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Paysage

Un paysage est une étendue spatiale couverte par un point de vue. C'est un ensemble interdépendant au fonctionnement, à la mécanique, autonome formé d'une continuité d'éléments sédimentés et dont l'on ne perçoit qu'une globalité. Son caractÚre « résulte de l'action et de l'interaction de facteurs naturels et/ou humains » selon la convention européenne du paysage du Conseil de l'Europe[1].

Paysage photographique aux multiples couleurs de la Serranía de Hornocal, massif montagneux situé prÚs de la ville d'Humahuaca, province de Jujuy, Argentine.
Paysage photographique brumeux prÚs d'Arnhem, aux Pays-Bas. Les étendues naturelles sont protégées par décret et des capteurs de vérification du niveau des eaux sont installés.
Le sud du massif des Coyote Buttes (Arizona), vu depuis le lieu-dit de Cottonwood Cove.

La notion de paysage a une dimension esthétique forte, voire picturale ou littéraire en tant que représentation, mais elle recouvre de nombreuses acceptions[2] et le paysage manifeste aussi les politiques d'aménagement du territoire, voire la géopolitique[3].

Un paysage est d'abord appréhendé visuellement, mais les parfums et ambiances sonores en modifient aussi la perception (on parle parfois de paysage sonore).

Par extension, comme le terme panorama, dans des expressions comme « paysage politique » ou « paysage médiatique », il peut désigner un ensemble contextuel, la vision des choses à un temps donné, le paysage étant en constante évolution.

Une notion riche, complexe et en Ă©volution

Étymologiquement, le paysage est l'agencement des traits, des caractĂšres, des formes d'un espace limitĂ©, d'un « pays ». Il s'agit donc bien d'une portion d'un territoire qu'un observateur, les pieds au sol, peut voir dans son ensemble depuis sa position d'observation[4].

La Renaissance

La notion de paysage apparaĂźt au XVe siĂšcle en Europe du Nord et en particulier dans les littoraux des Frises hollandaises, allemandes et danoises. La premiĂšre occurrence du terme attestĂ©e date de 1462, dans trois textes flamands oĂč l’équivalent au terme français est Lantscap, proche de l’allemand Landschaft (1480) et du danois Landskab, plus tardif. Ce terme signifie Ă  la fois le tableau qu’offre le pays au regard, les alentours d’une ville ou d’un village en associant le territoire aux habitants et enfin le « pays d’abondance » Ă  travers l’expression de vette lantscap, c'est-Ă -dire le pays « gras », Ă  un moment de l’histoire oĂč les Pays-Bas s’engagent dans l’édification des polders qui permettent non seulement d’étendre la superficie du pays, mais surtout de dĂ©velopper l’élevage. Les polders font suite Ă  une particularitĂ© de cette partie du littoral de la mer du Nord, les « terpĂšnes », monticules construits par l’accumulation de terre dans les marais littoraux permettant aux populations paysannes d’échapper aux grandes marĂ©es et de former une cellule sociale relativement indĂ©pendante par rapport aux pouvoirs contraignants des seigneurs. Le terme lantscap renvoie donc non seulement au pays, mais aussi Ă  la sociĂ©tĂ© qui le gĂšre et au mode de gouvernance territoriale que la microsociĂ©tĂ© qui vit sur les terpĂšnes exerce collectivement. Ce sens est corroborĂ© par le terme allemand Landschaft qui associe le Land, c'est-Ă -dire le pays Ă  Schaft, la sociĂ©tĂ©. Le terme germanique trouve son origine sĂ©mantique dans le domaine de l’amĂ©nagement du territoire et non de la reprĂ©sentation picturale comme l’ont affirmĂ© longtemps les adeptes de la signification culturelle du paysage.

Langues latines Langues germaniques
Portugais : paisagem : 1548 NĂ©erlandais : lantscap (landschap) : 1462
Français : paysage : 1549 Allemand : Landschaft : 1480
Italien : paesaggio : 1552 Anglais : Landscape ou Landskipe : 1598
Espagnol : paisaje : 1552 ?, 1708

Mais il n’est pas certain que les langues d’origine latine aient adoptĂ© ce sens dĂšs le dĂ©part. La premiĂšre occurrence connue du terme français paysage est de 1549, celle du portugais paisagem de 1548, et de l’italien paesaggio de 1552 et il semble bien que ces termes associent davantage la vue d’un tableau au terme plutĂŽt que le sens de l’amĂ©nagement du territoire. Mais si la reprĂ©sentation picturale des paysages n’est pas immĂ©diatement associĂ©e aux termes en Europe, elle joue un rĂŽle essentiel dans la valorisation des territoires et tout particuliĂšrement par les pouvoirs politiques qui y voient un moyen de reprĂ©senter l’espace sur lequel ils rĂšgnent et en consĂ©quence leur propre image face Ă  la sociĂ©tĂ© qu’ils gouvernent.

Avant d'ĂȘtre l'objet de reprĂ©sentations artistiques ou d'Ă©tudes, le paysage Ă©tait donc un pays au sens originel du terme, c’est-Ă -dire une portion du territoire offrant des perspectives plus ou moins importantes avec une identitĂ© bien marquĂ©e, le cas Ă©chĂ©ant un lieu de vie et de travail pour les habitants locaux qui font partie de ce pays.

La pĂ©riode d’émergence des termes Ă©quivalents Ă  paysage, le XVe siĂšcle, constitue un moment dĂ©cisif dans l’évolution des rapports sociaux Ă  la nature, pour plusieurs raisons : l’Europe mĂ©diĂ©vale a connu une phase de croissance dĂ©mographique exceptionnelle depuis le XIe siĂšcle et surtout pendant les XIIe et XIIIe siĂšcles durant lesquels les populations ont bĂ©nĂ©ficiĂ© de conditions climatiques favorables et de rĂ©coltes abondantes. Mais en mĂȘme temps, la production agricole privilĂ©giait les cultures cĂ©rĂ©aliĂšres panifiables telles que le blĂ©, le seigle ou le mĂ©teil (mĂ©lange des deux derniĂšres) alors que l’élevage Ă©tait fortement dĂ©ficitaire. L’élevage occupait une superficie nettement infĂ©rieure Ă  celle des cultures et Ă©tait fortement dĂ©pendant de la rĂšgle de la vaine pĂąture et des terres collectives ou de l’interdiction de clore son champ. Cette derniĂšre interdisait aux animaux domestiques d’entrer dans les champs avant la rĂ©colte, mais souffrait de nombreuses dĂ©rogations ; lorsqu’il Ă©tait permis d’enclore son champ, c’était davantage pour empĂȘcher le bĂ©tail d’y entrer et de protĂ©ger les cultures. Les animaux devaient se contenter des rares pĂąturages naturels et des rĂ©sidus des rĂ©coltes. En consĂ©quence, l’alimentation humaine Ă©tait principalement glucidique, Ă  base de pain, de bouillies ou de soupes dans lesquelles on mettait parfois un morceau de lard de porc, animal dont la viande pouvait ĂȘtre conservĂ©e salĂ©e alors que le bƓuf, surtout rĂ©servĂ© Ă  la traction, et le mouton ne pouvaient se garder longtemps.

La part protĂ©ique et lipidique de l’alimentation Ă©tait donc faible, expliquant les forts taux de rachitisme et de faible durĂ©e moyenne de vie. Par ailleurs, la viande Ă©tait rĂ©servĂ©e aux classes sociales les plus riches, seigneurs en particulier et l’aristocratie auxquels les diĂ©tĂ©ticiens de l’époque recommandaient de consommer de la viande. D’oĂč les nombreux conflits entre l’aristocratie et les paysans sur les herbages et sur la chasse, le gibier constituant une forme essentielle d’accĂšs aux protĂ©ines. Les archives regorgent de procĂšs sur ces espaces susceptibles d’offrir une nourriture plus riche. Cette situation se compliquait du fait de l’absence de propriĂ©tĂ© individuelle du sol pour la paysannerie, les parcelles leur Ă©tant concĂ©dĂ©es par les seigneurs ou le clergĂ©, seuls propriĂ©taires du sol.

La situation climatique qui avait profitĂ© aux populations europĂ©ennes a commencĂ© Ă  se dĂ©grader au dĂ©but du XIVe siĂšcle lorsque, Ă  partir de 1320, les Ă©tĂ©s deviennent humides et froids, les rĂ©coltes Ă©tant alors plus faibles ; d’autant plus que la pĂ©riode antĂ©rieure de forte croissance dĂ©mographique a incitĂ© la paysannerie Ă  essarter les terres qui pouvaient accueillir le bĂ©tail ; l’élevage a alors pĂąti de cette diminution des herbages et les populations dĂ©jĂ  affaiblies par le dĂ©ficit de rĂ©colte ont eu encore moins accĂšs Ă  une alimentation protĂ©ique. C’est Ă  ce moment-lĂ  que la peste s’abat sur l’Europe, en 1348, arrivant Ă  Pise et Ă  Marseille et se rĂ©pandant dans tous les pays. La peste arrive sur des populations affaiblies par les conditions dĂ©favorables d’alimentation et provoque une saignĂ©e dĂ©mographique dramatique, la plupart des grandes villes perdent 50 % de leur population, des villages Ă©tant rayĂ©s de la carte comme en Angleterre oĂč 200 villages disparaissent. En outre, c’est le dĂ©but de la guerre de Cent Ans qui ravage les campagnes françaises, les soldats se livrant au pillage des fermes. Il faudra presque un siĂšcle pour que la situation redevienne Ă  peu prĂšs normale et les populations pouvant retrouver des conditions de paix – toute relative cependant – et d’alimentation plus riche. C’est donc Ă  ce moment historique, la Renaissance, que les termes Ă©quivalents Ă  paysage apparaissent dans les langues europĂ©ennes. C’est aussi le moment de la dĂ©couverte de l’AmĂ©rique d’oĂč les explorateurs comme Christophe Colomb rapportent des rĂ©cits de paysages idylliques qu’ils dĂ©crivent comme le Paradis terrestre, modifiant par lĂ  les reprĂ©sentations sociales des paysages chez les EuropĂ©ens.

La Renaissance fait apparaĂźtre une nouvelle conception des paysages et du monde, faisant resurgir une vision utopique et paradisiaque du cadre de vie, fortement amplifiĂ©e par la peinture qui commence Ă  se distancier de la reprĂ©sentation religieuse exclusive jusqu’alors des paysages. C’est ce qu’Alain Roger nomme l’artialisation du pays, instauration du spectacle de la nature en objet de contemplation qui se laĂŻcise et perd ses attributs religieux. Le philosophe de l’esthĂ©tique du paysage emprunte Ă  Montaigne ce concept d’artialisation, mĂȘme s’il l’interprĂšte Ă  sa maniĂšre, Montaigne affirmant que les artistes dĂ©naturent la nature en la peignant. Ils la travestissent en la rendant plus belle que la nature elle-mĂȘme.

Cette pĂ©riode clĂ© de l’histoire europĂ©enne instaure donc une nouvelle conception du paysage et modifie les formes de gouvernance, mĂȘme si la monarchie reste le pouvoir politique principal. C’est notamment Ă  ce moment que les agronomes de plusieurs pays commencent Ă  critiquer les pratiques fĂ©odales et proposer le dĂ©veloppement de l’élevage pour satisfaire une alimentation plus riche. Cet objectif repose sur l’instauration de la propriĂ©tĂ© individuelle du sol et la suppression du statut des terres collectives, les communaux, commons en Angleterre. C’est aussi le moment oĂč les pouvoirs politiques envisagent un amĂ©nagement du territoire fondĂ© sur l’assainissement des terres humides et des marais, comme le marais poitevin, en faisant venir des ingĂ©nieurs hollandais pour creuser des canaux et mettre en culture ou en herbages des terrains jusqu’alors immergĂ©s dans la mer.

Mais si ces objectifs sont souvent affirmĂ©s par les ministres, tels Colbert qui engage la RoyautĂ© dans la crĂ©ation des rĂ©serves forestiĂšres pour construire notamment des navires, par exemple la forĂȘt de Fontainebleau ou de Tronçay, l’aristocratie fĂ©odale rĂ©siste et compte bien prĂ©server ses privilĂšges. MĂȘme la suppression des communaux ne la satisfait pas, parce qu’elle leur enlĂšve un moyen de soumettre les populations paysannes sur lesquelles elle rĂšgne.

