Mapuches
Les Mapuches (littĂ©ralement « Peuple de la terre » en mapudungun) sont un groupe ethnique et peuple autochtone du Chili et d'Argentine formant plusieurs communautĂ©s, connues Ă©galement sous le nom d'Araucans (cette derniĂšre dĂ©nomination ayant Ă©tĂ© donnĂ©e par les Espagnols aux autochtones peuplant originellement la rĂ©gion historique dâAraucanie)[3] - [4]. Au sens strict, le terme Mapuches dĂ©signe les AmĂ©rindiens habitant lâAraucanie ou Arauco, coĂŻncidant grosso modo Ă lâactuelle rĂ©gion administrative chilienne d'Araucanie, câest-Ă -dire les Araucans et leurs descendants ; dans un sens plus large, le terme englobe tous ceux qui parlent, ou parlaient naguĂšre, la langue mapuche ou mapudungun, y compris divers groupes autochtones ayant subi entre les XVIIe et XIXe siĂšcles le processus dit dâaraucanisation par suite de lâexpansion araucane Ă partir de lâAraucanie originelle (dans le Chili actuel) vers des zones sises Ă lâest de la cordillĂšre des Andes (câest-Ă -dire dans lâactuelle Argentine).
Chili | 1 745 157 env. (2017)[1] |
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Argentine | 205 009 env. (2010)[2] |
Population totale | 2 000 000 env. |
RĂ©gions dâorigine | CordillĂšre des Andes |
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Langues | Mapudungun, espagnol |
Religions | Christianisme (catholicisme et évangélisme) adapté aux croyances traditionnelles |
Ethnies liées | Picunche, Huilliche,Pehuenche, Chiliens |
Selon le recensement officiel de 2002, les Mapuches reprĂ©sentent 4 % de la population chilienne (87,3 % du total des autochtones vivant au Chili), soit un peu plus de 600 000 personnes, mais dâautres statistiques donnent un nombre plus Ă©levĂ©. Ils vivent principalement dans les zones rurales de la rĂ©gion dâAraucanie ainsi que dans la rĂ©gion des Lacs et la rĂ©gion mĂ©tropolitaine de Santiago (la capitale, Santiago du Chili). On estime Ă environ 200 000 leur nombre en Argentine, rĂ©partis principalement sur la province de NeuquĂ©n, mais aussi sur celle de RĂo Negro et de Chubut[5]. Les autres populations autochtones du Chili, moins nombreuses, sont aymaras et rapa nuis.
Les Mapuches eurent Ă faire face dâabord aux visĂ©es expansionnistes des Incas, qui rĂ©ussirent certes Ă soumettre les groupes mapuches septentrionaux, appelĂ©s Picunches par les historiens, mais furent ensuite bloquĂ©s par la rĂ©sistance mapuche Ă la hauteur du fleuve Maule (Ă 250 km environ, Ă vol d'oiseau, au sud de Santiago), aprĂšs la lourde dĂ©faite de Tupac Yupanqui Ă la fin du XVe siĂšcle[6] ; puis, au XVIe siĂšcle, aux tentatives de conquĂȘte des conquistadors espagnols, qui venaient de renverser lâEmpire inca (et du mĂȘme coup assujetti les Picunches) et trouvĂšrent face Ă eux les autres Mapuches Ă©tablis entre la vallĂ©e de l'Aconcagua et le centre de lâĂźle de ChiloĂ©. La rĂ©sistance du chef mapuche Lautaro, qui avait appris la tactique et la stratĂ©gie militaires lorsquâil Ă©tait prisonnier des Espagnols, et dont les troupes possĂ©daient une grande maĂźtrise du cheval, puis plus tard la rĂ©bellion de Pelantaro en 1602, aboutirent Ă fixer la frontiĂšre militaire entre Espagnols et Mapuches au niveau de la riviĂšre BiobĂo (Ă 470 km environ au sud de Santiago) ; depuis lors, les Espagnols hĂ©sitaient Ă se risquer en territoire mapuche.
Entre 1860 et 1880, les deux Ătats de la rĂ©gion issus de la dĂ©colonisation, le Chili et lâArgentine, entreprirent Ă leur tour des guerres de conquĂȘte contre les AmĂ©rindiens (Mapuches et Patagons) qui vivaient au sud du continent dans des rĂ©gions restĂ©es hors de leur contrĂŽle et difficilement pĂ©nĂ©trables, et viendront finalement Ă bout de la rĂ©sistance mapuche, au terme de campagnes militaires connues respectivement sous le nom de Pacification de l'Araucanie et de ConquĂȘte du DĂ©sert, lesquelles entraĂźnĂšrent la mort de milliers dâAmĂ©rindiens, en plus de la perte de leur territoire : les survivants furent en effet dĂ©portĂ©s vers des zones de faible superficie dĂ©nommĂ©es rĂ©ductions (au Chili) ou rĂ©serves (reservaciones, en Argentine), tandis que le reste des terres fut dĂ©clarĂ© bien national (en espagnol fiscal), puis vendu Ă lâencan. Ă signaler aussi que lâĂ©lection (ou lâautoproclamation), en novembre 1860, du juriste pĂ©rigourdin OrĂ©lie Antoine de Tounens comme roi de l'Araucanie avait alarmĂ© les autoritĂ©s chiliennes qui craignaient que cette poussĂ©e dâindĂ©pendantisme coupe gĂ©ographiquement le pays en deux. Les Mapuches se sont ensuite peu Ă peu intĂ©grĂ©s Ă la nation chilienne, mĂȘme si des foyers de rĂ©sistance ont poursuivi la lutte armĂ©e jusqu'Ă la fin du XXe siĂšcle.
Aux XXe et XXIe siĂšcles, les Mapuches subiront un processus dâacculturation et dâassimilation aux sociĂ©tĂ©s des deux Ătats (argentin et chilien), mais au rebours duquel se feront jour des manifestations de rĂ©sistance culturelle et Ă©clateront çà et lĂ des conflits parfois violents (avec mort dâhomme) centrĂ©s autour de la propriĂ©tĂ© des terres, de la reconnaissance de leurs organisations et de la pratique de leur culture. En effet, le processus de rĂ©cupĂ©ration prĂ©sente deux aspects : dâune part un retour aux racines culturelles (rĂ©apprentissage de la langue, remise en honneur de lâartisanat traditionnel etc.) et dâautre part la rĂ©appropriation de terres qualifiĂ©es dâancestrales, mais dĂ©tenues aujourdâhui, sur la foi de titres de propriĂ©tĂ© officiels sur les terrains concernĂ©s, par de grands domaines agricoles (haciendas), des sociĂ©tĂ©s dâexploitation forestiĂšre (surtout au Chili), et par des multinationales du textile (telles que Benetton en Argentine)[7] - [8]. La population mapuche se plaint de discrimination raciale et sociale dans ses rapports avec le reste de la sociĂ©tĂ©[9] - [10] - [11] - [12] - [13], et selon les statistiques officielles, leur indice de pauvretĂ© est plus Ă©levĂ© que la moyenne nationale chilienne[14] - [15] - [11].
Le systĂšme Ă©conomique traditionnel, basĂ© sur la chasse et lâhorticulture, a cĂ©dĂ© le pas, aux XVIIIe et XIXe siĂšcles, Ă une Ă©conomie agricole et dâĂ©levage, les AmĂ©rindiens se convertissant dĂšs lors, aprĂšs lâimplantation forcĂ©e sur des terrains Ă eux assignĂ©s par le Chili et lâArgentine, en un peuple de paysans vouĂ© Ă lâheure actuelle (2018) Ă une grande fragmentation culturelle, Ă un morcellement de la propriĂ©tĂ©, et Ă une migration vers les grandes villes par les gĂ©nĂ©rations plus jeunes, qui a eu pour effet de faire des Mapuches une population aujourdâhui majoritairement urbaine, Ă©tablie principalement Ă Santiago du Chili et Ă Temuco, quoique prĂ©servant des liens plus ou moins serrĂ©s avec ses communautĂ©s dâorigine.
Ătymologie
Le mot par lequel les Araucans se dĂ©signent eux-mĂȘmes dans leur propre langue (le mapuche ou le mapudungĂșn) est Mapuche, ou mapunche, terme composĂ© de mapu, « terre, pays », et de che, « personne, gens », soit donc « gens de la terre », « natif »[16]. Ă lâopposĂ©, les Ă©trangers arrivĂ©s dâEurope ainsi que leurs descendants sont appelĂ©s wingka. En certains endroits, les termes de Mapuche et de mapunche sâutilisent avec une lĂ©gĂšre diffĂ©rence de sens. Jusquâau XVIIIe siĂšcle aurait Ă©galement existĂ© chez les membres de lâethnie lâautodĂ©nomination che, « gens »[17], et Mapu[17], « terre », Peuple de la terre[18].
La dĂ©nomination aucas proviendrait du mot quechua awqa, « sauvage » ou « rebelle », « ennemi », qui leur aurait Ă©tĂ© appliquĂ© par les Incas ou par les Espagnols ; selon les chroniqueurs, les Incas avaient dĂ©jĂ nommĂ© purumauca la population habitant au sud du rĂo Cachapoal, et les Espagnols auraient, pour dĂ©signer celle-ci, simplement adoptĂ© la dĂ©nomination auca[16].
