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Der Spiegel

Der Spiegel /deːɐ ˈʃpiːɥ(ə)l/[1] (litt. « Le Miroir » en allemand) est un magazine allemand d'investigation crĂ©Ă© par Rudolf Augstein en 1946-1947, est considĂ©rĂ© comme le « pionnier des enquĂȘtes d'investigation » dans son pays[2] et comme la « sentinelle de la dĂ©mocratie » ou comme « l'artilleur de la dĂ©mocratie ».

Image illustrative de l’article Der Spiegel

Pays Drapeau de l'Allemagne Allemagne
Langue Allemand
Périodicité Hebdomadaire
Genre Généraliste
Diffusion 1 076 000 ex.
Date de fondation 1950
Ville d’édition Hambourg

RĂ©dacteur en chef Steffen Klusmann
ISSN 0038-7452
Site web Der Spiegel
Le siĂšge de l'hebdomadaire Ă  Hambourg.

C'est le plus lu (devant Stern) et le plus influent des hebdomadaires d'information du pays.

Ligne Ă©ditoriale

Der Spiegel est un grand magazine gĂ©nĂ©raliste d’information et d’analyse, de tendance centre-gauche, progressiste et libĂ©rale. À l'Ă©poque de sa crĂ©ation, la maquette du Spiegel ainsi que sa ligne Ă©ditoriale sont conçues sur le modĂšle des titres amĂ©ricains Time et Newsweek. Sur le plan du contenu, Der Spiegel se distingue par la publication d’enquĂȘtes trĂšs fouillĂ©es, parfois explosives. Sur le plan du style, il a su adopter une façon plaisante d'aborder les sujets politiques et Ă©conomiques : s'inspirant du Nouveau Journalisme initiĂ© par l"AmĂ©ricain Tom Wolfe, il les « raconte » souvent comme des histoires. Il sĂ©duit ainsi un vaste lectorat et de nombreux publicitaires. Un numĂ©ro compte environ 200 pages avec un ratio contenu/publicitĂ© de 2 pour 1.

Les magazines français Le Point et L'Express sont influencés, au niveau de la forme, par le Spiegel.

Ses principaux concurrents allemands sont Stern, au tirage quasi équivalent mais considéré généralement comme « moins rigoureux », et dans une moindre mesure, Die Zeit et Focus, aux lectorats moins importants[3].

Historique

L'ancien siĂšge du Spiegel.

Création du magazine

À l’initiative de l’occupant britannique, un nouvel hebdomadaire, Diese Woche (Cette Semaine), voit le jour pour quelques numĂ©ros en novembre 1946. Mais Ă  la suite d'un dĂ©saccord avec les Britanniques, le principal Ă©diteur allemand, Rudolf Augstein, rĂ©cupĂšre le magazine et lui donne le nom de Der Spiegel. La premiĂšre Ă©dition est publiĂ©e le samedi Ă  Hanovre. Augstein cumule alors les fonctions d’éditeur du magazine et de rĂ©dacteur en chef, qu'il conservera jusqu’à sa mort le .

AprĂšs 1950, le magazine est la propriĂ©tĂ© conjointe de Rudolf Augstein et John Jahr, puis de Rudolf Augstein et Richard Gruner (1962). En 1969, Augstein rachĂšte les parts de Gruner pour 42 millions de deutsche mark et en devient ainsi l’unique propriĂ©taire. Cette situation ne dure pas puisque Gruner et Jahr rachĂštent 25 % du titre en 1971.

En 1974, Augstein restructure le journal et propose aux employĂ©s d’en devenir actionnaires.

En 1952, le magazine quitte Hanovre pour s’installer dans son propre bñtiment au cƓur du vieil Hambourg.

DĂ©veloppement

La progression de la diffusion du Spiegel est rapide. En 1947, le magazine tire Ă  15 000 exemplaires. Ce tirage monte Ă  65 000 en 1948, puis Ă  437 000 en 1961. Dans les annĂ©es 1970, il atteint un plateau de 900 000 exemplaires. La barriĂšre du million de lecteurs est franchie en 1990, probablement en raison de l’arrivĂ©e de nouveaux lecteurs de l’Allemagne de l’Est Ă  la suite de la rĂ©unification. Depuis, son lectorat subit un sensible attrition : au 4e trimestre 2016, son tirage payĂ© est de 777 877 exemplaires[3]. Son concurrent Stern, avec 673 184 exemplaires, subit la mĂȘme Ă©rosion. CrĂ©Ă© en 1993, Focus (plus marquĂ© Ă  droite), aprĂšs avoir connu une progression rapide, voit Ă©galement la courbe de ses ventes redescendre au-dessous de la barre des 500 000 exemplaires[3].

