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VĂ©rification des faits

La vĂ©rification des faits[1] - [2] est une technique consistant d'une part Ă  vĂ©rifier la vĂ©racitĂ© des faits et l'exactitude des chiffres prĂ©sentĂ©s dans les mĂ©dias par des personnes publiques, notamment des personnalitĂ©s politiques et des experts, et, d'autre part, Ă  Ă©valuer le niveau d'objectivitĂ© des mĂ©dias eux-mĂȘmes dans leur traitement de l'information. Cette notion est apparue aux États-Unis dans les annĂ©es 1990 sous l'appellation de fact-checking (terme utilisĂ© Ă©galement dans les pays francophones).

Un atelier de rédaction dans une école de journalisme à São Paulo, Brésil, en 2016.

Mise en pratique par des journalistes dans le cadre de leur profession, la mĂ©thode s'est dĂ©mocratisĂ©e grĂące Ă  des logiciels aidant les particuliers Ă  vĂ©rifier les faits[3]. Elle s'est mĂȘme automatisĂ©e avec l'apparition en 2013 de robots conçus pour la pratiquer sans intervention humaine[4] - [5] - [6]. Depuis 2016, les rĂ©seaux sociaux, Facebook, Twitter, etc., recourent Ă  la vĂ©rification des faits puisque la majoritĂ© des informations mensongĂšres (dĂ©nommĂ©es aussi infox ou fake news), des trollages et des canulars sont diffusĂ©s par leurs biais[7] - [8].

Cependant, au fil des annĂ©es 2010, l'efficacitĂ© de la vĂ©rification de faits est progressivement remise en cause au point qu'en 2016 un grand nombre de commentateurs estiment qu'elle ne permet pas de contrecarrer les effets des contre-vĂ©ritĂ©s Ă©noncĂ©es par les personnalitĂ©s politiques, mĂȘme les plus Ă©videntes[9], et que l'on est entrĂ© dans « l'Ăšre post-vĂ©ritĂ© ».

Objectifs

Considérée comme l'une des deux rÚgles principales de la déontologie du journalisme (l'autre étant la protection des sources d'information), la vérification des faits, qui s'applique sur les contenus journalistiques avant publication, est consubstantielle au métier de journaliste, donc ancienne[10].

Avec l'essor d'Internet, des quantités inégalées d'informations circulent à travers le monde. Inévitablement, se pose la nécessité de vérifier dans quelle mesure elles sont conformes aux faits auxquels elles se réfÚrent, et qu'elles ne sont pas diffusées à des fins de propagande.

Mais, au début du XXIe siÚcle, en raison d'une part du développement croissant des chaßnes d'information en continu, d'autre part de la prolifération des informations diffusées sur internet (blogs et réseaux sociaux) par des non-professionnels (donc non soumis à la déontologie), l'application de cette rÚgle est de plus en plus ressentie comme devant s'appliquer potentiellement à l'ensemble des propos tenus dans la sphÚre médiatique[10] - [11].

Deux champs sont visés, distincts mais complémentaires :

Dans les deux cas, sont répertoriés :

  • les imprĂ©cisions, inexactitudes et omissions (involontaires) ;
  • les dĂ©formations de l'information (volontaires ou non) ;
  • les informations vraies, mais prĂ©sentĂ©es hors de leur contexte (volontaires ou non) ;
  • les reprises d'informations fausses (volontaires ou non; on parle alors de dĂ©sinformation) ;
  • le mensonge (volontaire).

La vérification des faits nécessite des connaissances générales et la capacité d'effectuer des recherches rapides et précises; notamment, depuis l'affaire Fillon en 2017, dans le domaine légal[14].

Mais alors qu'à l'origine, ses praticiens étaient uniquement des journalistes intervenant dans le cadre de leurs investigations, « aujourd'hui, n'importe qui peut retrouver des infos ou des vidéos en ligne, pointer des mensonges, des contradictions, des raccourcis »[15].