La dĂ©signation Araucans[3] - [4] - [19] a Ă©tĂ© le terme prĂ©dominant dans lâhistoriographie pendant toute la pĂ©riode sâĂ©tendant des premiers contacts avec les Espagnols jusquâau XIXe siĂšcle approximativement, et continue dâĂȘtre en usage, mais nâest pas acceptĂ©e par les Mapuches eux-mĂȘmes. Le nom Araucan constitue sans doute le gentilĂ© des habitants dâArauco, nom donnĂ© par les Espagnols au territoire quâils habitaient alors en peuple indĂ©pendant et dont lâĂ©tymologie reste discutĂ©e[20]. Il a Ă©tĂ© postulĂ© que Arauco rĂ©sulte dâune hispanisation du mot mapuche ragko, « eau grĂ©seuse », que les Espagnols auraient utilisĂ© pour les habitants dâun site ainsi appelĂ© et qui par la suite aurait Ă©tĂ© Ă©tendu, par mĂ©tonymie, Ă toutes les autres peuplades de la zone[21] ; aujourdâhui encore, la rĂ©gion chilienne Ă proximitĂ© de ConcepciĂłn, au sud du fleuve BiobĂo, sâappelle officiellement province d'Arauco.
Les Mapuches rejettent lâusage du nom Araucan, car il sâagit dâune dĂ©nomination Ă©trangĂšre, attribuĂ©e par leurs ennemis. En revanche, le mot awqa fut bien adoptĂ© par les Mapuches, sous la forme awka, avec le sens dâ« indomptable, rebelle, vaillant »[22], les Mapuches acceptant cette fois de lâappliquer Ă eux-mĂȘmes[23].
Composition et répartition géographique actuelles
Au Chili
DâaprĂšs le recensement chilien de la population de 2002, 604 349 personnes dans ce pays se dĂ©claraient appartenant au peuple mapuche, ce qui reprĂ©sente approximativement 4 % de la population totale et 87,3 % de la population amĂ©rindienne totale du pays. Ils vivent principalement en Araucanie (33,6 %) et dans la rĂ©gion mĂ©tropolitaine de Santiago (30,3 %) et, en moindre nombre, dans les rĂ©gions du BiobĂo (8,8 %), des Lacs et des Fleuves (16,7 % pour ces deux derniĂšres prises ensemble).
Cependant, le recensement de 1992 avait enregistrĂ© 932 000 Mapuches (de plus de 14 ans ; si lâon avait inclus les personnes en dessous de cet Ăąge, le chiffre se serait Ă©levĂ© Ă 1 281 651)[24]. Cette baisse de quelque 30 % de la population mapuche en une dĂ©cennie a fait lâobjet de diverses tentatives dâexplication : certains soutiennent quâil sâagit dâun « gĂ©nocide statistique »[25], alors que pour dâautres, ce serait lĂ un « gĂ©nocide bureaucratique » visant Ă dĂ©lĂ©gitimer les revendications autochtones[26], mais pour dâautres encore, cette chute dâeffectifs sâexpliquerait par des diffĂ©rences dans les questions du recensement, sans intentions socio-politiques.
DâaprĂšs plusieurs ONG, la population mapuche rĂ©sidant actuellement au Chili se situerait entre 800 000 et 1 400 000 personnes, selon que lâon inclut ou non ceux uniquement qui ont conservĂ© leur culture ou revendiquent leur hĂ©ritage. Ainsi p.ex. lâenquĂȘte officielle Casen (acronyme de Encuesta de CaracterizaciĂłn SocioeconĂłmica Nacional), organisĂ©e tous les deux ou trois ans par le ministĂšre chilien des Affaires sociales, ne comptabilisa-t-elle que 625 005 Mapuches en 2006[27]. Les organisations autochtones pour leur part estiment Ă un million et demi le nombre de Mapuches au Chili[25].
En Argentine
En Argentine, les Mapuches ou Araucans constituent le peuple autochtone le plus nombreux, encore que leurs effectifs soient environ dix fois inférieurs à ceux du Chili.
Il a Ă©tĂ© calculĂ© sur la base de lâEnquĂȘte complĂ©mentaire sur les peuples autochtones (en espagnol Encuesta Complementaria de Pueblos autochtones, sigle ECPI) de 2004-2005, effectuĂ©e sur demande de lâĂtat argentin par lâInstitut national argentin de statistique et de recensement (lâINDEC, selon son acronyme en espagnol), que le nombre de personnes qui appartiennent au peuple mapuche ou sont des descendants de Mapuches de premiĂšre gĂ©nĂ©ration se chiffre Ă prĂšs de 105 000. De ces personnes, 73 % vivent dans les provinces de Chubut, de NeuquĂ©n et de RĂo Negro[28].
Selon lâECPI, 78 534 Mapuches se revendiquent tels dans les provinces de Chubut, NeuquĂ©n, RĂo Negro, Santa Cruz et Terre de Feu, dont 13 237 vivaient dans des communautĂ©s autochtones. Ă Buenos Aires et dans les 24 partidos du Grand Buenos Aires, 9745 personnes se reconnaissent comme Mapuches, comme câest le cas aussi de 20 527 individus dans le reste de la province de Buenos Aires et dans la province de La Pampa, individus dont cependant aucun ne vivait en communautĂ©. Le dĂ©compte pour lâensemble du pays donna comme rĂ©sultat 113 680 personnes se dĂ©clarant Mapuche, de qui 13 430 vivaient en communautĂ©.
Lors de la prĂ©paration du recensement argentin de 2001, des reprĂ©sentants mapuches formulĂšrent quelques critiques sur la conception et lâexĂ©cution de ce recensement, lui reprochant de ne pas garantir une participation adĂ©quate des peuples premiers, de reproduire le stĂ©rĂ©otype partial de « lâautochtone », de sous-estimer la migration mapuche vers les villes, et de sâappuyer sur des fonctionnaires manquant Ă leurs engagements juridiques et politiques[29]. La Commission de juristes autochtones en Argentine (la CJIA) introduisit un recours dâamparo, par lequel elle requĂ©rait que fĂ»t diffĂ©rĂ© le recensement de 2001, allĂ©guant quâelle nâavait pas bĂ©nĂ©ficiĂ© de son droit de participation tel que fixĂ© dans la Convention 169 de lâOIT et Ă lâarticle 75, alinĂ©a 17, de la Constitution nationale argentine. La controverse finit par conduire une partie de ces reprĂ©sentants Ă occuper les installations de lâInstitut national des affaires autochtones (INAI). Lors de la rĂ©alisation du recensement de 2001, une intervention directe dâenquĂȘteurs et dâassesseurs autochtones avait Ă©tĂ© prĂ©vue dans quelques provinces. Ce nonobstant, beaucoup contestent la validitĂ© de cette enquĂȘte[30].
Contredisant les chiffres de lâINDEC, une publication officielle du gouvernement argentin communiqua quâil existait 200 000 Mapuches habitant le territoire national[31]. Dâautres sources en revanche, non officielles, Ă©voquaient le nombre de 90 000[32] et de 200 000 personnes[33].
La communautĂ© mapuche elle-mĂȘme, en fort dĂ©saccord avec le recensement de lâINDEC, estime que les effectifs de la population mapuche en Argentine sâĂ©lĂšvent Ă 500 000 individus[25] - [34]. Des calculs effectuĂ©s en 1998-2000 permirent dâestimer que vivaient alors en Argentine jusquâĂ 300 000 Mapuches, dont quelque 70 000 Ă©taient Ă©tablis dans la seule province de NeuquĂ©n[35].
Les critiques mapuches Ă propos de la mĂ©thodologie argentine de recensement furent semblables Ă celles formulĂ©es contre le recensement chilien[36]. Sur la foi dâune enquĂȘte de lâECPI, les populations des provinces de NeuquĂ©n et de Chubut seraient respectivement Ă 7 % et Ă 5 % de souche Mapuche[37].
Le recensement national argentin de la population de 2010 mit au jour lâexistence, dans lâensemble du pays, de 205 009 personnes se reconnaissant comme Mapuches, dont 39 869 dans la province de RĂo Negro, 39 634 dans celle de NeuquĂ©n, 36 706 dans lâintĂ©rieur de la province de Buenos Aires, 31 771 dans la province de Chubut, 21 041 dans lâagglomĂ©ration de Buenos Aires, 6806 dans la ville de Buenos Aires, 6132 dans la province de Mendoza, 4973 dans celle de CĂłrdoba, 4408 dans celle de Santa Cruz, 4261 dans celle de La Pampa, 3084 dans celle de Santa Fe, 1280 dans celle de San Luis, 975 dans celle de Terre de Feu, 923 dans celle dâEntre RĂos, 562 dans celle de Misiones, 437 dans celle de TucumĂĄn, 417 dans celle de San Juan, 325 dans celle de La Rioja, 302 dans celle de Catamarca, et enfin 220 dans celle de Corrientes[38] - [39].
Dans la province de Buenos Aires, dans les partidos de General Viamonte (Los Toldos) et de Rojas, respectivement Ă 280 et 220 km Ă lâouest de Buenos Aires, subsiste une communautĂ© mapuche semi-acculturĂ©e descendant du boroano Ignacio Coliqueo, qui fut reconnu comme « cacique principal des Mapuches amis et colonel de lâarmĂ©e nationale » argentine et qui se vit accorder, lui et toute sa tribu, la propriĂ©tĂ© de deux lieues de terre[40] - [41]. Dans cette communautĂ©, la GuillatĂșn (cĂ©rĂ©monie propitiatoire traditionnelle) a cessĂ© de se pratiquer et seuls quelques-uns parlent encore le mapuzungun ; toutefois, les Mapuches de cette zone ont engagĂ© un processus de rĂ©cupĂ©ration de leurs racines et une des trois Ă©coles primaires de la communautĂ© enseigne la langue Mapuche[42].