La puissance du magazine repose sur deux piliers. Le premier est l’autoritĂ© morale qu'il s'est forgĂ©e dĂšs les premiĂšres annĂ©es, grĂące Ă  la pratique d'un journalisme d’investigation exigent, confirmĂ©e, dans les annĂ©es 1980, par la publication de nombreux scoops. Cette exigence Ă©ditoriale sĂ©duit un lectorat Ă©duquĂ©, au pouvoir d'achat supĂ©rieur Ă  la moyenne, d'oĂč son attractivitĂ© pour la publicitĂ©. Ceci contribue grandement Ă  la bonne santĂ© financiĂšre du magazine, second pilier sur lequel il s’appuie. Cette prospĂ©ritĂ© est renforcĂ©e par la puissance de sa maison d’édition. Le Groupe Spiegel en effet s’est beaucoup diversifiĂ© : production de magazines de programmes de tĂ©lĂ©vision (depuis 1988), publication du mensuel Manager Magazin (de), Ă©dition de quatre hors-sĂ©ries annuels.

Affaire du Spiegel

Der Spiegel a une longue tradition d’investigation, notamment sur les mƓurs politiques allemandes, il s'auto-qualifie de SturmgeschĂŒtz der Demokratie (« artilleur de la dĂ©mocratie »).

Au dĂ©but des annĂ©es 1950, Ă  la suite d'une accusation portĂ©e par Der Spiegel, le Bundestag (parlement allemand) se voit contraint de lancer une enquĂȘte sur la corruption de ses membres lors du choix de Bonn (prĂ©fĂ©rĂ© Ă  Francfort) comme siĂšge du gouvernement fĂ©dĂ©ral.

Cette affaire cimente l'image de « sentinelle de la dĂ©mocratie » du magazine. Il reprĂ©sente pour l'Allemagne de l'Ă©poque un nouveau type de presse, investigatrice et affranchie du pouvoir. Il rompt nettement avec le traditionnel « Verlautbarungsjournalismus » (« journalisme de communiquĂ©s ») qui se contente de reprendre et de commenter les dĂ©pĂȘches des agences de presse. Pour autant, le magazine ne se fixe pas pour but de changer de rĂ©gime, ni de sociĂ©tĂ©, mais de les moraliser en n’hĂ©sitant jamais Ă  « faire tomber » des politiques coupables de malversations, d'incompĂ©tence ou d'abus de pouvoir.

Ainsi en 1962, il publie un article sur l'imprĂ©paration des forces armĂ©es allemandes. Le ministre de la DĂ©fense, Franz Josef Strauß, cĂ©lĂšbre figure de la droite de l’époque, lance alors une enquĂȘte sur le Spiegel. Les bureaux du magazine et celui de Augstein sont saccagĂ©s par la police et plusieurs journalistes sont arrĂȘtĂ©s pour haute trahison. Le chancelier, Konrad Adenauer, parle de « Abgrund von Landesverrat » (« abysses de trahison »). Strauß, bien qu’il n’ait aucune autoritĂ© lĂ©gale pour cela, procĂšde Ă  l’arrestation de l’auteur de l’article, Conrad Ahlers, pendant ses vacances, sur le sol espagnol. Cette « arrestation » constitue une violation du territoire et de la lĂ©gislation d'un pays souverain, et donc un enlĂšvement. La dĂ©nonciation de ces procĂ©dures sans base lĂ©gale Ă©branle le gouvernement d'Adenauer et Strauß est contraint Ă  la dĂ©mission.

Depuis, Der Spiegel, perçu comme un bastion de la liberté de la presse, continue à jouer un rÎle trÚs important dans de nombreux scandales, notamment politiques.

Autres affaires

En 1977, le magazine publie en couverture une photo d'une jeune fille nue ĂągĂ©e de onze ans — Eva Ionesco, fille de la photographe française Irina Ionesco — pour illustrer un dossier sur le « commerce des lolitas »[4]. En 2013, le Spiegel fait son mea culpa Ă  ce propos et plus gĂ©nĂ©ralement sur l'idĂ©ologie de l'Ă©poque ; le magazine reconnaĂźt ainsi que « les principaux mĂ©dias de la RĂ©publique ont contribuĂ© Ă  banaliser la pĂ©dophilie dans les annĂ©es de la rĂ©volution sexuelle »[5].

En 2006, Der Spiegel a publiĂ© un article sur l'aryanisation de trois propriĂ©tĂ©s qui avaient appartenu Ă  des propriĂ©taires juifs et qui Ă©taient dĂ©tenues par la dynastie d'Ă©diteurs Dumont Schauberg[6]. Dumont a exigĂ© avec succĂšs que "Der Spiegel" retire les allĂ©gations de l'article KlĂŒngeln im Krieg, affirmant que l'allĂ©gation selon laquelle la famille d'Ă©diteurs DuMont avait profitĂ© de « l'aryanisation » pendant l'Ăšre nazie Ă©tait fausse. Neven-Dumont a soulignĂ© que Gabriele Neven DuMont a achetĂ© le terrain le 23 mars 1941, trois ans aprĂšs que le groupe Gerling a acquis le terrain de la famille juive Brandenstein, en payant 255 000 RM, cinq fois le montant que Gerling avait payĂ© en 1938[7].

