Consentement sexuel
CommunĂ©ment, le consentement sexuel est compris comme l'accord Ă participer Ă une activitĂ© sexuelle, c'est-Ă -dire Ă l'accepter aprĂšs une dĂ©cision Ă©clairĂ©e qui ne doit pas ĂȘtre prise sous l'effet de la contrainte ou de la menace.
Dans les pays occidentaux, la notion de consentement est reconnue juridiquement Ă partir des annĂ©es 1980.. Avant cette date, l'histoire dĂ©montre que les femmes pouvaient ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme des biens du fait qu'elles n'avaient pas la personnalitĂ© juridique[1]. Le plus souvent, elles Ă©taient rattachĂ©es Ă leur pĂšres ou leur mari. DĂšs lors, la question de leur consentement sexuel Ă©tait relative.
En lâabsence de consentement, lâactivitĂ© sexuelle peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e lĂ©galement comme un viol. Toutefois, les enjeux ne sont pas uniquement juridiques. Ils relĂšvent des domaines philosophiques, psychologiques, ou encore sociologiques. Il sâagit pour autant dâun sujet peu Ă©tudiĂ© malgrĂ© son importance, notamment dans la recherche sur les violences sexuelles.
DĂ©finitions
Le terme « consentement » implique un accord, un assentiment ou une permission. La notion repose donc sur lâidĂ©e de volontĂ©. De maniĂšre nĂ©gative, il faut entendre lâabsence de consentement comme le fait de refuser une proposition, voire de ne pas donner son accord. Lâexpression « qui ne dit mot consent » montre justement la difficultĂ© de dĂ©finir le consentement. La frontiĂšre entre le verbe « supporter » et le verbe « consentir » peut parfois ĂȘtre floue.
GéneviÚve Fraisse le démontre bien dans son ouvrage Du consentement :
« Donner son consentement peut se dire ou sâinterprĂ©ter, sâĂ©crire ou se faire comprendre. Le consentement semble un mot simple, une notion transparente, une belle abstraction de la volontĂ© humaine ; il est pourtant obscur et Ă©pais comme lâombre et la chair de tout individu singulier »[2].
Dans le cadre dâune relation sexuelle, le consentement peut ĂȘtre retirĂ© Ă tout moment :
« DÚs qu'une personne exprime son refus par des paroles ou des gestes, le partenaire doit cesser immédiatement l'activité sexuelle en question »[3].
Juridiquement, le consentement peut revĂȘtir diffĂ©rentes formes : contractuel[4], mĂ©dical[5] ou encore pĂ©nal. Toutefois, au sein du Code pĂ©nal, le concept de consentement nâest pas dĂ©fini. Une prĂ©somption de consentement tacite Ă lâacte sexuel existe et sâefface uniquement lorsquâil y a violence, contrainte, menace ou surprise. Le Code pĂ©nal sanctionne alors le viol, compris comme un acte de pĂ©nĂ©tration buccale ou gĂ©nitale lorsquâil est exĂ©cutĂ© Ă lâencontre de la volontĂ© de la victime.
Ăvolution de la notion de consentement sexuel
Si le consentement sexuel est une notion rĂ©cente dans lâhistoire, câest parce quâil est liĂ© Ă lâĂ©volution de la condition fĂ©minine, de son assujettissement Ă son Ă©mancipation. DĂšs lors, le "lien dâinterdĂ©pendance entre lâordre familial et politique" implique que le seul moyen de bouleverser lâun est de transformer lâautre[6]. Pour cette raison, la mutation du systĂšme familial et politique permet une prise en compte progressive du consentement fĂ©minin dans son ensemble, tant en ce qui concerne le consentement marital que sexuel.
Pendant l'antiquité
Le contexte patriarcal[7] implique Ă cette Ă©poque que le seul consentement pris en compte est celui du pĂšre. La figure du pater familias, plus prĂ©cisĂ©ment, a pour consĂ©quence que les relations sont rĂ©gies tant juridiquement que socialement par une ascendance masculine. Le pĂšre de famille dĂ©cide pour ses enfants alieni iuris, câest-Ă -dire, ceux qui sont sous sa puissance[8]. Le consentement fĂ©minin sâefface sous celui du pĂšre dans la mesure oĂč il est celui qui autorise une union.