Historique

Dans les annĂ©es 1920, la presse amĂ©ricaine engage ses premiers fact-checkers, chargĂ©s de vĂ©rifier l'exactitude des faits, des chiffres, des dates, des noms avant publication des articles. Cette tĂąche ressemble Ă  celle effectuĂ©e par les secrĂ©taires de rĂ©daction en France, mais avec beaucoup plus de minutie et d'exhaustivitĂ©. Dans le fact-checking Ă  l'amĂ©ricaine, le fact-checker vĂ©rifie les citations dans l'article en recontactant les sources, et peut mĂȘme contacter des sources supplĂ©mentaires. Selon le journaliste canadien Craig Silverman (en), « les fact-checkers sont lĂ  pour crĂ©dibiliser l’auteur et le magazine et pour les protĂ©ger de situations embarrassantes ou d’action en justice. Pour ce faire, ils ne doivent rien prendre pour argent comptant [
]. Beaucoup commencent une vĂ©rification en supposant que tout, dans l’article, est faux ». À la fin des annĂ©es 1990, ce type de fact-checking n'existe pratiquement plus, la crise Ă©conomique ayant touchĂ© les mĂ©dias et conduit Ă  rĂ©duire les effectifs[10].

À partir de 1988, l'exercice de la critique des mĂ©dias se dĂ©veloppe aux États-Unis avec la publication du livre d'Edward Herman et Noam Chomsky La Fabrication du consentement. Les auteurs entendent dĂ©montrer comment les principaux mĂ©dias interprĂštent les faits non pas de façon neutre et objective, comme le leur oblige la dĂ©ontologie, mais de maniĂšre tendancieuse, portĂ©s par le souci de vĂ©hiculer l'idĂ©ologie libĂ©rale (impulsĂ©e alors par le prĂ©sident amĂ©ricain Ronald Reagan et le Premier ministre britannique Margaret Thatcher) et du fait de la collusion entre les grands magnats de la presse et les hommes politiques.

Le fact-checking proprement dit Ă©merge dans les annĂ©es qui suivent, consĂ©cutivement au dĂ©veloppement des technologies de l'information et de la communication, de la tĂ©lĂ©phonie portable, des rĂ©seaux sociaux (Twitter, Facebook, etc.), d'Internet et de ses puissants moteurs de recherche[16]. Trois facteurs ont contribuĂ© Ă  son dĂ©veloppement, dans la presse d'abord, puis chez les particuliers : l'apparition des sites d’information en ligne, la consultation de plus en plus facile des bases de donnĂ©es et l'Ă©closion du travail collaboratif.

Ses origines en tant que discipline journalistique sont diverses. Aux États-Unis, elles puisent en 1994, dans l'expĂ©rience The Annenberg Political Fact Check (ou Annenberg Public Policy Center (en)) lancĂ©e au sein de l'universitĂ© de Pennsylvanie par le milliardaire et philanthrope Walter Annenberg, visant Ă  accorder des bourses d'Ă©tudes dans le domaine des sciences politiques. En France, le journaliste Daniel Schneidermann crĂ©e, en 1995, l'Ă©mission ArrĂȘts sur image sur La CinquiĂšme et, l'annĂ©e suivante, naĂźt l'association Acrimed, qui se prĂ©sente comme « l'observatoire des mĂ©dias ».

Le fact-checking se développe avec la création des sites web Factcheck, en 2003, et Politifact, en 2007, qui se présentent comme « non partisans et à buts non lucratifs, au service des électeurs et des consommateurs qui souhaitent mettre fin à la confusion qui rÚgne dans la politique américaine ». Ces sites s'attachent à analyser la faisabilité des promesses faites par les personnalités politiques en vérifiant en particulier si les données chiffrées qu'ils avancent sont justes et si ce qu'ils disent est en conformité avec ce qu'ils ont avancé par le passé[17].

La technique se concrĂ©tise auprĂšs du grand public par l'attribution de notes ou de mentions. Avec le Truth-O-Meter, par exemple, Politifact attribue les mentions « vrai », « Ă  moitiĂ© vrai » ou « faux ». Et avec l’Obameter, crĂ©Ă© l'annĂ©e suivante, le site s'assigne la mission d'analyser que les engagements de campagne du prĂ©sident nouvellement Ă©lu, Barack Obama, sont rĂ©alisables. Le site est rĂ©compensĂ© en 2009 par le prix Pulitzer, la plus haute rĂ©compense journalistique aux États-Unis[18].

