Soulèvement du ghetto de Varsovie
Le soulèvement du ghetto de Varsovie est une révolte armée, organisée et menée par la population juive du ghetto de Varsovie contre les forces d'occupation allemandes entre le et le . C'est l'acte de résistance juive pendant la Shoah le plus connu et le plus commémoré[1].
Date | – |
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Lieu | Ghetto de Varsovie, Pologne |
Issue | Victoire allemande |
Reich allemand | ZOB ŻZW Avec le soutien de : Armia Krajowa Gwardia Ludowa |
• Friedrich-Wilhelm Krüger • Jürgen Stroop • Ferdinand von Sammern-Frankenegg • Franz Bürkl | • Mordechaj Anielewicz †• Dawid Moryc Apfelbaum †• Yitzhak Zuckerman • Marek Edelman • Pawel Frenkel †• Henryk Iwański • Zivia Lubetkin • Dawid Wdowiński |
2 090 hommes | 400 Ă 900 combattants dans le ghetto |
17 morts 93 blessés | 13 000 morts 58 000 déportés |
Batailles
Front de l’Est
Prémices :
Guerre germano-soviétique :
- 1941 : L'invasion de l'URSS
Front nord :
Front central :
Front sud :
- 1941-1942 : La contre-offensive soviétique
Front nord :
Front central :
Front sud :
- 1942-1943 : De Fall Blau Ă 3e Kharkov
Front nord :
Front central :
Front sud :
- 1943-1944 : Libération de l'Ukraine et de la Biélorussie
Front central :
Front sud :
- 1944-1945 : Campagnes d'Europe centrale et d'Allemagne
Allemagne :
Front nord et Finlande :
Europe orientale :
Campagnes d'Afrique, du Moyen-Orient et de Méditerranée
Coordonnées | 52° 14′ 46″ nord, 20° 59′ 45″ est |
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Histoire
Le débute la Grande Action : les Allemands commencent à déporter les Juifs au camp d'extermination de Treblinka[2]. Début , les autorités allemandes décident d’accélérer la déportation de la population civile du ghetto vers les camps d'extermination afin de le « liquider » définitivement. Dans le cadre de l'Aktion Reinhard, la population du ghetto est en effet déjà passée de 450 000 à environ 70 000 personnes.
Les déportations massives de l'été avaient eu comme conséquence l'apparition d'une résistance juive armée dans le ghetto autour de deux organisations : d'une part l'Organisation juive de combat (Żydowska Organizacja Bojowa, ŻOB) d'inspiration sioniste et bundiste, dirigée par Mordechaj Anielewicz, 23 ans, et Marek Edelman, 24 ans, et d'autre part l'Union militaire juive (Żydowski Związek Wojskowy, ŻZW), organisation sioniste révisionniste du Betar dirigée par Pawel Frenkel et Dawid Moryc Apfelbaum[3].
Le , ces deux groupes s'opposent par la force à une nouvelle vague de déportation. Après quatre jours de combats de rue, le ghetto est paralysé et les déportations suspendues.
Heinrich Himmler donne donc l'ordre à son représentant en Pologne, le Höhere SS- und Polizeiführer (HSSPf) Friedrich-Wilhelm Krüger, dans une lettre du , de détruire complètement le ghetto. Il écrit : « Pour des raisons de sécurité, j'ordonne que le Ghetto de Varsovie soit détruit (…), après que tous les éléments de maisons ou les matériaux ayant de la valeur ont été récupérés[4] ». Le , la police allemande et les forces SS entrent dans le ghetto sous le commandement du SS-Oberführer Ferdinand von Sammern-Frankenegg afin de faire reprendre les déportations. Bien qu'équipés de chars, d'artillerie et de lance-flammes, les quelque 2 000 policiers et SS rencontrent une très vive résistance et le plan prévoyant la maîtrise complète du ghetto en trois jours est un échec complet[5].
Aussi Ferdinand von Sammern-Frankenegg est-il remplacé par Jürgen Stroop, qui met quatre semaines à anéantir le ghetto, en recevant chaque jour ses ordres du HSSPf Friedrich-Wilhelm Krüger et de Himmler en personne. Krüger lui recommande ainsi de faire exploser la synagogue de Varsovie[6]. Les forces juives polonaises alignent 400 insurgés du ŻZW conduits par Dawid Moryc Apfelbaum et Paweł Frenkel et environ 500 combattants de la ŻOB (Organisation juive de combat) sous les ordres de Mordechaj Anielewicz. La résistance polonaise non juive, c'est-à -dire l'Armée Intérieure polonaise (Armia Krajowa, AK) fournit quelques hommes, mais aussi des armes[5]. Marek Edelman, seul commandant survivant de l'insurrection, donne un nombre de combattants plus restreint : « Je me souviens d'eux tous, des garçons et des filles, 220 au total », âgés de 13 à 22 ans[7].