Passant de lâautoritĂ© de son pĂšre Ă celui de son mari, notamment par le processus juridique de la manus, la femme est considĂ©rĂ©e comme un bien mobilier dont la possession change de mains. Gaius, dans les Institutes, explique ce transfert de puissance[9]. DĂšs lors, le consentement sexuel nâest pas pris en compte entre Ă©poux.
Toutefois, en dehors des unions, le viol peut ĂȘtre qualifiĂ©. Le terme « stuprum » dĂ©signe un acte sexuel non consenti et donc illicite[10]. Il sera, Ă compter de la RĂ©publique, assimilĂ© Ă un viol. Pour autant, afin de le qualifier, la violence commise par lâagresseur est primordial. Celle-ci vicie le consentement. Autrement dit, sans violence, il est considĂ©rĂ© que la femme a consentie au rapport sexuel[11].
Le consentement fĂ©minin demeure relatif dans la mesure oĂč il est conditionnĂ©. Dâautant plus que toute personne impliquĂ©e dans lâaccomplissement dâun viol, y compris la victime, est punie conformĂ©ment au De raptu virginum vel viduarumn[12] de Constantin[13]. DĂšs lâAntiquitĂ©, lâidĂ©e quâune femme puisse ĂȘtre responsable de ce quâon lui inflige se propage. Cependant, Justinien dans le De raptu virginum, seu viduarum, necnon sanctimonialum, rend irresponsable la victime[14]. Il envisage le viol avec enlĂšvement comme une atteinte au mariage et Ă lâabsence dâautorisation des parents.
En somme, il nâexiste aucune considĂ©ration rĂ©elle envers le dĂ©faut de consentement sexuel de la victime et les consĂ©quences que ce crime pourrait avoir tant moralement que physiquement sâeffacent au profit de consĂ©quences pĂ©cuniaires.
Pendant le Moyen-Ăge
Le consentement sexuel se confond encore avec le consentement marital au sein du couple à cette époque. Notamment, le rapt de séduction et le rapt avec violence sont perçus avant tout comme une violation du consentement des parents[15].
Par exemple, la littĂ©rature courtoise offre une illustration de la considĂ©ration du consentement fĂ©minin, « proche de celle quâon retrouve dans les textes juridiques mĂ©diĂ©vaux »[16]. Le Roman de Renart met en scĂšne le viol de Hersent, une louve. Celle-ci se retrouve coincĂ©e dans un terrier, devant son mari, Ysengrin, qui assiste au crime. Le rĂ©cit met lâaccent sur le dĂ©shonneur que le viol cause au mari en entachant le nom voire la lignĂ©e de la famille[17]. En outre, lâacte sexuel non consenti semble ĂȘtre la plus haute forme dâirrespect envers lâinstitution du mariage dans la mesure oĂč les relations sexuelles doivent avoir une finalitĂ© procrĂ©ative[18]. Enfin, il est reprochĂ© Ă la femme de ne pas avoir eu un comportement irrĂ©prochable, la rendant tout aussi coupable que lâagresseur lui-mĂȘme[19].
Pour autant, les textes de droit classique condamnent sĂ©vĂšrement le viol mĂȘme sâil est peu poursuivi par les juges. Il semblerait que ce crime reprĂ©sente 3% des affaires des juridictions laĂŻques[20].
A l'Ă©poque moderne
La question du consentement sexuel reste ignorĂ©e. Au sein du couple, lâabsence de prise en compte du consentement sexuel persiste avec lâidĂ©e que « celle qui sâest dĂ©jĂ dĂ©libĂ©rĂ©ment livrĂ©e ne saurait ĂȘtre que consentante ».
Toutefois, les juristes sâinterrogent progressivement sur les critĂšres constitutifs dâun viol, jusquâici restĂ©s en suspens. Au sein de lâEncyclopĂ©die de Diderot et dâAlembert, lâarticle « Viol » apporte une dĂ©finition[21]. Ce crime doit avoir lieu sur une personne fĂ©minine, commis avec violence, malgrĂ© la rĂ©sistance de la victime. Si lâarticle ne parle pas de consentement, il est affirmĂ© que le niveau de rĂ©sistance de la victime conditionne le sĂ©rieux de la plainte[22]. La femme disposerait de toutes les capacitĂ©s pour se dĂ©battre et repousser son agresseur, quitte Ă risquer sa vie. Ainsi, une femme qui ne rĂ©sisterait pas suffisamment serait presque responsable quâun homme lâait violĂ©.
