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Présidence de Bill Clinton

La prĂ©sidence de Bill Clinton dĂ©bute le , date de l'investiture de Bill Clinton en tant que 42e prĂ©sident des États-Unis, et prend fin le . Membre du Parti dĂ©mocrate, Clinton entre en fonction aprĂšs avoir remportĂ© l'Ă©lection prĂ©sidentielle de 1992 face au prĂ©sident sortant George H. W. Bush et au milliardaire Ross Perot. Quatre ans plus tard, Clinton dĂ©fait Ă  nouveau Perot et le candidat rĂ©publicain Bob Dole, ce qui lui permet d'ĂȘtre Ă©lu pour un second mandat.

Présidence de Bill Clinton

42e prĂ©sident des États-Unis

Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Le président Bill Clinton en 1994.
Type
Type PrĂ©sident des États-Unis
RĂ©sidence officielle Maison-Blanche, Washington
Élection
SystĂšme Ă©lectoral Grands-Ă©lecteurs
Mode de scrutin Suffrage universel indirect
Élection 1992
1996
DĂ©but du mandat
Fin du mandat
Durée 8 ans
Présidence
Nom Bill Clinton
Date de naissance
Appartenance politique Parti démocrate
Divers
Voir aussi Politique aux États-Unis

Dans le cadre de ces Ă©lections, Clinton se prĂ©sente comme un Nouveau dĂ©mocrate, et le positionnement centriste, ou « troisiĂšme voie », qu'il adopte se ressent dans les dĂ©cisions politiques de son administration. Il est le premier prĂ©sident Ă©lu aprĂšs la fin de la guerre froide et le premier baby boomer Ă  accĂ©der Ă  la prĂ©sidence. Il est Ă©galement le premier prĂ©sident dĂ©mocrate Ă  effectuer deux mandats complets depuis Franklin D. Roosevelt. À la suite de l'Ă©lection prĂ©sidentielle de 2000, le rĂ©publicain George W. Bush lui succĂšde Ă  la Maison-Blanche.

Sous la prĂ©sidence de Clinton, les États-Unis connaissent une pĂ©riode de forte prospĂ©ritĂ© Ă©conomique. Dans les premiers mois de son mandat, Clinton signe l’Omnibus Budget Reconciliation Act of 1993 qui entraĂźne une hausse des impĂŽts et est Ă  l'origine des excĂ©dents budgĂ©taires ultĂ©rieurs. Il obtient Ă©galement la ratification de l'Accord de libre-Ă©change nord-amĂ©ricain, un pacte commercial nĂ©gociĂ© par le prĂ©sident Bush entre les États-Unis, le Mexique et le Canada. Sur le front lĂ©gislatif, le plan d'assurance santĂ© universelle, qui constitue sa rĂ©forme la plus ambitieuse, Ă©choue cependant Ă  obtenir l'approbation du CongrĂšs, le prĂ©sident n'ayant pas rĂ©ussi Ă  mobiliser un soutien parlementaire suffisant Ă  la loi.

En consĂ©quence, le Parti dĂ©mocrate est sĂ©vĂšrement sanctionnĂ© dans les urnes lors des Ă©lections de mi-mandat et les rĂ©publicains prennent le contrĂŽle des deux chambres du CongrĂšs pour la premiĂšre fois depuis les annĂ©es 1950. La « rĂ©volution rĂ©publicaine » de 1994 permet aux rĂ©publicains du CongrĂšs, sous l'impulsion du prĂ©sident de la Chambre des reprĂ©sentants Newt Gingrich, de proposer des mesures conservatrices. Si Clinton fait usage Ă  plusieurs reprises de son droit de veto, il doit Ă©galement ratifier certaines de ces lois comme le Personal Responsibility and Work Opportunity Act. Les dĂ©saccords avec les rĂ©publicains du CongrĂšs conduisent par deux fois Ă  l'arrĂȘt des activitĂ©s gouvernementales dans le pays entre 1995 et 1996. Dans le domaine de la politique Ă©trangĂšre, le premier mandat de Clinton voit des interventions amĂ©ricaines en Somalie, en HaĂŻti et dans les Balkans.

Son second mandat est marqué par les premiers excédents budgétaires fédéraux depuis les années 1960, mais cet événement est en partie éclipsé en 1998 par la mise en accusation du président à la suite d'un scandale sexuel impliquant Clinton et une jeune stagiaire de la Maison-Blanche, Monica Lewinsky. Bien que la Chambre des représentants vote en faveur de la destitution, Clinton est acquitté par le Sénat. En 1997, il signe la loi qui donne naissance au State Children's Health Insurance Program, un programme d'assurance-maladie qui concerne des millions d'enfants américains. En 1999 enfin, il ratifie la loi Gramm-Leach-Bliley qui fusionne les activités des banques de dépÎts avec celles des banques d'investissement.

Sur la scĂšne internationale, le prĂ©sident Clinton ordonne une intense campagne de bombardement dans les Balkans qui dĂ©bouche sur la crĂ©ation d'un protectorat sous mandat des Nations unies au Kosovo. Clinton contribue grandement Ă  Ă©tendre l'influence de l'OTAN dans les anciens pays du bloc de l'Est tout en continuant Ă  entretenir de bonnes relations avec le prĂ©sident russe Boris Eltsine. Il renforce dans le mĂȘme temps les partenariats Ă©conomiques avec certains pays comme la Chine.

Bill Clinton termine son deuxiÚme mandat avec une cote de popularité élevée, bien que son successeur désigné, le vice-président Al Gore, soit défait par Bush à l'élection présidentielle de 2000. Depuis la fin de sa présidence, les historiens et les politologues considÚrent généralement Clinton comme un président supérieur à la moyenne.

Élection prĂ©sidentielle de 1992

La popularité du président George H. W. Bush à la suite des succÚs enregistrés lors de la guerre du Golfe convainquit un certain nombre de leaders démocrates de ne pas se présenter à l'élection présidentielle de 1992. Des figures du parti comme Mario Cuomo ou Dick Gephardt étant hors course, les primaires démocrates mirent en concurrence des candidats relativement inconnus. Parmi eux figuraient l'ancien sénateur Paul Tsongas du Massachusetts, l'ancien gouverneur de la Californie Jerry Brown et le gouverneur de l'Arkansas Bill Clinton, en fonction depuis 1983. Clinton émergea rapidement comme le favori dans la course à l'investiture démocrate dÚs les premiÚres primaires du mois de . Membre fondateur du Democratic Leadership Council, considéré comme centriste, Clinton parvint à surmonter l'opposition de démocrates plus libéraux comme Brown et décrocha la nomination du parti en [1].

Clinton battit le président George H. W. Bush à l'élection présidentielle de 1992.

De son cĂŽtĂ©, Bush triompha de la candidature conservatrice de Pat Buchanan Ă  la convention rĂ©publicaine et put de fait concourir Ă  sa rĂ©Ă©lection. En plus de Bush et de Clinton, la campagne prĂ©sidentielle fut marquĂ©e par la prĂ©sence d'un troisiĂšme homme, Ross Perot, un milliardaire du Texas qui mena une campagne rĂ©solument populiste visant Ă  attirer les Ă©lecteurs dĂ©sabusĂ©s par la politique des deux principaux partis. Perot manifesta Ă©galement son opposition Ă  l'accord de libre-Ă©change nord-amĂ©ricain et se montra favorable Ă  un Ă©quilibre du budget fĂ©dĂ©ral. Les sondages effectuĂ©s au dĂ©but du mois de placĂšrent Bush en tĂȘte, suivi de Perot puis de Clinton. Toutefois, Perot se retira temporairement de la course de juillet Ă  septembre, ce qui endommagea sĂ©rieusement sa candidature. À la convention nationale dĂ©mocrate de 1992, Clinton dĂ©signa comme colistier le sĂ©nateur Al Gore du Tennessee. Ce choix, entre autres motifs, permit d'unifier le parti derriĂšre la candidature de Clinton. Alors qu'Ă  la mĂȘme Ă©poque la convention rĂ©publicaine mettait l'accent sur les questions sociales, Clinton focalisa son discours de campagne sur les difficultĂ©s Ă©conomiques engendrĂ©es par la rĂ©cession du dĂ©but des annĂ©es 1990[2].

Le jour du scrutin, Clinton obtint 43 % du vote populaire et une large majoritĂ© au collĂšge Ă©lectoral. DerriĂšre lui, Bush rĂ©colta 37,4 % des voix et Perot 18,9 %, ce qui constituait le score le plus Ă©levĂ© rĂ©alisĂ© par un candidat tiers ou indĂ©pendant Ă  une Ă©lection prĂ©sidentielle depuis 1912. Clinton remporta la plupart des États du nord-est des États-Unis ainsi que plusieurs États du Midwest, de l'Ouest et du Sud[3]. Lors des Ă©lections lĂ©gislatives qui se dĂ©roulĂšrent Ă  la mĂȘme pĂ©riode, les dĂ©mocrates conservĂšrent leur majoritĂ© dans les deux chambres du CongrĂšs[4].

Investiture

Prestation de serment de Bill Clinton le 20 janvier 1993.

Le , Bill Clinton prĂȘta serment en tant que 42e prĂ©sident des États-Unis, sous l'autoritĂ© du juge en chef William Rehnquist. Il Ă©tait, Ă  46 ans, le plus jeune prĂ©sident Ă©lu depuis John F. Kennedy[5]. Son discours d'investiture fut l'occasion pour lui d'escamoter le mandat ambigu qu'il avait reçu des Ă©lecteurs et son manque d'expĂ©rience politique Ă  l'Ă©chelle nationale. Pour la rĂ©daction de son texte, il s'inspira en grande partie de la Bible protestante, qu'il avait Ă©tudiĂ© tout au long de sa vie, de son passage Ă  l'universitĂ© catholique de Georgetown et des discours inauguraux de Ronald Reagan, Richard Nixon, John F. Kennedy, Jimmy Carter et Woodrow Wilson[6]. Il insista notamment sur la capacitĂ© des États-Unis Ă  affronter les nouveaux enjeux constituĂ©s par la fin de la guerre froide et la mondialisation :

« Aujourd'hui, une gĂ©nĂ©ration Ă©levĂ©e dans l'ombre de la guerre froide doit prendre de nouvelles responsabilitĂ©s dans un monde rĂ©chauffĂ© par le chaud soleil de la libertĂ©, mais menacĂ© par les anciennes haines et les nouvelles pestes [
]. Des forces profondes et puissantes sont en train de secouer et de remodeler notre monde, et la question la plus urgente qui se pose Ă  nous aujourd'hui est de savoir si nous pouvons faire en sorte que ce changement soit notre ami, et non notre ennemi [
]. Il n'existe plus de distinction claire entre ce qui est Ă©tranger et ce qui est national. L'Ă©conomie mondiale, l'environnement mondial, l'Ă©pidĂ©mie mondiale de sida, la course mondiale aux armements : tout cela nous affecte tous[7]. »

Composition du gouvernement

Le vice-président Al Gore et la PremiÚre dame Hillary Clinton apparurent trÚs vite comme les deux personnalités les plus influentes de l'administration Clinton, le président sollicitant leur avis sur de nombreux sujets[8]. Mack McLarty, un ami de longue date de Clinton qui avait fait carriÚre dans les affaires et avait été président du comité démocrate de l'Arkansas, devint le premier chef de cabinet de Clinton[9]. Ce dernier convainquit le sénateur Lloyd Bentsen du Texas, qui s'était présenté comme candidat à la vice-présidence sur le ticket démocrate en 1988, d'occuper le poste de secrétaire du Trésor[10]. Au début du premier mandat de Clinton, Bentsen, le directeur du Bureau de la gestion et du budget Leon Panetta, le secrétaire au Travail Robert Reich et le coordinateur politique Robert Rubin furent les principaux conseillers économiques du président[11].

Les premiĂšres semaines Ă  la Maison-Blanche furent difficiles pour l'administration[12], en particulier la difficultĂ© pour Bill Clinton de trouver quelqu'un pour le poste de procureur gĂ©nĂ©ral. En effet, il avait promis de nommer un gouvernement qui « ressemblerait Ă  l'AmĂ©rique », et des rumeurs avaient supposĂ© que ce poste irait Ă  une femme[13]. Clinton jeta son dĂ©volu sur ZoĂ« Baird, une avocate peu connue, mais le scandale connu sous le nom de Â« Nannygate » rĂ©vĂ©la, en , qu'elle embauchait une immigrante illĂ©gale pĂ©ruvienne en couple, pour travailler dans sa maison. Baird retira sa nomination et Clinton dĂ©signa Kimba Wood qui dut rapidement dĂ©cliner elle aussi en raison de problĂšmes similaires. À la suite de cet Ă©vĂ©nement, plus d'un millier de postes Ă  pourvoir Ă  la prĂ©sidence furent soumis Ă  un examen plus minutieux des pratiques d'embauche Ă  l'aide mĂ©nagĂšre, ce qui eut pour consĂ©quence de ralentir fortement les nominations Ă  de nouveaux postes administratifs[14]. Janet Reno, une magistrate de l'État de Floride, fut finalement dĂ©signĂ©e au poste de procureur gĂ©nĂ©ral quelques semaines plus tard et confirmĂ©e en [15].

