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Bataille de Mogadiscio

La bataille de Mogadiscio est une bataille qui s'est déroulée les 3 et à Mogadiscio, en Somalie, entre un détachement interarmées américain appelé Task Force Ranger et les milices de différents clans somaliens, lors d'une tentative d'arrêter deux proches d'un chef de guerre somalien, le général Mohamed Farrah Aidid.

Bataille de Mogadiscio
Description de cette image, également commentée ci-après
« Super 6-4 », l'hélicoptère de Mike Durant, photographié peu après le décollage pour la mission le 3 octobre 1993.
Informations générales
Date et
Lieu Mogadiscio (Somalie)
Issue

Victoire tactique pour les États-Unis/ONU et victoire stratégique pour la SNA :

  • retrait de l'ONU le 3 mars 1994
  • retrait des États-Unis le 25 mars 1994
Commandants
Drapeau des États-Unis William F. Garrison (en)Drapeau de la Somalie Mohamed Farrah Aidid
Forces en présence
Drapeau des États-Unis
160 soldats initialement et ~ 3 000 en tant que forces de secours
12 véhicules (dont 9 Humvees)
8 hélicoptères MH-60 Black Hawk
8 hélicoptères AH-6 et MH-6 Little Bird
Drapeau de la Somalie
2 000 Ă  4 000 miliciens et combattants civils
Pertes
Drapeau des États-Unis
19 morts[1]
105 blessés[1]
1 prisonnier[1]
2 hélicoptères MH-60 Black Hawk détruits

Drapeau de la Malaisie
1 mort
7 blessés[2]
Drapeau de la Somalie
312 morts
814 blessés
(selon la SNA)[2]

Guerre civile somalienne

CoordonnĂ©es 2° 03′ 09″ nord, 45° 19′ 29″ est
GĂ©olocalisation sur la carte : Somalie
(Voir situation sur carte : Somalie)
Bataille de Mogadiscio

Cette bataille a été appelée « The Battle of the Black Sea » par les soldats américains (« La bataille de la mer Noire », du nom d'un quartier de Mogadiscio) et « Maalintii Rangers » (« Le jour des Rangers ») par les Somaliens.

Elle est également connue sous le nom de « Black Hawk Down », du nom du film.

Cette bataille a également été appelée première bataille de Mogadiscio pour la distinguer de la seconde qui, en 2006, opposa les troupes gouvernementales et éthiopiennes aux forces islamistes.

Cette bataille sera traumatisante pour l'opinion publique américaine, notamment à la suite de la diffusion d'images télévisées de cadavres de soldats américains traînés par des voitures dans les rues de la ville.

Elle deviendra célèbre avec la publication du livre Black Hawk Down : A Story of Modern War de Mark Bowden en 1999 et surtout son adaptation au cinéma par Ridley Scott en 2001, diffusé en France sous le titre La Chute du faucon noir.

Contexte

La guerre civile somalienne

Le 26 janvier 1991, le dictateur somalien Mohamed Siad Barre est destitué et est contraint à l'exil. Ali Mahdi Muhammad lui succède, mais le général Aidid veut sa part du butin. La Somalie sombre dans la guerre civile. La famine fait son apparition du fait du manque de moyens et d'aides financières, d'une sécheresse prolongée, et de la volonté des chefs de guerre de priver de nourriture les clans rivaux.

Les opérations de l'ONU en Somalie

Le 3 dĂ©cembre 1992, les Nations unies (ONU) lancent l'opĂ©ration Restore Hope, sous le contrĂ´le des États-Unis. Cette opĂ©ration a pour but la reconstruction d'infrastructures, l'apport de denrĂ©es alimentaires et la rĂ©conciliation politique. Pour cela, 25 000 Marines dĂ©barquent. Les combats diminuent en intensitĂ© et la reconstruction progresse. L'administration Clinton, arrivĂ©e au pouvoir en janvier 1993, pousse l'ONU Ă  s'impliquer davantage pour permettre aux États-Unis de rĂ©duire la taille de leurs forces dĂ©ployĂ©es en Somalie. Le 26 mars 1993, l'ONU passe la rĂ©solution 814 qui crĂ©Ă©e une nouvelle force, ONUSOM II, qui entre en effet le 4 mai 1993 et a un rĂ´le Ă©largi Ă  l'intervention militaire pour rĂ©tablir la paix. Les Marines quittent la Somalie et la participation amĂ©ricaine Ă  ONUSOM II, appelĂ©e opĂ©ration Continue Hope, se limite Ă  environ 4 000 soldats amĂ©ricains : 2 600 troupes de soutien logistique Ă  l'ONUSOM II, une force de rĂ©action rapide (Quick reaction force ou QRF) fournie par la 10e division de montagne (infanterie lĂ©gère) et un dĂ©tachement de forces spĂ©ciales. Ces soldats sont placĂ©s sous une chaĂ®ne de commandement uniquement amĂ©ricaine, et ne passent sous les ordres de l'ONU que pour les ordres tactiques lors d'opĂ©rations de combat. Et mĂŞme dans ce cas, le commandant adjoint de l'ONUSOM II Ă©tant amĂ©ricain, les États-Unis sont assurĂ©s que leurs intĂ©rĂŞts nationaux sont protĂ©gĂ©s. Parallèlement, l'amiral en retraite Jonathan Howe, est nommĂ© reprĂ©sentant spĂ©cial de l'ONU en Somalie[3].