En dĂ©cembre 2018, le magazine rĂ©vĂšle qu'un de ses collaborateur les plus connus, Claas Relotius, falsifie ses articles depuis plusieurs annĂ©es[8] - [9]. Ce journaliste avait Ă©tĂ© rĂ©compensĂ© Ă  de nombreuses reprises[10]. Reconnaissant que cette affaire est « un des moments les plus difficiles de [ses] 70 ans d’histoire », le magazine prĂ©sente ses excuses Ă  ses lecteurs[11]. L'hebdomadaire assure tirer les leçons de cette crise en rĂ©organisant ses « procĂ©dures de sĂ©curisation » et dĂ©finissant un « nouvel ensemble de rĂšgles journalistiques » selon les recommandations formulĂ©es par les membres de la commission d’enquĂȘte Ă  la fin de leur rapport[12].

Critiques

Une des principales critiques faites au Spiegel concerne la langue utilisée par le magazine. Il est en effet connu pour avoir développé son propre jargon journalistique, généré notamment par son ton souvent sardonique. Wolf Schneider, éminent journaliste et linguiste, utilise les citations du magazine comme exemples de mauvais style allemand.

En 1957 l’écrivain Hans Magnus Enzensberger publie son essai Die Sprache des Spiegels (La Langue du Spiegel) dans lequel il critique ce qu’il nomme sa « feinte objectivitĂ© ».

Pour contrer cette image négative, Der Spiegel tente de se poser en gardien de la langue en inaugurant en mai 2003 la rubrique Zwiebelfisch sur son site Web. Ces chroniques sont rassemblées en volumes qui font un gros succÚs de librairie.

Certains critiques, en particulier le biographe d’Augstein et l’écrivain Otto Köhler, ancienne plume du magazine, ont fait Ă©tat de liens entre le Spiegel et d’anciens nazis (officiers SS notamment).

Certains politiques, de droite comme de gauche, n’ont pas cachĂ© leur aversion pour le magazine : le chrĂ©tien-dĂ©mocrate Franz Josef Strauß le surnommait « la Gestapo de notre temps » et le social-dĂ©mocrate Willy Brandt le qualifiait de Scheißblatt (littĂ©ralement « feuille de merde »).

Spiegel Online

Le magazine en ligne Spiegel Online, plus connu sous l'acronyme SPON, apparaĂźt en 1994. D’abord accessible aux seuls utilisateurs de CompuServe, le site web est lancĂ© environ six mois plus tard. Il devient rapidement le magazine en ligne le plus consultĂ© en Allemagne. Avec 5,8 millions de visiteurs uniques par mois, il surclasse le site du quotidien Bild et celui de Focus (chiffres de 2009)[13].

Le contenu, produit par une rĂ©daction spĂ©cifique au site, est complĂ©tĂ© par des informations issues d’autres agences de presse. Le site propose une sĂ©lection d’articles gratuits et le tĂ©lĂ©chargement payant du magazine au format PDF.

Le , une version internationale en anglais, Spiegel International, a été lancée.

Liste des rédacteurs en chef

  • 1962–1968 : Claus Jacobi
  • 1968–1973 : GĂŒnter Gaus
  • 1973–1986 : Erich Böhme et Johannes K. Engel
  • 1986–1989 : Erich Böhme et Werner Funk
  • 1989–1994 : Hans Werner Kilz et Wolfgang Kaden
  • 1994–2008 : Stefan Aust
  • 2008–2013 : Mathias MĂŒller von Blumencron et Georg Mascolo
  • 2013– : Wolfgang BĂŒchner

Notes et références

  1. Prononciation en haut allemand standardisé retranscrite selon la norme API.
  2. "Allemagne : le journaliste vedette du Spiegel falsifiait ses articles", par Salomé Hénon-Cohin le sur Europe1
  3. « Tirage payé des magazines d'actualités Der Spiegel, Stern et Focus en Allemagne du 2e trimestre 2015 au 4e trimestre 2016 », sur Statista. Le Portail de Statistiques.
  4. Marion Cocquet, « Photos sulfureuses : l'histoire d'Eva Ionesco de nouveau au tribunal », Le Point, (consulté le ).
  5. Frédéric Lemaßtre, « Pédophilie : Verts de honte en Allemagne », sur Le Monde, (consulté le ).
  6. (en) DWDL de GmbH, « "Spiegel" muss NS-VorwĂŒrfe gegen Neven DuMont widerrufen », sur DWDL.de (consultĂ© le )
  7. « Quellen entkrĂ€ften VorwĂŒrfe | Kölner Stadt-Anzeiger », sur web.archive.org, (consultĂ© le )
  8. Portraits imaginaires, fausses interviews... En Allemagne, un journaliste vedette du Spiegel falsifiait ses articles depuis des années, francetvinfo.fr, .
  9. (en) Kate Connolly, Der Spiegel says top journalist faked stories for years, The Guardian, .
  10. Un journaliste vedette du magazine der spiegel falsifiait ses articles, CNews, .
  11. Thomas Wieder, Claas Relotius, journaliste vedette du « Spiegel » qui falsifiait ses articles, Le Monde, .
  12. Thomas Wieder, « En Allemagne, retour sur le redoutable imposteur qui a piĂ©gĂ© « Der Spiegel » », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  13. « Spiegel Online, le mĂ©dia le plus influent d'Allemagne »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?), sur lesechos.fr, .

Annexes

Article connexe

Liens externes

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