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Exécutions dans les ruines du ghetto de Varsovie (1943-1944)

Les exĂ©cutions dans les ruines du ghetto de Varsovie (1943-1944) sont des exĂ©cutions massives de prisonniers politiques polonais et de personnes d’origine juive, effectuĂ©es par les forces d’occupation allemandes dans les ruines du ghetto de Varsovie.

Les ruines du 27 rue Dzielna. Des milliers des prisonniers de Pawiak y ont été tués dans les années 1943-1944

DĂšs l'Ă©tĂ© 1942, les Allemands fusillent des prisonniers du dehors du ghetto. Cependant, les exĂ©cutions de ce type deviennent vraiment massives mi-mai 1943, aprĂšs la rĂ©pression du soulĂšvement du ghetto de Varsovie et pendant la dĂ©molition du quartier juif. L'action de l'extermination est permanente jusqu'Ă  l'insurrection de Varsovie en aoĂ»t 1944. Les fonctionnaires de la SS et de la police allemande ont fusillĂ© plusieurs milliers d'individus : des otages polonais (notamment les prisonniers de la prison de Pawiak et des habitants de la ville arrĂȘtĂ©s pendant des rafles) et les Juifs pris dans la « zone aryenne ».

Historique

Les Allemands considĂ©raient Varsovie comme le centre de la rĂ©sistance polonaise contre le « nouvel ordre » du nazisme. Bien que dans le Gouvernement gĂ©nĂ©ral de Pologne, Varsovie ait perdu son rang de capitale pour devenir une simple ville de province, elle est restĂ©e le centre de la vie politique, intellectuelle et culturelle. Elle est aussi le siĂšge de l'État polonais clandestin et le lieu du fonctionnement des structures fortes et bien organisĂ©es de la rĂ©sistance. Le , le gouverneur gĂ©nĂ©ral Hans Frank note dans son journal : « Sans Varsovie dans le Gouvernement gĂ©nĂ©ral, nous n'aurions pas 4/5Ăšme des problĂšmes auxquels nous devons faire face. Varsovie est, et elle restera, un foyer de chaos, un point diffusant de l'angoisse sur ce pays »[1].

DĂšs les premiers jours de l'occupation, les Allemands terrorisent les habitants de Varsovie, et plus particuliĂšrement les Ă©lites politiques et intellectuelles polonaises, la population juive et les personnes liĂ©es Ă  la rĂ©sistance. Les prisons de Varsovie : Pawiak, la maison d’arrĂȘt de la rue DaniƂowiczowska, la prison du quartier MokotĂłw et les caves du siĂšge de la Sicherheitspolizei (Sipo) de l'avenue Szucha sont pleines de prisonniers. Les rafles, les dĂ©portations dans les camps de concentration et les exĂ©cutions de masse deviennent quotidiennes. Habituellement, les exĂ©cutions des prisonniers d'opinion se passent en secret, dans des endroits auxquels le public n'a pas accĂšs. Ainsi, les jardins du parlement situĂ©s dans la rue Wiejska, la forĂȘt de Kabaty, l'endroit appelĂ© « Szwedzkie GĂłry » dans le quartier Bemowo, la forĂȘt de Sękocin prĂšs de Magdalenka, les forĂȘts de ChojnĂłw prĂšs de StefanĂłw, les villages Laski, Wydmy ƁuĆŒe et WĂłlka Węglowa prĂšs de la forĂȘt de Kampinos et avant tout, la forĂȘt de Palmiry Ă©taient des lieux d'exĂ©cution principaux[2].

Pour les Allemands, les exĂ©cutions dans les forĂȘts autour de Varsovie posent des problĂšmes de logistiques et de discrĂ©tion liĂ©s au transport des condamnĂ©s depuis les prisons de Varsovie vers les lieux d’exĂ©cutions, Ă©loignĂ©s de quelques dizaines de kilomĂštres. Ces lieux doivent ensuite ĂȘtre protĂ©gĂ©s pour Ă©loigner les tĂ©moins Ă©ventuels et pour empĂȘcher la fuite des condamnĂ©s. Mais il demeure toujours possible que, par hasard ou Ă  dessein, les habitants des villages voisins dĂ©couvrent les fosses communes.

