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Histoire des mines d'or

Les mines d'or sont parmi les premières formes d'extractions métalurgiques de l'histoire humaine. Les premières mines d'or datent du troisième millénaire avant notre ère.

Elles ont longtemps mobilisé des millions d'orpailleurs, ces chercheurs d'or attirés par la moindre rumeur, générant d'innombrables conflits et colonisations de territoires, voire de continents entiers. Une partie seulement des gisements permettaient une exploitation durable, sous forme de mines plus ou moins profondes, perpétuant la rareté extrême de l'or jusqu'aux années 1890. Après cette date, l'industrialisation massive des modes d'extraction n'est pas sans impacter l'environnement et l'écosystème.

Le commerce mondial ayant longtemps reposé sur des monnaies basées sur la riche mais tumultueuse histoire des mines d'argent, la généralisation du billet de banque sera un prétexte pour passer progressivement à l'étalon-or, entraînant une colonisation encore plus massive au cours du XIXe siècle.

En 2019, la moitié de l'or extrait ou recyclé servait à la joaillerie et 37 % au secteur industriel de l'électronique[1].

Les mines d'or antiques

Symbole et puissance dans le Proche-Orient ancien

Créséide d'or lydienne.

La quête de l'or sous l'Antiquité génère des récits qui nous ont été transmis comme celui de Jason et la Toison d'or (qui mène au Caucase) ou celui des « mines du roi Salomon », évoquées dans l'Ancien Testament. Les archéologues se posent encore la question de savoir d'où venait cet or qui prend ici une dimension légendaire ? D'où venait par exemple l'or de l'Égypte antique, comme celui que l'on a retrouvé en grande quantité dans la tombe de Toutânkhamon (1 327 avant notre ère) ? À quoi servait-il ? À l'apparat ? à honorer les dieux ? au commerce ? comment était-il extrait ?

L'une des plus anciennes mines retrouvées à ce jour est située en Géorgie, à Sakdrisi (Bolnisi), identifiée en 2007 par une équipe d'archéologues allemands, cette exploitation serait liée à la culture Kouro-Araxe (entre 3 400 et 2 000 ans avant notre ère)[2]. Les plus anciens artefacts en or conservés sont originaires de la nécropole de Varna, site rattaché à la culture de Gumelnița-Kodjadermen-Karanovo (4 600 et 4 200 ans avant notre ère).

Au VIe siècle av. J.-C., les mines d'or et d'Ă©lectrum[3] du Mont Tmole sont la base de la puissance de la Lydie, sa monnaie appuie l'influence internationale de ce royaume en Asie mineure et en Grèce. Les crĂ©sĂ©ĂŻdes pèsent 10,89 grammes d'or[4]. Après CrĂ©sus, dernier roi de Lydie, l'usage des pièces d'or se rĂ©pand aussi bien dans le monde hellĂ©nistique que chez les Perses achĂ©mĂ©nides. Avec les Lydiens Ă©merge l'idĂ©e promise Ă  une longue prospĂ©ritĂ© d'un monopole d'État de la monnaie, de l'or et donc de la production des mines d'or[5].

Les multiples petites mines d'or des Gaulois

Disque celte découvert à Auvers-sur-Oise, IVe siècle avant notre ère.

Les plus récentes recherches prouvent que les gaulois étaient des prospecteurs et des mineurs exceptionnels. De lourds chariots chargés d'or précèdent Vercingétorix, au triomphe de César à Rome, en 46 av. J.-C. Les Gaulois traquaient déjà l'or depuis plusieurs siècles dans les rivières, sur les flancs des montagnes, et ils en faisaient de somptueux bijoux pour eux et pour leurs dieux.

L'or des Celtes hante les esprits depuis l'Antiquité. Les auteurs grecs et romains mentionnent avec une stupeur mêlée d'envie la richesse en or de la Gaule, les trésors accumulés dans les sanctuaires. César est même accusé d'avoir détruit les villes gauloises dans le seul but de s'en emparer. Le chef arverne Luern jette de son char des pièces d'or et d'argent à ses compatriotes, les Gaulois allant au combat vêtus de leurs seuls bracelets et de leur fameux torque (collier) en or.

La récente prospection menée aux alentours de Cambo-les-Bains, au Pays basque, a permis d'identifier près d'une cinquantaine de sites miniers exploités selon une technique basée sur la force hydraulique : les torrents étaient détournés et retenus dans des bassins au sommet des montagnes aurifères. L'eau lâchée sur les pentes se chargeait d'alluvions aurifères, torrents de boue canalisés vers la vallée. Les particules d'or étaient piégées dans les bruyères tapissant le fond des canaux. Il suffisait de les brûler pour récupérer l'or dans les cendres.

Dans la région de Cambo-les-Bains, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a constaté la présence d'or natif en paillettes dans le sol et de ruisseaux aurifères. D’autres régions, Ardennes, Pays de la Loire, Auvergne, Limousin, Aquitaine et Pyrénées renferment également de l'or alluvionnaire ou pris dans les roches.

En Limousin, quelque 230 mines d'or antiques ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© inventoriĂ©es par la prospection aĂ©rienne, la photo-interprĂ©tation (Ă©tude de la couverture photographique aĂ©rienne au 1/10 000e, rĂ©alisĂ©e par l'Institut national de l'information gĂ©ographique et forestière), les recherches dans les archives (Ă©tudes des ingĂ©nieurs miniers du siècle dernier et du dĂ©but du XXe siècle, mentions de trouvailles) et l’étude des noms de lieux du cadastre du XIXe siècle[6].

En Belgique, divers sites d'orpaillage ont été identifiés en Ardenne, de même qu'une mine souterraine, le trou des Massotais.

De l'importance des mines d'or par le contre-exemple chinois

La relative rareté d'anciens gisements d'or en Asie orientale, ou plutôt le fait que peu d'anciennes mines d'or y ait été localisées (à l'inverse de ce qui se passe de nos jours), expliquerait la faible importance de ce métal précieux dans l'histoire politique et économique de cette région du monde. À l'or, les Chinois ont longtemps préféré l'usage de l'argent comme moyen de paiement de l'antiquité jusqu'au XXe siècle. En Chine, les États et les marchands n'ont pas fait des mines d'or une priorité contrairement à l'Europe où elles ont été l'une des « causes des grandes expansions maritimes » aussi bien mercantiles que coloniales[7].

Les mines d'or médiévales, source d'une explosion commerciale

Le Moyen Âge, du règne de l'argent-métal au retour des monnaies en or

Sous le règnes de Charlemagne (768-814), les Francs annexent la Bavière en 788-794 et la Basse-Saxe en 804 après une longue guerre contre les Saxons. À sa mort en 814, ils décidèrent de privilégier l’argent pour battre monnaie, condamnant la production d’or. Ce monométalisme dura quatre siècles[8].

Ducat vénitien, début du XIVe siècle.

Les mineurs allemands devinrent des spécialistes des techniques minières[9], permettant de localiser les gisements d’argent dans toute l’Europe centrale. Ces perpétuels migrants étaient toujours prêts à quitter des districts en voie d'épuisement pour la contrée parfois lointaine où les appelle la rumeur d'un nouvel essor. L'abondance de l'or dans les trésors royaux à l'époque de Grégoire de Tours explique que l’on poursuive le monnayage d'un métal qui ne circulait plus dans la société. Les rois ne pouvaient déjà plus lever de taxes en or[10].

Trois grandes cités marchandes d'Italie décident au XIIIe siècle de jouer la carte de l'or, en créant chacune une pièce fabriquée dans ce métal, plus difficile à rogner. Le florin, principale monnaie du Moyen Âge et la première en or, est créé en 1252 par la corporation des changeurs et banquiers (Arte del Cambio) de Florence. Gênes crée la même année le genovini d'or[11]. Saint Louis créé en 1264 le gros tournois d'argent et l'écu, appelé aussi Louis d'or, interdisant par la même occasion au féodaux de battre monnaie. Venise créé en 1284 le ducat d'or. Le florin d'or s'apprécie par rapport au florin d'argent. Le premier sert à l'investissement, le second au commerce[12].

Le florin a permis aux drapiers de Florence de capter la laine anglaise dans les années 1270. Sa pureté l'impose, car sa fabrication est dirigée par deux signori della zecca élus tous les six mois par les capitudini des arts, appartenant l'un à la corporation des changeurs l'autre à celle des lainiers, auxquels on adjoignait deux essayeurs de l'or et l'argent[12]. Le succès du florin d'or relance la prospection des mines d'or, en particulier en Slovaquie. Mais Kremnitz fut quasiment la seule source d'or entre 1320 et 1350, à côté de l'or du Soudan qui atteignait la Méditerranée.

La ville serbe de Novo Brdo produit en 1450 un argent Ă  forte proportion d'or

La ville serbe de Novo Brdo est citĂ©e par Raguse pour ses minerais mixtes, associant l'or et l'argent, très recherchĂ©es Ă  partir des annĂ©es 1300, lorsque la demande d'or a commencĂ© Ă  augmenter[13]. Les mines de la rĂ©gion de Kopaonik, de Novo Brdo, apparaissent au XIVe siècle, suivies, au nord de la Serbie, par celles de Zeleznik. En Bosnie, les archives mentionnent en 1349 le nom de la mine d'Ostruvznica[14]. La grande peste qui a touchĂ© la population europĂ©enne entre 1347 et 1351, tuant entre 30 et 50 % des habitants du continent, pĂ©nalise ces nouvelles mines. L'impact de la maladie ne s'attĂ©nuant que progressivement, la production d'or baisse fortement. En 1450, la ville de Novo Brdo, construite sur le cĂ´ne d'un ancien volcan, n’a plus vraiment de rivaux. Elle produisit cette annĂ©e-lĂ  6 tonnes par an d'un argent, contenant une forte proportion d'or.

Les mines du Roi Salomon, en remontant le Zambèze par Sofala

En Afrique orientale, la présence d'orpaillages à l'intérieur du vaste état du Monomotapa inspira aux Européens la croyance qu'il était le site des légendaires mines du Roi Salomon[15]. Selon la Bible, le Mont Ophir, dans le pays d'Ophir, était le plus abondant en or de tous, proche à la fois des Indes et de la Mer Rouge. Il a inspiré le roman Les Mines du roi Salomon de l'écrivain britannique Sir Henry Rider Haggard paru en 1885 et celui de Roger Frison-Roche, La Piste oubliée. Les ruines du Grand Zimbabwe, ancienne cité d'Afrique méridionale situées à une quinzaine de kilomètres au sud de Masvingo, étaient le centre de l'Empire Monomotapa (ou Munhumutapa), qui couvrait les territoires du Zimbabwe et du Mozambique.

Le complexe de la colline du Grand Zimbabwe.

L'exportation du mĂ©tal se faisait par le port de Sofala, Ă  35 km au sud de Beira, dans la province de Sofala, au sud des deltas du Zambèze. Longtemps dominĂ©e par la ville de Kilwa, situĂ©e bien au nord, sur Kilwa Kisiwani (du Swahili : Kisiwa, l'Ă®le), l'une des trois Ă®les de l’archipel de Kilwa, dans le district de Kilwa en Tanzanie, la petite agglomĂ©ration devint le point de mire des colonisations arabes puis portugaises, qui s'y livrèrent une âpre concurrence.

