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Hacker (sous-culture)

Le hacker est « quelqu'un qui hack », ou « construit un hack[1] ». Le terme apparaît en 1959 dans le jargon du Tech Model Railroad Club (TMRC), une association d'étudiants du Massachusetts Institute of Technology (MIT). En 1996, la Request for comments 1983 définit un hacker comme une personne qui se délecte de la compréhension approfondie du fonctionnement interne d'un système, en particulier des ordinateurs et réseaux informatiques. Cette dernière définition fait écho à celle utilisée depuis les années 1950 par les radio-amateurs pour qui le hacking est un bricolage créatif visant à améliorer le fonctionnement d'un système.

« Il existe une communauté, une culture partagée, de programmeurs expérimentés et de spécialistes des réseaux, dont l'histoire remonte aux premiers mini-ordinateurs multi-utilisateurs, il y a quelques dizaines d'années, et aux premières expériences de l'ARPAnet [le réseau connu aujourd'hui sous le nom d'Internet, NDT]. Les membres de cette culture ont créé le mot « hacker ». Ce sont des hackers qui ont créé l'Internet. Ce sont des hackers qui ont fait du système d'exploitation Unix ce qu'il est de nos jours. Ce sont des hackers qui font tourner les newsgroups Usenet et le World Wide Web[2]. »

Les premiers « hackers » apparaissent dans les universités.

— Eric Raymond

Terminologie

Aujourd'hui encore, un hacker désigne un virtuose pouvant intervenir dans différents domaines comme la programmation, l'architecture matérielle d'un ordinateur, l'administration système, l'administration réseau, la sécurité informatique ou tout autre domaine de l'informatique. L'acception plus récente tend à en faire un cracker black hat, c'est-à-dire un pirate informatique opérant de façon illégale ou non éthique. Les hackers sont parfois confondus avec les script kiddies, cyber-délinquants à la recherche de cibles faciles ne demandant pas de connaissance particulière en informatique.

La Délégation générale à la langue française et aux langues de France française préconise l'emploi du terme « fouineur », alors que le Grand dictionnaire terminologique québécois favorise le terme « bidouilleur », plus proche du sens initial, à ceci près que ce terme porte un sens péjoratif, en opposition avec l'excellence supposée du hacker. Voir aussi « wizard » et « gourou », l'élite des hackers au sens premier, par exemple Steve Wozniak, Dennis Ritchie ou Richard Stallman[3].

Histoire

MIT et Ă©mergence des premiers hackers

Au début des années 1950, les membres du club de modélisme ferroviaire du Massachusetts Institute of Technology (MIT), le Tech Model Railroad Club (TMRC), conçoivent un réseau ferroviaire miniature, le Tech Nickel Plate Railroad[4]), en détournant un système de téléphonie de son usage d'origine[5]. Ils se nomment entre eux « hackers »[5] (bien qu'on les considère comme les premiers « phreakers »[6]).

À cette même période, les premiers ordinateurs font leur apparition au MIT et deviennent rapidement la proie des jeunes étudiants du TMRC, qui les « bidouillent » la nuit, en dehors des créneaux horaires d'utilisation encadrée. Un protocole de sécurité encadre les rangées d'armoires des machines, qui n'absorbent les données d'entrée que sous forme de fiches d'instruction et d'interversions de câbles, à la manière des centraux téléphoniques[5]. Cet instinct de « redirection » ou bidouillage des réseaux se transposera sur les ordinateurs, dont les capacités techniques seront systématiquement poussées à bout à la suite de longues nuits de reprogrammation.

Une légende naît bientôt de l'activité frénétique et autarcique de ces premiers nerds qui ne vivent que pour et par les machines qu'ils ont à disposition, accueillant avec dévotion chaque nouveau modèle, le déboguant (corrigeant ses erreurs), et lui trouvant des lignes de programmation plus efficaces. Une éthique se forme peu à peu au sein de cette confrérie unique en son genre : « l'accès libre à l'information », en porte-à-faux avec l'usage académique fait des ordinateurs, réservés à des doctorants dont les prouesses techniques sont vues d'un œil très condescendant. Aucun mot de passe, aucune protection virtuelle ou physique ne résiste aux hackers : entre cryptologie et informatique, ils savent également faire céder les serrures des bureaux du MIT pour récupérer un simple tournevis.

