel). Ce gaz ne peut ĂȘtre extrait qu'en fracturant la roche[4].
La fracturation hydraulique vise le plus souvent Ă permettre l'extraction de gaz naturel et de pĂ©trole Ă partir de formations gĂ©ologiques profondes (1 Ă 4 voire 5 km souvent). Ă cette profondeur, le substrat est gĂ©nĂ©ralement insuffisamment poreux ou permĂ©able pour permettre au gaz naturel et/ou au pĂ©trole de s'Ă©couler dans le substrat jusqu'au puits de forage Ă une vitesse permettant de rentabiliser le puits par la vente du gaz. Par exemple, la permĂ©abilitĂ© naturelle des schistes est extrĂȘmement faible[50]. Fracturer des portions trĂšs importantes de couches de schiste est pour cette raison une condition nĂ©cessaire Ă l'extraction rentable du gaz qui y est piĂ©gĂ© (en trĂšs faible quantitĂ© par mĂštre cube de schiste).
La fracture d'une couche ciblĂ©e de roche renfermant des hydrocarbures fournit un chemin conducteur reliant une plus grande surface du rĂ©servoir au puits, ce qui augmente la zone prospectĂ©e par le systĂšme puits/rĂ©seau de fissures, d'oĂč le gaz naturel et des liquides peuvent ĂȘtre rĂ©cupĂ©rĂ©s de la formation ciblĂ©e.
L'opération de fracturation
Elle se déroule en plusieurs phases[51] :
- Une galerie ou un réseau de galerie est creusé dans le lit rocheux qu'on souhaite fracturer.
- La fracturation est initiée avec un fluide de faible viscosité (de maniÚre à ne pas perdre trop d'énergie via les forces de friction qui deviennent d'autant plus importantes que le réseau s'agrandit)[51].
- Des fluides (ou gels) sont ensuite injectés dans le réseau de fentes[51]. Ils contiennent un agent de soutÚnement qui doit éviter que ce réseau ne se referme. La répartition des agents de soutÚnement à l'intérieur de la fracture est un facteur essentiel dans la conception d'une fracture hydraulique[51].
- Les opĂ©rations de collecte peuvent ensuite ĂȘtre amorcĂ©es. Si le puits s'Ă©puise ou semble se colmater, de nouvelles opĂ©rations de fragmentation peuvent se succĂ©der.
Difficultés et risques d'accidents
La principale difficultĂ© est que l'opĂ©rateur doit travailler en aveugle et Ă distance, sur la base de modĂšles gĂ©ologiques et mĂ©canistiques comportant de nombreuses incertitudes. Chaque forage est, de plus, un cas particulier, en raison notamment des variations naturelles du substrat (nature des roches, stratigraphie, pendage, anisotropie, Ă©ventuelles anomalies de tempĂ©rature et/ou anomalies magnĂ©tiques susceptibles de perturber la mesure de la hauteur de fracturation Ă partir du puits horizontal, ou de perturber certains outils de mesure (magnĂ©tomĂštresâŠ) de mesures de la direction du forageâŠ).
Les trains de tiges sont soumis Ă des efforts de tension (traction/compression), de pression, flexion et torsion, abrasion et corrosion qui peuvent varier selon les contextes et l'usure du matĂ©riel. Dans les courbes du puits, et plus encore dans les parties horizontales du forage, un « lit de dĂ©blai » (lit de dĂ©pĂŽt particulaire (particules issue du forage ou du dĂ©blaiâŠ) peut se former, avec risque de « collage » diminuant les performances du puits voire conduisant Ă son obstruction (des dĂ©bits Ă©levĂ©s lors du forage diminuent ce risque, de mĂȘme que l'utilisation d'un fluide de forage en rĂ©gime turbulent[17], mais ceci encourage Ă encore augmenter la consommation d'eau, dont une partie sera perdue dans le sous-sol). Enfin, des fissures ou failles connexes, intrusions liĂ©es, et autres fuites peuvent crĂ©er des bypass et localement empĂȘcher l'ouverture des pores et feuillets de la roche[52].
Au fur et à mesure que les réservoirs schisteux épais et homogÚnes auront été exploités, et qu'on cherchera à forer des couches schisteuses plus fines, il faudra de mieux en mieux contrÎler la hauteur des fracturations pour qu'elles ne s'étendent pas au-delà de la couche de schiste. Ceci est aujourd'hui difficile, faute d'outils de mesure et de contrÎle assez précis. Les outils et méthodes disponibles vers 1980 (alors que les forages dans les schistes commençaient à se multiplier) mesuraient au mieux la hauteur de fracture dans un rayon d'environ 2 m (0,6 m) et si la modélisation a beaucoup avancé dans les décennies 1970-1990[53], on ne dispose aujourd'hui d'aucun moyen de déterminer précisément in situ, en temps réel et à coût raisonnable la hauteur et la profondeur du réseau fracturé dans la formation. Le risque de fracturer la roche environnante, souvent plus perméable, augmente quand les couches de schistes explorées sont moins épaisses[54].
En surface, des risques de pollution existent en amont et en aval de l'opération et durant celle-ci en cas d'accident. Ces risques concernent les pollutions de sol ou de nappe phréatique ou d'eaux superficielles. Ils sont notamment liés aux produits chimiques utilisés. Il existe aussi des risques d'explosion, d'incendies, de fuites ou de surgissement en geyser de fluide. Ils peuvent provenir d'erreurs humaines ou de déficiences matérielles.
Ils sont aussi liĂ©s Ă l'incertitude du travail distant et en aveugle que l'opĂ©rateur doit conduire. Ce dernier est confrontĂ© Ă la grande complexitĂ© de la propagation des fractures multiples (avec une propagation, chaotique et non maitrisable de fractures complexes). D'Ă©ventuelles fuites ou dĂ©viations des tĂȘtes de forage, etc.[17] peuvent se produire.