L'historien portugais Vitorino Magalhaes Godinho fait remonter au XIIIe siècle les origines de l'expansion hispano-portugaise[16]. Les nombreux autres centres portugais en Afrique Noire (Arguim, CĂ´te de GuinĂ©e, CĂ´te de la Mine) prirent le relais comme dĂ©bouchĂ© pour la plupart des productions africaines : or, ivoire, poivre, malaguete, esclaves. Le plus Ă©norme monopole connu, couvrant toute la GuinĂ©e (exceptĂ© Arguim) fut concĂ©dĂ© en 1469 pour cinq ans Ă  un bourgeois de Lisbonne, contre 200 000 rĂ©aux par an et l'exploration annuelle de 100 lieues de cĂ´tes. L'or n'arrivait Ă  la cĂ´te que contre des marchandises, les grains de MĂ©linde et les cotonnades de l'Inde[17]. Ensuite, les marchands arabes reprennent le contrĂ´le Ă  Kilwa et Zanzibar. Mais en 1561, un missionnaire portugais convainc le roi de se faire baptiser. Les Arabes prĂ©sents Ă  sa cour, soucieux de conserver leur influence, obtiennent son exĂ©cution. Une expĂ©dition punitive d'un millier de portugais quitte Lisbonne en 1569, mais succombe Ă  la malaria en remontant le Zambèze[18]. En 1607, les portugais obtiennent la concession de l'ensemble des mines d'or du Monomotapa, en Ă©change de leur soutien militaire contre les vassaux du roi[19]. Mais malgrĂ© l'organisation de la Casa da GuinĂ©, ils ne retrouvent pas les quantitĂ©s d'or que les arabes avaient rĂ©ussi Ă  faire remonter par le biais du commerce[20] et qui furent Ă©valuĂ©es Ă  5,5 Ă  8,5 tonnes d'or[21].

Les Almoravides contrĂ´lent les flux Ă  travers le Sahara

L'or du Soudan provient de territoires très larges, allant jusqu'au Mali et au Ghana. La production aurait reprĂ©sentĂ©, sur longue pĂ©riode, un total de 3,5 tonnes par an[22], selon le professeur d'histoire africaine Raymond Mauny[23]. Dès 728, les Arabes fondèrent la ville de Sijilmassa, qui devint un centre important de commerce de l'or soudanais avec le nord. En 734, Abou Oubaid al-Fakhri ramène du Soudan un butin en or. Des Ă©crivains arabes des Xe, XIe et XIIe siècles, Ibn Haouqal, Al-Bekri et Al-Idrisi, fournissent des prĂ©cisions sur les acheteurs de l'or soudanais.

Au IXe siècle, le Ghana est l'un des trois États les plus organisés d'Afrique, avec Gao et le royaume du Kanem-Bornou[24]. Le commerce de l'or y attire de nombreux marchands d'Afrique du Nord, qui veulent le contrôle sur les mines. Au XIe siècle, les souverains ghanéens étendent leur empire jusqu’à l’Atlantique et prennent aux berbères la ville d'Aoudaghost, aux confins du Sahara[25]. La capitale du Ghana, Koumbi-Saleh est édifiée près des centres aurifères du Bambouk et du Bouré. Au milieu du XIVe siècle, 70 % de l'or acheminé en Occident provient de ce qui est devenu l’Empire du Mali[26]. Le pèlerinage en Égypte de l’empereur Kankan Moussa frappe les contemporains par la profusion d’or distribuée[27].

Les Almoravides tribus berbères Sanhadjas qui nomadisent dans le désert entre Sénégal et le sud du Maroc, en passant par la Mauritanie dirigées par Abu Bakr Ibn Omar al Lamtouni puis Youssef Ibn Tachfin, se sont emparés du riche royaume aurifère du Ghana, remontant les pistes caravanières, jusqu'au Tafilalt dans les années 1050. La carte tirée des travaux de Vitorino Magalhaes Godinho, reprise par Fernand Braudel, trace les parcours des caravanes de chameaux, au départ de Tombouctou, Gao et Ouadane, ainsi qu'une ville du nom de Ghana, à 60 kilomètres à l'ouest de Tombouctou.

Une très forte concentration de mines d'or est localisée à l'ouest des villes de Mali et Niani, ainsi qu'en Haute-Volta et dans le nord de la Côte d'Ivoire[28]. L'État almoravide maîtrise les flux de l'or, contrôle les zones de production et les voies d'acheminement, du Ghana au bassin méditerranéen. La "Côte de l'Or" guanéenne développa une « civilisation de l'or » qui déborda sur la Côte d'Ivoire à la faveur des migrations de diverses factions du royaume ashanti.

Au Moyen Âge, les arabes chantaient aussi la richesse en or du Soudan, arrivant par Le Caire, grand fournisseur de toutes sortes de marchandises à l'Occident, via les ports italiens. Au XIIIe siècle les États européens en pleine croissance économique eurent un besoin pressant en métaux précieux. La cité italienne de Gênes capta la plus grande partie de l'or africain venant du Soudan[29], qui servit de palliatif aux déficits temporaires ou prolongé des mines d'or d'Europe de l'Est, en particulier au XVe siècle, ou de régulateur lorsque les différentiels de production entre l'or et l'argent menaçaient de créer une instabilité monétaire en Europe[29].

L'or du Soudan a incité les Portugais à conquérir le port de Ceuta, point d'arrivée du commerce de l'or transsaharien. Sur les régions d'Afrique noire d'où provenait le métal, ils recueillirent de précieuses informations[30]. La tentation fut forte d'établir un contact maritime pour dévier le commerce des caravanes du Soudan occidental et des musulmans de Berbérie. Après des décennies de reconnaissance de la côte occidentale de l'Afrique, le voyage de Vasco de Gama, en 1498-1499, finit par consacrer son contournement par le cap de Bonne-Espérance[31]. Au XVIe siècle, les voies maritimes surclassent les routes anciennes du Sahara[32].

Tombouctou sur le fleuve Niger.

Les mines d'or, moteur de l'expansion européenne

Les mandingues et les européens sur la côte de l’or du Guana

Au Ghana, le commerce encouragea l'apparition d'États Akans sur la route menant aux mines du sud, à travers la forêt, peu peuplée jusqu'à la fin du XVe siècle, lorsque quelques groupes Akan s'y installèrent avec des plants de sorgho, de banane et de manioc. Au début du XVIe siècle, des sources européennes mentionnent l'existence d'États riches en or dans la haute vallée de l'Ofin (Guana). Les Akwamu vivaient vers les mines d'or de Birin[33]. À la même époque, les Mandingue, des cavaliers venant du Mali, qui avaient fondé les États Haoussas dans le nord du Nigéria et près du lac Tchad, émigrèrent vers le sud-ouest et s'imposèrent aux peuples indigènes du nord du Ghana et du Burkina Faso. Ils y fondèrent les états de Dagomba et de Mamprusi, et influencèrent le développement du royaume Gonja.

Le premier État Akan date du début du XVe siècle, sur le territoire du futur royaume ashanti. Les Dioula, commerçants de race mandingues venaient y acheter l’or. Les autres mandingues s’inquiétèrent quand la quantité d’or que le royaume de Bono fournissait aux Dioula diminua. La raison était l'arrivée de nouveaux acquéreurs sur la côte[34], les Portugais, en 1471. À leur arrivée, ils rencontrent différents royaumes africains dont certains contrôlant d'importants gisements d'or. En 1482, les Portugais construisent le château d'Elmina, « la mine » en portugais, premier établissement européen sur la Côte de l'Or.

Ce n'est que plus tard, au XVIIe siècle, qu'apparaitront sur la côte le royaume Denkyira et au nord, le royaume Ashanti et son premier souverain Obiri Yebora, dont le successeur Osei Tutu remporta une série de victoires contre les États voisins, grâce aux armes à feu fournies par les Européens. C’est lui qui reçut du ciel, par l’intermédiaire d’un devin célèbre, Okomfo Anokaye, le trône d’or, symbole de la puissance des rois ashanti, sur lequel était répandu le sang des prisonniers capturés au combat et sacrifiés[34]. L'archéologie montre qu'à l'origine, les forts des Européens sur le littoral ont souvent été bâtis pour d'autres commerces que les esclaves, notamment l'or, et seront reconstruits ou renforcés au fil du temps.

La Guinea Company anglaise, Ă  Komenda et Kormantin, sur cĂ´te de l'or

La Guinea Company est fondĂ©e en 1618 Ă  Londres pour le commerce sur les cĂ´tes d'Afrique. DirigĂ©e Ă  partir de 1625 par Nicholas Crisp, elle construit des forts sur la Gold Coast Ă  Komenda et Kormantin, en contrĂ´lant une quinzaine de bateaux[35]. Le bĂ©nĂ©fice tirĂ© des importations d'or Ă  Londres, pour son compte, se serait Ă©levĂ© Ă  500 000 sterling dans les 11 Ă  12 ans qui ont suivi l'annĂ©e 1632.

En 1631, face aux critiques, une nouvelle charte est signée par Charles Ier, créant la "Company of Merchants Trading to Guinea", qui reprend en fait les mêmes actionnaires. La concession de 31 ans va du cap Blanc au cap de Bonne-Espérance. Peu après, l'histoire de la Barbade est marquée par le décret de 1636 sur l'esclavage à vie, autorisant la traite négrière. En 1640, le parlement britannique, désormais contrôlé par les puritains, reproche au roi l'enrichissement de ses proches et les plantations en Irlande. Il accuse la Guinea Company de participer à la traite négrière.

La découverte en 1999, sur un site ayant appartenu à Nicholas Crisp, des vestiges d'une manufacture d'objets en verre probablement destinés à l'Afrique a renforcé la probabilité que la compagnie ait participé à la traite négrière[36]. Ces objets sont les mêmes que ceux retrouvés en Amérique et au Ghana, sur la Côte-de-l'Or[37].

Les mines à ciel ouvert découvertes par Christophe Colomb dans la vallée de Cibao

Arrivé au Nouveau Monde, Christophe Colomb découvre des indiens en possession d'or. Lors de son deuxième voyage, en 1493, il explore Hispaniola et observe le lavage d'or dans les rivières. La seule carte connue du découvreur signale la mine d'or de Cibao à l'intérieur des terres[38]. Alonso de Ojeda a découvert ce gisement d’or en 1494, dans la vallée du Cibao, au cœur de la chaîne de montagnes qui coupe l'île en deux. L'énorme gisement de roches volcaniques contient du cuivre, du zinc, de l'argent et de l'or. Il fonde La Isabela, première colonie du Nouveau monde, aujourd’hui en ruines et difficile d’accès. La deuxième, Santiago de los Caballeros, au sud de Puerto Plata, a prospéré[39]. C'est la plus ancienne ville coloniale du continent américain. Un an plus tard, Pablo Belvis arrive d'Espagne avec une grande quantité de mercure pour l'amalgamation. Les premières pépites sont offertes au Pape et consacrées à la dorure d'un dôme de cathédrale en Espagne. Une cathédrale de l'Immaculada Concepcion de La Vega sera érigée près de Cibao dès 1512.