Marek Edelman a 24 ans lorsqu'il prend le commandement de l'un des trois groupes de combattants, constitué de cinquante insurgés[7]. Après la mort des premiers dirigeants et le suicide de Mordechaj Anielewicz le , c'est lui qui dirige l'insurrection. Ayant survécu aux combats, il participe l'année suivante à l'Insurrection de Varsovie.
La nourriture manquait terriblement. Marek Edelman indique : « nous ne mourions pas de faim. On peut vivre pendant trois semaines simplement avec de l'eau et du sucre », que lui et ses hommes trouvaient chez ceux qui avaient été déportés[7].
Durant les combats, environ 7 000 résidents du ghetto ont été tués, 6 000 ont été brûlés vifs ou gazés durant la destruction totale du quartier, les Allemands déportèrent les survivants, afin de les faire mourir, dans les camps d'extermination de Treblinka et Majdanek et dans les camps de concentration de Poniatowa et de Trawniki.
Le , le soulèvement est écrasé.
Après la destruction des états-majors de la ŻOB et de la ŻZW et la chute du ghetto, de petits groupes de survivants continuent la lutte armée dans les ruines jusqu'au mois de . Certains groupes de combattants parviennent également à sortir du ghetto et continuent la lutte, rejoignant les partisans dans les forêts de la région.
Conséquences
Les conséquences morales et historiques de l'insurrection du ghetto de Varsovie furent importantes. La résistance dépassa les prévisions allemandes, même si l'issue était certaine au vu du déséquilibre des forces. Izrael Chaim Wilner (dont le pseudonyme était Jurek), soldat de la ŻOB, a résumé le sens de ce combat en ces termes : « My nie chcemy ratować życia. Żaden z nas żywy z tego nie wyjdzie. My chcemy ratować ludzką godność » (« Nous ne voulons pas sauver notre vie. Personne ne sortira vivant d'ici. Nous voulons sauver la dignité humaine »). Elle remet aussi en cause le cliché et stéréotype raciste du Juif passif[8].
En 1970, le chancelier Willy Brandt s'agenouille devant le mémorial du ghetto de Varsovie en Pologne.
Photographie historique
La plus célèbre photographie du ghetto de Varsovie est celle représentant un groupe de femmes et enfants juifs poussés hors de leur cachette par les soldats allemands en 1943, pour être envoyés à Treblinka[9]. Y sont reconnaissables[10] - [11] - [12] :
- le garçon au premier plan, qui est peut-être Artur Dab Siemiatek, ou bien Levi Zelinwarger (près de sa mère Chana Zelinwarger), ou encore Harry-Haim Nieschawer ou enfin Tsvi Nussbaum ;
- Chana Zelinwarger, avec la tête tournée, deux sacs aux bras et les mains levées ;
- Hannah (Hanka) Lamet, la petite fille à gauche qui lève la main (assassinée à Majdanek) ;
- Matylda Lamet Goldfinger, la mère de Hanka, deuxième en partant de la gauche ;
- Ahron Leizer (Leo) Kartuziński (ou Kartuzinsky) de Gdańsk, en arrière plan avec un sac blanc sur l'épaule ;
- Golda Stavarowski, la première femme à droite, au fond, qui ne lève qu’une main ;
- Josef Blösche, le SS-Rottenführer à droite, avec une arme à feu pointée sur le garçon[13] - [9].
Cette photographie est notamment récupérée dans deux œuvres d'art controversées juxtaposant le soulèvement du ghetto de Varsovie avec la souffrance palestinienne, l'une par Alan Schechner en 2003 intitulée L'Héritage des enfants victimes de mauvais traitements : de Pologne en Palestine[14] et l'autre par Norman G. Finkelstein en 2009 avec le sous-titre « Les petits-enfants des survivants de l'Holocauste font aux Palestiniens exactement ce qui leur a été fait par les nazis allemands »[15].
Bibliographie
- Michel Borwicz, L'Insurrection du ghetto de Varsovie, Paris, Julliard, collection « Archives », 1966.
- Larissa Cain, Ghettos en révolte, Pologne 1943, Collection Mémoires, éditions Autrement (ISBN 2-7467-0359-9).
- Marek Edelman, Mémoires du ghetto de Varsovie, Éditions Liana Levi, 2002.
- Marek Edelman, La Vie malgré le ghetto, Paris, Éditions Liana Levi, 2010.
- Bernard Goldstein (préf. Marek Edelman), L'ultime combat : Nos années au ghetto de Varsovie, Éditions Zones, (ISBN 978-2-35522-016-6 et 2-35522-016-6, lire en ligne).
- Joseph Kubert, Yossel, Delcourt, 2003.
- Bernard Mark, « L'insurrection du ghetto de Varsovie », dans Le Livre noir, Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman, Arles, Actes Sud, 1995.
- Kazimierz Moczarski, Entretiens avec le bourreau, Éditions Gallimard, 2011.