Lors de ce premier mandat, l'Ă©quipe de conseillers Ă  la politique Ă©trangĂšre du prĂ©sident fut dirigĂ©e par le conseiller Ă  la sĂ©curitĂ© nationale Anthony Lake et par le secrĂ©taire d'État Warren Christopher, qui avaient tous les deux servis dans la prĂ©cĂ©dente administration Carter[16]. Le secrĂ©taire Ă  la DĂ©fense, Les Aspin, dĂ©missionna peu aprĂšs la bataille de Mogadiscio et fut remplacĂ© par William Perry[17]. Bentsen et McLarty dĂ©missionnĂšrent Ă  leur tour en 1994 et furent remplacĂ©s respectivement par Rubin et Panetta[18]. Clinton ayant Ă©tĂ© rĂ©Ă©lu pour un second mandat, Panetta quitta ses fonctions et fut remplacĂ© par l'ex-chef de cabinet adjoint Erskine Bowles[19]. Madeleine Albright devint la premiĂšre femme secrĂ©taire d'État et Sandy Berger succĂ©da Ă  Lake comme conseiller Ă  la sĂ©curitĂ© nationale tandis que l'ancien sĂ©nateur rĂ©publicain William Cohen fut nommĂ© secrĂ©taire Ă  la DĂ©fense[20]. Selon le journaliste John Harris, la proximitĂ© de Berger avec le prĂ©sident fit de lui le principal responsable de la politique Ă©trangĂšre du second mandat de Clinton, ainsi que le conseiller Ă  la sĂ©curitĂ© nationale le plus influent depuis Henry Kissinger[21]. John Podesta servit en tant que chef de cabinet Ă  partir de 1998 alors que Lawrence Summers remplaça Rubin au secrĂ©tariat du TrĂ©sor en 1999[22].

Le cabinet sous la présidence Clinton en 1993, réuni dans la Cabinet Room à la Maison-Blanche.
Cabinet Clinton
FonctionNomDates
PrésidentBill Clinton1993-2001
Vice-présidentAl Gore1993-2001
SecrĂ©taire d'ÉtatWarren Christopher1993-1997
Madeleine Albright1997-2001
Secrétaire du TrésorLloyd Bentsen1993-1994
Robert Rubin1995-1999
Lawrence Summers1999-2001
Secrétaire à la DéfenseLes Aspin1993-1994
William Perry1994-1997
William Cohen1997-2001
Procureur généralJanet Reno1993-2001
Secrétaire à l'IntérieurBruce Babbitt1993-2001
Secrétaire à l'AgricultureMike Espy1993-1994
Dan Glickman1995-2001
Secrétaire du CommerceRonald Brown1993-1996
Mickey Kantor1996-1997
William Daley1997-2000
Norman Mineta2000-2001
Secrétaire au TravailRobert Reich1993-1997
Alexis Herman1997-2001
Secrétaire à la Santé et aux services sociauxDonna Shalala1993-2001
SecrĂ©taire Ă  l'ÉducationRichard Riley1993-2001
Secrétaire au Logement
et au DĂ©veloppement urbain
Henry Cisneros1993-1997
Andrew Cuomo1997-2001
Secrétaire aux TransportsFederico Peña1993-1997
Rodney Slater1997-2001
SecrĂ©taire Ă  l'ÉnergieHazel R. O'Leary1993-1997
Federico Peña1997-1998
Bill Richardson1998-2001
Secrétaire aux Anciens combattantsJesse Brown1993-1997
Togo West1998-2000
Hershel Gober2000-2001
Chef de cabinetMack McLarty1993-1994
Leon Panetta1994-1997
Erskine Bowles1997-1998
John Podesta1998-2001
Administrateur de l'Agence de protection
de l'environnement
Carol Browner1993-2001
Ambassadeur aux Nations uniesMadeleine Albright1993-1997
Bill Richardson1997-1998
Richard Holbrooke1999-2001
Directeur du Bureau de la gestion et du budgetLeon Panetta1993-1994
Alice Rivlin1994-1996
Franklin Raines1996-1998
Jacob Lew1998-2001
Directeur du bureau national chargé
de la politique de contrĂŽle des drogues
Lee P. Brown1993-1995
Barry McCaffrey1996-2001
Représentant américain au commerceMickey Kantor1993-1996
Charlene Barshefsky1996-2001
Directeur de la Central Intelligence AgencyJames Woolsey1993-1995
John Deutch1995-1996
George Tenet1996-2001
Administrateur de la Small Business
Administration
Erskine Bowles1993-1994
Philip Lader1994-1997
Aida Álvarez1997-2001

Nominations judiciaires

Ruth Bader Ginsburg en compagnie du prĂ©sident Clinton lors de l'annonce de sa nomination Ă  la Cour suprĂȘme, en juin 1993.

Le prĂ©sident Clinton nomma deux juges Ă  la Cour suprĂȘme. La premiĂšre vacance se produisit en mars 1993 lorsque le juge assesseur Byron White informa Clinton qu'il allait bientĂŽt prendre sa retraite. Clinton songea initialement Ă  le remplacer par Mario Cuomo ou par le secrĂ©taire Ă  l'IntĂ©rieur Bruce Babbitt, qu'il jugeait capables d'exercer un rĂŽle influent au sein de la Cour suprĂȘme[23]. AprĂšs quelques semaines de rĂ©flexion, le prĂ©sident estima qu'il serait plus judicieux de nommer un juriste expĂ©rimentĂ© et il s'entretint avec Stephen Breyer et Ruth Bader Ginsburg, qui exerçaient tous les deux la fonction de juge d'appel fĂ©dĂ©ral. Cette derniĂšre fut choisie et Clinton annonça sa nomination en . Le SĂ©nat confirma cette dĂ©cision deux mois plus tard, faisant de Ginsburg la deuxiĂšme femme Ă  siĂ©ger Ă  la Cour suprĂȘme aprĂšs Sandra Day O'Connor[24]. En 1994, ce fut au tour d'Harry Blackmun de partir Ă  la retraite et Clinton proposa avec succĂšs le nom de Breyer pour lui succĂ©der. Toutefois, ces nominations n'eurent pas d'influence majeure sur le positionnement idĂ©ologique de la Cour suprĂȘme, les conservateurs continuant d'y dĂ©tenir une faible majoritĂ©[25].

Politique intérieure

Plan de réduction du déficit de 1993

Graphique en cascade montrant les causes du passage d'une situation de dĂ©ficit en 1994 Ă  une situation d'excĂ©dent budgĂ©taire en 2001, mesurĂ©es en pourcentage du PIB. Les recettes liĂ©es Ă  l'impĂŽt sur le revenu ont vu leur part dans le PIB augmenter en raison de la hausse des impĂŽts sur les contribuables les plus aisĂ©s, tandis que le rapport des dĂ©penses et des intĂ©rĂȘts relatifs au secteur de la dĂ©fense ont diminuĂ©.

Clinton hĂ©rita des administrations Reagan et Bush un important dĂ©ficit budgĂ©taire qui se montait Ă  290 milliards de dollars pour l'annĂ©e fiscale 1992. Afin de rĂ©duire le dĂ©ficit, Bentsen, Panetta et Rubin conseillĂšrent Ă  Clinton de continuer Ă  augmenter les impĂŽts et de limiter les dĂ©penses pour encourager le prĂ©sident de la RĂ©serve fĂ©dĂ©rale, Alan Greenspan, Ă  baisser les taux d'intĂ©rĂȘt et ainsi ramener le pays Ă  la prospĂ©ritĂ© grĂące Ă  la confiance accrue des investisseurs[26]. MalgrĂ© le secrĂ©taire au Travail Robert Reich qui estimait que la stagnation des revenus constituait un enjeu Ă©conomique bien plus important que la question des dĂ©ficits, Clinton fit de la remise Ă  niveau du budget la prioritĂ© Ă©conomique majeure de sa premiĂšre annĂ©e au pouvoir[27]. Ce faisant, il dut abandonner Ă  contrecƓur un projet de rĂ©duction d'impĂŽts de la classe moyenne qu'il avait dĂ©fendu pendant sa campagne[28].

Clinton soumit sa rĂ©forme budgĂ©taire Ă  l'approbation du CongrĂšs en , proposant Ă  la fois une hausse des impĂŽts et une rĂ©duction des dĂ©penses qui devaient combler le dĂ©ficit de moitiĂ© d'ici Ă  1997[29]. Les dirigeants rĂ©publicains Ă©taient cependant hostiles Ă  une augmentation des impĂŽts et ils pressĂšrent les membres de leur parti Ă  faire bloc contre le budget de Clinton[30]. Lors du vote, le projet de loi ne rĂ©colta pas une seule voix chez les rĂ©publicains[27]. Les dĂ©mocrates du SĂ©nat bloquĂšrent la mise en Ɠuvre d'une nouvelle taxe Ă©nergĂ©tique en faveur d'une augmentation de la taxe sur l'essence, mais Clinton rĂ©sista aux pressions qui s'exerçaient contre lui pour le retrait d'un projet d'extension du crĂ©dit d'impĂŽt sur les revenus du travail. En dĂ©finitive, le SĂ©nat et la Chambre des reprĂ©sentants adoptĂšrent chacun, Ă  de courtes majoritĂ©s, une version du projet de loi sur le budget et un comitĂ© de confĂ©rence rĂ©gla les diffĂ©rences entre les deux versions[31].

La Chambre des reprĂ©sentants adopta la version finale de la loi par 218 voix contre 216. AprĂšs avoir longuement dĂ©marchĂ© auprĂšs de Bob Kerrey et des autres sĂ©nateurs dĂ©mocrates, Clinton obtint Ă©galement le passage de la loi au SĂ©nat par 50 voix contre 50, le vice-prĂ©sident Gore venant apporter la 51e voix dĂ©cisive comme prĂ©vu en cas d'Ă©galitĂ©. L’Omnibus Budget Reconciliation Act of 1993 fut officiellement ratifiĂ© par Clinton le [32].

ArrĂȘt des activitĂ©s gouvernementales

Le sénateur Bob Dole, le vice-président Al Gore, le président Clinton et le speaker de la Chambre des représentants Newt Gingrich dans le Bureau ovale à l'issue d'une discussion sur le budget, en décembre 1995.

Les rĂ©publicains ayant pris le contrĂŽle des deux chambres du CongrĂšs lors des Ă©lections de 1994, le nouveau prĂ©sident de la Chambre des reprĂ©sentants, Newt Gingrich, promit une « rĂ©volution » conservatrice qui comprenait notamment des rĂ©ductions d'impĂŽts, des rĂ©formes sociales et une importante baisse des dĂ©penses intĂ©rieures[33]. Le conservatisme avait dĂ©sormais le vent en poupe au dĂ©triment de la politique libĂ©rale inspirĂ©e du New Deal et Clinton espĂ©rait forger un nouveau consensus qui ne rejetterait pas totalement l'interventionnisme du gouvernement. En rĂ©action Ă  la dĂ©faite Ă©lectorale de son parti, il embaucha le consultant Dick Morris, qui conseilla Ă  Clinton d'appliquer une stratĂ©gie de triangulation entre les rĂ©publicains conservateurs et les dĂ©mocrates libĂ©raux. En cooptant certaines des idĂ©es rĂ©publicaines, Morris soutenait que le prĂ©sident pourrait gagner en popularitĂ© tout en empĂȘchant la mise en Ɠuvre de rĂ©formes drastiques prĂŽnĂ©es par certains conservateurs[34].

Le CongrĂšs rĂ©publicain prĂ©senta Ă  Clinton un plan budgĂ©taire qui rĂ©duisait les dĂ©penses du programme Medicare et accordait des baisses d'impĂŽts importantes pour les plus riches, lui donnant jusqu'au pour ratifier le projet de loi. Une fois cette date dĂ©passĂ©e, le gouvernement serait contraint d'arrĂȘter temporairement ses activitĂ©s en raison d'un manque de financement. En rĂ©ponse, Clinton proposa un autre plan qui n'incluait pas les coupes prĂ©vues dans l'assurance-maladie mais qui se donnait pour objectif d'Ă©quilibrer le budget d'ici Ă  2005. Le prĂ©sident refusa de donner son accord au projet de loi rĂ©publicain et une grande partie des services gouvernementaux furent en consĂ©quence suspendus (shutdown)[35].

Les activitĂ©s gouvernementales s'interrompirent Ă  nouveau le aprĂšs que Clinton eĂ»t opposĂ© son veto Ă  un plan budgĂ©taire rĂ©publicain qui prĂ©voyait une nouvelle diminution des impĂŽts en faveur des catĂ©gories les plus aisĂ©es, une rĂ©duction des dĂ©penses sur les programmes sociaux et le transfert de la responsabilitĂ© du programme Medicaid aux États. AprĂšs 21 jours d'interruption des services gouvernementaux, les rĂ©publicains, craignant de passer pour des extrĂ©mistes aux yeux de la population, validĂšrent le budget proposĂ© par Clinton[36]. Le compromis nĂ©gociĂ© entre la Maison-Blanche et le CongrĂšs Ă©tait plutĂŽt favorable aux rĂ©publicains dans la mesure oĂč les dĂ©penses fĂ©dĂ©rales furent amputĂ©es de 123 milliards, principalement dans les programmes sociaux destinĂ©s aux plus pauvres ; toutefois, le mĂ©contentement populaire liĂ© aux shutdowns successifs retomba bien davantage sur les rĂ©publicains que sur Clinton, qui sortit politiquement renforcĂ© de cette crise[37]. Soucieux d'adoucir leur image auprĂšs de l'opinion, les adversaires du prĂ©sident consentirent peu aprĂšs ― entre autres mesures ― Ă  une augmentation du salaire minimum fĂ©dĂ©ral, qui fut portĂ© de 4,25 Ă  5,15 $ de l'heure, et au passage de la loi Kassebaum-Kennedy visant Ă  permettre aux salariĂ©s de conserver leur assurance santĂ© en cas de changement d'emploi[38].

Excédents budgétaires

Déficit budgétaire du gouvernement fédéral américain de 1971 à 2001 (en milliards de dollars).