Entretemps, en 1494, Christophe Colomb ordonne de construire une forteresse dans la vallĂ©e du Cibao, au sud de Puerto Plata, pour protĂ©ger la mine d'or de Hatillo pueblo viejo, longtemps considĂ©rĂ©e comme la plus grande du monde[40]. En 1495, la bataille de la vallĂ©e de La Vega Real a pour enjeu le contrĂ´le de la vallĂ©e. L'armĂ©e espagnole envoyĂ©e par Christophe Colomb affronta 5 000 TaĂŻnos sous les ordres du cacique Gatiguana. Selon la lĂ©gende, la nuit prĂ©cĂ©dant la bataille, la Vierge de Las Mercedes est apparue aux Espagnols, leur garantissant la victoire. C'est aujourd'hui la patronne de la RĂ©publique dominicaine.

La vallée est parsemée de nombreuses villes fortifiées destinée à protéger les mines d'or et d'argent à ciel ouvert, dont Cotui, qui s’appelait à l’époque Las Minas, fondée en 1505 par Rodrigo Mejía de Trujillo, sous l'ordre du gouverneur espagnol Nicolás de Ovando[41].

L'or du Darién et du Choco, nouvelle promesse envolée

Les Espagnols ne sont jamais parvenus Ă  tenir les promesses des mines de Cibao ni mĂŞme de « l'or des incas », mĂŞme en quadrillant toute l'AmĂ©rique du Sud Ă  sa recherche. L'importation d'or en provenance des AmĂ©riques est d'environ 1,6 tonne par an sur la dĂ©cennie 1493 Ă  1502, puis elle chute de 70 % dès la dĂ©cennie suivante. Une fois les mines d'or taries, la plupart des Espagnols partirent pour Cuba ou le DariĂ©n, en 1510, puis le Mexique en 1519.

L'expédition de Balboa vers le Pacifique 1513 (aller en rouge, retour en bleu).

Dénoncé en 1502 par Francisco de Bobadilla, qui a aussi accusé Colomb de trafic d'or avec les Amérindiens, Rodrigo de Bastidas est déclaré innocent et Madrid lui octroie une rente annuelle sur la production du Golfe d'Uraba, qu'il a découvert en 1501, en Colombie.

En 1508, Alonso de Ojeda et Diego de Nicueza ont l’autorisation de conquérir la « Tierra Firme », divisée en deux parties : la 'Nouvelle-Andalousie' – l’actuelle Colombie –, à l'est du rio Atrato, et la Castille d'Or, ou Veraguas, à l'ouest, côté Panama. Ojeda et son lieutenant François Pizarre fondent San Sebastian d'Uraba en 1510, avec cinq caravelles et 500 hommes, mais se heurtent aux indiens: seulement 42 survivent et Alonso de Ojeda meurt. L'arrivée de Vasco Núñez de Balboa, plus diplomate, permet de fonder en 1510 Santa Maria la Antigua del Darién, à l'est du Golfe d'Uraba, puis de découvrir en 1513 l'océan Pacifique, en descendant le Rio Chuchunaque, grâce aux indiens.

Vasco Núñez de Balboa ayant usurpé les charges de Diego de Nicueza, en 1514 Madrid nomme gouverneur de Castille d'Or Pedro Arias Dávila, l'époux d'une amie intime de la Reine. Avec 19 navires et 1500 hommes, il fonde Acla, à 100 kilomètres au nord de Santa Maria la Antigua del Darién. Son lieutenant Tello de Gusman découvre en 1514, le site du futur Panama, en face de Nombre de Dios[42], où Diego de Nicueza s'était réfugié en 1510. Son autre lieutenant Gonzalo de Badajos est défait par un millier d'indiens réunis par le cacique Parié[43].

Vasco Núñez de Balboa, qui s'Ă©tait fait offrir des quantitĂ©s d'or par les indiens Kunas, est parti sur le Pacifique, pour gagner le PĂ©rou. Pedro Arias Dávila le rattrape en 1519, puis le fait dĂ©capiter. Mais l'or du DariĂ©n se rĂ©vèle difficile Ă  localiser et extraire, le long du RĂ­o Atrato, confondu avec le Rio Choco, source d'or situĂ©e plus au sud, vers Antioquia. Les indiens se rĂ©voltent, s'enfuient, sont victimes d'atrocitĂ©s dont tĂ©moigne BartolomĂ© de las Casas. En 1517, Charles Quint autorise l’importation de 15 000 esclaves noirs, pour la production d'or. La plupart fuient dans la jungle. La production espagnole remonte Ă  une tonne d'or, sur la dĂ©cennie 1511-1520[44], mais chute ensuite.

Les indiens Kunas harcèlent la colonie, rapidement abandonnée en 1524 pour Panama, fondée 200 kilomètres au nord, en 1519, par Pedro Arias Dávila. La région du Golfe d'Uraba, Acla comprise, est désertée par les Espagnols, qui craignent les révoltes des Indiens des Sambres et celle des noirs marrons du grand palenque de San Basilio, à 60 kilomètres de Carthagène des Indes. Plus à l'est, ils ont aussi des problèmes pour localiser et extraire l'or, sous les attaques des indiens: en 1531 Charles Quint doit concéder le Venezuela au banquier Bartholomé Welser, avec l'obligation d'introduire « 50 maîtres mineurs » allemands. En 1535, ils sont déjà tous repartis. Caracas ne sera fondée qu'en 1567, par Diego de Losada, avec l'aide de Flamands.

Entre-temps, vers 1520, Pedro Arias Dávila a chargé Diego de Albitez de reconstruire, Nombre de Dios[42], fondée en 1510, où arrivent une partie des esclaves noirs, mais sans trouver beaucoup d'or non plus. La plupart fuient également dans la jungle, où leurs descendants aideront en 1575 les corsaires Francis Drake et Guillaume Le Testu.

Entre la fin du XVIIe siècle et au XVIIIe siècle, l'activité minière reste centrée sur les Amériques

La famine monétaire des années 1680 à 1720 stimule la production d’or

L'argent métal éclipse l'or grâce à l'énorme production du Potosi (en Bolivie), qui atteint 7 à 8 millions de pesos par an à la fin du XVIe siècle, décline légèrement après 1605, mais se maintient entre 1650 et 1680. L'or ne suit pas : après 1645, le poids d'argent extrait chaque année sur la planète dépasse celui de l'or dans la proportion de 60 à 1.

Sir Henry Morgan.

Mais la piraterie désorganise le circuit monétaire de l'argent espagnol[45]. Henry Morgan attaque Cuba en 1668, Maracaibo en 1669 et Panama en 1671. Plus grave, les pirates français du Rendez-vous de l'île d'Or terrorisent la côte Pacifique, via le Rio Chuchunaque, puis participent à l'Expédition de Carthagène en 1697, tandis que les terribles corsaires malouins passent le Cap Horn à partir de 1700. Le commerce mondial, relancé par la révolution financière britannique de 1688, souffre d'une « famine monétaire », aggravée par la campagne de retrait des métaux précieux organisée par les orfèvres londoniens, en profitant de la décision anglaise de refondre la monnaie d'argent pour éliminer les contrefaçons. Ils combattent ainsi la création de la Banque d'Angleterre, qui leur fait concurrence[46]. La Crise monétaire anglaise des années 1690 voit la guinée d'or passer de 22 shillings à 30 shillings, et l'argent rester instable :

« Les marchands européens, pour poursuivre leur profitable commerce d'Asie, sont eux-mêmes à la merci des arrivées à Cadix de l'argent américain, toujours irrégulières, parfois insuffisantes. L'obligation de trouver à tout prix les espèces nécessaires au commerce asiatique ne peut être ressentie que comme une servitude. De 1680 à 1720 en particulier, le métal se fait relativement rare, son prix sur le marché dépasse le prix offert par les hôtels de monnaies. Le résultat, c'est une dévaluation, de fait, des monnaies décisives, le florin et le sterling, et une dégradation pour la hollande ou l'Angleterre des terms of trade avec l'Asie[47]. »

— Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme.

Le manque de monnaie pour importer des textiles donne mĂŞme sa chance au coton europĂ©en. Cette "famine monĂ©taire" stimule la recherche d'or et l'investissement dans les mines de Santa Cruz de Cana (Panama) et du Minas Gerais brĂ©silien, qui produit 9 tonnes d'or par an en moyenne dans les annĂ©es 1720, grâce aux pompes Ă  eau de Thomas Newcomen, soit 3 fois plus que lors des vingt annĂ©es prĂ©cĂ©dentes. Le succès de l’or brĂ©silien intĂ©resse l’Angleterre, qui signe avec le Portugal le traitĂ© Methuen, le 27 dĂ©cembre 1703, permettant d’enrichir ses nĂ©gociants.

Le Minas Gerais produit 15 tonnes par an vers 1740 et 80 % de l'or mondial jusqu'en 1820

PĂ©pite d'or.

Les Espagnols n'ont ramenĂ© d'AmĂ©rique latine que 330 tonnes d'or pour l'ensemble du XVIe siècle. L'argent reprĂ©sentait 97 % de leurs importations de mĂ©taux prĂ©cieux. Ce sont les Portugais qui ont extrait l'essentiel de l'or[48]. Plus de 1 200 tonnes d'or ont Ă©tĂ© extraites des mines du Minas Gerais brĂ©silien entre 1700 et 1820, soit 80 % de la production mondiale. La mine d'or de Passagem est la plus ancienne. MalgrĂ© une première dĂ©couverte d'or dès 1693, de violents conflits obligent Ă  attendre les annĂ©es 1720 pour atteindre 9 tonnes d'or par an. Auparavant, la production du Minas Gerais, ne dĂ©passe pas 2 ou 3 tonnes d'or par an[44].

Peinture représentant la guerre.

La rĂ©gion dĂ©pendait de la Capitainerie de SĂŁo Vicente. La Chambre de SĂŁo Paulo Ă©mit le 7 avril 1700 une requĂŞte exigeant son annexion. En 1707, deux chefs paulistes furent lynchĂ©s par les "emboabas", surnom donnĂ© aux portugais, parmi lesquels Manuel Nunes Viana, propriĂ©taire de lucratives mines. Par peur d'une vengeance, ils s'enfuirent. En 1708, l'affrontement armĂ© reprit. Manuel Nunes Viana fut banni du district de Rio das Velhas, mais les "emboabas" contrĂ´lant deux des trois centres miniers, ils le proclamèrent gouverneur. Les derniers Paulistes reculèrent vers Paraty et SĂŁo Paulo. Le roi du Portugal crĂ©a des fonderies royales. Tout l’or extrait devait y ĂŞtre fondu, en retirant du poids total les 20 % (quinto = cinquième) correspondants Ă  l'impĂ´t. La ville d'Ouro Preto, appelĂ©e Vila Rica, est fondĂ©e le 8 juillet 1711 sur plusieurs collines aux pentes raides, Ă  la suite de la dĂ©couverte d'or dans les rivières. Dès 1750, elle compte plus d'habitants que Rio de Janeiro ou New York, puis 80 000 personnes en 1760 contre 40 000 aujourd'hui. Sa richesse lui permit de construire une multitude d'Ă©glises baroques, dĂ©corĂ©es par l'architecte-sculpteur Aleijadinho. Mariana est fondĂ©e la mĂŞme annĂ©e Ă  14 kilomètres, deux siècles avant Belo Horizonte, capitale rĂ©gionale. La production d'or culmina Ă  14,5 tonnes d'or par an entre 1740 et 1760, grâce Ă  l'afflux de mineurs et aux techniques modernes pour creuser en profondeur, comme les pompes de Thomas Newcomen. Mais le gisement commence Ă  s'Ă©puiser : la production d'or retombe Ă  10 Ă  11 tonnes d'or par an entre 1760 et 1780[44]. Entre 1800 et 1820, elle est encore d'environ 3 tonnes par an[44].