Ari Melber, correspondant du magazine The Nation, dĂ©clare en 2012 : « Nous sommes tous des "vĂ©rificateurs" (fact-checkers) Ă  prĂ©sent »[19]. On assiste mĂȘme Ă  la mise au point et aux essais de robots vĂ©rificateurs de faits[20].

En France, le développement de la vérification des faits est lent jusque dans les années 2010[21]. Ce n'est qu'à partir de 2011 qu'il entre pleinement dans la pratique journalistique[22], à l'occasion de la campagne de l'élection présidentielle[23] - [24].

Une technique mise en question

Au dĂ©but des annĂ©es 2010, le principe de vĂ©rification des faits est mis en question. À premiĂšre vue, en effet, le procĂ©dĂ© naĂźt d'une prĂ©occupation d'ordre Ă©thique. Mais plusieurs commentateurs, y compris des journalistes, reconnaissent que sa pratique tire son origine d'un facteur totalement diffĂ©rent : « les raisons (de son dĂ©veloppement) sont diverses, explique en 2010 Thomas Legrand, mais n'ont rien Ă  voir avec une supposĂ©e plus ou moins grande audace des journalistes ou plus ou moins grande libertĂ© de la presse. C'est une question d'abord bĂȘtement technique : nous sommes passĂ©s de la bande magnĂ©tique et vidĂ©o au numĂ©rique et nous pouvons garder, chacun d'entre nous, journaliste ou non, et classer tout ce qui se dit. Internet fait le reste: tout est Ă  la disposition de tout le monde en un clic. »[25] L'Ă©ditorialiste de France Inter qualifie la vĂ©rification des faits de « tyrannie de la cohĂ©rence » mais, prĂ©cise-t-il aussitĂŽt, une « tyrannie salutaire »[25].

En 2012, aux États-Unis, bien que les sondages indiquent que les informations des deux grandes chaĂźnes cĂąblĂ©es Fox News et MSNBC sont jugĂ©es peu fiables, les citoyens se tournent davantage vers ces chaĂźnes « partisanes » que vers CNN, chaĂźne rĂ©putĂ©e plus mesurĂ©e. Le traitement de la vĂ©rification des faits par ces chaĂźnes n’est pas similaire et est lui-mĂȘme orientĂ©[26].

En 2014, Benjamin Lagues, d'Acrimed, Ă©crit :

« Cette pratique peut ĂȘtre saine et fĂ©conde pour le journalisme tel que nous le dĂ©fendons (
 mais 
) si l’exercice n’est pas nouveau, sa constitution en genre et en rubrique particuliĂšre est plus rĂ©cente, au point que, victime de son succĂšs, elle a parfois Ă©tĂ© dĂ©voyĂ©e pour devenir dans certains cas une pratique inutile, voire contre-productive. (
) A vouloir systĂ©matiquement fact-checker les Ă©lus et politiques, le risque est grand d’exercer un effet loupe sur leur lecture de l’évĂ©nement. (
) PrĂ©senter les faits, oui, mais lesquels ? Car les pratiquants et promoteurs du fact-checking tendent parfois Ă  sacraliser « les faits » en leur donnant le pouvoir de trancher n’importe quelle polĂ©mique, n’importe quel dĂ©bat. (
) Rapidement devenu victime de son succĂšs, le fact-checking est en rĂ©alitĂ© devenu un genre quasi autonome dans certains mĂ©dias : Ă©quipe dĂ©diĂ©e, chronique quotidienne, rubrique hebdomadaire, etc. In fine, puisqu’une case est Ă  remplir, il fallait vĂ©rifier Ă  tout-va. Et dans l’urgence, souvent, seules les donnĂ©es les plus rapidement vĂ©rifiables sont analysĂ©es. RĂ©sultat : une vĂ©rification industrielle de « faits », mais une production parfois famĂ©lique d’informations. »

— Benjamin Lagues[27].

L'universitaire Ingrid Riocreux rappelle que « comme toute information, le fact-checking est orientĂ© ». Il a tendance Ă  se transformer et « devient un combat d'idĂ©es ». Il est loin d'Ă©tayer toujours sĂ©rieusement son propos et de fournir des rĂ©fĂ©rences. Pour cette raison, « le fact-checking doit accepter d'ĂȘtre "fact-checkĂ©" ». Pour retrouver en partie la confiance du public, « les mĂ©dias de masse devraient renoncer Ă  propager ce mythe de l'objectivitĂ© qui est allĂ© de pair avec leur dĂ©veloppement et reconnaĂźtre que toute information est orientĂ©e »[28].

