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Soumission chimique

Le terme drogue du viol (parfois « drogue de viol » ou « drogue du violeur ») dĂ©signe les produits psychotropes utilisĂ©s pour modifier l'Ă©tat de conscience d'une personne afin d'ensuite abuser d'elle (agressions sexuelles, viols, vols, violences). Ce procĂ©dĂ© criminel serait souvent utilisĂ© dans les cas de « viols commis par une connaissance » (acquaintance (date) rape en anglais). Cet usage se rencontre dans divers milieux (bars, rave party, free party, fĂȘtes Ă©tudiantes, soirĂ©es, boĂźtes de nuit, etc.). Un verre hermĂ©tiquement fermĂ© une fois servi a Ă©tĂ© proposĂ© pour empĂȘcher un Ă©ventuel ajout de drogue[1]. Cet usage, criminel, est en France Ă©galement surveillĂ© depuis quelques annĂ©es dans le cadre du dispositif d'addictovigilance[2].

ÉlĂ©ments de dĂ©finition juridique

Cette pratique (utilisation de drogue du viol) est l'une des formes de soumission chimique, qui en droit français est une infraction dĂ©finies par le Code pĂ©nal comme « administration volontaire de substance nuisible portant atteinte Ă  l’intĂ©gritĂ© physique ou psychique d’autrui »[3], et qui relĂšve donc aussi de la mĂ©decine lĂ©gale.

Du point de vue de l'Agence nationale de sĂ©curitĂ© du mĂ©dicament et des produits de santĂ© (ANSM), la soumission chimique est « La soumission chimique (SC) est l’administration Ă  des fins criminelles (viols, actes de pĂ©dophilie) ou dĂ©lictuelles (violences volontaires, vols) de substances psychoactives (SPA) Ă  l’insu de la victime ou sous la menace.
Les cas ne rĂ©pondant pas Ă  cette dĂ©finition entrent dans la catĂ©gorie « vulnĂ©rabilitĂ© chimique » qui dĂ©signe l’état de fragilitĂ© d’une personne induit par la consommation volontaire de SPA la rendant plus vulnĂ©rable Ă  un acte dĂ©lictuel ou criminel. On note les vulnĂ©rabilitĂ©s par consommation de substances non mĂ©dicamenteuses (SNM), substances mĂ©dicamenteuses (SM) ou les deux Ă  la fois (SM + SNM). »
[2].

Ces produits sont parfois aussi qualifiés de « drogue des prédateurs » ou de « drogue du cambriolage sexuel parfait »[4].

Fréquence

L'ampleur de ce phĂ©nomĂšne est difficilement Ă©valuable car les victimes faute de certitude ou par honte peuvent ĂȘtre rebutĂ©es par le dĂ©pĂŽt de plainte, le passage aux urgences ou une consultation en unitĂ© mĂ©dico-judiciaire.

Une enquĂȘte sur la soumission chimique faite en 2019 en France a listĂ© 53 victimes de 2 Ă  86 ans (mĂ©diane : 24 ans).

Onze des victimes étaient mineures au moment des faits (neuf étaient des enfants ou adolescents de moins de 15 ans), avec une prédominance féminine (66 %/35 cas).
Les victimes de plus de 12 ans avaient volontairement consommĂ© de l’alcool (dans 62 % des cas) et/ou du cannabis (11 % des cas).
52 % des victimes (22 sur 42 victimes ùgées de plus de 10 ans) ont décrit une amnésie sélective.

Historique

Ces termes sont apparus au milieu des années 1990 pour désigner, parfois de maniÚre alarmiste et sensationnaliste, le GHB alias Fantasy puis d'autres drogues, mais d'autres produits psychotropes plus communs ont antérieurement été utilisés dans ce but, l'alcool et/ou le cannabis notamment.

En 2021 apparaßt sur les réseaux sociaux le hashtag #BalanceTonBar[5], lancé en Belgique par Maïté Meeûs[6].

Produits utilisés

La substance psychotrope de loin la plus couramment utilisée comme drogue du viol est l'alcool.

Les autres substances appartiennent aux classes des dépresseurs, des sédatifs et des hypnotiques notamment le flunitrazépam (plus connu sous l'appellation commerciale « Rohypnol »[7]), le Zolpidem[8], la kétamine ou encore la scopolamine.