Les dĂ©bats se tournent davantage vers lâattitude de la victime une fois lâacte commis. Le consentement donnĂ© avant ou pendant lâacte est considĂ©rĂ© uniquement si une rĂ©sistance a pu ĂȘtre prouvĂ©e.
A lâexception de Daniel Jousse, personne ne place la volontĂ© fĂ©minine au sein de la dĂ©finition du viol[23]. Celui-ci estime quâil sâagit dâune condition essentielle. Si le terme de « consentement » nâapparaĂźt pas encore, lâaccord Ă lâacte sexuel figure et constitue une avancĂ©e dans lâhistoire du consentement fĂ©minin.
Une reconnaissance progressive du consentement sexuel Ă l'Ă©poque contemporaine
A compter de 1810, le viol est intégré au sein du Code pénal, à l'article 331, sans pour autant définir ce crime. La notion de consentement sexuelle est donc totalement absente. Les conditions pour qualifier un acte de viol sont: une pénétration vaginale, sur une personne de sexe féminin, en ayant exercé une résistance suffisante, avec présence de témoins.
De plus, jusquâen 1839, le devoir conjugal[24], entendu ici comme l'existence de relations sexuelles induites par le lien marital, sâopposait frontalement Ă la qualification dâun viol conjugal. Un attentat Ă la pudeur pouvait seulement ĂȘtre caractĂ©risĂ©e dans cette situation. La Cour de cassation, dans un arrĂȘt en date du 21 novembre 1839[25], estime que le devoir nâimplique pas lâabsence de protection juridique de la femme qui se verrait abuser. En l'espĂšce, une Ă©pouse porte plainte contre son mari aprĂšs s'ĂȘtre enfuie du domicile conjugal, trois jours aprĂšs son mariage[26].
Pour la premiÚre fois, une violence morale est reconnue, démontrant que le défaut de consentement est assimilé progressivement comme une notion extensible. Cela vient étendre donc le principe de l'article 331 du Code pénal de 1810.
De mĂȘme, si la violence vicie le consentement depuis lâAntiquitĂ©, la Cour de cassation estime, dans un arrĂȘt du 25 juin 1857[27], que lâerreur sur la personne a le mĂȘme effet. Auparavant, avec l'arrĂȘt du 13 octobre 1828, la Cour avait considĂ©rĂ© que « câest la force qui constitue le viol, câest-Ă -dire la violence ; lâerreur ainsi que le dĂ©faut de consentement nâa pas Ă©tĂ© accompagnĂ© de violence »[28]. DĂ©sormais, lâusurpation permet de caractĂ©riser un viol. LâidĂ©e quâun acte sexuel illicite entraĂźne des consĂ©quences physiques et morales prend racine au XIXe siĂšcle.
« Le crime de viol n'étant défini par la loi, il appartient au juge de rechercher et constater les éléments constitutifs de ce crime [...] ; Attendu que ce crime consiste dans le fait d'abuser d'une personne contre sa volonté, soit que le défaut de consentement résulte d'une violence physique ou morale exercée à son égard; soit qu'il réside dans tout autre moyen de contrainte ou de surprise, pour atteindre, en dehors de la volonté de la victime, le but que se propose l'auteur de l'action »[29].
La notion de consentement semble ĂȘtre directement liĂ©e aux violences de genre. Comme dĂ©montrĂ©es par des Ă©tudes fĂ©ministes[30] depuis les annĂ©es 1970, celles-ci sont systĂ©miques. Les enjeux qui dĂ©coulent de ces questions nous montrent le rĂŽle crucial du statut social et des droits des femmes.