La ConfĂ©dĂ©ration mapuche de NeuquĂ©n, fondĂ©e en 1970, regroupe les communautĂ©s rurales mapuches de la province de NeuquĂ©n, et ses autoritĂ©s sont Ă©lues lors dâun trahun (« parlement ») tous les deux ans[43]. ParticuliĂšrement importante est leur prĂ©sence dans le Parc national LanĂn, oĂč vivent entre 2500 et 3000 personnes, rĂ©partis dans 7 communautĂ©s (Aigo, Cañicul, CayĂșn, Curruhuinca, LefimĂĄn, Ăorquinko et Raquithue), sur des territoires qui sâĂ©tendent sur quelque 24 000 ha[44] et quâils considĂšrent comme les leurs propres[45].
La liste des communautĂ©s rurales araucanes existant dans la province de NeuquĂ©n en 2003 sâĂ©tablit comme suit[46] - [47] :
- DĂ©partement d'AluminĂ© : Aigo, CatalĂĄn, Currumil, Lefiman (*), Ăorquinko, PlĂĄcido Puel (*), Puel, Salazar, Tayiñ Rakizuam (*).
- DĂ©partement de CatĂĄn Lil : Cayulef, CayupĂĄn, Filipin, Paineo, Rams, ZĂșñiga.
- DĂ©partement de CollĂłn CurĂĄ : Ancatruz, NamuncurĂĄ.
- Département de Confluencia : Kaxipayiñ, Paynemil, Purrån (*), Ragiñ Ko.
- Département de Huilliches : Atreuco, Cañicul, Chiuquilihuin, Linares, Painefilu, Raquithue.
- DĂ©partement de LĂĄcar : CayĂșn, Curruhuinca, Vera.
- DĂ©partement de LoncopuĂ© : Kilapi, Mellao Morales, MillaĂn.
- Département de Minas : Antiñir Pilquiñan.
- DĂ©partement de ĂorquĂn : Colipilli, Manqui, Maripil (*).
- DĂ©partement de PicĂșn LeufĂș : Marifil.
- DĂ©partement de Picunches : Cheuquel, Milaqueo.
- Département de Zapala : Antipan, Gelay Ko (*), Gramajo, Kalfucurå, Quinchao, Wiñoy Folil (*), Zapata.
(*) communautés de constitution récente.
Dans la province de RĂo Negro, les communautĂ©s mapuches se sont groupĂ©es dans la Coordination du parlement du peuple mapuche de RĂo Negro (en espagnol Coordinadora del Parlamento del Pueblo Mapuche de RĂo Negro). Fin 2002, les communautĂ©s rurales et urbaines de cette province sâĂ©numĂ©raient comme suit[48] : Cañumil ; Anekon Grande ; Cerro Bandera (Quimey Piuke Mapuche) ; Quiñe Lemu (Los Repollos) ; Wri Trai ; Tripay Antu ; Ranquehue ; Monguel Mamuell ; Pehuenche (Arroyo Los Berros) ; Makunchao ; Centro Mapuche Bariloche ; Trenque Tuaiñ ; San Antonio ; Los Menucos ; Putren Tuli Mahuida ; Ngpun Kurrha ; Peñi Mapu ; Cerro Mesa-Anekon Chico ; Lof Antual ; Wefu Wechu (Cerro Alto) ; CañadĂłn Chileno ; Lof Painefil ; Cai â Viedma ; Fiske Menuco ; Kume Mapu ; Aguada de Guerra ; Tekel Mapu ; Carri Lafquen Chico Maquinchao ; Laguna Blanca ; RĂo Chico ; Yuquiche ; Sierra Colorada.
Dans la province de Chubut rĂ©side la communautĂ© Limonao et des groupes mĂ©tissĂ©s de Mapuches et de Tehuelches, produits de lâaraucanisation, qui se nomment eux-mĂȘmes Mapuche-Tehuelche.
La province de Santa Cruz compte Ă©galement des communautĂ©s Mapuche-Tehuelche, au nombre de quatre : Ă Caleta Olivia (Willimapu), Ă RĂo Gallegos (AituĂ©), Ă RĂo Turbio (Millanahuel) et Ă Puerto Santa Cruz (Fem Mapu)[49] - [50].
Par suite de la campagne militaire dite ConquĂȘte du DĂ©sert, les Pehuenches disparurent virtuellement en tant que peuple sur le territoire argentin, nombre dâentre eux ayant probablement franchi la CordillĂšre des Andes Ă destination du Chili.
Dans la province de Mendoza, des groupes pehuenches ont commencĂ© Ă sâorganiser Ă partir de 2007, en Ă©lisant un werkĂ©n (« porte-parole ») et en mettant sur pied deux lofs (« communautĂ©s ») dans le dĂ©partement de MalargĂŒe, auxquelles la personnalitĂ© juridique fut accordĂ©e en 2009; ce sont :
- Kupan Kupalme (ou Juan Cupalme, dans la zone est de la Payunia)[51].
- Malal Pincheira (dans les Castillos de Pincheira et sur la riviĂšre Buta MallĂn)[52].
Ă partir de 1995, par le biais dâune inscription officielle dans le Registre national des communautĂ©s autochtones (Renaci), lâInstitut national des affaires autochtones (INAI) commença Ă attribuer la personnalitĂ© juridique Ă des communautĂ©s autochtones, en particulier mapuches[53] :
- Dans la province de Chubut :
- CommunautĂ© autochtone Emilio Prane (2 dĂ©cembre 1996), CommunautĂ© autochtone Huisca Antieco (dans le dĂ©partement de FutaleufĂș, 7 novembre 1996), CommunautĂ© autochtone HuangelĂ©n Puelo (dans le dĂ©partement de Cushamen, 28 septembre 2000), CommunautĂ© mapuche Motoco CĂĄrdenas (dans le dĂ©partement de Cushamen, 10 juin 2004), CommunautĂ© mapuche Enrique SepĂșlveda (dans le dĂ©partement de Cushamen, 23 fĂ©vrier 2005), CommunautĂ© mapuche Fentren Peñi (sur les sites Mina de Indio et Colonia Pastoril Cushamen (Colonie pastorale Cushamen), dĂ©partement de Cushamen, 27 novembre 2013).
- Dans la province de Neuquén :
- Groupement mapuche Cañicul (26 juin 1996), CommunautĂ© autochtone Cayun (3 juillet 1996), CommunautĂ© autochtone Raquitue (26 juillet 1996), CommunautĂ© Kallfukura (dans le dĂ©partement de Zapala, 15 octobre 1997), CommunautĂ© Kaxipayiñ (dans le dĂ©partement d'Añelo, 15 octobre 1997), CommunautĂ© autochtone Ăorkinko (8 juillet 1997), CommunautĂ© mapuche Lof Gelay Ko (dans le dĂ©partement de Zapala, 19 juillet 2002), CommunautĂ© Lof Lefiman (dans le dĂ©partement d'AluminĂ©, 19 juillet 2002), CommunautĂ© Lof Lonko Purran (dans le dĂ©partement de Zapala, 19 juillet 2002), CommunautĂ© lof Maripil (dans le dĂ©partement de ĂorquĂn, 19 juillet 2002), CommunautĂ© Lof Wiñoy Folil (dans le dĂ©partement de Zapala, 19 juillet 2002), CommunautĂ© Lof Wiñoy Tayin Rakizuam (dans le dĂ©partement d'AluminĂ©, le 19 juillet 2004), Lof Kinxikew (dans le dĂ©partement de Los Lagos, 9 janvier 2006), Lof Zuñiga (dans le dĂ©partement de CatĂĄn Lil, 9 janvier 2006), Lof Paichil Antreao (dans le dĂ©partement de Los Lagos, 5 juin 2007), CommunautĂ© Huenctru Trawel LeufĂș (dans le dĂ©partement de PicĂșn LeufĂș, 22 avril 2008), Lof Newen Mapu (dans le dĂ©partement de Confluencia, 12 novembre 2009).
- Dans la province de RĂo Negro :
- Communauté autochtone du peuple mapuche Thripan Anty (dans le département de Bariloche, 10 août 1998), Communauté mapuche Lof-Leufuche (dans le département d'El Cuy, 31 août 2000), Communauté mapuche Lof Wiritray (dans le département de Bariloche, 22 mars 2000), Communauté mapuche Lof Ranquehue (dans le département de Bariloche, 28 avril 2003), Communauté mapuche Tequel Mapu (dans le département de Bariloche, 13 janvier 2005).
- Dans la province de La Pampa :
- Communauté ranquel Manuel Baigorrita (dans le département de Loventué, 15 septembre 1999).
- Dans la province de Mendoza :
- CommunautĂ© mapuche Mapudungun (dans le dĂ©partement de Las Heras, 6 juin 2002), Lof Kupan Kupalme (dans le dĂ©partement de MalargĂŒe, 19 mai 2009), Lof Malal Pincheira (dans le dĂ©partement de MalargĂŒe, 19 mai 2009), Lof Poñiwe (sur le site El Alambrado, dĂ©partement de MalargĂŒe, 11 mars 2014), Lof Buta MallĂn, site Buta MallĂn dans le dĂ©partement de MalargĂŒe, 18 mars 2014).
