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Julian Assange

Julian Assange (prononcĂ© /ˈdÍĄÊ’uːlÉȘən əˈsɑːnʒ/), nĂ© Julian Paul Hawkins le Ă  Townsville (Queensland), est un informaticien, cybermilitant et lanceur d'alerte australien. Il est surtout connu en tant que fondateur, rĂ©dacteur en chef et porte-parole de WikiLeaks.

Julian Assange
Julian Assange en 2014.
Biographie
Naissance

Townsville, Queensland, Australie
Nom dans la langue maternelle
Julian Paul Assange
Nom de naissance
Julian Paul Hawkins
Nationalité
Australienne
Domiciles
Formation
Central Queensland University (en)
Université de Melbourne
Townsville State High School (en)
Activités
Période d'activité
depuis
PĂšre
John Shipton (d)
MĂšre
Christine Ann Assange (d)
Conjoint
Stella Assange (en) (depuis )
Autres informations
A travaillé pour
Partis politiques
Idéologie
Membre de
Media, Entertainment and Arts Alliance (en) ()
Condamné pour
Cybercrime (), défaut de comparution (en) ()
Condamnation
Lieux de détention
Distinctions
Liste détaillée
Index Award ()
Sam Adams Award ()
Gold medal for Peace with Justice (d) ()
Walkley Awards (en) ()
Prix de journalisme Martha-Gellhorn ()
Prix Sydney de la paix ()
Courage Award for the Arts ()
Gavin MacFadyen (en) ()
Prix de la Paix de Stuttgart ()
Prix GĂŒnter Walraff (d) ()
Prix Serena Shim (en)
signature de Julian Assange
Signature

En 2010, Ă  la suite des rĂ©vĂ©lations de WikiLeaks sur la maniĂšre dont les États-Unis et leurs alliĂ©s mĂšnent la guerre en Irak et en Afghanistan, Assange atteint une grande notoriĂ©tĂ©. Il est ensuite au cƓur d'une affaire politico-judiciaire internationale, qui le prive de libertĂ© Ă  partir de 2010 dans des circonstances telles qu'il a pu ĂȘtre qualifiĂ© de prisonnier politique.

En libertĂ© surveillĂ©e, puis rĂ©fugiĂ© dans l’ambassade d'Équateur Ă  Londres entre 2012 et 2019, il est incarcĂ©rĂ© depuis 2019 au Royaume-Uni et au cƓur d’une procĂ©dure d’extradition demandĂ©e par les États-Unis aprĂšs avoir Ă©tĂ© inculpĂ© pour « espionnage » ; il encourt 175 ans de prison.

Biographie

Assange en 2006.

Enfance et famille

Julian Paul Assange naĂźt en 1971 Ă  Townsville[1] en Australie (il affirme ĂȘtre nĂ© sur Magnetic Island au large de Townsville[2]), oĂč il passe une grande partie de son enfance. Alors qu'il a un an, sa mĂšre, Christine Ann Hawkins, Ă©pouse le directeur de thĂ©Ăątre ambulant Brett Assange[3] - [4] qui, bien que n'Ă©tant pas son pĂšre biologique, le reconnaĂźt lĂ©galement et lui donne son nom. Son pĂšre biologique est John Shipton, rencontrĂ© Ă  Sydney, lors d'une manifestation contre la guerre du Vietnam[5]. »

En 1979, sa mĂšre se remarie avec un musicien, « fils prĂ©sumĂ© d'Anne Hamilton-Byrne », fondatrice de la secte New Age Kia Lama[6] - [7]. Le , au cours de l’émission Mise au Point diffusĂ©e par la TĂ©lĂ©vision suisse romande, Assange Ă©voque son enfance, ainsi que les constantes pĂ©rĂ©grinations qui l’ont amenĂ© — lui, sa mĂšre et son demi-frĂšre — Ă  devoir fuir ce qu’il appelle « la secte d’Anne Hamilton-Byrne (Association du parc Santiniketan)[Note 1] ».

En 1982, le couple divorce aprÚs la naissance du demi-frÚre de Julian. Les parents se disputent sa garde. Sa mÚre s'enfuit avec ses enfants et les cache pendant cinq ans[8]. Cette vie d'errance conduit Assange à fréquenter trente-sept écoles différentes[9].

À l'adolescence et jusqu'Ă  l'Ăąge adulte, Assange devient « Mendax ». PassionnĂ© d'informatique, il devient un hacker Ă©thique : il ne dĂ©truit rien et agit dans le but de la connaissance et de renforcer la sĂ©curitĂ©[1].

À l'Ăąge de 18 ans, Assange emmĂ©nage avec sa compagne ; elle donne naissance Ă  leur fils Daniel[2] - [10].

Informatique et Ă©tudes universitaires

Assange et Daniel Domscheit-Berg au 26C3 à Berlin, décembre 2009.

En 1993, Assange participe au lancement de l'un des premiers fournisseurs de services Internet grand public en Australie, Suburbia Public Access Network. À partir de 1994, il exerce des activitĂ©s en tant que programmeur et dĂ©veloppeur de logiciels libres. En 1995, il Ă©crit le logiciel Strobe, un scanner de port. En 1996, il contribue Ă  l’écriture de plusieurs correctifs pour le projet PostgreSQL[11]. Assange a participĂ© Ă  la rĂ©daction du livre Underground: Tales of Hacking, Madness and Obsession on the Electronic Frontier (en) (« Dans la clandestinitĂ© : contes du piratage, de la folie et de l’obsession Ă  la frontiĂšre Ă©lectronique ») (1997), qui relate ce qu'il a vĂ©cu avec le groupe des International Subversives[12]. Il co-invente, Ă  partir de 1997, le systĂšme de chiffrement niable Rubberhose, un concept de cryptographie Ă©laborĂ© dans un progiciel pour GNU/Linux et conçu pour fournir un dĂ©ni plausible contre la cryptanalyse du tuyau de caoutchouc (en). À l’origine, dans l’esprit d'Assange, ce systĂšme devait constituer « un outil au service des personnes Ɠuvrant en faveur des droits de l’homme, et qui avaient besoin de protĂ©ger des donnĂ©es sensibles dans ce domaine ». Parmi les autres logiciels qu’il a Ă©crits ou coĂ©crits, on compte le logiciel de mise en cache NNTPCache pour Usenet et Surfraw (es), une interface en ligne de commande pour les moteurs de recherche Web. En 1999, Assange enregistre le nom de domaine leaks.org, « mais », dit-il, « ensuite, je n’en ai rien fait ».

Le , dans un entretien télévisé accordé à la Radio télévision suisse, il décrit ses premiers pas d'informaticien, grùce au Commodore 64 offert par sa mÚre. Il a par la suite utilisé un ordinateur Amiga pour ses premiÚres activités de hacking[13] - [14].

Assange a fréquenté six universités. De 2003 à 2006, il a étudié la physique et les mathématiques à l'université de Melbourne, suivi des études de philosophie et de neurosciences, sans obtenir de diplÎme.

Hacker

En , dÚs l'ùge de 16 ans, Assange devient un hacker, utilisant comme pseudo « Mendax » (menteur en latin) puis « Prof ». Ce dernier nom ferait allusion au roman Cryptonomicon de l'auteur de science-fiction américain Neal Stephenson[15].

En , il est repĂ©rĂ© dans une attaque contre un serveur australien de Nortel[16], une multinationale de tĂ©lĂ©communications, et la police australienne perquisitionne son domicile en octobre. Poursuivi en justice, il plaide coupable en 1996. Il est condamnĂ© Ă  une faible peine (2100 dollars australiens de dommages-intĂ©rĂȘts) pour absence d'intention malicieuse et enfance difficile[17].

Vie privée

Stella Moris, Bains des PĂąquis, GenĂšve 2021.

Assange a plusieurs enfants dont un est français et vit en France[18]. DĂ©but avril 2020, dans un entretien au Mail on Sunday, son ancienne avocate Stella Moris rĂ©vĂšle qu'elle a eu deux enfants avec Assange lorsqu'il Ă©tait rĂ©fugiĂ© Ă  l'ambassade d'Équateur Ă  Londres dans les annĂ©es 2010[19]. Elle a choisi de rĂ©vĂ©ler l'existence de ses jeunes enfants sous la pression du juge qui, selon elle, souhaitait divulguer cette information et parce qu'elle « craint que la vie d'Assange ne soit en danger s'il reste Ă  Belmarsh » en raison de la pandĂ©mie de Covid-19[20] - [21]. En 2021, Stella Moris[22] - [23] continue de se battre pour la libĂ©ration de Assange. « Je veux juste qu'il rentre Ă  la maison, guĂ©risse, profite de nos enfants et qu'il se reconnecte Ă  la nature, dont il a Ă©tĂ© privĂ© depuis une dĂ©cennie », confie-t-elle[24]. Mi-novembre 2021, elle affirme avoir eu l'autorisation de pouvoir se marier avec Assange au sein de la prison de Belmarsh, sans qu'aucune date n'ait Ă©tĂ© fixĂ©e[25]. Ils se sont mariĂ©s le , sans que l’administration pĂ©nitentiaire autorise que soient prises et diffusĂ©es des photos du mariage[26] - [27].

Convictions politiques

La philosophie de Assange consiste en un crypto-anarchisme[28] fondĂ© sur le constat d'une asymĂ©trie d'information entre les pouvoirs publics et les citoyens ; cette asymĂ©trie profitant essentiellement aux États. Cela signifie que les États sont, d’une part, en mesure de contrĂŽler une grande partie des communications de leurs citoyens, et qu’ils tentent, d’autre part, de garder secrets de larges pans de l'information dont ils disposent.

Partant de ce constat, Assange estime que les innovations techniques offertes par Internet permettent désormais d'inverser l'asymétrie observée en déployant une stratégie reposant sur deux axes essentiels :

Le premier de ces axes vise Ă  protĂ©ger les informations Ă  caractĂšre personnel des citoyens par des moyens cryptographiques au dĂ©veloppement desquels Assange a d’ailleurs dĂ©jĂ  contribuĂ© activement et qu’il s’est attachĂ© Ă  diffuser gratuitement (voir supra). De tels moyens sont susceptibles de restreindre trĂšs fortement l'influence et le contrĂŽle qu’exercent les États sur leurs citoyens.

Le second axe vise, lui, Ă  organiser la publication-divulgation systĂ©matique des connaissances dont disposent les États et leurs dirigeants et de parvenir ainsi Ă  une minimisation de la fonction Ă©tatique conçue en tant qu’autoritĂ© maĂźtrisant l'information. Pour Assange, « l’organisation de fuites constitue une action intrinsĂšquement anti-autoritaire[29] ».

Partant du constat que les guerres du XXe siĂšcle sont souvent parties de diffusion d'informations maĂźtrisĂ©es par les dirigeants qui voulaient la guerre, Assange dĂ©clare : « cela signifie que les populations n’aiment pas les guerres et qu’il faut leur mentir. Cela signifie que la vĂ©ritĂ© peut nous emmener vers la paix[30]. ».

L'asymétrie d'information constatée entre les autorités publiques et les citoyens constitue une grille de lecture que Assange, dans le sillage d'un nombre croissant d'économistes, entend appliquer également à la compréhension du mode de fonctionnement des entreprises ; l'objectif final restant néanmoins pour Assange de corriger les défauts d'une telle asymétrie et, ce faisant, de mettre à nu le cynisme qu'elle favorise.

WikiLeaks

Assange à la conférence SKUP pour le journalisme d'investigation en NorvÚge en mars 2010.

Assange est le porte-parole le plus connu de l'organisation WikiLeaks, dont il est le fondateur et membre du conseil d'administration[31]. Il est Ă©galement le responsable du site Web de WikiLeaks[32]. Il possĂšde un droit de veto sur la publication de tout document soumis Ă  WikiLeaks[33].

En , il reçoit le soutien de Daniel Ellsberg qui, en 1971, avait Ă©tĂ© Ă  l'origine de la divulgation des Pentagon Papers[34]. Le , les autoritĂ©s suĂ©doises rejettent sa demande de permis de travail et de rĂ©sidence, alors qu'il avait spĂ©cifiquement optĂ© pour la SuĂšde, afin de bĂ©nĂ©ficier de la protection des sources des journalistes, Ă  propos desquelles la lĂ©gislation de ce pays est particuliĂšrement stricte[35]. Ce rejet intervient au moment oĂč WikiLeaks s'apprĂȘtait Ă  publier des documents sur la guerre d'Irak[Note 2].

Assange a publié plusieurs millions de documents confidentiels relatifs aux modes opératoires de l'armée américaine en Irak sur le site WikiLeaks. Il a également dénoncé les circuits de corruption de dictateurs africains ou de certaines compagnies russes offshore[1].

En avril 2015, WikiLeaks publie 30 287 documents et 173 132 e-mails relatives à la firme Sony Pictures. Une base de données est établie afin de faciliter les recherches dans ces archives[36].

D'autres mĂ©dias suivent la voie ouverte par Wikileaks, comme Bellingcat, popularisant le concept d'enquĂȘte open source[37].

Principaux Ă©vĂ©nements de l’affaire Assange

Résumé

En 2010, WikiLeaks publie des documents classifiĂ©s amĂ©ricains, sur la guerre d'Irak en — avec notamment une vidĂ©o intitulĂ©e Collateral murder (« meurtre collatĂ©ral ») filmant le raid aĂ©rien du 12 juillet 2007 Ă  Bagdad[38] puis une autre sur la guerre d'Afghanistan en , rĂ©vĂ©lant au monde les crimes de guerre des États-Unis et de leurs alliĂ©s, notamment le Royaume-Uni. Ces rĂ©vĂ©lations dĂ©clenchent la « fureur du Pentagone ». DĂšs lors, les autoritĂ©s amĂ©ricaines lancent une enquĂȘte pour « espionnage » contre WikiLeaks et recherchent activement Assange.

