Hafez el-Assad
Hafez el-Assad (en arabe : حافظ الأسد / Ḥāfiẓ al-Asad), né le à Qardaha et mort le à Damas, est un militaire et homme d'État syrien.
Hafez el-Assad (ar) حافظ الأسد | ||
Hafez el-Assad en 1987. | ||
Fonctions | ||
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Président de la République arabe syrienne | ||
[N 1] – (29 ans, 3 mois et 19 jours) |
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Prédécesseur | Ahmed Khatib | |
Successeur | Abdel Halim Khaddam (intérim) Bachar el-Assad |
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Biographie | ||
Nom de naissance | Hafez el-Assad | |
Date de naissance | ||
Lieu de naissance | Qardaha, Lattaquié, (Syrie mandataire) | |
Date de décès | (à 69 ans) | |
Lieu de décès | Damas (Syrie) | |
Nationalité | Syrien | |
Parti politique | Parti Baas (1946–1947) Front national progressiste (1947–1966) Parti Baas Syrien (1966-2000) |
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Fratrie | Rifaat el-Assad Jamil al-Assad |
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Conjoint | Anissa Makhlouf | |
Enfants | Bouchra el-Assad Bassel el-Assad Bachar el-Assad Maher el-Assad Majid el-Assad |
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Religion | Islam chiite, branche alaouite | |
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Présidents de la République arabe syrienne | ||
Après son accession au pouvoir à la suite d'un coup d'État en 1970, il est président de la République jusqu'à sa mort en 2000. Son fils, Bachar, lui a succédé, au terme du court intérim présidentiel assuré par Abdel Halim Khaddam.
Son régime fortement autoritaire, structuré autour du parti unique du Baas, a mis en place un contrôle de l'ensemble de la vie politique syrienne. Il a conféré une stabilité à un pouvoir politique syrien marqué jusque-là par les coups d'État et a fait de la Syrie un acteur incontournable du Moyen-Orient.
Situation personnelle
Origines
Le grand-père de Hafez s'est opposé au mandat français en Syrie et s'est également forgé une réputation dangereuse en matant les petits paysans locaux et débuts de jacquerie. Les autochtones l'appelaient d'abord Wahhich, soit « brutal » ou « bête sauvage », puis el-Assad, « le lion » en arabe[1]. Son fils Sleiman Ali el-Assad (en) adopte définitivement ce nom en 1927. Dans une lettre adressée en 1936 à Léon Blum et aux dirigeants de la SFIO, Sleiman Ali el-Assad et d'autres notables alaouites se démarquent des musulmans sunnites, dénonçant même leur « fanatisme » contre les Juifs de Palestine « qui sont venus apporter à ces Arabes Musulmans la civilisation et la paix »[2]. L'authenticité de cette lettre est contestée par l'historien Stefan Winter (en)[3].
Jeunesse
Hafez el-Assad est né à Qardaha dans l'ouest de la Syrie au sein d'une famille appartenant à la communauté religieuse minoritaire des Alaouites, proche du chiisme. Il est le premier membre de sa famille à aller au lycée. Il milite au sein du parti Baas dès l'âge de 16 ans, en 1946.
Sa famille ne pouvant lui offrir une éducation universitaire, Assad s'inscrit à l'Académie militaire syrienne, où l'on bénéficie d'une scolarité gratuite. Il s'y révèle un élève brillant et est envoyé en formation complémentaire de pilote de chasse en Union soviétique au sein de l'Armée rouge pendant onze mois.
À l'Académie, Assad rencontre Moustapha Tlass qui devient, par la suite, son compagnon de lutte politique. Son ascension au sein de la hiérarchie militaire est rapide, faisant de lui une figure importante de celle-ci.
Hafez el-Assad s'oppose en 1958 à l'union entre l'Égypte et la Syrie qui crée la République arabe unie. Stationné au Caire, il travaille, en compagnie d'autres officiers, à mettre un terme à cette union. Quoique baassiste et favorable à l'idéal d'une union panarabe, il s'oppose à la domination du régime de Nasser au sein de la République arabe unie. Il est alors brièvement emprisonné par les autorités égyptiennes lors de la dissolution de la république unitaire en 1961[4].