CĂ©dric Mathiot (LibĂ©ration) regrette que le fact-checking « Ă©pargne les journalistes »[29], mais ChloĂ© Luce, consultante, estime que, du fait que la technique du fact-checking a Ă©tĂ© rendue possible par l’essor du numĂ©rique et du mouvement open data, on y retrouve « en creux, l’idĂ©e d’une sociĂ©tĂ© de communication dont il faudrait sans cesse dĂ©coder les messages cachĂ©s, et oĂč la forme a[urait] dĂ©finitivement pris le pas sur le fond »[30]. Et alors qu'il a Ă©tĂ© conçu pour vĂ©rifier que les hommes politiques ne travestissent pas la rĂ©alitĂ© Ă  leur avantage et que les mĂ©dias ne sont pas de connivence avec eux ou avec les dĂ©cideurs Ă©conomiques, tout le monde aujourd'hui pratique le fact-checking, y compris les politiciens[31] qui, selon Luce, en font « une arme de communication ».

Texte du titre

La quĂȘte de reconnaissance des vĂ©rificateurs de fait dans leur profession

Cette nouvelle catĂ©gorie de journalistes est, gĂ©nĂ©ralement, orientĂ©e vers la politique. Or, ce domaine est, en principe, rĂ©servĂ© aux plus anciens de la profession. Cela vient donc s’opposer Ă  une certaine logique de la profession qui voudrait que les journalistes du domaine politique soient initiĂ©s, de par leur expĂ©rience au sein d’autres domaines, avant de pouvoir atteindre celui-ci. C’est pourquoi les fact-checkers peinent Ă  trouver une place au sein de leurs pairs et reçoivent de nombreuses critiques des reprĂ©sentants de la classe politique et de la part de leur confrĂšres[32].

Une efficacité contestée

Une affiche de l'organisation Vote Leave affirmant que le Royaume-Uni dĂ©boursait 350 millions de livres par semaine pour ĂȘtre membre de l'Union europĂ©enne. La vĂ©rification des faits n'est pas parvenue Ă  rendre vaine cette stratĂ©gie militante.

Selon Elise Koutnouyan, des Inrocks, l'efficacitĂ© de la vĂ©rification des faits est singuliĂšrement remise en cause en 2016 par deux Ă©vĂ©nements politiques. Elle en veut pour preuve que les fact checking mis en place par la majoritĂ© des mĂ©dias n'ont ni entravĂ© le Brexit, ni empĂȘchĂ© l'Ă©lection de Donald Trump au poste de PrĂ©sident[33]. Cette « mĂ©fiance croissante [du public] vis-Ă -vis des faits prĂ©sentĂ©s par l’establishment » serait caractĂ©ristique d'une Ăšre nouvelle dans l'histoire de l'humanitĂ© : l'Ăšre post-vĂ©ritĂ©[33].

Samuel Laurent, animateur de la rubrique « Les DĂ©codeurs » au quotidien Le Monde, admet que « la vĂ©rification n’a jamais Ă©tĂ© un remĂšde miracle Ă  la dĂ©magogie. Que des politiques mentent est tout sauf nouveau. Ce qui l’est, c’est plutĂŽt le fait que des mĂ©dias le remarquent et le pointent. Mais lĂ  encore, attention Ă  la bulle filtrante : qui vĂ©rifie ? En rĂ©alitĂ©, quelques grands mĂ©dias, et quelques acteurs universitaires ou citoyens. Et surtout, qui tient compte de cette vĂ©rification ? Malheureusement, pas grand monde »[34]. Daniel Schneidermann admet lui aussi que le fact-checking est « impuissant » mais considĂšre qu'il reste cependant « nĂ©cessaire »[35].

Puisqu’il est prouvĂ© que cette pratique a peu d’impact sur l’opinion des internautes trĂšs politisĂ©s et donc dĂ©jĂ  convaincus, Romain Badouard, chercheur en SIC, fait l'hypothĂšse que la cible des mĂ©dias pratiquant le fact checking serait autre. En effet, ceux-ci visent plutĂŽt les usagers passifs des rĂ©seaux sociaux qui n’ont pas encore d’opinion construite et donc pourraient ĂȘtre influencĂ©s par les fake news[36].