Entre 2010 et 2012, Assange est en libertĂ© surveillĂ©e au Royaume-Uni en raison d'un mandat d'arrĂȘt europĂ©en de la justice suĂ©doise, Ă  la suite d'une accusation de « dĂ©lit sexuel » en SuĂšde en 2010[39]. Assange clame son innocence et dĂ©nonce un prĂ©texte pour qu'il soit extradĂ© de SuĂšde vers les États-Unis. En , la Cour suprĂȘme du Royaume-Uni rejette son ultime demande Ă  ne pas ĂȘtre extradĂ© vers la SuĂšde.

Le , Assange se rĂ©fugie Ă  l'ambassade d'Équateur Ă  Londres, oĂč il vivra pendant 7 ans dans un espace confinĂ© — il obtient l'asile politique le , puis est naturalisĂ© le 12 dĂ©cembre 2017[40] — dans la crainte des persĂ©cutions amĂ©ricaines, et d'une extradition vers le camp de GuantĂĄnamo. De nombreux observateurs estiment qu'Assange est victime de dĂ©tention arbitraire ; il ne peut pas sortir de l'ambassade sans risquer une arrestation britannique et l'extradition vers les États-Unis. Il est alors surveillĂ© en permanence par la police londonienne (le Metropolitan Police Service Ă  Scotland Yard) et espionnĂ© par la Central Intelligence Agency (CIA)[41].

En 2016, toujours enfermĂ© dans l'ambassade d'Équateur, Assange commente sur les rĂ©seaux sociaux la campagne pour l'Ă©lection prĂ©sidentielle amĂ©ricaine. WikiLeaks publie alors des milliers de courriels piratĂ©s du Parti dĂ©mocrate[42]. Dans le cadre des accusations d'ingĂ©rences russes dans l'Ă©lection, de hauts responsables et les services de renseignement amĂ©ricains considĂšrent que la Russie a aidĂ© WikiLeaks pour les diffuser, et ainsi peser sur l'Ă©lection pour faire Ă©lire Donald Trump, candidat du Parti rĂ©publicain.

Le , le prĂ©sident Ă©quatorien LenĂ­n Moreno annonce le dĂ©choir de la nationalitĂ© Ă©quatorienne — obtenue fin 2017 sous la prĂ©sidence de Rafael Correa — et met fin Ă  son droit d'asile en justifiant sa dĂ©cision par ces mots : "Julian Assange a violĂ© Ă  plusieurs reprises les conventions internationales et le protocole de cohabitation"[43]. Le jour mĂȘme, Assange est arrĂȘtĂ© dans l'enceinte de l'ambassade par la police londonienne[44]. Les États-Unis demandent immĂ©diatement son extradition. Le , il est condamnĂ© par la justice britannique Ă  cinquante semaines de prison pour violation des conditions de sa libertĂ© provisoire en 2012[45]. L'affaire en justice suĂ©doise se rĂ©vĂšlera avoir Ă©tĂ© instrumentalisĂ©e par le Royaume-Uni, pour maintenir Assange sous mandat d'arrĂȘt, et justifier son arrestation. La justice suĂ©doise clĂŽt dĂ©finitivement cette affaire faute de preuves le [46], quelques mois aprĂšs l'arrestation de Assange par les Britanniques, et 9 ans aprĂšs les faits reprochĂ©s.

Le , les États-Unis inculpent Assange pour « espionnage », il encourt jusqu'Ă  175 ans de prison[47]. Une inculpation « sans prĂ©cĂ©dent dans l'histoire du journalisme aux États-Unis », qualifiĂ©e d'attaque contre le premier amendement de la Constitution amĂ©ricaine (qui garantit la libertĂ© de la presse), car pour la premiĂšre fois, le dĂ©partement de la Justice amĂ©ricain nie le caractĂšre journalistique des agissements de Assange.

Assange est incarcĂ©rĂ© en dĂ©tention provisoire Ă  la prison de haute sĂ©curitĂ© de Belmarsh depuis le , jour de son arrestation Ă  l'ambassade d'Équateur[48]. De nombreux observateurs, comme le Rapporteur spĂ©cial des Nations unies Nils Melzer constatent une dĂ©gradation de sa santĂ© du fait de l'isolement et du stress intense dĂ» aux menaces qui pĂšsent sur lui, et appellent Ă  mettre un terme Ă  la « persĂ©cution collective » dont il est victime[49].

Le , la justice britannique refuse dans un premier jugement la demande d'extradition de Assange vers les États-Unis. Une demande de libĂ©ration sous caution d'Assange est refusĂ©e le [50]. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral des États-Unis fait appel de la dĂ©cision et la procĂ©dure d’appel dĂ©marre le 27 octobre 2021. La cour d’appel annule la dĂ©cision d’interdiction de l’extradition le 10 dĂ©cembre 2021[51]. La justice britannique se prononce ensuite en faveur de l’extradition en juin 2022, qui nĂ©cessite un arrĂȘtĂ© d’extradition signĂ©e par la SecrĂ©taire d’État Ă  l’intĂ©rieur pour devenir effectif[52] .

Publication de documents secrets américains sur la guerre en Irak et en Afghanistan

En , WikiLeaks publie des documents classifiĂ©s sur la guerre d'Irak et notamment la vidĂ©o Collateral murder (« Meurtre collatĂ©ral »)[53] - [1]. Chelsea Manning est l'analyste militaire amĂ©ricaine qui lui fournit les documents, sachant qu’elle risquait d'ĂȘtre poursuivie pour trahison.

Les autoritĂ©s des États-Unis commencent Ă  enquĂȘter sur WikiLeaks et Assange en vertu de la loi sur l'Espionnage de 1917[54], ce que confirme en le ministre de la Justice amĂ©ricain, Eric Holder. Un grand jury est constituĂ© Ă  Alexandria en Virginie[55] - [56].

En , le site révÚle notamment que les forces militaires alliées en Irak, ont torturé ou tué sans raison des centaines d'Irakiens et met en évidence « de nombreux cas de crimes de guerre qui semblent manifestes de la part des forces américaines, comme le meurtre délibéré de personnes qui tentaient de se rendre »[57] - [58].

Fin , Assange Ă©change des lettres avec le gouvernement amĂ©ricain[59], puis WikiLeaks commence Ă  publier les rĂ©vĂ©lations de tĂ©lĂ©grammes de la diplomatie amĂ©ricaine. La Maison-Blanche qualifie cette opĂ©ration de « crime grave »[60]. D'aprĂšs Robert Gibbs, porte-parole de la prĂ©sidence amĂ©ricaine, WikiLeaks et ceux qui dissĂ©minent ces informations seraient des criminels, il estime que ces fuites constituent « de graves violations de la loi et une menace grave pour ceux qui mĂšnent et aident notre politique Ă©trangĂšre ». La secrĂ©taire d'État des États-Unis, Hillary Clinton, Ă©voque une « attaque contre la communautĂ© internationale »[61].

D'aprĂšs le quotidien amĂ©ricain The New York Times « l'affirmation de la secrĂ©taire d'État Hillary Clinton selon laquelle les fuites mettent en danger la sĂ©curitĂ© nationale semble exagĂ©rĂ©e ». Le journal ajoute : « Ces documents ont une valeur parce qu'ils mettent en lumiĂšre la politique amĂ©ricaine sous un jour que les AmĂ©ricains et le reste du monde ont le droit de voir. »[62] - [63].

Daniel Ellsberg, connu pour avoir rĂ©vĂ©lĂ© les Pentagon Papers, a dĂ©fendu la publication de WikiLeaks, rapporte The Guardian : « Tout secrĂ©taire d'État aurait dit la mĂȘme chose Ă  propos des Pentagon Papers »[63].

Mandat d'arrĂȘt suĂ©dois pour dĂ©lit sexuel

Le , la justice suĂ©doise rĂ©vĂšle suspecter Assange de dĂ©lits sexuels (viol mineur)[64] - [65] - [66] Ă  l'encontre de deux femmes suĂ©doises[Note 3]. Les deux femmes, amies, ont fait une dĂ©position commune auprĂšs du commissariat local quelques jours aprĂšs avoir eu des relations sexuelles sĂ©parĂ©es et rĂ©pĂ©tĂ©es avec Assange[67] mais n'ont pas portĂ© plainte et c'est la police qui a pris l'initiative d'informer le parquet[64]. Quelques heures aprĂšs l'Ă©mission du communiquĂ© de presse, le Parquet lĂšve l'avis de recherche estimant qu'en fait M. Assange « n'Ă©tait pas suspect de viol » et « n'Ă©tait plus recherchĂ© »[64] - [68]. En revanche, l'enquĂȘte pour agression se poursuit[64]. Assange nie formellement les faits, et reconnaĂźt avoir eu une relation sexuelle, consentie, avec les deux femmes. Il publie en dĂ©cembre 2016 les rĂ©ponses qu'il a faites Ă  ces accusations[69]. Les jeunes femmes ne nient pas que la relation Ă©tait initialement consentie, mais affirment qu'Assange aurait retirĂ© son prĂ©servatif sans qu'elles l'y aient autorisĂ©. Le refus d'arrĂȘter immĂ©diatement les Ă©bats aprĂšs la rupture d'un prĂ©servatif est un acte condamnable en droit suĂ©dois[68] - [66].

Cette accusation survient peu de temps aprĂšs que WikiLeaks a publiĂ© 77 000 documents confidentiels de l'armĂ©e amĂ©ricaine sur la guerre en Afghanistan[64] - [67], dĂ©clenchant la « fureur du Pentagone », puis annoncĂ©, le , vouloir en publier 15 000 nouveaux[64]. Cette concomitance ne semble pas fortuite Ă  certains commentateurs. « Cette affaire ressemble fort Ă  un coup tordu des services, Ă  l'ancienne », affirme, par exemple, Le Canard enchaĂźnĂ©[70].

Le , le parquet suĂ©dois, aprĂšs avoir abandonnĂ© les poursuites et l'avoir autorisĂ© Ă  quitter le territoire[71], Ă©met un mandat d'arrĂȘt[71] contre Assange, afin de l'interroger sur des suspicions de « viol mineur » et d'agression sexuelle. Assange se dĂ©clare prĂȘt Ă  ĂȘtre interrogĂ©[71].

InterviewĂ© sur CNN, il rĂ©fute la pertinence de la procĂ©dure pĂ©nale Ă  son encontre (il n'est d'ailleurs pas mis en examen)[72], dĂ©clarant comme infondĂ©es les accusations portĂ©es contre lui, puis ajoute : « On ne peut pas mettre sur le mĂȘme plan l'Ă©normitĂ© des informations que je rĂ©vĂšle, concernant la mort de 109 000 civils en Irak, avec les accusations triviales portĂ©es contre moi ». Depuis le , il est l'objet d'une notice rouge de la part de la SuĂšde relayĂ© par Interpol[73] - [74] - [75] pour cette affaire[76].

Liberté surveillée, sous caution au Royaume-Uni

Assange parle sur les marches de la Cathédrale Saint-Paul de Londres le 16 octobre 2011.

Le , alors qu'il se rendait Ă  une convocation judiciaire concernant l'affaire suĂ©doise, Assange est arrĂȘtĂ© par la police britannique, qui lui fait savoir son intention de l'extrader vers la SuĂšde[77].

Une semaine aprĂšs son arrestation, Assange bĂ©nĂ©ficie d'une dĂ©cision de remise en libertĂ© surveillĂ©e sous rĂ©serve du paiement d'une caution fixĂ©e Ă  hauteur de 240 000 ÂŁ (282 000 â‚Ź)[78]. La dĂ©cision contestĂ©e par l'accusation est confirmĂ©e en appel par la Haute Cour de justice de Londres le [79]. Un comitĂ© de soutien, qui rĂ©unit des personnalitĂ©s comme Michael Moore[80], Ken Loach, Jemima Khan ou Bianca Jagger[79], se mobilise pour rĂ©unir la caution requise et obtenir la libĂ©ration effective de Assange[81].

Le , aprĂšs le versement d'une caution de 282 000 â‚Ź exigĂ©e pour sa libĂ©ration conditionnelle, Assange est libĂ©rĂ© mais doit porter un bracelet Ă©lectronique[82].

Publication de l'intégralité des cùbles diplomatiques américains par WikiLeaks

Le , Ă  la suite de la fuite d'une archive chiffrĂ©e de WikiLeaks sur Internet contenant les donnĂ©es brutes des tĂ©lĂ©grammes de la diplomatie amĂ©ricaine, WikiLeaks dĂ©cide de publier l'intĂ©gralitĂ© des 250 000 cĂąbles diplomatiques amĂ©ricains non expurgĂ©s des noms qui pourraient ĂȘtre identifiĂ©s[83] - [84], comme cela avait Ă©tĂ© le cas jusqu'alors. Assange et le quotidien britannique The Guardian s'accusent mutuellement de nĂ©gligence dans la fuite initiale de l'archive chiffrĂ©e[85].

Dans un communiqué conjoint, les anciens collaborateurs de WikiLeaks, The Guardian, The New York Times, Der Spiegel et El Pais « déplorent la décision de WikiLeaks de publier des cùbles non édités, ce qui peut mettre des sources en danger »[83] - [86]. Le Monde s'est par la suite joint à eux[83] - [86].