Conjugué à une économie forte, le plan de réduction du déficit de 1993 entraßna chaque année une baisse des déficits budgétaires, et en 1998, le gouvernement fédéral connut le premier excédent budgétaire depuis les années 1960. Reflétant l'importance de l'événement, le New York Times décrivit la fin des déficits comme « l'équivalent fiscal de la chute du mur de Berlin ». La bonne santé du budget fédéral avait déjà permis en 1997 à Clinton de s'entendre avec les républicains du CongrÚs pour n'apporter que des changements relativement mineurs dans le budget[39].

Alors que les excĂ©dents budgĂ©taires incitaient les chefs de file du Parti rĂ©publicain Ă  rĂ©clamer une baisse massive des impĂŽts, Clinton ne consentit Ă  aucune modification importante du budget fĂ©dĂ©ral dans les trois derniĂšres annĂ©es de son mandat[40] et les surplus furent affectĂ©s prioritairement au remboursement de la dette publique[41]. En 1997, le prĂ©sident consentit toutefois Ă  un accord avec les rĂ©publicains pour abaisser le taux d'imposition sur les plus-values Ă  18 %, instaurer un crĂ©dit d'impĂŽt pour enfants de 500 dollars, augmenter le financement des soins de santĂ© pour les enfants et relever la taxe fĂ©dĂ©rale sur les cigarettes Ă  39 cents par paquet au lieu de 24[42]. Durant la pĂ©riode 1999-2000, les rĂ©publicains n'en bloquĂšrent pas moins certaines des rĂ©formes de Clinton comme une nouvelle augmentation du salaire minimum Ă  l'Ă©chelle fĂ©dĂ©rale ou un programme lĂ©gislatif visant Ă  dĂ©livrer des mĂ©dicaments sous ordonnance aux personnes ĂągĂ©es[43].

Réforme avortée du systÚme de santé de 1993

Lorsque Clinton entra en fonction, environ 20 % des adultes amĂ©ricains n'avaient pas d'assurance maladie, en dĂ©pit du fait que les États-Unis dĂ©pensaient plus en matiĂšre de santĂ© que la plupart des autres pays dĂ©veloppĂ©s (l'Ă©quivalent de 14 % du PIB de l'Ă©poque). De nombreux progressistes Ă©taient favorables Ă  une couverture santĂ© Ă  payeur unique, comme au Canada. Au CongrĂšs, un groupe de rĂ©publicains proposa un plan mĂȘlant Ă  la fois des subventions gouvernementales et l'introduction d'un mandat qui obligerait les individus Ă  contracter une assurance santĂ©[44].

La PremiÚre dame Hillary Clinton en septembre 1993, lors de la présentation du plan pour la réforme du systÚme de santé devant le CongrÚs.

L'administration crĂ©a une task force, pilotĂ©e par la PremiĂšre dame Hillary Clinton, afin de travailler Ă  la mise en place d'un systĂšme d'assurance santĂ© universelle. Si la compĂ©tence d'Hillary Clinton sur ce dossier Ă©tait reconnue du fait qu'elle avait conduit une rĂ©forme similaire en Arkansas, sa nomination Ă  un poste aussi crucial suscita de nombreuses controverses[45]. Rejetant l'idĂ©e d'un systĂšme Ă  payeur unique, le prĂ©sident soumit un projet qui reposait sur l'extension du rĂ©gime d'assurance santĂ© des employeurs[46]. Les personnes qui ne pouvaient pas ĂȘtre assurĂ©es par un employeur le seraient par le gouvernement[47]. Le plan prĂ©voyait aussi d'accroĂźtre les capacitĂ©s de rĂ©gulation de l'administration dans le cadre d'une « concurrence dirigĂ©e » ; enfin, il devait empĂȘcher les assureurs de facturer des tarifs diffĂ©rents aux clients en fonction de leur Ăąge ou de leurs antĂ©cĂ©dents mĂ©dicaux[44].

Avec l'adoption de l'Omnibus Budget Reconciliation Act et la ratification de l'ALENA en 1993, Clinton fit de la rĂ©forme du systĂšme de santĂ© la prioritĂ© de son programme lĂ©gislatif pour l'annĂ©e 1994[48]. L'historien Pierre MĂ©landri Ă©crit : « au dĂ©part, le projet est bien accueilli non seulement par les syndicats et les hĂŽpitaux mais aussi par la plupart des grandes sociĂ©tĂ©s qui y voient l'occasion de rĂ©duire le coĂ»t de l'assurance santĂ© qu'elles fournissent dĂ©jĂ  Ă  leurs salariĂ©s et d'amĂ©liorer ainsi leur productivitĂ©. Mais il ne tarde pas Ă  se heurter au plus formidable tir de barrage que l'on puisse imaginer »[49]. Les opposants au projet firent en effet feu de tout bois pour empĂȘcher sa mise en Ɠuvre : alors que les progressistes reprochaient Ă  Clinton de ne pas mener de rĂ©formes plus ambitieuses, les conservateurs dĂ©noncĂšrent l'expansion du gouvernement tandis que des groupes d'intĂ©rĂȘt menĂšrent des campagnes de publicitĂ© affirmant que la rĂ©forme prĂ©vue par Clinton conduirait au rationnement des soins de santĂ© ainsi qu'Ă  une rĂ©duction des choix et une augmentation des coĂ»ts pour les citoyens[50]. Le programme publicitaire Harry and Louise, financĂ© par l'Association amĂ©ricaine des compagnies d'assurance de personnes, contribua ainsi de façon notable Ă  retourner l'opinion publique contre le projet de loi[51].

Dans le mĂȘme temps, le chef de file des rĂ©publicains Newt Gingrich et l'Ă©ditorialiste Bill Kristol persuadĂšrent les rĂ©publicains du CongrĂšs de rĂ©sister Ă  toute forme de compromis. Le prĂ©sident n'ayant pas jugĂ© bon de galvaniser les parlementaires dĂ©mocrates et les rĂ©publicains modĂ©rĂ©s en soutien de la rĂ©forme dĂšs les premiĂšres semaines de son mandat, et lui-mĂȘme ayant refusĂ© de cĂ©der sur divers aspects du projet de loi, l'adoption du texte fut rapidement compromise ; face Ă  la division de son parti et Ă  l'opposition rĂ©solue des rĂ©publicains, Clinton se rĂ©signa finalement Ă  l'abandon du projet en [50]. En dehors de l'hostilitĂ© du Grand Old Party, cet Ă©chec Ă©tait en grande partie imputable Ă  la trop grande complexitĂ© de la rĂ©forme et Ă  son caractĂšre prĂ©cipitĂ©, alors que la majoritĂ© dĂ©mocrate au CongrĂšs n'Ă©tait plus aussi importante que sous l'Ăšre de la Grande sociĂ©tĂ© de Johnson[52]. En 2000, 43 millions d'AmĂ©ricains ne bĂ©nĂ©ficiaient toujours d'aucune assurance santĂ©[53].

Autres mesures de santé publique

Dans le mois qui suivit son entrée en fonction, Clinton promulgua le Family and Medical Leave Act of 1993, auquel Bush avait mis son veto à deux reprises. Le texte garantissait aux travailleurs un congé non rémunéré pouvant aller jusqu'à douze semaines pour des raisons médicales ou familiales, en particulier la grossesse[27].

En , le président signa le Health Insurance Portability and Accountability Act, un projet de loi bipartisan qui devait permettre aux individus de conserver leur régime d'assurance en cas de changement d'emploi et contenait également diverses modifications relatives à la prise en charge des patients[54]. Au mois d'octobre, le sénateur Ted Kennedy soumit une proposition de loi visant à fournir une couverture maladie pour les enfants des travailleurs pauvres, financée par une augmentation de 75 cents de la taxe sur les cigarettes. En collaboration avec le sénateur républicain Orrin Hatch, Kennedy parvint à faire adopter la mesure en 1997 sous la forme du Children's Health Insurance Program[55].

RĂ©forme de l'aide sociale

DĂšs , Clinton avait dĂ©clarĂ© qu'il fallait « mettre fin Ă  l'État-providence tel que nous le connaissons »[56]. Peu aprĂšs la rĂ©ouverture des services gouvernementaux en , il fit part de son intention de modifier en profondeur le principal dispositif d'aide sociale des États-Unis, Aid to Families with Dependant Children (AFDC), qui fournissait un appui financier aux familles pauvres avec enfants. Estimant que le programme contribuait indirectement Ă  dĂ©responsabiliser les individus auxquels il Ă©tait destinĂ©, Clinton souhaitait transfĂ©rer le budget de l'AFDC Ă  la formation professionnelle et Ă  la protection de l'enfance[57]. La transformation de l'État-providence Ă©tait Ă©galement Ă  l'agenda des rĂ©publicains, mais ces derniers Ă©taient rĂ©ticents Ă  financer les programmes de formation Ă  l'emploi et souhaitaient interdire aux immigrants lĂ©gaux l'accĂšs aux prestations sociales[58].

Clinton mit par deux fois son veto Ă  des propositions de loi rĂ©publicaines qui auraient dĂ» entraĂźner la suppression de l'AFDC, mais le prĂ©sident se ravisa par la suite en considĂ©rant que mieux valait un plan de rĂ©forme rĂ©publicain que pas de rĂ©forme du tout. En , Clinton signa le Personal Responsibility and Work Opportunity Act (en) (« loi sur la responsabilitĂ© individuelle et le travail ») qui enterrait dĂ©finitivement l'AFDC. Un autre programme lui fut substituĂ©, intitulĂ© Temporary Assistance for Needy Families, dont l'accĂšs aux prestations Ă©tait dĂ©sormais limitĂ© dans le temps et en fonction du statut de l'individu ; de plus, la mise en Ɠuvre de ces programmes fut confiĂ©e aux États et non au gouvernement fĂ©dĂ©ral[57]. En partie du fait de la forte croissance Ă©conomique et de l'extension du crĂ©dit d'impĂŽt sur le revenu[59], le nombre de bĂ©nĂ©ficiaires de l'allocation passa de 14,4 millions de personnes en 1994 Ă  5,3 millions en 2001[60]. Pour le sociologue LoĂŻc Wacquant, cette loi « instaure le dispositif social le plus rĂ©gressif promulguĂ© par un gouvernement dĂ©mocratique au XXe siĂšcle »[61].

Politique Ă©conomique

Finances fédérales et PIB sous la présidence de Clinton[note 1]
Année Revenu Dépenses Surplus/
DĂ©ficit
PIB Dette en %
du PIB[note 2]
1993 1154,3 1409,4 -255,1 6794,9 47,8
1994 1258,6 1461,8 -203,2 7197,8 47,4
1995 1351,8 1515,7 -164,0 7583,4 47,5
1996 1453,1 1560,5 -107,4 7978,3 46,8
1997 1579,2 1601,1 -21,9 8483,2 44,5
1998 1 721,7 1 652,5 69,3 8 954,8 41,6
1999 1 827,5 1 701,8 125,6 9 510,5 38,2
2000 2 025,2 1 789,0 236,2 10 148,2 33,6
2001 1 991.1 1 862,8 128,2 10 564,6 31,4
Sources [62] [63] [64]

Clinton prĂ©sida Ă  une « Ă©conomie de Boucles d'or », caractĂ©risĂ©e par une faible inflation et un taux de chĂŽmage rĂ©duit. Dans les annĂ©es 1990, le Dow Jones Industrial Average quadrupla et la part des familles possĂ©dant des investissements en actions passa de 32 % en 1989 Ă  51 % en 2001. L'inĂ©galitĂ© de revenus augmenta Ă©galement, les mĂ©nages les plus aisĂ©s reprĂ©sentant une plus grande part du revenu total[65]. Toutefois, le revenu mĂ©dian des mĂ©nages, ajustĂ© Ă  2 000 dollars prĂšs afin de tenir compte de l'inflation, passa de 38 262 dollars en 1995 Ă  42 151 dollars en 2000. À cette date, le taux de chĂŽmage n'Ă©tait plus que de % (contre 6,1 % en 1994) et le taux de pauvretĂ© de 11,3 %[66].

Dans le mĂȘme temps, le PNB des États-Unis augmenta de 37 % entre 1991 et 1999, avec un accroissement annuel supĂ©rieur Ă  % Ă  partir de 1996[67]. Le ratio dette/PIB chuta quant Ă  lui de 49,4 % en 1993 Ă  35,1 % en 2000[68]. David Greenberg, professeur d'histoire et de sociologie des mĂ©dias Ă  l'universitĂ© Rutgers, Ă©crit :

« À la fin de la prĂ©sidence Clinton, les chiffres Ă©taient uniformĂ©ment impressionnants. Outre les excĂ©dents records et les taux de pauvretĂ© records, l'Ă©conomie pouvait afficher la plus longue expansion Ă©conomique de l'histoire ; le taux de chĂŽmage le plus bas depuis le dĂ©but des annĂ©es 1970 ; et enfin les taux de pauvretĂ© les plus faibles pour les mĂšres cĂ©libataires, les Afro-AmĂ©ricains et les personnes ĂągĂ©es[69]. »

Les crĂ©ations d'emploi concernaient, dans 60 % des cas, des postes qualifiĂ©s et convenablement rĂ©munĂ©rĂ©s mĂȘme si AndrĂ© Kaspi remarque que « les emplois nouveaux correspondent souvent Ă  de petits boulots, mal payĂ©s, prĂ©caires, sans intĂ©rĂȘt pour ceux qui les exercent ». Par ailleurs, l'activitĂ© se rĂ©partissait inĂ©galement selon les secteurs de production dont certains, comme l'automobile, la micro-Ă©lectronique, l'audiovisuel ou certains pans de l'industrie, furent durement touchĂ©s alors que d'autres demeurĂšrent plus compĂ©titifs (chimie, tĂ©lĂ©communications, informatique, restauration, 
). Sous l'effet de la mondialisation, les processus de dĂ©localisation s'intensifiĂšrent et frappĂšrent surtout les emplois les moins qualifiĂ©s[70].