Ces premières machines, d'origine militaire, sont construites par IBM qui maintient un protocole d'utilisation très strict, et pour cause : la valeur du matériel se chiffre en millions de dollars. Les hackers cultivent un mot d'ordre exactement opposé, le « hands-on imperative » : « y mettre les mains à tout prix ».

À force d'exploits informatiques et de commutations entre machines, les hackers parviennent à stabiliser un point sur un moniteur vidéo, à le déplacer, à ajouter une manette et créer le premier jeu vidéo, un jeu de bataille intergalactique, Spacewar!, en 1962 (programmé par Steven Russel). Le jeu Life inspire chez certains hackers des visions cosmiques, où la programmation devient une forme à part entière de création et de beauté mathématique.

L'« éthique hacker » a été codifiée en 1984[7] par Steven Levy selon les principes suivants :

  • toute information est par nature libre ;
  • ne pas se fier Ă  l'autoritĂ©, promouvoir la dĂ©centralisation ;
  • les hackers peuvent se juger par leurs prouesses, non par d'autres hiĂ©rarchies sociales (ce qui permettra Ă  un jeune prodige d'une dizaine d'annĂ©es de rejoindre le groupe) ;
  • art et beautĂ© peuvent ĂŞtre crĂ©Ă©s avec un ordinateur ;
  • les ordinateurs peuvent changer et amĂ©liorer la vie.

En ce sens, plusieurs idéaux des hackers peuvent être rapprochés de la contre-culture des années 1960 et notamment du mouvement hippie, en particulier en ce qui concerne l'opposition à l'autorité et l'expression de soi par le travail[8].

Du temple cryptologique aux communautés informatiques

Par la suite, plusieurs hackers du MIT partent travailler dans des firmes informatiques, et un nouveau foyer de hackers se développe sur la côte ouest des États-Unis, où la Silicon Valley fait ses premiers pas. Le style, nettement moins monacal qu'au MIT, pousse notamment de jeunes programmeurs à créer des jeux d'aventures, avec texte, puis en intégrant peu à peu des images.

Entre-temps, les ordinateurs créés sont devenus meilleur marché et se démocratisent à un certain point. Des communautés mettent à disposition des machines pour permettre à tout un chacun de passer des annonces entre autres services, au diapason des idéaux New Age, et bien loin de l'autarcie du MIT : l'informatique devient un outil social, un potentiel technologique au service des hommes dans leur ensemble.

Dans les années 1980, grâce à l'apparition des premiers ordinateurs personnels, des sociétés privées se spécialisent dans le développement de logiciels, notamment de jeux (par exemple, Atari développe Pac-Man), en instituant la propriété intellectuelle dans le commerce de logiciels et enfreignant l'idéal originel de « partage libre de données ».

Les hackers de « hardware » (matériel informatique « solide », par opposition aux logiciels constitués de lignes d'instructions) ont commencé à expérimenter de nouvelles configurations électroniques, facilitées par le développement rapide des transistors miniaturisés et des circuits imprimés. En 1976, Steve Wozniak met sur le marché le premier Apple, destiné à une utilisation individuelle, prenant par surprise IBM qui doit à cette occasion se doter d'un système d'exploitation développé par une petite société, Microsoft.

La pomme croquée psychédélique, logo d'Apple (considéré à tort comme un hommage à Alan Turing[9]), est l'emblème de l'esprit frondeur et créateur des hackers, dont le dynamisme et le style de travail, à l'origine d'innovations pionnières, ont peu à peu imbibé la culture d'entreprise des majors informatiques, pour s'imposer dans les années 1990. La notion de « jeu », qui jurait avec le « sérieux » des recherches menées, est un concept majeur de management qui s'est désormais étendu à toutes les sphères de travail.