Selon Maëva Poulet, de BFMTV, le fait que les politiciens et toutes sortes d'associations pratiquent à leur tour la vérification des faits conduit à générer plus de confusion que de clarté : « Désintox contre désintox, le risque pour cette pratique qui voulait permettre d'y voir plus clair et de mieux « décoder » l'information est désormais... de s'y perdre »[31].

En , dans le contexte de la pandĂ©mie de Covid-19, le service d'information du Gouvernement français recense plusieurs articles de la presse nationale issus de services de vĂ©rification des faits. Cette dĂ©marche est jugĂ©e peu heureuse, « parce que mĂ©langer sur un site de communication du gouvernement des Ă©lĂ©ments d’information venant des mĂ©dias peut crĂ©er une sĂ©rieuse confusion »[37].

Manifestations

La vérification des faits s'exprime essentiellement sur des sites web (dont certains sont les extensions de journaux quotidiens et hebdomadaires), des chroniques radiophoniques et des émissions de télévision. Chaque canal traite des événements de l'actualité locale et internationale.

États-Unis

CrĂ©Ă© en 2007, PolitiFact est l'un des deux principaux sites de fact-checking aux États-Unis. Il remporte le Prix Pulitzer en 2009.

C'est dans ce pays qu'il s'est le plus développé et que l'opinion publique y est le plus sensible.

Deux sites web apparaissent dÚs les années 1990 :

  • Snopes, crĂ©Ă© en 1995 ;
  • TruthOrFiction.com (en), crĂ©Ă© en 1999.

Mais c'est durant la décennie suivante que la pratique du fact-checking s'institutionnalise. Les acteurs les plus influents sont alors :

  • Factcheck, crĂ©Ă© en 2003, animĂ© par Glenn Kessler (en), un journaliste qui couvre la politique Ă©conomique, la politique Ă©trangĂšre, l'aĂ©ronautique et Wall Street, par ailleurs rĂ©dacteur de la rubrique Fact Checker dans le Washington Post Ă  partir de 2007 ;
  • Politifact, crĂ©Ă© en 2007 et aussitĂŽt popularisĂ© avec le Truth-O-Meter (« indice de vĂ©ritĂ© ») puis, l'annĂ©e suivante, l'Obameter, mis en place pour Ă©tudier dans quelle mesure les promesses du candidat dĂ©mocrate Barack Obama sont rĂ©alisables.

Signalons Ă©galement :

  • la NewsTrust's Truth Squad, la « brigade de la vĂ©ritĂ© » du site NewsTrust (en) (crĂ©Ă© en 2005), Ă  partir de 2010.

La campagne prĂ©sidentielle amĂ©ricaine de 2012 a fortement popularisĂ© le fact-checking. Les sites de vĂ©rification (fact-checkers) Ɠuvrent non plus seulement pour vĂ©rifier l'authenticitĂ© des informations relatives Ă  des faits passĂ©s mais pour intervenir en amont des faits, ceci en analysant la faisabilitĂ© des promesses Ă©lectorales. Ils se trouvent ainsi investis du rĂŽle d'arbitres entre les deux candidats, Barack Obama et Mitt Romney :

  • Factcheck, a analysĂ© leurs propos de façon rĂ©guliĂšre et approfondie[38]. La campagne prend de la hauteur, sur le thĂšme de l'emploi, lors du discours de l'ex-prĂ©sident Bill Clinton venu soutenir Barack Obama. OvationnĂ© par la convention dĂ©mocrate, Clinton crĂ©e la surprise et s'offre aux fact-checkers quand il affirme que si « la Maison-Blanche a Ă©tĂ© occupĂ©e durant vingt-huit ans par un rĂ©publicain, et vingt-quatre ans par un dĂ©mocrate » depuis 1961, avec 24 millions d'emplois crĂ©Ă©s sous les rĂ©publicains et 42 millions sous les dĂ©mocrates, le bilan de trĂšs long terme est favorable Ă  ces derniers concernant l'emploi[39]. Les grands mĂ©dias amĂ©ricains, comme CNN[40], CBS et l'Associated Press[41] et Bloomberg LP[42] constatent que l'ex-prĂ©sident dit vrai.
  • Politifact a soulignĂ© que le projet de Mitt Romney de crĂ©er douze millions d'emplois en quatre ans n'Ă©tait pas irrĂ©aliste[43].