La montée des tensions entre l'ONU et Aidid

Alors que la rĂ©organisation des forces Ă©tait en cours, la rivalitĂ© entre factions somaliennes s'exacerbe. Dans la nuit du 6 au 7 mai, une bande attaque la ville de Kismaayo et se heurte Ă  un bataillon parachutiste belge. L'enquĂŞte de l'ONU conclut que cette attaque fut menĂ©e par le Somali Patriotic Movement - Somali National Alliance (SPM/SNA) d'Omar Jess. Alors que l'ONUSOM II cherche Ă  Ă©tendre ses opĂ©rations vers le centre de la Somalie, la radio de l'United Somali Congress/Somali National Alliance (USC/SNA) de Mohammed Farah Aidid critique ses actions. Aidid propose au cours du mois de mai de participer Ă  une confĂ©rence pour dĂ©terminer l'avenir de la rĂ©gion centrale du pays, mais semble vouloir en contrĂ´ler la plupart des aspects. Lorsque cette confĂ©rence se tient Ă  partir du 21 mai, Aidid et l'ONUSOM II s'opposent rĂ©gulièrement sur l'ordre du jour, le lieu, la sĂ©curitĂ© et les participants Ă  la confĂ©rence. La propagande anti-ONUSOM de sa radio augmente, et des rapports de renseignements signalent que des armes et des « technicals Â» ont disparu des sites de stockage d'armes d'Aidid autorisĂ©s par l'ONU. Or un dĂ©placement de ces armes sans notification et approbation de l'ONU constitue une violation des accords passĂ©s. En consĂ©quence, l'ONUSOM dĂ©cide une opĂ©ration d'inspection de ces sites, qui est notifiĂ©e Ă  l'avance Ă  Aidid le 4 juin et qui est lancĂ©e le lendemain.

Le 5 juin 1993, les troupes pakistanaises de l'ONUSOM II inspectent simultanĂ©ment les cinq sites autorisĂ©s d'Aidid. Les inspections se passent sans incident, Ă  part une foule hostile qui force les troupes Ă  se retirer prĂ©cipitamment du site 5 (oĂą se trouve Ă©galement la radio d'Aidid). Les inspections montrent que les armes stockĂ©es sur place sont totalement diffĂ©rentes des inventaires dĂ©clarĂ©s Ă  l'ONU. Les 25 technicals censĂ©s ĂŞtre stockĂ©s sur les sites ont disparu. Au cours de leur retour vers leurs bases, les unitĂ©s pakistanaises tombent dans une sĂ©rie d'embuscades complexes impliquant l'utilisation de foules de femmes et d'enfants pour les bloquer, et d'armes collectives pour dĂ©truire leurs vĂ©hicules. Selon les sources, 23 Ă  25 soldats pakistanais sont tuĂ©s et plus de 75 soldats de l'ONUSOM II sont blessĂ©s[4].

Les premières opérations contre Aidid

Après cette embuscade, les hostilités sont ouvertes entre l'ONU et l'USC/SNA. Dès le lendemain de l'embuscade, le Conseil de sécurité des Nations unies passe la résolution 837 qui condamne les attaques préméditées du 5 juin, réaffirme le but de désarmer les factions et de neutraliser les émissions radio encourageant l'opposition à l'ONUSOM II, et autorise le secrétaire général des Nations unies à prendre toutes les mesures nécessaires contre les responsables de ces attaques[5]. Le même jour, le représentant spécial du secrétaire général, Jonathan Howe, soumet une demande de moyens supplémentaires pour lutter contre Aidid, y compris une unité de forces spéciales, mais celle-ci fut refusée. En conséquence, les forces de l'ONUSOM II commencèrent leurs opérations contre la milice d'Aidid avec leurs propres moyens[6].