Dans un communiquĂ©, la porte-parole du dĂ©partement d’État amĂ©ricain, Victoria Nuland, dit : « WikiLeaks nous a avertis de la diffusion imminente d'informations et de son intention de continuer Ă  publier des documents classifiĂ©s »[87] et ajoute « Cependant, WikiLeaks a ignorĂ© nos demandes de ne pas publier ou diffuser tout document amĂ©ricain qu'il pouvait avoir en sa possession »[87]. Les États-Unis estiment que WikiLeaks mettrait des vies en danger en citant des sources, ce que WikiLeaks dĂ©ment[87], l'organisation ayant contactĂ© les autoritĂ©s amĂ©ricaines la semaine prĂ©cĂ©dente, afin que les sources potentiellement mises en danger puissent se mettre Ă  l'abri[86].

À la suite de la publication intĂ©grale et non filtrĂ©e des cĂąbles diplomatiques dĂ©but septembre, des journalistes Ă©thiopiens mentionnĂ©s dans les leaks ont dĂ» fuir leur pays[88] et des intellectuels, activistes et dĂ©fenseurs des droits de l'homme ont Ă©tĂ© mis en cause en Chine[89].

Rejet de son ultime recours contre une extradition vers la SuĂšde

Ambassade de l'Équateur Ă  Londres le 16 aoĂ»t 2012.

Assange fait appel devant la Cour suprĂȘme du Royaume-Uni, qui avait validĂ© le principe de son extradition vers la SuĂšde le [90]; cette cour rejette le ce dernier recours pour ne pas ĂȘtre extradĂ© vers la SuĂšde[90], considĂ©rant ainsi que le mandat d'arrĂȘt europĂ©en lancĂ© contre lui pour interrogatoire est valide[91]. Assange redoute alors une extradition vers le Camp de GuantĂĄnamo[92].

Refuge et demande d'asile à l'ambassade d'Équateur

Poursuivi par la justice britannique du fait du mandat d'arrĂȘt suĂ©dois, Assange se rĂ©fugie le dans l'ambassade d'Équateur Ă  Londres — alors qu'il Ă©tait en libertĂ© sous caution au Royaume-Uni — pour y dĂ©poser une demande d'asile politique[93]. Le ministre Ă©quatorien des Affaires Ă©trangĂšres, Ricardo Patiño, confirme sa demande, dĂ©clare que son gouvernement va l'Ă©tudier et qu'en attendant Assange peut rester Ă  l'intĂ©rieur de l'ambassade[94] - [95] - [96]. Il vivra reclus, dans une piĂšce exiguĂ« amĂ©nagĂ©e en studio au sein de l'ambassade, jusqu'au . Ne pouvant sortir et recevant peu de visiteurs, Assange y sĂ©journe dans des conditions qu'il relate comme Ă©prouvantes[Note 4] - [18].

Asile politique et menaces britanniques

La police londonienne dĂ©clare que Assange a violĂ© les obligations de sa libertĂ© conditionnelle et qu'il sera arrĂȘtĂ© dĂšs que possible[97]. Un mandat d'arrĂȘt est donc Ă©mis contre lui, pour ne pas avoir respectĂ© les clauses de sa libertĂ© sous caution[98] - [99].

Les autoritĂ©s britanniques semblent dĂ©terminĂ©es Ă  procĂ©der Ă  l'arrestation de Assange, elles se montrent menaçantes envers l'Équateur. Elles envoient notamment une lettre Ă  la diplomatie Ă©quatorienne, expliquant que le Royaume-Uni Ă©tait dans son droit pour intervenir au sein de l'ambassade pour arrĂȘter Assange, suggĂ©rant donc que si l’Équateur ne restituait pas Assange elles lanceraient l'assaut, une menace d'attaque Ă  la souverainetĂ© de l'Équateur choquante pour la diplomatie Ă©quatorienne[100]. Le , le ministre des Affaires Ă©trangĂšres Ricardo Patiño, lors d'une confĂ©rence de presse Ă  Quito dĂ©clare : « Aujourd'hui nous avons reçu du Royaume-Uni la menace expresse et par Ă©crit qu'un assaut pourrait ĂȘtre lancĂ© contre notre ambassade Ă  Londres si l'Équateur ne lui remet pas Julian Assange », il ajoute : « L'Équateur rejette de la maniĂšre la plus Ă©nergique la menace explicite »[94] - [101]. L'ambassade d'Équateur Ă  Londres s'est dĂ©clarĂ©e « profondĂ©ment choquĂ©e par les menaces du gouvernement britannique contre la souverainetĂ© de l'ambassade de l'Équateur et leur suggestion d'une entrĂ©e en force dans l'ambassade »[102] - [101] - [94]. Le journal The Guardian publie des extraits de cette lettre, confirmant les menaces du Royaume-Uni de lancer un assaut sur l'ambassade : « Vous devez ĂȘtre conscients qu’il y a des lois au Royaume-Uni, comme le Diplomatic and Consular Premises Act de 1987 (en), qui nous permettrait de prendre des mesures afin d'arrĂȘter M. Assange dans les locaux de l'ambassade »[103] - [94]. Un porte-parole du ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres britannique dĂ©clare que « En vertu du droit britannique, nous pouvons leur donner une semaine de prĂ©avis avant d'entrer dans les locaux de l'ambassade, et il n'y aura plus de protection diplomatique », prĂ©cisant que cette dĂ©cision n'avait « pas encore Ă©tĂ© prise »[104] - [101] - [94].

Le ministre des affaires étrangÚres équatorien Ricardo Patiño rencontre Assange à Londres

Le , Ricardo Patiño, annonce que l'Équateur accorde l'asile politique Ă  Assange[94] - [105] malgrĂ© des pressions insistantes du Royaume-Uni[94] - [106].

Julien Assange s’exprimant au balcon de l'ambassade Ă©quatorienne Ă  Londres le .

S'exprimant au balcon de l'ambassade Ă©quatorienne Ă  Londres le , Julien Assange dĂ©clare « WikiLeaks est sous le coup de menaces, tout comme la libertĂ© d'expression et la santĂ© de l'ensemble de nos sociĂ©tĂ©s. Les États-Unis doivent renoncer Ă  la chasse aux sorciĂšres lancĂ©e contre WikiLeaks »[107].

Le ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres britannique fait savoir qu'il va faire arrĂȘter M. Assange en vue de son extradition dĂšs qu'il posera le pied dehors[108]. L'ambassade Ă©quatorienne occupe seulement une partie de son immeuble, les escaliers, les ascenseurs et la porte d'entrĂ©e n'en font pas partie. La police londonienne affirme dĂ©penser 65 000 â‚Ź par jour pour surveiller le pĂątĂ© de maisons Ă  l'aide de deux camionnettes et 50 hommes, dont plusieurs Ă  l'intĂ©rieur du bĂątiment[109] - [96].

En , la police londonienne dĂ©clare qu'en presque deux ans passĂ©s Ă  l'ambassade, les coĂ»ts de surveillance policiĂšre se sont Ă©levĂ©s Ă  plus de 5,9 millions de livres[96] - [110] - [111] (plus de 7 millions d'euros). Ces charges sont le rĂ©sultat d'une garde ininterrompue effectuĂ©e par trois agents, coĂ»tant chacun 11 000 livres par jour (plus de 13 000 euros). Plusieurs dĂ©putĂ©s, dont Jenny Jones, se sont insurgĂ©s contre ces dĂ©penses[112].

Abandon des poursuites en SuĂšde

Le , les accusations d'agression sexuelle sont prescrites[113], mais Assange reste enfermĂ© dans l'ambassade d'Équateur oĂč il s'est rĂ©fugiĂ©, disant craindre une extradition vers les États-Unis[114] et toujours sous le coup du mandat d'arrĂȘt international lancĂ© par la SuĂšde, malgrĂ© l'avis du Groupe de travail sur la dĂ©tention arbitraire de l'Organisation des Nations unies (ONU) rendu le , aprĂšs un an et demi d’enquĂȘte, qui estime qu’il est victime d’une dĂ©tention arbitraire et demandant qu'il retrouve sa libertĂ© de mouvement[115] - [116]. Le , le tribunal suĂ©dois chargĂ© de l'affaire confirme le mandat d'arrĂȘt europĂ©en pour les faits prĂ©sumĂ©s de viol qu'il aurait commis[117]. Ses avocats annoncent dans la foulĂ©e faire un recours devant la Cour suprĂȘme[118].

Le , John Jones, avocat d'Assange au Royaume-Uni, meurt percuté par un train[119].

Les et , Assange fait sa premiÚre déposition auprÚs d'Ingrid Isgren, magistrate suédoise, dans les locaux de l'ambassade équatorienne[120] - [121]. Il y expose les accusations dont il fait l'objet, et le contexte politique et journalistique entourant la publication des cùbles diplomatiques américains[122].

Le parquet suĂ©dois annonce abandonner les poursuites pour viol contre Assange le [123] - [124] - [125] - [126]. L'affaire est classĂ©e sans suite, la procureur Eva-Marie Persson dĂ©clare « Tous les actes d'enquĂȘte ont Ă©tĂ© Ă©puisĂ©s [
] sans apporter les preuves requises pour une condamnation »[126]. Le , Anna Ardin publie Dans l'ombre d'Assange, un livre dans lequel elle explique les circonstances entourant sa liaison avec Assange et les raisons qui l'ont poussĂ©e Ă  porter plainte. Elle reproche aux soutiens d'Assange de l'avoir harcelĂ©e Ă  la suite de sa plainte[127].

Maintien du mandat d'arrĂȘt britannique

AprĂšs l'arrĂȘt de la procĂ©dure suĂ©doise en , subsiste le mandat d'arrĂȘt britannique[98].

En , les procureurs britanniques (le Crown Prosecution Service, CPS) admettent avoir détruit des e-mails clés dans l'affaire Assange, concernant notamment la correspondance entre le CPS et ses homologues suédois[128]. The Guardian révÚle qu'il apparait que l'avocat du CPS impliqué avait, de maniÚre inexpliquée, conseillé aux Suédois en 2010 ou 2011 de ne pas se rendre à Londres pour interroger Assange[128]. Une entrevue à ce moment-là aurait pu éviter l'impasse de longue date avec l'ambassade d'aprÚs le journal[128].

Le , l'Équateur dĂ©livre Ă  Assange la nationalitĂ© Ă©quatorienne[129] - [130] - [131], la cheffe de la diplomatie Ă©quatorienne MarĂ­a Fernanda Espinosa dĂ©clare avoir demandĂ© Ă  Londres d’accorder un statut diplomatique Ă  Assange, ce qui a Ă©tĂ© refusĂ© par le gouvernement britannique[131].

Le , la justice britannique refuse Ă  Assange la levĂ©e du mandat d'arrĂȘt Ă  son encontre[98] ; elle s'est prononcĂ©e Ă  nouveau sur le maintien de ce mandat d’arrĂȘt le et a dĂ©cidĂ© que son maintien n'allait « pas Ă  l’encontre de l’intĂ©rĂȘt public »[132].

Quelques jours plus tard, The Guardian révÚle que depuis 2013 la justice suédoise souhaitait clore l'affaire mais subissait des pressions britanniques[133].

Le , le nouveau gouvernement Ă©quatorien suspend les communications d'Assange avec l'extĂ©rieur[134]. Cette dĂ©cision sanctionne la « violation de son engagement, pris Ă  la fin de 2017, de ne pas Ă©mettre des messages comportant une ingĂ©rence dans les affaires d'autres États »[135]. Le , le prĂ©sident Ă©quatorien Lenin Moreno se rend Ă  Londres. Selon le journaliste Glenn Greenwald, cette visite pourrait donner lieu Ă  un accord entre le Royaume-Uni et l'Équateur aux termes duquel Assange serait expulsĂ© de l'ambassade et remis aux autoritĂ©s britanniques[136].

SurveillĂ© par Scotland Yard et espionnĂ© par les États-Unis

Durant son sĂ©jour Ă  l'ambassade, Assange est espionnĂ© en permanence par la CIA amĂ©ricaine. La sociĂ©tĂ© de sĂ©curitĂ© espagnole Undercover Global a installĂ© des micros dans les extincteurs de l'ambassade et dans les toilettes des femmes, oĂč les avocats d'Assange se rĂ©unissaient par crainte d'ĂȘtre espionnĂ©s, ainsi qu'un systĂšme permettant aux États-Unis de suivre tous les enregistrements en direct[137] - [138].

Dans le cadre de l’enquĂȘte menĂ©e en Espagne sur la plainte dĂ©posĂ©e contre Undercover Global par ses avocats, Assange est entendu le 20 dĂ©cembre 2019 par un juge espagnol comme victime prĂ©sumĂ©e d'espionnage. L’audience s’est faite par visioconfĂ©rence[139].

La police londonienne surveillera Assange en permanence pendant les 7 annĂ©es de son asile. En , au bout de deux ans au sein de l'ambassade, les coĂ»ts de surveillance policiĂšre s'Ă©lĂšvent Ă  plus de 10 millions de livres[96] - [110] - [111] (plus de 13 millions d'euros).

Fin de l’asile politique et dĂ©chĂ©ance de la nationalitĂ© Ă©quatorienne

Le secrĂ©taire d'État amĂ©ricain Mike Pompeo et le prĂ©sident Ă©quatorien LenĂ­n Moreno, 20 juillet 2019

En 2019, le prĂ©sident Moreno, aimerait se dĂ©barrasser de Assange qu’il dĂ©crit comme un « problĂšme hĂ©ritĂ© » de ses prĂ©dĂ©cesseurs, un pirate informatique et un « caillou dans la chaussure »[140] - [141].