France

En 1995, l'Ă©mission ArrĂȘt sur Images intronise le fact-checking dans le paysage audiovisuel français.

L'entrĂ©e officielle du fact-checking en France date de 1995, quand est crĂ©Ă©e l'association Acrimed (pour « Action-CRItique-MEDias »), qui se prĂ©sente comme « l'observatoire des mĂ©dias ». L'annĂ©e suivante est crĂ©Ă©e l'Ă©mission de tĂ©lĂ©vision ArrĂȘts sur image[44] sur la chaĂźne publique France 5. Dans les deux cas, les mĂ©dias sont passĂ©s au crible dans leur façon de traiter l'information, en premier lieu l'actualitĂ© politique.

Il faut attendre la fin des années 2000 pour que la pratique de la "vérification des faits" se développe en France, au travers de blogs ou d'initiatives marginales dans les rédactions, et les années 2010 pour qu'elle soit reconnue comme une pratique à part entiÚre dans les rédactions[45].

En 2007, Julien Pain créé les observateurs de France 24, "un programme de journalisme participatif" qui se spécialise dans la vérification d'images amateur[46]. En 2008, Cédric Mathiot crée un blog dédié au factchecking rattaché au journal Libération, blog qui deviendra ultérieurement une rubrique à part entiÚre du quotidien[47].

En 2011, Le Monde publie un article intitulé « Le "fact checking", nouveauté journalistique »[48], qui annonce que « plusieurs médias en ligne ont décidé de leur consacrer une rubrique à part entiÚre ». L'année suivante, à l'approche de l'élection présidentielle française, période faste en matiÚre de création de sites et de blogs, un journaliste de la radio BFM Business écrit sur son blog un article intitulé « Le factchecking est en train de nous détruire »[49].

Rubriques de journaux

  • DĂ©sintox : blog crĂ©Ă© en 2008 par CĂ©dric Mathiot[47] puis devenu une rubrique Ă  part entiĂšre de LibĂ©ration[50] - [51]. Cette rubrique Ă©tĂ© rebaptisĂ©e CheckNews[52] en 2017, s'Ă©largissant au « journalisme Ă  la demande », et non plus exclusivement Ă  la vĂ©rification des faits [53]. Entre 2017 et 2020, LibĂ©ration a un contrat de « fact-checking » avec Facebook. En 2020, le quotidien facture 239 200 dollars Ă  Facebook dans le cadre de ce contrat. Il justifie la fin de ce contrat par le fait que, « en termes d’indĂ©pendance Ă©ditoriale, la direction a jugĂ© plus pertinent de miser sur les abonnĂ©s numĂ©riques et des contenus Ă  valeur ajoutĂ©e plutĂŽt que sur un contrat avec une entreprise privĂ©e. »[54]
  • Les DĂ©codeurs : blog crĂ©Ă© en 2009 par Samuel Laurent[55] et devenu, en 2014, une rubrique du Monde[56]
  • Les Pinocchios de l’Obs[57], sur le site de L'Obs (depuis 2011).
  • DĂ©tecteur de mensonge[58], sur le site du Journal du dimanche (depuis 2011).
  • Le Scan politique du Figaro[59], sur le site du Figaro (depuis 2013).
  • AFP Factuel, sur le site de l'AFP[60] (depuis 2017).
  • Vrai ou fake[61] : rubrique du mĂ©dia public d'information France Info agrĂ©geant des contenus originaux du web, de la tĂ©lĂ©vision et de la radio.
  • Les VĂ©rificateurs[62] : afin de lutter contre les fake news et la dĂ©sinformation, les rĂ©dactions de TF1 et LCI s'engagent. Elles ont formĂ© une Ă©quipe spĂ©cialisĂ©e dans le fact-checking : Les VĂ©rificateurs.