L'opérateur est ainsi exposé au risque de ruptures ou de fuites brutales, se traduisant par de brusques chutes de pression ou au contraire par des montées en pression auxquelles le matériel doit résister. Les meilleures simulations numériques sont encore trop imparfaites[55] pour garantir que ces risques soient évités.
Chaque opĂ©ration est source de dĂ©formations structurelles suivies d'une tendance Ă un certain rĂ©Ă©quilibrage, avec d'importantes variations selon les caractĂ©ristiques de la couche rocheuse explorĂ©e et des couches voisines. Les Ă©ventuels impacts de ces changements, non visibles en surface au moment des chantiers, semblent peu Ă©tudiĂ©s ou mal compris. Aux limites des rĂ©servoirs, des effets de bords sont difficiles Ă prendre en compte, mĂȘme par les modĂšles.
Environ sept millions de personnes vivent dans des rĂ©gions du centre et de lâest des Ătats-Unis oĂč la fracturation hydraulique peut causer des secousses telluriques risquant dâendommager les constructions, selon un rapport de lâInstitut amĂ©ricain de gĂ©ophysique (USGS â United States Geological Survey) publiĂ© lundi 28 mars.
L'institut d'Ă©tudes gĂ©ologiques des Ătats-Unis (USGS) identifiĂ© 21 endroits ayant connu dans les annĂ©es 2010 un accroissement des sĂ©ismes provoquĂ©s par la fracturation et rapportent des secousses puissantes et des dĂ©gĂąts dans six Ătats (Oklahoma, Kansas, Texas, Colorado, Nouveau-Mexique et Arkansas dans l'ordre des plus exposĂ©s) avec des populations riveraines de sept millions d'individus[56]
Les fluides de fracturation
N'importe quel fluide peut ĂȘtre utilisĂ©, allant de l'eau Ă des gels, des mousses, des gaz azote, dioxyde de carbone ou mĂȘme de l'air dans certains cas. Pour les forages horizontaux visant le gaz de schiste, le fluide est prĂ©parĂ© in situ, au moyen de camions spĂ©ciaux et de rĂ©servoirs amenĂ©s sur place. Le systĂšme de prĂ©paration et d'injection est conçu pour que le fluide soit adaptĂ© aux formations rocheuses qu'il va rencontrer, et pour qu'il change de viscositĂ© et de fonctions au fur et Ă mesure de son dĂ©placement de la surface vers l'extrĂ©mitĂ© des zones fracturĂ©es, et pendant le nettoyage et drainage de la fracture[31].
Peu de donnĂ©es sont disponibles sur ces fluides alors que de nombreux additifs chimiques les composent[31]. Ce nâest quâen 2010 que le SĂ©nat amĂ©ricain et l'EPA ont demandĂ© des informations prĂ©cises aux 9 grands opĂ©rateurs les utilisant.
Selon Halliburton et d'autres opĂ©rateurs du secteur, en gĂ©nĂ©ral plus de 99,5 % du fluide utilisĂ© dans la fracturation hydraulique est composĂ© d'eau et de silice (sable). Ce sable peut ĂȘtre pelliculĂ© (recouvert) de rĂ©sine, ou remplacĂ© par des billes de cĂ©ramique. Et pour optimiser le rendement des puits, on y ajoute des produits issue d'une « chimie de pointe »[8] pour notamment :
- « limiter par injection de biocides la croissance et l'accumulation de bactéries, dans le fluide et dans le puits de forage » ;
- veiller Ă ce que « le sable (ou autre agent de soutĂšnement) reste bien en suspension dans le fluide, afin qu'il arrive de maniĂšre homogĂšne dans les fractures ouvertes par les « coups » de pression et que les rĂ©seaux de fentes et micro failles ainsi crĂ©Ă©s ne se referment pas, pour que le gaz ou le pĂ©trole puisse y circuler ». Quelques expĂ©riences ont montrĂ© que certains forages ont trĂšs bien fonctionnĂ©, sans utilisation massive d'agents de soutĂšnement, probablement notamment en raison de la rugositĂ© de surface de la roche fracturĂ©e[31], et de dĂ©sordres structurels (tridimensionnels) induits dans le feuilletage schisteux par la fracturation[31], qui empĂȘchent que les feuillets disjoints ne se recollent ; certains auteurs ont mĂȘme Ă la fin des annĂ©es 1990 posĂ© l'hypothĂšse que les agents de soutĂšnement (en s'agglomĂ©rant avec des rĂ©sidus de gel et d'autres particules) pourraient en fait nuire Ă la permĂ©abilitĂ© de la fracture et Ă sa capacitĂ© Ă se nettoyer[31]. Ces mĂȘmes auteurs considĂšrent qu'un fluide moins visqueux fracture mieux la roche et facilite l'extension des fractures, et leur nettoyage, ce qui est un « paramĂštre clĂ© » dans les rĂ©servoirs Ă©tanches.
- « Réduire la tension superficielle de l'eau en contact avec le « réservoir » du gisement, pour améliorer la production ».
Fin 2010, la polĂ©mique enflait en AmĂ©rique du Nord quant au secret entourant la composition de ces fluides, et quant Ă leur degrĂ© de toxicitĂ©. En 2010, Halliburton a en effet d'abord refusĂ© de donner des informations dĂ©taillĂ©es sur ces fluides Ă l'EPA, puis, menacĂ© dâune injonction administrative, a acceptĂ© de coopĂ©rer, alors que les 8 autres grands opĂ©rateurs interrogĂ©s par lâEPA avaient rapidement acceptĂ© de rĂ©pondre aux questions de l'EPA posĂ©es en vue d'une premiĂšre Ă©valuation environnementale, Ă la demande de la Chambre des reprĂ©sentants des Ătats-Unis.