Dans l'incertitude qui suit la dissolution de l'union égypto-syrienne, une coalition de groupements politiques de gauche menée par le Baas prend le pouvoir. Assad est nommé chef d'état-major de l'armée de l'air en 1964. L'État est alors officiellement dirigé par Amine al-Hafez, d'obédience sunnite. En fait, à travers le parti Baas qu'ils contrôlent, il est dominé par un groupe de jeunes alaouites, dont Assad fait partie.
Ascension politique
En 1966, l'aile pro-soviétique du Baas, menée par Salah Jedid, entreprend un coup d'État au sein du régime et écarte les autres partis du gouvernement. Pressenti de plus en plus comme un membre puissant du gouvernement, Assad devient ministre de la Défense, et exerce dès lors un pouvoir considérable sur la politique gouvernementale. Le pouvoir est toutefois traversé par d'importantes tensions entre une aile radicale du Baas, favorable à une politique étrangère agressive et à des réformes sociales rapides, et une aile militaire, dirigée par Assad, plus pragmatique.
Après le discrédit de la défaite militaire de la guerre des Six Jours et l'intervention avortée de la Syrie dans le conflit jordano-palestinien de Septembre noir, pour lesquels Hafez el-Assad attribue la responsabilité des désastres à Jedid et Atassi, ces tensions se transforment en un conflit ouvert. Hafez el-Assad est en réalité déjà en train de comploter pour discréditer Atassi : il a interdit à l'aviation syrienne de décoller, avec pour résultat la destruction des blindés envoyés par Atassi en Syrie[5].
Quand le président Noureddine al-Atassi et le secrétaire général du parti Baas, Salah Jedid, prennent conscience du danger et ordonnent qu'Assad et Tlass soient écartés de toute position de pouvoir dans le parti et le gouvernement, il est déjà trop tard. Assad a déjà manœuvré, avec l'aide de son frère Rifaat, de ses réseaux d'influence alaouites et du chef d'État major Tlass[5].
Hafez el-Assad lance rapidement un coup de force à l'intérieur du parti qui est « purgé », et bien que le congrès se prononce en faveur d'Atassi et Jedid, tous deux sont envoyés en prison, avec des milliers de leurs partisans, tandis que les partisans d'Assad s'emparent de tous les postes clés de l'appareil d'État.
Président de la République
Régime autoritaire
Hafez el-Assad hérite d'un régime dictatorial, établi durant de longues années d'un pouvoir militaire instable, puis réorganisé suivant la politique du parti unique du Baas. Non seulement, il ne rompt pas avec ce régime, mais il en accroît la dimension répressive, qu'il a lui-même constitué depuis plusieurs années, et s'efforce de contrôler chaque secteur de la société à travers un vaste appareil policier et de renseignement. L'ancien responsable nazi et bras droit d'Adolf Eichmann, Alois Brunner, se cache pendant 40 ans en Syrie, protégé par Hafez el-Assad. Il aurait été chargé de la mise en place de l'appareil répressif et des techniques de torture utilisées par les services de renseignement syriens sous Assad[6].
Le régime met également en place un culte de sa personnalité, le décrivant comme un dirigeant juste, sage et puissant de la Syrie et du monde arabe en général. À la manière soviétique, ce culte se traduit par un vaste système de propagande fait notamment d'affichages de son effigie, d'érections de statues, de discours publics glorificateurs. Le slogan « Assad pour l'éternité » s'installe au fil des plébiscites pour l'unique candidat devenu despote (99,2 % des suffrages officiellement en 1971, 99,6 % en 1978 et 99,9 % en 1985)[5].
Son fils Bassel appelé à lui succéder fait, plus tard, l'objet d'un culte semblable mais meurt dans un accident de voiture le .
Le régime trouve un soutien essentiel dans la minorité alaouite, dont Hafez el-Assad place des membres à de nombreux postes clés de l'appareil d'État[7].
Le régime se caractérise ainsi par l'emprise qu'il exerce sur la vie sociale et politique, interdisant toute opposition et réprimant avec violence toute contestation. De nombreux intellectuels, défenseurs des droits humains, communistes, personnes soupçonnées d'islamisme sont emprisonnés durant de longues années durant son règne[8] - [9] - [10].