Le , WikiLeaks publie l'affaire « INA Papers », elle accuse Moreno et sa famille d'ĂȘtre impliquĂ©s dans une affaire de corruption, qui leur aurait permis de s'enrichir via des comptes d'entreprises fictives basĂ©es au Panama. WikiLeaks nomme l’affaire « INA » en rĂ©fĂ©rence aux prĂ©noms des filles du prĂ©sident Irina, Cristina et Karina, qui ont inspirĂ© une de ses fausses entreprises : INA Investment. Ces rĂ©vĂ©lations ont fortement dĂ©plu Ă  Moreno, qui accuse l'opposition, et notamment son prĂ©dĂ©cesseur, Rafael Correa, de mener une campagne calomnieuse[142] - [143] - [144] - [145] - [146].

DĂ©but , WikiLeaks dĂ©clare qu'Assange est sur le point d’ĂȘtre expulsĂ© de l’ambassade. L'Équateur « rejette catĂ©goriquement les fausses nouvelles qui ont circulĂ© rĂ©cemment sur les rĂ©seaux sociaux, propagĂ©es en grande partie par une organisation liĂ©e Ă  M. Assange, Ă©voquant une rĂ©siliation imminente de l’asile diplomatique qui lui a Ă©tĂ© accordĂ© depuis 2012 »[147] - [148]. L’ancien prĂ©sident Correa dĂ©clare : « C'est une vengeance personnelle du prĂ©sident Lenin Moreno parce que WikiLeaks il y a quelques jours a publiĂ© un cas de corruption trĂšs grave »[146].

En , Moreno annonce le dĂ©choir de la nationalitĂ© Ă©quatorienne[149] — obtenue l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente sous la prĂ©sidence de Correa — et met fin Ă  son droit d'asile[150] - [142]. Il Ă©voque une dĂ©cision « souveraine aprĂšs les violations rĂ©pĂ©tĂ©es des conventions internationales et des protocoles de cohabitation » au sein de l'ambassade. Moreno dĂ©clare « J’ai demandĂ© Ă  la Grande-Bretagne la garantie que M. Assange ne serait pas extradĂ© vers un pays oĂč il pourrait ĂȘtre torturĂ© ou condamnĂ© Ă  mort. Le gouvernement britannique me l’a confirmĂ© par Ă©crit »[150].

Arrestation et réactions

Le , Assange est arrĂȘtĂ© dans l'enceinte de l'ambassade par la police londonienne[151] - [152]. Il y Ă©tait confinĂ© depuis 2 487 jours[153]. Visiblement affaibli, il est portĂ© par six policiers et embarquĂ© Ă  bord d’un fourgon de police[154]. Selon un communiquĂ© de la police britannique, c’est l’ambassadeur d’Équateur lui-mĂȘme qui a « invitĂ© » les policiers Ă  se rendre dans ses locaux[155].

En pleine tourmente du Brexit, la PremiĂšre ministre du Royaume-Uni, Theresa May, dĂ©clare devant les dĂ©putĂ©s que « personne n'est au-dessus des lois ». Le secrĂ©taire d'État des Affaires Ă©trangĂšres et du Commonwealth, Jeremy Hunt, ajoute que Assange « a fui la vĂ©ritĂ© pendant des annĂ©es et il est juste que son avenir soit dĂ©cidĂ© par le systĂšme judiciaire britannique »[156]. Du cĂŽtĂ© amĂ©ricain, Clinton se dĂ©clare satisfaite de l'arrestation d'Assange, estimant qu'il Ă©tait temps qu'il s'explique devant la justice[157].

Saisie de ses affaires personnelles sur demande des États-Unis

AprĂšs une tentative infructueuse de Kristinn Hrafnsson, rĂ©dacteur en chef de WikiLeaks, dĂ©sireux de rĂ©cupĂ©rer ses affaires personnelles Ă  l'ambassade d'Équateur Ă  Londres, le procureur gĂ©nĂ©ral de l'Équateur informe l'avocat de Assange que ses affaires personnelles, fichiers, ordinateurs, tĂ©lĂ©phones portables et autres appareils Ă©lectroniques laissĂ©s derriĂšre lui aprĂšs son arrestation sont saisis et seront envoyĂ©s aux États-Unis[158] - [159].

Condamnation pour violation de sa liberté provisoire

Assange est incarcéré dans la prison de haute sécurité de Belmarsh le , puis condamné le , à 50 semaines de prison pour violation des conditions de sa liberté provisoire au Royaume-Uni en 2012. Il plaide non-coupable[160].

Conditions de détention

Assange est soumis Ă  un isolement strict en principe rĂ©servĂ© aux terroristes internationaux, alors qu'il est journaliste en dĂ©tention provisoire[161]. Il est maintenu 23 heures par jour dans un isolement total et ne dispose que de 45 minutes par jour de promenade dans une cour revĂȘtue de bĂ©ton. WikiLeaks affirme que la dĂ©tention d'Assange ternit la rĂ©putation de dĂ©fenseur de la libertĂ© de la presse du Royaume-Uni[162]. Quand il quitte sa cellule, « tous les couloirs par lesquels il passe sont Ă©vacuĂ©s et toutes les portes des cellules sont fermĂ©es pour Ă©viter tout contact avec les autres dĂ©tenus »[163].

Le , Nils Melzer, rapporteur spĂ©cial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dĂ©gradants, lance une alerte, qui a donnĂ© lieu Ă  un CommuniquĂ© de presse du Bureau du haut commissaire[164], sur son Ă©tat de santĂ© en dĂ©clarant que l’« exposition continue [d’Assange] Ă  l’arbitraire et aux abus pourrait lui coĂ»ter bientĂŽt la vie »[165] - [166] - [167]. Nils Melzer, ainsi que deux experts mĂ©dicaux spĂ©cialisĂ©s dans l'examen des victimes de torture ont rendu visite Ă  Assange le , et indiquent Ă  son sujet : « En plus de maux physiques, M. Assange prĂ©sente tous les symptĂŽmes typiques d'une exposition prolongĂ©e Ă  la torture psychologique, une anxiĂ©tĂ© chronique et des traumatismes psychologiques intenses[168] - [169] ». En , son pĂšre, John Shipton, dĂ©clare : « Julian est Ă©maciĂ© et son Ă©tat de santĂ© laisse Ă  dĂ©sirer. Il souffre d’anxiĂ©tĂ©. Il est certes toujours dans un Ă©tat d’esprit combatif, mais sa santĂ© dĂ©cline rapidement[170]. »

Le , Assange faisait sa premiĂšre apparition publique depuis le mois de mai Ă  l’occasion d’une audience devant un tribunal londonien au cours de laquelle les photos Ă©taient interdites[171]. L’ex-diplomate britannique Craig Murray, militant des droits de l'homme, a assistĂ© Ă  cette audience et dĂ©clare : « Pour avoir assistĂ© en OuzbĂ©kistan aux procĂšs de plusieurs victimes de tortures extrĂȘmes et avoir travaillĂ© avec des survivants de Sierra Leone et d’ailleurs, je peux vous dire que [
] Julian prĂ©sente exactement les symptĂŽmes d’une victime de torture. » Il dĂ©crit un Assange le regard perdu, peinant Ă  articuler et Ă  comprendre ce que la prĂ©sidente du tribunal lui demandait[172] - [166]. Dans un communiquĂ© diffusĂ© le jour de son audience ce , la section britannique de l’organisation non gouvernementale (ONG) Amnesty International avait enjoint aux autoritĂ©s de « reconnaĂźtre le risque sĂ©rieux de violation des droits humains auquel Assange ferait face s’il Ă©tait envoyĂ© aux États-Unis » et les appelait Ă  « rejeter la demande d’extradition »[173] - [166]. En , Amnesty International lance une nouvelle campagne Ă  l’approche d'une audience consacrĂ©e Ă  la demande d’extradition de Assange par les États-Unis. L'ONG demande d'« abandonner les accusations visant Assange et mettre fin Ă  son extradition»[174] - [175].

Le , un groupe de 117 mĂ©decins de 18 pays publie une lettre ouverte dans la revue mĂ©dicale britannique The Lancet[176]. Ils accusent le gouvernement britannique de porter atteinte au droit fondamental de Assange d'accĂ©der aux soins mĂ©dicaux et appellent Ă  la fin des « tortures et privations de soins » qui pourraient entraĂźner sa mort. Ils estiment que « si Assange venait Ă  mourir dans une prison britannique, comme l’a averti le rapporteur spĂ©cial de l'ONU sur la torture Nils Melzer en novembre [2019], il aura effectivement Ă©tĂ© torturĂ© jusqu’à la mort »[177] - [178].

Le , lors d’une entrevue accordĂ©e Ă  la journaliste Nadja Vancauwenberghe, Nils Melzer dĂ©clare que « les accusations portĂ©es [contre Assange] aux États-Unis sont si manifestement arbitraires et en violation directe de la libertĂ© fondamentale d'opinion et d'expression que leur nature politique ne peut ĂȘtre ignorĂ©e. Donc, oui, Ă  mon avis, Julian Assange est un prisonnier politique. »[179]

ClĂŽture dĂ©finitive de l’affaire en SuĂšde

Le , la justice suĂ©doise rouvre l'enquĂȘte pour viol[180] - [181] - [182] - [183]. Le , le parquet suĂ©dois annonce classer sans suite l'enquĂȘte pour viol, faute d’avoir rĂ©uni les « preuves requises pour une condamnation »[184] - [185] - [186] - [187] - [188], quelques mois aprĂšs l'arrestation de Assange par les Britanniques.

L’affaire aura durĂ© 9 annĂ©es, des accusations de « dĂ©lit sexuel » en , Ă  leur prescription le , puis l’abandon des poursuites par le parquet suĂ©dois le [126]. Et enfin la rĂ©ouverture d’une enquĂȘte avant sa clĂŽture dĂ©finitive, faute de preuves, en 2019[189] - [184].

L’affaire en justice suĂ©doise se rĂ©vĂ©lera ĂȘtre instrumentalisĂ©e par le Royaume-Uni, pour maintenir Assange sous mandat d’arrĂȘt, et justifier son arrestation. The Guardian rĂ©vĂšle que depuis 2013 la justice suĂ©doise souhaitait clore l'affaire mais subissait des pressions britanniques[133].

Demande d’extradition et nouvelles inculpations pour « espionnage » aux États-Unis

En 2019, au Royaume-Uni, l’affaire divise. L’opposition travailliste a appelĂ© le gouvernement May Ă  s’opposer Ă  la demande amĂ©ricaine, soutenant que Assange a contribuĂ© « Ă  exposer des preuves d’atrocitĂ©s en Irak et en Afghanistan » attribuĂ©es Ă  l’armĂ©e amĂ©ricaine. Le gouvernement conservateur s’est de son cĂŽtĂ© attachĂ© Ă  prĂ©senter Assange en justiciable comme les autres. « Personne n’est au-dessus des lois », a ainsi dĂ©clarĂ© la premiĂšre ministre Theresa May, tandis que le secrĂ©taire d'État aux Affaires Ă©trangĂšres, Jeremy Hunt, a jugĂ© qu’il n’était « pas un hĂ©ros »[160].

Dans un premier temps, les États-Unis demandent l’extradition de Assange afin qu’il soit jugĂ© pour piratage informatique[190]. Il s'agit d'une inculpation liĂ©e Ă  l'aide qu'il aurait fournie Ă  Chelsea Manning pour lui Ă©viter d'ĂȘtre identifiĂ©e lorsqu'elle s'est introduite dans le systĂšme informatique de l'armĂ©e amĂ©ricaine[191].

Les journalistes pensaient que la justice amĂ©ricaine serait embarrassĂ©e pour aller plus loin en raison d'une part de la haute importance de la libertĂ© de la presse aux États-Unis et d'autre part de la complicitĂ© « objective » accordĂ©e Ă  Assange par des grands journaux dans la diffusion des informations qui ont mis en cause les États-Unis. Mediapart estime que « si Julian Assange Ă©tait poursuivi pour la publication de documents, cela ferait logiquement des mĂ©dias ayant collaborĂ© avec lui des complices, impliquant ainsi dans la procĂ©dure des journaux tels que The New York Times, The Guardian, Der Spiegel, Le Monde, LibĂ©ration, ou encore Mediapart »[192]. Le dĂ©partement de la Justice des États-Unis a cependant indiquĂ© qu'il se rĂ©servait le droit d'engager d'autres poursuites contre Assange[193].

Cour criminelle centrale de Old Bailey, Londres

Le , la justice amĂ©ricaine inculpe Assange pour espionnage avec 17 nouveaux chefs d'accusation, ce qui modifie la portĂ©e du procĂšs qui pourrait lui ĂȘtre intentĂ© aux États-Unis[194]. Assange risque ainsi 175 ans de prison.

Ouverture du procÚs au Royaume-Uni et réactions

L'audience d'extradition de Assange vers les États-Unis par la justice britannique commence le [195].

Des experts indĂ©pendants de l'ONU dĂ©clarent que son arrestation « l'exposait au risque de graves violations des droits humains s'il est extradĂ© aux États-Unis »[196] - [197]. Amnesty International demande au Royaume-Uni de refuser d'extrader ou de renvoyer aux États-Unis Assange, qui risque selon elle d'y ĂȘtre torturĂ© ou exĂ©cutĂ©[198].

En fĂ©vrier 2020, une pĂ©tition mondiale est lancĂ©e par Amnesty International pour rĂ©clamer l’abandon de ces accusations[199]. En France, Éric Dupond-Moretti, avocat français chargĂ© de la dĂ©fense d’Assange, annonce son intention de dĂ©poser officiellement une demande d’asile politique[200].