Jusqu’au XVIIIe siĂšcle, le paysage a Ă©tĂ© pensĂ© en rĂ©fĂ©rence Ă  des modĂšles esthĂ©tiques issus de l’AntiquitĂ© et de la Bible, et en particulier le modĂšle pastoral cher Ă  Virgile et qui se retrouve dans le cantique de David (« l’Éternel est mon berger, je ne manquerai de rien. Il me fait reposer dans de verts pĂąturages »), illustrant les paysages des herbages et des garrigues ou des fonds verdoyants de vallĂ©e, oĂč le pasteur contrĂŽle son troupeau de moutons en jouant de la flĂ»te de Pan. S’ajoute Ă  ce modĂšle celui du pays de cocagne, paysage de l’abondance que Pieter Breughel a peint Ă  sa maniĂšre, dans les fĂȘtes joyeuses paysannes du pays flamand aux tables garnies de nourritures riches et variĂ©es.

Ces modĂšles persistent jusqu’à la fin du XVIIIe siĂšcle, moment dĂ©cisif d’une changement profond dans la pensĂ©e du paysage, moment de crise du systĂšme politique fĂ©odal qui laisse la place Ă  la dĂ©mocratie, tout du moins dans les deux pays oĂč elle s’affirme, la France et les États-Unis d’AmĂ©rique. Mais ailleurs, comme en Angleterre, la monarchie est devenue parlementaire et les rois n’ont plus le mĂȘme pouvoir.

Le paysage anglais a connu une transformation radicale de son sens d’origine au dĂ©but du XVIIe siĂšcle, lorsque James Ier, roi d’Angleterre Ă©pouse une princesse danoise, Anne, qui emporte dans ses bagages le terme danois Landskab qui devient landscape. Alors que le mot danois Ă©tait liĂ© Ă  une gouvernance populaire, le roi et son Ă©pouse vont s’en servir pour affirmer le pouvoir de la RoyautĂ© sur le territoire anglais auquel est annexĂ©e l’Écosse. C’est surtout la reine Anne qui se sert du mot en faisant jouer Ă  la Cour des piĂšces glorifiant le rĂŽle du roi sur l’avĂšnement de la grande Île qui deviendra la Great Britain un peu plus tard. L’une de ces piĂšces, The mask of Blackness reprĂ©sente les divinitĂ©s et idoles ou les animaux marins qui prĂ©servent l’Angleterre et vantent la beautĂ© de ses paysages. C’est de cette date que le terme landscape a acquis un sens de scĂ©nographie du pays, c'est-Ă -dire la Countryside, expression du pouvoir que le roi exerce sur le territoire anglais.

L’avĂšnement de la dĂ©mocratie et du libĂ©ralisme

Si la pĂ©riode prĂ©cĂ©dente est marquĂ©e par la fĂ©odalitĂ© et l’absolutisme, il n’en reste pas moins que les prĂ©misses de cette nouvelle phase s’annoncent peu Ă  peu et timidement, mais ouvrent la voie Ă  de profonds changements aussi bien dans la matĂ©rialitĂ© des paysages que dans leurs reprĂ©sentations sociales. C’est en Angleterre que les premiers signes de ces changements apparaissent, au XIIIe siĂšcle, avec les premiĂšres enclosures pratiquĂ©es par des Lords dĂ©sireux d’étendre leur domaine agricole aux dĂ©pens des terres collectives paysannes. Ils s’approprient donc des commons en marquant les limites parcellaires par la plantation de haies, d’aubĂ©pines tout d’abord et font enregistrer les actes de propriĂ©tĂ© chez des notaires. La paysannerie n’eut pas les forces de lutter contre ces abus, et les paysages des deux façades maritimes du pays, Ă  l’est et Ă  l’ouest, furent ainsi peu Ă  peu transformĂ©s par les enclosures, passant ainsi de paysages ouverts destinĂ©s Ă  la cĂ©rĂ©aliculture, Ă  des paysages de bocages verdoyants et accueillant du bĂ©tail, moutons et bƓufs. Les haies furent parfois remplacĂ©es par des murets de pierres sĂšches. La partie centrale du pays a Ă©tĂ© au dĂ©but Ă©pargnĂ©e par ces appropriations privĂ©es. Le mouvement de constitution des enclosures s’est amplifiĂ© progressivement et a couvert les deux parties orientales et occidentales de l’Angleterre.

À partir de 1750 environ, le Parlement anglais, sous la pression des Lords, s’engage dans une rĂ©forme radicale du foncier et promeut les enclosures parlementaires sur l’ensemble du pays. Les Midlands Ă©pargnĂ©s jusqu’alors, n’échappent plus Ă  ce changement. Les haies changent aussi de constitution principalement faite de chĂȘnes et d’arbustes. Les chĂȘnes deviennent le symbole de la puissance du Royaume Uni, et sont chantĂ©s par le poĂšte Pope. Ils illustrent la force du pouvoir politique qui, quelques dĂ©cennies plus tard, luttent contre NapolĂ©on et entraĂźnent sa chute en Ă©tablissant le blocus de la France grĂące aux navires militaires anglais.

Le milieu du XVIIIe siĂšcle constitue un moment clĂ© dans l’histoire de la pensĂ©e du paysage en Europe, liant cette histoire Ă  celle de l’économie et de la politique. Non seulement l’Angleterre instaure la propriĂ©tĂ© individuelle du sol par les enclosures, mais elle s’engage dans le dĂ©veloppement industriel en exploitant les mines de charbon et d’acier et en contribuant Ă  l’essor des grandes villes industrielles comme Londres, Liverpool, Sheffield, Birmingham, etc., oĂč sont Ă©difiĂ©es les usines et les Ă©quipements de production d’acier. Le dĂ©veloppement industriel profite des inventions comme celle de la machine Ă  vapeur inspirĂ©es des nouvelles lois de la thermo-dynamique qui permet Ă  l’homme de devenir plus puissant que la nature et accĂ©lĂ©rer la production industrielle. Cette Ă©volution permet Ă©galement Ă  Adam Smith d’élaborer sa thĂ©orie Ă©conomique fondĂ©e sur l’offre et la demande et le marchĂ©, caractĂ©risant le capitalisme libĂ©ral. C’est d’ailleurs en Angleterre que Karl Marx, un siĂšcle plus tard, Ă©laborera sa conception de l’économie en se fondant sur les rapports de domination des grands propriĂ©taires anglais sur la paysannerie.

En effet, la grande propriĂ©tĂ© anglaise profite des enclosures pour constituer des domaines agricoles dont une partie est vouĂ©e Ă  leurs loisirs favoris comme la chasse au renard Ă  cheval dans les prairies dĂ©sormais Ă©tendues dans la campagne grĂące Ă  la rĂ©volution fourragĂšre, c'est-Ă -dire la culture de l’herbe et principalement le ray-grass ou la fĂ©tuque et les lĂ©gumineuses comme le sainfoin, le trĂšfle ou la luzerne qui enrichissent le sol en azote et contribuent Ă  accroĂźtre considĂ©rablement les rendements cĂ©rĂ©aliers grĂące Ă  la rotation des cultures.

Le dĂ©veloppement Ă©conomique a fortement pesĂ© sur la pensĂ©e des paysages en instituant de nouveaux modĂšles paysagers, le sublime et le pittoresque. Le sublime, c’est la capacitĂ© que l’homme a acquise de sublimer sa peur de la nature et de devenir plus puissant qu’elle, accĂ©dant ainsi Ă  son rĂȘve promĂ©thĂ©en, qui le conduira Ă  se penser comme un dĂ©miurge. Les poĂštes anglais estimaient que les nouvelles villes industrielles Ă©taient sublimes en raison de leurs dimensions et du fracas des usines, le fog Ă©mis par les usines, les mouvements incessants des chariots qui transportaient le charbon ou l’acier ; c’est Ă  ce moment que la paysannerie anglaise, chassĂ©e des campagnes par la modernisation agricole et l’appropriation des terres par l’aristocratie des « gentlemen farmers » est devenue la population ouvriĂšre urbaine, vivant dans des conditions misĂ©rables que traduisent les romans anglais comme Charles Dickens, dont Oliver Twist.

Le modĂšle pittoresque constitue le versant affadi du sublime. Si celui-ci permet Ă  l’homme moderne de pratiquer l’alpinisme et de vaincre sa peur des hautes montagnes ou du littoral, le pittoresque engage l’aristocratie et la bourgeoisie europĂ©enne dans la dĂ©couverte des paysages, les voyages touristiques. Le pittoresque (du latin pictura qui est d’abord passĂ© dans le français et qui a Ă©tĂ© empruntĂ© par la langue anglaise picturesque) renvoie aux paysage charmants de la campagne, les monuments naturels comme les chaos granitiques, les bosquets ou les belles maisons rurales qui Ă©meuvent une population enrichie grĂące au dĂ©veloppement industriel et qui peut pratiquer le tourisme. C’est aussi la dĂ©couverte des bains de mer, comme les dĂ©crit Alain Corbin dans « Le territoire du vide ».

La naissance de la protection du paysage

Le lac de l'Eychauda, huile sur toile de Laurent Guétal, 1886, musée de Grenoble.

Le pittoresque a un succĂšs considĂ©rable au XIXe siĂšcle partout en Europe, contribuant Ă  l’édition d’ouvrages illustrĂ©s de lithographies (la technique date de cette Ă©poque) reprĂ©sentant les paysages les plus prisĂ©s et aboutissant Ă  des sortes de tableaux gĂ©ographiques de la France ou d’autres pays europĂ©ens mĂȘlant paysages, traditions rĂ©gionales et contes et lĂ©gendes. Cet engouement conduira aux premiĂšres mesures de protection des paysages dĂšs le milieu du XIXe siĂšcle avec un dĂ©cret de protection de la forĂȘt de Fontainebleau en 1853, concomitant avec la crĂ©ation de l’Alpine Club qui a inspirĂ© celle du Club Alpin Français (le C.A.F.). C’est aussi dans cette pĂ©riode qu’est crĂ©Ă© le Touring Club Français (T.C.F.). Cette organisation touristique a jouĂ© un rĂŽle essentiel dans la protection des paysages et en particulier dans les premiers sites classĂ©s sur dĂ©crets prĂ©fectoraux, comme la cascade de Gimel en CorrĂšze, les rochers de Ploumanac’h en Bretagne ou les crĂȘtes rocheuses des Monts d’Ardenne, dĂ©nommĂ©es les « Quatre Fils Aymon » en rĂ©fĂ©rence Ă  une lĂ©gende rĂ©gionale. Mais c’est surtout le T.C.F. qui a permis le vote de la premiĂšre loi Ă  caractĂšre environnemental en France en 1906, dĂ©fendue Ă  la Chambre des DĂ©putĂ©s par Charles Beauquier (1833-1916), dĂ©putĂ© radical-socialiste du Doubs et soutenu par les adhĂ©rents du Touring Club de France : il s’agit de la loi sur la protection des monuments naturels qui fut abrogĂ©e en 1930 et remplacĂ©e par la loi sur les sites classĂ©s et inscrits toujours en vigueur. Ce dĂ©putĂ© est l'un des fondateurs de la SociĂ©tĂ© pour la protection des paysages et de l'esthĂ©tique de la France.

AprĂšs le vote de cette loi, la France organisa en 1910 Ă  Paris le premier CongrĂšs International sur la protection des paysages qui vit rassemblĂ©es de nombreuses dĂ©lĂ©gations Ă©trangĂšres dont celle des États-Unis qui purent faire Ă©tat de leur prĂ©cocitĂ© en matiĂšre de protection des paysages avec la crĂ©ation des grands parcs nationaux amĂ©ricains comme ceux du Yosemite et du Yellowstone. La France avait envisagĂ© la crĂ©ation d’un parc national dans la vallĂ©e de l’Eau d'Olle, mais la guerre de 1914-1918 mit fin au projet et il fallut attendre 1960 pour que les premiers parcs nationaux soient crĂ©Ă©s. D’autres pays, comme l’Espagne, ont crĂ©Ă© des parcs nationaux bien avant la France.