PremiÚres exécutions dans les ruines du ghetto

Les ruines du ghetto de Varsovie
« Nous vengerons Pawiak ». Une inscription faite par les scouts de l’organisation « Wawer » sur le tableau d’affichage de la barriĂšre du jardin de Bank Gospodarstwa Krajowego, rue Bracka

À partir de juin 1942, de petits groupes de Polonais (quelques personnes, voir quelques dizaines de personnes) sont exĂ©cutĂ©es dans le ghetto, complĂštement isolĂ© du reste de la ville Ă  cette pĂ©riode. Les cadavres sont laissĂ©s dans les rues, oĂč ils sont ensuite pris en charge par les travailleurs juifs responsables du nettoyage des rues, pour ĂȘtre enterrĂ©s dans le cimetiĂšre juif de Varsovie ou sur le terrain du sport du « Skra ». Les exĂ©cutions sont plus nombreuses pendant la grande action de rĂ©installation dans le ghetto (Ă©tĂ© 1942), car il Ă©tait plus facile de cacher ces meurtres et de se dĂ©barrasser des corps dans le chaos gĂ©nĂ©ral[1] - [3].

Au printemps 1943, les Allemands liquident complĂštement le ghetto en rĂ©primant brutalement le soulĂšvement dĂ©clenchĂ© par la rĂ©sistance juive. Les terrains du ghetto sont changĂ©s en « dĂ©sert de pierres et de briques ». La direction de la Gestapo Ă  Varsovie dĂ©cide que ces ruines peuvent servir de lieu d'exĂ©cutions massives des Polonais. Le SS-GruppenfĂŒhrer, JĂŒrgen Stroop, Höhere SS- und PolizeifĂŒhrer du district de Varsovie, impute cette idĂ©e au Dr Ludwig Hahn (en), « commandant de la police de sĂ©curitĂ© et du service de sĂ©curitĂ© » (KdS) de Varsovie. Pendant son emprisonnement dans la prison de MokotĂłw, Stroop raconte Ă  son codĂ©tenu, Kazimierz Moczarski ses discussions avec Hahn.

« « Le Dr Hahn disait quelque chose comme Ò«a : Utilisons Grossaktion pour Ă©liminer aussi les Polonais. Beaucoup de Juifs du ghetto sont morts et beaucoup mourront encore. Il y a des cadavres partout, donc mĂȘme si on y ajoute quelques milliers de Polonais, personne ne pourra le vĂ©rifier » - rapporte JĂŒrgen Stroop[4] »

Du point de vue de l'occupant, de nombreux arguments plaident pour l’utilisation des ruines comme le lieu d'exĂ©cutions en masse. Le quartier est situĂ© Ă  proximitĂ© de la prison de Pawiak, oĂč est dĂ©tenue la majoritĂ© des prisonniers politiques. Les murs du ghetto et les nombreux commissariats allemands isolent le « dĂ©sert de pierres et de briques » du reste de la ville[1]. La police traque toujours les Juifs cachĂ©s dans les ruines du ghetto, ce qui explique les dĂ©tonations. Il est facile de brĂ»ler ou enterrer les corps dans les ruines. Enfin, en Ă©tĂ© 1943, sur le terrain de l'ancien ghetto (aux environs de la rue Gęsia), le camp de concentration de Varsovie, commence Ă  fonctionner. Son personnel sert aux exĂ©cutions, tandis que les prisonniers et le crĂ©matorium sont utilisĂ©s pour faire disparaĂźtre toutes traces des meurtres.

