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Tutsis

Les Tutsis ou Tutsi sont un groupe de populations habitant la région des Grands Lacs africains. Historiquement, ils ont été souvent appelés Watutsi, Watusi, Wahuma ou Wahima.

Tutsis

Populations importantes par région
Drapeau du Burundi Burundi 1 207 000
Drapeau du Rwanda Rwanda 1 044 000
Drapeau de la rĂ©publique dĂ©mocratique du Congo RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo 297 000
Drapeau de la Tanzanie Tanzanie 213 000
Drapeau de l'Ouganda Ouganda 64 000
Population totale 2 825 000
Autres
Langues Langues rwanda-rundi
Religions Christianisme, Islam
Ethnies liées Hutus, Hemas et autres peuples bantous

Les Tutsis comme les Hutus font partie des populations Banyarwandas et Barundi[1], et résident au Rwanda et au Burundi. Ils constituent environ 15 à 20 % de la population au Rwanda et au Burundi. Les Tutsis comme les Hutus parlent des langues bantoues : le Kinyarwanda au Rwanda et le Kirundi au Burundi.

Ethnonymie

Selon les sources, de multiples dénominations sont observées : Bagogwe, Banyarwanda, Batusi, Batussi, Batuti, Batutsi, Buha, Mulenge, Ruanda, Rwanda, Tusi, Tussi, Tuti, Tutsis, Tuutsi, Watousi, Watoussi, Watoutsi, Watusi, Watussi ou Watutsi[2].

Colonisation

Initialement, Tutsis et Hutus parlaient les mêmes langues bantoues et pratiquaient les mêmes religions traditionnelles africaines avant d'être convertis au christianisme, mais une minorité des Tutsis se reconnaîtrait comme juive[3]. Traditionnellement, durant des siècles, les Tutsis ont été des éleveurs de vaches à longues cornes de la race dite Watusi tandis que les Hutus étaient surtout des cultivateurs. Avant l'arrivée des Européens, le Rwanda ne fonctionnait que dans une division clanique de la population, il n'y avait pas vraiment de dualité ethnique entre Tutsis et Hutus. Ce n'est qu'à l'arrivée des Européens, alors largement acquis aux théories raciales de l'époque, que le Rwanda va être ethnicisé.

Les colonisateurs européens, notamment les missionnaires Pères blancs, ont en effet développé l'idée d'une origine hamitique des Tutsis, tandis que les Hutus seraient un peuple bantou. Cette théorie se base sur le fait que morphologiquement, à l'instar des Nilotiques et se distinguant des Hutus, les Tutsis sont souvent des personnes de haute taille, dépassant fréquemment les 2 mètres chez les hommes, munies d'un nez fin, de lèvres minces et d'un haut front bombé vers l'arrière, celui-ci étant surtout marqué chez les femmes et les jeunes filles. Une légende raconte même que les Tutsis seraient les descendants d'Égyptiens antiques qui auraient remonté le Nil jusqu'à sa source, cette légende tend à renforcer le caractère noble de l'ethnie tutsi vis-à-vis des Hutus. Cette classification ethnique, qui a fait des Tutsis l'ethnie privilégiée par le colonisateur pour administrer le Rwanda et a donc provoqué énormément de ressentiment dans la population hutu majoritaire, fut instrumentalisée lors de conflits géopolitiques culminant dans le génocide des Tutsis de 1994. La manière de tuer les Tutsis par les Hutus révèle les catégories mentales des colonisateurs : amputer le nez, symbole de la beauté exaltée par les Européens, sectionner les tendons de pieds et des mollets parce qu’il s’agit de « couper les grands arbres »[4].

Selon l'opinion des premiers colons arrivés au Rwanda et au Burundi, Allemands puis Belges, les populations du Rwanda et du Burundi étaient divisées en trois groupes ethniques : les Hutus, les Tutsis et les Twas. Cette analyse ne repose pas sur les critères qui caractérisent normalement des ethnies : tous les Rwandais et Burundais parlent la même langue avec de légères variantes dans chaque pays — le kinyarwanda et le kirundi — et partagent la même culture. De plus ils vivent mélangés, acceptent dans beaucoup de familles les mariages entre groupes et ont les mêmes croyances, ancestrales ou issues de la colonisation. Enfin, avant la colonisation, il était possible de passer d'un groupe à l'autre.

Historiquement, un « Tutsi » est avant tout un éleveur de bétail. Selon Jean-Pierre Chrétien, les Tutsis ne sont pas un groupe ethnique mais une composante socioprofessionnelle traditionnelle de la société des Banyarwandas, à laquelle des structures politiques sont attachées. Ainsi, depuis le génocide rwandais, les ethnies Hutu / Tutsi, que beaucoup considèrent comme des étiquettes bancales attribuées par le colonisateur de façon arbitraire et montées en épingle, est aujourd'hui remis en cause même au Rwanda : les cartes d'identités rwandaises n'indiquent plus l'appartenance à l'ethnie Hutu ou Tutsi de chacun de ses citoyens. Cette interprétation est discutée. D'autres spécialistes tels Filip Reyntjens ou Bernard Lugan avancent que si le clivage ethnique entre hutus et tutsis a été exacerbé par la colonisation, il était au moins en partie préexistant.