Le commandement des forces de l'ONUSOM II décida dans un premier temps de rétablir la sécurité à Mogadiscio, afin ensuite de sécuriser et contrôler les installations et les routes d'approvisionnement importantes, pour enfin permettre de neutraliser la milice de l'USC/SNA et radio Aidid. Le 7 juin, une force de quatre Lockheed AC-130 et deux Boeing KC-135 Stratotanker fut déployée dans la zone d'opérations en vue de futures opérations contre Aidid. Du 7 au 12 juin, les forces pakistanaises, marocaines et italiennes effectuèrent des missions d'ouverture de grands axes routiers de Mogadiscio. Le 12 juin, la QRF américaine, appuyée par des AC-130, attaqua les sites d'armes déclarés d'Aidid dont celui abritant sa radio. Les 13 et 14 juin, les AC-130 frappèrent le garage d'Osman Atto et le garage d'Aidid, soupçonnés d'être des caches d'armes illégales de l'USC/SNA. Les frappes furent suivies de nombreuses explosions secondaires, indiquant que les renseignements à leur sujet étaient corrects. Ces frappes étaient annoncées à l'avance pour permettre aux résidents à proximité de fuir et éviter ainsi de causer des pertes civiles. Le 17 juin, l'ONUSOM monta une opération pour fouiller le QG d'Aidid, impliquant une force multinationale :

  • des troupes pakistanaises du 7e bataillon du rĂ©giment de la force frontalière, et du 6e bataillon du rĂ©giment du Penjab ;
  • des troupes marocaines ;
  • des troupes italiennes ;
  • des troupes françaises d'un sous-groupement blindĂ© motorisĂ© notamment Ă©quipĂ© de VAB du 9e RCP et d'ERC-90 Sagaie et VLRA du 5e RIAOM ;
  • des Ă©lĂ©ments de la QRF amĂ©ricaine, notamment des Ă©quipes SF, pour la coordination et le guidage d'appui aĂ©rien, auprès des autres nationalitĂ©s, en vĂ©hicules DMV (Desert Mobility Vehicle, sur base de Humvee).

Les troupes pakistanaises purent entrer dans le complexe sans difficultĂ©, mais les troupes marocaines furent soumises Ă  des tirs intenses de miliciens dissimulĂ©s derrière des foules de femmes et d'enfants, ainsi que dans l'hĂ´pital Digfer situĂ© Ă  proximitĂ©. Le chef de corps marocain fut tuĂ© et son adjoint blessĂ© dès le dĂ©but de l'engagement. Après environ 1 h 30, le groupe français fut envoyĂ© dĂ©gager les Marocains. La fouille du complexe terminĂ©e, les Pakistanais se replièrent vers 14 h 30, les Français fouillèrent plusieurs bâtiments Ă  la recherche de miliciens. Les hĂ©licoptères de la QRF furent utilisĂ©s aussi bien pour de l'appui aĂ©rien direct au canon de 20 mm ou au missile TOW, pour dĂ©signer des cibles aux forces terrestres et pour tenter de disperser les foules avec du gaz CS. Après environ sept heures de combat, les forces onusiennes se replièrent, ayant eu cinq morts et 46 blessĂ©s[7].

Ce mĂŞme jour, l'amiral Howe Ă©mit un mandat d'arrĂŞt contre Aidid et offrit une rĂ©compense de 25 000 dollars pour sa capture[8]. Guère intimidĂ©, Aidid rĂ©pliqua en promettant une somme d'un million de dollars pour la capture de l'amiral Howe. Sa radio continuait Ă  diffuser sa propagande via des Ă©metteurs clandestins. La chasse faite Ă  Aidid - et son Ă©chec - grandissait la rĂ©putation de celui-ci[9].

Des raids des forces de l'ONUSOM II et des escarmouches avec des milices pro-AĂŻdid continuent. Le 12 juillet 1993 se tient une rĂ©union des aĂ®nĂ©s du clan d'AĂŻdid dans la maison de Abdi Hassan Awale pour discuter d'une proposition de paix de Howe. ConsidĂ©rant le lieu comme un centre de commandement de la SNA, des hĂ©licoptères AH-1 Cobra de la QRF amĂ©ricaine tirent seize missiles TOW sur la maison. Cette attaque tue, selon la milice d'AĂŻdid, 73 personnes, dont des femmes et des enfants. Quatre journalistes occidentaux arrivant sur les lieux sont battus Ă  mort par une foule furieuse. Parmi les Somaliens tuĂ©s se trouvaient nombre de leaders modĂ©rĂ©s opposĂ©s aux actions d'AĂŻdid. Après ce jour, les membres du clan s'estiment en guerre contre les États-Unis[10].