La premiĂšre exĂ©cution de prisonniers de Pawiak dans les ruines du ghetto a lieu le , avant la fin du soulĂšvement du ghetto[5]. Ce jour-lĂ , Ă  la porte du 21 de la rue Dzielna, 94 personnes sont exĂ©cutĂ©es. DĂšs la fin mai 1943, des exĂ©cutions ont lieu tous les jours dans le ghetto[3]. Les Allemands cessent quasiment de fusiller les condamnĂ©s dans les forĂȘts environnantes. Au lieu de dĂ©porter les prisonniers vers les camps de concentration, les occupants les exĂ©cutent, parfois aprĂšs quelques jours d'enquĂȘte. Tous les jours, des Juifs, ou les Polonais qui les abritent[1], sont attrapĂ©s dans la « zone aryenne ». Dans la majoritĂ© des cas, l'identitĂ© des victimes est inconnue, les Juifs n'Ă©tant tout simplement pas inscrits dans le registre de Pawiak. Ils n'y demeurent que quelques heures, voire quelques jours avant d'ĂȘtre fusillĂ©s. Souvent, des familles entiĂšres sont ainsi liquidĂ©es, femmes et enfants compris[3].

Les exĂ©cutions ont lieu dans diffĂ©rents endroits du ghetto, le plus souvent dans une propriĂ©tĂ© au 25/27 de la rue Dzielna, dans le jardin du 29 de la rue Nowolipki et dans la cour du 19 de la rue Zamenhofa[3] - [1]. Les prisonniers de Pawiak et de l'extĂ©rieur de la ville sont fusillĂ©s dans le camp de concentration KL Warschau[3]. Les corps sont brĂ»lĂ©s[6] au 45 de la rue Gęsia 45, au 27 de la rue Pawia, ou sur dans l'enceinte du camp de concentration de Varsovie (sur les bĂ»chers construits de parties des maisons en bois ou dans le crĂ©matorium)[3] - [7]. Les Sonderkommandos composĂ©s de Juifs (les prisonniers des camps) sont chargĂ©s de ces opĂ©rations[7].

Les informations sur les crimes commis par les Allemands, diffusĂ©es par des membres de l'ArmĂ©e de l'IntĂ©rieur (AK) travaillant Ă  Pawiak, sont incomplĂštes, il est donc impossible de dĂ©terminer les dates et les dĂ©tails de toutes les exĂ©cutions dans les ruines du ghetto. Cependant, on sait que chaque jour jusqu'Ă  une dizaine de personnes ont Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©es. Dans des cas particuliers, le nombre des victimes augmentait de quelques dizaines ou mĂȘme quelques centaines. Le 29 mai 1943, 530 prisonniers de Pawiak sont exĂ©cutĂ©s dans l'ancien ghetto[3]. Cette exĂ©cution a un fort impact sur la vie de Varsovie – les inscriptions « Nous vengerons Pawiak » (en polonais : Pawiak pomƛcimy) commencent Ă  apparaĂźtre massivement sur les murs de la ville. Le , durant la grande exĂ©cution suivante, environ 200 personnes sont abattues[1]. Le , entre 260 et 300[3] Polonais et Juifs, arrĂȘtĂ©s aprĂšs l'affaire de l'HĂŽtel Polski, sont fusillĂ©s. Le jour suivant, dans le camp de concentration sur la rue Gęsia, 132 prisonniers sont Ă©galement fusilliĂ©s[1].

Les exécutions sous le régime de Kutschera

Une ordonnance qui informe de l’exĂ©cution de 100 prisonniers. Varsovie, le 3 dĂ©cembre 1943