Le paysage, concept essentiel de la géographie

Cependant, le paysage a pris une ampleur autre que la simple protection avec les avancĂ©es des gĂ©ographes, Ă  commencer par ÉlisĂ©e Reclus, gĂ©ographe engagĂ© politiquement, auteur notamment de la Nouvelle GĂ©ographie universelle, et d’un texte innovant sur les relations des sociĂ©tĂ©s modernes Ă  la nature, « Du sentiment de la nature dans les sociĂ©tĂ©s modernes », Revue des deux Mondes (no 63, 15 mai 1866), oĂč il fournit une rĂ©flexion trĂšs instructive longtemps ignorĂ©e et pourtant Ă©loquente sur les rapports actuels de l’homme Ă  la nature. Suivront les nombreuses publications de l’École française de gĂ©ographie, avec Paul Vidal de La Blache, qui est avec son disciple Lucien Gallois, Ă  l'initiative des Annales de gĂ©ographie, crĂ©Ă©es en 1891. La gĂ©ographie a placĂ© le paysage parmi ses concepts principaux, en le considĂ©rant comme le produit des relations entre la nature et les activitĂ©s humaines, associĂ© au « genre de vie », cher au fondateur de l’École française de gĂ©ographie. À l’origine discipline globale, la gĂ©ographie a tentĂ© de prĂ©server ses deux versants : la gĂ©ographie physique, se consacrant essentiellement Ă  l’étude ces composants abiotiques, biotiques et anthropiques, dans la mesure oĂč ceux-ci dĂ©coulent des facteurs naturels ; la gĂ©ographie humaine qui consiste dans l’analyse des activitĂ©s humaines Ă  la surface de la terre. Le paysage a longtemps Ă©tĂ© Ă©cartelĂ© entre ces deux spĂ©cialitĂ©s qui ont connu aprĂšs la Seconde Guerre Mondiale une crise aboutissant Ă  une sĂ©paration fondĂ©e sur l’opposition du dĂ©terminisme de la nature issu des conceptions de l’École allemande de gĂ©ographie reprĂ©sentĂ©e par Alexander von Humboldt, Carl Ritter, Friedrich Ratzel, notamment et du possibilisme, qui permet de comprendre les capacitĂ©s des sociĂ©tĂ©s humaines Ă  modeler la surface de la terre pour ses besoins d’habitat, circulation, alimentation, etc. Dans un certain sens, le paysage est l’un des produits de ce possibilisme, bien que la gĂ©ographie physique revendique ce concept comme l’expression des mouvements tectoniques, Ă©rosifs, hydrologiques, etc.

Paysage, par Sergey Strunnikov (ca. 1930)

Le paysage est restĂ© un concept essentiel de la gĂ©ographie jusque vers les annĂ©es 1950, en particulier chez des gĂ©ographes comme Jean Brunhes, Albert Demangeon, Emmanuel de Martonne, Pierre Gourou, et Pierre Deffontaines auteur avec Mariel Jean-Brunhes Delamarre (fille de Jean Brunhes) de l’une des GĂ©ographies universelles. Pierre Deffontaines, en particulier, fut un ardent utilisateur du concept de paysage Ă  travers ses carnets oĂč il dessinait les paysages qu’il analysait, bien que le mot n’apparaisse que rarement dans les titres de ses articles ; cependant, la revue HĂ©rodote lui a consacrĂ© un numĂ©ro intitulĂ© : « Un gĂ©ographe, Pierre Deffontaines, grand dessinateur de paysages » (1987), HĂ©rodote, no 43.

AprĂšs la Seconde Guerre Mondiale, le paysage est tombĂ© en disgrĂące, les gĂ©ographes se consacrant davantage Ă  comprendre les facteurs de la reconstruction de la France et n’adhĂ©rant que de mauvaise grĂące Ă  un concept qu’ils considĂ©raient comme bourgeois et hĂ©ritĂ© du protectionnisme du XIXe siĂšcle. La gĂ©ographie a en effet Ă©tĂ© marquĂ©e par le marxisme comme la plupart des sciences sociales. Mais certains gĂ©ographes ont poursuivi la voie tracĂ©e par leurs prĂ©dĂ©cesseurs d’avant 1940 comme Philippe Pinchemel, Jean-Robert Pitte, Armand FrĂ©mont, inventeur de l’espace perçu. Si Roger Brunet ne peut pas ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un dĂ©fenseur du paysage, il a pourtant proposĂ© une analyse du concept comme ensemble de signes.

La gĂ©ographie physique a Ă©tĂ© fortement marquĂ©e par l’apport des gĂ©ographes russes et en particulier par les thĂ©ories de Dokoutchaev avec son modĂšle de « complexe naturel territorial ». Comme le rappellent G. Rougerie et N. Beroutchachvili, la gĂ©ographie russe a constituĂ© le moyen d’étudier le paysage par la connaissance qu’il permettait des vastes espaces Ă  trĂšs faible densitĂ© dĂ©mographique qui faisaient partie de l’URSS et reprĂ©sentaient une sorte de laboratoire pour construire des thĂ©ories. Le modĂšle de Dokoutchaev a Ă©tĂ© le point de dĂ©part de ces approches thĂ©oriques qui se sont traduites par la « Landschaftovedenie », trĂšs inspirĂ©e des conceptions naturalistes allemandes. C’est dans ce courant de pensĂ©e qu’apparaĂźt, en 1963, le concept de « gĂ©osystĂšme » vouĂ© Ă  un grand succĂšs, en Europe notamment, chez les gĂ©ographes naturalistes comme Georges Bertrand. La gĂ©ographie russe est marquĂ©e par la faible part donnĂ©e aux processus sociaux et l’écrasante dimension naturaliste, ce qui permet de comprendre le dĂ©terminisme qui la caractĂ©rise (voir infra, analyse scientifique du paysage).

Le paysage change avec l’environnement

L’émergence des prĂ©occupations Ă  l’égard de l’environnement ont fortement modifiĂ© le sens du paysage. On doit Ă  Georges Bertrand les premiĂšres avancĂ©es dĂ©terminantes sur le sens du mot paysage, placĂ© aux cĂŽtĂ©s du gĂ©osystĂšme et du territoire comme l’un des concepts essentiels pour comprendre les interactions entre l’approche naturalise, politique et symbolique de l’espace gĂ©ographique (voir ci-dessous Histoire de la notion en gĂ©ographie). Il propose en 1968 le paysage comme « science diagonale », assurant la transversalitĂ© entre la gĂ©ographie physique et l’approche naturaliste et la gĂ©ographie humaine comprenant les reprĂ©sentations sociales des paysages. Le changement de sens du terme doit beaucoup Ă  la crĂ©ation du poste de ministre chargĂ© de l’environnement attribuĂ© Ă  Robert Poujade et Ă  celle du ministĂšre de l’environnement placĂ© auprĂšs du Premier Ministre.

Robert Poujade a officialisĂ© la crĂ©ation en 1972 du Centre National d’Étude et de Recherche du Paysage (CNERP), organisme qui a Ă©tĂ© chargĂ© de recruter des stagiaires issus de disciplines diverses pour les former Ă  l’amĂ©nagement du territoire en privilĂ©giant l’approche paysagĂšre, Ă©laborer de nouvelles mĂ©thodes d’analyse du paysage, former les cadres des administrations concernĂ©es, engager la recherche sur le paysage, crĂ©er un centre de documentation spĂ©cialisĂ©. Les 12 stagiaires recrutĂ©s, qui suivaient des sĂ©minaires assurĂ©s par un groupe de spĂ©cialistes de diverses disciplines, avaient pour mission d’inventer une nouvelle maniĂšre d’amĂ©nager le territoire en se fondant sur le paysage Ă©largi de l’échelle du jardin Ă  celle du territoire. Le CNERP a Ă©tĂ© supprimĂ© lorsque les premiers Ă©tudiants de l’École Nationale SupĂ©rieure du Paysage de Versailles (ENSP), crĂ©Ă©e en 1975, sont arrivĂ©s sur le marchĂ© du travail. Mais les voies d’un nouveau secteur professionnel Ă©taient tracĂ©es. DĂšs lors, les nouveaux paysagistes ont commencĂ© Ă  s’insĂ©rer dans les administrations dĂ©concentrĂ©es de l’État ou dans l’administration centrale comme la Mission Paysage au sein du MinistĂšre de l’Environnement et du cadre de vie en 1979 (Direction de l’Urbanisme et du Paysage).

C’est Ă  partir de cette date que le paysage a pris une place dans l’amĂ©nagement du territoire, certes modeste, mais aussi dans l’enseignement (5 Ă©coles formant des paysagistes DPLG Ă  Versailles, Bordeaux et Lille, et des ingĂ©nieurs Ă  Angers et Blois), dans la recherche avec un premier appel d’offres en 1983 du ministĂšre de l’environnement et du cadre de vie sur les reprĂ©sentations sociales des paysages, engagĂ© par la Mission de la Recherche Urbaine et trois spĂ©cialistes qui vont jouer un rĂŽle essentiel dans le dĂ©veloppement de la recherche : Bernard Lassus, plasticien, Michel Conan, sociologue du CSTB, et AndrĂ© Bruston rĂ©dacteur de la revue Pour, spĂ©cialisĂ©e dans le domaine du paysage, notamment (en rĂ©alitĂ© un appel d’offres avait eu lieu en 1968 par le ministĂšre de la Culture, sur les fonds du CORDA, sans grand succĂšs).

Le dĂ©veloppement du domaine du paysage s’est intensifiĂ© au dĂ©but des annĂ©es 1990, avec l’organisation en 1991 d’un colloque au Centre Georges Pompidou et intitulĂ© « Au-delĂ  du paysage moderne » organisĂ© par Bernard Lassus, Augustin Berque, Michel Conan, Alain Roger, Bernard Kalaora et Lucien Chabason, fondateur de la Mission Paysage. L’objectif de ce colloque Ă©tait de rompre avec les modĂšles culturels du pittoresque et de faire entrer le paysage dans la post-modernitĂ©. Il avait aussi une portĂ©e stratĂ©gique consistant Ă  affirmer la dimension culturelle du paysage face Ă  l’essor des approches naturalistes et en particulier de l’écologie du paysage importĂ©e des États-Unis par des Ă©cologues comme Jean-Claude Lefeuvre. Ce colloque fut l’occasion d’annoncer la crĂ©ation d’un DiplĂŽme d’Études Approfondies « Jardins, Paysages, Territoires » dirigĂ© par Bernard Lassus et dans lequel les enseignants furent les organisateurs du colloque.

Le dĂ©bat sur la signification du terme paysage a donnĂ© alors lieu Ă  d’intenses polĂ©miques, notamment autour de la dimension matĂ©rielle et immatĂ©rielle des paysages, Et notamment Ă  propos de la thĂ©orie d’Augustin Berque des sociĂ©tĂ©s Ă  paysage et sociĂ©tĂ©s sans paysage, qui furent rĂ©futĂ©es par des gĂ©ographes physiciens ou par d’autres spĂ©cialistes comme Michel Baridon, auteur d’une histoire des jardins. Cette thĂ©orie consistait en particulier Ă  affirmer que l’absence du mot paysage dans une langue Ă©tait dĂ©terminante pour l’existence d’une sensibilitĂ© au paysage ; ainsi, les civilisations romaine et grecque n’auraient pas eu de sensibilitĂ© au paysage, le mot Ă©quivalent Ă  paysage n’existant ni dans la langue latine, ni dans la langue grecque. Augustin Berque affirma Ă©galement que la civilisation arabe n’avait pas de sensibilitĂ© au paysage alors que la chinoise ou la japonaise les avaient dĂ©veloppĂ©e.