L'opération Gothic Serpent - Task Force Ranger

La compagnie Bravo du 3e bataillon du 75th Ranger Regiment en Somalie en 1993.

Après le décès de quatre de ses soldats le 8 août à la suite de l'explosion d'une bombe sur l'un de leurs véhicules par la milice d'Aidid, et sous la pression du Secrétaire Général de l'ONU d'envoyer plus d'hommes dans le but d'aider à appliquer la Résolution 837 votée par le Conseil de sécurité, le président américain Bill Clinton autorise l'envoi d'une unité interarmées de 450 Rangers et autres soldats des opérations spéciales. L'opération, qui dépasse le cadre de l'opération Restore Hope par les Nations unies, est entièrement sous contrôle américain et confiée au Joint Special Operations Command (JSOC).

Le 26 août, le major-général William F. Garrison, commandant du JSOC, déploie la Task Force Ranger (abrégée « TF Ranger ») qui regroupe les éléments suivants :

Au cours de la fin août et du mois de septembre, la Task Force Ranger conduisit six raids visant à capturer Aidid ou ses proches lieutenants aux lieux suivants :

  • Lig Legato house, 28 aoĂ»t ;
  • Old Russian Compound, 6 septembre ;
  • maison d'Ahmen Jilao, 14 septembre ;
  • Radio Mogadiscio, 17 septembre ;
  • garage d'Osman Atto, 18 septembre ;
  • capture d'Osman Atto le 21 septembre[11].

Les combats des 3 et 4 octobre

Carte de Mogadiscio avec en rouge les zones de combats et les lieux de crash des hélicoptères.

La préparation

Le 3 octobre, un informateur somalien de la CIA apprend aux Américains qu'une importante réunion du clan d'Aidid doit réunir deux des principaux lieutenants de celui-ci, Omar Salad et Abdi « Qeybdid » Hassan Awale. La réunion a lieu dans l'après-midi, près du marché de Bakara situé dans un quartier tenu par les milices d'Aidid, appelé « le quartier de la Mer Noire ». Le commandement américain met sur pied une opération visant à capturer les hommes participant à cette réunion.

Le plan prévoit que 40 opérateurs de la Delta Force prendront d'assaut le bâtiment de la réunion et captureront tous les hommes présents sur place, pendant que 75 des Rangers sécuriseront la zone autour du bâtiment. Les deux unités seront héliportées par 16 hélicoptères du 160th SOAR.

Un convoi terrestre de douze Humvees et de camions de cinq tonnes, mené par un autre groupe de 52 Rangers renforcé de quelques Delta et des cinq SEAL du SEAL Team Six, est chargé de récupérer les troupes héliportées et leurs prisonniers. Le commandement compte sur l'effet de surprise et la rapidité des troupes pour prendre de vitesse les milices du quartier.

Le raid

Rangers au combat, 3 octobre 1993.

Le raid dĂ©bute peu après 15 h 30, et commence par se dĂ©rouler comme prĂ©vu. Les Delta capturent 24 personnes dans le bâtiment, dont Omar Salad, Mohamed Hassan Awale (que l'informateur somalien de la CIA avait confondu avec Abdi « Qeybdid » Hassan Awale). Le principal accroc est qu'un des Rangers, Todd Blackburn, chute d'un hĂ©licoptère et tombe de plus de dix mètres de hauteur. Cependant, les miliciens somaliens, bien que pris de court par l'attaque-surprise, rĂ©agissent avec une rapiditĂ© et une efficacitĂ© inattendues, aidĂ©s en cela par les AmĂ©ricains qui mettent plus de temps que prĂ©vu pour effectuer la jonction entre le convoi et les unitĂ©s hĂ©liportĂ©es. Très rapidement, les deux groupes subissent des tirs nourris ; plusieurs soldats amĂ©ricains sont blessĂ©s, et un camion est mĂŞme mis hors service par un tir de roquette.

Todd Blackburn est transporté par des membres de son groupe jusqu'au convoi, qui détache trois Humvees pour l'évacuer d'urgence à la base de la TF Ranger. Ces trois véhicules subissent des tirs nourris pendant leur retour, au cours duquel le mitrailleur d'un des véhicules, le sergent Dominick Pilla, est tué, et deux autres Américains sont blessés.