AprĂšs l'avoir brevetĂ©, Halliburton a annoncĂ© fin 2010 la mise au point d'un fluide dĂ©sinfectĂ© par rayonnement UV (procĂ©dĂ© CleanStream Service), qui devrait permettre de ne plus utiliser les biocides qui Ă©taient injectĂ©s dans le sous-sol. Le groupe a aussi annoncĂ© avoir mis au point un systĂšme permettant de mieux rĂ©utiliser les fluides de fracturation en diminuant le gaspillage d'eau (systĂšme CleanWaveâą). Toutefois, il semblerait qu'Ă chaque opĂ©ration de fracturation, jusqu'Ă 50 % de l'eau du fluide â avec ses produits chimiques â soient perdus dans le systĂšme de fracturation[20] (2010). Un film complet, avec sous-titres en français[57], traite de certains impacts (sur l'eau et la santĂ© notamment) de la fracturation hydraulique. On y voit notamment un exemple de dĂ©gazage de mĂ©thane dissous dans la tuyauterie du rĂ©seau d'eau potable, assez important pour produire une flamme et une explosion quand on prĂ©sente un briquet devant le robinet au moment de son ouverture[20].
Composition
La composition et les teneurs en chaque produit ou mĂ©lange ont Ă©tĂ© tenues secrĂštes par les producteurs et utilisateurs, qui ont demandĂ© au SĂ©nat que la loi ne les oblige pas mĂȘme Ă rĂ©vĂ©ler les noms de ces produits. En toute logique, la composition et les teneurs varient selon les conditions pour sâadapter au type de roche, phase de travail, profondeur, etc.
L'Ătat de New-York a des ressources en eau potable qui proviennent de deux vastes bassins versants, et de nappes situĂ©es dans des secteurs faisant lâobjet dâune intense prospection gaziĂšre et qui commencent Ă ĂȘtre exploitĂ©s pour le gaz de schiste. Cet Ătat a dĂ©jĂ identifiĂ© dans les fluides plusieurs « des produits chimiques constituant les additifs / produits chimiques » utilisĂ©s pour la fracturation du sous-sol[58].
De nombreux produits sont ou ont été utilisés dans les fluides, dont :
- 1,2-benzisothiazolin-2-one / 1,2-benzisothiazolin-3-one
- 1,2,4-triméthylbenzÚne
- 1,4-Dioxane
- 1-eicosĂšne
- 1-hexadécÚne
- 1-octadécÚne
- 1-tétradécÚne
(1-tetradecene) - 2,2 dibromo-3-nitrilopropionamide
- 2,2'-azobis-{2 - (imidazlin-2-yl) propane-dichlorhydrate}
- 2,2-Dobromomalonamide
- polymÚre acide de sel de sodium 2-acrylamido-2-méthylpropane
- Chlorure 2-acryloyloxyéthyle diméthylammonium (benzyl)
- 2-Bromo-2-nitro-1,3-propanediol
- 2-butoxyéthanol
- 2-dibromo-3-nitriloprionamide (2-monobromé-3-nitriilopropionamide)
- 2-Ă©thylhexanol
- 2-propanol /alcool isopropylique / isopropanol / Propane-2-ol
- HomopolymÚre de 2-propÚne-1-aminium, N, N-diméthyl-N-2-chlorure de propényl
- HomopolymĂšre de sel d'ammonium / acide 2-propĂšnoĂŻque
- PolymĂšre dâacide 2-propĂ©noĂŻque (Acide acrylique) avec 2 p-acrylamide, sel de sodium / CopolymĂšre d'acrylamide et d'acrylate de sodium
- Acide 2-propénoïque polymérisé avec phosphinate de sodium (1:1). Rem : Le phosphinate de sodium est également nommé « Sodium hypophosphite »
- 2-propénoate télomérisé avec sulfite d'hydrogÚne de sodium
- 2-propyn-1-ol / Alcool de Progargyl
- 3,5,7-Triaza-1-azoniatricyclo[3.3.1.13,7]decane, 1-(3-chloro-2-propenyl)-chloride )
- 3-méthyl-1-butyne-3-ol
- 4-nonylphĂ©nol ramifiĂ© polyĂ©thylĂšne glycol Ă©ther / nonylphĂ©nol Ă©thoxylĂ© / oxyalkylĂ© phĂ©nol. Rem : Les nonylphĂ©nols sont fortement suspectĂ©s dâĂȘtre des perturbateurs endocriniens.
- Acide acétique
- Acide acétique, hydroxy-, et produits de réaction avec la triéthanolamine
- Anhydride acétique
- Acétone
- Acrylamide
Des sables radioactifs ont également beaucoup été utilisés comme traceurs[59]. Une technologie alternative a été présentée en 2009[60] mais ne semble pas encore trÚs utilisée.
Domaines dâutilisation
Lâusage largement le plus rĂ©pandu est lâextraction de resources non conventionnelles de gaz et de pĂ©trole[61] - [62] - [63], mais lâhydrofracturation peut aussi ĂȘtre utilisĂ©e pour dâautres usages, dont :
- dĂ©colmater ou « stimuler » un forage destinĂ© au pompage dâeau potable[64] (mais au risque parfois dâensuite lâĂ©puiser plus vite et dây faciliter les transferts dâeau polluĂ©e, saline, ou se polluant Ă partir de composĂ©s de la matrice (particules, radionuclĂ©ides, sels rendus disponibles par le fracking) ;
- « préconditionner » une couche géologique (en la fracturant) pour en faciliter une future exploitation miniÚre[65]
De maniĂšre plus marginale, la fracturation hydraulique est Ă©galement utilisĂ©e dans le domaine de la gĂ©othermie, en particulier sur le site pilote de Soultz-sous-ForĂȘts en Alsace[66].