En octobre 1943, la rĂ©pression envers la population de Varsovie s'intensifie radicalement. Les Allemands accroissent leurs efforts pour briser la rĂ©sistance des Polonais. Le , une ordonnance d'Hans Frank annonce : « la lutte contre les attaques contre l’Ɠuvre de renouveau dans le Gouvernement gĂ©nĂ©ral ». Elle lĂ©gitime la rĂšgle de responsabilitĂ© collective utilisĂ©e par l'occupant en supposant que « les instigateurs et les complices des crimes seront punis comme les auteurs » et « Une tentative de crime sera punie comme un crime commis ». La seule peine prĂ©vue est la peine de mort. L’intensification de la terreur Ă  Varsovie coĂŻncide avec l'entrĂ©e en fonction, le , du chef de la police de district de Varsovie, le SS-BrigadefĂŒhrer Franz Kutschera. Le nouveau SS-und PolizeifĂŒhrer est partisan d'une politique brutale envers les nations conquises par le TroisiĂšme Reich. Les exĂ©cutions massives d'otages faites en rĂ©torsion de chaque action anti-allemande sont le moyen de pacifier Varsovie. Les fusillades doivent avoir lieu non seulement dans les ruines du ghetto, mais aussi de maniĂšre ouverte, dans les rues, afin de faire peur aux habitants et jeter une ombre sur les relations entre les citoyens et la rĂ©sistance[1].

À partir du , une vague de rafles annonce le renforcement de la politique de l’occupant. Elles ont lieu presque tous les jours, parfois mĂȘme plusieurs fois par jour dans plusieurs endroits de la ville[1]. La premiĂšre exĂ©cution de rue a lieu le , dans l'avenue NiepodlegƂoƛci, Ă  l'angle de la rue MadaliƄskiego[8]. Pour renforcer l'effet psychologique, les noms des otages exĂ©cutĂ©s sont annoncĂ©s par mĂ©gaphones ainsi que les noms de ceux qui seront exĂ©cutĂ©s en cas d'une nouvelle attaque anti-allemande. AprĂšs quelque temps, les annonces par mĂ©gaphone sont remplacĂ©es par des affiches (Bekanntmachung). ImprimĂ©es sur papier rose, portant la signature anonyme « SS et chef de la police de Varsovie » elles apparaissent pour la premiĂšre fois le .

Les rafles et les exĂ©cutions massives, qui font des centaines de victimes innocentes, bouleversent Varsovie. Les rĂ©pressions prĂ©cĂ©dentes ciblaient des milieux sociaux ou politiques spĂ©cifiques, mais dĂ©sormais la terreur de Kutschera frappe au hasard. Parmi les victimes se trouvent des prisonniers politiques arrĂȘtĂ©s par la Gestapo mais aussi des habitants ordinaires, arrĂȘtĂ©s accidentellement dans des rafles de rue. ParallĂšlement aux exĂ©cutions de rue qui marquent l'opinion publique, le nombre des exĂ©cutions, cachĂ©es dans les ruines du ghetto, augmente considĂ©rablement. Entre le et le , les Allemands fusillent dans la ville et aux alentours prĂšs de 5 000 personnes (environ 270 Ă  300 par semaine) – dont environ 3 800 dans les ruines du ghetto[1]. Cela signifie 3-4 personnes tuĂ©es en secret dans le ghetto pour une personne fusillĂ©e lors des exĂ©cutions publiques.

Durant cette pĂ©riode, des exĂ©cutions ont lieu plusieurs fois par jour, dans les ruines du ghetto. Parfois, des dizaines ou mĂȘme des centaines de prisonniers ou d’habitants ordinaires sont abattus en une seule exĂ©cution. Dans la nuit du 17 au eu lieu une des plus importantes exĂ©cutions de l’histoire de Pawiak, qui a durĂ© jusqu’à 4h du matin. Les prisonniers ont Ă©tĂ© sortis nus de la prison et fusillĂ©s Ă  l’arme automatique au 36-42 de la rue Pawia et au 37-42 de la rue Dzielna. Environ 600 personnes sont mortes. Dans la prison, des rumeurs disaient que l’exĂ©cution Ă©tait si horrible qu’un SS s’est suicidĂ© aprĂšs[3]. Le 23 octobre 1943, environ 300 otages arrivĂ©s la veille du quartier Praga, ont Ă©tĂ© fusillĂ©es dans les ruines. Les exĂ©cutions massives ont eu lieu aussi le 12 et 13 novembre (respectivement 240 et 120 victimes), le 9 dĂ©cembre (environ 146 victimes – dont 16 femmes juives et un petit enfant)[1], le 14 dĂ©cembre (230 victimes)[3], le 16 dĂ©cembre (environ 100 victimes), le 13 janvier 1944 (environ 260 victimes) et le 28 janvier (environ 170-180 victimes)[1].