Le , le dĂ©partement de la Justice amĂ©ricain renforce ses accusations[201] : Assange aurait conspirĂ© avec des membres des groupes LulzSec et Anonymous et aurait obtenu « un accĂšs non autorisĂ© au systĂšme informatique gouvernemental d’un pays de l’OTAN »[201]. Selon les avocats d'Assange, il s'agit d'« une nouvelle tentative pathĂ©tique pour tromper le public »[201].

Le , 216 mĂ©decins de 33 pays publient une lettre dans la revue mĂ©dicale The Lancet[202] pour dĂ©noncer Ă  la fois une « escalade dans les tactiques de torture psychologique » et le refus de la justice britannique d’accorder une libĂ©ration conditionnelle[203].

Le procĂšs en extradition s'achĂšve le , Ă  l’issue de prĂšs de quatre semaines d’audiences Ă  la cour criminelle de l’Old Bailey, Ă  Londres[204]. La justice britannique annonce qu'elle rendra son verdict le concernant la demande d’extradition des États-Unis. La juge Vanessa Baraitser prĂ©cise que Assange restera emprisonnĂ© jusqu’à cette date[205] - [206].

Le , Reporters sans frontiĂšres (RSF) appelle Ă  la libĂ©ration immĂ©diate de Assange menacĂ© par l’épidĂ©mie de Covid-19 en prison et pilote Ă©galement une pĂ©tition en sa faveur[207].

Reporters Sans FrontiĂšres manifeste Ă  Londres en soutien Ă  Assange le 4 janvier 2021.

Fin , peu avant le verdict, la commissaire aux droits de l'homme de l'Allemagne, BĂ€rbel Kofler, rappelle aux autoritĂ©s britanniques qu’elles restent liĂ©es aux traitĂ©s europĂ©ens dont la Convention europĂ©enne des droits de l'Homme et qu'elles doivent prendre en considĂ©ration l'Ă©tat de santĂ© d'Assange[208].

Alors que la transition prĂ©sidentielle s'avance aux États-Unis, des voix s'Ă©lĂšvent pour demander une grĂące : Nils Melzer, le rapporteur des Nations Unis sur la torture (en), publie une lettre ouverte demandant Ă  Trump de gracier Assange[209]. L’ex-gouverneur de l'Alaska, Sarah Palin annonce qu’elle a, par le passĂ©, Ă  tort appuyĂ© les poursuites Ă  l’encontre d’Assange et demande Ă©galement sa grĂące[210]. Fin 2020, ce sont les prix Nobel Mairead Maguire, Adolfo PĂ©rez Esquivel, Rigoberta Menchu, Shirin Ebadi et Peter Handke qui demandent cette grĂące[211].

Rejet de la demande d’extradition et refus de remise en libertĂ©

Le , le tribunal britannique rejette la demande d'extradition des États-Unis[212] - [213] - [214] - [215] - [216], la juge arguant de raisons mĂ©dicales et de risques de suicide. Sa personnalitĂ©, en particulier la persĂ©vĂ©rance typique du spectre de l'autisme, constitue un facteur de risque Ă©galement mentionnĂ© dans les attendus du jugement[212] - [217]. Le dĂ©partement de la Justice des États-Unis annonce le jour mĂȘme son intention de faire appel[214]. Le , la justice britannique refuse la demande de remise en libertĂ© de Assange[218] faisant valoir qu'il dispose d’un important « rĂ©seau de soutiens », et qu’il risque de fuir le Royaume-Uni avant la « procĂ©dure de recours »[219] - [218]. La reprĂ©sentante de l'accusation Clair Dobbin souligne notamment l'offre d'asile politique faite par le Mexique le [219].

Appel des États-Unis

Les États-Unis dĂ©posent formellement la demande d'appel de la dĂ©cision britannique le [220]. Le nouveau gouvernement amĂ©ricain de Joe Biden, en place depuis le , confirme l’appel[221] - [222].

En , Sigurdur Thordarson (en) affirme avoir fait un faux témoignage dans l'acte d'accusation américain pour incriminer Assange. Les partisans de WikiLeaks, dont Edward Snowden, affirment alors que sa déclaration sape l'affaire pénale contre Assange. Pour le quotidien américain The Washington Post, ce faux témoignage ne remet pas en cause le fond, car « dans l'acte d'accusation, les affirmations de Thordarson ne sont pas utilisées comme base d'accusation mais comme toile de fond pour ce qu'Assange a dit à Chelsea Manning»[223].

Selon la Haute Cour, les États-Unis ont consenti Ă  transfĂ©rer Assange dans son pays natal, l'Australie, pour y purger une Ă©ventuelle peine de prison. Le gouvernement amĂ©ricain s'est Ă©galement engagĂ© Ă  ce qu'Assange ne soit pas maintenu en isolement total ou emprisonnĂ© dans un Ă©tablissement de sĂ©curitĂ© maximale[224] - [225] - [223].

Le procĂšs en appel s'ouvre le [226]. Le , la justice britannique annule la dĂ©cision de premiĂšre instance, et ouvre la voie Ă  l'extradition de Assange vers les États-Unis[227] - [228]. La Russie, Ă  travers la porte-parole du ministĂšre russe des Affaires Ă©trangĂšres, Maria Zakharova, conteste cette dĂ©cision d'annuler en appel le refus extradition[229], tandis que de nombreuses personnalitĂ©s politiques françaises ont dĂ©noncĂ© cette extradition vers les États-Unis au nom de la libertĂ© de la presse[230]. Plusieurs dizaines de dĂ©putĂ©s soutiennent une proposition d'offre d'asile politique dirigĂ©e par Jean-Luc MĂ©lenchon[231]. Sa fiancĂ©e Stella Moris rĂ©vĂšle un Ă©tat de santĂ© fragile, liĂ© Ă  un accident vasculaire cĂ©rĂ©bral[232].

Le , Assange fait appel de la dĂ©cision de la Haute Cour[233] - [234]. Le 20 avril 2022, la justice britannique autorise l'extradition vers les États-Unis ; le ministre de l’intĂ©rieur britannique, Priti Patel, doit approuver l’ordonnance d’extradition pour la confirmer dĂ©finitivement[235], celle-ci ayant Ă©tĂ© signĂ© le 17 juin 2022[236]. L'Australie dĂ©clare le 21 avril 2022 qu'elle ne contestera pas l'extradition de Julian Assange vers les Etats-Unis[237]. En juin, l’équipe de dĂ©fense du fondateur de WikiLeaks va faire appel de cette dĂ©cision auprĂšs de la Haute Cour de justice, puis en dĂ©cembre 2022 devant la Cour europĂ©enne des droits de l'homme [238] - [239] - [240]. Des chefs d'États et des mĂ©dias demandent par ailleurs l'arrĂȘt des poursuites au nom de la libertĂ© de la presse[240].

RĂ©actions

États-Unis : traque judiciaire

En , WikiLeaks publie des documents classifiĂ©s sur la guerre d’Irak et notamment la vidĂ©o Collateral murder.

Les autoritĂ©s des États-Unis commencent Ă  enquĂȘter sur WikiLeaks et Assange en vertu de la loi sur l'Espionnage de 1917[54], ce que confirme en le ministre de la Justice amĂ©ricain, Eric Holder. Un grand jury est constituĂ© Ă  Alexandria en Virginie[55] - [56].

L’analyste politique Bob Beckel dĂ©clare en sur Fox News qu'il faudrait Ă©liminer Assange en s'exclamant : « un homme mort ne peut plus divulguer quoi que ce soit. Ce type est un traĂźtre, et il a dĂ©sobĂ©i Ă  toutes les lois des États-Unis. Ce type devrait — je veux dire, je ne suis pas pour la peine de mort, il n’y a qu’une chose Ă  faire, tirer sur ce fils de pute illĂ©galement[241] ». La mĂȘme annĂ©e, Donald Trump, dĂ©clare souhaiter qu’il soit exĂ©cutĂ©. Christopher Matthews, ancien membre de la direction du Parti dĂ©mocrate et animateur-vedette de la chaĂźne MSNBC, estime que les services secrets amĂ©ricains devraient « agir Ă  l’israĂ©lienne et enlever Assange »[242].

Le , Manning, l'analyste militaire qui a fourni les documents à WikiLeaks, est condamnée à 35 ans de prison et reconnue coupable de vingt chefs d'accusation, dont « espionnage », « fraude et vol de documents diplomatiques et militaires confidentiels », mais acquittée pour le chef d'accusation d'« intelligence avec l'ennemi »[243]. Chelsea Manning est graciée aprÚs sept ans de détention par le président Obama, le [244].

En outre des enquĂȘtes sont lancĂ©es contre Assange par plusieurs agences gouvernementales[Note 5], notamment le FBI[245]. Des documents judiciaires publiĂ©s en montrent qu'Assange Ă©tait encore sous enquĂȘte « active et permanente » Ă  cette date[246].

Selon d'autres documents publiĂ©s en 2014 par Edward Snowden, le gouvernement des États-Unis a inscrit Assange sur sa liste des personnes les plus recherchĂ©es (2010 Manhunting Timeline)[247] et a demandĂ© Ă  ses alliĂ©s d'ouvrir des enquĂȘtes pĂ©nales contre lui[248]. Ces mĂȘmes documents incluent une proposition de la NSA de traiter WikiLeaks comme un « acteur Ă©tranger malveillant »[249].

En , le site de WikiLeaks rapporte que trois de ses membres ont reçu un avis de Google les informant que cette entreprise avait dĂ», en , remettre Ă  la justice fĂ©dĂ©rale leurs e-mails et mĂ©tadonnĂ©es[250], du fait d'un mandat Ă©mis pour espionnage, complot en vue de commettre de l'espionnage, vol ou soustraction de biens appartenant au gouvernement des États-Unis, violation du Computer Fraud and Abuse Act, et conspiration gĂ©nĂ©rale — chefs d'accusation pouvant valoir jusqu'Ă  45 ans de prison.

En , des réquisitions judiciaires confirment que les poursuites contre WikiLeaks restent en cours[251].

Le , Michael Ratner (en), avocat d'Assange Ă  New York, meurt d'un cancer[252] - [253].

Le , le sénateur conservateur John McCain, affirme que les talibans avaient assassiné des gens à la suite des révélations de Chelsea Manning et WikiLeaks. Le site de vérification des faits Politifact réfute l'affirmation du sénateur, et conclut que son affirmation était « en grande partie fausse » : « Dans les années qui ont suivi la publication par Wikileaks de milliers de documents fuités par Manning, le gouvernement n'a identifié publiquement aucun exemple de talibans ayant tué quelqu'un parce qu'il était nommé dans les fuites[254] - [255] ».

En , un fonctionnaire déclare à CNN que l'acte d'accusation formel contre Assange est en cours de rédaction[256].

Chelsea Manning est de nouveau emprisonnĂ©e le Ă  la suite de son refus de tĂ©moigner dans le dossier concernant WikiLeaks. Elle dĂ©clare Ă  cette occasion "Je prĂ©fĂšrerais littĂ©ralement mourir de faim que de changer d'avis"[257]. Elle est dĂ©tenue au Alexandria detention center aux États-Unis jusqu'Ă  sa libĂ©ration le 12 mars 2020 et doit payer 256 000 dollars d'amendes[258].

Les États-Unis dĂ©cident le d’inculper Assange pour « espionnage », il encourt 175 ans de prison[194] - [259]. Le Monde qualifie cette mesure de « sans prĂ©cĂ©dent dans l’histoire du journalisme aux Etats-Unis. »[194]. Il est inculpĂ© pour 17 nouveaux chefs d'accusations[194]. L'administration Trump reproche notamment Ă  Assange d’avoir explicitement rĂ©clamĂ©, sur le site WikiLeaks, certains documents secrets, d’avoir incitĂ© la militaire Chelsea Manning Ă  les lui fournir, de les avoir reçus en ayant pleinement conscience de leur confidentialitĂ©, et d'avoir mis en danger des sources amĂ©ricaines en publiant l'identitĂ© des sources diplomatiques et militaires[194]. L’administration Trump ne dispose d’aucun nouvel Ă©lĂ©ment justifiant cette procĂ©dure par rapport Ă  l'administration prĂ©cĂ©dente[194], l'administration Obama qui avait renoncĂ© a poursuivre Assange[260] - [194] - [261].

D'aprĂšs Le Monde, le ministĂšre tente de contourner le premier amendement en reniant le caractĂšre journalistique des travaux de Assange[194]. Des rĂ©dacteurs en chef de journaux tels que le Washington Post et le New York Times, ainsi que des organisations de la libertĂ© de la presse, ont critiquĂ© la dĂ©cision du gouvernement d'inculper Assange en vertu de la loi sur l'espionnage, la qualifiant d'attaque contre le premier amendement de la Constitution des États-Unis, qui garantit la libertĂ© de la presse[262] - [263].

Le lors de la premiĂšre audience d'extradition visant Assange, le reprĂ©sentant des États-Unis, James Lewis Ă  la cour de Woolwich (Woolwich Crown Court (en), sud-est de Londres) affirme que Assange aurait mis la vie de sources amĂ©ricaines en danger[264], il dĂ©clare Ă  propos d'Assange : « Il n'est pas inculpĂ© pour avoir dĂ©voilĂ© des informations embarrassantes ou gĂȘnantes que le gouvernement aurait prĂ©fĂ©rĂ© ne pas divulguer »[264] et ajoute « Les États-Unis ont connaissance de sources, dont les noms non expurgĂ©s et/ou d'autres informations permettant de les identifier Ă©taient contenus dans les documents classifiĂ©s publiĂ©s par WikiLeaks, qui ont ensuite disparu »[264]. Alors qu'au cours du procĂšs de Chelsea Manning en 2013, on apprend que « les fuites n'avaient pas provoquĂ© de morts par des forces ennemies »[265] et que « Les forces de contre-renseignement amĂ©ricaines qui ont travaillĂ© sur les consĂ©quences des rĂ©vĂ©lations de Wikileaks [...] ont dĂ©clarĂ© lors de l'audience de Bradley Manning [...] n'avoir trouvĂ© aucun cas d'individus tuĂ©s par des forces ennemies aprĂšs avoir Ă©tĂ© nommĂ©s dans les fuites » Ă©crit The Guardian[254] - [266].