- Dans la province de Buenos Aires :
- CommunautĂ© urbaine Peñi Mapu - Hermanos de la Tierra (dans le partido d'OlavarrĂa, 25 septembre 2003), CommunautĂ© mapuche de JunĂn (dans le partido de JunĂn, 6 janvier 2004), CommunautĂ© mapuche Gualmes de Malvinas Argentinas (dans le partido de Malvinas Argentinas, 27 janvier 2004), Lof Kuripan-Kayuman (dans le partido de BahĂa Blanca, 19 aoĂ»t 2005), CommunautĂ© Antu Ruca (dans le partido de Patagones, 20 juillet 2009), CommunautĂ© mapuche Ăuque Mapu del Campo La Cruz (dans le partido de JunĂn, 28 janvier 2009).
- Dans la province de Santa Cruz :
- Communauté mapuche Millaqueo (à Las Heras et sur le site Villa Picardo dans le département de Deseado, 25 mars 2014), Communauté mapuche Limonau (à Las Heras et à Laguna Sirven, département de Deseado, 20 décembre 2012).
- Dans la province de Mendoza (entités mapuche-pehuenche) :
- Lof El Altepal (sur les rives du fleuve MalargĂŒe, dĂ©partement de MalargĂŒe, 11 mars 2014), Lof Laguna IberĂĄ, sur le site El Morro, dĂ©partement de MalargĂŒe, 18 mars 2014).
- Dans la province de Santa Cruz (entités mapuche-Tehuelche) :
- Communauté Nehuen Mulfuñ (à Pico Truncado dans le département de Deseado, 25 mars 2014)[54].
- Dans la province del Chubut (entités mapuche-Tehuelche) :
- CommunautĂ© autochtone Vuelta del RĂo (dans le dĂ©partement de Cushamen, 24 fĂ©vrier 1997).
- Dans la province de RĂo Negro (entitĂ©s mapuche-Tehuelche) :
- CommunautĂ© autochtone RĂo Chico (dans le dĂ©partement de ĂorquincĂł, 1er septembre 2000).
- Dans la province de Buenos Aires (entités mapuche-Tehuelche) :
- Tehuelche Callvu Shotel (dans le partido de La Plata, 18 mai 2010).
Depuis 2009, la Province de Santa Fe recense les communautĂ©s autochtones dans le Registre spĂ©cial des communautĂ©s aborigĂšnes de la province de Santa Fe (en espagnol Registro Especial de Comunidades AborĂgenes, acronyme RECA) de lâInstitut provincial des aborigĂšnes de Santa Fe, leur octroyant Ă lâĂ©chelon provincial la personnalitĂ© juridique, et ainsi notamment Ă une communautĂ© mapuche[55] : la CommunautĂ© Xavn Inay Leufv (dans la ville de Rosario, dĂ©partement de Rosario, 26 novembre 2015).
Identités territoriales et ethnies
Principaux groupes
Quelques Ă©tudes contemporaines rĂ©partissent les autochtones de langue mapuche en plusieurs groupes selon le territoire quâils occupent et sur la base de certaines diffĂ©rences culturelles dĂ©rivĂ©es de cette localisation ; nĂ©anmoins, pour lâensemble des chercheurs, tous sont Mapuches, et ne se diffĂ©rencient plus guĂšre, ainsi quâil appert de la liste ci-dessous, que par le lieu gĂ©ographique oĂč ils sont Ă©tablis. Les dĂ©nominations assignĂ©es Ă ces groupes sont dĂ©ictiques et sâentendent par rapport au point de rĂ©fĂ©rence que sont les Mapuches dâAraucanie :
- Picunches (âgens du nordâ) : Ă©tablis entre les fleuves Choapa et Maule (territoire ayant pour nom Pikun Mapu). Une partie de ce groupe, les Promaucaes, sâĂ©tait autrefois pacifiquement mĂ©langĂ© Ă lâEmpire inca[57]. Leur principale activitĂ© Ă©conomique Ă©tait lâagriculture, pratiquĂ©e selon un systĂšme dâagriculture itinĂ©rante. Ils sâadonnaient en outre Ă lâĂ©levage de lamas et connaissaient la poterie en grĂšs. Ils se constituĂšrent comme peuple par acculturation et mĂ©tissage avec les colonisateurs espagnols ; de ce mĂ©lange est issue la majeure partie de la population qui habite la zone centrale du Chili. Dâautres groupes identifiĂ©s par les Espagnols, en plus des Promaucaes, Ă©taient les Mapochoes, les Maules et les Cauquenes.
- Araucans ou Mapuches (au sens strict) : Ă©tablis entre le fleuve Maule et le lac Llanquihue. DâaprĂšs les chroniques, ils furent les protagonistes de la guerre dâArauco, rĂ©sistant avec succĂšs aux tentatives de conquĂȘte, dâabord des Incas, puis des Espagnols. Les Mapuches de lâautre versant des Andes les nommaient les Moluches (nguluche) (âgens de lâouestâ)[58].
- Huilliches (âgens du sudâ) : Ă©tablis entre le lac Llanquihue et la grande Ăźle de ChiloĂ©. Leur Ă©conomie (et leur alimentation principale) Ă©tait basĂ©e sur la culture de la papa, du maĂŻs et du haricot, mais ils sâadonnaient aussi Ă la chasse et Ă la pĂȘche, et rĂ©coltaient des fruits de mer et des algues marines sur le littoral de lâocĂ©an Pacifique et sur les plages de la mer intĂ©rieure de ChiloĂ©. Les Huilliches dans le sud, de la mĂȘme maniĂšre que les Promaucaes dans le nord, se mĂ©langĂšrent Ă dâautres peuples autochtones parlant un idiome diffĂ©rent, les Chonos[57].
- Les Huilliches continueront certes de parler le mapudungun, mais avec des diffĂ©rences de prononciation et de vocabulaire, et la forme moderne de ce dialecte, parlĂ©e sur la cĂŽte dâOsorno, est connu aujourdâhui sous le nom de chesungun. Certains Huilliches ont Ă©tĂ© appelĂ©s Cuncos (dans la zone du canal de Chacao), Juncos (dans les plaines dâOsorno), et Payos (originaires du sud de lâĂźle de ChiloĂ©). Ce dernier groupe se composait dâagriculteurs et de pĂȘcheurs, parlait la langue mapuche, mais lâon ne sait pas avec certitude sâils formaient une branche des Huilliches ou un groupe au dĂ©part distinct ayant ensuite assimilĂ© la culture mapuche.
- Pehuenches (âgens du pehuĂ©nâ) : au XVIe siĂšcle, les dĂ©nommĂ©s Pehuenches anciens occupaient les rĂ©gions montagneuses des deux cĂŽtĂ©s de la cordillĂšre des Andes ; lors de lâexpansion mapuche, ces tribus furent les premiĂšres Ă adopter la langue et une partie des coutumes mapuches. JusquâĂ la fin du XIXe siĂšcle, la rĂ©gion Ă©tait peuplĂ©e uniquement dâindividus de langue mapuche et de culture mixte[59].
- Les Pehuenches anciens sont dĂ©crits comme Ă©tant de haute taille, minces, agiles et de teint sombre. Ils avaient de nombreux rapports avec leurs voisins huarpes, apprenant dâeux les techniques de la vannerie. Leurs vĂȘtements ont pu ĂȘtre confectionnĂ©s en cuir et sâorner de plumes de nandous ou dâautres oiseaux.
- La mise en place des Ătats argentin et chilien amena les autoritĂ©s de ces deux jeunes pays Ă instaurer un contrĂŽle plus serrĂ© Ă leur frontiĂšre commune, entravant ainsi la libre circulation des autochtones. Ă lâheure actuelle, cette peuplade est installĂ©e entre la VIIIe et la IXe rĂ©gion du Chili, et toujours dans la cordillĂšre. En fonction de la saison, ils occupent des positions plus en hauteur ou plus en aval des montagnes. En hiver, par exemple, ils Ă©vitent les tempĂ©ratures basses en descendant vers les vallĂ©es. Leurs moyens de subsistance sont les cueillettes estivales et les produits obtenus par lâĂ©levage.
- Lafquenches (âgens de la cĂŽteâ ou âde la merâ) : le territoire lafquenche est constituĂ© des eaux cĂŽtiĂšres de lâocĂ©an Pacifique chilien, de la bande littorale, des pentes de la CordillĂšre cĂŽtiĂšre et des abords du lac Budi[60] - [61]. Actuellement, il subsiste des communautĂ©s lafkenches dans le sud de la province dâArauco. Elles parlent espagnol et mapudungun et se vouent principalement Ă la pĂȘche artisanale[62].
Principaux peuples araucanisés
Ă partir du milieu du XVIIe siĂšcle[37], aprĂšs que la guerre dâArauco se fut faite moins intense, le commerce entre Araucans et criollos (colons espagnols nĂ©s dans les colonies) commença Ă se dĂ©velopper. Le bĂ©tail dĂ©robĂ© et le sel extrait dans la pampa Ă©taient vendus par les Araucans aux criollos du Chili et de Buenos Aires, ce quâils Ă©taient en mesure de faire grĂące Ă un autre apport de lâEspagne : lâutilisation du cheval. Au moyen du cheval, les Mapuches pouvaient faire parcourir au bĂ©tail, en un temps relativement court, lâimmensitĂ© de la pampa, vaste territoire herbu et presque inhabitĂ©.
En mĂȘme temps, les Mapuches se mirent Ă pratiquer lâĂ©levage dâovins et de bovins, animaux sur lesquels ils avaient rĂ©ussi Ă mettre la main par des malones (razzias) tant aux dĂ©pens des Espagnols que des Tehuelches et des Pampas. Ils nouĂšrent aussi des liens commerciaux avec les peuples habitant Ă lâest des Andes, avec qui ils Ă©changeaient du bĂ©tail et des marchandises, principalement le sel[63].