Clinton plaida en faveur d'un plan de relance Ă©conomique de 30 milliards de dollars au cours de sa premiĂšre annĂ©e de mandat, mais ce projet fut dĂ©fait par les rĂ©publicains au SĂ©nat et il fut incapable d'obtenir le passage d'une proposition similaire pour le restant de sa prĂ©sidence. Clinton entra en fonction Ă  une Ă©poque oĂč le monĂ©tarisme avait, dans l'esprit de la plupart des hommes politiques Ă  Washington, supplantĂ© le keynĂ©sianisme comme thĂ©orie dominante de la croissance Ă©conomique. Les monĂ©taristes estimaient que les politiques fiscales menĂ©es par Clinton n'allaient avoir que relativement peu d'impact sur l'Ă©conomie et soutenaient que l'acteur essentiel en la matiĂšre Ă©tait le Conseil des gouverneurs de la RĂ©serve fĂ©dĂ©rale des États-Unis, un groupe de fonctionnaires qui dĂ©finissait la politique monĂ©taire[71].

Alan Greenspan fut le prĂ©sident de la RĂ©serve fĂ©dĂ©rale pendant toute la durĂ©e de la prĂ©sidence de Clinton et s'affirma comme un personnage particuliĂšrement important lorsque l'Ă©conomie s'amĂ©liora entre le milieu et la fin des annĂ©es 1990[71]. MĂȘme si Greenspan fut largement crĂ©ditĂ© pour son rĂŽle dans la bonne santĂ© de l'Ă©conomie, les AmĂ©ricains furent globalement satisfaits de la gestion de l'administration Clinton et le contexte Ă©conomique favorable aida le prĂ©sident Ă  maintenir sa popularitĂ© malgrĂ© les controverses qui entouraient sa vie privĂ©e[72].

Déréglementation

Le mandat de Clinton fut aussi marquĂ© par une pĂ©riode de dĂ©rĂ©glementation dans les secteurs des tĂ©lĂ©communications et de la finance. En 1999, Clinton promulgua la loi Gramm-Leach-Bliley (GLBA) : cette derniĂšre abrogeait une disposition de la loi Glass-Steagall de 1933 qui exigeait que les banques se dĂ©finissent elles-mĂȘmes en tant que banques de dĂ©pĂŽt, c'est-Ă -dire soumises Ă  un contrĂŽle du gouvernement fĂ©dĂ©ral et Ă  des protections comme les fonds de garantie des dĂ©pĂŽts et de rĂ©solution, ou en tant que banques d'investissement, qui faisaient l'objet d'une rĂ©glementation moins stricte mais qui ne bĂ©nĂ©ficiaient pas de protections fĂ©dĂ©rales[73].

L'industrie financiÚre et ses alliés tentaient de faire abroger cette clause de la loi depuis les années 1980, et ils en obtinrent finalement la suppression grùce à la coopération du secrétaire du Trésor Rubin et celle d'autres membres de l'administration Clinton qui estimaient que l'industrie financiÚre américaine avait besoin d'une réglementation plus souple pour rester compétitive. L'un des principaux objectifs des défenseurs de la GLBA étaient de permettre aux banques de participer à la titrisation des hypothÚques, un processus par lequel les hypothÚques étaient converties en obligations et vendues à des investisseurs individuels[73]. Avec la mise en place des services de banques universelles, la loi Gramm-Leach-Bliley rompit la séparation traditionnelle entre banque de dépÎt et banque d'investissement, en opposition avec les leçons tirées du krach de 1929, et fut plus tard accusée d'avoir considérablement accentuée les effets de la crise financiÚre mondiale débutant en 2007[74].

Peu avant de quitter ses fonctions, Clinton ratifia le Commodity Futures Modernization Act of 2000, ou « loi sur la modernisation des marchés de matiÚres premiÚres », qui déréglementa le commerce des produits dérivés financiers. Cette loi comprenait notamment la « faille d'Enron » qui déboucha sur un assouplissement de la réglementation du commerce de l'énergie en faveur de certaines entreprises comme Enron[75]. Clinton signa enfin en 1996 une loi sur les télécommunications qui représentait la premiÚre législation majeure dans ce domaine depuis la précédente loi sur les communications de 1934[76]. En abolissant la réglementation sur la propriété croisée, le texte souhaitait favoriser la libre concurrence entre les différents fournisseurs et opérateurs de téléphonie, d'Internet et de la télévision[77].

Mesures sociétales

Il nomma quatre ministres afro-américains dans son cabinet présidentiel[78].

Pendant sa campagne Ă©lectorale, Clinton avait promis aux personnes homosexuelles de pouvoir servir dans les forces armĂ©es et il fit de cette question une prioritĂ© dans les premiers mois de son administration[79]. En collaboration avec le secrĂ©taire Ă  la DĂ©fense Les Aspin, il Ă©labora un plan qui allait dans ce sens mais celui-ci fut vivement critiquĂ© par les responsables militaires, en particulier le commandant du Corps des Marines Carl Epting Mundy. En retour, le gĂ©nĂ©ral Colin Powell suggĂ©ra un compromis en vertu duquel l'armĂ©e ne demanderait plus les prĂ©fĂ©rences sexuelles de ses militaires tandis que les homosexuels voulant intĂ©grer cette derniĂšre ne devraient pas le revendiquer, d'oĂč l'expression Don't ask, don't tell (« Ne demandez pas, n'en parlez pas »). Clinton Ă©tait initialement rĂ©ticent Ă  approuver une telle solution mais il dut s'incliner lorsque les chefs des deux partis au CongrĂšs firent savoir que toute tentative de la Maison-Blanche d'imposer, au moyen d'un ordre exĂ©cutif, l'admission sans condition des homosexuels au sein de l'armĂ©e serait annulĂ©e[80]. La loi Don't ask, don't tell entra en vigueur le 19 juillet 1993[81]. Dans la dĂ©cennie qui suivit, environ 10 000 personnes furent expulsĂ©es des forces armĂ©es pour avoir rĂ©vĂ©lĂ© publiquement leur homosexualitĂ©[82] - [note 3]. En outre, la controverse suscitĂ©e par la loi mit le prĂ©sident en position de faiblesse au moment d'aborder la rĂ©forme du systĂšme de santĂ©[79].

En septembre 1996, Clinton signa le Defence of Marriage Act qui stipulait que les mariages entre personnes de mĂȘme sexe n'Ă©taient pas reconnus Ă  l'Ă©chelle fĂ©dĂ©rale[83]. Le texte autorisait Ă©galement la juridiction d'un État Ă  ne pas reconnaĂźtre les unions homosexuelles conclues dans un autre État. L'adoption de la loi fut critiquĂ©e au sein des groupes homosexuels qui avaient majoritairement soutenu la campagne de Clinton en 1992[84]. Les violences subies par la communautĂ© LGBT furent mises en lumiĂšre avec le meurtre de Matthew Shepard, un jeune homosexuel battu Ă  mort prĂšs de Laramie, dans le Wyoming, en octobre 1998. L'affaire eut un retentissement international. Cependant, en dĂ©pit du soutien du prĂ©sident Clinton, les tentatives de lĂ©gifĂ©rer sur les crimes de haine aux niveaux national et local Ă©chouĂšrent dans l'immĂ©diat[85].

En tant que candidat, Clinton avait pris position en faveur du droit Ă  l'avortement (soutien Ă  l'arrĂȘt Roe v. Wade). DĂšs son entrĂ©e en fonction en 1993, il autorisa la commercialisation de la pilule contraceptive RU 486, rĂ©voqua l'interdiction pour les cliniques financĂ©es par le gouvernement fĂ©dĂ©ral de fournir des conseils en matiĂšre d'avortement[86] et signa un dĂ©cret autorisant l'utilisation de tissus fƓtaux dans la recherche mĂ©dicale. Ces premiĂšres mesures de Clinton marquĂšrent une rupture avec les politiques socialement conservatrices de ses prĂ©dĂ©cesseurs[87]. Le prĂ©sident ratifia Ă©galement le Freedom of Access to Clinic Entrances Act qui Ă©levait l'obstruction Ă  l'accĂšs des cliniques d'avortement et des lieux de culte au rang d'infraction fĂ©dĂ©rale[88]. En avril 1996 puis en octobre 1997, le CongrĂšs vota en faveur de l'interdiction de l'avortement « par naissance partielle » mais Clinton mit Ă  chaque fois son veto au motif qu'aucun des deux projets ne tenait compte de l'Ă©tat de santĂ© de la mĂšre[89].

Au dĂ©but des annĂ©es 1990, la problĂ©matique de la violence (24 500 meurtres aux États-Unis en 1993, dont 17 000 par armes Ă  feu) Ă©tait une source d'inquiĂ©tude majeure pour l'opinion publique[90]. En , Clinton promulgua la loi Brady qui instaurait une vĂ©rification des antĂ©cĂ©dents pour les acheteurs d'armes Ă  feu[91]. L'annĂ©e suivante, il signa Ă©galement le Violent Crime Control and Law Enforcement Act qui procurait des fonds Ă  100 000 agents chargĂ©s d'appliquer la loi au niveau Ă©tatique et mettait en place une rĂšgle dite « des trois prises » visant Ă  accroĂźtre les sanctions pĂ©nales contre les rĂ©cidivistes[92]. Le texte de loi comportait une subdivision (Federal Assault Weapons Ban) interdisant la vente de divers types de fusils semi-automatiques ; cette disposition ne s'appliquait cependant pas aux 1,5 million d'armes de cette catĂ©gorie dĂ©jĂ  en possession de particuliers ni Ă  d'autres types d'armes Ă  feu[93]. Le eut lieu la tuerie de Columbine au cours de laquelle deux lycĂ©ens assassinĂšrent douze de leurs camarades et un professeur avant de mettre fin Ă  leurs jours. À la suite de cet Ă©vĂ©nement, une proposition sĂ©natoriale d'accentuer la rĂ©gulation des ventes d'armes Ă  feu fut examinĂ©e par la Chambre des reprĂ©sentants qui la rejeta nĂ©anmoins, notamment sous l'influence de la National Rifle Association[94].

Clinton poursuivit les efforts de lutte contre la drogue et, dĂšs 1993, Ă©leva la fonction de directeur du bureau national du contrĂŽle des drogues au rang de cabinet. En 1998, son gouvernement dĂ©pensa 195 millions de dollars dans une campagne de prĂ©vention sur l'usage des drogues Ă  destination de la jeunesse[95].

Environnement

Bill Clinton et le vice-président Al Gore en août 1993.

L'arrivĂ©e au pouvoir de Bill Clinton suscita de fortes attentes dans les milieux Ă©cologistes[96], qui avaient votĂ© massivement pour le ticket dĂ©mocrate en 1992. La prĂ©sence au sein du gouvernement du vice-prĂ©sident Al Gore, spĂ©cialiste reconnu des questions environnementales, et du secrĂ©taire Ă  l'IntĂ©rieur Bruce Babbitt, un autre militant de longue date, laissait prĂ©sager une politique ambitieuse en matiĂšre d'environnement[97]. Avant mĂȘme la fin du premier mandat de Clinton, cependant, le bilan de ce dernier Ă©tait loin de faire l'unanimitĂ© sur ces questions. De nombreux partisans de la dĂ©fense de la nature reprochĂšrent en effet Ă  l'administration dĂ©mocrate de renier ses promesses de campagne en autorisant des projets nĂ©fastes sur le plan Ă©cologique[98], par exemple l'ouverture d'un incinĂ©rateur gĂ©ant de dĂ©chets toxiques dĂšs 1993, le maintien de l'exploitation du bois dans certaines terres fĂ©dĂ©rales de l'Ouest ou la volontĂ© de l'Agence de protection de l'environnement d'allĂ©ger les normes en matiĂšre de pesticides[99].

L'administration Clinton n'en tenta pas moins de répondre aux demandes de l'opinion publique en faveur d'une meilleure protection de la nature[100]. Par ordre exécutif, Clinton créa ainsi 17 monuments nationaux sur le territoire desquels les activités économiques telles que l'exploitation forestiÚre, l'extraction miniÚre ou encore le forage de pétrole ou de gaz étaient interdites. Il fit également suspendre de maniÚre permanente les forages dans les sanctuaires maritimes. Un ensemble d'ordres présidentiels et ministériels entra en vigueur afin de préserver les zones humides et les ressources du littoral en divers endroits et prolonger le moratoire existant sur les nouvelles concessions pétroliÚres au large des cÎtes jusqu'en 2012. AprÚs la victoire des républicains aux élections législatives de 1994, Clinton mit son veto à toute une série de projets budgétaires contenant des amendements destinés à assouplir la réglementation environnementale[101]. Clinton affirma par la suite que son gouvernement « avait adopté les protections les plus strictes qui soient en matiÚre de qualité de l'air, amélioré la salubrité de notre eau potable et de nos aliments, nettoyé environ trois fois plus de sites de déchets toxiques que les deux précédentes administrations réunies [et] contribué à promouvoir une nouvelle génération de véhicules économes en carburant et fonctionnant avec des combustibles alternatifs »[102].