Le XIXe siècle et l'explosion de la production mondiale

Les concessions-loteries en Géorgie des années 1830 et la Piste des Larmes

En 1799, Conrad John Reed, âgĂ© de 12 ans, trouve "une lourde pierre jaune", pesant 7 kilos, le long de "Little Meadow Creek" dans le ComtĂ© de Cabarrus, au sud-ouest de la Caroline du Nord. Il en fit une cale pour la porte de sa maison. Son père se rend en 1802 au marchĂ© de Fayetteville, pour montrer le morceau de mĂ©tal mystĂ©rieux Ă  un orfèvre, qui en fait un lingot d'or valant vingt et un mille francs. La première fièvre de l'or aux États-Unis est lancĂ©e[49]. L'or est Ă  seulement trois mètres sous terre, associĂ© Ă  de la chrysocolle[50]. La localitĂ© est baptisĂ©es "Bull of Gold mines", le taureau des mines d'or. En 1824, le site emploie une centaine de personnes[51]. Un peu au sud, un autre site aurifère est dĂ©couvert en 1827 par Benjamin Parks[52], dans le comtĂ© de Lumpkin, près de Dahlonega, sur la façade ouest des Appalaches, en GĂ©orgie[53]. Les premières mines n'ouvrent vraiment qu'en 1829, avec l'afflux des colons Ă  l'automne[54]. Le 1er aoĂ»t 1829, le Georgia Journal, de Milledgeville, informe ses lecteurs qu'un "gentleman des plus respectables" a dĂ©couvert deux mines d'or, permettant Ă  la rĂ©gion aurifère de s'Ă©tendre Ă  la GĂ©orgie. Niles Register rapporte la prĂ©sence de 4 000 mineurs sur la rivière Yahoola au printemps 1830. Nuckollsville est rebaptisĂ©e Auraria (Georgie) et compte un millier d'habitants en 1832, le comtĂ© de Lumpkin en ayant 5 000. Sa capitale, Licklog, est rebaptisĂ© en 1833 Dahlonega, du terme Cherokee tahlonega, qui veut dire "dorĂ©". Un hĂ´tel des monnaies s'y installe dès 1830 et frappe 100 000 dollars la première annĂ©e. Il produira 1,5 million de pièces d'or, pour une valeur totale de 6 millions de dollars, avant de fermer en 1861[55].

Emblème de la Nation Cherokee.

La plus grande partie des colons blancs arriva dans les annĂ©es 1832 et 1833, Ă  l'occasion de loteries permettant d'attribuer des terres. Le site se trouve pourtant sur les terres ancestrales des indiens Cherokee, qui sont dĂ©placĂ©s de force vers le Territoire Indien, en Oklahoma. Un journaliste Cherokee du Cherokee Phoenix, Elias Boudinot, se plaint que « nos voisins qui n'accordent aucun respect ni attention Ă  la loi (...) font de nous un peuple abusĂ© ». Cette dĂ©portation du peuple Cherokee, au cours d'un hiver particulièrement froid, en 1838-39, est appelĂ©e Piste des Larmes. Près de 4 000 Cherokee moururent lors du voyage, soit un cinquième de la population. Le cĂ©lèbre John Ross (chef cherokee), mĂ©tis de sang Ă©cossais, tenta de s'y opposer. Cette dĂ©portation ne fit pas pour autant la fortune des orpailleurs blancs. Dès le dĂ©but des annĂ©es 1840, la production d'or diminua fortement[54]. De l'or fut ensuite dĂ©couvert en Virginie, sur une modeste surface, aux environs de Frederickburg, Spottsylvania, et Louisa[56].

Lors de la nouvelle de la ruée vers l'or en Californie de 1848, le docteur Matthew Stephenson[57], organisa une réunion à Auraria (Georgie) pour discuter d'un projet de voyage en Californie, devant 200 mineurs. Il désigna le "Findley Ridge", juste au sud de Dahlonega, pour affirmer qu'il contenait plus d'or que la Californie, mais ne parvint pas à décourager les mineurs de partir[58]. Un groupe de Cherokee, parmi lesquels Lewis Ralston et le pasteur John Beck, fit le voyage par les fleuves. Le 21 juin 1850, à hauteur du Colorado, ils identifièrent un gisement, le Ralston Creek[59]. Le pasteur John Beck en conserva une trace dans son journal personnel[60]. Et en 1857, au moment de s'installer dans l'Oklahoma avec d'autres cherokee venus de Géorgie, il écrivit à ses amis de l'expédition de 1850 pour leur proposer de retrouver le site de Ralston Creek. Partis de Géorgie en février 1858 et menés par William Greeneberry Russell, ils découvrirent de l'or en juillet, lançant la ruée vers l'or de Pikes Peak.

La "Specie Circular" d'Andrew Jackson précède la "Panique de 1837" et le "Bank Charter Act"

La Specie Circular américaine est une ordonnance prise par le président américain Andrew Jackson en 1836 pour favoriser la conquête de l'Ouest: les acheteurs de terrains publics doivent payer en or, ce qui augmente sa demande et son prix. Objectif, doper la prospection minière à l'ouest du Mississippi. Cette mesure émanait du populiste Thomas Hart Benton. Selon lui l'étalon-or favorise les petits fermiers et commerçants de l'Ouest alors que le papier-monnaie seraient favorable aux citadins de l'Est.

La Specie Circular est le produit de la ruée vers l'or de Géorgie, qui a montré la puissance d'attraction du métal précieux sur les candidats à la conquête de l'ouest. Elle ravive les vieux souvenirs de la crise monétaire anglaise des années 1690 et contribue fortement à la Panique de 1837. Ce premier grand krach de l'Histoire des bourses de valeurs, à l'origine de la troisième version du Bank Charter Act anglais, celle de 1844, qui va dans le même sens, en prévoyant que chaque billet de banque émis par la Banque d'Angleterre soit garanti par un stock d'or de valeur équivalente, ce qui provoquera très vite la ruée vers l'or en Californie de 1848.

L'autre volet de la réforme est la création de la Monnaie de La Nouvelle-Orléans, fierté des sudistes lors de la Guerre de Sécession, qui a produit plus de 427 millions de pièces de monnaie d'or et d'argent, ensuite fermée pendant la période qui suivit la guerre de Sécession, connue sous le nom de « Reconstruction » du Sud.

Avec 28 tonnes par an, l'Oural et l'AltaĂŻ reprĂ©sentent la moitiĂ© de l'offre mondiale en 1847

Pendant longtemps, la Russie fut importatrice de métaux précieux: la balance commerciale russe, excédentaire, a injecté un minimum de circulation monétaire - argent d'Europe, or de Chine - sans lequel l'activité commerciale aurait été freinée[61]. Mais à partir des années 1730, les fourrures du Canada concurrencent leurs équivalentes russes. C'est alors que "le cycle minier débute et que se construisent barrages, roues de moulins, martinets, forges et fours", pour alimenter l'Europe en métaux précieux et remplacer les fourrures, cet "or mou de Sibérie". "Il est arrivé par les derniers traineaux, dit la Gazette de France du 4 avril 1772, reprenant des nouvelles de Saint-Pétersbourg, une quantité considérable d'or et d'argent des mines de Sibérie, de la région de Nertchinsk et des montagnes de l'Altaï", au sud-est de la Sibérie[62].

L'exploitation de l'argent-mĂ©tal dans l'AltaĂŻ atteint son apogĂ©e dans les annĂ©es 1760. Ensuite « une Ă©trange, une fantastique ruĂ©e vers l'or s'organise durant les 50 premières annĂ©es du XIXe siècle » raconte l'historien Fernand Braudel[63]. L'argent-mĂ©tal d'une douzaine de mines de l'AltaĂŻ est traitĂ© chimiquement pour en sĂ©parer l'or, qui avait trouvĂ© dès le siècle prĂ©cĂ©dent ses premiers dĂ©bouchĂ©s en France. La RuĂ©e vers l'or de l'AltaĂŻ et la RuĂ©e vers l'or de l'Oural, se font alors une course poursuite. Dès 1824, 15 mines de l'Oural produisent 206 pouds d'or (un poud est Ă©gal Ă  16 kilos) soit plus de 3,3 tonnes, quantitĂ© qui dĂ©jĂ  augmentĂ© de 40 % en 1827[64]. En 1837, l'AltaĂŻ donne 160 pouds d'or et l'Oural deux fois plus, soit presque 5 tonnes Ă  lui seul. En 1842, un bloc d’or de 36 kilos d'or est mĂŞme trouvĂ© près de Miass, ville de l'Oural crĂ©Ă©e en 1773, pour l'extraction de minerai de cuivre[65]. Mais en 1844, on dĂ©couvre dans l'AltaĂŻ des couches de sable d'or du mĂŞme type que celles de l'Oural. RĂ©sultat, en 1845, l'AltaĂŻ produit 16 tonnes d'or contre 5 tonnes pour l'Oural.

L'annĂ©e 1847 est le point culminant de la production de l'or en Russie. L'administration des mines affiche un chiffre de 28,5 tonnes pour le total de l'Oural et de l'AltaĂŻ, soit près de la moitiĂ© de la production d'or mondiale. Cette annĂ©e-lĂ , Michel Chevalier, qui venait de remplir une mission en Russie pour le ministre français des affaires Ă©trangères, Ă©valuait la production annuelle de l'or dans le monde Ă  63,2 tonnes et celle de l'argent Ă  875 tonnes, soit 25 tonnes d'argent de moins mais 30 tonnes d'or de plus qu'au dĂ©but du XIXe siècle, la Russie ayant fait doubler l'offre aurifère. La RuĂ©e vers l'or en Californie bouleverse ces chiffres l'annĂ©e suivante.

Le rattrapage rapide de la production d'or est lié à la demande des banques centrales pour constituer des stocks permettant d'accompagner l'émission de billets de banque, alors en pleine expansion, même si en 1848, la masse monétaire cumulée de la France, l'Angleterre et les États-Unis se compose encore à 63 % d'espèces métalliques et seulement à 20 % de billets de banque[66]. Ensuite, la décroissance de l'or russe concerne surtout l'Altaï, les extractions d'or dans l'Oural s'étant même légèrement accrues après 1848[67].

La Californie attire 300 000 prospecteurs pour 80 tonnes d'or par an

La RuĂ©e vers l'or en Californie fut la première d'envergure mondiale[68]. De 1848 Ă  1856, elle fournit en moyenne 300 Ă  400 millions de francs d'or par an[69] et attire plus de 300 000 aventuriers[70]. Un tableau publiĂ© par le Times en mai 1852 Ă©value la production mondiale Ă  42,8 tonnes, soit 147 millions de francs, sans inclure les 80 tonnes d'or de Californie, estimĂ©es Ă  367 millions de francs, du 1er avril 1849 au 31 dĂ©cembre 1850 par le San Francisco Herald et 329 millions de francs par le ministère du commerce français.