Les migrations de peuples autochtones, notamment celles des peuples mapuche et Tehuelche, Ă©taient motivĂ©es en grande partie par le commerce, tant avec dâautres autochtones quâavec les criollos. Il arrivait que des peuples diffĂ©rents se disputent la maĂźtrise des principales routes commerciales, mais le processus de « mapuchisation » a pour origine, dĂšs avant le milieu du XVIIIe siĂšcle, le fait totalement pacifique que des foires se tenaient Ă El CayrĂș et Ă ChapaleofĂș, dans les montagnes de la pampa humide (actuelle Argentine), lieux dâune trĂšs importante activitĂ© commerciale et dâĂ©change de produits entre les habitants des plaines pampĂ©ennes et des montagnes de lâactuelle province de Buenos Aires, ceux de la Patagonie septentrionale et ceux des deux versants de la cordillĂšre des Andes. Lors des foires dâEl CayrĂș et de ChapaleofĂș (appelĂ©es « ferias de los ponchos » par les jĂ©suites de lâĂ©poque qui les ont consignĂ©es, comme p.ex. Thomas Falkner) sâĂ©changeaient divers types de marchandises, allant de produits de lâĂ©levage et de lâagriculture aux produits vestimentaires, tels que les ponchos. El CayrĂș se trouvait dans la partie la plus occidentale du SystĂšme de Tandilia (sur le territoire de lâactuel partido dâOlavarrĂa), tandis que ChapaleofĂș fait rĂ©fĂ©rence Ă la zone le long de la riviĂšre homonyme coulant dans lâactuel partido de Tandil[64]. Ainsi se produisit-il, dĂšs le milieu du XVIIIe siĂšcle et parallĂšlement Ă ces mouvements de personnes dans le cadre des Ă©changes de marchandises, une certaine interpĂ©nĂ©tration culturelle entre diffĂ©rents peuples habitant des territoires sâĂ©tendant de la pampa humide jusquâĂ la zone bordant la cordillĂšre des Andes (sur son versant tant oriental quâoccidental) et jusquâau littoral pacifique, en passant par la Patagonie septentrionale. Ces dĂ©placements seront lâamorce de lâĂ©change culturel et de mouvements migratoires entre les diffĂ©rents peuples, dont en particulier les Tehuelches, les Ranquels et les Mapuches[65]. Cette influence mapuche, commerciale Ă lâorigine, puis reposant sur des alliances, finit par exercer un fort impact culturel sur les Tehuelches et dâautres peuples, et donnera lieu Ă quâon la nomme aujourdâhui « mapuchisation » ou « araucanisation » des Pampas et de la Patagonie. Une bonne part des Tehuelches feront siennes tout un ensemble de coutumes des Mapuches, de mĂȘme aussi que leur langue, pendant que les Mapuches pour leur part adopteront pour partie le mode de vie Tehuelche (comme p.ex. sâabriter dans des tolderĂas, campements de tentes), par suite de quoi les diffĂ©rences entre les deux groupes sâestomperont progressivement, Ă telle enseigne que leurs descendants sâappellent eux-mĂȘmes aujourdâhui Mapuche-Tehuelches[66]. Lâaraucanisation, câest-Ă -dire lâassimilation et le mĂ©tissage par les Mapuches des peuples vivant Ă lâest des Andes, fut un processus complexe et graduel, sâĂ©tendant sur plusieurs gĂ©nĂ©rations[67].
Cependant, lâaraucanisation fut aussi en partie la consĂ©quence de guerres de conquĂȘte. Avec lâadoption de lâĂ©levage, et le nouveau mode de vie qui en rĂ©sulta, les peuples des pampas virent leurs effectifs de population augmenter, ce qui provoqua entre des groupes rivaux une sĂ©rie de conflits autour des ressources. Cela facilita la guerre de conquĂȘte des Mapuches et la subsĂ©quente acculturation de nombreuses tribus Ă ces mĂȘmes Mapuches[68].
Si, Ă partir du XVIe siĂšcle, les Tehuelches avaient su, grĂące au cheval, rĂ©aliser depuis le sud une expansion en propageant leur culture par toute la pampa, ce processus dâexpansion territoriale et culturelle fut bloquĂ© vers le milieu du XVIIIe siĂšcle par lâarrivĂ©e des Araucans[69].
Vers 1820 eut lieu la plus grande migration de Mapuches vers lâactuel territoire argentin, lorsquâenviron 40 000 Borogas franchirent les Andes, consĂ©quence indirecte de la Guerre Ă mort entre les troupes royalistes espagnoles et les forces patriotes dans le sud du Chili.
Les principaux peuples araucanisĂ©s sâĂ©numĂšrent comme suit :
- les Chonos : vivant au sud de Chiloé (archipel des Chonos), ils furent emmenés par les missionnaires vers les ßles et adoptÚrent le mode de vie huilliche. Il est conjecturé que les Payos pourraient avoir été des Chonos ultérieurement mapuchisés.
- les Poyas, y compris les Vuriloches, plus tard « poyuche » : ils habitaient, et leurs descendants habitent encore, les Ă©tendues montagneuses dans le sud de la province argentine de NeuquĂ©n et dans le nord-ouest de la province de RĂo Negro, principalement.
- les Puelches (âgens de lâestâ) : si les Mapuches donnaient ce nom Ă diffĂ©rents groupes Ă lâest des Andes, il est nĂ©anmoins dâusage en espagnol de dĂ©signer par ce terme ceux que se nomment eux-mĂȘmes gĂŒnĂŒna kĂŒne. Ils se groupaient en familles Ă©tendues, dirigĂ©es par un cacique. Les familles pratiquaient la monogamie, quoique les caciques et les individus importants fussent autorisĂ©s Ă avoir plusieurs Ă©pouses. Ils Ă©taient de haute stature et de visage allongĂ©, quâils avaient coutume de dĂ©former artificiellement chez leurs bĂ©bĂ©s. Leur mode de vie Ă©tait nomade et leur alimentation principale Ă©tait obtenue Ă partir du guanaco et du nandou, quâils chassaient Ă lâarc et Ă la flĂšche et au moyen de boleadoras. Dâautre part, ils cueillaient des racines et des semences et savaient prĂ©parer des boissons alcoolisĂ©es. Ils sâabritaient dans des toldos (tentes) faites de peaux, et leur vĂȘtement Ă©tait le quillango, pelisse confectionnĂ©e avec la peau du guanaco, le poil tournĂ© en dedans, quâils ornaient de dessins gĂ©omĂ©triques sur sa face extĂ©rieure. Ils assujettissaient leur chevelure avec un bandeau et se chaussaient de mocassins de cuir. Ils avaient aussi coutume de se peindre le visage Ă certaines occasions.
- les Ranqueles (rangkĂŒlche, âgens des cannesâ ou âgens du roseauâ) : les Ranquels surgirent de la mapuchisation de groupes apparemment liĂ©s aux Puelches. Au XIXe siĂšcle, en particulier au temps du cacique CalfucurĂĄ, ils jouĂšrent un rĂŽle trĂšs actif dans les guerres et les incursions contre la population argentine de la province de Buenos Aires.
- les Tehuelches : ils vivaient en Patagonie, au nord du dĂ©troit de Magellan, majoritairement sur lâactuel territoire argentin. Les Mapuches dĂ©signaient tous les Tsoneks, appelĂ©s Patagons par les Espagnols, du nom de Chewelche, « gens vaillants », en raison de la rĂ©sistance quâils opposĂšrent Ă lâexpansion mapuche Ă lâest des Andes. Leur structure socio-politique Ă©tait lignagĂšre, câest-Ă -dire reposait sur la reconnaissance de lignages, dirigĂ©s chacun par un chef, et sâappuyait sur des chamanes. Leurs croyances religieuses simples postulaient la prĂ©sence dans leur monde dâesprits bienveillants Ă lâorigine de la joie et dâesprits malveillants provoquant dommages et maladies. Ils inhumaient les dĂ©funts, et avec eux leurs possessions, dans des tombes creusĂ©es dans le sol ou dans des cavernes quâils couvraient de pierres. Leur Ă©conomie Ă©tait tributaire de la chasse au guanaco et au nandou, pour laquelle ils faisaient usage de leurs fameuses boleadoras, et de la cueillette de tous types de racines et de semences sylvestres. Ils sâhabillaient de capes en peau de guanaco serrĂ©es Ă la taille par un bandeau, et se couvraient les pieds avec une sorte de mocassins de cuir trĂšs Ă©pais.
- Certains auteurs classent les Patagons comme ramification mapuche ; dâautres au contraire considĂšrent que les diffĂ©rences culturelles, comme p. ex. celles linguistiques, entre Patagons et Mapuches sont rĂ©dhibitoirement importantes. Il est certain que la relation entre Tehuelches et Araucans en fut une continuellement belliqueuse. Les Tehuelches septentrionaux, infĂ©rieurs en nombre et en tactique de combat, nâeurent dâautre issue, devant lâinvasion mapuche de Comahue et de la rĂ©gion pampĂ©enne, que de se replier vers le sud ; les survivants demeurĂ©s sur place seront majoritairement acculturĂ©s.
- Vers 1870, les Patagons continuaient Ă livrer de farouches combats contre les Araucans dans les environs du fleuve rĂo Chubut, zone qui restera la limite mĂ©ridionale de lâexpansion mapuche. Cette guerre entre Tehuelches (ou Patagons) et Mapuches (ou Araucans) a pu ĂȘtre regardĂ©e comme une sorte de gĂ©nocide perpĂ©trĂ© par les seconds contre les premiers.