Le , le dĂ©partement de la Justice amĂ©ricain renforce ses accusations[201], Assange aurait conspirĂ© avec des membres des groupes LulzSec et Anonymous et aurait obtenu « un accĂšs non autorisĂ© au systĂšme informatique gouvernemental d’un pays de l’OTAN »[201]. « Une nouvelle tentative pathĂ©tique pour tromper le public » selon ses avocats[201].

En , qualifiant le procĂšs pour extradition de « procĂšs du siĂšcle pour les mĂ©dias », l'organisation d’analyse critique des mĂ©dias FAIR (en) considĂšre que les mĂ©dias amĂ©ricains ont totalement manquĂ© de courage et de dĂ©ontologie journalistique pour mettre en Ă©vidence la collusion entre les pouvoirs amĂ©ricains et britanniques Ă  propos de la demande d'extradition[267]. Le journaliste note que le simple fait que les conversations confidentielles d'Assange avec ses avocats aient Ă©tĂ© violĂ©es par la CIA « aurait dĂ» suffire Ă  rejeter toute poursuite judiciaire contre Assange ». Pour le commentateur, le procĂšs lui-mĂȘme est une farce, puisque personne ne devrait pouvoir ĂȘtre poursuivi pour avoir aidĂ© un lanceur d'alerte Ă  dĂ©noncer des crimes de guerre.

Une enquĂȘte du Guardian et de Yahoo News publiĂ©e en septembre 2021 rĂ©vĂšle que la CIA a envisagĂ© en 2017 sous la direction de Mike Pompeo l'assassinat d'Assange Ă  l'ambassade Ă©quatorienne de Londres. La crainte de soulever une indignation internationale l'aurait poussĂ© Ă  y renoncer[268] - [269] - [270].

Royaume-Uni : 7 ans de surveillance, puis incarcération

À la suite du mandat d'arrĂȘt suĂ©dois de 2010, la justice britannique place Assange en libertĂ© surveillĂ©e, lui imposant le port d’un bracelet Ă©lectronique et le paiement d’une caution de 282 000 €[271]. En , la Cour suprĂȘme du Royaume-Uni, rejette son appel ainsi que sa demande de ne pas ĂȘtre extradĂ© vers la SuĂšde, considĂ©rant que le mandat d'arrĂȘt europĂ©en lancĂ© contre lui pour interrogatoire est valide[272].

Assange se rĂ©fugie alors dans l’ambassade d'Équateur Ă  Londres, les autoritĂ©s britanniques font tout pour le rĂ©cupĂ©rer, allant jusqu'Ă  menacer les autoritĂ©s Ă©quatoriennes de prendre l'ambassade d’assaut si elles ne leur restituaient pas Assange[94] - [101]. AprĂšs l'octroi par l’Équateur du droit d’asile Ă  ce dernier, le Royaume-Uni le place sous surveillance permanente par la police londonienne et engage des moyens importants (jusqu’à 13 millions d’euros), ce qui fut dĂ©noncĂ© par certains membres du parlement britannique. The Guardian rĂ©vĂšle que depuis 2013 la justice suĂ©doise souhaitait clore l'affaire mais subissait des pressions britanniques. Les autoritĂ©s britanniques maintiennent le mandat d’arrĂȘt, considĂ©rant qu’Assange avait violĂ© sa libertĂ© conditionnelle.

À la faveur de l'accession au pouvoir de LenĂ­n Moreno, les autoritĂ©s britanniques incitent l’Équateur Ă  dĂ©choir Assange de la nationalitĂ© Ă©quatorienne qui lui avait Ă©tĂ© accordĂ©e et Ă  mettre fin Ă  son droit d’asile. Elles l’arrĂȘtent manu militari le dans l’ambassade d’Équateur[273] puis l’incarcĂšrent dans la prison de haute sĂ©curitĂ© de Belmarsh, puis le condamnent le , Ă  50 semaines de prison pour violation des conditions de sa libertĂ© provisoire au Royaume-Uni en 2012. Il plaide non-coupable tandis que des observateurs dĂ©noncent des conditions de dĂ©tention inhumaines qu'il subit ainsi maintenu dans un isolement complet.

Le , la justice britannique entame la procĂ©dure d'examen de la demande d'extradition amĂ©ricaine. Elle statuera sur le bien-fondĂ© du transfert du fondateur de WikiLeaks aux États-Unis, oĂč il encourt jusqu’à 175 ans de prison pour espionnage.

Le , la juge Vanessa Baraitser dĂ©cide de reporter au 7 septembre la reprise de l’audience en extradition[274]. Assange est toujours dĂ©tenu dans la prison de haute sĂ©curitĂ© de Londres ; tout en sachant le coronavirus actif Ă  Belmarsh, la juge lui avait refusĂ© la libertĂ© provisoire mĂȘme aprĂšs les demandes de ses avocats Ă  cause de sa santĂ© dĂ©jĂ  fragile ; il est pĂšre de deux enfants, leur mĂšre, Stella Moris, avait en vain implorĂ© qu’il puisse les voir[275]. Le 10 octobre 2022 Julian Assange est d'ailleurs testĂ© positif au COVID-19[276].
AprĂšs le verdict du [218], elle peut saluer une « victoire », un « premier pas vers la justice » mais « les deux enfants qu’elle a eus avec lui sont privĂ©s de leur pĂšre » tant qu’il « reste dĂ©tenu alors qu’il n’a pas Ă©tĂ© condamnĂ© ».

SuÚde : neuf ans de procédures judiciaires infructueuses

En , Assange est accusĂ© de « dĂ©lit sexuel » en SuĂšde[64] par deux femmes qui font appel quand en 2010 les poursuites sont abandonnĂ©es[277]. AprĂšs prescription des faits le , les poursuites sont abandonnĂ©es par le parquet suĂ©dois le [126]. Puis l'enquĂȘte est rouverte en , cette fois-ci pour viol, mais le parquet suĂ©dois la clĂŽture dĂ©finitivement le 19 novembre 2019, faute de preuves[189] - [184].

Équateur : Octroi de l'asile politique et retrait par le nouveau gouvernement

Le , le ministre des Affaires Ă©trangĂšres de l'Équateur, Ricardo Patiño, annonce que l’Équateur accorde l'asile politique Ă  Assange[94] - [105] malgrĂ© des pressions insistantes du Royaume-Uni[94] - [106].

En 2019, afin de justifier le retrait du droit d'asile de Assange, le nouveau prĂ©sident Moreno — un pro-amĂ©ricain — [278], accuse Assange d'avoir tentĂ© de crĂ©er un « centre d'espionnage » dans l'ambassade[279]. Il reproche au prĂ©cĂ©dent gouvernement de son pays d'avoir « fourni des Ă©quipements dans l'ambassade qui ont permis d'interfĂ©rer dans les affaires d'autres États »[280].

Fin , le Tribunal de contentieux administratif de l’Équateur notifie formellement Assange de la nullitĂ© de sa naturalisation, Ă©voquant des irrĂ©gularitĂ©s et le prĂ©sident LenĂ­n Moreno parle d'« une conduite irrespectueuse et la violation de conventions internationales ». Assange est dĂ©chu de la nationalitĂ© Ă©quatorienne, qui lui avait Ă©tĂ© accordĂ©e en [281] - [282] - [283].

L’avocat d’Assange, Carlos Poveda, annonce faire appel[284], arguant que la lĂ©gislation internationale relative Ă  la naturalisation n’a pas Ă©tĂ© respectĂ©e, notamment parce que la dĂ©cision a Ă©tĂ© prise sans que Assange, souffrant Ă  cette date, puisse comparaĂźtre devant le tribunal[285]. « Plus que l’importance de la nationalitĂ©, il s’agit de respecter les droits et de suivre la procĂ©dure Ă©tablie pour retirer la nationalitĂ© »[286] conclut-il.

France : rĂ©actions et demandes d’asile politique

Le , alors qu'Assange se trouve dans l'ambassade d'Équateur Ă  Londres, il intervient en direct via Skype dans un meeting du Parti de gauche, sur son invitation et celle de Jean-Luc MĂ©lenchon qui dĂ©cident de lui offrir une tribune[287] - [288]. Assange profite de cette occasion pour dĂ©crire sa situation et expliquer les enjeux Ă  venir quant aux nĂ©gociations diplomatiques. Il se fait le porte-parole des mĂ©dias « libres et indĂ©pendants » et en profite pour remercier publiquement les gouvernements d'AmĂ©rique latine qui lui ont apportĂ© leur soutien. Le jeudi , Jean-Luc MĂ©lenchon rencontre Assange Ă  l'ambassade d'Équateur Ă  Londres, et demande publiquement Ă  la SuĂšde de renoncer Ă  le faire extrader vers les États-Unis[289].

En , Assange confie Ă  Antoine de Caunes, dans le Grand Journal, recevoir la visite et le soutien de personnalitĂ©s comme Lady Gaga, Oliver Stone, Eva Joly ou Jean-Luc MĂ©lenchon[290]. Le , Éric Cantona lui rend visite Ă  l'ambassade d'Équateur pour lui apporter son soutien[291].

En , Ă  la suite des rĂ©vĂ©lations de WikiLeaks sur l'espionnage de la France par les États-Unis[292], notamment de trois prĂ©sidents de la RĂ©publique, de ministres, de hauts fonctionnaires, de parlementaires et de diplomates qui ont Ă©tĂ© surveillĂ©s tĂ©lĂ©phoniquement pendant prĂšs d’une dĂ©cennie par les services de renseignement amĂ©ricains, de nombreuses personnalitĂ©s s'indignent dans la classe politique française[293] - [294] - [295].

En 2015, une lettre de soutien signée par une trentaine d'artistes et intellectuels, dont Jacques Audiard, Eric Cantona, Matthieu Kassovitz, Edgar Morin, Costa-Gavras, Eva Joly, Thomas Piketty, Vincent Cassel, Ludivine Sagnier, Disiz, Romain Duris, Mouloud Achour, et Tahar Rahim, appelle à son asile politique[296] - [297] - [298].

En , Assange participe aux journées d'été des Verts via vidéo-conférence[299] - [300].

Le , Ă  la suite de dĂ©clarations de la ministre de la justice Christiane Taubira se disant favorable Ă  son accueil en France[301], Assange adresse une lettre au prĂ©sident de la RĂ©publique François Hollande, et Ă  travers lui une « lettre au peuple français » publiĂ©e dans Le Monde[302]. Il rĂ©vĂšle avoir crĂ©Ă© WikiLeaks Ă  Paris et ĂȘtre pĂšre d'un enfant français qui vit en France avec sa mĂšre. Il prĂ©cise que sa famille avait fait face Ă  des menaces de mort et Ă  du harcĂšlement Ă  cause de son activisme, les forçant Ă  changer d'identitĂ© et Ă  rĂ©duire les contacts avec lui. Il demande Ă  François Hollande de lui « offrir la protection nĂ©cessaire »[18] - [303]. La lettre est interprĂ©tĂ©e comme une demande d'asile par l'ÉlysĂ©e, qui la rejette 45 minutes aprĂšs sa publication par voie de communiquĂ©, invoquant « l'absence d'urgence » de la situation et l'existence d'un mandat d'arrĂȘt europĂ©en[304] - [305]. La dĂ©cision est largement critiquĂ©e par la sociĂ©tĂ© civile et la classe politique française, EELV parlant notamment de « dĂ©shonneur de la RĂ©publique[297] ». Assange rĂ©agira en dĂ©clarant avoir reçu un « coup de poignard dans le dos » de la part de François Hollande[306].

En , dans un entretien Ă  l’émission Questions politiques, Jean-Luc MĂ©lenchon dĂ©clare que s'il venait Ă  gagner l'Ă©lection prĂ©sidentielle française de 2017, il accorderait la nationalitĂ© française Ă  Assange ainsi qu'Ă  Edward Snowden et que la France les accueillerait[307].

En fĂ©vrier 2020, Éric Dupond-Moretti, alors avocat français chargĂ© de la dĂ©fense d’Assange, dĂ©pose une demande d’asile politique[200]. Il dĂ©clare Ă  cette occasion "175 ans de prison c'est long, surtout vers la fin"[308]. Le 4 fĂ©vrier 2021, le texte dĂ©fendu Ă  l'AssemblĂ©e Nationale par la dĂ©putĂ©e Jennifer de Temmerman ex-LREM devenu membre du groupe « LibertĂ©s et Territoires » est rejetĂ© par 17 voix pour et 31 contre[309] - [310].

Dans une conférence de presse du 17 juin 2022, Jean-Luc Mélenchon promet à nouveau de naturaliser Julian Assange s'il est élu Premier ministre[311].

Le 24 janvier 2023 est organisé "Assange Odysseia", un théùtre-forum au Théùtre national de Strasbourg pour revenir sur son parcours et les enjeux de WikiLeaks[312].

Suisse : d’une potentielle demande d'asile à l’Appel de Genùve

Le , Assange hĂ©site encore Ă  solliciter l’asile politique en Suisse quÂŽil a Ă©voquĂ© dans un entretien tĂ©lĂ©visĂ© accordĂ© Ă  la RTS le [313]. Trois jours aprĂšs, le compte en banque destinĂ© Ă  la collecte de fonds pour la dĂ©fense de Assange est consignĂ© chez PostFinance[314].