Le vice-prĂ©sident Gore Ă©tait trĂšs prĂ©occupĂ© par la question du changement climatique, ce qui lui valut d'ĂȘtre raillĂ© par ses adversaires qui le qualifiaient d'« obsĂ©dĂ© » et considĂ©raient que les prĂ©occupations environnementales ne devaient pas entraver la croissance Ă©conomique[103]. À la fin des annĂ©es 1990, les États-Unis consommaient un quart de toute l'Ă©nergie produite sur Terre et Ă©taient responsables d'un quart des Ă©missions de gaz Ă  effet de serre[104]. Clinton promit initialement, en 1993, une diminution des gaz Ă  effet de serre Ă©mis par les États-Unis Ă  l'horizon de l'an 2000, avant d'ajourner cet objectif[105]. Le 25 juillet 1997, le SĂ©nat vota, par 95 voix contre 0, une rĂ©solution « interdisant Ă  l'Administration de signer aucun traitĂ© qui n'imposerait pas aux pays sous-dĂ©veloppĂ©s les mĂȘmes standards [environnementaux] qu'aux dĂ©mocraties libĂ©rales ou qui causerait un tort sĂ©rieux Ă  l'Ă©conomie nationale »[103]. En novembre 1998, Clinton signa le protocole de Kyoto sur la rĂ©duction des Ă©missions de gaz Ă  effet de serre mais le texte ne fut pas ratifiĂ© par le SĂ©nat, dans la mesure oĂč un certain nombre de pays en voie de dĂ©veloppement tels que la Chine, l'Inde ou le Mexique Ă©taient exemptĂ©s des critĂšres fixĂ©s par le protocole[106].

Politique Ă©trangĂšre

Le prĂ©sident Clinton s'entretenant avec le conseiller Ă  la sĂ©curitĂ© nationale Sandy Berger et la secrĂ©taire d'État Madeleine Albright en novembre 1999.

Au moment de son arrivée au pouvoir, Clinton n'avait qu'une expérience trÚs réduite des affaires internationales. En conséquence, son premier mandat fut marqué par des incohérences, des hésitations et des revirements nombreux qui furent souvent lourds de conséquences. La situation évolua à partir de 1995, date à laquelle l'action du président se fit plus volontaire ; l'équipe de conseillers qui l'entourait fut également remaniée en profondeur et le processus de prise de décision gagna en efficacité[107].

Le passage de Clinton Ă  la Maison-Blanche coĂŻncida avec une baisse des effectifs de l'armĂ©e amĂ©ricaine, qui furent rĂ©duits de 15 % entre 1993 et 2000[108]. Le budget consacrĂ© Ă  la DĂ©fense demeurait toutefois important : l'historien Howard Zinn souligne ainsi que « sous la prĂ©sidence de Clinton, le gouvernement continua de dĂ©penser au moins 250 milliards par an pour maintenir l'appareil militaire »[109]. Clinton fit au total 54 voyages internationaux dans 72 pays au cours de ses deux mandats, auxquels il faut ajouter ses visites en Cisjordanie et dans la bande de Gaza[110]. Au sujet de la place des États-Unis dans le monde dans la dĂ©cennie 1990, Pierre MĂ©landri Ă©crit :

« Combinant une suprĂ©matie militaire inĂ©galĂ©e, une avance technologique qui laisse loin derriĂšre leurs concurrents Ă©trangers, une situation en pointe dans le nouveau monde « internetionalisĂ© », une culture populaire diffusĂ©e dans le monde entier et une image de terre des libertĂ©s, [les États-Unis] jouissent, Ă  partir du milieu de la dĂ©cennie, d'une prĂ©Ă©minence sans Ă©gale par le passĂ©[111]. »

Commerce

Fichiers audio
Remarques sur la ratification de l'ALENA (8 décembre 1993)
Remarques du président Bill Clinton sur la ratification de l'Accord de libre-échange nord-américain, le 8 décembre 1993.
Remarques sur la ratification de l'ALENA (8 décembre 1993)
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Clinton dĂ©buta sa prĂ©sidence moins de deux ans aprĂšs la chute de l'Union soviĂ©tique qui avait mis fin Ă  la guerre froide. Avec le dĂ©nouement de ce conflit gĂ©opolitique de longue date, la question du commerce prit une place de plus en plus importante sur la scĂšne internationale, Ă  une pĂ©riode oĂč les pays cherchaient Ă  abaisser les droits de douane et Ă  nĂ©gocier de nouveaux accords commerciaux[112]. Cette intensification des Ă©changes Ă©conomiques et de la mondialisation Ă©tait en grande partie attribuable Ă  l'essor des technologies de communication et de l'informatique, ainsi qu'Ă  l'extension rapide de l'Ă©conomie de marchĂ© qui bĂ©nĂ©ficiait d'une nouvelle aura depuis la dissolution de l'URSS et l'effondrement du communisme[113]. Clinton pensait que la mondialisation Ă©tait un vecteur de la prospĂ©ritĂ© Ă©conomique et de la diffusion de la dĂ©mocratie Ă  travers le monde et il ratifia plusieurs accords commerciaux majeurs[112].

Vers la fin de son mandat, le président Bush avait signé l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) avec le Canada et le Mexique, mais le traité n'avait pas encore été ratifié lorsque Clinton entra en fonction. L'opposition à l'ALENA avait dépassé le cadre des partis et des démocrates proches des syndicats comme le représentant Dick Gephardt ou des isolationnistes conservateurs comme Pat Buchanan s'opposÚrent à la ratification[114]. Le sort de l'ALENA étant toujours en suspens à la Chambre des représentants, le vice-président Al Gore décida de rencontrer Ross Perot lors d'un débat télévisé sur CNN. La solide performance de Gore dans ce débat, ainsi que la campagne de lobbying efficace menée par l'administration Clinton, contribuÚrent à la ratification définitive de l'ALENA en [115].

Au total, Clinton nĂ©gocia environ 300 accords commerciaux avec d'autres pays sous sa prĂ©sidence[116]. Il facilita en outre la ratification de l'Uruguay Round pour un allĂšgement des tarifs douaniers en 1994[113]. En accordant Ă  la Chine le statut temporaire de nation la plus favorisĂ©e en 1993, son administration diminua fortement les droits de douane sur les importations chinoises. Clinton conditionnait initialement l'extension de ce statut Ă  la mise en Ɠuvre de rĂ©formes dans le domaine des droits de l'homme en Chine, mais il dĂ©cida finalement d'Ă©tendre le statut malgrĂ© le manque de rĂ©formes[117]. En 2000, Clinton signa un projet de loi normalisant les relations commerciales avec la Chine de façon permanente ; en consĂ©quence, les importations amĂ©ricaines de produits chinois augmentĂšrent massivement dans les annĂ©es suivantes[118].

Le dernier secrĂ©taire du TrĂ©sor de Clinton, Lawrence Summers, fit valoir que les initiatives de Clinton sur le plan commercial Ă©taient techniquement « la plus grande rĂ©duction d'impĂŽts dans l'histoire du monde » dans la mesure oĂč elles avaient rĂ©duit les prix des biens de consommation en abaissant les droits de douane[119]. L'administration dĂ©mocrate fut cependant incapable de rĂ©sorber le dĂ©ficit de la balance commerciale qui Ă©tait, en 2000, supĂ©rieur Ă  300 milliards de dollars[120]. En 1998, le commerce international reprĂ©sentait prĂšs d'un tiers du PNB du pays, contre seulement % trente ans plus tĂŽt ; cette dĂ©pendance Ă  l'Ă©gard de l'Ă©tranger Ă©tait particuliĂšrement sensible dans les domaines du textile, de l'alimentaire et de l'Ă©lectronique ainsi que du pĂ©trole, que les États-Unis Ă©taient contraints d'importer aux deux tiers[121]. Les prises de position de Clinton en faveur des accords commerciaux dĂ©clenchĂšrent de vives rĂ©actions parmi ceux qui avaient critiquĂ© les divers aspects de la mondialisation ainsi que les suppressions d'emplois dans l'industrie manufacturiĂšre nationale aprĂšs la ratification de l'ALENA. Une rĂ©union de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) Ă  Seattle en 1999 fut Ă©clipsĂ©e par des manifestations de grande ampleur qui donnĂšrent lieu Ă  des scĂšnes de violence[117].

Interventions militaires

Des soldats américains à Kismaayo en 1993, pendant la guerre civile somalienne.

Les troubles en Somalie dĂ©gĂ©nĂ©rĂšrent en une guerre civile Ă  grande Ă©chelle en 1991 et le prĂ©sident Bush envoya 25 000 soldats amĂ©ricains dans le pays dans le cadre d'une mission de maintien de la paix par l'ONU. À la fin de l'annĂ©e 1993, la Somalie Ă©tait toujours en proie Ă  la guerre civile et 4 000 militaires amĂ©ricains Ă©taient encore prĂ©sents sur le territoire. Au mois d'octobre, les forces spĂ©ciales amĂ©ricaines dĂ©clenchĂšrent un raid sur Mogadiscio afin de capturer le chef de guerre Mohamed Farrah Aidid, qui avait menĂ© des attaques contre les forces de l'ONU. L'opĂ©ration se solda par un Ă©chec, coĂ»tant la vie Ă  dix-huit soldats amĂ©ricains[122]. L'incident Ă©tait embarrassant pour l'administration Clinton et de nombreux AmĂ©ricains s'interrogĂšrent sur la prĂ©sence de leurs forces armĂ©es en Somalie. AprĂšs la ratification d'un accord de paix par les dirigeants somaliens en 1994, Clinton retira toutes les forces amĂ©ricaines du pays[123].

L'Ă©pisode somalien exacerba les discussions internes autour du rĂŽle Ă  jouer par la puissance militaire amĂ©ricaine dans la pĂ©riode de l'aprĂšs-guerre froide. Les partisans de la non-intervention remportĂšrent une victoire lorsque l'administration Clinton imposa de nouvelles conditions au dĂ©ploiement des troupes amĂ©ricaines, en particulier dans le cadre des missions de maintien de la paix de l'ONU[124]. En , les Hutus du Rwanda perpĂ©trĂšrent un gĂ©nocide contre la minoritĂ© des Tutsis, tuant 800 000 personnes en trois mois. L'ONU dĂ©pĂȘcha sur place un petit contingent pour assurer la protection des populations mais les États-Unis, qui n'avaient aucun intĂ©rĂȘt stratĂ©gique ou Ă©conomique dans la rĂ©gion, restĂšrent en retrait[125]. Clinton affirma plus tard que la non-intervention au Rwanda avait Ă©tĂ© la pire erreur de son administration[126].

En 1991, une junte militaire en HaĂŻti avait Ă©vincĂ© le prĂ©sident Jean-Bertrand Aristide, Ă©lu dĂ©mocratiquement[127]. Clinton Ă©tait favorable Ă  ce qu'Aristide retourne au pouvoir, en partie pour endiguer le flux d'HaĂŻtiens qui fuyaient vers les États-Unis, mais beaucoup d'AmĂ©ricains Ă©taient opposĂ©s Ă  une intervention militaire dans un État qui ne constituait pas une menace pour leur pays[128]. MalgrĂ© l'opposition du CongrĂšs et de l'opinion publique, Clinton annonça en que les États-Unis renverseraient la junte si elle ne se retirait pas volontairement du pouvoir[129]. Dans le mĂȘme temps, il envoya sur les lieux une dĂ©lĂ©gation de paix composĂ©e de Colin Powell, de l'ancien prĂ©sident Jimmy Carter et du sĂ©nateur Sam Nunn pour convaincre le gouvernement militaire de se retirer. Alors que les soldats amĂ©ricains se prĂ©paraient Ă  lancer une expĂ©dition sur HaĂŻti, la junte accepta finalement de rĂ©tablir Aristide dans ses fonctions[130].

Balkans

Carte de la Yougoslavie pendant la guerre.

Alors que la guerre froide touchait Ă  sa fin, Slobodan MiloĆĄević devint en 1989 le nouveau dirigeant de la RĂ©publique socialiste de Serbie. Sa politique nationaliste lui aliĂ©na les dirigeants des autres pays constitutifs de la Yougoslavie, un État multi-ethnique crĂ©Ă© en 1918 Ă  la fin de la PremiĂšre Guerre mondiale. La SlovĂ©nie, la Croatie et la RĂ©publique de MacĂ©doine proclamĂšrent leur indĂ©pendance en 1991, mais l'armĂ©e serbe s'opposa brutalement Ă  la sĂ©cession de la Croatie, marquant le dĂ©but des guerres yougoslaves. En 1992, la Bosnie-HerzĂ©govine quitta Ă  son tour la fĂ©dĂ©ration yougoslave. Tout comme en Croatie, une importante minoritĂ© de Serbes opposĂ©s Ă  la sĂ©cession vivait en Bosnie-HerzĂ©govine et une guerre Ă©clata entre les partisans de l'indĂ©pendance et ceux qui y Ă©taient opposĂ©s[131].

Les opĂ©rations de nettoyage ethnique menĂ©es par les Serbes de Bosnie furent condamnĂ©es par l'ensemble de la communautĂ© internationale. La question de savoir s'il fallait intervenir ou non dans les Balkans se posait de maniĂšre particuliĂšrement brĂ»lante au moment oĂč Clinton entra en fonction. Des activistes comme Elie Wiesel firent pression sur Clinton pour l'inciter Ă  agir contre les nettoyages ethniques, et le prĂ©sident lui-mĂȘme souhaitait faire quelque chose pour mettre fin aux violences[132]. Le gĂ©nĂ©ral Colin Powell, chef d'Ă©tat-major des armĂ©es, dĂ©conseilla nĂ©anmoins Ă  Clinton d'intervenir militairement car il estimait que les États-Unis n'avaient pas suffisamment d'intĂ©rĂȘts stratĂ©giques clairs dans cette rĂ©gion[133].