Pour autant, il faut attendre lâaffaire du 23 aoĂ»t 1978, Tonglet-Castellano, dĂ©fendu par GisĂšle Halimi pour que lâabsence de consentement soit mĂ©diatisĂ©e. Dans cette affaire, les deux femmes victimes devaient prouver, Ă plusieurs reprises, le dĂ©faut de consentement. Leur rĂ©sistance est examinĂ©e, au mĂȘme titre que leur niveau dâinstruction ou encore leurs aptitudes dans leur profession. AprĂšs avoir exprimĂ© leur refus verbalement, sâĂȘtre armĂ©es dâun marteau pour menacer les trois agresseurs, avoir tentĂ© une phase de diplomatie dissuasive pendant plusieurs heures, elles cĂšdent par Ă©puisement. On leur reproche donc, finalement, dâavoir consenti. Lâexpression « cĂ©der nâest pas consentir » est clamĂ©e Ă lâissue de ce procĂšs.
GisĂšle Halimi affirme en ce sens que : « Les plaignantes deviennent des accusĂ©es et elles doivent prouver quâelles nâont pas consenti »[31].
Cette affaire sordide a abouti sur la promulgation de la loi du 23 décembre 1980 qui élargit le viol à toutes formes de pénétration sexuelle, réprimé par quinze ans de réclusion criminelle, contrairement à cinq ans auparavant[32]. Un viol peut s'exercer tant par contrainte que par surprise. En 1992, l'acte est également qualifié en cas de menace. Pour autant, l'élément moral, compris comme la volonté de commettre un acte sexuel en ayant conscience que la victime n'y consentait pas, ne figure pas de maniÚre explicite.
Conditions du consentement
En général, l'ùge, l'état psychologique et physique et les conditions dans lesquelles les interactions se déroulent sont à considérer pour s'assurer de la validité du consentement sexuel.
Ăge
L'ùge auquel un enfant peut légalement donner son consentement à des activités sexuelles varie selon les législations.
Ătat psychologique ou physique
Certaines déficiences mentales rendent inaptes à consentir à une activité sexuelle[33].
La personne qui donne son consentement doit ĂȘtre en Ă©tat de le faire, de façon libre et Ă©clairĂ©e ; « si une personne est inconsciente, trop ivre ou droguĂ©e (notamment en situation de « soumission chimique » par une « drogue du viol »), elle n'est alors pas en mesure d'accepter consciemment de participer Ă une activitĂ© sexuelle »[33]. Si la personne devient inconsciente pendant l'activitĂ© sexuelle, le consentement n'est plus valide[33]. Une personne inconsciente ne peut donner un consentement.
Violence, menaces, et craintes
La personne qui donne son consentement ne doit pas le faire sous la crainte ou se sentant menacĂ©e de reprĂ©sailles, si elle refuse. Le consentement ne peut ĂȘtre obtenu par l'usage de force physique, ou en contraignant la personne, pour qu'elle dise consentir.
Insister pour avoir une activitĂ© sexuelle peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une pression exercĂ©e sur la personne pour qu'elle donne son consentement. Il faut faire la nuance entre le flirt et la stimulation sexuelle pouvant mener au dĂ©sir d'avoir une activitĂ© sexuelle, et le fait de faire pression sur une personne[34].
Chaque acte sexuel doit ĂȘtre consenti
Une personne peut consentir à avoir une activité sexuelle donnée, mais cela n'implique pas qu'elle accepte implicitement toutes les pratiques sexuelles possibles : « On peut consentir à un baiser, et ne pas consentir à autre chose, par exemple »[35].
Formes de consentement
Pour Muehlenhard et. al. (2016), le consentement est d'abord un sentiment personnel d'ĂȘtre d'accord pour avoir une activitĂ© sexuelle. Ce consentement interne doit ensuite ĂȘtre communiquĂ© Ă autrui. Enfin, ces informations sont interprĂ©tĂ©es par la personne en face, qui en dĂ©duit que le consentement a Ă©tĂ© donnĂ©[36]. Le consentement sexuel peut ĂȘtre donnĂ© de plusieurs maniĂšres, verbalement ou non verbalement, de façon directe ou indirecte[36].
Au Canada, le simple fait de ne rien dire n'Ă©quivaut pas Ă un consentement ; le consentement sexuel doit ĂȘtre exprimĂ© d'une façon ou d'une autre[35]. En gĂ©nĂ©ral, la lĂ©gislation n'impose pas que le consentement sexuel soit exprimĂ© d'une façon prĂ©cise ; il n'a pas besoin d'ĂȘtre Ă©crit ou donnĂ© verbalement, mais il doit ĂȘtre clairement exprimĂ©[37]. Ainsi, il n'est pas nĂ©cessaire, de rĂ©sister physiquement pour ne pas consentir Ă une activitĂ© sexuelle : l'absence d'accord suffit, que ce soit en parole ou en gestes[37].