Aujourd’hui, cette thĂ©orie ne tient plus, de nombreuses publications ont en effet permis de prouver que mĂȘme en absence d’un mot Ă©quivalent, certaines sociĂ©tĂ©s Ă©prouvent une sensibilitĂ© au paysage, que ce soient les Arabes, les Africains et sans doute aussi les sociĂ©tĂ©s amĂ©rindiennes comme les Incas ou les AztĂšques ; il suffisait d’observer les sites oĂč ces civilisations ont construit leurs temples ou leurs palais pour se rendre compte qu’elles avaient un sens aigu du paysage, comme le thĂ©Ăątre grec de Taormina en Sicile, Machu Pichu au PĂ©rou, etc.

L’engagement des programmes de recherche sur le paysage, d’abord par la Mission du Patrimoine Ethnologique du ministĂšre de la Culture en 1989. Puis les programmes du ministĂšre de l’écologie, en 1998 « Politiques Publiques et paysage : analyse, Ă©valuation, comparaison » dont le Conseil Scientifique fut d’abord prĂ©sidĂ© par Georges Bertrand, puis par Yves LuginbĂŒhl, suivi par le programme « Paysage et dĂ©veloppement durable » phase 1 de 2005 Ă  2010 et phase 2 de 2010 Ă  2015, toujours prĂ©sidĂ©s par Yves LuginbĂŒhl, ont permis de structurer la communautĂ© scientifique se consacrant au paysage, rassemblant au total une quarantaine d’équipes de recherche plus ou moins interdisciplinaire et d’avancer soit sur la connaissance des effets des politiques publiques, sur les reprĂ©sentations sociales des paysages, sur le sens du terme, sur les relations entre dĂ©veloppement durable et paysage, sur la participation citoyenne, notamment. S’y est ajoutĂ© le programme « Infrastructures de transport terrestre, Ă©cosystĂšmes et paysages » dont le conseil scientifique a Ă©tĂ© prĂ©sidĂ© par Yves LuginbĂŒhl puis par Buno Villalba. Chaque programme a donnĂ© lieu Ă  des sĂ©minaires, des colloques et des ouvrages de synthĂšse dans lesquels les chercheurs ont pu exprimer les rĂ©sultats de leurs travaux et les membres des conseils scientifiques de livrer des articles de synthĂšse (voir notamment le site WEB du programme Paysage et dĂ©veloppement durable). Les premiers ouvrages[i] ont Ă©tĂ© publiĂ©s en français et en anglais, le dernier uniquement en français.

La crise Ă©conomique a eu raison des programmes de recherche sur le paysage (et sur l’environnement) qui n’ont plus reçu de financement Ă  partir de 2014. Pourtant, la France Ă©tait le seul pays europĂ©en Ă  avoir fait autant d’efforts pour la recherche sur le paysage, l’Autriche ayant aussi mis en place un seul programme dans les annĂ©es 1990-2000. Le ministĂšre de l’écologie a changĂ© de stratĂ©gie et a engagĂ© en 2015 un nouveau programme de recherche-action « Paysages, transitions, territoires » centrĂ© sur des projets d’amĂ©nagement du territoire expĂ©rimentaux cherchant Ă  mettre en Ɠuvre les transitions Ă©nergĂ©tiques, Ă©cologiques et Ă©conomiques. Mais les financements ne sont pas tous assurĂ©s. La suppression des crĂ©dits incitatifs Ă  la recherche sur l’environnement pĂšsent lourd sur l’avenir des disciplines qui s’y sont consacrĂ©es. Le risque est grand de voir les Ă©quipes scientifiques se disperser et s’orienter vers des problĂ©matiques Ă©loignĂ©es des questions environnementales ou paysagĂšres. D’autant plus que l’Agence Nationale de la Recherche ne conduit pas les recherches de la mĂȘme maniĂšre, ayant pour stratĂ©gie de crĂ©er des grands consortiums de chercheurs avec des budgets bien plus importants au dĂ©triment de l’animation scientifique quasi inexistante.

Cependant, la recherche a permis l’instauration d’approches complĂ©mentaires et diverses sur le paysage, s’établissant sur un continuum allant de la matĂ©rialitĂ© du paysage avec la gĂ©ographie physique dont l’objet est le paysage concret parfois sans l’homme lorsqu’il s’agit de s’interroger sur les paysages du dĂ©but du quaternaire ou des formations gĂ©ologiques, ou encore l’écologie du paysage, Ă  l’immatĂ©rialitĂ© paysagĂšre dont l’objet repose sur les reprĂ©sentations sociales des paysages avec la gĂ©ographie humaine, la sociologie, l’anthropologie, l’histoire, l’archĂ©ologie, la philosophie et la littĂ©rature ou l’histoire de l’art.

À la fin du XXe siĂšcle, deux approches complĂ©mentaires concernent le paysage :

  • il est d'une part considĂ©rĂ© comme un systĂšme (gĂ©osystĂšme ou gĂ©ocomplexe[5] notamment dĂ©crit et analysĂ© par la gĂ©ographie, l'histoire, la gĂ©ologie, l'Ă©cologie du paysage). Ce systĂšme est modelĂ© par des facteurs naturels abiotiques (physiques, chimiques) et biotiques (biologiques), ainsi que par des facteurs anthropiques, qu'on peut distinguer Ă  diffĂ©rentes Ă©chelles, Ă©ventuellement hiĂ©rarchisĂ©es. Le paysage peut de ce point de vue prĂ©senter une Ă©copotentialitĂ© non exprimĂ©e (cachĂ©e dans la banque de graines du sol par exemple), mais qu'on pourrait rĂ©vĂ©ler ;
  • le paysage est d'autre part considĂ©rĂ© comme une perspective culturelle, avec ses grilles de lecture, ses filtres intellectuels ou sensuels de crĂ©ation et d'interprĂ©tation de l'espace, oĂč s'articulent plusieurs plans et oĂč l'on peut identifier des objets, chacun selon sa culture et ses rĂ©fĂ©rentiels.

Dans une approche utilitariste et/ou fonctionnelle, la notion de paysage oscille aussi entre deux pĂŽles[6] :

  • le « paysage produit », considĂ©rĂ© comme la rĂ©sultante de l'action conjointe des sociĂ©tĂ©s humaines, du monde vivant (animal, vĂ©gĂ©tal, fongique, etc.) et du milieu abiotique. C'est cette conception qui prĂ©domine en Ă©cologie du paysage, Ă©cologie Ă©tudiant dans le temps et l'espace (unitĂ©s biogĂ©ographiques) la dynamique et l'agencement des taches du paysage aux Ă©chelles intermĂ©diaires entre le planĂ©taire (biosphĂšre) et le local, les communications, les barriĂšres, les fragmentations ;
  • le « paysage utilisĂ© » considĂ©rĂ© comme la perception culturelle et fonctionnelle que l'on a de son environnement Ă  perte de vue, Ă  l'exception des points d'intĂ©rĂȘts proches de l'observateur. On s'est rĂ©fĂ©rĂ© Ă©galement au paysage pour dĂ©signer sa reprĂ©sentation dans une Ɠuvre.

L'approche patrimoniale du paysage lui accorde des valeurs esthétique, historique, de mémoire, économique ou encore d'aménités. Ces valeurs varient selon les époques, sont jugées plus ou moins subjective et relative selon les acteurs[7]. On a par exemple en France des sites classés.

Dans une approche fonctionnelle et de planification, les aménageurs du paysage ou les collectivités y voient des fonctions de production (économique et touristique), de régulation (écologiques, pour l'eau, pour l'air, comme puits de carbone) et sociales (aménités). La premiÚre des trois grandes propositions issues des assises européennes du paysages 2011 était de produire « des indicateurs pour mesurer le bénéfice paysage ; avec nécessité d'évaluer les effets des aménagements paysagers à travers d'autres critÚres qu'économiques est revenue à de nombreuses reprises au cours de ces 3 jours ». Val'hor (l'interprofession de la filiÚre française du paysage) et ses fédérations professionnelles ont décidé de créer un groupe de travail élargi sur ce thÚme, pour mieux mesurer les services environnementaux, économiques, culturels, sociaux et santé rendus par les végétaux, les jardins et le paysage, afin notamment de mieux informer les élus et pouvoirs publics sur ces questions[8].

Dans tous les cas, l'approche occidentale du paysage reste intimement liĂ©e a la notion du regard ce qui la restreint finalement aux dogmes de la perspectives italienne. Force est de constater que d'autres civilisations, moins en prise avec la gĂ©omĂ©trie perspective, reprĂ©sentent et abordent la notion d'environnement vivable et sensible de maniĂšre diffĂ©rentes. En termes de reprĂ©sentation, les vues circulaires apportent un Ă©clairage intĂ©ressant aux notions de parcours, d'ambiance et de proportion sensible des objets dans le paysage. Ce sont peut-ĂȘtre les cartographies fengs hui primitives qui, sur ce terrain de la reprĂ©sentation du lieu, nous offre formules originales et trouvant Ă©chos aux problĂ©matiques contemporaines de la construction du territoire. L'ouvrage Architecture du paysage en extrĂȘme orient de Sophie Clement reste, en langue française, fondateur de l'idĂ©e d'un possible « superpaysage ».

Une anthropisation et une fragmentation accélérées des paysages ont été constatées au XXe siÚcle. Dans le cadre d'un développement se voulant plus soutenable, des approches plus holistiques et transdisciplinaires basées sur l'écologie du paysage visent une « réconciliation des sociétés humaines avec la nature »[9], aux échelles locales et globales, dont l'échelle paysagÚre.

Dans tous les cas le paysage est plutĂŽt considĂ©rĂ© comme un bien commun, dans une certaine mesure appropriable par la propriĂ©tĂ© privĂ©e, et susceptible d'ĂȘtre protĂ©gĂ©, gĂ©rĂ© ou transformĂ©.

Ce qui se voit

Un paysage.

Le paysage est avant tout une « vue »[10] : Ă  la fois vue d'un espace qui existe indĂ©pendamment de nous, comme la montagne et donc susceptible de pouvoir ĂȘtre Ă©tudiĂ© de façon objective : l’altitude, la tempĂ©rature, la structure interne mais aussi vue d’un espace que l’on perçoit[11], que l’on sent et cela, chacun de maniĂšre diffĂ©rente (« [
] il voit les mĂȘmes choses, mais avec d’autres yeux », N. Gogol, Tarass Boulba[12]). À partir du moment oĂč l’apprĂ©ciation esthĂ©tique entre en compte, oĂč l’on charge l’espace « de significations et d’émotions »[13], l’étude paysagĂšre ne peut ĂȘtre que subjective.

En effet, chacun voit, perçoit le paysage avec ses yeux, mais aussi sa sensibilitĂ© personnelle. J.P. Deffontaine[14] le montre bien dans son petit ouvrage. Il prĂ©sente un paysage de montagne Ă  travers diffĂ©rentes perceptions : celui du paysan, du botaniste ou du gĂ©ologue. L'image est la mĂȘme, mais le paysage est Ă  chaque fois diffĂ©rent. La particularitĂ© du gĂ©ographe est d'embrasser l'ensemble de ces points de vue et d'y apporter une dynamique.

Ce qui pourrait se voir, par média ou moyen technique interposé

Mars : Depuis les missions Apollo et les images renvoyées par les sondes spatiales, l'idée de paysage extra-terrestres ne relÚvent plus seulement de la science-fiction.
DĂ©tail d'une gravure reprĂ©sentant le « Paysage sous-marin de l’Ile Crespo »[15], tirĂ©e du roman de Jules Verne Vingt Mille Lieues sous les mers (Ă©dition illustrĂ©e, 16 novembre 1871, aprĂšs parution en feuilleton dans la revue Le Magasin d'Ă©ducation et de rĂ©crĂ©ation, du 20 mars 1869 au 20 juin 1870). Les scaphandres autonomes, tels qu'alors imaginĂ©s par Jules Verne et son illustrateur, d'aprĂšs l'inventions du docteur ThĂ©odore Guillaumet (1838) donnent accĂšs Ă  un nouveau type de paysage, sous-marin, que le cinĂ©ma et la tĂ©lĂ©vision, ou la photographie sous-marine nous feront ensuite partager.

Paysages extraterrestres

L'exploration spatiale ou sous-marine offre de nouveaux espaces à voir, éventuellement par sondes ou véhicules automatisés interposés. Les auteurs d'anticipation ont approché ces nouveaux paysages, avant qu'ils ne soient visibles par le public.