En , les forces serbes envahirent des zones de sĂ©curitĂ©s Ă©tablies par la Force de protection des Nations unies. Clinton autorisa alors des frappes aĂ©riennes contre les positions serbes[134]. Cela ne fut pas suffisant pour arrĂȘter l'avance de l'armĂ©e serbe, et en juillet 1995 prĂšs de 8 000 Bosniaques furent assassinĂ©s lors du massacre de Srebrenica. Clinton et son conseiller Ă  la sĂ©curitĂ© nationale, Anthony Lake, proposĂšrent une solution pour mettre fin au gĂ©nocide en Bosnie qui prĂ©voyait notamment une offensive aĂ©rienne massive de l'OTAN contre les Serbes bosniens. Les dirigeants europĂ©ens donnĂšrent leur accord et l'OTAN dĂ©clencha l'opĂ©ration Deliberate Force. En rĂ©action aux bombardements et Ă  la progression des troupes bosniaques, MiloĆĄević accepta d'entamer des pourparlers de paix[135]. Ces discussions dĂ©bouchĂšrent sur la signature des accords de Dayton qui mirent fin Ă  la guerre de Bosnie-HerzĂ©govine et divisĂšrent cette derniĂšre en deux rĂ©gions autonomes[136].

En 1998, une nouvelle guerre Ă©clata entre la Serbie et le Kosovo, une province serbe autonome qui souhaitait accĂ©der Ă  l'indĂ©pendance. Des groupes d'Albanais partisans de la sĂ©cession constituĂšrent l'ArmĂ©e de libĂ©ration du Kosovo et menĂšrent des attaques contre les forces serbes. Ces derniĂšres rĂ©primĂšrent le mouvement et procĂ©dĂšrent Ă  un nettoyage ethnique Ă  l'encontre de la population albanaise. Les dirigeants de l'OTAN ne souhaitaient pas s'impliquer dans ce conflit et la Russie annonça qu'elle mettrait son veto Ă  toute rĂ©solution des Nations unies autorisant une intervention militaire, mais la plupart des conseillers de Clinton Ă©taient favorables Ă  une nouvelle intervention dans les Balkans[137]. Afin d'obliger MiloĆĄević Ă  se mettre Ă  la table des nĂ©gociations, Clinton ordonna une campagne de bombardement contre l'armĂ©e serbe en . MiloĆĄević refusa nĂ©anmoins de capituler et l'OTAN intensifia les bombardements ; Belgrade, la capitale serbe, fut complĂštement dĂ©vastĂ©e. De plus en plus contestĂ© en interne, MiloĆĄević accepta finalement de retirer ses troupes et autorisa le dĂ©ploiement d'une force de maintien de la paix dirigĂ©e par l'OTAN au Kosovo. Le statut de cette rĂ©gion fit l'objet de vifs dĂ©bats dans les annĂ©es suivantes ; quant Ă  MiloĆĄević, il fut renversĂ© en [138].

Renforcement de l'OTAN

Bill Clinton avec le président russe Boris Eltsine en novembre 1999.

L'une des prioritĂ©s de Clinton fut d'Ă©tendre l'influence de l'OTAN dans les pays de l'ancien bloc de l'Est en Europe afin d'accroĂźtre la stabilitĂ© de la rĂ©gion. Les dirigeants russes ne voyaient pas d'un bon Ɠil l'Ă©largissement de cette alliance militaire, hĂ©ritĂ©e de la guerre froide dans un contexte de rivalitĂ© amĂ©ricano-soviĂ©tique. La dĂ©cision de Clinton d'Ă©largir l'OTAN fut aussi critiquĂ©e aux États-Unis par des responsables qui ne souhaitaient pas se mettre la Russie Ă  dos. DĂšs le dĂ©but de son mandat, Clinton noua cependant des relations amicales avec le prĂ©sident russe Boris Eltsine et celui-ci promit d'aider Ă  faire respecter les accords de Dayton en Bosnie-HerzĂ©govine[139].

En 1997, Clinton persuada non sans mal son homologue russe de ne pas s'opposer Ă  l'Ă©largissement de l'OTAN, permettant ainsi Ă  la Hongrie, la Pologne et la RĂ©publique tchĂšque d'y adhĂ©rer[139]. Eltsine insista en retour pour que les États-Unis s'engagent Ă  ne pas Ă©largir l'OTAN aux pays baltes, mais Clinton n'Ă©tait pas disposĂ© Ă  lier ses successeurs Ă  une telle promesse. Il s'opposa Ă©galement aux Français qui voulaient que la Roumanie et la SlovĂ©nie rejoignent l'OTAN car il pensait qu'une expansion trop rapide vers l'Europe de l'Est affaiblirait l'organisation[140]. Dans la vague des problĂšmes engendrĂ©s par la chute de l'URSS, Clinton essaya d'aider Eltsine Ă  Ă©viter une dĂ©pression Ă©conomique et Ă  rĂ©former l'Ă©conomie russe[141] - [142].

Il s'engagea en faveur de Boris Eltsine lors de l'Ă©lection prĂ©sidentielle russe de 1996, intervenant auprĂšs du Fonds monĂ©taire international (FMI) afin de faire octroyer Ă  la Russie un prĂȘt de 10,2 milliards de dollars durant la pĂ©riode prĂ©Ă©lectorale. Des conseillers amĂ©ricains furent Ă©galement envoyĂ©s, sur instruction de la Maison-Blanche, rejoindre l'Ă©quipe de campagne du prĂ©sident russe, alors extrĂȘmement impopulaire, pour enseigner de nouvelles techniques de propagande Ă©lectorale[143]. Clinton fit par la suite tout son possible pour empĂȘcher la rĂ©surgence du communisme en Russie, tout en favorisant l'entrĂ©e de cette derniĂšre au G8[141] - [142].

Terrorisme

La question du terrorisme devint l'un des principaux enjeux de sécurité nationale sous la présidence de Clinton[144]. Pendant la guerre d'Afghanistan, Oussama ben Laden avait fondé Al-Qaïda, une organisation militante sunnite. Ben Laden et les autres dirigeants d'Al-Qaïda méprisaient les valeurs occidentales et étaient particuliÚrement scandalisés par la présence de militaires américains en Arabie Saoudite. L'organisation prit de l'importance dans les années 1990 et commença à mener des actions terroristes au Moyen-Orient et ailleurs[145].

Le , un attentat Ă  la bombe fut commis contre le World Trade Center de New York, faisant six morts et plus de 1 000 blessĂ©s[146]. Cinq ans plus tard, le , eurent lieu les attentats contre les ambassades amĂ©ricaines en Tanzanie et au Kenya qui se soldĂšrent par la mort de plus de 200 personnes et environ 4 000 blessĂ©s[147] ; enfin, le , un navire amĂ©ricain, l'USS Cole, fut attaquĂ© au moyen d'une embarcation piĂ©gĂ©e dans le port d'Aden, au YĂ©men, tuant 17 marins et en blessant 39 autres[148].

Al-Qaïda revendiqua l'ensemble de ces attaques. En guise de représailles, Clinton ordonna à l'aviation américaine de bombarder les bases d'Al-Qaïda en Afghanistan et au Soudan[149]. Au sujet de ce dernier pays, Howard Zinn écrit : « les Américains déclarÚrent avoir bombardé une usine produisant des armes chimiques. On découvrit ultérieurement qu'il s'agissait en réalité d'une usine fabriquant des médicaments pour la moitié de la population soudanaise. Les conséquences humaines de cette destruction sont impossibles à calculer »[150]. Traqué par l'armée américaine et par la CIA, ben Laden parvint à se réfugier dans les montagnes afghanes[151].

Royaume-Uni et Irlande du Nord

Au cours de sa campagne Ă©lectorale de 1992, Clinton avait suggĂ©rĂ© l'envoi d'un Ă©missaire de paix en Irlande du Nord pour mettre un terme au conflit nord-irlandais, mais cela ne put se faire dans l'immĂ©diat car le gouvernement britannique Ă©tait hostile Ă  toute ingĂ©rence amĂ©ricaine[152]. Sous la prĂ©sidence de Clinton, les relations entre la Maison-Blanche et le Premier ministre du Royaume-Uni John Major ne furent pas trĂšs bonnes, notamment Ă  la suite d'une visite du dirigeant nord-irlandais Gerry Adams ― considĂ©rĂ© par Londres comme un « terroriste » ― aux États-Unis en 1994[153]. La situation s'amĂ©liora cependant en 1997 lorsque le travailliste Tony Blair succĂ©da Ă  Major au poste de Premier ministre. Clinton et Blair Ă©taient des centristes sur le plan politique et ils promurent ensemble leur concept de « troisiĂšme voie » Ă  l'Ă©chelle internationale[154]. Blair Ă©tait en outre un fervent partisan de l'alliance avec Washington et il participa activement aux nĂ©gociations sur le dossier nord-irlandais[155].

En novembre 1995, à l'occasion d'un cessez-le-feu, Clinton se rendit en Irlande du Nord afin de rencontrer les deux communautés divisées (nationaliste et unioniste) de Belfast. Le président américain en profita pour demander la fin des hostilités entre Londres, Dublin, les groupes paramilitaires et diverses autres factions. Lui et son envoyé spécial George J. Mitchell jouÚrent également un rÎle crucial dans les pourparlers de paix qui débouchÚrent sur l'accord du Vendredi saint le 10 avril 1998[156]. Ce dernier fut approuvé par référendum le 22 mai suivant et entra en vigueur le 2 décembre 1999. Si l'historien Richard S. Conley considÚre cet événement comme l'une des grandes réussites de la politique étrangÚre de Clinton[157], John Dumbrell note que l'accord ne fut pas suffisant pour apaiser complÚtement les tensions politiques ni mettre fin au climat de violence, comme en témoigne l'attentat d'Omagh en août 1998[158].

Moyen-Orient

Poignée de main entre le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin et le président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat sous le regard de Bill Clinton lors de la signature des accords d'Oslo, le 13 septembre 1993.

Clinton chercha Ă  se poser en mĂ©diateur dans le conflit israĂ©lo-arabe et il encouragea les dirigeants d'IsraĂ«l et de l'Organisation de libĂ©ration de la Palestine Ă  ratifier les accords d'Oslo en [159]. Par la suite, un nouvel accord donna naissance Ă  l'AutoritĂ© nationale palestinienne qui se vit attribuer l'administration de la bande de Gaza, territoire dont IsraĂ«l s'Ă©tait emparĂ© pendant la guerre des Six Jours en 1967. Lors de son second mandat, Clinton s'efforça de relancer les nĂ©gociations de paix, parvenant notamment Ă  convaincre le gouvernement israĂ©lien de cĂ©der la Cisjordanie, Ă©galement conquise par Tsahal durant la guerre des Six Jours. En 2000, Bill Clinton organisa le sommet de Camp David II entre le dirigeant palestinien Yasser Arafat et le Premier ministre israĂ©lien Ehud Barak, mais les discussions entre les deux parties Ă©chouĂšrent Ă  dĂ©boucher sur un compromis. En septembre de la mĂȘme annĂ©e, la population palestinienne se souleva contre les autoritĂ©s israĂ©liennes : ce fut le dĂ©but de la seconde intifada, qui se poursuivit plusieurs annĂ©es aprĂšs la fin de la prĂ©sidence de Clinton[160].

Clinton maintint les sanctions Ă©conomiques et les zones d'exclusion aĂ©rienne imposĂ©es Ă  l'Irak au lendemain de la guerre du Golfe. En rĂ©ponse Ă  la tentative d'assassinat fomentĂ©e par les autoritĂ©s irakiennes contre l'ancien prĂ©sident George H. W. Bush, Clinton ordonna une frappe de missiles contre le siĂšge des services de renseignement irakiens en 1993[159]. De plus, la commission mandatĂ©e par les Nations unies pour surveiller l'Ă©tat du programme de dĂ©veloppement d'armes de destruction massive irakien vit son travail perturbĂ© par Saddam Hussein. Les États-Unis et le Royaume-Uni ripostĂšrent en bombardant les entrepĂŽts d'armes irakiens pendant l'annĂ©e 1998[161]. Ces raids se poursuivirent de façon sporadique jusqu'Ă  l'invasion de l'Irak en 2003[162].

Amérique latine

L'administration Clinton adopta une politique d'immigration plus restrictive Ă  l'Ă©gard des rĂ©fugiĂ©s cubains qui cherchaient Ă  fuir le rĂ©gime socialiste de Fidel Castro. En vertu du principe « pieds secs, pieds mouillĂ©s », les Cubains qui avaient rĂ©ussi Ă  poser le pied sur le sol amĂ©ricain se voyaient accorder l'asile politique tandis que ceux qui essayaient de fuir par la mer Ă©taient renvoyĂ©s Ă  Cuba. Cette nouvelle donne fut mise en lumiĂšre en 2000 par l'affaire EliĂĄn GonzĂĄlez, du nom d'un jeune rĂ©fugiĂ© cubain dont la mĂšre s'Ă©tait noyĂ©e dans sa tentative de rejoindre les États-Unis avec son fils et dont le dĂ©partement de la Justice ordonna le renvoi Ă  Cuba, ce qui suscita une importante controverse. En 1996, le CongrĂšs adopta en outre la loi Helms-Burton qui durcissait l'embargo contre Cuba Ă  la suite de la destruction de deux avions amĂ©ricains Ă  vocation humanitaire par le rĂ©gime castriste[163].