Études génétiques

Y-ADN (lignées paternelles)

Les études génétiques actuelles du chromosome Y suggèrent que les Tutsis, comme les Hutus, sont en grande partie d'extraction bantoue (80 % E1b1a, 15 % B, 4 % E3). Les influences génétiques paternelles associées à la corne de l'Afrique et de l'Afrique du Nord sont rares (1 % E1b1b), et sont attribuées aux premiers habitants qui ont été assimilés. Cependant, les Tutsis ont un peu plus de lignées paternelles nilo-sahariennes (14,9 % B) que les Hutus (4,3 % B)[5].

ADN autosomique (ascendance globale)

Éleveur Tutsi.

En général, les Tutsis semblent partager une parenté génétique étroite avec les populations bantoues voisines, en particulier les Hutus. Cependant, il est difficile de savoir si cette similitude est principalement due à de vastes échanges génétiques entre ces communautés par le biais des mariages ou si elle découle finalement d'origines communes :

Ainsi selon Joseph C. Miller, « [...] des générations de flux de gènes ont effacé toute distinction physique claire qui a pu exister entre ces deux peuples bantous - réputé pour être la hauteur, la corpulence et les traits du visage. Avec un spectre de variation physique entre les personnes, les autorités belges ont légalement imposé l'appartenance ethnique dans les années 1920, basée sur des critères économiques. Les divisions sociales formelles et distinctes se sont donc imposées au-dessus des distinctions biologiques ambiguës. Dans une certaine mesure, la perméabilité de ces catégories dans les décennies écoulées a aidé à réifier les distinctions biologiques, générant une d'élite plus grande et une sous-classe plus petite, mais avec peu de rapport avec les pools génétiques qui existaient il y a quelques siècles. Les catégories sociales sont donc réelles, mais il n'y a pas ou peu de différenciation génétique détectable entre Hutu et Tutsi »[6].

RĂ©partition par pays

Au Rwanda

La monarchie rwandaise Ă©tait issue, avant la colonisation, d'une partie de la composante Tutsi.

Les colonisateurs étaient convaincus de la supériorité des Tutsis, en qui ils voyaient des « nègres blancs » par la qualité des structures politiques qu'ils avaient mises en place. Les Belges renforcèrent la monarchie Tutsi au point de la rendre monolithique sur tout le Rwanda. Là où il y avait des rois (« roitelets ») Hutu, les Belges imposèrent des administrateurs coloniaux Tutsis. Les Tutsis voyaient dans cette suprématie reconnue un moyen de continuer leur domination monarchique sur le pays. Mais, quand les Tutsis commencèrent à revendiquer l'indépendance, les colonisateurs belges renversèrent leur alliance au profit des Hutus, au nom de la démocratie, déviant contre les Tutsis les revendications d'indépendance. Les Hutu au pouvoir, avec Grégoire Kayibanda comme président, le Rwanda devient une République. Certains membres de la monarchie, la plupart Tutsis avec plusieurs milliers de partisans du roi, prirent le chemin de l'exil vers les pays voisins. Ce sont les descendants de ces derniers qui ont chassé le régime Hutu de la deuxième république dirigée par Juvenal Habyarimana. Ce régime a été responsable du génocide des Tutsis au Rwanda, qui coûta la vie de près d'un million de victimes, essentiellement Tutsis, mais aussi des Hutus démocrates opposés à la dictature[7].

Depuis l'accession au pouvoir du Front patriotique rwandais (FPR) à l'issue du génocide en 1994, le pouvoir rwandais s'est attaché à détruire les fondements de cet ethnisme dans la société rwandaise. La constitution adoptée par référendum en 2003 a très clairement confirmé par la loi cet engagement. Mais sur le plan politique les forces de l'ancien régime et celles de l'opposition actuelle contestent cette volonté politique qu'ils considèrent comme une façade qui cacherait habilement une volonté de domination d'un groupe minoritaire.

En République démocratique du Congo

Des populations parlant le kinyarwanda sont présentes à l'est de la RDC dans le Kivu. Les limites actuelles du Rwanda correspondent au partage colonial des frontières et sont plus restreintes que celles de la véritable influence territoriale de la monarchie rwandaise avant la colonisation. Certaines de ces populations, les Banyamulenge sont qualifiées de « Tutsi ».

Selon le site internet de l'Observatoire de l'Afrique Centrale[8], les Banyamulenge auraient quatre origines :

  • un premier groupe originaire du Royaume du Rwanda ;
  • un deuxième en provenance du Burundi ;
  • un troisième de Tanzanie ;
  • un quatrième groupe composĂ© d'esclaves issus de tribus locales (Bashi, Bafulero et Batetela) qui ont progressivement Ă©tĂ© incorporĂ©s comme membres Ă  part entière[9].