La plupart des produits utilisés à ces fins ont certains points communs :

  • ils sont solubles dans les liquides, inodores, incolores et insipides ;
  • leur prix est gĂ©nĂ©ralement bas comparĂ© Ă  celui d'autres drogues ;
  • ils induisent une levĂ©e des inhibitions, puis l'entrĂ©e dans un Ă©tat passif, voire soumis, de la victime. Ensuite, la victime rentre dans un Ă©tat confusionnel, voire amnĂ©sique, elle se rĂ©veille alors dans un environnement, ou une situation, avec un sentiment laissant supposer une agression mais elle est incapable de s'en souvenir. Le dernier souvenir de la victime Ă©tant gĂ©nĂ©ralement la consommation d'une boisson.

But

Selon l'enquĂȘte 2019 (France), les buts mis en Ă©vidence dans les cas dĂ©crits par des analyses et une enquĂȘte Ă©taient :

  • l'agression sexuelle (AS) : seule (54,7 % ; 29 cas), ou accompagnĂ©e d'un vol (1,9 % ; un cas)[2] ;
  • le vol (13,2 % ; sept cas)[2] ;
  • une sĂ©dation (20,7 % ; onze cas, dont deux dans un but homicide)[2] ;
  • une tentative de soumission chimique (9,4 %/cinq cas)[2].

Les agressions liées à ces usage comportent toujours un élément caché de coercition, puisque la victime n'est pas en mesure de donner son consentement ou peut avoir perdu conscience sous l'effet de la ou des substance(s) psychotrope(s).

Détection et médecine légale

Des techniques existent pour dĂ©tecter voire pour dater ces substances dans le corps humain, aussi tĂŽt que possible aprĂšs les faits ou la suspicion de soumission chimique ; outre un Ă©chantillon d'urine, un tube de sang est recueilli sur EDTA (pour Ă©viter la formation in vitro de GHB), et un autre sur fluorure et ces produits sont conservĂ©s et transportĂ©s conformĂ©ment aux bonnes pratiques d'expertises post mortem et l'analyse d'Ă©ventuels vĂȘtements ou objets souillĂ©s par des restes de vomissement peut ĂȘtre un « excellent complĂ©ment »[9]. Certains produits peuvent ĂȘtre retrouvĂ©s sur ou dans le cheveux, dĂ©posĂ©s par la sueur[10], jusqu'Ă  plusieurs mois aprĂšs l'ingestion (surtout si les cheveux n'ont pas Ă©tĂ© lavĂ©s) grĂące aux analyses capillaires[11], mais « la littĂ©rature a mis en avant les risques de dĂ©gradation des cheveux par l’environnement (UV, eau de mer) ou les traitements cosmĂ©tiques, il est illusoire de vouloir rechercher aprĂšs plus de quatre Ă  six mois une exposition unique. »[9]. Dans l'idĂ©al, trois mĂšches de cheveux sont prĂ©levĂ©es avant six semaines, en vertex postĂ©rieur et une quatriĂšme en prĂ©vision d'une Ă©ventuelle contre-expertise ; elles sont conservĂ©es Ă  tempĂ©rature ambiante, au sec et Ă  l’abri de la lumiĂšre.

Les cas démontrés le sont généralement grùce à des analyses chimiques (et/ou autres types de preuves) apportées par :

  • des laboratoires d’analyses toxicologiques experts mĂ©dico-judicaires (434 cas (65,7 % du total) en France en 2019)[2] ;
  • des services d'urgences mĂ©dico-judiciaires et/ou des services de mĂ©decine lĂ©gale dans 206 cas (31,1 %) en France en 2019)[2] ;
  • d'autres sources mĂ©dicales et/ou judiciaire (enquĂȘtes de police
) dans 21 cas (3,2 %) en France en 2019)[2].