Le régime syrien mène également une féroce répression contre l'insurrection des Frères musulmans en Syrie. Le , Hafez el-Assad échappe de justesse à une tentative d'assassinat. Le lendemain, sous le commandement de son frère, Rifaat el-Assad, des membres des Brigades de Défense se rendent à la prison de Palmyre, où un millier de membres des Frères musulmans sont massacrés[11]. Mais l'épisode le plus marquant du conflit est le massacre de Hama en 1982, au cours duquel 10 000 à 40 000 personnes, en majorité des civils, sont tuées dans les bombardements ou exécutées sommairement[12].
Selon Amnesty International, 17 000 personnes ont disparu dans les prisons du régime syrien entre 1980 et 2000, principalement des membres des Frères musulmans, des communistes et des Palestiniens[13].
Israël
La politique étrangère de Hafez el-Assad est structurée par le conflit entre la Syrie et Israël – conflit antérieur à la prise de pouvoir de Assad, et qui a continué après sa mort.
Au commencement de sa présidence, la Syrie joue un rôle majeur dans la guerre du Kippour en 1973. La guerre est présentée par le régime comme une importante victoire patriotique, quoique son bilan soit extrêmement nuancé. Après une faible avancée sur le plateau du Golan (territoire syrien occupé par Israël depuis la guerre des Six Jours en 1967), l'armée syrienne connaît d'importantes pertes et doit reculer devant une contre-attaque israélienne. Toutefois, la Syrie regagne, in fine, des territoires sur le tracé de 1967, grâce aux négociations de paix, dirigées par Henry Kissinger.
La volonté de reconquête de l'intégralité du plateau du Golan n'a pas cessé, par la suite, d'être un des axes centraux de la politique de Hafez el-Assad. Il respecte, toutefois, la ligne de cessez-le-feu placée sous le contrôle des Nations unies. Assad choisit, en effet, une politique indirecte de pression sur Israël, à travers le soutien à divers mouvements arabes, hostiles à l'État juif, qu'il a clientélisés. Ainsi, il soutient le Hezbollah au Liban, durant l'invasion de ce pays par Israël. Il apporte, de même, son soutien à de nombreux groupes palestiniens, comme le Hamas. Assad refuse de reconnaître l'existence d'Israël, officiellement qualifié d'« entité sioniste ». Toutefois, avec la chute de l'URSS, il comprend que l'équilibre des forces avait été transformé en faveur des États-Unis, et de son principal allié dans la région, Israël. Il accepte alors, pressé par les États-Unis, de s'engager dans des négociations avec Israël, qui échouent.
Les Israéliens considéraient Assad comme un ennemi implacable, mais qui tenait parole en respectant le cessez-le-feu, selon Charles Enderlin[14].
Liban
Assad joue un rôle clé dans l'histoire du Liban contemporain. La guerre civile libanaise, qui éclate en 1975 et oppose sur fond de conflit israélo-arabe les communautés religieuses du pays (chrétiens et membres de la droite libanaise d'une part, musulmans, « progressistes de gauche » et Palestiniens de l'autre) finit par tourner à la défaveur des chrétiens. Craignant de perdre le pouvoir présidentiel qui était réservé aux chrétiens de rite maronite depuis le Pacte de 1943, les leaders des milices chrétiennes Camille Chamoun et Pierre Gemayel lancent un appel à l'armée syrienne, pour mettre un terme à cette guerre fratricide. Les soldats syriens entrent au Liban le [15].
Le président syrien, qui soufflait sur les braises de la guerre du Liban, en soutenant tour à tour les différents belligérants, y voit l'occasion d'installer ses troupes au pays du Cèdre, avant-poste de sa lutte contre Israël. Ce sera le début de la mainmise syrienne sur le Liban, qui durera jusqu'à la révolution du Cèdre en 2005.
Assad obtient par ailleurs de Jacques Chirac en 1996 que les dossiers de l'occupation israélienne au Liban et au Golan soient liés, et que la France fasse pression en ce sens sur l'État hébreu. S'étant rendu en visite officielle à Paris en [16], il comptait d'autant plus sur la France qu'il vouait une admiration pour le général de Gaulle, qui « représentait en fait la voix de la liberté dans le monde occidental »[17].
Mort et bilan
Hafez el-Assad souffre d'un diabète et de problèmes cardiaques[18]. Il meurt le , au cours d'une conversation téléphonique avec son homologue libanais Émile Lahoud[19].