Tous ne se reconnaissent donc pas comme Tutsi, et généralement ils n'attachent pas la même importance qu'au Rwanda ou au Burundi, à la signification politique de ce mot. Mais, il n'en est pas de même de leur environnement congolais qui voient en eux des alliés du Rwanda et donc des traitres potentiels ou avérés.

Notes et références

  1. Encyclopédie du Congo Belge et du Ruanda Urundi, Tome 1, page 102 dernier paragraphe date à préciser
  2. Source BnF
  3. Une nouvelle identité des Batutsi du Rwanda et du Burundi ou la radicalisation de la théorie hamito-couchitique par l’Institut Havila.
  4. Johann Chapoutot, Comprendre le nazisme, Paris, Tallandier, , 427 p. (ISBN 9791021030428), p. 101, 102.
  5. Luis, J. R.; et al. (2004). "The Levant versus the Horn of Africa: Evidence for Bidirectional Corridors of Human Migrations". American Journal of Human Genetics 74 (3): 532–544. doi:10.1086/382286. PMC 1182266. PMID 14973781. (Errata)
  6. (en) Joseph C. Miller (ed.), New Encyclopedia of Africa, Volume 2, Dakar-Hydrology, Charles Scribner's Sons (publisher).
  7. Assemblée nationale française, Mission d’information sur le Rwanda(pages 286-298), consulté le 9 février 2014.
  8. Observatoire de l'Afrique Centrale
  9. Courte note sur les Banyamulenge - OBSAC

Voir aussi

Bibliographie

  • Dominique Celis, Ainsi pleurent nos hommes, paru en 2022 aux Éditions Philippe Rey.
  • EncyclopĂ©die du Congo Belge et du Ruanda Urundi, Tome 1, page 102, dernier paragraphe.
  • (en) Alan P. Merriam, The game of Kubuguza among the Abatutsi of north-east Ruanda, dans Man (Londres), 53 (article 262), , p. 169-172
  • Jean-Pierre ChrĂ©tien, Hutu et Tutsi au Rwanda et au Burundi, dans Au cĹ“ur de l'ethnie : ethnies, tribalisme et État en Afrique, Éditions la DĂ©couverte, Paris, 1985, p. 129-165
  • Georges Gerkens, Les Batutsi et les Bahutu : contribution Ă  l'anthropologie du Ruanda et de l'Urundi, d'après les mensurations recueillies par la mission G. Smets, Institut royal des sciences naturelles de Belgique, Bruxelles, 1949, 112 p.
  • Bernard Lugan, Histoire du Rwanda : De la prĂ©histoire Ă  nos jours, Paris, Éditions Bartillat, , 606 p., 23 cm (ISBN 978-2-84100-108-8, BNF 36179959, prĂ©sentation en ligne).
  • MĂ©decins du monde, Le gĂ©nocide des Tutsis du Rwanda : une abjection pour l'HumanitĂ©, un Ă©chec pour les humanitaires, MĂ©decins du monde, Institut de l'humanitaire, Paris, 2004, 202 p.
  • Alfred Ndahiro et Privat Rutazibwa, Hotel Rwanda, ou le gĂ©nocide des Tutsis vu par Hollywood, L'Harmattan, 2008, 111 p. (ISBN 978-2-2960-5045-7)
  • Benjamin Sehene, Le Piège ethnique, Paris, Éditions Dagorno, 1999, 222 p. (ISBN 2-910019-54-3)
  • Benjamin Sehene, Le Feu sous la soutane. Un prĂŞtre au CĹ“ur du gĂ©nocide rwandais, Paris, Éditions L'Esprit frappeur, 2005, 148 p. (ISBN 2-84405-222-3)
  • Luc Zangrie, Quelques traces ethnologiques de l'origine Ă©gyptienne des Batutsi, dans Jeune Afrique (Elizabethville), 5 (15), 1951, p. 9-15
  • (nl) Francis L. van Noten, Tutsi koningsgraven, dans Africa-Tervuren, 14 (3), 1968, p. 57-62

Discographie

  • (en) Songs of the Watutsi (introduction et notes par Leo A. Verwilghen), Folkways records, 1952, 39 minutes.

Filmographie

  • HĂ´tel Rwanda, film historique sur le gĂ©nocide des Tutsis en 1994. L'histoire du gĂ©nocide des Tutsis du Rwanda, interprĂ©tĂ©e par Paul Rusesabagina, un hĂ´telier Hutu mariĂ© Ă  une Tutsi, responsable du sauvetage de milliers de personnes.
  • Inside the Hotel Rwanda: The Surprising True Story... and Why It Matters..., tĂ©moignages de survivants ayant trouvĂ© refuge au sein de l'HĂ´tel des Mille Collines, exposant Paul Rusesabagina comme un profiteur et sympathisant du Hutu Power.
  • Shooting Dogs, film britannique et allemand de Michael Caton-Jones en collaboration avec les survivants du massacre d'. OĂą une Ă©cole rwandaise fut le théâtre du massacre des tutsis par les Hutus.

Articles connexes

Liens externes

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