En , Bill Clinton fut informĂ© par ses conseillers que le gouvernement mexicain Ă©tait dans l'incapacitĂ© de rembourser ses dettes et qu'un prĂȘt de 25 milliards de dollars de la part des États-Unis Ă©tait nĂ©cessaire pour redresser la situation. Clinton et le prĂ©sident de la Chambre des reprĂ©sentants Newt Gingrich pensaient qu'il Ă©tait important pour les intĂ©rĂȘts amĂ©ricains de renflouer l'Ă©conomie mexicaine, mais le CongrĂšs s'opposa Ă  toute forme d'aide[164]. Clinton chercha nĂ©anmoins Ă  coopĂ©rer avec le prĂ©sident mexicain Ernesto Zedillo dans la lutte contre les narcotrafiquants. À la suite de l'arrestation par la douane amĂ©ricaine, en 1998, de nombreux banquiers mexicains impliquĂ©s dans le trafic de drogue (opĂ©ration Casablanca), les autoritĂ©s mexicaines se plaignirent de ne pas avoir Ă©tĂ© associĂ©es Ă  l'enquĂȘte et un accord fut signĂ© pour encadrer ce type d'opĂ©ration transfrontaliĂšre[165].

Clinton lança en 1999 le plan Colombie qui visait Ă  soutenir le gouvernement colombien dans sa lutte contre les guĂ©rillas communistes, moyennant le versement de 1,6 milliard de dollars sur trois ans Ă  l’armĂ©e colombienne. Un amendement vint rapidement souligner la seconde fonction du plan : favoriser les investissements Ă©trangers en « insist[ant] pour que le gouvernement colombien complĂšte les rĂ©formes urgentes destinĂ©es Ă  ouvrir complĂštement son Ă©conomie Ă  l’investissement et au commerce extĂ©rieur »[166].

Autres événements

L'administration Clinton contribua à limiter les effets de la crise économique asiatique de 1997 en maintenant ouverts les marchés américains[167].

Surmontant l'opposition des conservateurs et des vĂ©tĂ©rans de la guerre du ViĂȘt Nam, Clinton normalisa les relations diplomatiques avec le ViĂȘt Nam en 1995 et y effectua une visite officielle la mĂȘme annĂ©e, une premiĂšre pour un prĂ©sident amĂ©ricain. Il fut Ă©galement le premier prĂ©sident Ă  visiter le Botswana, la SlovĂ©nie et l'Afrique du Sud[168].

Par ailleurs, sous sa prĂ©sidence, les États-Unis devinrent le premier exportateur mondial d'armement, avec un bĂ©nĂ©fice de 11 milliards de dollars pour l'annĂ©e 1999. L'administration Clinton continua ainsi de fournir du matĂ©riel militaire Ă  des pays comme TaĂŻwan, l'Arabie saoudite ou encore l'IndonĂ©sie, qui occupait depuis 1975 le Timor oriental au prix d'une sanglante rĂ©pression[169].

Scandales et tentative d'impeachement

Bill Clinton et Monica Lewinsky dans le Bureau ovale en 1997.

Avant leur entrée en fonction, Bill et Hillary Clinton avaient investi dans la Whitewater Development Corporation, une société immobiliÚre qui fit rapidement faillite. Les propriétaires de l'entreprise, Jim et Susan McDougal, furent peu aprÚs accusés d'activités frauduleuses du fait de leur connexion avec une société d'épargne et de crédit. La mort, en , du conseiller adjoint de la Maison-Blanche Vince Foster souleva de nouvelles suspicions sur les liens qui unissaient le couple Clinton aux caisses d'épargne américaines. La controverse qui s'ensuivit fut le point de départ du scandale du Whitewater[170].

Afin de faire taire les rumeurs qui circulaient sur la mort de Foster, Clinton autorisa la procureure gĂ©nĂ©rale Janet Reno Ă  nommer un procureur spĂ©cial pour enquĂȘter sur l'affaire, conformĂ©ment aux termes de la loi sur l'Ă©thique gouvernementale. Un jury composĂ© de trois juges se rĂ©unit et dĂ©signa Kenneth Starr, ancien avocat gĂ©nĂ©ral des États-Unis, pour s'occuper de l'affaire en qualitĂ© de procureur indĂ©pendant. Les investigations de Starr s'Ă©tendirent bien au-delĂ  de la controverse du Whitewater : le procureur s'intĂ©ressa notamment Ă  une plainte pour harcĂšlement sexuel dĂ©posĂ©e Ă  l'encontre de Clinton par Paula Jones, qui avait travaillĂ© un temps comme fonctionnaire dans l'Arkansas[170].

Fichiers audio
DĂ©claration et commentaire de Bill Clinton sur l'affaire Monica Lewinsky (26 janvier 1998)
Déclaration du président Clinton se terminant par un bref commentaire au sujet de l'affaire Monica Lewinsky. Cette prise de parole est restée célÚbre pour la phrase suivante : « je n'ai pas eu de relations sexuelles avec cette femme, Mademoiselle Lewinsky » (6 min 7 s.)
DĂ©claration et commentaire de Bill Clinton sur l'affaire Monica Lewinsky (26 janvier 1998)
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En 1998, l'équipe de Starr apprit qu'une stagiaire de la Maison-Blanche, Monica Lewinsky, avait eu une relation avec le président Clinton. Dans une déposition sous serment faite dans le cadre du procÚs qui l'opposait à Paula Jones, ce dernier nia avoir eu des rapports sexuels avec Lewinsky[171]. Le bruit engendré par cette nouvelle affaire s'estompa alors quelque peu mais, en , Lewinksy passa un accord d'immunité avec le procureur en échange de révélations sur la nature de sa relation avec le président. Clinton avoua à son tour les faits au mois de septembre et prononça des excuses publiques[172].

Alors que Clinton affirmait ne pas avoir menti sous serment dans ses réponses aux questions posées lors du procÚs Jones, le comité judiciaire de la Chambre des représentants enclencha une procédure d'impeachment à son encontre[171]. Le scandale se hissa au premier plan des préoccupations du CongrÚs et de la Maison-Blanche, ce qui mit fin aux espoirs de l'administration de réformer le programme Medicare et le systÚme d'aide sociale[173]. Le comportement de Clinton à l'égard de Lewinsky fut vivement critiqué par les membres des deux principaux partis, mais bon nombre de démocrates avaient accepté les excuses réitérées du président et considéraient la réaction des républicains et des médias comme disproportionnée par rapport à la gravité de l'affaire[174].

La Chambre des reprĂ©sentants s'Ă©tant prononcĂ©e en faveur de l'impeachment sur la base de deux chefs d'inculpation, le second procĂšs en destitution de l'histoire amĂ©ricaine, aprĂšs celui d'Andrew Johnson en 1868, s'ouvrit au SĂ©nat en . Les sĂ©nateurs, bien que majoritairement rĂ©publicains, rejetĂšrent toutefois les charges retenues contre Bill Clinton (la condamnation du prĂ©sident exigeait une majoritĂ© des deux tiers des sĂ©nateurs) et celui-ci fut acquittĂ©[171]. La mĂȘme annĂ©e, le CongrĂšs dĂ©cida de ne plus renouveler l'expĂ©rience du comitĂ© juridique qui avait abouti Ă  la nomination de Starr et annonça que les enquĂȘtes pour des faits de nature similaire seraient conduites Ă  l'avenir sous la supervision du dĂ©partement de la Justice. Clinton reconnut par la suite avoir « sciemment donnĂ© des rĂ©ponses Ă©vasives et trompeuses » lors de sa dĂ©claration au procĂšs intentĂ© par Paula Jones[175]. Un accord financier fut finalement conclu avec cette derniĂšre tandis que l'affaire du Whitewater dĂ©boucha sur un non-lieu[176].

ÉchĂ©ances Ă©lectorales

Élections de mi-mandat de 1994

En raison des controverses qui avaient Ă©maillĂ© le dĂ©but du mandat de Clinton, en particulier le dĂ©bat sur l'admission des homosexuels au sein de l'armĂ©e, le laborieux processus de confirmation des nominations au sein du cabinet et le scandale du « Travelgate », la cote de popularitĂ© du prĂ©sident n'Ă©tait plus que de 37 % au milieu de l'annĂ©e 1993[177]. Les revers essuyĂ©s au sujet de la rĂ©forme du systĂšme de santĂ© et en politique Ă©trangĂšre n'Ă©taient pas de nature Ă  redresser la situation et Clinton aborda les Ă©lections lĂ©gislatives de 1994 en mauvaise posture[178]. Sous l'impulsion de Newt Gingrich, les rĂ©publicains de la Chambre adoptĂšrent un programme intitulĂ© « Contrat avec l'AmĂ©rique » qui plaidait pour une refonte de l'État-providence, l'adoption d'un budget en Ă©quilibre, une limitation du nombre de mandats et une libĂ©ralisation de l'Ă©conomie. La victoire des rĂ©publicains fut Ă©crasante avec un gain de 54 siĂšges Ă  la Chambre des reprĂ©sentants et 9 au SĂ©nat, donnant au parti le contrĂŽle des deux chambres du CongrĂšs pour la premiĂšre fois depuis 1955[179].

Élection prĂ©sidentielle de 1996

La gestion budgĂ©taire de Clinton et le dĂ©roulement de la guerre de Bosnie renforcĂšrent sa popularitĂ© et les sondages le placĂšrent systĂ©matiquement en tĂȘte de ses rivaux rĂ©publicains tout au long de l'annĂ©e 1996[180]. Lors des primaires rĂ©publicaines qui se dĂ©roulĂšrent Ă  la mĂȘme Ă©poque, les candidatures de Pat Buchanan et de l'Ă©diteur Steve Forbes ne firent pas le poids face au chef de la majoritĂ© sĂ©natoriale Bob Dole, qui fut officiellement investi comme candidat du parti Ă  la convention nationale du mois d'aoĂ»t. À cette occasion, Dole choisit l'ancien dĂ©putĂ© conservateur Jack Kemp pour colistier et se dĂ©clara favorable Ă  une rĂ©duction de 15 % de l'impĂŽt sur le revenu, tous niveaux confondus. Le milliardaire Ross Perot fut une nouvelle fois candidat, sous la banniĂšre du Parti de la rĂ©forme[181].

Clinton continua pour sa part Ă  se dĂ©finir comme centriste et dĂ©clara en que « l'Ăšre de l'État omniprĂ©sent est rĂ©volue ». Dans le mĂȘme temps, la campagne de son adversaire, un des candidats Ă  la fonction suprĂȘme les plus ĂągĂ©s de l'histoire du pays, fut entachĂ©e d'erreurs[182]. Dole se montra en particulier incapable de fĂ©dĂ©rer son Ă©lectorat autour d'un thĂšme rassembleur, ce qui lui coĂ»ta cher le jour de l'Ă©lection[181] : Clinton l'emporta en effet par une confortable avance dans le vote populaire (49,2 % contre 40,7 %) et au sein du collĂšge Ă©lectoral (379 voix contre 159). Quant Ă  Perot, sa performance fut moins impressionnante que lors du prĂ©cĂ©dent scrutin puisqu'il ne dĂ©passa pas les %[183]. Le prĂ©sident sortant rafla ainsi la totalitĂ© des États du Nord-Ouest et la plupart de ceux du Midwest, alors que Dole rĂ©alisa ses meilleurs scores dans les États montagneux et dans le Sud[184]. Clinton fut ainsi le premier prĂ©sident dĂ©mocrate rĂ©Ă©lu depuis Franklin D. Roosevelt mais le taux d'abstention s'Ă©levait Ă  plus de 50 %, ce qui constituait un record depuis 1924[185]. En dĂ©pit de la victoire du candidat dĂ©mocrate, les rĂ©publicains conservĂšrent leur majoritĂ© au SĂ©nat et Ă  la Chambre des reprĂ©sentants[181]. Cette situation incita Clinton Ă  abandonner tout projet de rĂ©forme important en matiĂšre de politique intĂ©rieure sous son second mandat[186].

Élections de mi-mandat de 1998

Au plus fort de l'affaire Monica Lewinsky, la cote de popularitĂ© de Clinton grimpa jusqu'Ă  65 % d'opinions favorables. D'aprĂšs les sondages, si beaucoup d'AmĂ©ricains ne cautionnaient pas la nature de la relation entre Clinton et Lewinsky, ils Ă©taient Ă©galement nombreux Ă  penser que cela n'Ă©tait pas un motif suffisant pour invoquer la destitution. Contre toute attente, le Parti dĂ©mocrate remporta cinq siĂšges Ă  la Chambre des reprĂ©sentants aux Ă©lections lĂ©gislatives de 1998 (la situation au SĂ©nat restant inchangĂ©e)[187]. C'Ă©tait la premiĂšre fois depuis 1934 que le parti du prĂ©sident gagnait des siĂšges Ă  la Chambre lors des Ă©lections de mi-mandat[188]. À l'issue de ce scrutin, Newt Gingrich dĂ©missionna de ses fonctions de speaker de la Chambre et fut remplacĂ© par Dennis Hastert[187].

Élection prĂ©sidentielle de 2000

AprÚs avoir battu son rival, le sénateur du New Jersey Bill Bradley, aux primaires démocrates, le vice-président Al Gore décrocha facilement l'investiture de son parti en vue de l'élection présidentielle de 2000[189]. Son colistier fut le sénateur du Connecticut Joe Lieberman, qui avait formulé de nombreuses critiques à l'encontre de Clinton, notamment durant l'affaire Lewinsky[190]. Le ticket démocrate était opposé au gouverneur du Texas George W. Bush, fils de l'ancien président, qui avait remporté les primaires républicaines face au sénateur de l'Arizona John McCain, et à son colistier Dick Cheney, ancien secrétaire à la Défense sous la présidence de George H. W. Bush. Le candidat du Parti de la réforme, Pat Buchanan, était partisan d'une réduction de l'immigration[189] tandis que le champion du Parti vert, Ralph Nader, séduisit de nombreux progressistes déçus par les politiques centristes de Clinton et de Gore[191].