Objectifs techniques
La fracturation hydraulique vise Ă augmenter (ou rĂ©tablir) la vitesse Ă laquelle les fluides gras (pĂ©trole), liquides (eau) ou gazeux peuvent ĂȘtre extraits d'un rĂ©servoir souterrain rocheux, dont (c'est de plus en plus le cas) de rĂ©servoirs d'hydrocarbures dits non conventionnels. Dans ce cas, les rĂ©servoirs sont des lits ou couches de charbon ou de schistes n'ayant pas pu ĂȘtre exploitĂ©s par les mĂ©thodes conventionnelles. La fracturation hydraulique permet d'extraire du gaz naturel et du pĂ©trole Ă partir de formations gĂ©ologiques profondes (5 000 Ă 20 000 pieds). Ă cette profondeur, la chaleur et la pression permettent la libĂ©ration dâune faible partie des hydrocarbures piĂ©gĂ©s, mais la faible permĂ©abilitĂ© du substrat et de la matrice sâopposent Ă la circulation jusqu'au puits de forage du gaz naturel et/ou dâhydrocarbures gras tels que le pĂ©trole Ă une vitesse permettant de rentabiliser le puits par la vente de ces substances. Dans le cas des schistes profonds dont la permĂ©abilitĂ© naturelle est extrĂȘmement faible (mesurĂ©e en microdarcy voire en nanodarcy)[67]. Fracturer des portions trĂšs importantes de couches de schiste est le seul moyen rentable dâen extraire les gaz qui y sont piĂ©gĂ©s, en trĂšs faible quantitĂ© par mĂštre cube de schiste.
Le fracking d'une couche ciblĂ©e de roche (riche en matiĂšre organique, renfermant donc de faibles quantitĂ©s dâhydrocarbures), fournit un chemin conducteur ouvrant au drainage vers le puits une plus grande surface du « rĂ©servoir ». On peut rĂ©pĂ©ter le processus, plusieurs dizaines de fois Ă©ventuellement, Ă partir d'un mĂȘme puits pour tenter de rĂ©activer le rĂ©seau de fissures quand la production du puits diminue.
Techniques de substitution
Plusieurs techniques alternatives sont actuellement à l'étude[68], elles visent essentiellement à remplacer l'eau par un autre fluide. Ces techniques demeurent encore à l'état expérimental et ne sont pas exemptes de risques :
- la fracturation au CO2, injecté dans le sol sous forme supercritique<ref« >Gaz de schiste : aprÚs la fracturation hydraulique », Banque des Savoirs de l'Essonne, 17 octobre 2011</ref>. L'inconvénient majeur de l'utilisation du dioxyde de carbone serait l'accélération de la dissolution des roches qui augmenterait l'étendue des fissures ouvertes et permettrait des infiltrations[69] ;
- la fracturation au gel de propane, testée par la société canadienne Gasfrac[70], et au propane pur (sans additifs chimiques) par la société Ecorpstim[71] ;
- la stimulation par arc Ă©lectrique, qui nĂ©cessite tout de mĂȘme l'emploi d'eau mais en plus faibles quantitĂ©s. GrĂące Ă une puissante dĂ©charge Ă©lectrique, une onde acoustique provoque de micro-fissures dans la roche et libĂšre le gaz. Le principal inconvĂ©nient de cette technique rĂ©side dans l'important besoin d'Ă©lectricitĂ©, en particulier d'un gĂ©nĂ©rateur de forte puissance situĂ© en surface au niveau du puits. Elle est testĂ©e par Total et l'universitĂ© de Pau ;
- la fracturation pneumatique, qui consiste Ă injecter de l'air Ă forte pression ;
- la fracturation exothermique non hydraulique ou fracturation sĂšche[72], inventĂ©e pour les forages en rĂ©gion Arctiques oĂč l'eau gĂšle et se fige trop rapidement. Cette mĂ©thode nâutilise ni eau, ni explosifs, ni acides, ni solvants, mais de l'hĂ©lium chaud. Les propriĂ©tĂ©s de ce gaz inerte et trĂšs peu soluble dans l'eau permettent de se passer de tout autre produit : injectĂ© Ă l'Ă©tat liquide, l'hĂ©lium passe au stade gazeux grĂące Ă la chaleur naturelle du sous-sol, le changement de volume permet de fracturer la roche. Elle est expĂ©rimentĂ©e par la sociĂ©tĂ© Chimera Energy Corp au Mexique, dans le gisement Chicontepec.
Ingénierie
La fracturation hydraulique fait appel Ă des processus pluridisciplinaires complexes dâĂ©tudes et planification des travaux.
Des géologues et équipes de prospecteurs identifient et géolocalisent les ressources fossiles potentielles ou certaines. Des équipes de juristes, de financiers doivent acquérir ou négocier les droits de prospection et d'exploitation. Les disciplines qui interviennent ensuite, dÚs la phase exploratoire in situ pour certaines, relÚvent par exemple de
- la mécanique de la rupture ;
- la mécanique des fluides ;
- la mécanique des solides ;
- la théorie de la percolation (cf. aussi loi de Darcy) ;
- la chimie et physique des fluides et de lâextraction, dĂ©sorption ;
- la modélisation mathématique et l'informatique ;
- lâingĂ©nierie financiĂšre, , etc.