Le , Donald S. Beyer, ambassadeur des États-Unis Ă  Berne, met en garde le Conseil fĂ©dĂ©ral suisse contre les consĂ©quences qui pourraient dĂ©couler d'un octroi de l'asile politique Ă  Assange, tandis que le service de paiement en ligne basĂ© aux États-Unis, PayPal, annonce avoir bloquĂ© les transferts financiers au bĂ©nĂ©fice de WikiLeaks[315]. Le mĂȘme jour, le porte-parole de PostFinance fait part de la nĂ©cessitĂ© de procĂ©der Ă  des investigations complĂ©mentaires, pour vĂ©rifier l’authenticitĂ© de l'adresse lĂ©gale en Suisse communiquĂ©e par le souscripteur, en raison des doutes qui entoureraient sa lĂ©gitimitĂ©, voire son existence factuelle[316].

Le , PostFinance, la filiale bancaire de la Poste suisse, décide de clÎturer le compte bancaire de Assange, pour cause de renseignements erronés[317].

Neuf ans plus tard, le , le dĂ©bat est relancĂ© lorsque deux Ă©lus du canton de GenĂšve, le dĂ©putĂ© des Verts au Grand Conseil genevois Jean Rossiaud et le conseiller d'État genevois Mauro Poggia, se disent favorables Ă  la dĂ©livrance d'un visa humanitaire Ă  Assange. Selon Poggia, la dĂ©cision finale incombe Ă  la ConfĂ©dĂ©ration suisse[318].

Stella Moris[319], pour inaugurer sur la jetĂ©e, face au Jet d’eau, la sculpture Anything to Say?[320], en prĂ©sence de son auteur, Davide Dormino, est accompagnĂ©e par la maire de GenĂšve FrĂ©dĂ©rique Perler, le Rapporteur spĂ©cial de l’ONU sur la torture Nils Melzer, Denis Masmejan (RSF-Suisse), des personnalitĂ©s engagĂ©es dans la dĂ©fense des droits humains, ainsi que de nombreux citoyens signataires de l’« Appel de GenĂšve » du [321] - [322] qui adresse un certain nombre de demandes[323] relatives Ă  la libĂ©ration d'Assange.

Mexique

Le , jour du refus de la justice britannique Ă  la demande d’extradition d’Assange vers les États-Unis, le Mexique fait part de son intention d’accorder l'asile politique Ă  Assange[324] - [325]. Le prĂ©sident mexicain Andres Manuel Lopez Obrador dĂ©clare : « Je vais demander au ministre des Affaires Ă©trangĂšres de prendre les dispositions nĂ©cessaires afin de solliciter auprĂšs du gouvernement britannique la libĂ©ration de Assange pour que le Mexique lui offre l’asile politique »[324] - [325].

Soutiens déclarés à Assange pour défendre la liberté de la presse

Manifestation devant l’ambassade Ă©quatorienne Ă  Londres pour la libĂ©ration de Assange, le .

Plusieurs magistrats, personnalitĂ©s politiques et associations considĂšrent que l'arrestation du journaliste constitue une attaque Ă  la libertĂ© de la presse et au droit international[326]. Le prĂ©sident du groupe de la Gauche unitaire europĂ©enne/Gauche verte nordique, Tiny Kox, a ainsi demandĂ© Ă  la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatovic, si l'arrestation de Assange et une Ă©ventuelle extradition vers les États-Unis sont bien conformes aux critĂšres de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme, parce que dĂ©sormais, d'aprĂšs ce dĂ©putĂ© nĂ©erlandais, le journaliste arrĂȘtĂ© en Grande-Bretagne peut bĂ©nĂ©ficier de la protection de l'Article 10 de la Convention europĂ©enne des droits de l'homme[327]. WikiLeaks a en effet Ă©tĂ© reconnu comme un mĂ©dia par un tribunal britannique[328].

Eva Joly, magistrate et dĂ©putĂ©e europĂ©enne, dĂ©clare que l'arrestation de Assange constituait une attaque contre la libertĂ© de la presse, le droit international et le droit d'asile[329]. De mĂȘme, la dĂ©putĂ©e allemande au Bundestag Sevim Dağdelen, spĂ©cialisĂ©e dans les questions de droit international et de droit de la presse, a qualifiĂ© l'arrestation de l'informateur d' « attaque contre le journalisme indĂ©pendant » et a dĂ©clarĂ© qu'il « est aujourd’hui gravement en danger »[330] - [331]. Dick Marty, ancien procureur gĂ©nĂ©ral du Tessin et rapporteur sur les prisons secrĂštes de la CIA pour le Conseil de l'Europe, juge que l'arrestation du lanceur d'alerte est « trĂšs choquante » parce qu'il « n'a fait que dire la vĂ©ritĂ© »[332]. Plusieurs juristes suisses de renom ont mĂȘme demandĂ© au Conseil fĂ©dĂ©ral d'accorder l'asile du fondateur de WikiLeaks parce qu'il est menacĂ© d'extradition vers les États-Unis, qui ont par le passĂ© « rĂ©duit au silence des lanceurs d'alertes »[333].

En , Jeremy Corbyn, chef du Parti travailliste britannique, dĂ©clare que « le gouvernement britannique devrait s'opposer Ă  l'extradition de Julian Assange vers les États-Unis pour avoir rĂ©vĂ©lĂ© des preuves d'atrocitĂ©s commises en Irak et en Afghanistan »[334]. Ron Paul, reprĂ©sentant du Texas Ă  la Chambre des reprĂ©sentants et candidat Ă  l'Ă©lection prĂ©sidentielle de 1988, s'est Ă©galement prononcĂ© en faveur de Assange. En 2010, il a dĂ©clarĂ© que « dans une sociĂ©tĂ© libre, nous sommes censĂ©s connaĂźtre la vĂ©ritĂ©. Si dans notre sociĂ©tĂ© la vĂ©ritĂ© devient trahison, alors nous avons de sĂ©rieux problĂšmes. En ce moment mĂȘme, des personnes sont persĂ©cutĂ©es pour avoir rĂ©vĂ©lĂ© la vĂ©ritĂ©. » Il ajoute « C’est un mĂ©dia, non ? Je veux dire, pourquoi ne poursuivons-nous pas en justice le New York Times ou quiconque publierait cette information[335] ? »

Plusieurs associations s'inquiĂštent Ă©galement des risques encourus par le fondateur de WikiLeaks s'il venait Ă  ĂȘtre extradĂ© aux États-Unis. Christophe Deloire, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de Reporters sans frontiĂšres, a dĂ©clarĂ© que « viser Assange [
] serait une mesure strictement punitive et constituerait un dangereux prĂ©cĂ©dent pour les journalistes, leurs sources et les lanceurs d’alerte »[152]. Le Syndicat national des journalistes CGT « refuse que la diffusion de documents ou d’informations d’intĂ©rĂȘt public puisse ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un dĂ©lit. Ces documents et informations mettent le projecteur sur les pratiques inavouables d’États, d’entreprises ou d’autres institutions, qui n’ont bien entendu pas intĂ©rĂȘt Ă  leur divulgation ». Ce syndicat appelle la Grande-Bretagne « Ă  refuser l'extradition de Julian Assange vers les États-Unis et Ă  le remettre en libertĂ© »[336]. En 2020, 17 organisations europĂ©ennes saisissent, Ă  l'initiative de la Maison des lanceurs d'alerte, la commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatović, et lui demandent d’intervenir en faveur de la libĂ©ration immĂ©diate de Assange et de l’abandon des charges[337]. ParallĂšlement, le , une dizaine organisations françaises, dont certaines ont pris part Ă  cette saisine, demandent au gouvernement français de lui octroyer « l'asile constitutionnel »[338] - [339] : la Maison des lanceurs d'alerte, la Ligue des droits de l’Homme (LDH), la FĂ©dĂ©ration internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH), le Syndicat national des journalistes (SNJ), le SNJ-CGT, Reporters sans frontiĂšres (RSF), la FĂ©dĂ©ration internationale des journalistes (FIJ), la FĂ©dĂ©ration europĂ©enne des journalistes (FEJ), Solidaires et l’UGICT-CGT[340].

L’hebdomadaire L'Obs souligne le soutien apportĂ© au fondateur de WikiLeaks par le mouvement des Gilets jaunes, dont il est « devenu une icĂŽne »[341]. Fin octobre 2019, Maxime Nicolle et Juan Branco partent Ă  Londres en compagnie de 120 gilets jaunes dans deux cars spĂ©cialement affrĂ©tĂ©s pour apporter leur soutien au journaliste emprisonnĂ©[342] - [343] - [344]. Parmi les diverses initiatives exigeant la libĂ©ration de Julian Assange, l'abandon des poursuites judiciaires le visant et le respect de la libertĂ© de la presse, le projet Radio Free Assange Ă©met 24h sur 24 sur la radio expĂ©rimentale Π-Node[345].

En , un mouvement de soutien est organisĂ© par 120 journalistes qui lancent une pĂ©tition spĂ©cifiquement destinĂ©e Ă  la profession. Cet appel souligne Ă  nouveau le prĂ©cĂ©dent grave pour la libertĂ© de la presse que l'extradition d'Assange constituerait, et relaie une dĂ©claration du rapporteur spĂ©cial de l'ONU, Nils Melzer : « J’ai finalement compris que j’avais Ă©tĂ© aveuglĂ© par la propagande et qu’on avait systĂ©matiquement calomniĂ© Assange afin de dĂ©tourner l’attention du public des crimes qu’il avait rĂ©vĂ©lĂ©s. Une fois dĂ©shumanisĂ© par l’isolement, le dĂ©nigrement et la honte, exactement comme les sorciĂšres que l’on brĂ»lait sur le bĂ»cher. »[346] La pĂ©tition dĂ©passe les 1 000 signatures. Deux anciens prĂ©sidents de MĂ©decins sans frontiĂšres appellent Ă  sa libĂ©ration dans une tribune publiĂ©e dans Le Monde[347].

En , le Prix de la Paix de Stuttgart est décerné par l'ONG Die AnStifter à Assange non seulement en reconnaissance de sa contribution à la paix, à la justice et à la solidarité mais aussi « pour faire respecter le droit à la liberté inconditionnelle de l'information et de la presse »[348].

Selon Oliver Stone, rĂ©alisateur, scĂ©nariste et producteur, « Julian Assange est un Ă©diteur pour la vĂ©ritĂ©. Il a accompli un travail remarquable pour l'humanitĂ© malgrĂ© le traitement inhumain qui lui est infligĂ©. Cette affaire est cruciale pour la survie de notre droit de savoir et de notre libertĂ© essentielle pour lutter contre l'oppression des États-Unis et du Royaume-Uni — et maintenant contre la tyrannie ! »[349].

Activités médiatiques et politiques

Élection prĂ©sidentielle amĂ©ricaine de 2016

Assange, alors rĂ©fugiĂ© Ă  l'ambassade d'Équateur Ă  Londres pour Ă©chapper aux demandes d'extradition de la SuĂšde et des États-Unis, s'implique dans la campagne prĂ©sidentielle amĂ©ricaine de 2016, d'une part par des jugements sur Clinton, d'autre part par des documents que rĂ©vĂšle WikiLeaks.

Sur Clinton, Assange Ă©crit en sur WikiLeaks : « J'ai des annĂ©es d'expĂ©rience dans le suivi d'Hillary Clinton et j'ai lu des milliers de ses courriels. Hillary manque de jugement et poussera les États-Unis dans des guerres stupides et sans fin, qui propageront le terrorisme[350]. » Cependant il ne soutient pas son adversaire, disant qu'entre elle et lui, « c'est comme choisir entre le cholĂ©ra et la gonorrhĂ©e »[351] - [352] - [353].

Quant aux documents, WikiLeaks rend public le , durant les primaires prĂ©sidentielles du Parti dĂ©mocrate, le contenu des courriels envoyĂ©s et reçus sur le serveur personnel de Clinton lorsqu'elle Ă©tait secrĂ©taire d'État, documents qui avaient Ă©tĂ© rendus publics Ă  la suite d'une demande fondĂ©e sur le Freedom of Information Act[354]. Puis le , WikiLeaks publie des courriels et des documents du ComitĂ© national dĂ©mocrate qui rĂ©vĂ©laient des biais contre le candidat Bernie Sanders et ont conduit Ă  la dĂ©mission de la prĂ©sidente du parti Debbie Wasserman Schultz[355] - [356].

Le , au micro de Fox News, Assange accuse Clinton d'ĂȘtre Ă  l'origine d'une hystĂ©rie antirusse aprĂšs l'affirmation par le Parti dĂ©mocrate et des experts en cybersĂ©curitĂ© que les fuites de WikiLeaks provenaient des services secrets russes[357], affirmation qu'il dĂ©ment absolument[358] - [359] - [360].

Le , sur WikiLeaks, Assange publie un communiquĂ© de presse accompagnant plus de 2 000 courriels de John Podesta, le directeur de la campagne dĂ©mocrate soutenant Clinton. Ces courriels datant de 2007 Ă  2016 rĂ©vĂšlent des extraits d'une confĂ©rence de Clinton en 2013[361], confĂ©rence payĂ©e par Goldman Sachs oĂč elle affirmait sa relation privilĂ©giĂ©e avec Wall Street, ce qui la mettait en difficultĂ© vis-Ă -vis de son Ă©lectorat populaire[362]. Cette publication avait Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ©e trois jours plus tĂŽt d'une vidĂ©o confĂ©rence tĂ©lĂ©visĂ©e cĂ©lĂ©brant Ă  Berlin le dixiĂšme anniversaire de WikiLeaks, oĂč depuis Londres Assange annonçait que ces informations contre Clinton, qu'il appelait « The October Surprise », couleraient sa candidature[363].