D’aprĂšs les informations des membres de conspiration Ă  Pawiak, les Allemands ont commencĂ© en mĂȘme temps Ă  couvrir les traces d’exĂ©cutions et les preuves des crimes commis dans le ghetto de Varsovie. Les commandos composĂ©s des prisonniers de KL Warschau, sous la supervision des Allemands, ont commencĂ© Ă  dĂ©terrer les corps des fosses communes situĂ©es dans l’ancien ghetto et dans le cimetiĂšre juif. Les corps exhumĂ©s ont ensuite Ă©tĂ© brĂ»lĂ©s ou fait explosĂ©s. Selon Regina DomaƄska, le 17 novembre 1943, les Allemands ont amenĂ© environ 300 hommes dans les ruines de l’une des maisons du ghetto puis ont fait exploser le bĂątiment[3].

Le 1er fĂ©vrier 1944, les soldats du groupe « Pegaz » de l’unitĂ© Kedyw dans l'armĂ©e de l'intĂ©rieur ont rĂ©ussi un attentat contre Kutschera fait dans la rue Aleje Ujazdowskie. La majoritĂ© des victimes d’exĂ©cutions de reprĂ©sailles faites dans les jours suivants a Ă©tĂ© tuĂ©e dans les ruines du ghetto. DĂ©jĂ  le 2 fĂ©vrier, les Allemands ont fusillĂ© 300 otages polonais, dont 100 dans l’exĂ©cution Ă  l’intersection des rues Aleje Ujazdowskie et Chopina (prĂšs du lieu de l’attentat), et les autres 200 personnes dans le terrain du ghetto. Les exĂ©cutions massives suivantes ont eu lieu le 3 fĂ©vrier (environ 150 victimes)[3], le 10 fĂ©vrier (environ 330 victimes) et le 15 fĂ©vrier (environ 210 victimes, dont 18 femmes)[1].

Derniers mois de l’occupation

AprĂšs la mort de Kutschera, la terreur envers la population civile s’est apaisĂ©e. Les Allemands ont arrĂȘtĂ© les exĂ©cutions dans les rues, ils n’ont plus informĂ© des fusillades par mĂ©gaphones ou affiches. Ils ne voulaient pas donner aux Polonais des occasions de manifester des sentiments patriotiques. NĂ©anmoins, l’extermination dans les ruines du ghetto a continuĂ©. Au printemps 1943, des dizaines ou mĂȘme des centaines des prisonniers de Pawiak ou des personnes de la ville ont Ă©tĂ© fusillĂ©es quotidiennement. Le 22 fĂ©vrier 1944, environ 312 personnes ont Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©es dans les ruines du ghetto. Le 28 fĂ©vrier, environ 100 prisonniers de Pawiak ont Ă©tĂ© fusillĂ©s. Le 4 mars, les corps de 84-100 prisonniers (dont 4 femmes juives) ont Ă©tĂ© jetĂ©s dans le sous-sol des ruines d'une maison de la rue Nowolipie (au coin de la rue Karmelicka) et enflammĂ©s. Certains des prisonniers, gravement blessĂ©s, ont Ă©tĂ© brĂ»lĂ©s vif. Six jours plus tard, 40 Juifs, capturĂ©s dans une cachette de la rue GrĂłjecka et quelques Polonais les abritant (MieczysƂaw Wolski et WƂadysƂaw Marczak avec sa famille) ont Ă©tĂ© fusillĂ©s dans le ghetto. Parmi les victimes, il avait l’historien juif, Emanuel Ringelblum. Le 21 mars, 200 autres personnes, principalement des habitants de villages prĂšs de Varsovie, ont Ă©tĂ© assassinĂ©es dans le ghetto. Jusqu’au soir, le rougeoiement dans le ciel devant le crĂ©matorium KL Warschau Ă©tait visible et l’odeur de la chair brĂ»lĂ©e se dĂ©gageait nettement[3] - [1].