AprĂšs quelques annĂ©es de dĂ©veloppement intensif de ces techniques, et alors que les Ă©tudes dâimpact commencent seulement Ă ĂȘtre demandĂ©es par lâEPA (2010) et en son sein par l'Office of Research and Development (ORD), de nouvelles sciences et disciplines dont la toxicologie et lâĂ©cotoxicologie, la restauration Ă©cologique pourraient Ă©galement devoir ĂȘtre appelĂ©es en renfort.
Terminologie
- Agents de soutĂšnement (en anglais proppants) : Ce sont des particules solides, mises en suspension dans le fluide de fracturation et injectĂ©es dans les fractures. Elles doivent maintenir ces fractures ouvertes, pour crĂ©er et conserver un « chemin » conducteur que les fluides (gaz, pĂ©trole, eau) emprunteront pour facilement se dĂ©placer jusquâau puits dâextraction. On a dâabord utilisĂ© du sable naturel, puis des grains de cĂ©ramique fabriquĂ©s en usine Ă des diamĂštres et densitĂ©s optimisĂ©s, Ă©ventuellement recouverts par un traitement de surface[73] de rĂ©sine phĂ©nolique par exemple pour qu'ils rĂ©agissent moins avec le fluide de fracturation et le gaz ou le pĂ©trole.
- Complétion : C'est le travail nécessaire au bon fonctionnement du puits, en plus du simple fait de le forer.
- Coning (ou formation de cÎne) : C'est le phénomÚne d'appel d'eau créé par la dépression causée par un puits (vertical, angulaire ou horizontal) qui aspire le gaz ou le pétrole (quand de l'eau est présente à proximité). Il cause un déclin de productivité du puits si le niveau d'eau monte trop vite dans le puits. Le nom provient de la forme de cÎne que prenait le plafond de la nappe sous un puits l'aspirant[17]. On parle de « coning d'eau » , de « coning de gaz » et de « double coning »[74] ; « La hauteur du cÎne et le débit critique dépendent du rayon de cÎne alors qu'ils sont indépendants du rayon du puits »[74]. Termium Plus, la banque de données terminologiques et linguistiques du gouvernement du Canada, donne comme définition : « Formation de cÎne axée sur le sondage, phénomÚne affectant les nappes d'eau et de gaz d'un gisement en production / Sous l'effet du gradient de pression dû à l'écoulement de l'huile, il se produit alors une déformation de la surface séparant les deux fluides [l'huile et eau ou gaz]. Ce phénomÚne appelé « coning », ou formation d'un cÎne d'eau ou de gaz [...] », et comme traductions : 1) « succion », 2) « formation de cÎne »[75].
- Fluide de forage : Il lubrifie la tĂȘte foreuse et le puits. Il doit par une viscositĂ© adĂ©quate faciliter le nettoyage en transport des dĂ©blais de forage du front de taille Ă la surface, de maniĂšre Ă Ă©viter l'accumulation de dĂ©blais, ce qui est plus difficile dans les courbures et puits horizontaux ou parties inclinĂ©es du puits.
- Fluide de fracturation (en anglais fracturing fluid) : Câest le fluide (eau + sable ou microbilles + Ă©ventuels produits chimiques) injectĂ© via le puits de forage et le ou les canaux forĂ©s horizontalement dans la roche Ă fracturer pour en extraire du pĂ©trole, du gaz ou de lâeau.
Ce fluide de fracturation a quatre fonctions principales :
- Ouvrir et étendre un réseau de fractures ;
- Transporter divers agent de soutĂšnement le long de fractures ;
- Dans le cas des hydrocarbures non conventionnels : transporter des agents chimiques qui aideront Ă dĂ©sorber de la roche le ou les produit(s) que lâopĂ©rateur veut extraire ;
- Dans le cas particulier de forages destinés à dépolluer un sol ou sous-sol, ce fluide peut contenir des bactéries et de quoi les nourrir, des agents absorbants, adsorbants, chélateurs, etc.
- Fracking ou fracing[76] sont, dans l'argot du métier, des diminutifs qui désignent l'opération de fracturation hydraulique.
- Gradient de fracturation (en anglais fracture gradient ou FG) : Câest la pression pour fracturer la formation gĂ©ologique Ă une profondeur donnĂ©e divisĂ©e par la profondeur. Un gradient de fracture de 18 kPa/m (0.8 psi/pied) implique que, Ă une profondeur de 3 km (10 000 pieds) une pression de 54 MPa (8 000 psi) augmentera la fracturation hydraulique ;
- ISIP (initiales de l'anglais instantaneous shut in pressure) : Câest la pression mesurĂ©e immĂ©diatement aprĂšs arrĂȘt de l'injection de fluide. LâISIP fournit une mesure de pression dans le puits dâinjection du fluide de fracturation, sans les effets de frottement du fluide.
- Kick-off (coup d'envoi) et KOP, initiales de kick-off point.
- Leakoff : câest la perte de fluide de fracturation Ă partir du canal principal de fracture dans la roche environnante (plus permĂ©able), ou dans un rĂ©seau proche dĂ©jĂ fracturĂ©).
- Screen-outs (ou premature screen-outs) : Ce sont certains des « scenarii » oĂč la fracturation Ă©choue, par exemple par perte du fluide de fracturation dans un rĂ©seau faillĂ© prĂ©existant ou dans une roche plus permĂ©able que prĂ©vu, ou Ă la suite d'une consistance inadaptĂ©e du fluide). L'adjonction d'un sable tamisĂ© trĂšs fin au fluide permet parfois de plus ou moins colmater les fuites[77].
- Skin : c'est le phénomÚne de colmatage des pores, voire des fissures par des fines (particules de mopins de 5 ”m) issues du forage ou du réservoir, qui endommage irréversiblement la formation-réservoir[17].