Champs aurifères de la Sierra Nevada et du nord de la Californie.

Tout commence le 24 janvier 1848[71] dans la scierie du pionnier suisse John Sutter, près de Coloma. Le propriétaire, craignant l’impact sur son projet d'empire agricole, appelé "Nouvelle Helvétie"[72], voulut cacher la nouvelle. Mais la rumeur est confirmée en mars 1848 par l'éditorialiste et homme d'affaires Samuel Brannan. Le 19 août 1848, le New York Herald est le premier journal de l'est à en parler. Le président américain confirme six mois après dans un message au congrès[73].

Les premiers chercheurs d'or sont informĂ©s par les bateaux. Fin 1848, seulement 6 000 sont parvenus en Californie. DĂ©but 1849, la rumeur a fait le tour du monde, en commençant par les rĂ©gions minières mexicaines de Sonora. De 70 000 Ă  90 000 immigrants arrivent en 1849, dont la moitiĂ© par la mer, 50 000 Ă  60 000 d'entre eux Ă©tant probablement amĂ©ricains. Les premiers europĂ©ens n'arrivèrent que fin 1849, après le Printemps des peuples[74] - [75]. San Francisco multiplie sa population par 25, de 1 000 habitants[76] en 1848 Ă  25 000 en 1850[77] et devint une forĂŞt de mâts: des centaines de navires abandonnĂ©s sont transformĂ©s en entrepĂ´ts, magasins, tavernes, hĂ´tels et prisons[78]. Les infrastructures sont partout saturĂ©es. On vit dans des tentes, des huttes, des cabines prĂ©levĂ©es sur des navires[79]… mais on peut gagner six ans de salaire en six mois[80]. Pour Ă©viter les 33 000 km de voyage par le cap Horn, sur 5 Ă  8 mois[81], certains franchissent la jungle de l'isthme de Panama par mules et canoĂ«s, en une semaine[82]. Beaucoup empruntent la California Trail du Missouri Ă  la Californie[83].

Une autre ruée vers l'or se produit au nord de la Californie[84] : la découverte en 1851 de pépite d'or à Yreka draîne des milliers de prospecteurs par la Siskiyou Trail[85]. De l'or fut aussi trouvé au sud de la Californie dès 1842, au Rancho San Francisco mais en quantité moindre[86].

L’Australie extrait 500 tonnes en six ans et quadruple son nombre d’habitants entre 1851 et 1870

En 1839, le savant polonais StrĂ©letski visite la Nouvelle-Galles du Sud et adresse un rapport au gouverneur, transmis au ministre des colonies Ă  Londres. Le "pape" de tous les gĂ©ologues anglais, Sir Roderick Murchison, est frappĂ© de la ressemblance de certaines roches envoyĂ©es avec celles qu'il vient lui-mĂŞme d'Ă©tudier dans l'Oural, en compagnie des savants De Verneuil et Keyserling[87]. Edward Hargraves, un anglais ayant participĂ© Ă  la ruĂ©e vers l'or en Californie, remarque une similitude entre les roches des deux rĂ©gions. Il dĂ©couvre le 9 mai 1851 dans le bassin de la rivière Macquarie des traces d'or et demande 12 500 francs au gouverneur de la colonie pour rĂ©vĂ©ler l'endroit. Des officiers anglais, excitĂ©s par l'appât du gain, partent dans l'intĂ©rieur des terres. Hargraves dĂ©signe le lieu de la dĂ©couverte, dans les montagnes près de Bathurst, Ă  70 lieues Ă  l'ouest de Sydney. Ă€ la tĂŞte d'une compagnie de mineurs, il est nommĂ© "commissaire des Domaines de l'État". L'endroit fut baptisĂ© d'Ophir. Quelques jours après, il y avait plus de mille mineurs sur les lieux.

graphe temporel des teneurs en or du minerai
Évolution de la richesse du minerai d'or dans différents pays. Lors de sa découverte, la richesse du minerai australien (jaune) est exceptionnelle.

De nouvelles mines sont dĂ©couvertes Ă  Beechworth, Ballarat et Bendigo, en Nouvelle-Galles du Sud, puis dans le Victoria, qui totalise un tiers de la production d'or mondiale[88]. La maison Samuel Montagu devient dès sa naissance la première banque de l'or. Entre 1851 et la fin des annĂ©es 1860, le pays vit une mĂ©tamorphose complète : 190 millions de livres d'or extraites par une population d'aventuriers, premier chemin de fer, premières lignes tĂ©lĂ©graphiques et... l'apparition de racisme. En 1852, dĂ©jĂ  370 000 immigrĂ©s sont lĂ . Les Chinois arrivent en 1854, ce qui entraĂ®ne Ă©meutes, taxes d'entrĂ©e, meurtres et sĂ©grĂ©gation, et pèse sur les fondements politiques de l'Australie blanche. Ă€ l'apogĂ©e du mouvement, deux tonnes d'or par semaine sont vendues au TrĂ©sor de Melbourne. En six ans, le pays produit 500 tonnes d'or et accueille 1 250 000 immigrants[89]. La population quadruple en vingt ans : 405 000 habitants en 1850, 1 146 000 en 1860, 1 600 000 en 1870. Melbourne, ville-champignon, devient centre de la colonie grâce aux rĂ©seaux ferroviaires. Les chercheurs d'or introduisent le droit de vote Ă  bulletins secrets et une rĂ©forme agraire.

La flambée de l'or pendant la Guerre de sécession américaine

La guerre de Sécession américaine est le théâtre d'une flambée de l'or, qui voit son cours tripler en deux ans, pour passer de 20 dollars l'once à un pic de près de 60 dollars[90]. Les États du Nord ont des difficultés pour financer la guerre, car ils doivent emprunter de l'or pour rembourser leurs emprunts en or[90], comme c'est la tradition. En décembre 1861 : les rumeurs de soutien militaire anglais aux sudistes font grimper l'or et en janvier 1862 : le New York Stock Exchange organise ses premières ventes d'or car aucun marché existe. Les dépenses militaires anticipées augmentent avec la résistance du sud puis la campagne du Mississippi, qui débute lorsqu'en avril 1862, l'amiral nordiste David Farragut s'empare de la Nouvelle-Orléans. Dès le début 1862, les États du Nord décident de rembourser aussi en billets de banque[90], pour perturber la spéculation sur l'or. Chaque fois que les armées du Nord perdent une bataille, le cours de l'or grimpe en anticipation d'une guerre plus longue, pour redescendre en cas de victoire, malgré l'autorité du Président Lincoln[90]. Le 11 septembre 1862 voit la fondation de la Bourse des valeurs de San Francisco pour les mines d'or puis d'argent : c'est le début de « l'or papier ».

Le New York Stock Exchange prend alors son nom officiel le 29 janvier 1863 pour agir « patriotiquement » et interdire les ventes à terme d'or, sur une échéance de 60 jours, puis pendant un mois toutes les opérations, ce qui fait chuter les échanges et la volatilité. Le gouvernement décide ensuite de taxer les opérations sur l'or à plus de trois jours[90].

Au printemps 1863, les menées du général sudiste Lee vers la forteresse de Gettysburg font atteindre un sommet de 285 dollars au lot de 100 dollars d'or puis le 3 juillet 1863 : Wall Street apprend avant Abraham Lincoln la défaite des sudistes, principal tournant de la guerre, à la bataille de Gettysburg. Le 12 octobre 1863, les traders du NYSE s'installent dans une salle destinée aux échanges sur l'or au « Merchants' Exchange » de Samuel S. Gilpin[90], au 26 Exchange Place[90]. Dès novembre 1863, le New York Times mentionne des échanges d'un nouveau marché boursier, le « Public Stock Board » dans un hôtel de la 5ème Avenue puis, en mars 1864, une partie des courtiers de ce « Public Stock Board » crée un nouveau marché appelé « Open Board of Stock Brokers » et en octobre 1864, des pratiques contestées et la hausse des volumes amène un groupe de traders à quitter ce marché pour former le New York Gold Exchange[90], premier du genre.

Les autres ruées vers l’or de l’ouest américain

Tombstone en 1881.

La panique financière de 1857, causée par l'épuisement plus rapide que prévu des gisements russes, australiens et californiens, cassa l'énorme spéculation boursière déclenchée par leur découverte. Des milliers de chômeurs devinrent chercheurs d'or par nécessité et foncèrent au Colorado (1858), en Colombie-Britannique (1858 également), puis en 1859 au Nevada et en 1862 au Montana.

La conquête de l'Ouest eut pour moteur la prospection minière, grâce à une meilleure connaissance du potentiel géologique. Les concentrations en minerais d'or, d'argent ou de cuivre proviennent de la cristallisation de solutions hydrothermales, lorsqu'une plaque océanique passe sous une plaque continentale[91]. Les roches plus riches en filons sont soulevées. Puis l'érosion les décape, jusqu'à l'affleurement des filons[92]. Arrachés, des fragments d'or ou d'argent sont entraînés par le ruissellement au pied des montagnes. Loin de représenter une barrière comme le furent les Appalaches, les Montagnes Rocheuses deviennent un immense mirage.

Des villes-champignons, futures villes fantĂ´mes, naissent dans une dizaine d'États de l'ouest des États-Unis[93]. Parmi les milliers de mines ouvertes au Nevada, Comstock Lode, Ă  l'origine de Virginia City (30 000 habitants), ou Goldfield, Ă  1 800 mètres d'altitude, au milieu du dĂ©sert avec 30 000 habitants en 1906. Bodie et ses 10 000 habitants en 1880, dans la Sierra Nevada, fut la deuxième ville de Californie puis progressivement abandonnĂ©e. Les ruines de Rhyolite, Ă  l'entrĂ©e de la VallĂ©e de la Mort, qui eut en 1907-1908 entre 8 000 et 10 000 habitants) ont servi de dĂ©cor au film The Island. La ruĂ©e vers l'or de Pikes Peak gĂ©nère la crĂ©ation du Territoire du Colorado le 28 fĂ©vrier 1861. Environ 100 000 chercheurs d'or fondent 250 villes fantĂ´mes[93]. AppelĂ©s Fifty-Niner, il se dĂ©placèrent partout dans l'ouest, Ă©puisant rapidement l'or alluvionnaire. Certains accusèrent les indiens de leur voler du bĂ©tail, dans l'espoir de modifier les frontières des rĂ©serves, fixĂ©es lors du TraitĂ© de Fort Laramie (1851). Ă€ Smoky Hill River, au Kansas, une nouvelle piste menant aux gisements entraĂ®ne des accrochages avec les indiens refusant le traitĂ© de Fort Wise, qui divise leur territoire par treize. En 1864, le major John Chivington attaque un village d'Arapahos et de Cheyennes, Ă  Sand Creek, tuant 150 Indiens, et relançant les guerres indiennes. Dans les annĂ©es 1860, la dĂ©couverte de filons d'argent dans l'Ouest amĂ©ricain rend ce mĂ©tal surabondant, lui faisant perdre sa valeur monĂ©taire.