Des exĂ©cutions massives dans les ruines du ghetto ont aussi eu lieu : le 16 mars (environ 185 victimes), le 29 mars (100 Ă  150 victimes), le 30 mars (environ 95 victimes), le 31 mars (environ 140 victimes, dont 60-70 personnes arrivĂ©es de Ɓowicz), le 6-7 avril (environ 100 victimes), le 13 avril (environ 115 victimes), le 14 avril (154 Ă  163 victimes), le 15 avril (environ 100 victimes), le 17 avril (environ 140 victimes), le 26 avril (environ 110 victimes), le 11 mai (120 Ă  130 victimes, dont une Russe et plusieurs Juifs), le 19 mai (environ 103 victimes), le 20 mai (160 Ă  200 victimes), le 22 mai (environ 200 victimes), le 27 mai (environ 100 victimes), le 5-6 juin (environ 110 victimes, dont une femme enceinte de 7 mois), le 9-10 juin (plus de 100 victimes) [49]. Il faut y ajouter de nombreuses exĂ©cutions de petits groupes de prisonniers (souvent d’origine juive), dont le nombre est impossible Ă  dĂ©terminer [50]. AprĂšs la rĂ©volte Ă©chouĂ©e des prisonniers de la section III de Pawiak (de la nuit du 19 au 20 juillet 1944), 154 personnes (selon d’autres sources – 173) ont Ă©tĂ© fusillĂ©es[1].

À cause du Front de l’Est qui approchait, la fin juillet 1944, les Allemands ont commencĂ© Ă  liquider Pawiak. Le grand transport d’évacuation avec plus de 1800 prisonniers est sorti de la Varsovie le 30 juillet[1]. Avant cette date, les actions visant Ă  couvrir les traces des crimes Ă  Varsovie ont Ă©tĂ© intensifiĂ©es (entre autres, le 8 juin, on a fait exploser les bĂątiments sur la rue Nowolipki, oĂč les exĂ©cutions avaient eu lieu rĂ©guliĂšrement)[3]. Le 13 aoĂ»t 1944, deux semaines aprĂšs le dĂ©but de l’insurrection de Varsovie, les exĂ©cutions dans les ruines du ghetto se poursuivent. Les Allemands y fusillent environ 100 personnes dont notamment les prisonniers de Pawiak qui n’avaient pas Ă©tĂ© Ă©vacuĂ©s avant l’insurrection. Parmi les victimes, il y aura 18 femmes, dont deux avec des nouveau-nĂ©s[1]. Le 2 octobre 1944, un accord permettant l'Ă©vacuation des civils restants de Varsovie en ruine et la sĂ©dition des RĂ©sistants est signĂ© mettant un terme Ă  l'insurrection de Varsovie. NĂ©anmoins, les exĂ©cutions des civils appelĂ©s alors les Robinson CrusoĂ© de Varsovie se poursuivront jusqu'au dĂ©part des troupes allemandes, pressĂ©es par l'avance des armĂ©es russes.

Bilan

Il est impossible de dĂ©terminer le nombre exact des victimes des exĂ©cutions dans les ruines du ghetto de Varsovie. Krzysztof Dunin-Wąsowicz a calculĂ© qu’entre le 1er janvier 1943 et le 31 juillet 1944, les occupants allemands ont tuĂ© environ 20 500 personnes dans les exĂ©cutions publiques ou cachĂ©es Ă  Varsovie (la majoritĂ© de victimes a Ă©tĂ© probablement fusillĂ©e dans l’ancien quartier juif. En revanche, selon les historiens de l’Institut de la mĂ©moire nationale (pol. IPN), dans les annĂ©es 1943-1944, environ 20 000 personnes ont Ă©tĂ© tuĂ©es dans les ruines du ghetto (dont environ 10 000 Polonais)[7]. Cependant, il est difficile de dĂ©terminer le nombre des prisonniers de KL Warschau (le plus souvent c’étaient les Juifs issus de diffĂ©rents pays europĂ©ens) et des habitants de Varsovie ou des environs, fusillĂ©s dans le ghetto durant les actions de reprĂ©sailles. Le nombre le plus probable des personnes tuĂ©es dans les ruines du ghetto s’élĂšve donc Ă  plusieurs milliers de personnes. D’aprĂšs les calculs de WƂadysƂaw Bartoszewski (ils sont basĂ©s sur les rapports estimatifs des membres de la conspiration de Pawiak et prennent en considĂ©ration les exĂ©cutions dans lesquelles l’estimation du nombre des victimes Ă©tait possible), entre le 7 mai 1943 et 13 aoĂ»t 1944, on a assassinĂ© environ 9600 personnes[1].