LĂ©gislations
Pour qu'un consentement soit valide, la personne qui le donne doit pouvoir faire et exprimer un choix libre et éclairé [37].
Au niveau europĂ©en, cette notion de consentement est prĂ©vue dans la Convention d'Istanbul, qui donne une interprĂ©tation similaire : « Le consentement doit ĂȘtre donnĂ© volontairement comme rĂ©sultat de la volontĂ© libre de la personne considĂ©rĂ©e dans le contexte des circonstances environnantes ».
Canada
Plusieurs dispositions du Code criminel canadien traitent de la notion de consentement (art. 150.1(1), 153.1(2), 265(3), 273.1 et 273.2)[38].
France
Contrairement Ă ses obligations aprĂšs la ratification de la Convention d'Istanbul, le France ne respecte pas ses engagements internationaux[39].
En effet, la loi française ne dĂ©finit pas le consentement sexuel, cette notion est d'ailleurs absente du code pĂ©nal, mĂȘme si elle constamment invoquĂ©e dans les jugements[40]. Les agressions sexuelles ou les viols sont caractĂ©risĂ©s en droit uniquement par l'existence de violence, contrainte, menace ou surprise. Encore faut-il toutefois, que l'accusĂ© ait eu conscience de son agression. Ainsi, en premiĂšre instance, dans l'affaire Darmanin oĂč celui-ci consent Ă aider Sophie Patterson, une ancienne militante de l'UMP en Ă©change de relations sexuelles, le juge d'instruction Ă©crit : « Le dĂ©faut de consentement ne suffit pas Ă caractĂ©riser le viol. Encore faut-il que le mis en cause ait eu conscience d'imposer un acte sexuel par violence, menace, contrainte ou surprise »[41].
Cependant des juristes et associations demandent l'inscription de ce terme de consentement dans la loi, à défaut d'une révision de la notion de contrainte, pour pouvoir mieux traiter les affaires judiciaires d'agressions sexuelles[40].
Concernant les mineurs, la loi française ne dĂ©finit donc pas directement un Ăąge du consentement sexuel. Celui-ci se dĂ©duit de la jurisprudence pour les relations sexuelles entre mineurs de 15 ans. Celle-ci a Ă©tĂ© amenĂ©e Ă reconnaitre l'existence de consentement dans le cas d'un enfant de cinq ans. Pour les relations sexuelles entre un adulte et un mineur, dans les cas oĂč le mineur a moins de 15 ans, ou que la diffĂ©rence d'Ăąge est de plus de cinq ans, ou que le mineur a moins de 18 ans si c'est un inceste, la loi caractĂ©rise depuis 2021 cette relation d'agression sexuelle, voir de viol[42] - [43].
Avant 2021, les relations sexuelles entre un adulte et un mineur de 15 ans Ă©taient qualifiĂ©s d'atteinte sexuelle sur mineur, mais pas forcĂ©ment d'agression sexuelle, car il fallait pour cela prouver que l'acte Ă©tait la consĂ©quence d'une coercition. C'est ainsi qu'en 2017, un homme (ĂągĂ© de 22 ans au moment des faits, en aoĂ»t 2009), accusĂ© du viol d'une fille de 11 ans, est acquittĂ© par la cour d'assises de Seine-et-Marne, cette derniĂšre ayant considĂ©rĂ© qu'il s'agissait d'une relation consentie[44]. Quelques semaines auparavant, le parquet de Pontoise poursuit non pour viol mais pour atteinte sexuelle un homme de 28 ans qui a une relation sexuelle avec une enfant (elle aussi), ĂągĂ©e de 11 ans, l'enquĂȘte ayant conclu qu'il n'y avait pas eu de contrainte physique sur la mineure et que la relation Ă©tait consentie[45]. Ces deux dĂ©cisions qui ont suscitĂ© de vives polĂ©miques et contestations, interviennent alors que le gouvernement envisageait, un temps, de lĂ©gifĂ©rer sur l'Ă©tablissement d'un seuil de non-consentement sexuel (en dessous duquel un enfant serait systĂ©matiquement considĂ©rĂ© comme non consentant Ă l'acte sexuel), pour finalement renoncer au grand dam des associations, aprĂšs que le Conseil dâĂtat a formulĂ© des rĂ©serves sur le texte[46] - [47].