- (pl) Dariusz Libionka, Laurence Weinbaum (2011), Bohaterowie, hochsztaplerzy, opisywacze, Varsovie, Stowarzyszenie Centrum Badań nad Zagładą Żydów (ISBN 978-83-932202-8-1).
- Joël Kotek et Raul Hilberg, L'Insurrection du ghetto de Varsovie, Éditions Complexe, , 150 p. (ISBN 2870275439, lire en ligne).
- Frédéric Rousseau, L'Enfant juif de Varsovie, Paris, Seuil, collection "L'Univers historique", 2009.
- Didier Zuili,"Varsovie, Varsovie", bande dessinée 128 p.,éditions Liliane Marouani (ISBN 9-791093-352008)
Dans les arts
Au cinéma
- 1978 : Mini-série Holocauste dans laquelle est relatée l'insurrection du ghetto de Varsovie.
- 1983 : Au nom de tous les miens de Robert Enrico, adaptation du roman Au nom de tous les miens de Martin Gray.
- 2001 : 1943, l'ultime révolte.
- 2002 : Le Pianiste.
Roman
- John Hersey, La muraille, 2 vol., Gallimard, 1979.
- David Safier, 28 jours, Pocket, 2017.
Musique
- Sabaton, Uprising.
Images
- Au croisement des rues Nowolipie et Smocza.
- Femmes du ghetto présentées par les Allemands comme des combattantes du HeHalutz (« Pionniers », une organisation de jeunesse sioniste fondée en 1905).
- Gołda Stawarowska.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- « Warszawa. Płonące getto widziane z kamienicy przy ul. Kredytowej 9 na rogu pl. Dąbrowskiego (1943) », sur sztetl.org.pl (consulté le ) ; (pl) « Zdjęcie płonącego getta - "na tle płomieni widoczna wieża Ratusza" », sur Onet Kultura, (consulté le ). Photographie (Agfacolor) du soulèvement du ghetto de Varsovie par Zbigniew Borowczyk[16].
Notes et références
- Georges Bensoussan (dir.), Jean-Marc Dreyfus (dir.), Édouard Husson (dir.) et al., Dictionnaire de la Shoah, Paris, Larousse, coll. « À présent », , 638 p. (ISBN 978-2-03-583781-3), p. 462.
- (pl) Władysław Bartoszewski et Zofia Lewinówna, Ten jest z ojczyzny mojej : Polacy z pomocą Żydom 1939-1945, Cracovie, Wydawnictwo Znak, (ISBN 978-83-240-2790-3), p. 98.
- Dictionnaire de la Shoah, p. 462.
- (de) Tatiana Berenstein (éd.), Faschismus – Getto – Massenmord. Dokumentation über Ausrottung und Widerstand der Jugen in Polen während des zweiten Weltkrieges, Röderberg-Verlag, Frankfurt-am-Main, 1960, page 349.
- Pierre Souyri, Michel Borwicz, L'insurrection du ghetto de Varsovie. Collection « Archives ». (compte-rendu), Annales, 1967, 22-26, p. 1384-1386.
- Kazimierz Moczarski, Entretiens avec le bourreau, Gallimard, Paris, 2011, p. 329.
- « Soixante-cinq ans après, un chef du soulèvement du ghetto de Varsovie se souvient », Monika Scislowska, dépêche Associated Press, 14 avril 2008.
- Dictionnaire de la Shoah, p. 463.
- (en) « The Boy in the Photo? http://www.HolocaustResearchProject.org », sur holocaustresearchproject.org (consulté le )
- « Anonymous No Longer. Holocaust History Museum. Yad Vashem », sur yadvashem.org (consulté le )
- « Jews captured by SS and SD troops during the suppression of the Warsaw ghetto uprising are forced to leave their shelter and march to the Umschlagplatz for deportation. - Collections Search - United States Holocaust Memorial Museum », sur collections.ushmm.org (consulté le )
- « L’enfant juif de Varsovie | Histoire et analyse d'images et oeuvres », sur histoire-image.org (consulté le )
- (en) « Only the oppressor has a name. The story of the boy from the picture », sur TVN24.pl (consulté le )
- (en) Celina Jeffery et Gregory Minissale, Global and Local Art Histories, Cambridge Scholars Publishing, , 295 p. (ISBN 978-1-4438-0730-2, lire en ligne), p. 284 & ss.
- (en) Michael Rothberg, « FROM GAZA TO WARSAW: MAPPING MULTIDIRECTIONAL MEMORY », Criticism, vol. 53, no 4,‎ , p. 523–548 (ISSN 0011-1589, lire en ligne, consulté le )
- (pl) « Szymon Pietrzykowski: Wielkopolscy Żydzi, uczestnicy powstania w getcie warszawskim – Abraham Eger/Ajger i Abraham Diamant », Institut de la mémoire nationale, 2023 (lire en ligne).