Les personnes tuĂ©es dans les ruines du ghetto, ce sont entre autres : MikoƂaj Arciszewski (journaliste, caricaturiste, chef de l’un des rĂ©seaux de renseignement de l’Union soviĂ©tique Ă  Varsovie), MieczysƂaw Bilek (prĂ©sident du Parti dĂ©mocratique, ex-prĂ©sident de la ville Gdynia), SƂawomir Bittner (vice chef scout (pol. podharcmistrz), commandant de la compagnie dans le Bataillon „Zoƛka”), StanisƂaw Chudoba (chef du Parti ouvrier des socialistes polonais (pol. RPPS)), Tytus Czaki (un des organisateurs de Związek Strzelecki, prĂ©sident d’avant-guerre de Brzeƛć nad Bugiem et de WƂocƂawek), Hanna Czaki (la fille de Tytus, scout, messagĂšre et secrĂ©taire du chef du dĂ©partement de l’information dans le bureau de l’information et de la propagande d’Armia Krajowa), PaweƂ Finder et MaƂgorzata Fornalska (dirigeants du Parti ouvrier polonais), Tadeusz Hollender (poĂšte, satiriste, publiciste), sous-lieutenant Jan Hörl pseudonyme Frog (soldat d’Armia Krajowa, « cichociemny »), Gustaw KaleƄski (historien, archiviste, capitaine de l’armĂ©e polonaise retraitĂ©), Stefan KapuƛciƄski (syndicaliste de SilĂ©sia), MieczysƂaw KotarbiƄski (peintre, graphique), le Dr JĂłzef Lewicki (pĂ©dagogue, historien de l’éducation, professeur de l’école Wolna Wszechnica Polska Ă  Varsovie), professeur Tadeusz Pruszkowski (peintre, critique de l’art, pĂ©dagogue), Emanuel Ringelblum (cĂ©lĂšbre historien d’origine juive), colonel JĂłzef Rosiek (inspecteur de la « zone de Varsovie » (pol. Obszar warszawski) d’Armia Krajowa), Stefan Sacha (prĂ©sident du conseil gĂ©nĂ©ral du partii Stronnictwo Narodowe).

Coupables

Les responsables principaux de milliers de meurtres commis dans les ruines du ghetto, ce sont les chefs supĂ©rieurs de la SS et de la Police du district de Varsovie qui ont exercĂ© leurs fonctions de mai 1943 Ă  aoĂ»t 1944 : SS-BrigadefĂŒhrer JĂŒrgen Stroop (condamnĂ© Ă  mort aprĂšs la guerre par le tribunal polonais et exĂ©cutĂ© le 6 mars 1952), SS-BrigadefĂŒhrer Franz Kutschera (tuĂ© par les soldats de « Kedyw » d’Armia Krajowa le 1er fĂ©vrier 1944), SS-OberfĂŒhrer Herbert Böttcher (condamnĂ© Ă  mort aprĂšs la guerre par le tribunal polonais et exĂ©cutĂ© le 12 juin 1950) et SS-OberfĂŒhrer Paul Otto Geibel (condamnĂ© Ă  la prison Ă  vie par le tribunal polonais, en 1966, il s’est suicidĂ© dans la prison de MokotĂłw). Pourtant, c’était le dr Ludwig Hahn, commandant de la police de sĂ©curitĂ© et du service de sĂ©curitĂ© de Varsovie qui jouait un rĂŽle particulier dans l’action de l’extermination. Il Ă©tait l’auteur de l’idĂ©e de l’adaptation des ruines du ghetto Ă  l’action de l’extermination de la population de Varsovie et le spiritus movens de toutes les activitĂ©s terroristiques et exterminatoires contre la population polonaise et juive dans les annĂ©es 1941-1944. AprĂšs la guerre, pendant plusieurs annĂ©es, il a habitĂ© Ă  Hambourg sous son vrai nom[1]. Il n’a comparu devant la justice qu’en 1972 et il a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  12 ans de prison aprĂšs le procĂšs qui a durĂ© une annĂ©e. Pendant un procĂšs en rĂ©vision, le jury a prononcĂ© la peine de la prison Ă  vie, mais Hahn est sorti de la prison en 1983 et il est mort trois ans plus tard[7].