En Arizona, le relais de l'or est pris par le cuivre Ă  Bisbee, Clifton et Jerome Junction (Arizona), par l'argent Ă  Calico et Tombstone, fondĂ©e en 1879 par le prospecteur Ed Schieffelin, puis siège du comtĂ© de Cochise en 1882, avec 5 000 Ă  15 000 habitants. ÉloignĂ©e du chemin de fer, privĂ©e d’eau, elle subit la fusillade d'OK Corral le 26 octobre 1881 et les mines dĂ©clinèrent, ramenant en 1900 la population Ă  700 habitants. Calico, nĂ©e en 1881, comptait 1.200 habitants, pour 22 saloons et 500 mines d’argent, puis devint ville fantĂ´me dès 1907.

L'industrialisation des mines s'accélère en 1873 : leur production dépasse celle de l'or alluvionnaire[94]. Dès les années 1880, les aventuriers s'effacent devant des industriels recourant aux études géologiques, puis en 1887 au procédé de la cyanuration, qui permet de récupérer jusqu'à 97 % de l'or, au lieu de 60 % à 75 % avec le procédé traditionnel de l'amalgamation au mercure. Pour être rentable, il exige de grands volumes de minerais. Dès le début du XXe siècle, l'essentiel de la production des Amériques revient aux grandes compagnies, comme Newmont Mining et Homestake Mining.

L'or, vainqueur de la guerre de Sécession, et l'agonie du bimétallisme

La guerre de Sécession pressure le budget fédéral des États-Unis, privé des recettes fiscales des états du sud et grevé par les dépenses militaires. Dès décembre 1861, les épargnants craignent que les déficits n'entraînent le recours à la planche à billet: ils retirent leurs dépôts des banques à New York. Le Secrétaire au Trésor Salmon P. Chase créé alors le "greenback", un billet de banque de un dollar, convertible en bons du Trésor et non plus en or. La guerre génère 450 millions de "greenback". Le Trésor américain a des réserves d'or et surtout d'argent, mais les épargnants restent méfiants. Dès 1864, une pièce en or d'un dollar vaut 1,85 fois un "greenback". La guerre de Sécession a exacerbé une formidable préférence pour l'or et une défiance pour le papier-monnaie chez les épargnants de la côte Est, qui craignent l'inflation.

En 1865, le nouveau Secrétaire au Trésor Hugh McCulloch prend le contre-pied de son prédécesseur. Par le Contraction Act, il retire 44 millions de "greenback" du marché, déclenchant en 1867 une récession économique, mal ressentie cette fois dans le grand Ouest, où l'inflation de la Guerre de Sécession avait au contraire eu le mérite d'effacer les dettes des fermiers et des petits entrepreneurs sans fortune.

Autre catastrophe pour les milliers de mines artisanales de l'Ouest, plus riches d'argent-métal que d'or, l'abandon de la Libre frappe de la monnaie en 1873: l'argent-métal, jugé trop abondant, est démonétisé. Un National Greenback Labor Party, défenseur du bimétallisme or-argent[95], obtient 21 élus au congrès en 1878, en dénonçant ce "crime de 1873" et le Contraction Act. Il boycotte les presses fédérales de monnaie, jugeant le prix officiel (seize gramme d'argent pour un gramme d'or)[95] inférieur à celui du marché mondial, et obtient le "Bland-Allison Act"[96] de 1878. Chaque mois seront frappées 2 à 4 millions de dollars de pièces d'argent. Autre succès, Washington s'engage par le Sherman Silver Purchase Act à acheter, via des bons remboursables dans l'un des deux métaux, au moins 4,5 millions d'once d'argent par mois[96]. Mais la spéculation sur l'or l'emporte. Le cours de l'argent est divisé par deux entre 1866 et 1900[96], déclenchant une crise minière sur le Comstock Lode du Nevada dès 1875. L'étalon-or, poussé par l'Allemagne, s'impose aussi au Royaume-Uni puis dans le monde entier. La Première Guerre mondiale met un terme définitif au bimétallisme. En 1944, le Gold Exchange Standard des accords de Bretton Woods définit le dollar en un certain poids d'or et les autres monnaies en dollar. Ce système explosera en 1971 : les États-Unis suspendent la convertibilité du dollar en or. Avec les accords de la Jamaïque de 1976, entre les pays du FMI, l'or perd tout rôle monétaire officiel.

Homestake, l'exceptionnel gisement des collines noires, entraîne la bataille de Little Big Horn

La mine d'or de Homestake fut la plus grande de l'histoire de l'hĂ©misphère nord, avec 1 130 tonnes d'or extraites en 130 ans, jusqu'Ă  2,5 kilomètres sous terre. Le gisement est situĂ© au cĹ“ur des Black Hills, dans le Dakota du Sud, terres sacrĂ©es pour les Lakota depuis leur victoire sur les Cheyennes en 1776. Les non-Indiens sont exclus de la rĂ©serve Sioux depuis le TraitĂ© de Fort Laramie (1868), qui a conclu la Guerre de Red Cloud.

Cette photo représente ce qu'aurait pu être Crazy Horse, vu que de son vivant, il a toujours refusé de se faire prendre en photo.

Le cours de l'or monte après le Coinage Act de 1873, mettant fin au bimétallisme, d'autant que la loi monétaire allemande du 9 juillet 1873 confirme la loi monétaire prussienne du 4 décembre 1871, dans le sens de l'Etalon-or. Washington a besoin d'or. Le 2 juillet 1874, le lieutenant-colonel George A. Custer quitte Bismarck (Dakota du Nord) et s'enfonce dans les Black Hills avec 1200 hommes, dont le 7e Régiment de Cavalerie, un groupe d'ingénieurs, trois journalistes, le photographe William H. Illingworth et 110 charriots[97]. Des éclaireurs indiens l'accompagnent, menés par Bloody Knife et Lean Bear. Dans leur sillage, deux prospecteurs québécois, les frères Fred et Moses Manuel, s’affairent. Le 9 avril 1876, ils découvrent la mine de Homestake, déclenchant une ruée vers l'or dans les Black Hills. L’incapacité de l'Armée des États-Unis à s'opposer à ce viol du Traité de Fort Laramie (1868), met en colère les Lakota. Tatanka Yotanka (Sitting Bull), Tašunka Witko (Crazy Horse) déclenchent la Guerre des Black Hills, qui va durer jusqu'en 1882.

Au printemps 1876, la bataille de Little Bighorn voit les Sioux et Cheyennes vaincre le VIIe de Cavalerie de Custer, tuant 258 soldats. Mais Ă  l'Ă©tĂ© et l'automne 1876, la Dull Knife Fight et la Bataille de Slim Buttes obligent les tribus Lakota Ă  retourner dans les camps contrĂ´lĂ©s par le Bureau des affaires indiennes. Par un nouveau traitĂ©, ils cèdent une bande de 80 km, Ă  l'ouest de leur rĂ©serve, ce qui lĂ©galise les villes-champignon comme Custer City ou Deadwood. Certains historiens considèrent que l’administration d'Ulysses S. Grant a dĂ©libĂ©rĂ©ment provoquĂ© cette guerre, car l'or des Black Hills permit de combattre la Grande DĂ©pression. Trois ans après l'avoir dĂ©couverte, Fred et Moses Manuel vendent en 1879 la mine de Homestake, dont ils ont tirĂ© 5 000 dollars, pour la somme de 45 000 dollars Ă  la sociĂ©tĂ© Homestake Mining, qui entre Ă  la Bourse de Wall Street la mĂŞme annĂ©e.

En remontant les rivières vers le nord-est des États-Unis

Après 1862, deux nouvelles rĂ©gions aurifères sont dĂ©couvertes au nord des États-Unis: les territoires d'Idaho et du Montana, oĂą prennent leur source les affluents principaux du Missouri et du Columbia. Dans l'Idaho, l'or fut repĂ©rĂ© près de BoisĂ©, entre l'ancien fort de la Compagnie des fourrures et la rivière Snake, le 28 juillet 1862, entraĂ®nant plusieurs incidents avec les amĂ©rindiens Ă  l’automne. Le colonel Patrick E. Connor, avec ses volontaires de Californie, obtint la permission d'une expĂ©dition en territoire Shoshone en janvier 1863, aboutissant au massacre de Bear River : 224 indiens, dont de nombreuses femmes et enfants, furent acculĂ©s au fond d'un ravin, leurs cadavres s'entassant sur 2 mètres de haut, tandis qu'on comptait 21 morts et 12 blessĂ©s chez les soldats[98]. Le Territoire de l'Idaho fut officiellement organisĂ© le 4 mars 1863, couvrant les États actuels de l'Idaho, du Montana et de la quasi-totalitĂ© du Wyoming, avec pour première capitale Lewiston. En 1866, BoisĂ© Ă©tait devenue une ville importante. Les prospecteurs fondèrent Bannock, Centerville et Placerville, puis Fort Lemhi, Elk City, Florence et Oro City. Le territoire du Montana fut fondĂ© le 28 mai 1864, un an plus tard, au nord-est. Des villes-champignons s'y construisirent, permettant d'exporter pour 100 millions de francs d'or: Bannock City, Virginia City, Gallatin City, Montana City, La Barge City, Hangtown, Hell Gate, Fort Owen, Fort Colin et Mullan Pass[69]. Les prospecteurs suivaient la Piste de l'Oregon, bifurquant vers Fort Bridger et Fort Hall[99], ou bien remontaient le Missouri en bateau Ă  vapeur jusqu'Ă  Fort Benton[100].

La Fraser au nord de Lillooet.

La Colombie-Britannique attira des prospecteurs dès 1852. Les bords de la rivière Snake, entre Lewiston et la Columbia, au nord du Fort Wallah-Wallah, furent aussi exploités de même que le secteur entre Port-Townsend et Olympia, près du détroit de Vancouver[101]. Mais il fallut attendre 1858 pour la Ruée vers l'or du canyon du Fraser, qui atteint en 1861 les plus célèbres ruisseaux d'or de la province, Williams et Lightning, dans le Cariboo[102]. Les dépôts d'or du Yukon ont ensuite été travaillés en 1880, mais il faut attendre 1896 pour que l'or soit découvert dans les secteurs tributaires de la Rivière Klondike.

Le Klondike, découvert dans le Grand Nord en 1896

En aoĂ»t 1896, trois hommes descendent le fleuve Yukon vers le nord, depuis la rĂ©gion de Carcross. Ils recherchent George Carmack et son Ă©pouse Kate Carmack, sĹ“ur de l'un d'eux, Skookum Jim Mason, un amĂ©rindien de la nation Tagish. Après les avoir retrouvĂ©s pĂŞchant le saumon Ă  l'embouchure du Klondike, ils croisent Robert Henderson, originaire de la Nouvelle-Écosse, qui cherche de l'or dans l'Indian River, au sud du Klondike. Le 16 aoĂ»t, le groupe dĂ©couvrit d'importants traces d'orpaillage dans le Rabbit Creek. L'annonce de la dĂ©couverte atteignit le 15 juillet 1897San Francisco, dĂ©clenchant la ruĂ©e vers le Klondike. Le Seattle Post-Intelligencer Ă©voque la prĂ©sence d'« une tonne d'or ». En 1898, la population du Klondike atteint 40 000 hommes.