Le secteur industriel de la fracturation hydraulique
De nombreuses sociétés proposent des services de fracturation pour les forages d'eau potable, décolmatage et dépollution de sols, ou des carriers, à proximité de la surface du sol, et à petite échelle. La fracturation profonde nécessite quant à elle des moyens informatique, industriels et technologiques lourds. Elle n'est effectuée que par quelques grandes sociétés spécialisées, prestatrices de services pour le compte des grands groupes pétroliers et gaziers.
Selon l'EPA, les neuf grandes entreprises nationales et rĂ©gionales spĂ©cialisĂ©es prĂ©sentes aux Ătats-Unis dans le secteur de la fracturation hydraulique profonde sont (par ordre alphabĂ©tique) :
- BJ Services
- Complete Production Services
- Halliburton
- Key Energy Services
- Patterson-UTI
- RPC, Inc.
- Schlumberger
- Superior Well Services
- Weatherford
Contexte juridique
Il varie selon les pays et parfois selon les régions. Il évolue rapidement. Depuis peu, il semble tendre à intégrer la responsabilité environnementale, le principe de précaution et une meilleure prise en compte des effets des fuites de gaz sur le climat, mais avec des tensions importantes entre les lobbys industriels concernés et les acteurs impliqués dans la régulation environnementale (élus, agences et administrations, et ONG).
Historiquement, la fracturation n'a d'abord simplement pas intĂ©ressĂ© le lĂ©gislateur. Jusqu'au dĂ©but des annĂ©es 2000, elle n'Ă©tait pas spĂ©cifiquement citĂ©e par les codes miniers. Les administrations et Ă©lus, comme les citoyens, sont en outre longtemps restĂ©s totalement non informĂ©s de la nature et de la quantitĂ© de produits chimiques injectĂ©s en profondeur avec les fluides de fracturation ou en remontant du sous-sol avec ces mĂȘmes fluides et le gaz ou le pĂ©trole.
Dans la plupart des lĂ©gislations, des annĂ©es 1950 Ă 2000, le fracking n'Ă©tait donc ni autorisĂ©, ni interdit. Il a profitĂ© d'un vide juridique ou de l'absence d'une lĂ©gislation dĂ©diĂ©e pour rapidement se dĂ©velopper, notamment dans les annĂ©es 2000 aux Ătats-Unis.
Le cas des Ătats-Unis
C'est le pays le plus observé, car le fracking y existe depuis environ 60 ans et son usage s'y est fortement développé depuis 2003[78], à la suite de l'amélioration des techniques de forages horizontaux qui ont permis d'exploiter du gaz autrefois inaccessible au Texas, en Pennsylvanie], en Virginie Occidentale], dans le Wyoming, l'Utah et le Maryland. Certains états ont cherché à plus ou moins cadrer juridiquement cette activité, d'autres à favoriser les entreprises la pratiquant[78].
C'est aussi le premier pays oĂč, Ă la demande des industriels, en 2005, le droit de l'environnement a rĂ©gressĂ© avec l'instauration d'une discrimination positive avantageant les intĂ©rĂȘts pĂ©troliers et gaziers. Barack Obama, tout comme Lisa Jackson (administratrice de l'EPA) ont mis en avant la double « nĂ©cessitĂ© d'extraire du gaz naturel », mais « sans polluer les rĂ©serves d'eau »[78]. Cependant la lĂ©gislation a Ă©tĂ© dans le sens d'une dĂ©rĂšglementation, et elle ne permet pas ou ne permet plus de garantir ce second objectif. Le fracking a Ă©tĂ© exemptĂ© de plusieurs obligations environnementales[78] : Les entreprises pĂ©tro-gaziĂšres et de fracking n'ont plus Ă respecter une partie des lois sur la protection des ressources en eau et l'eau potable. Elles bĂ©nĂ©ficient mĂȘme dans le nouvel Energy Policy Act of 2005 d'une exemption dite « Halliburton Loophole[79]» (qu'on pourrait traduire par Ă©chappatoire Halliburton).
La seule pratique restant réglementée est l'injection massive de carburant diesel comme fluide de fracturation et solvant ou vecteur de divers additifs dans le sous-sol pour les forages gaziers et pétroliers. Mais pour le reste, le fracking est dispensé du permis fédéral autrement imposé à tous par la loi sur l'eau potable votée en 1974 (Safe Drinking Water Act ou SDWA)[79].
Pourtant, en quatre ans (de 2005 Ă 2009) ce sont - selon le CongrĂšs - 32 millions de litres de carburant diesel qui ont Ă©tĂ© - illĂ©galement - injectĂ©s dans le sous-sol comme fluide de forage et/ou fracturation, dans 19 Ătats diffĂ©rents, bien que cette technique soit unanimement considĂ©rĂ©e comme Ă haut-risque pour les nappes et donc pour l'approvisionnement en eau potable[79].
Depuis 1987, les fuites ou le ruissellement issus des installations pĂ©troliĂšres et gaziĂšres terrestres (puits, pipelines et sites de construction) sont dispensĂ©s de rĂ©pondre Ă certaines obligations de l'une des deux grandes lois environnementales, le Clean Water Act[79]. De mĂȘme depuis 2005 pour l'autre grande loi environnementale, le Clean Air Act votĂ© par le CongrĂšs en 1970. Une modification de cette loi dispense alors les industriels de ce secteur d'Ă©tudier et dĂ©clarer les effets environnementaux globaux de la pollution de l'ensemble de leurs installations[79]. Ainsi les effets cumulatifs, synergiques ou de concentration gĂ©ographique ne sont plus pris en compte, grĂące Ă une seule comptabilisation de la pollution individuellement Ă©mise par chaque puits (sur la base dâauto-contrĂŽles essentiellement). Or, si la pollution et les fuites d'un seul puits peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme supportables par les Ă©cosystĂšmes ou pour la santĂ© humaine, il n'en va pas nĂ©cessairement de mĂȘme pour les effets de milliers ou dizaines de milliers de puits[79].