Hélicoptères abattus

Vers 16 h 20, alors que le reste du convoi n'a pas encore quitté les lieux, un des hélicoptères MH-60 Black Hawk, indicatif Super 6-1, est touché par un tir de roquette. Son rotor de queue atteint, l'hélicoptère touché s'écrase à quelques rues du bâtiment-cible des Américains. Le commandement américain réagit en envoyant d'abord une unité de sauvetage placée dans un autre hélicoptère volant au-dessus de la ville pour un pareil cas, renforcé d'un des détachements de Rangers héliportés. Le pilote et le copilote de Super 6-1 ont été tués sur le coup lors du crash, mais les soldats en cabine ont survécu. L'un d'entre eux, Daniel Busch, a été gravement blessé en résistant autour de l'épave. Un des MH-6 Little Bird se pose à proximité de l'épave et parvient à embarquer Busch et l'évacue vers la base américaine - il décédera avant d'y arriver. Entre-temps, les troupes envoyées atteignent le lieu de l'épave et établissent un périmètre de sécurité d'où ils repoussent comme ils le peuvent les miliciens.

Les Rangers et Delta héliportés se trouvant encore au bâtiment-cible décident de rejoindre le site de crash à pied. En même temps, le convoi quitte la zone et tente également de rallier le site de crash. Gêné par des barrages établis à la va-vite par les Somaliens, ne pouvant être guidé efficacement par les aéronefs volant au-dessus de la ville, le convoi se perd et subit de lourdes pertes. Vers 17 h, soit moins de trente minutes plus tard, le convoi compte trois morts, plus de la moitié de son effectif blessé (dont deux ne survivront pas à leurs blessures), et est passé à deux reprises à hauteur de la rue où Super 6-1 s'est écrasé sans pouvoir s'en approcher plus, celle-ci étant trop étroite. Son commandant décide d'abandonner et de rentrer à la base. Les troupes ayant cherché à atteindre le site à pied rencontrent également une résistance trop importante, un des Delta étant tué. Seule une partie parvient à rejoindre leurs camarades, l'autre en restant séparée par une rue où le volume de feu est tel qu'elle est infranchissable. Au total, près de cent soldats sont encerclés autour de l'épave et occupent plusieurs bâtiments contigus.

  • L'Ă©quipage du Super 6-4 un mois avant cette bataille. Winn Mahuron, Tommy Field, Bill Cleveland, Ray Frank et Michael Durant.
    L'Ă©quipage du Super 6-4 un mois avant cette bataille. Winn Mahuron, Tommy Field, Bill Cleveland, Ray Frank et Michael Durant.
  • Un AH-6 Little Bird.

Entre-temps, vers 16 h 40, une roquette touche l'hélicoptère Super 6-4 piloté par Michael Durant, qui s'écrase à plusieurs centaines de mètres au sud des lieux des combats. La TF Ranger n'a presque plus de réserves à engager, et fait appel à la 10e division de montagne (10th MD). Un convoi constitué de soldats de la 10th MD et des véhicules ayant évacué Todd Blackburn est envoyé à son secours, mais il rencontre les mêmes difficultés que le premier convoi vers Super 6-1 et ne peut atteindre l'épave de l'appareil de Durant. Deux tireurs d'élite de la « Delta Force », Gary Gordon et Randall Shughart, chargés de couvrir l'épave de Super 6-4 depuis un autre hélicoptère, se portent volontaires pour être déposés au sol. Leur initiative est acceptée après deux refus, et leur hélicoptère les dépose. Les deux opérateurs Delta tentent de mettre à l'abri les quatre membres d'équipage, tous blessés mais encore vivants, et résistent face aux miliciens qui commencent à attaquer le second site de crash[12]. Les deux opérateurs Delta résisteront pendant environ une heure mais seront tués l'un après l'autre. Ils seront décorés de la Medal of Honor à titre posthume, décoration qui n'avait plus été remise depuis la guerre du Viêt Nam. Michael Durant, grièvement blessé, sera capturé et retenu prisonnier durant onze jours par les Somaliens. Les autres membres d'équipage de l'appareil seront tués dans des circonstances non élucidées, mais très probablement sur le site même du crash en même temps que Gordon et Shughart. Certains cadavres sont déshabillés et traînés dans les rues, sous les caméras de journalistes.

La centaine d'hommes encerclée autour de l'épave de Super 6-1 est forcée de passer la nuit sur place. Ils réunissent cadavres et blessés, sauf celui du pilote Cliff Wolcott, qui est coincé dans l'épave.

Renfort des blindés

Des Condor des Forces armées malaisiennes en Somalie sous les couleurs des Nations Unies.

Comprenant la nécessité d'avoir des blindés, le commandement américain fait appel aux soldats pakistanais et malaisiens de la force onusienne. Un convoi réunissant quatre chars pakistanais, vingt-quatre blindés Condor (APC) (en) malaisiens de fabrication ouest-allemande chargés de fantassins de la 10e division de montagne, ainsi que divers véhicules et soldats de la 10th MD et de la TF Ranger, est organisé.