La plupart des prospecteurs dĂ©barquent d'abord Ă  Skagway, en Alaska, ou dans la ville voisine de Dyea, Ă  l'embouchure du canal Lynn. De lĂ , ils gravissent le col Chilkoot, ou le col White, pour accĂ©der au Territoire du Yukon, puis se diriger vers le lac Bennett, Ă  la source du fleuve Yukon. Ensuite, ils construisent des radeaux qui les mènent Ă  plus de 800 km, Ă  Dawson City, près des gisements d'or. Pour obtenir le droit d’entrer au Canada, les prospecteurs transportent de quoi vivre pendant un an, soit environ une tonne, dont la moitiĂ© de nourriture. Au sommet de chaque col, la Police montĂ©e du Nord-Ouest s'assure du respect de la loi, pour prĂ©venir les pĂ©nuries qui ont affamĂ© Dawson City les deux hivers prĂ©cĂ©dents. Cet emballement inspira la fameuse RuĂ©e vers l'or de Charles Chaplin et le livre Smoke Bellew de Jack London, qui y a participĂ©. Il s'achève Ă  l'Ă©tĂ© 1898, après la dĂ©couverte d'un nouveau filon en Alaska.

L’or d’Afrique du Sud, exploité en profondeur, provoque la guerre des Boers

Le vieux cimetière des uitlanders chercheurs d'or de Pilgrim's Rest.

L’or a transformĂ© l’Afrique du Sud et donnĂ© un coup d'accĂ©lĂ©rateur Ă  l'Histoire des bourses de valeurs. En 1870, seulement 45 000 blancs habitent les deux rĂ©publiques boers formĂ©es au Transvaal, contre près de 200 000 dans la colonie du Cap[103]. Des diamants ont Ă©tĂ© dĂ©couverts trois ans plus tĂ´t, dans un territoire semi-indĂ©pendant, le Griqualand-Ouest, Ă  la frontière des deux zones. Un arbitrage international du lieutenant-gouverneur du Natal l'attribue en 1871 Ă  Nicolaas Waterboer, chef des Griquas. Ă€ sa demande, le site est annexĂ© Ă  la colonie du Cap, provoquant la fureur des boers. Puis c'est de l'or qui est dĂ©couvert en 1873 Ă  Lydenburg et Pilgrim's Rest. Ce dernier village est rapidement envahi par 1 500 prospecteurs, en plein territoire boer[104]. On trouve Ă©galement de l'or dans la ville proche de Barberton en 1882.

L'annexion du Transvaal par les Britanniques en 1877 dĂ©clenche la première guerre des Boers, dĂ©but 1880. L'extraction d'or chute, puis reprend son cours. Le richissime anglais Cecil Rhodes (1853-1902), premier ministre de la colonie du Cap, rachète les concessions diamantifères et contrĂ´le dès 1885 toutes les mines de diamants de Kimberley. En 1888, il forme la De Beers, en rachetant le groupe de son dernier rival, Barney Barnato (1851-1897), qui mourra mystĂ©rieusement neuf ans plus tard. Parallèlement, de l'or est dĂ©couvert en 1887 Ă  Krugersdorp, nommĂ©e en l'honneur du prĂ©sident du Transvaal, Paul Kruger, puis Ă  Johannesbourg. Du jour au lendemain, une ville champignon surgit. Ses 100 000 habitants, venus du Cap ou d'outre-mer, appelĂ©s "uitlanders", rĂ©clament l'Ă©galitĂ© politique. Le gouvernement Boer la leur refuse et taxe lourdement l'industrie aurifère. Les "uitlanders" demandent Ă  Londres de le renverser. Sans succès. La production sud-africaine atteint 16 tonnes d'or[89] dès 1890.

Le "Witwatersrand", mot afrikaans signifiant « la crĂŞte des eaux blanches », est une chaĂ®ne de collines longue de 280 km et culminant Ă  1 800 mètres. SurnommĂ© le "Rand", elle donnera son nom Ă  la monnaie officielle de l’Afrique du Sud en 1961. Ă€ lui seul, ce massif produira plus au XXe siècle que tous les gisements mondiaux de tous les siècles Ă©coulĂ©s, grâce Ă  de nouvelles techniques minières et d’énormes investissements. Les sud-africains vont creuser jusqu'Ă  quatre kilomètres de profondeur, comme Ă  Val Reefs et Ă  Tau Tona, une des trois mines de Western Deep Levels au sud de Carletonville[105]. Trusts et sociĂ©tĂ©s minières succèdent aux artisans. La Chambre des Mines est crĂ©Ă©e en 1889. La Banque de rĂ©serve sud-africaine expĂ©die une partie de l’or Ă  la Banque d’Angleterre[26]. La main-d’œuvre est recrutĂ©e jusqu’en RhodĂ©sie.

En 1895, Cecil Rhodes appuie une tentative ratĂ©e de coup d'État, connue sous le nom de raid Jameson[106]. Il doit dĂ©missionner. Les dividendes distribuĂ©s par les mines d'or sont multipliĂ©s par sept entre 1889 et 1895. La production aurifère dĂ©colle, et reprĂ©sentera 670 tonnes (2 milliards de francs de l'Ă©poque) sur quinze ans, du 1er mai 1887 au 1er aoĂ»t 1902, soit 40 tonnes par an[107]. Elle atteint 14,7 tonnes d'or au cours du seul mois d'aoĂ»t 1899. Près de 100 000 travailleurs migrants noirs sont installĂ©s sur les mines, en compagnie de plus de 12 000 blancs[108].

Année 1887 1889 1892 1894 1895 1898
Dividendes distribués (en francs) 0,53 million 10 millions 28 millions 37 millions 66 millions 127 millions[109]

En mai 1899, c'est l'échec d'une conférence organisée à Bloemfontein par le président de l'État libre d'Orange, avec Lord Alfred Milner et Paul Kruger. Quatre mois après, Joseph Chamberlain exige de Kruger la complète égalité de droits pour les britanniques du Transvaal. Ce dernier donne 48 heures à Londres pour évacuer ses troupes. Kimberley et De Beers sont les enjeux de la bataille de Modder River et de la bataille de Paardeberg, au début de la Seconde Guerre des Boers en 1899 et 1900. Les Anglais veulent aussi le contrôle du Transvaal, où l’or est devenu une industrie majeure[110]. Un approvisionnement régulier du stock d’or de Londres était nécessaire à Londres pour maintenir sa position de centre financier du commerce mondial[110].

Le XXe siècle, entre intensification de la production et persistance de l'artisanat

Le quasi-monopole de l'Afrique du Sud contesté par de nouvelles lois après 1980

Chutes d'eau dans le jardin botanique du Witwatersrand.

Dès 1905, l’Afrique du Sud se hisse au premier rang mondial devant l’Australie. En 1913, l’or reprĂ©sente 45 % du PIB sud-africain, 80 % de ses exportations et 40 % de la production mondiale[111]. De 349 000 onces (31 g l’once) en 1900, elle passe Ă  14,4 millions en 1941 et atteindra son niveau record en 1969 avec 31,3 millions d’onces soit 80 % de la production mondiale. En un peu plus d'un siècle, 47 000 tonnes d'or ont Ă©tĂ© arrachĂ©es au sous sol. Il en reste aujourd'hui autant Ă  exploiter. Mais en 1996, la production d'or sud-africain ne dĂ©passait pas 495 tonnes, le niveau le plus faible depuis 1956[112]. Depuis, les compagnies ont engagĂ© des restructurations, invoquant la hausse des salaires et l'Ă©puisement de certains gisements. En 2004, la production d’or sud-africain atteint 342 tonnes, en recul de 9 % sur un an et de 70 % sur 35 ans[27]. Les mines sud-africaines sont toujours les plus profondes du monde, ce qui en fait les plus dangereuses[113]. La production d'or d'Afrique du Sud a culminĂ© en 1969 Ă  948 tonnes de mĂ©tal fin, soit douze fois celle extraite par la Californie en 1849 au pic de la RuĂ©e vers l'or. Au dĂ©but des annĂ©es 1980, environ 80 % de l'or mondial venait encore d'Afrique du Sud, procurant au pays 63 % de ses revenus miniers[114], très loin devant le diamant (environ 5,6 %) et le charbon (environ 11,7 %)[115]. L'Afrique du Sud concentre aussi l'essentiel de la production mondiale de nombreux mĂ©taux, dont le platine, devenu indispensable dans les annĂ©es 1980 lors de l'arrivĂ©e du Pot catalytique dans l'automobile.

Ce quasi-monopole s'érode ensuite rapidement du fait de nouvelles découvertes sur les autres continents. Le second choc pétrolier a déclenché une flambée générale du cours des matières premières, dont l'or. De nombreux gisements deviennent rentables au Canada, en Australie et surtout aux États-Unis, où la législation protégeant l'environnement est assouplie par le président américain Ronald Reagan : de nombreuses mines d'or américaines à ciel ouvert, qui traitent chimiquement de grandes quantités de minerai, sont autorisées dans les années 1980. De nouvelles lois réduisent les contrôles et les obligations de recyclage du cyanure et du mercure.

Les années 1980 voient la renaissance des mines d'or canadiennes et américaines

Le Canada avait connu en 1858 la RuĂ©e vers l'or du canyon du Fraser: 30 000 personnes attirĂ©es en moins d'un mois en Colombie-Britannique. En 1931, le pays est encore le deuxième producteur mondial, avec 2,7 millions d'onces par an, soit 80 tonnes d'or. Mais les rĂ©gions productrices ne sont plus les mĂŞmes : un tiers vient de Kirkland Lake et un autre du reste de l'Ontario[116], oĂą Placer Dome opère Ă  Campbell, Porcupine et Musselwhite. Ensuite, la Mine Giant, dĂ©couverte en 1935 près de Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, produit 7 millions d’onces d’or entre 1948 et 1999[117], pour la "Royal Oak Mines" puis finit par s'essouffler: le Canada ne produisait plus que 50 tonnes d'or en 1979.

En 1989, ce sera trois fois plus: 180 tonnes par an, dont près de la moitiĂ© en Ontario[118], grâce Ă  la flambĂ©e des cours mondiaux de l'or. Le Canada joue dans la reconquĂŞte aurifère des annĂ©es 1980 un rĂ´le central, basĂ© sur l'anticipation boursière. L'engouement est dirigĂ© par la Bourse de Vancouver, qui a repris l'hĂ©ritage culturel de la Bourse de San Francisco, en accueillant de très nombreuses petites sociĂ©tĂ©s minières junior. Vancouver devient ainsi la capitale mondiale des sociĂ©tĂ©s encore au stade de l'exploration. Parmi elles, beaucoup prĂ©voient de travailler dans l'Ouest des États-Unis, oĂą les normes environnementales ont Ă©tĂ© allĂ©gĂ©es dans les annĂ©es 1980, pour encourager le traitement chimique du minerai d'or extrait Ă  ciel ouvert. L'IndonĂ©sie et l'Afrique noire fournissent aussi de gros bataillons. Ainsi, en 1997, la cotation de la mine d'or de Bre-X Busang dĂ©clencha une spĂ©culation tellement effrĂ©nĂ©e que la sociĂ©tĂ© indonĂ©sienne est valorisĂ©e 20 milliards de dollars sans avoir encore extrait un seul gramme d'or. L'enquĂŞte montra que les forages de la future mine avait Ă©tĂ© "salĂ©s" frauduleusement : le site ne contenait en rĂ©alitĂ© aucun mĂ©tal prĂ©cieux. Ces rĂ©vĂ©lations firent s'effondrer le cours de Bourse de la mine d'or de Bre-X Busang, jetant le discrĂ©dit sur la Bourse de Vancouver.