Blogs et sites Web

  • Acrimed (depuis 1996), Ă  l'initiative d'Henri Maler.
  • HoaxBuster (depuis 2000) : site communautaire traquant les canulars.
  • Les Surligneurs[63] (depuis 2017[64]) : site animĂ© par des chercheurs en droit qui traque les erreurs juridiques dans le discours des politiques ("legal-checking"[65]).
  • Fact & Furious [66] - [67] (depuis 2021) : Site de fact-checking et d'investigation lancĂ© Ă  l'initiative de trois internautes, dirigĂ© par Antoine Daoust, fermĂ© fin 2022 aprĂšs des accusations de son Ă©pouse sur sa dĂ©ontologie[68] - [69].
  • Captain Fact[70] : projet permettant de dĂ©battre et de s’entraider afin de vĂ©rifier les donnĂ©es au moyen de sources, de votes et de discussions concernant les faits.
  • CrossCheck[71], projet de journalisme collaboratif rassemblant plusieurs rĂ©dactions rĂ©gionales, nationales et internationales.

Émissions de tĂ©lĂ©vision

  • À la loupe[72] : module quotidien de LCI puis Les vĂ©rificateurs, Ă©quipe commune aux rĂ©dactions de TF1, LCI et [TF1 INFO] (toute l’information des rĂ©dactions du groupe TF1).
  • Arte Desintox : Ă©mission dĂ©rivĂ©e de la rubrique Ă©ponyme du quotidien LibĂ©ration.
  • Data Science vs Fake[73] : module proposĂ© par Arte. Une collection coproduite avec Le Blob L’Extra-MĂ©dia et France TV Éducation. En partenariat avec L’INSERM et le CCSTI - La Turbine Sciences.
  • Les Observateurs[74]. LancĂ©e en 2007 sur France 24 par Julien Pain[75], qui l'a animĂ©e jusqu'en 2016. DĂ©sormais, l'Ă©mission est prĂ©sentĂ©e par Alexandre Capron (Info ou Intox[76] est un module de France 24, rubrique de Les Observateurs dĂ©diĂ© aux infox et prĂ©sentĂ©e par Alexandre Capron tous les lundis Ă  9h45).
  • Vrai ou fake[77], crĂ©Ă©e par Julien Pain sur France Info TV et diffusĂ©e pour la premiĂšre fois le 26 fĂ©vrier 2019[78]. Une Ă©mission hebdomadaire dĂ©diĂ©e Ă  la vĂ©rification des faits et Ă  la lutte contre la dĂ©sinformation.
  • ArrĂȘts sur image (1995-2007) de France 5, Ă©mission crĂ©Ă©e et animĂ©e par Daniel Schneidermann.

Émissions de radio

Comptes Twitter

MĂȘme si la plupart des sites orientĂ©s vĂ©rification des faits disposent de leur compte Twitter, certains projets ne sont prĂ©sents que sur cette plate-forme.

Modules en Facebook Live

  • L'Instant dĂ©tox[85], module hebdomadaire en Facebook Live de France Info, prĂ©sentĂ© par Julien Pain.

Enseignement du journalisme

En France, quatorze écoles sont reconnues par la profession. La technique de la vérification des faits y est enseignée. Signalons notamment :

Prix satirique

Royaume-Uni

C.P. Scott (1846-1932), un pionnier de la vérification des faits.

En 1929, le journaliste et politicien Charles Prestwich Scott (en) est l'auteur d'une formule qui paraßt dans le Manchester Guardian, dont il est le fondateur, et qui sera reprise plus tard par les promoteurs de la vérification des faits : « Comment is free but facts are sacred » (les opinions sont libres, les faits sont sacrés).

L'association Fullfact est créée en 2009, financée par les donations de particuliers et des fondations Joseph Rowntree Charitable Trust (en), Nuffield Foundation et Esmee Fairbairn Foundation. Elle privilégie l'interaction avec le public et l'élargissement de la vérification des faits aux grandes questions économiques et sociales, au-delà du simple débat politique[90].

En 2012, la chaßne Channel 4 crée le FactCheck blog.