Partant vers 23 h 30, ce convoi, séparé en deux, atteint les zones de crash à 2 h du matin le 4 octobre. La moitié du convoi qui arrive sur les lieux du crash de Super 6-1 charge les blessés mais met plusieurs heures à dégager le corps de Wolcott. L'autre moitié du convoi est obligée de progresser à pied pour atteindre l'épave de Super 6-4 sur un site désormais vide, mais n'y trouve ni l'équipage ni les deux opérateurs Delta déposés et quitte rapidement les lieux.

Vers 5 h 30, le convoi quitte les lieux de Super 6-1. Une vingtaine de Rangers et de Delta, les derniers à embarquer, ne trouvent pas de place dans les derniers blindés du convoi qui a commencé à se mettre en route. Laissés derrière, ils rattrapent le convoi en courant, sous le feu des miliciens, convoi qui s'est arrêté au croisement de National Street et Hawlwadig Road, environ cinq pâtés de maisons au sud de l'hôtel Olympic. Le convoi atteint le stade qui sert de base aux casques bleus pakistanais vers 6 h 30.

Conséquences de la bataille

Américains et alliés

18 soldats amĂ©ricains furent tuĂ©s dans les combats du 3 octobre, et un 19e le 6 octobre, et 105 furent blessĂ©s.

Nom Action DĂ©coration
Delta Force
SSG Daniel Buschétait dans Super 6-1 lors du crash, tué en défendant le site Silver Star, Purple Heart
SFC Earl Fillmoretué en allant à pied sur le lieu du crash de Super 6-1Silver Star, Purple Heart
MSG Gary Gordontué en défendant l'équipage de Super 6-4Medal of Honor
SFC Randall Shugharttué en défendant l'équipage de Super 6-4Medal of Honor
MSG Tim « Griz » Martingravement blessé dans le convoi égaré, décède des suites de ses blessuresSilver Star, Purple Heart
SFC Matt Riersontué le 6 octobre par un tir de mortier sur la base américaine[13]Silver Star
160th Special Operations Aviation Regiment (Airborne) « Nightstalkers »
CW4 Clifton P. Wolcottpilote de Super 6-1, tué dans le crash de son appareilDistinguished Flying Cross, Bronze Star, Air Medal avec Valor Device, Purple Heart
CW3 Donovan « Bull » Brileycopilote de Super 6-1, tué dans le crash de l'appareilDistinguished Flying Cross, Bronze Star, Air Medal avec Valor Device, Purple Heart
CW4 Raymond Frankcopilote de Super 6-4, tuéSilver Star, Air Medal avec Valor Device, Purple Heart
SSG William Clevelandchef de cabine de Super 6-4, tuéSilver Star, Bronze Star, Air Medal avec Valor Device, Purple Heart
SSG Thomas Fieldchef de cabine de Super 6-4, tuéSilver Star, Bronze Star, Air Medal avec Valor Device, Purple Heart
75th Ranger Regiment
SGT Dominick Pillatué dans le convoi évacuant Todd BlackburnBronze Star avec Valor Device, Purple Heart
PFC Richard « Alphabet » Kowalewskitué dans le convoi égaréBronze Star avec Valor Device, Purple Heart
SGT James « Casey » Joycetué dans le convoi égaréBronze Star avec Valor Device, Purple Heart
SPC James Cavacotué dans le convoi égaréBronze Star avec Valor Device, Purple Heart
CPL James E. « Jamie » Smithblessé à l'artère fémorale autour de l'épave de Super 6-1, décède des suites de ses blessuresBronze Star avec Valor Device et feuilles de chêne, Purple Heart
SGT Lorenzo Ruizblessé dans le convoi égaré, décède des suites de ses blessuresBronze Star avec Valor Device, Purple Heart
10e division de montagne (infanterie légère)
SGT Cornell Houstonblessé dans le convoi de sauvetage, décède des suites de ses blessures le 6 octobreBronze Star avec Valor Device, La De Fleury Medal
PFC James Martintué dans le convoi de sauvetagePurple Heart

Un soldat malaisien du 19 bataillon du Rejimen Askar Melayu DiRaja (RAMD, régiment malaisien royal mécanisé) fut tué dans le convoi de sauvetage :

  • soldat Mat Aznan Awang (promu caporal Ă  titre posthume)

Somaliens

En l'absence d'État fonctionnel Ă  la tĂŞte du pays et du chaos engendrĂ© par la guerre civile, il est difficile de dresser un bilan prĂ©cis des pertes somaliennes. Les leaders de la SNA dĂ©clarèrent avoir eu 312 tuĂ©s et 814 blessĂ©s[2]. Un « capitaine » de la SNA affirma que 133 miliciens avaient Ă©tĂ© tuĂ©s[14].