De plus, aussi bien en ce qui concerne les agressions sexuelles que les viols, l'absence de consentement se dĂ©duit juridiquement uniquement de la preuve de « violence, contrainte, menace ou surprise ». Autrement dit, il est nĂ©cessaire d'apporter la preuve de l'un de ces Ă©lĂ©ments et d'un manque de consentement manifeste et constant. Un simple refus n'est pas suffisant, et la Cour de Cassation est trĂšs attachĂ©e Ă ces Ă©lĂ©ments. Elle a ainsi cassĂ© la dĂ©cision d'une Cour d'appel qui avait jugĂ© un homme coupable d'agression sexuelle, dans une affaire oĂč la plaignante, aprĂšs avoir subi des violences, avait fini par cĂ©der. Face aux motifs de la Cour d'appel selon lesquels « le dĂ©lit dâagression sexuelle est bien constituĂ© en tous ses Ă©lĂ©ments puisque le prĂ©venu ayant employĂ© Ă lâĂ©gard de sa victime des violences physiques (âŠ) ne pouvait pas ne pas se rendre compte que sa partenaire nâĂ©tait pas tout Ă fait consentante. » la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassĂ© lâarrĂȘt en jugeant « quâen se prononçant ainsi, alors que lâabsence totale de consentement de la victime, Ă©lĂ©ment constitutif de lâagression sexuelle, doit ĂȘtre caractĂ©risĂ©e pour que lâinfraction soit constituĂ©e, la cour dâappel nâa pas donnĂ© de base lĂ©gale Ă sa dĂ©cision. » « Sans sâinterroger sur la validitĂ© dâun Ă©ventuel (moment de) consentement donnĂ© aprĂšs des actes de violence qui sont pourtant citĂ©s explicitement. » comme l'analyse l'auteure de l'article rapportant ce cas[48].
Un autre cas s'est soldĂ© par un classement sans suite, les policiers chargĂ©s d'enquĂȘter, devant un homme dĂ©clarant « Elle aurait Ă©tĂ© vraiment claire, je ne lâaurais pas fait mais elle a dit non je ne veux pas » concluent que « LâenquĂȘte effectuĂ©e nâa pas permis de dĂ©couvrir dâĂ©lĂ©ments probants susceptibles de dĂ©montrer que le mis en cause aurait pu percevoir le refus dâune relation sexuelle de la part de la victime, rendant ainsi la dĂ©monstration dâun viol impossible, chacune des deux auditions des protagonistes laissant subsister un doute sĂ©rieux sur lâopposition ferme de la victime »[49].
Les dĂ©bats sont relancĂ©s Ă l'occasion de l'affaire Duhamel. La loi du 21 avril 2021 fixe un Ăąge de 15 ans en dessous duquel il ne peut y avoir consentement avec un adulte Ă partir du moment oĂč la diffĂ©rence d'Ăąge dĂ©passe cinq ans (clause dite "RomĂ©o et Juliette"). Cet Ăąge passe Ă 18 ans en cas d'inceste[50]. Il s'agit d'un Ăąge de « non-consentement » vis-Ă -vis d'adultes, qui ne s'oppose pas Ă ce qu'un mineur plus jeune que cet Ăąge ait des relations librement consenties avec un autre mineur[51].
Le juriste Delors Germain prĂ©cise qu'en droit pĂ©nal français (depuis 2021 et pour les relations entre adultes et mineurs), « le principe qui prĂ©side [âŠ] est celui de l'indiffĂ©rence au consentement de la victime »[42].
Suisse
En Suisse, la notion de consentement n'est pas prĂ©vue par la loi, et n'intervient qu'Ă la marge et sous l'angle indirect de l'examen des intentions des auteurs de viol, si la contrainte a pu ĂȘtre prĂ©alablement prouvĂ©e[52].
En 2021, dans une affaire de réduction de la peine infligée à l'auteur d'un viol, la Présidente de la Cour d'appel a motivé oralement sa décision par l'attitude supposée ambiguë de la victime qui avait accepté de se faire raccompagner devant chez elle, et aurait ainsi « joué avec le feu » (l'autre motif avancé étant la faible durée du viol)[53]. Cette affaire intervenant alors que le droit pénal sur le viol était en en cours de révision, a provoqué une intense polémique[54].