Les souvenirs et le type de réveil décrits par la victime (ou des proches, un personnel médical
) seront des indices essentiels pour les investigations : Le type et la durée d'effets léthargiques et amnésiants (effet souvent cité), la qualité du réveil renseigneront les experts (ex. : sous GHB, la durée de sédation ne dépasse pas quelques heures, souvent moins de trois heures (selon la dose ingérée) et le réveil est rapidement complet et clair[12] - [13] - [14]. Inversement les sédatifs induisent une somnolence prolongée (selon la demi-vie du produit) et un réveil est difficile avec de fréquents ré-endormissement(s). Le GHB induit souvent des vomissements[15] - [16], mais pas les antihistaminiques H1[17]. Les anticholinergiques laissent une sensation de sécheresse marquée de la bouche[18].

Notes et références

  1. « lci.tf1.fr/france/2005-10/verr
 »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?).
  2. ANSM, Plaquette Addictovigilance : Soumission chimique ; rĂ©sultats de l'enquĂȘte 2019 [PDF] (consultĂ© le 24 juin 2022).
  3. « Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance », sur legifrance.gouv.fr (consulté le ).
  4. Michel Hautefeuille et Dan Véléa, Les drogues de synthÚse, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », (ISBN 2-13-052059-6).
  5. https://www.midilibre.fr/2021/11/11/balancetonbar-a-montpellier-les-temoignages-de-femmes-victimes-dagressions-sexuelles-se-multiplient-9921590.php
  6. Camille Vernin, « Maïté Meeus, fondatrice de #BalanceTonBar, remporte le Prix Amnesty Jeunes des droits humains », sur ELLE.be, (consulté le ).
  7. « Les drogues du viol », sur Sûreté du Québec (consulté le )
  8. Drogue et viol avec e-sante.fr - page 1
  9. Pascal Kintz, « Soumission chimique : stop aux contre-vĂ©ritĂ©s », Toxicologie Analytique et Clinique, vol. 34, no 3,‎ , p. 133–135 (DOI 10.1016/j.toxac.2022.06.317, lire en ligne, consultĂ© le )
  10. Pascal Kintz, « A Novel Approach to Document Single Exposure to GHB: Hair Analysis After Sweat Contamination: Table I. », Journal of Analytical Toxicology, vol. 40, no 7,‎ , p. 563–564 (ISSN 0146-4760 et 1945-2403, DOI 10.1093/jat/bkw052, lire en ligne, consultĂ© le )
  11. « Analyse de cheveux », sur labochemtox.com (consulté le ).
  12. D. Pardi et J. Black (2006), Gamma-hydroxybutyrate/sodium oxybate: neurobiology, and impact on sleep and wakefulness CNS Drugs, 20, p. 993-1018.
  13. M. Mamelak, J.M. Escriu et O. Stokan (1977), The effects of gamma-hydroxybutyrate on sleep, Biol. Psychiatry, 12, p. 273-288.
  14. M. Mamelak, J.M. Escriu et O. Stokan, « Sleep-Indiucing effects of gammahydroxybutyrate », The Lancet, vol. 302, no 7824,‎ , p. 328–329 (ISSN 0140-6736, DOI 10.1016/s0140-6736(73)90839-8, lire en ligne, consultĂ© le )
  15. Lidwien P.F.M. van Helmond et Femke M.J. Gresnigt, « Safety of withholding intubation in gamma-hydroxybutyrate- and gamma-butyrolactone-intoxicated coma patients in the emergency department », European Journal of Emergency Medicine, vol. 27, no 3,‎ , p. 223–227 (ISSN 0969-9546, DOI 10.1097/mej.0000000000000649, lire en ligne, consultĂ© le )
  16. Matthias E. Liechti, Isabelle Kunz, Peter Greminger et Rudolf Speich, « Clinical features of gamma-hydroxybutyrate and gamma-butyrolactone toxicity and concomitant drug and alcohol use », Drug and Alcohol Dependence, vol. 81, no 3,‎ , p. 323–326 (ISSN 0376-8716, DOI 10.1016/j.drugalcdep.2005.07.010, lire en ligne, consultĂ© le )
  17. A.L. Kovac, « Prevention and Treatment of Postoperative Nausea and Vomiting », Antiemetic Therapy, Karger,‎ , p. 121–160 (lire en ligne, consultĂ© le )
  18. « Structure and ClassiïŹcation of H1-Antihistamines and Overview of Their Activities », dans Histamine and H1-Antihistamines in Allergic Disease, CRC Press,‎ , 81–116 p. (ISBN 9780429222481, lire en ligne).

Voir aussi

Articles connexes

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