Paysages nocturnes

Divers peintres et auteurs ont dĂ©crit des paysages nocturnes. Les moyens de vision nocturne (vision infrarouge, amplification lumineuse
) permettent d'observer les paysages et la faune nocturne bien mieux qu'autrefois. Ils sont de plus en plus rares en raison de la pollution lumineuse. En 2018 en France le Parc national des CĂ©vennes (qui est aussi la plus grande rĂ©serve internationale de ciel Ă©toilĂ© en Europe) et l'Agence française pour la biodiversitĂ© ont organisĂ© un colloque pour la « prĂ©servation de l'environnement et des paysages nocturnes »[16].

Paysages sous-marins

Jules Verne en 1871 dĂ©crivait ses hĂ©ros, en scaphandre, en train d'arpenter des paysages sous-marins de l’Île Crespo.

Les films du Commandant Cousteau dans les annĂ©es 1960-1970, puis bien d'autres, et la dĂ©mocratisation de la plongĂ©e sous-marine et les approches d'Ă©cologie du paysage ont contribuĂ© Ă  l'idĂ©e que le paysage sous-marin existe. Cependant, la notion de paysage sous-marin n’a pas rassemblĂ© les assentiments de tous les chercheurs qui y ont vu un moyen de rĂ©cupĂ©rer le concept au profit d’une communautĂ© relativement restreinte, alors que le paysage est, selon eux indissociablement liĂ© aux regards et aux pratiques des habitants. MalgrĂ© tout cette notion de paysage sous-marin a eu un certain succĂšs auprĂšs de quelques Ă©cologues pour lesquels le paysage peut exister sans la prĂ©sence de l’homme si ce n’est que quelques rares plongeurs sous-marins.

C'est par exemple le thĂšme d'un sĂ©minaire scientifique et technique de 3 jours organisĂ© par l'Agence des aires marines protĂ©gĂ©es sur le projet d'« Observatoires photographiques des paysages sous-marins »[17], dans le cadre de ses compĂ©tences d'animation scientifique et technique. La vulgarisation des appareils de photo et de camĂ©ras Ă©tanches a contribuĂ© Ă  la mise Ă  disposition du grand public d'un grand nombre d'images de fonds marins et de plus en plus d'images subaquatiques d'eau douce, invitant Ă  mieux prendre en compte cette forme de paysage, autrefois mĂ©connue. Ce paysage particulier est restĂ© longtemps absent des rĂ©flexions scientifiques françaises. En 2007, Musard et ses collĂšgues se demandaient si le « paysage sous-marin » est un nouvel objet gĂ©ographique et scientifique en France ? Selon eux, si la gĂ©ographie « classique » de la mer ne conteste pas cette expression, elle ne lui a cependant pas encore trouvĂ© de « pertinence opĂ©ratoire », de mĂȘme pour les biologistes et Ă©cologues qui ont privilĂ©giĂ© d’autres approches (dont celle des habitats subaquatiques et marins, liĂ©s aux concepts d'Ă©cosystĂšme, de biocĂ©nose, de biotope, de faciĂšs et de peuplement).

Cette notion s'immisce pourtant « depuis peu dans un corpus qui se doit d’ĂȘtre, avant tout, transdisciplinaire et ouvert sur des rapports de culture et de nature tout en intĂ©grant les thĂ©matiques propres Ă  la gĂ©ographie, Ă  savoir la cartographie et les problĂšmes scalaires et d’emboĂźtements d’échelles »[18].

En France, les sentiers sous-marins ou rĂ©cifs artificiels crĂ©Ă©s pour faciliter la dĂ©couverte de l'environnement sous-marin par les plongeurs, gĂ©nĂ©ralement dans une Zone rĂ©servĂ©e uniquement Ă  la baignade (ZRUB) sont considĂ©rĂ©s comme conçus et maintenus dans le cadre d'une activitĂ© organisĂ©e, pouvant parfois nĂ©cessiter des amĂ©nagements terrestres et marins (ex. : Balisage, mouillage et autres Ă©quipements lĂ©gers) qui doivent respecter les rĂ©glementations propres au littoral (cf. loi Littoral) et au milieu marin[19]. Dans le cas des sentiers sous-marins, les amĂ©nagements doivent ĂȘtre de nature Ă  ne pas entraĂźner l’« affectation irrĂ©versible du site », comme pour les zones de mouillage ou de baignade [20] pour des raisons environnementales et car de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, « l’occupation du DPM ne peut ĂȘtre autorisĂ©e qu’à titre temporaire (celui-ci est inaliĂ©nable) ». Depuis la loi Littoral, le pĂ©titionnaire de ce type d'amĂ©nagement doit provisionner dĂšs le dĂ©part, au moment de l’installation des amĂ©nagements, les crĂ©dits nĂ©cessaires Ă  l’enlĂšvement des structures[19]. Une AOT (autorisation d'occupation temporaire) du DPM peut ĂȘtre accordĂ©e par le prĂ©fet, Ă  certaines conditions et en Ă©change du versement d'une redevance annuelle[19]. Sont aussi maintenant parfois dĂ©nommĂ©s « sentiers sous-marins » :

  • un duplex vidĂ©o entre un plongeur muni d’une camĂ©ra subaquatique et un lieu situĂ© Ă  terre[19] ;
  • une webcam implantĂ©e sur le fond qui donne en permanence une image de la vie sous-marine[19] ;
  • un sentier sous-marin virtuel, prĂ©sentĂ© sur Internet[19] ;
  • des projets 'implantation de rĂ©cifs paysagers pour la pratique de la plongĂ©e[19] ;
  • un sentier les pieds dans l’eau[19].

Une approche pluri-sensorielle

Le paysage visible construit Ă  travers des filtres est aussi « sensation interne », ce que Diderot appelait « rumeur des viscĂšres ». En effet, tous les sens entrent dans la construction du paysage, qu’il s’agisse du toucher, de l’odorat, de l’ouĂŻe. Le paysage sonore a notamment Ă©tĂ© Ă©tudiĂ© par le compositeur et musicologue canadien Raymond Murray Schafer. Pour lui, ce paysage est soumis Ă  la fois Ă  la discontinuitĂ© (il n’y a pas de fond sonore vĂ©ritable) et Ă  la disjonction entre « l’entendu et l’identifiĂ© »[21] (difficultĂ© de reconnaĂźtre, de situer, la source d’un bruit Ă©mis). Alors qu’autrefois il Ă©tait bien supportĂ©, aujourd’hui le bruit suscite la plainte et est connotĂ© nĂ©gativement, rattachĂ© aux couches populaires, d’oĂč l’ascension des vertus de silence devenu paradoxalement moyen de distinction. Cela Ă©tant, C. MontĂšs (2003) et C. Semidor (2006) montrent que le paysage sonore est aussi porteur d'une identitĂ©, d'une culture. Certains chercheurs, comme Henry Torgue, du laboratoire Cresson, rappellent par l'importance de la prise en compte du son dans les projets d'amĂ©nagement, la subjectivitĂ© de la connotation nĂ©gative du son dans un paysage.

L’étude paysagĂšre par le biais de l’odorat et du toucher est trĂšs intĂ©ressante mais beaucoup moins dĂ©veloppĂ©e.

Claude Raffestin a mis en garde contre le « totalitarisme de l’Ɠil » en gĂ©ographie. Il regrette que la gĂ©ographie traditionnelle du paysage se concentre surtout sur sa description visuelle[22]. En effet, il souligne que se focaliser sur l’apparence du paysage empĂȘche de saisir la territorialitĂ© qui est Ă  la base de sa construction[23]. C’est donc un systĂšme de relation qui serait Ă  l’origine du paysage. La constitution du paysage dĂ©pend alors des pratiques et des relations inĂ©gales entre diffĂ©rents acteurs[24]. Raffestin affirme ainsi « [
] que le paysage est la structure de surface alors que la territorialitĂ© est la structure profonde. »[23]

Une analyse scientifique du paysage

La subjectivitĂ© au cƓur de l'approche du paysage semble remettre en cause l’idĂ©e d’une analyse scientifique du paysage, avant tout naturaliste, notamment dĂ©veloppĂ©e chez les gĂ©ographes russes (en Russie, tout s’explique par l’étendue et le climat). Cette non-scientificitĂ© du paysage, Alain Roger l’oppose Ă  l'environnement : « le paysage ne fait pas partie de l’environnement » (Court traitĂ© du paysage). En effet, « l’environnement » est un concept rĂ©cent, d’origine Ă©cologique, et justiciable d’un traitement scientifique ; il regroupe l’eau, la terre, l’air, la vĂ©gĂ©tation, les reliefs : « il est alors Ă©quivalent de ce que, mais bien Ă  tort, certains gĂ©ographes physiciens nomment paysage »[25] qui rĂ©duisent ce dernier a son socle naturel. Cependant, comme le rappelle Alain Corbin, un paysage s’inscrit, est « insĂ©rĂ© », dans un environnement.

L'analyse scientifique du paysage a longtemps été la propriété exclusive des géographes, avant que d'autres disciplines ne s'en emparent : l'histoire du paysage comme entité géographique et forme du jugement esthétique, l'histoire littéraire et artistique du paysage, la sociologie du paysage, etc., produisent une littérature abondante et font progresser la recherche sur ce thÚme[26].

La question de la temporalité

Le paysage est soumis Ă  des changements temporels et Ă  des cycles tant comme vision que comme production de l'espace[27].

La notion de paysage et son approche gĂ©ographique, Ă©conomique, sociale, esthĂ©tique ou Ă©cologique font nĂ©cessairement appel au temps auquel on se rĂ©fĂšre. Quelle que soit la dĂ©finition donnĂ©e du paysage, son observation et son Ă©tude confrontent impitoyablement deux ĂȘtres vivants, l'un observĂ© et l'autre observateur. Et comme tous ĂȘtres vivants, l'un et l'autre sont sujets aux variations sĂ©culaires, annuelles, saisonniĂšres ou journaliĂšres. L'observĂ© se prĂ©sente Ă  un moment « T », chargĂ© de son passĂ©, visible ou non, et dĂ©jĂ  riche de son devenir, prĂ©visible ou non. De mĂȘme, l'observateur se prĂ©sente Ă  un moment « T », chargĂ© de son passĂ©, de ses acquis culturels, sociaux, avec sa propre personnalitĂ©, le tout constituant un ĂȘtre Ă©galement en devenir. Saisir un paysage est donc un moment bref et non renouvelable Ă  court terme. En ce sens, ce que l'on saisit, le paysage, ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ© que comme une entitĂ© unique, personnelle et Ă©phĂ©mĂšre. Le paysage n'est que pour ce qu'il est au moment oĂč son observateur le voit. Dans l'absolu, on peut ainsi affirmer que, en dehors de cet instant « T » pour un observateur dĂ©fini, le paysage n'existe pas.

La question de la banalisation paysagĂšre

Le gĂ©ographe J.R. Pitte dĂ©finit la banalisation des paysages comme « un mĂ©lange d'uniformitĂ© — de laquelle peut parfois naĂźtre l'ennui — et de pauvretĂ© de signification autre que technique »[28]. Processus qui dĂ©bute dĂšs l'AntiquitĂ©, il franchit un pas avec la rĂ©volution industrielle dans le monde occidental au XIXe siĂšcle, puis s'accĂ©lĂšre au XXe siĂšcle, et notamment durant sa seconde partie, avec l'agriculture paysanne qui laisse place Ă  l'agriculture industrielle marquĂ©e par la mise en Ɠuvre de politiques d'amĂ©nagements fonciers ruraux (remembrements, rectification des chemins, arasement des haies et destruction des bocages, hydraulique — irrigation, drainage, comblement des points d'eau, modification du cours d'eau par dĂ©viation, rectification du lit ou canalisation) et l'urbanisation croissante (Ă©talement urbain et urbanisation des campagnes, s'accompagnant d'opĂ©rations d'amĂ©nagements fonciers : construction de lotissements standardisĂ©s, de zones d'activitĂ©s et commerciales, d'infrastructures routiĂšres)[29].