Le , aprÚs la publication des discours de Clinton à Goldman Sachs, le gouvernement équatorien bloque l'accÚs internet de Assange que lui fournissait l'ambassade pour qu'il n'interfÚre plus dans l'élection présidentielle américaine du 8 novembre, tout en réaffirmant l'asile politique qui lui est accordé[364].

La communication de WikiLeaks amĂšne certains commentateurs politiques Ă  considĂ©rer que l'organisation fait « ouvertement campagne pour le candidat rĂ©publicain »[365] - [366]. À la veille de l'Ă©lection prĂ©sidentielle, Assange publie un communiquĂ© rĂ©futant l'accusation de parti pris en affirmant ne pas avoir « reçu d'information critique sur Donald Trump »[367].

Le , le ComitĂ© du sĂ©nat amĂ©ricain pour le renseignement adresse une lettre Ă  Assange pour l'inviter Ă  apporter son tĂ©moignage « en temps et lieu convenant aux deux parties » Ă  l'enquĂȘte sur les accusations d'ingĂ©rences russes dans l'Ă©lection prĂ©sidentielle amĂ©ricaine de 2016[368]. L'administration amĂ©ricaine soupçonne un faux-nez de GRU (service de renseignement de Russie) d’ĂȘtre Ă  l'origine du piratage des emails, ce que Assange dĂ©ment Ă  nouveau[369].

Puis sont rĂ©vĂ©lĂ©s de courts Ă©changes via Twitter entre Assange et le fils de Donald Trump, Donald Trump, Jr.[370] - [371], tandis que The Guardian en prĂ©tend que Manafort (directeur de la campagne Ă©lectorale de Trump) et Assange se seraient rencontrĂ©s plusieurs fois Ă  l'ambassade de l'Équateur Ă  Londres[372] : ce que Manafort, Assange et le consul de l'Équateur rĂ©futent, aucune trace de son passage n'apparaissant ni dans les registres de l'ambassade, ni dans les images d'entrĂ©es et sorties de ce lieu des plus surveillĂ©s et filmĂ©s de la planĂšte[373].

Le 14 fĂ©vrier 2018 le journal The Intercept publie des messages de Assange qui proviendraient de conversations privĂ©es sur Twitter d’un groupe travaillant pour WikiLeaks[374]. Ces messages proviennent d’un bĂ©nĂ©vole anonyme de WikiLeaks. Concernant l'Ă©lection prĂ©sidentielle, Assange critique Clinton, et ses messages contiennent des idĂ©es sexistes, racistes et antisĂ©mites[375] - [376].

En l'avocate d'Assange déclare que Donald Trump aurait proposé à Assange en 2017 de lui accorder le pardon à la condition qu'il nie toute implication russe dans le piratage des courriels du Parti démocrate en 2016[377] ; ce que la Maison-Blanche dément[378] - [379].

Selon le New York Times, l'offre par WikiLeaks d'une rĂ©compense de 20 000 $ pour des informations sur la mort de Seth Conrad Rich (en), le membre du personnel du DNC tuĂ© par balles dans le dos le , aurait alimentĂ© une thĂ©orie du complot autour de sa mort[380] - [381] - [382], quoique WikiLeaks eĂ»t dĂ©menti que cette offre de rĂ©compense signifiĂąt qu'elle pensait que Rich fĂ»t Ă  l'origine de la fuite des courriers Ă©lectroniques. Cette thĂ©orie soutenue par des RĂ©publicains lors de la campagne pour la prĂ©sidentielle, notamment par Newt Gingrich, suggĂ©rait que quatre personnes mortes dans des conditions suspectes, dont Seth Rich, avaient Ă©tĂ© assassinĂ©es pour dissuader la parole de quiconque possĂ©derait des informations susceptibles de faire Ă©chouer la campagne de Clinton ; ce qui, selon le site Snopes, ne serait pas vraisemblable[381] - [383] - [384] - [385] - [386].

Autres activités

Dans une interview de , Assange se déclare en faveur de la transparence de l'information et du libéralisme économique. Il se montre sceptique quant à la régulation qu'il perçoit comme un risque pour la liberté, mais l'estime néanmoins nécessaire pour combattre la corruption et la tendance qu'auraient selon lui les marchés à tendre vers des situations de monopole[387].

Assange aux New Media Days 09 Ă  Copenhague.

En mars 2012, il décide de se présenter aux élections sénatoriales de 2013 en Australie[388].

En , Assange lance la diffusion hebdomadaire de douze Ă©missions intitulĂ©es « The World Tomorrow » sur le rĂ©seau cĂąblĂ© financĂ© par l'État russe RT Network, Ă©missions prĂ©sentant des entretiens avec des « acteurs, penseurs et rĂ©volutionnaires politiques »[389].

Le , Assange s’exprime devant l’ONU, depuis l’ambassade d'Équateur Ă  Londres oĂč il est rĂ©fugiĂ© depuis 3 mois. Il dĂ©nonce notamment la chasse aux sorciĂšres dont WikiLeaks et lui-mĂȘme sont victimes, ainsi que les traitements que Chelsea Manning subit en dĂ©tention[390].

En 2013, Assange aide Edward Snowden Ă  fuir les persĂ©cutions des États-Unis pour se rĂ©fugier en Russie[391] - [392] - [393].

En , il se prononce en faveur du Brexit[394].

En , Ă  l'occasion du quatriĂšme anniversaire de la mort d'Hugo ChĂĄvez, il fait l'Ă©loge de la lutte de l'ancien prĂ©sident vĂ©nĂ©zuĂ©lien contre l'impĂ©rialisme, contre toutes les formes d’oppression et pour la dĂ©mocratisation de l'information[395].

En , Ă  l'issue de l'Ă©lection d'Emmanuel Macron, le comitĂ© de soutien officiel de Assange demande sur son compte Twitter si la dĂ©faite de Marine Le Pen est due au sexisme. MalgrĂ© des rĂ©ponses et rĂ©actions sans Ă©quivoque sur Twitter, cette interrogation se transforme en sous-entendu plus marquĂ© lors d'un second tweet, faisant au passage le parallĂšle avec l'Ă©lection amĂ©ricaine oĂč, selon lui, la dĂ©faite de Clinton serait Ă©galement due Ă  une rĂ©surgence du patriarcat[396].

Conséquences

Conséquences pour les médias

L'afflux de donnĂ©es, jugĂ© parfois « exponentiel », permis par les fuites massives comme les tĂ©lĂ©grammes diplomatiques de l’administration amĂ©ricaine rĂ©vĂ©lĂ©s par WikiLeaks entre 2010 et 2011, a suscitĂ© une nouvelle donne numĂ©rique pour le journalisme d'investigation. Les mĂ©dias ont rĂ©agi de diffĂ©rentes maniĂšres : certains des journalistes opĂ©rant dans cette spĂ©cialisation « coopĂšrent aux quatre coins du monde, dĂ©veloppent de nouvelles stratĂ©gies et s’appuient sur des outils informatiques puissants » afin d'exploiter et traiter les donnĂ©es fournies par un lanceur d’alerte ou un autre[397]. Les poursuites contre Julien Assange sont restĂ©es une forme de menace pour le journalisme d'investigation et sa nouvelle maniĂšre d'enquĂȘter, selon Jameel Jaffer, expert de la libertĂ© de la presse Ă  l'universitĂ© Columbia de New York[398].

La presse américaine, depuis l'affaire Assange, « cherche réguliÚrement à avoir accÚs à des informations classifiées grùce à des sources confidentielles », selon Cindy Cohn, de l'Electronic Frontier Foundation[398]. D'aprÚs cette experte, la recherche, l'analyse et la publication de documents gouvernementaux obtenus par des fuites telles que celles de Wikileaks[398], notamment ceux qui révÚlent des abus du gouvernement, de ses services ou des scandales politiques, a étendu le champ du journalisme d'investigation, qui selon son analyse « joue un rÎle vital pour obliger le gouvernement américain à rendre des comptes »[398].

Prix et distinctions

Assange fait son entrée en 2010 dans le palmarÚs des 68 personnes les plus influentes du monde du magazine Forbes[399]. Il est élu personnalité de l'année 2010 par les lecteurs du site du magazine Time[400], ainsi que par la rédaction du journal Le Monde[401].

Il reçoit de nombreux prix[402] dont :

Publications

Livres

  • (en) Suelette Dreyfus, Underground : Tales of Hacking, Madness and Obsession on the Electronic Frontier, Lausanne, Reed Books Australia, , 321 p. (ISBN 978-2-88453-168-9) — Julien Assange est indiquĂ© comme « chercheur » par le principal auteur.
  • (en) Julian Assange, Jacob Appelbaum, Andy Muller-Maguhn et JĂ©rĂ©mie Zimmermann, Cypherpunks : Freedom and the Future of the Internet, OR Books, , 186 p. (ISBN 978-1-939293-00-8).
  • Menace sur nos libertĂ©s : Comment Internet nous espionne. Comment rĂ©sister, Robert Laffont, , 245 p. (ISBN 978-2-221-13522-8 et 2-221-13522-9) — avec Jacob Appelbaum, Andy MĂŒller-Maguhn et JĂ©rĂ©mie Zimmermann.
  • Google contre WikiLeaks – L'histoire secrĂšte de ma confrontation avec le prĂ©sident de Google, Ring, 2018.

Essais

  • (en) State and Terrorist Conspiracies (2006)
  • (en) Conspiracy as Governance (2006)
  • (en) The Hidden Curse of Thomas Paine (2008)

Vidéos

  • World Tomorrow (en), est une Ă©mission tĂ©lĂ©visĂ©e de 2012, de 12 Ă©pisodes de 26 minutes d'entrevues politiques animĂ©es par Assange.
  • Mediastan (en), documentaire suĂ©dois de 2013 produit par Assange pour concurrencer le film Le CinquiĂšme Pouvoir (en anglais : The Fifth Estate), qu'Assange dĂ©crit comme une attaque de propagande contre l’organisation WikiLeaks.

Bibliographie

Textes

Documentaires

  • The War You Don't See (en), documentaire britannique de 2010 Ă©crit, produit et rĂ©alisĂ© par John Pilger avec Alan Lowery, qui met en cause les mĂ©dias pour le rĂŽle qu'ils ont jouĂ© dans les conflits en Irak, en Afghanistan et en IsraĂ«l / Palestine. Il a Ă©tĂ© diffusĂ© au Royaume-Uni et en Australie[422].
  • Underground : L'Histoire de Assange, tĂ©lĂ©film biographique australien de 2012.
  • We Steal Secrets: The Story of WikiLeaks, documentaire d'Alex Gibney (rĂ©al.), 2014.
  • Risk, documentaire sorti en 2016 rĂ©alisĂ© par Laura Poitras ayant pour objet Julien Assange[423].
  • Architects of Denial, 2017[424].
  • The New Radical (en), documentaire amĂ©ricain de 2017, contient une interview d’Assange Ă  l’ambassade d’Équateur de Londres[425].
  • Assange, le prix de la vĂ©ritĂ©, documentaire français de 2021, rĂ©alisĂ© par Nicolas Vescovacci[426] - [427]
  • Hacking Justice - Assange, corĂ©alisĂ© par Clara LĂłpez Rubio et Juan Pancorbo, sorti en salles le 17 novembre 2021 en France[428]

Fiction

Notes et références

Notes

(en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Julian Assange » (voir la liste des auteurs).
  1. En anglais : « Anne Hamilton-Byrne’s cult ».
  2. Ces documents, sur la guerre d’Irak, ont effectivement Ă©tĂ© publiĂ©s par WikiLeaks, quelques jours plus tard, en date du .
  3. Julian Assange refuse drastiquement d'en parler. Il a mĂȘme interrompu une interview de CNN, en pleine sĂ©ance d'enregistrement, alors que la journaliste, Atika Shubert (en), commençait Ă  se faire de plus en plus insistante sur le sujet, ignorant ainsi dĂ©libĂ©rĂ©ment les avertissements et refus prĂ©alables clairement exprimĂ©s par l'interviewĂ©, quant Ă  l'Ă©vocation de quoi que ce soit qui fĂ»t liĂ©, de prĂšs ou de loin, Ă  cette affaire.
  4. Dans sa lettre au prĂ©sident français, il le dĂ©crit ainsi en juillet 2015 : « J'y dispose de cinq mĂštres carrĂ©s et demi pour mes usages privatifs. L'accĂšs Ă  l'air libre, au soleil, m'a Ă©tĂ© interdit par les autoritĂ©s du Royaume-Uni ; ainsi que toute possibilitĂ© de me rendre Ă  un hĂŽpital ; je n'ai pu utiliser le balcon du rez-de-chaussĂ©e de l'appartement que trois fois depuis mon refuge, Ă  mes risques et pĂ©rils, et n'ai jamais Ă©tĂ© autorisĂ© Ă  sortir pour faire de l'exercice
 [M]on intĂ©gritĂ©, physique comme psychologique, est, chaque jour qui passe, un peu plus menacĂ©e. »
  5. Dans sa lettre au prĂ©sident français, Assange dit : « Une douzaine d’agences amĂ©ricaines y participent officiellement, incluant le Pentagone, la Defence Intelligence Agency, la CIA, le FBI, l’Agence nationale de sĂ©curitĂ© amĂ©ricaine (NSA), le ministĂšre de la Justice et le dĂ©partement d’État. D’autres le font de façon plus secrĂšte, comme cela a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ© rĂ©cemment Ă  la suite d'une enquĂȘte parlementaire en Islande. »

Références

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