Au XXIe siĂšcle, les subdivisions retenues pour les groupes autochtones apparaissent lĂ©gĂšrement diffĂ©rentes. Le point de rĂ©fĂ©rence des dĂ©nominations sera dĂ©sormais toujours lâangle de vue des Mapuches de la IXe RĂ©gion chilienne, plus particuliĂšrement de la province de CautĂn :
- Le terme de Mapuche est Ă prĂ©sent dâusage gĂ©nĂ©ral, avec des distinctions faites occasionnellement entre les ramifications ethniques. On continue Ă confondre Mapuche et Araucan, tandis que le mot moluche est tombĂ© en dĂ©suĂ©tude.
- Il nâexiste plus de reprĂ©sentants du peuple picunche, vu quâils ont Ă©tĂ© totalement acculturĂ©s pendant lâĂ©poque espagnole, constituant aujourdâhui dans une large mesure lâun des substrats originaires de la population de la vallĂ©e centrale du Chili, cependant que les Mapuches continuent dâutiliser ce terme, dans son sens littĂ©ral, pour dĂ©signer une communautĂ© Ă©tablie plus au nord que le locuteur.
- Dans les provinces chiliennes dâOsorno et de ChiloĂ© est implantĂ© le peuple huilliche. Occasionnellement, les Huilliches de ChiloĂ© prĂ©fĂšrent nommer Veliches aussi bien eux-mĂȘmes que la variante de la langue mapudungun quâils utilisaient jusquâĂ la fin du XIXe siĂšcle.
- Dans les provinces chiliennes de Malleco et de CautĂn sont utilisĂ©s les noms de Nagche, 'gens dâen bas', pour les habitants de la VallĂ©e centrale et Wenteche, 'gens dâen haut', pour ceux habitant dans la PrĂ©cordillĂšre andine ; ces deux dĂ©nominations ont une signification territoriale plutĂŽt que culturelle.
Territoire historique
Les Mapuches (ou Araucans) nâont jamais formĂ© un peuple uni, mais se prĂ©sentaient plutĂŽt comme une juxtaposition de tribus parlant une langue commune, le mapudungun. Le concept de nation mapuche ne commença Ă apparaĂźtre que vers la fin du XIXe siĂšcle, au cours du processus de conquĂȘte des territoires mapuches par le Chili et lâArgentine[70] - [71].
Le territoire revendiquĂ© par les Mapuches est appelĂ© par ceux-ci Mapuche Wallontu Mapu, ou plus simplement Wallmapu ('terre entourante, ceinturante'), et se divise en deux parties, sĂ©parĂ©es par le Pire Mapu (ou cordillĂšre des Andes) : le Ngulu Mapu et le Puel Mapu. Ces deux parties se subdivisent Ă leur tour en portions de territoire dĂ©nommĂ©es fĂŒtanmapus (ou butanmapus), qui coĂŻncident jusquâĂ un certain point avec les butanmapus (confĂ©dĂ©rations militaires) de la guerre d'Arauco.
Ngulu Mapu
Le Ngulu Mapu ('terre de lâouest'), qui fait partie de lâactuel Chili et quâhabitent les Nguluches, sâĂ©tend du rĂo LimarĂ[72] au nord jusquâĂ lâĂźle de ChiloĂ© et lâanse de ReloncavĂ au sud, et entre lâocĂ©an Pacifique (ou FĂŒta Lafken) Ă lâouest et la cordillĂšre des Andes Ă lâest.
Le Ngulu Mapu se subdivise en les fĂŒtanmapu suivants[73] :
- le Pikun Mapu ('terre du nord')[74] : sis entre les fleuves LimarĂ et BiobĂo, il fut autrefois habitĂ© par les Picunches, ou « gens du nord », peuplade aujourdâhui Ă©teinte, dont les effectifs se situaient entre 110 000 et 220 000 personnes[75] - [76].
- le Nag Mapu ('terre dâen bas') ou Lelfun Mapu ('terre des plaines')[77] : dĂ©limitĂ©e par les fleuves BiobĂo et ToltĂ©n, cette portion de territoire Ă©tait habitĂ©e par les Nagches, « ceux dâen bas », « ceux des plaines » (ces plaines Ă©tant celles de la VallĂ©e centrale), qui Ă©taient au nombre de 227 000 environ en 1545, dont 45 000 guerriers[78]. Ce sont eux qui eurent Ă supporter la plus grande part de lâeffort de guerre contre les EuropĂ©ens, les batailles tendant en effet Ă se concentrer dans le PurĂ©n et dans la province d'Arauco. Leurs principaux rivaux Ă©taient les Wenteches, avec lesquels Espagnols et criollos les confondaient volontiers[79].
- le Wente Mapu ('terre des vallĂ©es')[77] : cette zone, situĂ©e sur les hauteurs de la prĂ©cordillĂšre des Andes, dans les provinces de Malleco et de CautĂn, Ă lâest de la cordillĂšre de Nahuelbuta, accueillait les Moluches et les Wenteches, qui Ă©taient environ 227 000 en 1545[78].
- le Lafken Mapu ('terre maritime')[80] : rĂ©gion sise entre les fleuves BiobĂo et ToltĂ©n, dans la province de CautĂn, et entre les baies de MehuĂn et de Corral, dans la province de Valdivia. Elle Ă©tait peuplĂ©e par les Lafkenche ou « gens de la mer », Ă©tablis dans la rĂ©gion cĂŽtiĂšre Ă lâouest de la cordillĂšre de Nahuelbuta. Ils pourraient avoir comptĂ© jusquâĂ 500 000 habitants, si lâon en croit les sources espagnoles faisant Ă©tat dâarmĂ©es mapuches cĂŽtiĂšres de 100 000 guerriers.
- le Inapire Mapu ('terre confinant aux neiges') ou Wichan Mapu ('terre des mornes') : zone de la précordillÚre entre les fleuves Biobio et Toltén, peuplée par quelque 227 000 individus en 1545.
- le Pewen Mapu ('terre des araucarias') ou Pire Mapu ('terre des neiges')[81] : sis dans le haut BiobĂo et, en Argentine, dans le sud de la province de Mendoza et le nord de celle de NeuquĂ©n, ce territoire Ă©tait habitĂ© par les Pehuenches ou gens du PehuĂ©n. Ils Ă©taient au nombre de 40 000 personnes[82].
- le Willi Mapu ('terre du sud')[83] : habitĂ© par les Huilliches ou « gens du sud », entre le fleuve ToltĂ©n, lâanse de Reloncavi et ChiloĂ©. Sa population est estimĂ©e Ă 180 000 autochtones en 1535.
- le Futa Willi Mapu ('grand territoire du sud') ou Chawra kawin ('ensemble de la chaura')[84] : la rĂ©gion au sud du fleuve RĂo Bueno. Quelques historiens incluent dans lâethnie mapuche les Cuncos, pour la raison quâils parlaient mapuzungun. Il sâagit ici de 100 000 personnes encore[85].
Puel Mapu
Le Puel Mapu ('terre de lâEst'), qui fait partie de lâactuelle Argentine et Ă©tait habitĂ© par les Puelches (au sens gĂ©ographique, non historique), sâĂ©tend entre les riviĂšres Cuarto et Diamante au nord, et les fleuves Limay et Negro au sud, et entre la cordillĂšre des Andes Ă lâouest et le fleuve rĂo Salado de Buenos Aires (ou, vers 1750, la ligne des fortins et villages de San NicolĂĄs de los Arroyos, San Antonio de Areco, LujĂĄn et Merlo) et lâocĂ©an Atlantique (Ka FĂŒta Lafken) Ă lâest.
Le Puel Mapu se compose des butanmapus suivants :
- le MamĂŒll Mapu ('terre des mornes')[86] : habitĂ©e par les Mamulches ou gens des bosquets de mesquites et des algarrobos, cette zone correspond Ă la partie sud-ouest de lâactuelle province de CĂłrdoba, Ă la partie sud-est de celle de San Luis et Ă la partie centrale et centre-nord-ouest de celle de La Pampa. Ses habitants se mĂ©langĂšrent aux Ranquels au dĂ©but du XIXe siĂšcle, sous lâautoritĂ© de CarripilĂșn.
- le RangkĂŒl Mapu ('terre des roseliĂšres') : rĂ©gion peuplĂ©e par les Ranquels, « gens des roseliĂšres », qui cĂŽtoyaient les Mamulches Ă lâest. DĂšs le dĂ©but du XIXe siĂšcle, ils absorbĂšrent les Mamulches, les Chadiches et dâautres peuples, et leur territoire sâĂ©tait ainsi agrandi jusquâĂ couvrir lâouest de la province de Buenos Aires, le sud de la province de Santa Fe, le sud de la province de CĂłrdoba, le sud de la province de San Luis, le sud-est de la province de Mendoza, la totalitĂ© de la province de La Pampa, et le nord de la province de RĂo Negro[87].
- le Chadi Mapu ('terre des lacs salés') : région située autour du lac Urre Lauquen, dans la zone de dépression dans le sud de la province de La Pampa, et peuplée par les gens de la terre du sel ou sauniers, appelés également Chadiches, qui se laissÚrent absorber par les autres peuplades mapuches.
- le Puel Willi Mapu ('terre du sud-est')[88] : habitĂ©e par les gens du sud-est, les pommiers ou Puelches, cette zone correspond aux territoires de lâouest du Chubut et du sud du RĂo Negro et vit se mĂ©langer les peuples mapuche, pehuenche et Tehuelche.
Ces diffĂ©rentes peuplades autochtones Ă©tablies dans les pampas et parlant mapudungun totalisaient jusquâĂ 150 000 personnes avant leur soumission par les troupes argentines[89].