En 2016, les journalistes du Guardian et la BBC ne parviennent pas Ă  contrecarrer les effets de la rumeur propagĂ©e par les partisans de la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union europĂ©enne selon laquelle le pays envoie 350 millions de livres par semaine Ă  l’Union[91]. L'annĂ©e suivante, la BBC annonce qu'elle va mettre en place une Ă©quipe permanente de vĂ©rification des faits. James Harding (en), son directeur, prĂ©cise qu'elle travaillera en collaboration avec Facebook « afin d'ĂȘtre plus efficace »[92].

Ailleurs en Europe

En , dix-neuf médias lancent une plate-forme européenne de vérification des faits à l'occasion des élections du Parlement européen[93].

Italie

En 2012, Pagella Politica[94] est le premier site consacré au fact-checking.

Québec

En 2012, Radio-Canada se lance dans la vérification des faits en direct, lors du duel opposant les hommes politiques Jean Charest et François Legault. Quelques semaines plus tÎt, Radio-Canada a initié une procédure de vérification des faits concernant les chiffres du chÎmage[95]. En 2016, l'Agence Science-Presse crée le Détecteur de rumeurs, rubrique de vérification des faits consacrée aux nouvelles en science, en santé ou en environnement.

Amérique du Sud

En Argentine, le site Chequeado (es) depuis 2010 et, au Brésil, le site Aos Fatos[96].

Afrique du Sud

En 2012, l'université du Witwatersrand lance le site internet Africa Check à usage du public mais surtout des médias, en partenariat avec la Fondation AFP. Animé par des permanents de l'université, c'est le premier site internet en Afrique voué à « la vérification des faits, à la promotion de l'idée de vérification et de rigueur dans le débat public », selon Anton Harber, chef du département journalisme de l'université du Witwatersrand[97] et ancien rédacteur en chef du South African Mail and Guardian[98]. « Je crois profondément qu'Africa Check peut apporter une contribution importante au débat public en encourageant une culture de la précision qui pourra faire réfléchir par deux fois les personnalités qui prennent parfois trop de libertés avec les faits », précise Anton Harber, à Slate Afrique[98].

Russie

Le , jour de l'invasion de l'Ukraine, le canal WarOnFakes est créé sur Telegram. Se présentant comme apolitique avec un objectif de réfuter les infox liées aux événements se déroulant en Ukraine et dans les territoires du Donbass, sa présence en ligne est renforcée par la création d'un site web multilingue et de comptes trÚs suivis sur différents médias sociaux. Recommandé par le ministÚre des Affaires étrangÚres russe, les publications révÚlent un manque de rigueur journalistique criant ainsi que des traductions peu soignées et sont rapidement catégorisées comme émanant d'un organe de propagande[99] - [100].

Actions contre les journalistes vérificateurs

Les journalistes et rĂ©dactions responsables de la vĂ©rification des faits sont rĂ©guliĂšrement pris Ă  partie voire harcelĂ© sur les rĂ©seaux sociaux et par les partisans et militants, en particuliers les sympathisants de diffĂ©rentes formations politiques, notamment Ă  l'extrĂȘme droite. Certains sites de dĂ©sinformation et influenceurs complotistes organisent des campagnes de cyberharcĂšlement Ă  leur encontre[101] - [102] - [103] - [104] - [105].

En novembre 2022, un site français, Fact & Furious, ferme à la suite à d'accusations d'articles sur commande et de trafic de tests au COVID-19[68] - [69].

Notes et références

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Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • Laurent Bigot, Fact-checking vs fake news : vĂ©rifier pour mieux informer, INA Ă©ditions, 2019
  • CĂ©dric Mathiot, Petit prĂ©cis des bobards de campagne, Presses de la CitĂ©, 2012.
  • Jean-Marie Charon, Les mĂ©dias Ă  l’ùre numĂ©rique, Les cahiers du journalisme, 22/23, Lille/QuĂ©bec, 2011, p. 14-27.
  • Laurent Bigot, Les journalistes fact-checkers français entre rĂ©invention de la vĂ©rification et quĂȘte de reconnaissance professionnelle, dossier 2017 L’information au prisme des professionnels qui la produisent, la gĂšrent et l’utilisent, revue du GRESEC Les enjeux de l’information et de la communication.
  • Jayson Harsin, Un guide critique des fake news : de la comĂ©die Ă  la tragĂ©die, Pouvoirs, Ă©ditions Le Seuil (no 164), p. 99-119.

Liens externes

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