Belgique
En Belgique, la majoritĂ© sexuelle est fixĂ©e Ă 16 ans, c'est-Ă -dire qu'Ă partir de cet Ăąge, un mineur peut avoir lĂ©galement des relations sexuelles et est prĂ©sumĂ© y consentir. Jusqu'Ă la rĂ©forme du code pĂ©nal en mars 2022, selon l'article 375 du Code pĂ©nal, avoir des relations sexuelles avec une personne de moins de 14 ans est prĂ©sumĂ© constituer un viol, quâil y ait ou non consentement ; entre 14 et 16 ans, il existe un flou juridique, et si la victime est consentante, on ne parle plus de viol, mais dâattentat Ă la pudeur[55]. Ă compter de mars 2022, toute relation sexuelle dâun majeur avec un jeune entre 14 et 16 ans est au plan lĂ©gal considĂ©rĂ©e comme un viol, sauf si lâĂ©cart dâĂąge entre les deux jeunes nâest pas supĂ©rieur Ă trois ans, et l'absence de consentement en dessous de 14 ans est irrĂ©fragable, tout comme l'absence de consentement en dessous de 16 ans s'il y a plus de trois ans d'Ă©cart entre les partenaires, ce qui fait peser le risque de condamnations automatiques Ă la demande des parents pour des relations entre des adolescents de 15 et 19 ans par exemple. La loi prĂ©cise que le consentement ne saurait ĂȘtre par dĂ©faut, et que l'absence de rĂ©action ne vaut pas consentement[56].
Espagne
L'Ăąge minimum pour le consentement sexuel en Espagne est de 13 ans, un des plus bas d'Europe (aprĂšs le Vatican, qui est de 12 ans)[57].
Le 26 mai 2022, la loi de garantie intĂ©grale de la libertĂ© sexuelle est adoptĂ©e par le congrĂšs des dĂ©putĂ©s espagnols. Elle place le consentement au cĆur de la dĂ©finition d'une relation sexuelle : en l'absence d'un consentement libre et explicite, la relation sexuelle est considĂ©rĂ©e comme un viol[58]. SurnommĂ©e « loi du seulement un oui est un oui », cette loi portĂ©e par les mouvements fĂ©ministes et la ministre de l'ĂgalitĂ©, Irene Montero, marque un changement de paradigme important et fait de l'Espagne l'un des pays d'Europe ayant la lĂ©gislation la plus avancĂ©e en la matiĂšre[59].
Références
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- G. Fraisse, Du consentement, Paris, Seuil, 2017, p. 16.
- « [:fr]Le consentement[:en]Consent[:es]El consentimiento sexual[:] », sur Agression Estrie CALACS (consulté le )
- Lâarticle 1128 du Code civil pose trois conditions de validitĂ© du contrat, dont le consentement des parties.
- Lâarticle 16-3 du Code civil se rĂ©fĂšre Ă la nĂ©cessitĂ© dâobtenir un consentement libre et Ă©clairĂ© du patient.
- A. Burguiere, « La famille comme enjeux politique (de la Révolution au Code civil) », Droit et société, 1990, n° 14, p. 26.
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- Voir J.-J. ROUSSEAU, Emile ou de lâEducation, Garnier, Paros, 1762, p. 448 : « la nature a pourvu le plus faible dâautant de force quâil en faut pour rĂ©sister quand il lui plaĂźt ».
- G. Vigarello, Histoire du viol XVI-XXe siĂšcle, Paris, Seuil, 1998, p. 24.
- Voir en ce sens lâarticle 212 et 213 du Code civil de 1804.
- Cour de Cassation, chambre criminelle, 21 novembre 1839, in LEDRU-ROLLIN A., Journal du palais : prĂ©sentant la jurisprudence de la Cour de cassation, de la cour dâappel de Paris et des dĂ©partements, Paris, Guiraudet,1839.
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Voir aussi
Bibliographie
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- Clotilde Leguil, CĂ©der n'est pas consentir : une approche clinique et politique du consentement, Paris, PUF, , 218 p. (ISBN 978-2-13-082920-1).