- le Boroa ('lieu aux ossements') : ses habitants, qui sâĂ©taient dĂ©placĂ©s aux alentours de 1820 de lâAraucanie vers les pampas, Ă©taient environ 40 000.
Histoire
Origine
Lâorigine des Mapuches nâa pu ĂȘtre Ă©tablie avec certitude. La thĂ©orie la plus couramment admise, dite autochtoniste, postule une apparition autonome de la culture mapuche au Chili, sans exclure des Ă©changes ultĂ©rieurs avec les peuples environnants, y compris avec la sphĂšre incaĂŻque. En effet, vers le Ve siĂšcle existaient dĂ©jĂ dans la DĂ©pression intermĂ©diaire de lâactuel Chili des foyers de civilisation dont on peut suivre le cheminement jusquâĂ lâĂ©poque moderne, et qui ont pu ĂȘtre les ancĂȘtres de la culture mapuche ; ont ainsi Ă©tĂ© Ă©voquĂ©s, comme possibles prĂ©dĂ©cesseurs des Mapuches, les groupes Ă lâorigine des cultures bato, El Vergel, llolleo, pitrĂ©n et â hypothĂšse rĂ©cente (2007) â molle. Des thĂ©ories plus anciennes tendant Ă situer lâorigine des Mapuches dans la Pampa, dans la zone pĂ©ruvienne, en Amazonie, voire en AmĂ©rique centrale, ont Ă©tĂ© Ă©cartĂ©es, faute dâĂ©lĂ©ments archĂ©ologiques, ethnologiques, linguistiques et gĂ©nĂ©tiques pour les appuyer.
HypothĂšses anciennes
Plusieurs thĂ©ories concernant lâorigine des Mapuches ont eu cours anciennement, dont les trois plus connues, toutes actuellement trĂšs contestĂ©es cependant, sont les suivantes :
- l'hypothĂšse de lâarchĂ©ologue autrichien Osvaldo Menghin, qui proposa en 1909 que les Mapuches seraient originaires de lâAmazonie et quâils auraient Ă©migrĂ© vers lâAraucanie, en traversant le centre de lâactuelle Argentine pour ensuite franchir la cordillĂšre des Andes. Menghin sâappuyait sur la similitude entre les traits de la civilisation mapuche et ceux dâun sous-groupe ethnique de lâAmazonie.
- la thĂ©orie de lâarchĂ©ologue, ethnologue et folkloriste anglo-chilien Ricardo Latcham Cartwright, laquelle postule que des mouvements migratoires auraient conduit les Mapuches Ă quitter la Pampa argentine et Ă venir sâĂ©tablir, en empruntant les cols andins, sur lâactuel territoire chilien, entre les fleuves BiobĂo et ToltĂ©n[90] - [91]. Cette mĂȘme thĂšse affirmait que ce faisant les Mapuches, peuple guerrier semi-nomade, sâĂ©taient enfoncĂ©s comme un coin entre les Picunches et les Huilliches, peuplades au contraire pacifiques et sĂ©dentaires, et jusque-lĂ unis culturellement et territorialement. Selon le mĂȘme auteur, il y aurait eu deux foyers de peuplement : un premier de pĂȘcheurs et rabouilleurs installĂ©s le long de la ligne cĂŽtiĂšre, qui aurait Ă©voluĂ© vers une culture de chasseurs-cueilleurs, et un second, au premier peuplement duquel se serait joint une peuplade venue du nord, beaucoup plus civilisĂ©e et maĂźtrisant bien le travail agricole et lâĂ©levage, en plus du tissage et de la poterie. Au grĂ© des migrations successives, ces groupes se seraient dĂ©placĂ©s vers le sud de lâAmĂ©rique et auraient dominĂ© les communautĂ©s primitives du Chili en leur imposant leurs coutumes, leur religion et leur langue, le mapudungun, encore quâil y ait des auteurs pour admettre que les envahisseurs aient adoptĂ© la langue et une partie de la culture de leurs voisins. Plus tard, lâhypothĂšse de Latcham fut soutenue par lâhistorien Francisco Antonio Encina, ce qui la popularisera, car elle passa du coup dans les livres dâhistoire des Ă©coles chiliennes.
- la thĂšse de TomĂĄs Guevara, formulĂ©e en 1925, postulant un dĂ©placement du nord vers le sud de groupes de pĂȘcheurs et rabouilleurs ayant des affinitĂ©s avec la culture Tiahuanaco (implantĂ©e sur lâactuel territoire bolivien). Les diffĂ©rences culturelles entre les groupes mapuches du nord, du centre et du sud sâexpliqueraient par le contact avec des peuples Ă©trangers envahisseurs, en lâespĂšce les Incas au XVe siĂšcle et les Espagnols au XVIe siĂšcle. Lâuniversitaire argentin Roberto Edelmiro Porcel sâest ralliĂ© Ă lâhypothĂšse dâune « origine pĂ©ruvienne » des Mapuches, les caractĂ©risant comme des Aymaras qui se seraient dĂ©placĂ©s vers le sud du Chili Ă la suite des guerres opposant lâAnti Suyu et le Kunti Suyu (deux des quatre subdivisions de lâEmpire inca)[92].
La thĂšse de Latcham saura sâimposer jusquâĂ la seconde moitiĂ© du XXe siĂšcle, bien quâil nây eĂ»t pour la soutenir aucun Ă©lĂ©ment de preuve ni archĂ©ologique, ni ethnographique, ni linguistique solide. Ă lâheure actuelle, il existe un certain consensus en faveur de la thĂ©orie dite « autochtoniste », qui tient que lâorigine mapuche doit ĂȘtre cherchĂ©e dans lâactuel territoire chilien lui-mĂȘme.
Données archéologiques
Sur le territoire historique des Mapuches au Chili ont existé autrefois plusieurs cultures anciennes attestées archéologiquement :
- le complexe archĂ©ologique dâEl Vergel, dont la date est Ă situer entre les XIIe et XVIe siĂšcles, possĂšde des caractĂ©ristiques propres aux cultures de la pĂ©riode agrocĂ©ramique tardive du Chili. Compte tenu de la proximitĂ© chronologique avec la premiĂšre apparition de Mapuches documentĂ©e historiquement et de la coĂŻncidence gĂ©ographique, il apparaĂźt quasi certain que le complexe dâEl Vergel doit, dĂšs ses origines, ĂȘtre attribuĂ© Ă des hommes de langue mapudungun. Cette culture a un prĂ©dĂ©cesseur plus ancien encore, Ă savoir :
- la culture Aconcagua qui, remontant Ă une pĂ©riode entre les Xe et XVIe siĂšcles, Ă©tait une civilisation nĂ©olithique tardive[93] (Ă ranger plus spĂ©cifiquement dans la pĂ©riode agrocĂ©ramique intermĂ©diaire tardive du Chili[94]) et occupait au moment de lâarrivĂ©e des Espagnols la rĂ©gion comprise entre les fleuves Aconcagua au nord, plus particuliĂšrement lâĂ©tendue appelĂ©e vallĂ©e de l'Aconcagua, et Cachapoal au sud[95] - [96]. Cette culture avait Ă©tĂ© Ă son tour prĂ©cĂ©dĂ©e par :
- la culture PitrĂ©n, qui se manifesta Ă partir du VIIe siĂšcle, et par lĂ appartient Ă la pĂ©riode agrocĂ©ramique prĂ©coce du Chili. Les communautĂ©s classĂ©es sous cet intitulĂ© Ă©taient implantĂ©es entre le BĂo BĂo et le lac Llanquihue, dans lâactuelle rĂ©gion des Lacs[97].
Données ethnographiques et linguistiques
Les Mapuches historiques nâĂ©taient parfaitement homogĂšnes ni culturellement ni linguistiquement, quelques diffĂ©rences mineures se manifestant en effet parmi eux. Les Mapuches au sens large Ă©taient liĂ©s aux dĂ©nommĂ©s Huilliches (groupes mĂ©ridionaux) et Picunches (groupes septentrionaux), cependant que, ethnologiquement, le peuple mapuche se subdivise en plusieurs sous-groupes, lesquels, pour rappel, sâĂ©numĂšrent comme suit :
- Picunches :
- Huaycoches, o Mapochoes, Picunches de la vallée de Santiago du Chili ;
- Promaucaes, Picunches des bassins du Maipo et du Maule.
- Mapuches (au sens propre) ou Araucans :
- Lafkenches (Mapuches du littoral, du BiobĂo Ă Valdivia) ;
- Nguluches (Mapuches des vallĂ©es de lâAraucanie et de lâactuelle province de Valdivia).
- groupes araucanisés (Chili oriental et Argentine) :
- Pehuenches (peuples araucanisés des Andes) ;
- Ranquels (Tehuelches et Hets aracaunisés).
- Huiliches :
- Cuncos, sous-groupe mapuchisé.