Le bilan des trente années de règne d'Assad reste controversé : aux critiques contre sa politique interne répressive (écrasement dans le sang des Frères musulmans dont notamment le massacre de Hama) et de son soutien au mouvement chiite libanais Hezbollah, s'opposent des analyses qui voient en lui un « redoutable diplomate » (Henry Kissinger), ainsi que l'homme qui a fait de la Syrie un interlocuteur incontournable dans le règlement des conflits du Proche-Orient. Assad a reçu le surnom de « Bismarck du Proche-Orient »[20].
Jacques Chirac est le seul chef d’État occidental à se rendre aux funérailles de Hafez el-Assad[6]. Il lui avait rendu hommage à sa mort, saluant celui qui avait « marqué l'Histoire pendant trois décennies »[19].
Son fils aîné, Bassel, devait lui succéder à la présidence mais la mort de ce dernier dans un accident de voiture en 1994 contraint Assad à changer ses plans. C'est son second fils, Bachar, qui lui succède en comme président, grâce à une modification de la Constitution syrienne ramenant l'âge minimal de 40 à 34 ans[21].
Notes et références
Notes
- Par intérim jusqu'au .
Références
- Jean-Marie Quéméner, Bachar al-Assad, Plon, , 176 p. (ISBN 978-2-259-25323-9), p. 31-32
- Daniel Le Gac, La Syrie du général Assad, Complexe, p. 69-71.
- (en) Stefan Winter, « The Asad Petition of 1936: Bashar’s Grandfather Was Pro-Unionist », Syria Comment,
- Daniel Le Gac, op. cit., p. 94.
- Jean-Pierre Filiu, Généraux, gangsters et jihadistes. histoire de la contre-révolution arabe, La découverte, , 311 p. (ISBN 978-2-7071-9707-8), p. 79 à 81
- « Brunner caché par Damas ? - Le 07h43 - Vidéo Dailymotion », sur Dailymotion (consulté le )
- « Hafez al-Assad et la création de l’appareil d’état syrien », sur www.lesclesdumoyenorient.com (consulté le )
- Fanny Arlandis, «La prison sera la mémoire de la Syrie des Assad», sur Slate.fr, (consulté le )
- Samir Aita, « Frère musulman, chrétien et... athée », sur Le Monde diplomatique, (consulté le )
- « SYRIE. Trente ans de terreur », sur Courrier international, (consulté le )
- Alain Chemali, « La prison de Palmyre, un enfer pour les opposants au système Assad », Geopolis, .
- « Syrie : l'ombre du massacre de plane toujours sur Hama », Le Monde, .
- Cécile Hennion, « Les disparitions forcées, arme de guerre de Bachar Al-Assad », Le Monde, .
- « 20h Antenne 2 du 10 juin 2000 : Mort du président Hafez El-Assad » (consulté le )
- Daniel Le Gac, op. cit., p. 150.
- « 20h France 2 du 16 juillet 1998 : Malaise sur le Tour de France | Archive INA » (consulté le )
- Daniel Le Gac, op. cit., p. 223.
- Daniel Le Gac, op. cit., p. 128.
- Gilles Delafon, « La mort d'Hafez el-Assad ouvre une ère d'incertitude », Le Journal du Dimanche, , p. 1.
- Gilles Delafon, « Hafez el-Assad, la mort du "lion" », Le Journal du Dimanche, , p. 10.
- « Réactions après la mort de Hafez Al Assad », sur L'Economiste, (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
- Pierre Guingamp, Hafez el Assad et le Parti Baath en Syrie (Comprendre le Moyen-Orient). Éditions L'Harmattan, 1996 (ISBN 2738446787 et 9782738446787)
- Charles Saint-Prot, Les Mystères syriens, Paris, Albin Michel, 1984
- Lucien Bitterlin, Hafez el-Assad : le parcours d'un combattant, Éd. du Jaguar, 1986
- Daniel Le Gac, La Syrie du général Assad, Bruxelles, Complexe, 1991 (ISBN 2-87027-406-8)
- Lina Murr Nehmé, Le Liban assassiné ; Du Règne de la pègre au réveil du lion, Beyrouth, Aleph et Taw, 2008, 2011 (ISBN 978-291781401-7)