La gestion des eaux usées et des eaux résiduelles et contaminées issues de la fracturation est également dispensée du respect du « Resource Conservation and Recovery Act » (RCRA) qui impose aux autres industriels une dépollution suffisante pour que l'eau puisse retourner aux milieux superficiels ou dans les nappes sans risques[79] ; En octobre 2011, l'EPA a cependant annoncé qu'elle allait commencer à élaborer des normes pour les effluents et eaux usées issus de l'exploitation du gaz naturel[78].
La Loi nationale NEPA (« National Environmental Policy Act ») sur l'environnement impose thĂ©oriquement une dĂ©clarations d'impact environnemental pour tout grand projet industriel susceptible d'avoir un impact environnemental important (et le projet ne doit pas ĂȘtre saucissonnĂ© pour minimiser ses impacts). Mais (sous prĂ©texte de simplification administrative) en 2005, le nouvel Energy Policy Act a autorisĂ© les opĂ©rateurs pĂ©tro-gaziers Ă se conformer Ă un processus dĂ©claratif moins rigoureux[79].
Des produits chimiques, minĂ©raux ou mĂ©taux sont ajoutĂ©s aux fluides de fracturation. Les mĂȘmes et/ou d'autres produits sont dĂ©sorbĂ©s des roches profondes et remontĂ©s avec les fluides de forage, le gaz, le pĂ©trole ou les condensats de gaz naturel. Ces produits et les dĂ©chets solides ainsi que les effluents liquides et gazeux en contenant (quand ils sont toxiques ou Ă©cotoxiques ou que des synergies toxiques sont possibles) devraient tous faire l'objet d'une dĂ©claration exhaustive Ă l'EPA[79]. Mais l'industrie du pĂ©trole et du gaz ont longtemps Ă©tĂ© exemptĂ©s de cette dĂ©claration ou ont refusĂ© de s'y soumettre en arguant du secret industriel[79].
LĂ©gislations et lobbying industriel
Selon l'ONG amĂ©ricaine Ethics Watch[80], les faveurs juridiques accordĂ©es aux industriels sont au moins en partie explicables par l'importance des pressions exercĂ©es par le lobbying pĂ©tro-gazier sur les dĂ©cideurs politiques amĂ©ricains et leurs administrations. Ainsi de 2007 Ă 2012 (en 5 ans) l'industrie du forage aurait dĂ©pensĂ© dans lâĂtat du Colorado prĂšs de 5 millions de dollars pour influencer les fonctionnaires du Colorado, soit plus du double de ce que les autres entreprises miniĂšres sont rĂ©putĂ©es avoir dĂ©pensĂ©, et plus de cinq fois ce que le secteur agricole a dĂ©pensĂ© en lobbying sur la mĂȘme pĂ©riode[81], efficacement selon l'ONG puisque les Ă©lus du Colorado ont renoncĂ© Ă augmenter le taux de redevances pĂ©troliĂšres (inchangĂ©es depuis les annĂ©es 1950).
Des conflits d'intĂ©rĂȘts Ă haut niveau semblent aussi parfois en jeu ; par exemple Dick Cheney, quand il prĂ©sidait le groupe de travail du prĂ©sident Bush sur la politique Ă©nergĂ©tique, avait recommandĂ© ce type d'exemption, trĂšs avantageuse pour l'industrie de la fracturation. Or cette activitĂ© est largement dominĂ©e par le groupe Halliburton, et D. Cheney est un ancien dirigeant de ce groupe[79] ;
Tendances
De 2010 Ă 2013, les Ătats se sont le plus souvent contentĂ©s d'imposer que des informations plus claires soient disponibles pour le public quant Ă la composition chimique du fluide de fracturation.
En 2010, le Wyoming est le premier à imposer aux compagnies de divulguer le contenu de leur fluide de fracturation, suivi par le Michigan et le Texas[78]. D'autres textes ou projets de loi ont cherché à protéger la ressource en eau, et à faciliter les inspections de sites voire à interdire tout ou partie des projets de forage[78].
De 2010 à 2013, au moins cinq états américains ont envisagé ou adopté des lois limitant ou interdisant les forages gaziers dans tout ou partie de leur territoire. Le motif de ces lois n'était pas la protection du climat, mais la gestion des risques (protection de l'eau et de la santé publique principalement).
En dĂ©cembre 2010, David Paterson (gouverneur sortant de lâĂtat de New-York) signe un dĂ©cret instituant un moratoire de sept mois pour tout forage de gaz ; ceci peu aprĂšs qu'un projet de loi ait proposĂ© de suspendre tout nouveaux permis de gaz naturel jusqu'en mai 2011[78].
L'Ătat du New Jersey vote en janvier 2012 un moratoire d'un an. Peu aprĂšs le Gouverneur de lâĂtat (Chris Christie) soutient un projet de loi qui interdirait dĂ©finitivement tout fracking dans tout l'Ătat.
En mai 2012, l'Ătat du Vermont est le premier Ă©tat Ă voter une interdiction totale de la fracturation (dans tout lâĂtat)[78]. En juillet, en Caroline du Nord le Gouverneur (Beverly Perdue) oppose un veto Ă un projet de loi qui voulait lever un moratoire (interdisant le fracking dans tout l'Ătat tant que de meilleures garanties ne seront pas apportĂ©es avant tout forage)[78].