Les donnĂ©es de certains hĂ´pitaux de Mogadiscio et d'ONG permettent d'estimer Ă  au moins 150 morts les pertes somaliennes, dont environ un tiers serait constituĂ© de non-combattants. L'ambassadeur amĂ©ricain Robert Oakley dĂ©clarera par la suite que plus de 200 Somaliens auraient Ă©tĂ© tuĂ©s dans les combats du 3 et 4 octobre. Les estimations actuelles, basĂ©es sur des tĂ©moignages Ă  la fois amĂ©ricains et somaliens, font Ă©tat de près de 800 Somaliens tuĂ©s dont plus des deux tiers Ă©taient des civils.

Le repli américain

Colonne de M1A1 Abrams et M2 Bradley du 64th Armor Regiment (en) en Somalie en .

Après la bataille, l'ambassadeur Robert Oakley fut envoyĂ© nĂ©gocier avec la SNA, en mĂŞme temps que l'armĂ©e amĂ©ricaine dĂ©ployait des troupes supplĂ©mentaires en Somalie, entre le 5 et 13 octobre, des Ă©lĂ©ments du 1er bataillon du 64e rĂ©giment blindĂ© du 24e division d'infanterie soit 1 300 hommes Ă©quipĂ©s de 18 chars M1 Abrams et 44 vĂ©hicules de combat d'infanterie M2 Bradley sont transportĂ©s par 56 vols de C-5 et C-141[15]. Oakley exigea et obtint, sous la menace d'une offensive amĂ©ricaine, que Michael Durant soit libĂ©rĂ© et les corps des soldats tuĂ©s sur le site de Super 6-4 soient restituĂ©s aux AmĂ©ricains avant toute nĂ©gociation politique.

Le 6 octobre 1993, au cours d'une intervention télévisée, le président Bill Clinton annonça la fin des opérations contre Aidid. Le 25 mars 1994, la quasi-totalité des soldats américains quittèrent la Somalie. Seuls quelques centaines de soldats restèrent pour assurer le retrait des forces américaines. En mars 1995, tout le personnel américain avait quitté la Somalie.

Le 1er août 1996, Mohamed Farrah Aidid est tué au cours d'un affrontement entre clans rivaux.

Dans la culture

La Chute du faucon noir, film de Ridley Scott inspiré des combats de Mogadiscio.

Plusieurs jeux vidéo sont inspirés de la bataille de Mogadiscio ou indirectement du film La Chute du faucon noir : Delta Force: Black Hawk Down (2004) et Terrorist Takedown : Opération Mogadiscio (2006). La carte multijoueur « Bakara » de Call of Duty: Modern Warfare 3 y fait également référence.

Notes et références

  1. (en) USSOCOM History and Research Office, United States Special Operations Command History 1987-2007, MacDill AFB, Floride, 26 février 2007 [lire en ligne], p. 58-59
  2. (en) Rick Atkinson, « Night of a Thousand Casualties : Battle Triggered U.S. Decision to Withdraw From Somalia », The Washington Post,‎ , A1 (lire en ligne)
  3. (en) Richard W. Stewart, The United States Army in Somalia, 1992-1994, Fort Lesley J. McNair, Washington DC, US Army Center of Military History, , 28 p. (présentation en ligne, lire en ligne), p. 15-16. Le détachement des Special Forces était constitué d'un Special Operations Command and Control Element (SOCCE), armé par l'ODB 520, et des ODA 523 et 525 de la compagnie B, 1er bataillon du 5th SFG, placés sous le contrôle opérationnel de la QRF. ((en) Colonel Joseph D. Celeski, « A History of SF Operations in Somalia : 1992-1995 », Special Warfare, vol. 15, no 2,‎ , p. 16-27 (ISSN 1058-0123, lire en ligne)) [PDF]
  4. (en) United States Forces, Somalia After Action Report, Fort Lesley J. McNair, Washington DC, US Army Center of Military History, , 276 p. (présentation en ligne, lire en ligne), p. 84-90 [PDF]
  5. Resolution 837 adoptée par le Conseil de sécurité lors de sa 3229e réunion, 6 juin 1993
  6. Review of the Circumstances Surrounding the Ranger Raid on October 3-4, 1993 in Mogadishu, Somalia, p. 24 ; Bowden 2002, p. 117
  7. (en) United States Forces, Somalia After Action Report, p. 92-94, p. 130-131 ; Centre d'Évaluation et de Retour d’Expérience (CEREX), « Combats en zone urbanisée : Retour d'expérience des combats de Mogadiscio », Cahiers du RETEX, no 4,‎ , p. 1-5 (lire en ligne) ; Colonel Joseph D. Celeski, « A History of SF Operations in Somalia : 1992-1995 », p. 23
  8. Stewart 2002, p. 16.
  9. Bowden 2002, p. 116-118.
  10. (en) Mark Bowden, Black Hawk Down : a Thrilling and Visceral No-Holds-Barred Classic of Modern War, Londres, Corgi Books, (1re Ă©d. 1999), 576 p. (ISBN 978-0-552-14750-7), p. 109-114, 520-521
  11. Lechner 1994, p. 13.
  12. Bowden 1999, p. 28.
  13. Bien que n'ayant pas été tué lors des combats mais deux jours après la bataille, Matt Rierson est souvent inclus dans la liste des soldats tués au cours de la bataille de Mogadiscio.
  14. (en) « Interview : Captain Haad », Frontline, Public Broadcasting Service (PBS), publié en septembre 1998 [lire en ligne]
  15. (en) John W. Leland et Kathryn A. Wilcoxson, The chronological history of the C-5 Galaxy, Office of History Air Mobility Command, , 136 p. (lire en ligne), p. 75-76