La banalisation des territoires au dĂ©triment du patrimoine paysager peut ĂȘtre mal perçue par les habitants qui dĂ©noncent la dĂ©sappropriation et la perte de contrĂŽle sur le devenir des paysages qui apparaissent comme les produits de mĂ©canismes Ă©conomiques sur lesquels les acteurs locaux perdent prise. « En revanche pour les usagers quotidiens, cette dĂ©prĂ©ciation n'est pas nĂ©cessairement perçue tant que les lieux restent appropriĂ©s rĂ©ellement ou symboliquement[30] ».

Approche picturale

Le paysage est une des grandes sources d'inspiration des peintres et graveurs, surtout depuis la période dite Romantique

Historiquement, le paysage est d'abord une notion artistique, au sens de dĂ©cor disposant d'une valeur esthĂ©tique[31]. Le regard paysager s'est formĂ© dans le monde occidental au contact de l'art pictural et de ses Ă©volutions au dĂ©but de l'Ă©poque moderne[32], notamment Ă  la Renaissance. La naissance du paysage est liĂ©e ainsi Ă  une « mĂ©diation par l'art », Ă  un processus d'« artialisation », notion empruntĂ©e Ă  Montaigne par Alain Roger[33], qui permet de passer du pays au paysage. L'intervention de l'artiste[34] et de son regard entraĂźne « une dualitĂ© pays-paysage qui rĂ©pond Ă  une dualitĂ© de type de dualitĂ© nuditĂ©-nu, la nature Ă©tant le «corps dĂ©vĂȘtu qui ne devient esthĂ©tique que grĂące Ă  l'intervention de l'art »[31] : c'est ce processus qu'Alain Roger nomme « artialisation ».

Approches géographiques

La géographie et la géomorphologie nomment les éléments formels du paysage pour le mieux décrire et expliquer.
Principe de constitution des Cuestas.

Histoire de la notion en géographie

À la charniĂšre des XIXe et XXe siĂšcles, la gĂ©ographie, notamment par l'intermĂ©diaire d'Alexander von Humboldt et ÉlisĂ©e Reclus[35], reprend Ă  son compte le paysage, jusqu'alors territoire du peintre pour en faire un objet d'Ă©tude. Le gĂ©ographe Paul Vidal de La Blache, cofondateur des Annales de gĂ©ographie et de la gĂ©ographie française dite classique, a largement contribuĂ© Ă  forger l'approche gĂ©ographique des paysages dans la seconde moitiĂ© du XIXe siĂšcle. Le paysage est alors conçu dans une visĂ©e objective et gĂ©nĂ©alogique : il est le rĂ©sultat des actions des hommes s'adaptant Ă  leur environnement naturel au cours de l'histoire. Il devient un vaste ouvrage oĂč le gĂ©ographe peut distinguer les Ă©lĂ©ments naturels des Ă©lĂ©ments culturels, et leur intime mĂ©lange dans bien des rĂ©gions, se succĂ©dant au cours du temps. Cette approche, qui rĂ©duisait le paysage Ă  l'ensemble des objets qui le composent a longtemps dominĂ© la pensĂ©e gĂ©ographique française du paysage[36], mais elle Ă©vacuait la question de la subjectivitĂ©.

Dans les annĂ©es 1970-1980, les gĂ©ographes, sous la houlette de Georges Bertrand, ont commencĂ© Ă  considĂ©rer le paysage comme un objet hybride, faisant appel Ă  la fois aux sciences naturelles (gĂ©omorphologie, Ă©cologie vĂ©gĂ©tale, climatologie) et aux sciences sociales (territorialisation de l'espace, perception, phĂ©nomĂ©nologie, symboles politiques
). Georges Bertrand a ainsi crĂ©Ă© un concept ternaire d'Ă©tude : gĂ©osystĂšme - territoire - paysage, permettant d'Ă©tudier les dynamiques du paysage et son Ă©volution. Une telle conception permettait de rendre compte de l'Ă©volution d'un paysage, dĂ©pendant Ă  la fois des processus naturels et des amĂ©nagements humains, des perceptions et des idĂ©ologies. Dans son article « Paysage et gĂ©ographie physique globale » (in Revue de gĂ©ographie des PyrĂ©nĂ©es et du Sud-Ouest, 1968), Georges Bertrand, en se rĂ©fĂ©rant au paysage, synthĂ©tise cette idĂ©e en affirmant :

« C'est, sur une certaine portion de l'espace, le résultat de la combinaison dynamique, donc instable, d'éléments physiques, biologiques et anthropiques qui, en réagissant dialectiquement les uns sur les autres, font du paysage un ensemble unique et indissociable en perpétuelle évolution. »

Depuis une vingtaine d'annĂ©es, l'Ă©tude du paysage par les sciences humaines est particuliĂšrement vive en France. Dans cette perspective, « les formes paysagĂšres sont dĂ©sormais conçues comme des construits, analysĂ©s en tant qu'ils sont reprĂ©sentations des rapports des hommes aux lieux »[36]. Le gĂ©ographe Jean-Robert Pitte par exemple se place dans une posture rompant avec les principes de Vidal de la Blache : il insiste largement sur la place de la subjectivitĂ© et de l'Ă©volution des perceptions, Ă  travers nos modes de vie (voiture, avion, train) que les artistes viennent rĂ©vĂ©ler grĂące Ă  leurs Ɠuvres. L'historien Alain Corbin Ă©largit aussi la question de la perception paysagĂšre en ne la cantonnant pas qu'au visuel mais Ă  tous les sens. Il a ainsi parlĂ© de « paysage sonore » dans son ouvrage sur les cloches dans les campagnes françaises. La distinction entre une approche naturaliste du paysage et une approche culturaliste a Ă©tĂ© exprimĂ©e le plus fortement par le philosophe Alain Roger dans son essai « Paysage et environnement : pour une thĂ©orie de la dissociation »[37] qui en appelle Ă  distinguer les deux notions.

Une définition légale du paysage aujourd'hui largement partagée, à l'échelle européenne, est celle contenue dans la Convention européenne du paysage, signée sous les auspices du Conseil de l'Europe en 2000[38]. Selon cette définition « Le paysage définit une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractÚre résulte de l'action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ».

Perception, et effets psychophysiologiques de la naturalité ou de l'anthropisation des paysages

La notion de paysage est diversement perçue selon les contextes et les cultures[39]. On a montrĂ© que face Ă  diffĂ©rents types de paysage, ou en regardant diffĂ©rentes photographies de paysage, les personnes ont des rĂ©actions physiologiques et psychologiques diffĂ©rentes. On peut aujourd’hui mesurer les rĂ©actions physiologiques au moyen de l'Ă©lectro-encĂ©phalographie (EEG), l'Ă©lectromyographie (EMG), la frĂ©quence cardiaque (HR), le suivi du regard. Les rĂ©actions psychologiques peuvent ĂȘtre Ă©valuĂ©es par diffĂ©rents tests, entretiens ou mesures d'attention[39]. En Ă©tudiant les rĂ©actions psychophysiologiques de personnes placĂ©es devant un Ă©cran avec diffĂ©rents paysages, on a ainsi montrĂ© que certains paysages ont un effet calmant et agrĂ©able (montagnes, eau et forĂȘts) pour tous, mais que le cerveau des amĂ©ricains ne rĂ©agissait pas avec la mĂȘme intensitĂ© ou pas aux mĂȘmes stimuli que celui des thaĂŻlandais[39].

En AmĂ©rique du Nord, les paysages, et particuliĂšrement ceux du Grand Ouest ou des forĂȘts borĂ©ales du Canada, dĂ©passent bien des canons europĂ©ens. La dĂ©couverte des grands espaces occidentaux des États-Unis, lors de la seconde moitiĂ© du XIXe siĂšcle, a bouleversĂ© ses dĂ©couvreurs, dignes successeurs d'Alexander von Humboldt. Ils se sont trouvĂ©s face Ă  des espaces sauvages, en regard d'une Europe quasi entiĂšrement anthropisĂ©e, et d'Ă©chelles sans commune mesure avec ceux de l'Ancien Monde. De plus, ce fut l'occasion Ă  un nouveau mĂ©dium artistique de fournir sa vision du paysage : la photographie, alors que jusqu'Ă  prĂ©sent la peinture avait eu la charge de cette reprĂ©sentation. Les photographies d'Ansel Adams dans le massif de la Yosemite Valley en sont exemplaires. C'est Ă  cette occasion qu'est forgĂ© le concept de wilderness, difficile Ă  traduire (« sauvagetĂ© », « monde sauvage », « naturalitĂ© » ?), pour qualifier ces grands espaces vierges proposĂ©s comme des mondes Ă  prĂ©server de l'anthropisation.

MĂȘme dans les pays trĂšs anthropisĂ©s, la naturalitĂ© d'un paysage, sa richesse et son harmonie, et la prĂ©sence de l'arbre dans le paysage jouent aussi un rĂŽle important dans le sentiment de paix ou de bien-ĂȘtre qu'il procure[40]. Ainsi au Japon, au dĂ©but des annĂ©es 2000, une Ă©tude sur l'effet curatif de la vĂ©gĂ©tation existant dans le paysage a montrĂ© que 94 % des interrogĂ©s Ă  qui l'on demande d'Ă©voquer un paysage bon pour leurs santĂ© et bien-ĂȘtre dĂ©crivent spontanĂ©ment un paysage trĂšs naturel, pour 1 % prĂ©fĂ©rant un paysage artificiel. Des variations se dessinent cependant selon l'Ăąge.

Les dérives des études morpho-historiques

L’étude de paysage est dĂ©licate et controversĂ©e. Les tentatives de synthĂšse d’histoire rurale ou d’histoire du paysage de telle ou telle rĂ©gion, ayant l’ambition d’exploiter des sources Ă©crites et non Ă©crites, sont gĂ©nĂ©ralement soit des travaux rapprochant de maniĂšre superficielle des donnĂ©es archĂ©ologiques, morphologiques et textuelles pour produire un discours historique, soit des ouvrages de palĂ©ogĂ©ographie lacunaires et parfois anhistoriques[41].

La cause d’un tel Ă©chec est de vouloir rĂ©duire le rĂ©el Ă  une schĂ©matisation systĂ©matique dĂšs que celui-ci est perçu comme paysage aux formes complexes. Les historiens ont donc plus fait l’histoire d’un paysage irrĂ©el Ă  force d’ĂȘtre rĂ©duit Ă  des schĂ©matisations successives, que l’histoire la plus « rĂ©elle » possible de l’objet[41].

Or, le paysage n’est pas seulement une structure que l’on peut schĂ©matiser : il est un fonctionnement, une interaction dynamique permanente entre des Ă©lĂ©ments physiques et des Ă©lĂ©ments sociaux, et l’étude de la morphologie des paysages du passĂ© doit donc ĂȘtre une gĂ©ographie des espaces des sociĂ©tĂ©s du passĂ© rendant compte de leurs dynamiques de transformation[42].

Une réalité épistémologique complexe

Étudier un paysage considĂ©rĂ© comme fonctionnement, interaction dynamique, est rendue d’autant plus difficile qu’elle s’inscrit dans une situation Ă©pistĂ©mologique particuliĂšre :

  • d’une part, l’histoire a pris l’habitude de se priver d’espace, Ă  force de le rĂ©duire Ă  un stĂ©rĂ©otype, Ă  une idĂ©e d’espace[43] ;
  • d’autre part, la gĂ©ographie fut partagĂ©e entre gĂ©ographie physique et gĂ©ographie humaine ;
  • enfin, l’archĂ©ologie actuelle est profondĂ©ment marquĂ©e par les sciences du palĂ©oenvironnement, permettant l’accĂšs aux composantes vĂ©gĂ©tales et animales du paysage ancien, et par la gĂ©oarchĂ©ologie, traitant du sĂ©diment, de son Ă©volution et de sa relation avec les sociĂ©tĂ©s, de par l’amĂ©nagement du paysage et de l’agriculture.

Ainsi, une Ă©tude de paysage, qui pourrait ĂȘtre dite « archĂ©ologie des paysages », « morphologie dynamique des paysages » ou encore « palĂ©ogĂ©ographie », est donc au carrefour de plusieurs disciplines.