Le développement des mines africaines, par l'investissement étranger

Le continent africain dĂ©tient la moitiĂ© des rĂ©serves d’or mondiales. Les normes environnementales n'y sont pas appliquĂ©es ou peu contraignantes[119], permettant d'exploiter Ă  ciel ouvert du minerai Ă  faible teneur, puis de le traiter Ă  l'aide du cyanure et du mercure. Cinq siècles après le règne des caravanes arabes et portugaises, les faibles coĂ»ts de production dĂ©coulant de ce laxisme ont attirĂ© les trois plus grandes multinationales de l'or, omniprĂ©sentes en Afrique : AngloGold Ashanti (Afrique du Sud), Barrick Gold (Canada) et Newmont Mining (États-Unis), rĂ©gulièrement dĂ©noncĂ©es pour la pollution Ă  large Ă©chelle et leur violation des droits de l’homme. Au dĂ©but des annĂ©es 2000, plus de 34 pays africains extraient de l’or, pour un total de plus de 600 tonnes par an, soit le quart de la production mondiale[120]. Le mĂ©tal vient principalement du Ghana (plus de 75 tonnes), du Mali (50 tonnes en moyenne), de la Tanzanie (idem), de la GuinĂ©e, du Zimbabwe (de 10 Ă  20 tonnes selon les annĂ©es), de la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo.

La somme des dégradations écologiques et des atteintes à la santé provoquées par l’exploitation des mines d’or à ciel ouvert - les plus polluantes - va ruiner les régions productrices pour des générations à venir, selon l'ethnologue et journaliste suisse Gilles Labarthe, spécialiste de l'Afrique[121]. Selon lui, les nappes phréatiques polluées par le cyanure et le mercure, les normes de sécurité mal appliquées, le déplacement massif des populations locales, font de l'or africain une bombe à retardement écologique. Un rapport américain avance déjà le chiffre de 55 milliards de dollars pour réparer les dégâts.

Les 4 géants du tournant de l'an 2000 : Grasberg, Yannacocha, Goldstrike et Driefontein

Après s'être diversifié dans les années 1980 vers des mines américaines bénéficiant de normes environnementales abaissées, phénomène qui s'étendra à l'Afrique, l'exploitation de l'or s'est regroupée sur des méga-gisements profitant eux aussi d'une réglementation plus complaisante.

Les gisements de Freeport et le parc national de Lorentz.

Jusqu'en 1996, la plus grande mine d'or du monde Ă©tait la sud-africaine Driefontein, produisant 35,7 tonnes d'or par an, pour le compte de la compagnie minière sud-africaine Goldfields[122]. Elle a depuis Ă©tĂ© dĂ©passĂ©e par trois sites, la mine de Grasberg (84 tonnes d'or par an), exploitĂ©e par Freeport-McMoRan en IndonĂ©sie Ă  près de 4 000 mètres d'altitude, en Ă©ventrant une montagne entière[123], la mine de Yanacocha (80,9 tonnes d'or par an), creusĂ©e au PĂ©rou par l'AmĂ©ricain Newmont Mining, et celle Goldstrike Property (Nevada), plus bel actif minier du canadien Barrick Gold, avec 52,5 tonnes d'or par an.

La mine de Grasberg est un haut-lieu de la contestation du pouvoir central indonĂ©sien par les populations locales, qui dure depuis le rattachement de la Papouasie occidentale Ă  l’IndonĂ©sie en 1962. Des milliers de Papous ont Ă©tĂ© expropriĂ©s de leur montagne pour permettre l’exploitation de la mine, attaquĂ©e dès 1977 par l'Organisation pour une Papouasie libre (OPM). La rĂ©pression militaire indonĂ©sienne tue alors 800 personnes[124]. Depuis, la compagnie minière amĂ©ricaine Freeport-McMoRan possède son propre service de sĂ©curitĂ©. L’armĂ©e indonĂ©sienne y stationne près de 6 000 hommes[125]. En mars 2006, des manifestations d’étudiants ont eu lieu Ă  Timika et Jayapura[126], pour demander la fermeture de la mine.

La roche exploitĂ©e est extraite sur une Ă©paisseur de 300 mètres et sur une surface de km2. La pluie et les Ă©coulements naturels entraĂ®nent les particules fines dans le fleuve Aikwa, Ă  proximitĂ© d’un des rares glaciers Ă©quatoriaux, qui sert d’indicateur des modifications climatiques. La disparition de la vĂ©gĂ©tation et l’érosion ont crĂ©Ă© des landes dĂ©solĂ©es tout autour de la mine. Des associations Ă©cologiques craignent la pollution par l'acide des rivières, du sol et des nappes phrĂ©atiques.

XXIe siècle

Les grands producteurs mondiaux au début du XXIe siècle

La Chine est le premier producteur mondial en 2016, devant l'Australie et la Russie :

Production mondiale, en tonnes[127] 2016
Monde 3 000
Chine 490
Australie 300
Russie 242
États-Unis 200
PĂ©rou 150
Canada 150
Afrique du Sud 140
Kazakhstan 104
Guana 85
Brésil 80
Indonésie 75
Papouasie-Nouvelle-Guinée 50

Les grandes périodes de l'économie mondiale

Notes et références

  1. (en) Hobart M. King, « The Many Uses of Gold », sur Geology.com.
  2. (en) Rayhan Demytrie, « Georgia's gold mine dilemma », 29 mai 2014 — lire sur BBC News.
  3. Alliage composé d'or et d'argent qu'on rencontre à l'état naturel.
  4. Hélène Nicolet-Pierre, Numismatique grecque, Paris, Armand Colin, (ISBN 2-200-21781-1), p. 153.
  5. (en) British Museum, « Episode 25 - Gold coin of Croesus », BBC,‎ (lire en ligne).
  6. « L'or des Gaulois », sur mrugala.net (consulté le ).
  7. Jacques Gernet, Le Monde chinois, Armand Colin, , 4e Ă©d., p. 468.
  8. La révolution industrielle du Moyen Âge, Jean Gimpel, p. 44.
  9. "RĂ©volution industrielle du Moyen Ă‚ge, p. 44".
  10. Monnaie et économie à la fin du Moyen Âge. À propos d'ouvrages récents, par Marc Bompaire, p. 273.
  11. Études d'histoire monétaire, par John Day, p. 32.
  12. Jean Thévenet, Les idées économiques d'un homme d'État dans la Florence des Médicis : Machiavel économiste, , 110 p. (ISBN 978-0-8337-3504-1, lire en ligne), p. 92.
  13. John Day, Études d'histoire monétaire : XIIe-XIXe siècles, , 447 p. (ISBN 978-2-85939-236-9, lire en ligne), p. 31.
  14. Les mines d'or et d'argent en Serbie et Bosnie, par Desanka Kovacevic, {{.|249}}.
  15. Histoire générale des voyages, Volume, par l'Abbé Prévost, Anne-Gabriel Meusnier de Querlon, Alexandre Deleyre et Jacques Philibert Roussellot de Surgy, p. 225.
  16. Il consacre les chapitres XI et XII de son livre L'Économie de l'empire portugais aux XVe et XVIe siècles aux routes caravanières des différents royaumes noirs (Ghana, Galam, Tirakka puis Tombouctou) et au système de la « troca muda » (« troque muette »), à distance, entre musulmans porteurs de sel et noirs producteurs d'or.
  17. Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme - XVe siècle-XIIIe siècle, p. 536.
  18. L'Empire du Monomotapa du XVe au XIXe siècle, par W. G. L. Randles, p. 46.
  19. L'Empire du Monomotapa du XVe au XIXe siècle, par W. G. L. Randles, p. 50.
  20. W. G. L. Randles, L'empire du Monomotapa du XVe au XIXe siècle, , 167 p. (ISBN 978-2-7193-0415-0, lire en ligne), p. 43.
  21. L'économie de l'empire portugais aux XVe et XVIe siècles, par Vitorino Magalhaes Godinho (1969).
  22. Tombouctou et l'empire Songhay : épanouissement du Soudan nigérien aux XVe siècle, par Sékéné Mody Cissoko, p. 145.
  23. Sékéné Mody Cissoko, Tombouctou et l'empire Songhay, , 243 p. (ISBN 978-2-7384-4384-7, lire en ligne), p. 145.
  24. selon l'historien et géographe arabe Al-Yaqubi.
  25. selon le témoignage d'El Békir.
  26. L’or d’Afrique : une richesse liée à l’histoire du continent, Antoinette Delafin sur RFI, 22 novembre 2005.
  27. http://www.rfi.fr/fichiers/mfi/economiedeveloppement/1614.asp .
  28. L'économie de l'empire portugais aux XVe et XVIe siècles, par Vitorino Magalhaes Godinho (1969).
  29. (en) « Quelques observations sur le commerce de l'or dans le Soudan occidental au… », sur JSTOR (consulté le ).
  30. La Thalassocratie portugaise du XVIe siècle, par Jean-François Labourdette, professeur émérite de l’université Charles de Gaulle-Lille III.
  31. http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/la_thalassocratie_portugaise_du_xvie_siecle.asp.
  32. Civilisation matérielle, économie et capitalisme - XVe siècle-XIIIe siècle (p. 541, par Fernand Braudel.
  33. L'or et les esclaves : histoire des forts du Ghana du XVIe au XVIIIe siècle, par Jean-Michel Deveau.
  34. Les cinquante Afriques, Hervé Bourges et Claude Wauthier, Seuil, (1978), p. 578.
  35. http://www.danbyrnes.com.au/business/business13.html.
  36. http://www.aihv17.ua.ac.be/french/AIHV17_Book-of-Abstracts.pdf.
  37. http://www.molas.org.uk/projects/annualReviews.asp?aryear=2005&category=11&section=1.
  38. Christophe Colomb: histoire de sa vie et de ses voyages, Volume 1.
  39. Antonio de la Cova, « Taino Conquest », sur latinamericanstudies.org (consulté le ).
  40. Dominique Camus et Daniel Buisson, République dominicaine / [réd. Dominique Camus, Daniel Buisson], , 288 p. (ISBN 978-2-06-713878-0, lire en ligne), p. 192.
  41. Trevor A. Jackson, Caribbean Geology, , 279 p. (ISBN 978-976-640-100-9, lire en ligne), p. 120.
  42. http://www.lucette-laribe.eu/nombrededios/nombrededios.htm.
  43. http://www.lucette-laribe.eu/colomb/colomb.htm.
  44. Civilisation matérielle, économie et capitalisme, par Fernand Braudel, p. 528.
  45. Circuit qui achemine deux millions de pesos par an jusqu'en 1730.
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