Bush promit des rĂ©ductions massives d'impĂŽts, une privatisation partielle de la sĂ©curitĂ© sociale et la mise en place de chĂšques Ă©ducation ; il critiqua Ă©galement Clinton sur la gestion de son intervention en HaĂŻti ainsi que dans d'autres pays tout en faisant rĂ©fĂ©rence aux frasques sexuelles du prĂ©sident[192]. De son cĂŽtĂ©, Gore, qui avait Ă©tĂ© un proche collaborateur de Clinton durant les deux mandats accomplis par son administration, prit ses distances avec lui au cours de la campagne[193]. Le jour de l'Ă©lection, Gore arriva en tĂȘte du vote populaire avec 48,4 % des voix contre 47,9 % Ă  Bush et 2,7 % Ă  Nader. Le candidat dĂ©mocrate remporta la plupart des États du Nord-Est, du Midwest et de la cĂŽte Pacifique alors que son adversaire rĂ©publicain rafla le Sud et l'Ouest intĂ©rieur. L'heure Ă©tait toutefois Ă  l'incertitude puisqu'aucun des deux principaux candidats n'avait encore obtenu la majoritĂ© au sein du collĂšge Ă©lectoral[194].

Les rĂ©sultats de l'Ă©lection nationale se jouĂšrent en Floride, oĂč l'Ă©cart entre les deux candidats Ă©tait extrĂȘmement serrĂ©. Une intense bataille judiciaire opposa pendant cinq semaines les Ă©quipes de Gore et de Bush alors que l'État de Floride avait dĂ©cidĂ© de procĂ©der Ă  un recomptage des voix. La Cour suprĂȘme locale valida le bien-fondĂ© de cette dĂ©cision mais l'Ă©quipe de campagne de Bush, refusant de s'avouer vaincue, demanda Ă  la Cour suprĂȘme des États-Unis de s'emparer de l'affaire. Le , par 5 voix contre 4, les juges de la Cour ordonnĂšrent de suspendre les opĂ©rations de recomptage, confirmant de fait la victoire de Bush en Floride et au niveau national[195]. Bush fut ainsi le quatriĂšme candidat Ă  une Ă©lection prĂ©sidentielle amĂ©ricaine, et le premier depuis 1888, Ă  ĂȘtre proclamĂ© vainqueur tout en Ă©tant minoritaire en nombre de voix[196]. Les rĂ©publicains conservĂšrent en outre leur majoritĂ© au SĂ©nat et Ă  la Chambre des reprĂ©sentants, donnant au parti le contrĂŽle simultanĂ© du CongrĂšs et de la prĂ©sidence pour la premiĂšre fois depuis 1954[197].

HĂ©ritage

Le président Clinton à Los Alamos en mai 1993.

Servi par son charisme et sa personnalitĂ© chaleureuse, Clinton imposa un style de gouvernement renouvelĂ© qui lui permit de conserver les faveurs du peuple amĂ©ricain en dĂ©pit des errements relatifs Ă  sa vie privĂ©e[198]. Pendant la plus grande partie de sa prĂ©sidence, il jouit ainsi d'une forte popularitĂ© qui culmina Ă  66 % Ă  la fin de son mandat, mĂȘme si un pourcentage Ă©quivalent d'AmĂ©ricains considĂ©raient leur prĂ©sident, sur un plan personnel, comme n'Ă©tant pas digne de confiance[199]. Cette bonne image Ă©tait Ă©troitement liĂ©e au dynamisme de l'Ă©conomie qui entraĂźna tout Ă  la fois une diminution du chĂŽmage, des excĂšs budgĂ©taires et une baisse du ratio dette/PIB[200]. En outre, dans un contexte partisan marquĂ© par la victoire des rĂ©publicains aux Ă©lections de mi-mandat de 1994, Clinton fit preuve d'un grand talent politique en exploitant les erreurs de ses adversaires et en prĂ©emptant certaines de leurs thĂ©matiques de campagne, ce qui lui permit d'opĂ©rer un « recentrage » et de conserver une marge de manƓuvre[201]. Il se fit ainsi le promoteur d'un centrisme qui cherchait Ă  opĂ©rer une synthĂšse entre les combats chers aux progressistes (Ă©cologie, dĂ©fense du droit Ă  l'avortement, rĂ©gulation des ventes d'armes Ă  feu, 
) et les chevaux de bataille traditionnels des conservateurs tels que la rĂ©duction de l'État-providence ou la rĂ©pression sĂ©vĂšre de la criminalitĂ©[202].

L'historien Gil Troy souligne que Clinton eut la chance de bĂ©nĂ©ficier d'une Ă©conomie forte mais que sa prĂ©sidence connut de nombreux alĂ©as, en particulier la gestion chaotique des premiers mois de 1993, l'Ă©chec de la rĂ©forme du systĂšme de santĂ©, la large victoire des rĂ©publicains aux Ă©lections de mi-mandat de 1994 ainsi que l'affaire Lewinsky et la mise en accusation du prĂ©sident, ce qui n'empĂȘcha pas Clinton de remporter plusieurs victoires significatives telles que l'adoption d'un budget en Ă©quilibre, la ratification de l'ALENA, sa propre rĂ©Ă©lection ou encore le vote de la loi sur la dĂ©rĂ©gulation bancaire[203]. Dans un livre paru peu aprĂšs le dĂ©part de Clinton de la Maison-Blanche, le journaliste et Ă©ditorialiste Joe Klein considĂšre que « Bill Clinton mena une prĂ©sidence sĂ©rieuse et substantielle ; ses succĂšs en matiĂšre de politique intĂ©rieure ne furent pas nĂ©gligeables et furent obtenus contre vents et marĂ©es. Il sauva le Parti dĂ©mocrate de l'insignifiance et dĂ©veloppa une nouvelle philosophie de gouvernement qui redonna de la crĂ©dibilitĂ© Ă  la dĂ©fense du secteur public, mĂȘme Ă  une Ă©poque d'apathie et de scepticisme Ă  l'Ă©chelle nationale. En outre, il rendit le service le plus important qu'un dirigeant puisse rendre : il concevait le monde clairement, rĂ©agissant avec prudence aux dĂ©fis auxquels il Ă©tait confrontĂ© ; et expliqua une transformation Ă©conomique complexe au peuple amĂ©ricain qu'il conduisit au seuil d'une nouvelle Ăšre »[204]. Selon Pierre MĂ©landri, pour qui « Clinton peut, dans un certain sens, partir satisfait » Ă  la fin de son mandat, le bilan de ces huit annĂ©es de prĂ©sidence dĂ©mocrate demeure toutefois en demi-teinte :

« [Clinton] qui avait tout pour ĂȘtre un grand prĂ©sident n'aura Ă©tĂ© qu'un chef d'État prudent. En prĂ©fĂ©rant louvoyer entre les obstacles plutĂŽt que de les affronter, il s'est Ă©pargnĂ© une erreur fatale dont il ne se serait pas relevĂ©, mais s'est sans doute privĂ© de la chance d'exploiter l'occasion unique que la fin de la guerre froide lui offrait. AprĂšs avoir fait campagne sur la chanson « Ne cessons jamais de penser au lendemain », il a gĂ©rĂ© au jour le jour un monde toujours plus incertain. Avec le recul, nĂ©anmoins, et au regard du bilan de son successeur rĂ©publicain, le souvenir des annĂ©es oĂč il a prĂ©sidĂ© Ă  leur destin, inspirera parfois une rĂ©elle nostalgie Ă  ses concitoyens[205]. »

Élu sur une promesse de changement et de renouveau[206], Clinton fut confrontĂ©, peu aprĂšs son arrivĂ©e au pouvoir, au rejet de son plan d'assurance santĂ© qui lui fit abandonner tout espoir de mener une prĂ©sidence rĂ©formatrice et ambitieuse au profit de mesures non dĂ©pourvues d'ampleur, mais plus discrĂštes et ponctuelles[207]. S'il parvint rĂ©guliĂšrement Ă  circonvenir les rĂ©publicains du CongrĂšs pour parvenir Ă  ses fins, il laissa un bilan lĂ©gislatif qui, de l'avis de Jacques Portes, « reste trĂšs mince, sans le moindre projet d'envergure »[208]. Son approche des relations avec le CongrĂšs a elle-mĂȘme Ă©tĂ© critiquĂ©e par l'historien Howard Zinn, pour qui « [Clinton] fit maintes fois preuve d'une prudence excessive et de conservatisme, ratifiant des lois qui satisfaisaient plus le parti rĂ©publicain et le monde des affaires que les dĂ©mocrates, dont une partie se souvenait encore des programmes audacieux de Franklin Roosevelt »[209] ; le mĂȘme auteur ajoute que la prioritĂ© accordĂ©e par Clinton Ă  la rĂ©duction du dĂ©ficit budgĂ©taire empĂȘcha la mise en Ɠuvre d'une vĂ©ritable politique sociale, culturelle et environnementale[210]. À l'inverse, James Patterson est d'avis que le 42e prĂ©sident amĂ©ricain « demeura un dĂ©fenseur acharnĂ© des programmes sociaux fĂ©dĂ©raux » et qu'« il rĂ©sista aux tentatives des conservateurs de rĂ©duire l'État-providence »[88].

L'historien et journaliste Thomas Frank Ă©met quant Ă  lui un jugement trĂšs critique des annĂ©es Clinton, Ă  qui il impute une sĂ©rie de dĂ©rĂ©glementations massives dans le secteur de la banque, de la finance et des tĂ©lĂ©communications, la mise en Ɠuvre d'une politique de sĂ©curitĂ© prĂ©judiciable aux classes populaires et un dĂ©tricotage du systĂšme d'aide sociale : « mesurĂ©e Ă  l'aune de l'inĂ©galitĂ©, l'administration de Clinton n'est pas hĂ©roĂŻque, elle est odieuse »[211]. De fait, si l'embellie Ă©conomique survenue sous sa prĂ©sidence contribua Ă  lisser les Ă©carts de niveaux de vie entre les Afro-AmĂ©ricains et les Blancs, les inĂ©galitĂ©s entre les riches et les pauvres s'accentuĂšrent[212] : en 1999, 35 % de la richesse du pays Ă©taient dĂ©tenus par les % les plus fortunĂ©s de la population alors que ce pourcentage n'Ă©tait que de 22 % en 1979[213]. Son hĂ©ritage fut en outre terni par les nombreux scandales qui Ă©maillĂšrent son administration et que le prĂ©sident n'eut de cesse d'alimenter par un comportement « Ă  risque » mis en lumiĂšre par l'affaire Lewinsky. Cette derniĂšre, combinĂ©e avec le constant souci de Clinton de gagner les faveurs de l'opinion publique, entraĂźna une Ă©rosion du prestige de la fonction prĂ©sidentielle[214], de sorte que MĂ©landri peut Ă©crire que « l'on ne sait trop ce que l'histoire considĂ©rera comme son legs : le stigmate du procĂšs pour impeachment ou le retour Ă  l'Ă©quilibre budgĂ©taire d'une AmĂ©rique insolemment prospĂšre »[215]. MalgrĂ© ces controverses, les historiens et les politologues considĂšrent gĂ©nĂ©ralement Clinton comme un prĂ©sident supĂ©rieur Ă  la moyenne. Dans un sondage C-SPAN de 2017, Clinton termina en 15e position[216] et fut classĂ© 13e dans un autre sondage rĂ©alisĂ© en 2018 auprĂšs de l'American Political Science Association[217]. Le professeur Russell L. Riley, de l'universitĂ© de Virginie, dresse l'analyse suivante :

« D'une certaine maniĂšre, la nation est encore aujourd'hui imprĂ©gnĂ©e de la prĂ©sidence de Clinton, ce qui fait qu'il est difficile de porter un jugement Ă©clairĂ© sur la persistance de son hĂ©ritage historique [
]. Les « nouveaux dĂ©mocrates » dont il faisait partie ont embrassĂ© l'appel de Reagan en faveur de la loi et de l'ordre, de l'individualisme et d'une rĂ©forme de l'aide sociale, rendant le parti plus attrayant pour les AmĂ©ricains blancs de la classe moyenne. Dans le mĂȘme temps, le parti renaissant a conservĂ© ses traditionnelles prises de position dĂ©mocratiques en faveur des plus dĂ©favorisĂ©s, de la rĂ©gulation des excĂšs du marchĂ©, du soutien aux minoritĂ©s et aux femmes et de l'intervention du gouvernement pour stimuler la croissance Ă©conomique [
]. Toutefois, les prĂ©tentions de Clinton Ă  un hĂ©ritage durable et positif pour le Parti dĂ©mocrate ont Ă©tĂ© sĂ©vĂšrement entamĂ©es par deux constats : la prise de pouvoir des rĂ©publicains au CongrĂšs sous sa prĂ©sidence et la dĂ©faite de son successeur dĂ©signĂ©, le vice-prĂ©sident Al Gore, Ă  l'Ă©lection prĂ©sidentielle de 2000. Aussi le legs de Clinton d'un point de vue partisan demeure-t-il complexe et incertain[218]. »

Mesures prises sous la présidence

Principales lois signées

Bibliographie

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Notes et références

Notes

  1. Toutes les donnĂ©es, Ă  l'exception du pourcentage de la dette, sont exprimĂ©es en milliards de dollars. Le PIB est calculĂ© selon l'annĂ©e civile. Le montant des revenus, des dĂ©penses, du dĂ©ficit et de la dette est calculĂ© selon l'annĂ©e fiscale, qui se termine le 30 septembre. Par exemple, l'annĂ©e fiscale 2017 aux États-Unis s'est achevĂ©e le 30 septembre 2017.
  2. Représente la dette nationale détenue par le public en pourcentage du PIB.
  3. La loi fut finalement abrogée en 2010 sous la présidence de Barack Obama (Conley 2012, p. 66).

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