Les voies d’accùs à la connaissance du paysage ancien

Connaßtre et comprendre le paysage implique de rapprocher des disciplines et points-de-vue différents pour notamment :

  • exploiter des textes, des atlas, des inscriptions, cartes, itinĂ©raires, toponymie, etc. ;
  • Prospecter (approche spatiale et matĂ©rielle), afin d'exploiter des sources archĂ©ologiques pour connaĂźtre l'histoire et les impacts des structures (agraires ou autres) et pour permettre une Ă©cologie rĂ©trospective, l'Ă©tude des palĂ©opaysages et une archĂ©omorphologie.

Vers une nouvelle organisation des champs scientifiques

Pour une Ă©tude de paysage, il ne suffit pas d’articuler entre elles des disciplines autonomes (histoire, gĂ©ographie, etc.) possĂ©dant leur propre mĂ©thode et leur corpus documentaire. En effet, le paysage est Ă  la marge de disciplines qui ne s’articulent pas vraiment[44] :

L'Ă©tude de paysage appelle donc une nouvelle organisation des champs scientifiques permettant une approche systĂ©mique[45]. Ces questions ont Ă©tĂ© largement traitĂ©es par GĂ©rard Chouquer (directeur de la rĂ©daction des Études rurales)[46], François Favory ou encore Philippe Leveau.

Approche Ă©cologique

Les formes et éléments naturels du paysage renseignent sur son histoire et son fonctionnement écologique (bras-morts, alluvions et anciens méandres ici par exemple).

Écologie du paysage

Le paysage naturel fait dĂ©sormais l'objet d'un discipline scientifique Ă  part entiĂšre, l'Ă©cologie du paysage, et peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un patrimoine commun Ă  prĂ©server.

En amĂ©nagement du territoire, la prise en compte des aspects paysagers d'un quelconque projet d'amĂ©nagement (rĂ©novation, remembrement agricole, autoroutes, etc.) est dĂ©sormais presque obligatoire. En effet, le Plan local d’urbanisme des communes doit dĂ©sormais le prendre en compte, et des lois comme celle du 8 janvier 1993 (dite « loi Paysage ») permet la protection du paysage en tant que tel. Ainsi, la plupart des projets d'amĂ©nagement, comme les plans de gestion des espaces naturels, comportent au prĂ©alable une analyse paysagĂšre du milieu.

En application des principes de la Convention européenne du paysage, les pays de l'Union européenne sont tenus d'inventorier leurs paysages dans un souci d'aménagement, de gestion ou de préservation. En France, cet inventaire est réalisé sous la forme d'atlas de paysages, à l'échelle départementale ou régionale.

Approche politique

Politiques publiques du paysage en France

L’administration du paysage est encore rĂ©cente. La premiĂšre loi s’y rapportant date de 1906 et la stabilisation du service qui en a la charge s’est opĂ©rĂ©e en 1995 avec la crĂ©ation de la sous-direction des sites et paysages au sein de la direction de la nature et des paysages au ministĂšre de l'Ă©cologie et du dĂ©veloppement durable. Emmanuelle HeaulmĂ© (École d’architecture et de paysage, Bordeaux) distingue trois grands modĂšles de perception et d’action qui, au cours du XXe siĂšcle, ont ordonnĂ© la patrimonialisation des paysages :

  • le « paradigme du pittoresque » : le paysage s’impose comme objet patrimonial dans la mesure oĂč il se prĂȘte Ă  un rapprochement avec une Ɠuvre peinte (lois 1906 et 1930 sur les sites et monuments naturels) ;
  • le « paradigme de l’environnement » Ă  partir des annĂ©es 1950 : inscription et classement, dans les annĂ©es 1960 et 1970, de grands paysages naturels (ex. Landes et Gironde), et apparition d'une nouvelle politique qui s’attache, au-delĂ  de la simple protection, Ă  mettre en Ɠuvre une vĂ©ritable gestion des sites ;
  • le « paradigme du paysage culturel » depuis les annĂ©es 1980 : attention portĂ©e au paysage en tant que forme sensible d’une interaction dynamique du naturel et du social (notion de « patrimoine commun de la nation », selon la loi du 7 janvier 1983, article L. 110 du Code de l'urbanisme, instituant les ZPPAU).

Protection des paysages exceptionnels

L’État, en Occident, s’est donc peu Ă  peu dotĂ© de pouvoirs rĂšglementaires importants, notamment en faveur des paysages exceptionnels dits patrimoniaux. La loi française de 1930 relative Ă  la protection des monuments naturels et des sites de caractĂšre artistique, historique, scientifique, lĂ©gendaire ou pittoresque permet le classement des paysages les plus exceptionnels au titre des sites. Le classement offre une protection renforcĂ©e en comparaison de l'inscription, en interdisant, sauf autorisation spĂ©ciale du ministre compĂ©tent, la rĂ©alisation de tous travaux tendant Ă  modifier l'aspect du site. Par ailleurs, les directives de protection et mise en valeur des paysages visent Ă  assurer de façon sĂ©lective la prĂ©servation et la mise en valeur des principaux Ă©lĂ©ments structurants d’un paysage. Il existe Ă©galement d'autres instruments de protection pour la sauvegarde des espaces naturels exceptionnels comme les rĂ©serves naturelles nationales, les parcs nationaux, les rĂ©serves biologiques, etc. Enfin, on peut citer l'apparition de rĂšgles spĂ©cifiques dans certains espaces fragiles et/ou convoitĂ©s, comme la loi montagne et la loi littoral, ou la crĂ©ation d'un sanctuaire pour les mammifĂšres marins en MĂ©diterranĂ©e (« sanctuaire Pelagos », accord fait Ă  Rome le 25 novembre 1999).

À l'Ă©chelle internationale, le classement au patrimoine mondial de l'UNESCO reconnaĂźt des sites d'une valeur patrimoniale exceptionnelle universelle pour l'humanitĂ©. Ce classement a Ă©tĂ© introduit par la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel en 1972. En 2008, 33 sites sont classĂ©s au patrimoine mondial, culturel et naturel en France et 878 dans le monde. À noter, le classement du Val de Loire de Sully-sur-Loire Ă  Chalonnes sur plus de 85 000 ha en tant que paysage culturel exceptionnel.

Vers une politique des paysages du quotidien

En France, en 1971 a Ă©tĂ© crĂ©Ă© un ministĂšre chargĂ© de la protection de la nature et de l'environnement, et depuis 1995, le ministre chargĂ© de l’environnement et du dĂ©veloppement durable est, au sein du gouvernement, responsable de la politique des paysages, cadrĂ©e notamment par la loi paysage. Depuis 1989, le ministĂšre dĂ©cerne un prix du paysage chaque annĂ©e Ă  des paysagistes et des collectivitĂ©s pour leurs projets.

Il faut enfin rappeler que la plupart des instruments de protection paysages relÚve des collectivités locales. Les élus locaux jouent un rÎle central car ils se font les porte-parole des attentes de leurs administrés et ils justifient la pertinence locale des problÚmes paysagers avec une argumentation sociale.

On constate donc la progressive mise en place d’une vĂ©ritable politique des paysages, laquelle a pour objectif de « prĂ©server durablement la diversitĂ© des paysages français ».

La mise en productions diverses et amĂ©nagements de la nature par les paysans est de premiĂšre influence sur les paysages. Parfois, une conscience aigĂŒe de ce pouvoir et un amour certain pour leur « pays » les transforment en paysagistes.

La gestion des jardins et des espaces verts a donné lieu à une forme de spécialisation de l'architecture qui prend en compte les particularités de la mise en valeur, de la construction ou de la modification des paysages ou de portions de paysages.

On parle alors des activités de paysagistes, d'ingénieurs paysagistes ou d'architectes-paysagistes, selon les contextes.

Les sites classés et inscrits

La loi du 21 avril 1906 portant sur la protection des monuments naturels et des sites en France a Ă©tĂ© modifiĂ©e par la loi du 2 mai 1930 (articles L. 341-1 Ă  22 et R. 341-1 Ă  31 du code de l'environnement). Elle vise les sites de caractĂšre artistique, historique, scientifique, lĂ©gendaire ou pittoresque et dont la qualitĂ© appelle, au nom de l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, la conservation en l'Ă©tat et la prĂ©servation de toutes atteintes graves. Elle prĂ©voit 2 niveaux de protection, le classement et l’inscription. Les premiers sites protĂ©gĂ©s ont concernĂ© des Ă©lĂ©ments paysagers ponctuels ou des curiositĂ©s naturelles (rochers, cascades, fontaines ou arbres isolĂ©s, etc), puis des points de vue ou des Ă©crins de patrimoine (perspectives de chĂąteaux ou leurs parcs, etc). La tendance est dĂ©sormais Ă  la protection d’ensembles paysagers ou de sites naturels plus vastes (vallĂ©es, gorges, marais, caps, etc) pouvant couvrir plusieurs milliers d’hectares[47].

Les Opérations Grand Site et le label Grand Site de France

Une OpĂ©ration Grand Site (OGS) est une dĂ©marche de l’État proposĂ©e aux collectivitĂ©s territoriales pour rĂ©pondre aux difficultĂ©s que posent l’accueil des visiteurs et l’entretien des sites classĂ©s de grande notoriĂ©tĂ© soumis Ă  une forte frĂ©quentation touristique. Elle permet de dĂ©finir et de mettre en Ɠuvre un projet concertĂ© de restauration, de prĂ©servation et de mise en valeur du territoire.

Une OGS poursuit trois objectifs :

  • restaurer et protĂ©ger activement la qualitĂ© paysagĂšre, naturelle et culturelle du site ;
  • amĂ©liorer la qualitĂ© de la visite (accueil, stationnements, circuits, information, animations) ;
  • favoriser le dĂ©veloppement socio-Ă©conomique local[48].

Les sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial

En 1972, les États membres de l’Unesco ont adoptĂ© la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel. Ce traitĂ© international a Ă©tĂ© ratifiĂ© par la France en 1975. L’inscription d’un bien sur la liste du patrimoine mondial consacre sa valeur et lui vaut d’ĂȘtre prĂ©servĂ© au titre du patrimoine de l’humanitĂ©. Elle n’entraĂźne pas de contraintes rĂšglementaires directes mais l’État s’engage Ă  protĂ©ger, conserver et mettre en valeur chaque bien. Les biens inscrits sont reconnus pour leur « valeur universelle exceptionnelle ». Il s’agit soit de biens culturels (monuments, villes mais aussi paysages culturels), soit de biens naturels (parcs naturels, rĂ©serves, Ăźles), ou encore de biens mixtes[49].

Les atlas de paysages

En 1994, l’État a lancĂ© un vaste programme d’atlas rĂ©gionaux, puis dĂ©partementaux des paysages.

Les atlas de paysages sont rĂ©alisĂ©s Ă  l’initiative des services dĂ©concentrĂ©s du ministĂšre chargĂ© des paysages (DDT, Dreal) ou des collectivitĂ©s territoriales. Ils sont associĂ©s gĂ©nĂ©ralement Ă  un comitĂ© de pilotage regroupant diffĂ©rents services ou partenaires impliquĂ©s dans la gestion des paysages (CAUE, PNR, associations
). Leur rĂ©alisation est confiĂ©e Ă  des professionnels, paysagistes ou des Ă©quipes pluridisciplinaires ayant des compĂ©tences en gĂ©ographie, urbanisme ou encore sur le grand paysage.

La rĂ©alisation d’un atlas permet de dĂ©velopper la connaissance sur un territoire donnĂ©, de maniĂšre partagĂ©e. Il s’intĂ©resse Ă  l’ensemble des paysages de l’aire d’étude, urbains et pĂ©riurbains, naturels, agricoles ou forestiers, prĂ©servĂ©s ou dĂ©gradĂ©s, dans des secteurs remarquables ou plus communs[50].

L’observatoire photographique national du paysage

Le ministĂšre chargĂ© de l’Écologie a engagĂ© la crĂ©ation de l’Observatoire photographique du paysage en 1991, avec pour objectif de constituer un fonds de sĂ©ries photographiques qui permette d’analyser les mĂ©canismes et les facteurs de transformations des espaces ainsi que les rĂŽles des diffĂ©rents acteurs qui en sont la cause de façon Ă  orienter favorablement l’évolution du paysage. Il cherche Ă  mieux faire connaĂźtre la diversitĂ© des paysages qui composent le territoire et surtout Ă  suivre leurs Ă©volutions[51].