Les responsables directement pour des exécutions, ce sont[7] :

  • Les fonctionnaires du service de la sĂ©curitĂ© et de la police de sĂ»retĂ© Ă  Varsovie (le siĂšge dans l’Avenue Szucha) sous la direction du Dr Hahn.
  • Les membres du personnel de Pawiak
  • Les membres du personnel de KL Warschau
  • Les officiers de la SS du bataillon III et du rĂ©giment 23 de la SS (Batalion III/SS-Polizei Regiment 23) sous la direction du major Otton Bundtke[9]

SS-ObersturmfĂŒhrer Norbert Bergh-Trips, SS-HauptsturmfĂŒhrer Paul Werner et SS-ObersturmfĂŒhrer Walter Witossek ont dirigĂ© les exĂ©cutions publiques et cachĂ©es Ă  Varsovie plusieurs fois. Ce dernier a souvent prĂ©sidĂ© le groupe des trois policiers qui signait massivement les formulaires avec les sentences Ă  mort des prisonniers d’opinion polonais. Ensuite, les peines ont Ă©tĂ© prononcĂ©es par le tribunal ad hoc (Standgericht) de la police de sĂ»retĂ©[3] - [1].

Références

  1. (pl) Bartoszewski, WƂadysƂaw (1922- )., Warszawski pierƛcieƄ ƛmierci 1939-1944 : terror hitlerowski w okupowanej stolicy, Warszawa, ƚwiat KsiÄ…ĆŒki, cop. 2008, 671 p. (ISBN 978-83-247-1242-7, OCLC 297761357)
  2. WardzyƄska, Maria., ByƂ rok 1939 : operacja niemieckiej policji bezpieczeƄstwa w Polsce Intelligenzaktion, Instytut Pamięci Narodowej, , 351 p. (ISBN 978-83-7629-063-8, OCLC 504088547)
  3. Regina DomaƄska: Pawiak – więzienie Gestapo. Kronika lat 1939-1944. Warszawa: KsiÄ…ĆŒka i Wiedza, 1978.
  4. Kazimierz Moczarski: Rozmowy z katem. Warszawa: PaƄstwowy Instytut Wydawniczy, 1978.
  5. On a fait exploser la Grande Synagogue le (cet événement est considéré comme la fin officielle du soulÚvement)
  6. Probablement au début les corps des victimes de certaines exécutions ont été enterrés ou ensevelis dans les sous-sols des maisons détruites.
  7. Kopka, BogusƂaw., Konzentrationslager Warschau : historia i następstwa, Instytut Pamięci Narodowej--Komisja ƚcigania Zbrodni przeciwko Narodowi Polskiemu, , 710 p. (ISBN 978-83-60464-46-5, OCLC 182540468)
  8. LesƂaw M. Bartelski: Mokotów 1944. Warszawa: wydawnictwo MON, 1971.
  9. Le bataillon de Bundtke a cantonnĂ© sur le terrain de l’ancien ghetto et l’a pacifiĂ© aprĂšs sa rĂ©pression officielle.
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