En 2013, le Michigan rejoint d'autres états de la région des Grands Lacs qui mettent en place depuis le début des années 2000 un nouveau cadre inter-états juridiquement contraignant dit « Great Lakes Compact ». Ce cadre limite ou interdit tout prélÚvement massif et gaspilleur d'eau[82] (chaque fracturation peut consommer jusqu'à cinq millions de litres d'eau prélevée localement).
La mĂȘme annĂ©e, la nouvelle assemblĂ©e de l'Ătat de New York adopte un moratoire de deux ans sur la fracturation, pour protĂ©ger sa ressource en eau[78].
D'autres Ă©tats continuent au contraire Ă encourager l'industrie gaziĂšre en votant des lois limitant la capacitĂ© des autoritĂ©s locales Ă interfĂ©rer avec la dĂ©livrance des permis de forage. Une loi votĂ©e en Pennsylvanie dite « House Bill 1950 » ou « Act 13 » force mĂȘme les collectivitĂ©s locales Ă accepter les forages dans tout le bassin gazier dit « Marcellus Shale », y compris en zone rĂ©sidentielle. Cette loi reconnait aux mĂ©decins le droit de consulter la liste des produits chimiques utilisĂ©s par l'industrie s'ils ont des patients malades qui ont Ă©tĂ© en contacts avec ces produits, mais elle leur interdit de divulguer le nom de ces produits.
Cette loi a fait l'objet de vives contestations, attaquée au motif qu'elle contredirait la constitution américaine[78].
La jurisprudence nord-américaine
La jurisprudence n'est pas encore fixée[83]. Ceci s'explique par le caractÚre récent ou « en cours » de la plupart des litiges, et par le fait que les tribunaux ont longtemps manqué d'information sur les impacts indirects et le niveau de dangerosité des opérations de fracturation. Ils souhaitent souvent mettre en balance les inconvénients locaux par rapport aux bénéfices liés à la production de gaz. Certains juges ont reconnu un caractÚre « anormalement dangereux » à la fracturation ou à certaines installations et d'autres non. Des données récentes sur les fuites de gaz pourraient encore faire évoluer cette jurisprudence[83]. Les juristes semblent mal à l'aise avec le fait que le forage horizontal sous les zones résidentielles et propriétés privées ne permet pas de considérer qu'il y a intrusion dans la propriété d'autrui) et se demandent encore comment qualifier la responsabilité et s'il faut parler de responsabilité sans faute[83].
Dans les autres pays
Au Canada, la majoritĂ© au pouvoir dans ce pays est traditionnellement favorable Ă l'industrie pĂ©troliĂšre et miniĂšre. Mais depuis 2005 environ, des citoyens, Ă©lus et administrations environnementales s'inquiĂštent des effets climatiques, sanitaires et environnementaux du fracking. En mai 2013, pour protĂ©ger la vallĂ©e du Fleuve Saint-Laurent oĂč existent d'importants projets gaziers, le ministre quĂ©bĂ©cois de l'Environnement Yves-François Blanchet a prĂ©sentĂ© un projet de moratoire pour tout fracking durant au moins 5 ans, en attendant une nouvelle loi sur l'exploitation du sous-sol. Ce moratoire porte aussi sur les essais et la prospection. Il suspend toutes les licences de forages gaziers dĂ©livrĂ©es pour le gaz de schiste, sans compensation financiĂšres selon le projet initial. Mais l'opposition politique (Coalition Avenir QuĂ©bec, second parti d'opposition de la province) et le Parti libĂ©ral semblent vouloir refuser ou attĂ©nuer ce moratoire[84]. Martine Ouellet, Ministre des Ressources naturelles, considĂšre aussi le fracking comme une technologie dangereuse[84].
En France a été lancée une réforme du code minier, et interdit la fracturation pour la recherche et l'exploitation de gaz en 2011[85]. Le Conseil constitutionnel a déclaré, le vendredi 11 octobre 2013, conforme à la Constitution la loi votée le 13 juillet 2011 interdisant la technique de fracturation hydraulique sur le territoire français[86].
En Allemagne, le vendredi 8 novembre 2013, les chrétiens-démocrates (CDU) d'Angela Merkel et les sociaux-démocrates (SPD) engagés dans des négociations pour la formation d'un gouvernement de coalition, sont convenus d'un moratoire sur l'utilisation de la fracturation hydraulique pour l'extraction du gaz de schiste[87].
D'autres pays ou niveaux régionaux ont toléré le fracking ou n'avaient pas songé à la réglementer puis - plus récemment - l'ont interdit. C'est le cas en 2013 de l'une des Communautés autonomes d'Espagne : la Cantabrie[88].
Notes et références
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Voir aussi
Articles connexes
- PĂ©trochimie
- Industrie du pétrole
- Géopolitique du pétrole
- Gaz naturel
- PĂ©trole de schiste
- Gaz de schiste, grisou
- Schiste, schistosité, foliation
- forage, complétion
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- Perméabilité
- Loi de Darcy
- SĂ©isme induit
- Stratigraphie, pendage
- MĂ©canique des fluides
- Géologie structurale, géotechnie
- Rhéologie
- champ de contrainte, Loi de Hooke
Bibliographie
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- (en) (en-US) Jonathan Latham, « The Real Cost of Fracking: How Americaâs Shale Gas Boom Is Threatening Our Families, Pets, and Food », sur Independent Science News, (consultĂ© le )
Liens externes
- Ressource relative à la santé :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- (en) Présentation de la fracturation hydraulique par l'Institut américain du pétrole (en anglais)
- (en) DonnĂ©es sur l'extraction par fracking, par l'Americaâs Natural Gas Alliance:
- (en) page consacrée à l' hydrofracking sur le site de l'Environmental Protection Agency américaine