Parallèlement, le rôle de l'informatique est progressivement devenu un nerf vital de l'économie et de la vie sociale, rendant menaçants certains hackers malintentionnés : les États-Unis d'Amérique ont introduit le Computer Fraud and Abuse Act (« Loi contre l'abus et la fraude informatique ») en 1986, imités par les autres pays.

Le développement, lui aussi d'origine militaire, puis la démocratisation d'Internet à partir du milieu des années 1990 ont par la suite renforcé les paradigmes de l'éthique hacker, permettant le partage et la circulation libres d'informations, dont Wikipédia et SourceForge.net sont deux exemples. La décentralisation de l'information est à son apogée, circonscrite par le parc informatique interconnecté. Les débats récents sur les logiciels de poste à poste reformulent cette question du libre accès, et suggèrent un changement radical des modes de consommation et d'économie de l'information.

Culture

Conventions et manifestations

Un hackathon est un évènement pendant lequel des hackeurs se réunissent, souvent pour répondre à un défi technologique.

Le projet OpenBSD en organise depuis 1999[10].

D'autres rassemblements changent de nom à chaque fois, comme ceux organisés initialement par un groupe des Pays-Bas uni autour du magazine Hack-Tic : Galactic Hacker Party en 1989, Hacking at the End of the Universe en 1993, Hacking In Progress en 1997 qui a rassemblé près de deux mille personnes, Hackers At Large en 2001 qui a rassemblé plus de trois mille personnes, What The Hack en 2005 qui a rassemblé plus de deux mille personnes.

Manifestes

Certains manifestes comme L'Éthique des hackers ou Le Manifeste du hacker font référence dans la culture du hack.

Hacker en sécurité informatique

Certains hackeurs utilisent des hacks pour casser la protection d’un système ou s’y introduire. Par extension, on nomme hackeur toute personne contournant une protection logicielle ou matérielle, notamment les pirates informatique qui le font illégalement. Cet usage du terme est le plus connu du grand public en France. Le terme de cracker est parfois utilisé pour désigner les pirates et ainsi les distinguer des adeptes de la sous-culture du hacking[11].

Liste de hackers célèbres

Notes et références

  1. Selon Mathieu Triclot, « un « hack » désigne une combinaison ingénieuse, une invention à laquelle personne n'avait encore songé, que personne ne croyait possible avec les moyens du bord, un raccourci qui permet de faire plus vite et plus élégamment » (Philosophie des jeux vidéo, Zones, Paris, 2011, p. 104).
  2. Eric Raymond, 2001.
  3. « L’idéal libertaire du hacker », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le ).
  4. « Tech Nickel Plate Railroad », sur tmrc.mit.edu (consulté le )
  5. (en-US) « The Tech Model Railroad Club », Wired,‎ 11.21.2014 (ISSN 1059-1028, lire en ligne, consulté le ).
  6. « Quelle est la différence entre un hacker, un cracker et un phreaker ? », sur 01net, (consulté le ).
  7. Lallement, L'âge du faire : hacking, travail, anarchie., Paris, Seuil, , 448 p. (ISBN 978-2-02-119049-6), p.99
  8. Sébastien Broca, Utopie du logiciel libre : du bricolage informatique à la réinvention sociale, Neuvy-en-Champagne, Éd. le Passager clandestin, , 282 p. (ISBN 978-2-916952-95-6 et 2916952950, OCLC 867598251, lire en ligne)
  9. « Non, le logo d’Apple n’est pas un hommage au mathématicien persécuté Alan Turing », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  10. « OpenBSD: Hackathons », sur openbsd.org (consulté le )
  11. Eric S. Raymond, « Jargon File: Cracker » : « Coined ca. 1985 by hackers in defense against journalistic misuse of hacker ».
  12. (en) « The TX-0: Its Past and Present », The Computer Museum Report, 1984.
  13. Le Journal du Net, 17 janvier 2007
  14. « Biométrie : les systèmes de reconnaissance des veines peuvent être dupés avec une maquette en cire », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

Liens externes

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