Écoles d'architecture et de paysage

  • Le caractĂšre visible ou cachĂ© de l'horizon fait parler de paysage « ouvert » ou « fermĂ© ».
    Le caractÚre visible ou caché de l'horizon fait parler de paysage « ouvert » ou « fermé ».
  • Les effets de premier plan, ou de plans successifs donnent plus ou moins de profondeur au paysage.
    Les effets de premier plan, ou de plans successifs donnent plus ou moins de profondeur au paysage.
  • Le gradient climatique liĂ© Ă  la latitude et Ă  l'altitude contrĂŽle la flore et modĂšle le paysage.
    Le gradient climatique lié à la latitude et à l'altitude contrÎle la flore et modÚle le paysage.

Acteurs professionnels modelant le paysage directement ou indirectement

Notes et références

  1. Glossaire du Conseil de l'Europe sur les paysages (Glossary of the Information System of the Council of Europe |Landscape Convention Spatial planning and landscape| n°106), voir chapitre 11, p 31
  2. Pour parcourir les nombreuses définitions que recouvrent le terme, on consultera utilement les définitions proposées en note de lecture par Madeleine Griselin, Serge Ormauxet, Jean-Claude Wieber, Unité de recherche THéMA, Université de Franche-Comté.
  3. LACOSTE Y., De la géopolitique aux paysages, dictionnaire de la géographie, Paris, Armand Colin, 2003, 413p
  4. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, CNRS, en ligne
  5. Ü. Mandera, Landscape Planning ; Encyclopedia of Ecology ; Pages 2116-2126 doi:10.1016/B978-008045405-4.00062-8 ()
  6. On pourra consulter sur ce sujet l'article de Paul Arnould, « Le paysage : de la production Ă  l'usage », « GĂ©oconfluences »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?), le 23 fĂ©vrier 2003
  7. Madeleine Griselin, Serge Ormauxet, Jean-Claude Wieber, Utilisation des paysages Unité de recherche THéMA, Université de Franche-Comté.
  8. Filet d'information, CG, Nature en ville : des Assises Européennes pour protéger les paysages d'Europe, consulté 2011-11-22
  9. Z. Naveh, Interactions of landscapes and cultures ; Landscape and Urban Planning Volume 32, Issue 1, April 1995, Pages 43-54 doi:10.1016/0169-2046(94)00183-4 (Résumé)
  10. Roger Brunet, Analyse des paysages et sémiologie, 1974
  11. Roger Brunet, La théorie Du paysage en France, Champ vallon 1997.
  12. Nouvelles Russes : Traduction française publ. par L. Viardot, Parsi, 1845,p. 67
  13. Alain Corbin et Jean Lebrun, L’homme dans le paysage : entretien avec Jean Lebrun, Textuel, 201, p. 11
  14. J.P. Deffontaine, 2006
  15. « L’Ile Crespo » appartient au Capitaine Nemo. Jules Verne la situe par 32°40’ de latitude nord et 167°50’ de longitude ouest. C'est un « Ăźlot qui fut reconnu en 1801 par le capitaine Crespo, et que les anciennes cartes espagnoles nommaient Rocca de la Plata, c’est-Ă -dire « Roche d’Argent » » (Jules Verne, 1871)
  16. colloque Préservation de l'environnement et des paysages nocturnes 8 - 9 novembre 2018 Le Vigan (Gard)
  17. Agence des aires marines protégées (2011) présentation d'un Paysages sous-marins : séminaire scientifique et technique Du 29/03/2011 au 31/03/2011 à Brest
  18. Musard, O., Fournier, J., & Marchand, J. P. (2007). Le proche espace sous-marin: essai sur la notion de paysage. L’Espace gĂ©ographique, (2), 168-185.
  19. « RĂ©glementation des sentiers sous-marins dans le cadre de l'Ă©ducation Ă  l'environnement vers un dĂ©veloppement »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?) source : sentiers sous-marins de mĂ©diterranĂ©e, consultĂ© 2015-08-10
  20. dĂ©cret n°91-1110 du 22 octobre 1991 (JO du 26/10/1991) fixant la rĂ©glementation des zones de mouillages et d’équipements lĂ©gers.
  21. Muray Schafer, « The Tuning of the World » (NY, 1978) in Le Paysage Sonore, Paris, Ă©d. Française, LattĂšs, 1979 ; Jean-François Augoyard, « La vue est-elle souveraine dans l’esthĂ©tique paysagĂšre ? », Le DĂ©bat, mai-aoĂ»t 1991, no 65, 9 p.
  22. Raffestin C., "Paysage et territorialité", Cahiers de géographie du Québec, vol.21, no 53-54, 1977, p. 126.
  23. Raffestin C., "Paysage et territorialité", Cahiers de géographie du Québec, vol.21, no 53-54, 1977, p. 132.
  24. Bailly A., Raffestin C., Reymond H., "Les concepts du paysage : problématique et représentations". Espace géographique, 1980, vol. 9, no. 4, p. 278.
  25. Roger Brunet, Les mots de la géographie, Dictionnaire critique
  26. Yann Nussaume, Nys Philippe, « AfïŹrmation et maturation d’un savoir », Les Cahiers de la recherche architecturale et urbaine, nos 26/27,‎ , p. 126 (DOI 10.4000/crau.559).
  27. Madeleine Griselin, Serge Ormauxet Jean-Claude Wieber, Statut temporel du paysage, Unité de recherche THéMA, Université de Franche-Comté
  28. Jean-Robert Pitte, « Le processus de banalisation des paysages », dans Paysages culturels européens. Héritage et devenir, Sorbonne Universite Presses, (lire en ligne), p. 91.
  29. Jean-Robert Pitte, « Le processus de banalisation des paysages », dans Paysages culturels européens. Héritage et devenir, Sorbonne Universite Presses, , p. 94-95.
  30. Pierre Donadieu, Elisabeth Mazas, Des mots de paysage et de jardin, Educagri, , p. 36.
  31. Yvette Veyret, « Milieux, environnement et risques », in Annette Ciattoni et Yvette Veyret (dir), Les fondamentaux de la géographie, Armand Colin, 2003, p. 55
  32. « http://www.hypergeo.eu/article.php3?id_article=294 »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?)
  33. Alain Roger Nus et paysages. Essai sur la fonction de l'art, 1978, Aubier.
  34. qu'il s'agisse, « in situ » du regard du paysagiste ou, « in visu », de celui du peintre
  35. Federico Ferretti « La vĂ©ritĂ© du regard : l'idĂ©e de paysage chez ÉlisĂ©e Reclus », juin 2009, Projets de paysage
  36. ThérÚse Saint-Julien, « L'approche spatiale », in Annette Ciattoni et Yvette Veyret (dir), Les fondamentaux de la géographie, Armand Colin, 2003, p. 11
  37. Alain Roger, « Paysage et environnement : pour une thĂ©orie de la dissociation » in Jean-Pierre Le Dantec, Jardins et paysages, Éd. Larousse, 1996.
  38. Elle a été adoptée en France par la loi no 2005-1272 du 13 octobre 2005, autorisant l'approbation de la convention européenne du paysage et publiée le 22 décembre 2006 par le décret no 2006-1643 du 20 décembre 2006 portant publication de la convention européenne du paysage signée à Florence le 20 octobre 2000.
  39. C.-Y. Chang, 2004, Psychophysiological responses to different landscape settings and a comparison of cultural differences ; ISHS Acta Horticulturae 639: XXVI International Horticultural Congress: Expanding Roles for Horticulture in Improving Human Well-Being and Life Quality (Résumé)
  40. F.A. Miyake, Y. Takaesu, H. Kweon (2004) ; Identifying the image of a healing landscape : A descriptive study. ; ISHS Acta Horticulturae 639: XXVI International Horticultural Congress: Expanding Roles for Horticulture in Improving Human Well-Being and Life Quality. (Résumé, en anglais)
  41. GĂ©rard Chouquer, L'Ă©tude des paysages. Essais sur leurs formes et leur histoire, Paris, Errance, 2000, p. 10.
  42. GĂ©rard Chouquer, L'Ă©tude des paysages. Essais sur leurs formes et leur histoire, Paris, Errance, 2000, p. 99 ; 184.
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  45. Gérard Chouquer, "La place de l'analyse des systÚmes spatiaux dans l'étude des paysages du passé", in CHOUQUER G. (dir.), Les formes du paysage, t. 3, L'analyse des systÚmes spatiaux, Paris, Errance, 1997, p. 17-19.
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  47. « MinistĂšre de l’Écologie, du DĂ©veloppement Durable et de l'Énergie - Commissariat gĂ©nĂ©ral au DĂ©veloppement durable »
  48. « MinistĂšre de l’Écologie, du DĂ©veloppement Durable et de l'Énergie - Commissariat gĂ©nĂ©ral au DĂ©veloppement durable »
  49. « MinistĂšre de l’Écologie, du DĂ©veloppement Durable et de l'Énergie - Commissariat gĂ©nĂ©ral au DĂ©veloppement durable »
  50. « MinistĂšre de l’Écologie, du DĂ©veloppement Durable et de l'Énergie - Commissariat gĂ©nĂ©ral au DĂ©veloppement durable »
  51. « MinistĂšre de l’Écologie, du DĂ©veloppement Durable et de l'Énergie - Commissariat gĂ©nĂ©ral au DĂ©veloppement durable »

Voir aussi

Glossaire

Bibliographie

  • Augustin Berque, ÉcoumĂšne : Introduction Ă  l’étude des milieux humains
  • GĂ©rard Chouquer (dir.), Les formes du paysage, t. 3, L'analyse des systĂšmes spatiaux, Paris, Errance, 1997.
  • GĂ©rard Chouquer, L'Ă©tude des paysages. Essais sur leurs formes et leur histoire, Paris, Errance, 2000, 208 p. Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Marylise Cottet, « Notion en dĂ©bat : paysage », GĂ©oconfluences, octobre 2019.
  • J.P. Deffontaine et al., Petit guide de l'observation du paysage, INRA, 2006
  • Pierre Donadieu et Michel PĂ©rigord, ClĂ©s pour le paysage, OPHRYS, 2005, 368 p. (ISBN 9782708010970)
  • Bernard Fischesser et Marie-France Dupuis-Tate, RiviĂšres et Paysages, Ed. La MartiniĂšre, 2006
  • Christian MontĂšs, « La ville, le bruit et le son, entre mesure et identitĂ© urbaine », GĂ©ocarrefour, Vol 78/2, 2003
  • Jean-Robert Pitte, Histoire du paysage français, Tallandier, 2003 (ISBN 2847340742)
  • Bernard Quilliet, Le paysage retrouvĂ©, Essai sur le paysage historique, 1994.
  • Catherine Semidore, « Le paysage sonore de la rue comme Ă©lĂ©ment d'identitĂ© urbaine », Flux, 2006/4-2007/1 no 66, p. 120-126
  • Monique Sicard, AurĂšle Crasson, Gabrielle Andries, La Fabrique photographique des paysages, Herrmann, 2017.
  • Jean-Louis Tissier, « Paysage » in Jacques LĂ©vy et Michel Lussault (dir.), Dictionnaire de la GĂ©ographie et de l'espace des sociĂ©tĂ©s, Éditions Belin, 2003. Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Damien Ziegler (prĂ©face de Patrick Brion), La reprĂ©sentation du paysage au cinĂ©ma, Bazaar & Co, coll. « cinĂ©bazaar » (no 3), Paris, 5 mars 2010, 294 p. (ISBN 978-2-917339-11-4)
  • AEE (2004), dĂ©voile la premiĂšre carte numĂ©rique de l'Ă©volution rĂ©cente des paysages en Europe, 17/11/2004, consultĂ© le 22 mars 2013.
  • Damien Ziegler, TraitĂ© du paysage moderne, Otrante, mai 2019, 322 p. (ISBN 979-10-97279-06-6)

Articles connexes

Liens externes

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