Voir aussi

Bibliographie

  • Mark Bowden (trad. de l'anglais par Jean Lefort), La Chute du faucon noir : roman [« Black Hawk Down »], Paris, Plon, , 404 p. (ISBN 978-2-259-19538-6, prĂ©sentation en ligne)
  • Michael Durant et Steven Hartov, Pilotes en missions secrètes [« The Night Stalkers »], Ă©ditions Altipresse, Levallois-Perret, 2010 (ISBN 978-2-911218-80-4)
  • Michael Durant et Steven Hartov, J'Ă©tais le pilote du faucon noir [« In The Company of Heroes »], Ă©ditions Altipresse, Levallois-Perret, 2012 (ISBN 979-1090465107)
  • (en) Matt Eversmann (dir.), Dan Schilling (dir.), Raleigh Cash, Mike Kurth, John Belman et Tim Wilkinson (prĂ©f. Mark Bowden), The Battle of Mogadishu : Firsthand Accounts from the Men of Task Force Ranger, New York, Presidio Press, , 221 p. (ISBN 978-0-345-45965-7)
  • (en) Jeff Struecker et Dean Merrill, The Road to Unafraid : How the Army's Top Ranger Faced Fear and Found Courage through 'Black Hawk Down' and Beyond, Nashville, Tennessee, Thomas Nelson, Inc., , 224 p. (ISBN 978-0-8499-0060-0)
  • (en) « Frontline: Ambush in Mogadishu », sur PBS, (consultĂ© le )
  • (en) Senate Armed Services Committee, Review of the Circumstances Surrounding the Ranger Raid on October 3-4, 1993, in Mogadishu, Somalia, Washington, , 51 p. (lire en ligne) [PDF]
  • Monographies d'expĂ©riences personnelles d'officiers Rangers ayant participĂ© Ă  la bataille sur la Donovan Research Library :
    • (en) Thomas DiTomasso, Battle of the Black Sea : Bravo Company, 3rd Ranger Battalion, 75th Ranger Regiment, 3-4 October 1993, Fort Benning, GĂ©orgie, United States Army Infantry School (USAIS), , 27 p. (lire en ligne) [PDF]
    • (en) James O. Lechner, A Monograph of Combat Operations in Mogadishu, Somalia Conducted by Task Force Ranger, Fort Benning, GĂ©orgie, United States Army Infantry School (USAIS), , 29 p. (lire en ligne) [PDF]
    • (en) Larry D. Perino, Battle of the Black Sea Monograph, Fort Benning, GĂ©orgie, United States Army Infantry School (USAIS), , 21 p. (lire en ligne) [PDF]
    • (en) Lee A. Rysewyk, Experiences of Executive Officer from Bravo Company, 3rd Battalion, 75th Ranger Regiment and Task Force Ranger during the Battle of the Black Sea on 3-4 October 1993 in Mogadishu, Somalia, Fort Benning, GĂ©orgie, United States Army Infantry School (USAIS), , 43 p. (lire en ligne) [PDF]
  • (en) Leigh Neville, Day of the Rangers : The Battle of Mogadishu 25 Years On, Oxford, Osprey Publishing, , 352 p. (ISBN 9781472824257)

Documentaires télévisés

Article connexe

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