La langue des Mapuches, le mapudungun (avec sa variĂ©tĂ© mĂ©ridionale appelĂ©e chesungun) constitue un isolat, câest-Ă -dire quâil nây a pas de parentĂ© prouvĂ©e avec dâautres langues, ni dans la rĂ©gion mĂȘme, ni en dehors dâelle. Un certain nombre de propositions ont pu ĂȘtre faites sur de possibles apparentements, en particulier avec le gĂŒnĂŒna yajich ou avec les langues chon, toutefois ces propositions ne rĂ©sistent pas Ă un examen critique, et aucune parentĂ© avec les langues circonvoisines nâa finalement pu ĂȘtre retenue. Dâautres propositions dâapparentement, qui nâont jamais Ă©tĂ© que mĂ©diocrement acceptĂ©es et ont Ă©tĂ© depuis lors complĂštement Ă©cartĂ©es, comprennent celles formulĂ©es par Louisa Stark et Eric Hamp au dĂ©but des annĂ©es 1970, en lâespĂšce avec des langues de MĂ©soamĂ©rique, ou celle, Ă©galement abandonnĂ©e, qui considĂšre le mapudungun comme appartenant au groupe des langues yungas. Le linguiste amĂ©ricain Lyle Campbell, qui a analysĂ© ces hypothĂšses, a apportĂ© des Ă©lĂ©ments pĂ©remptoires propres Ă devoir les rejeter. Plus rĂ©cemment (1978), Mary R. Key a mis en avant un possible lien de parentĂ© avec dâautres langues du Chili mĂ©ridional, notamment le kawĂ©sqar et le yagan (en outre, les thĂšses de Key mettent ces idiomes en relation avec des langues de Bolivie et du PĂ©rou, thĂšses qui ne reçurent pas davantage lâadhĂ©sion des spĂ©cialistes). Joseph Greenberg reprendra sans grand succĂšs quelques-unes des conjectures antĂ©rieures en postulant un groupe andin dans lequel il a classĂ© le mapuche aux cĂŽtĂ©s de quelques-uns des groupes mentionnĂ©s ci-dessus. Ă lâheure actuelle, la plupart des spĂ©cialistes considĂšrent que le mapudungun nâest apparentĂ© Ă aucune autre langue connue, ce qui tend Ă appuyer la thĂšse dâune ethnogenĂšse distincte du reste des peuples amĂ©rindiens dâAmĂ©rique du Sud.
Données génétiques
Les populations autochtones andines et chiliennes prĂ©sentent, par rapport Ă celles de la partie orientale de lâAmĂ©rique du Sud, une surreprĂ©sentation de certains allĂšles peu frĂ©quents. Ce phĂ©nomĂšne, qui se produit quand la population dâune rĂ©gion est en augmentation constante, sâaccorde avec le fait que la rĂ©gion andine avait les plus fortes densitĂ©s de population depuis lâapparition de sociĂ©tĂ©s agricoles complexes vers 4000 av. J.-C., tandis que les populations du reste du continent Ă©taient plus fragmentĂ©es et avaient en gĂ©nĂ©ral un niveau plus faible de dĂ©veloppement socio-Ă©conomique et dĂ©mographique[98].
Les donnĂ©es archĂ©ologiques et gĂ©nĂ©tiques suggĂšrent que les populations humaines ont pĂ©nĂ©trĂ© en AmĂ©rique du Sud pendant le plĂ©istocĂšne. En outre, les donnĂ©es sur la diffusion gĂ©nĂ©tique laissent supposer que la rĂ©gion andine devait, depuis des temps trĂšs reculĂ©s, ĂȘtre la plus peuplĂ©e, ce que suggĂšrent Ă©galement les donnĂ©es archĂ©ologiques[98]. Dâautre part, ces donnĂ©es indiquent que les populations mapuches, de mĂȘme que celles du sud du Chili, ont avec les populations autochtones des rĂ©gions hautes du PĂ©rou une plus grande proximitĂ© que, p. ex. les autochtones des zones basses de Bolivie ou de lâAmazonie.
Des donnĂ©es complĂ©mentaires ont montrĂ© que les Mapuches et les Yaghan ne prĂ©sentent presque jamais lâhaplogroupe A (ADNmt), et ne prĂ©sentent lâhaplogroupe B (ADNmt) que rarement, alors que chez les Pehuenches au contraire ces haplotypes sont trĂšs prĂ©sents. Cela tend Ă prouver que les Pehuenches ont une origine en partie diffĂ©rente des Mapuches[99], ce qui sâaccorde avec la thĂšse que les Pehuenches constituent au moins partiellement un groupe araucanisĂ©. Cependant, mĂȘme ainsi, Pehuenches et Mapuches prĂ©sentent entre eux, pour le reste des haplogroupes identifiĂ©s, une dissimilitude moindre quâavec les populations du Chili mĂ©ridional.
Théorie autochtoniste
Aucune des anciennes hypothĂšses nâapparaissant concluante ni dĂ©montrĂ©e, de nombreuses Ă©tudes archĂ©ologiques ont ensuite Ă©tĂ© menĂ©es, qui ont permis dâachever dâinvalider les thĂšses situant lâorigine des Mapuches dans les pampas, dans le Chaco ou en Amazonie[100]. Comme exemple de ces Ă©tudes archĂ©ologiques sont Ă mentionner en particulier les fouilles de lâanthropologue amĂ©ricain Tom Dillehay, qui mit au jour de nouveaux gisements archĂ©ologiques, comprenant notamment de grands tumulus de terre nommĂ©s cuel (ou kwel)[101].
Les recherches archĂ©ologiques de Grete Mostny et de Carlos Aldunate Solar ont apportĂ© la confirmation que dans lâunitĂ© culturelle mapuche prĂ©coce aucun Ă©lĂ©ment pampĂ©en nâest dĂ©tectable, Ă lâopposĂ© de ce qui avait Ă©tĂ© anciennement postulĂ© par Latcham. Aussi dâautres hypothĂšses nouvelles sur lâorigine de lâethnie mapuche ont-elles Ă©tĂ© formulĂ©es, portant que lâactuel territoire chilien aurait Ă©tĂ© habitĂ©, avant lâavĂšnement de la culture mapuche, par des groupes de cueilleurs qui, sans avoir de lieu de rĂ©sidence fixe, occupaient certaines zones de façon stable et vivaient de la chasse au guanaco et Ă lâhuemul, en plus de collecter des mollusques, des fruits et des graines. Il fut postulĂ© que ces groupes Ă©taient le socle du peuplement mapuche, et que lâun de ces groupes prit le dessus sur le reste et sut imposer sa langue et ses croyances. Cependant, lâon nâest pas en mesure encore dâindiquer avec prĂ©cision comment cette ethnie sâest constituĂ©e, les Ă©lĂ©ments de preuve disponibles permettant de prĂ©ciser seulement quâaux environs des annĂ©es 500 et 600 avant. J.-C., il existait une culture que lâon peut avec certitude suivre dans le temps jusquâaux Mapuches des siĂšcles ultĂ©rieurs.
Selon lâanthropologue et historien JosĂ© Bengoa, « les Mapuches, comme tous les peuples originaires, furent les premiers Ă nommer les paysages du Chili », ajoutant plus loin que « les anciens Mapuches, dâaprĂšs toutes les nouvelles thĂ©ories, seraient originaires du territoire chilien mĂȘme. Il sâagirait de groupes anciens, qui Ă©voluĂšrent et changĂšrent. Il est probable quâils Ă©tablirent aussi des contacts avec dâautres peuples du nord. La sĂ©quence des trouvailles archĂ©ologiques rĂ©centes est claire. Il existerait un lien, p. ex. en matiĂšre de cĂ©ramique, entre les groupes potiers du petit nord, du centre du Chile et du sud mapuche ». Lâauteur explicite ce qui prĂ©cĂšde en signalant que « nous pourrions dire en simplifiant que les cultures apprenaient les unes des autres, du nord au sud, pendant de longs siĂšcles. Les enterrements, les jarres, les Ă©toffes et les autres signaux culturels trouvĂ©s par les spĂ©cialistes montrent que dĂšs le VIIe siĂšcle, la culture Mapuche est de plus en plus constituĂ©e »[102].
En mai 2007, le chercheur Patricio Bustamante prĂ©senta une nouvelle hypothĂšse, dans laquelle il conjecturait que la culture molle (prononcer molyĂ©), Ă©tablie dans le nord du Chili, prĂšs de lâactuelle ville de La Serena, pourrait avoir Ă©tĂ© la culture mapuche archaĂŻque. Cette hypothĂšse sâappuie sur la considĂ©ration que la culture molle se dĂ©veloppa entre lâan 1 et lâan 800 de notre Ăšre et que les Mapuches apparurent en tant que culture distincte vers le VIIe siĂšcle. Ces dates peuvent induire Ă croire erronĂ©ment quâĂ partir de cette date « disparut » la culture molle et que « naquit » de maniĂšre indĂ©pendante la culture mapuche. Une explication qui apparaĂźt raisonnable pose que la culture molle muta vers la fin de la pĂ©riode, se transformant au point de paraĂźtre une culture totalement diffĂ©rente. Cela peut sâexpliquer par des migrations qui les conduisirent Ă prendre possession dâespaces gĂ©ographiques situĂ©s plus au sud, prĂ©sentant un environnement climatique caractĂ©risĂ© par la prĂ©dominance de pluies et une abondance de bois. Sur la base dâun ensemble de preuves circonstancielles disponibles actuellement (an 2000) â toponymie, pĂ©troglyphes qui pourraient reprĂ©senter des lĂ©gendes mapuches, absence de toponymes dans une langue inconnue et attribuables Ă la culture molle, le fait que toutes deux soient des cultures riveraines avec adoration de lâesprit des montagnes, et autres Ă©lĂ©ments â, il est permis de supposer que ce que nous dĂ©signons par culture molle pourrait ĂȘtre la culture mapuche archaĂŻque[103].
Expansion inca
Les Mapuches eurent Ă affronter lâexpansion de lâEmpire inca ou Tawantisuyo, dont la poussĂ©e se fit sentir Ă partir du XVe siĂšcle, avec lâextension vers le sud de la rĂ©gion mĂ©ridionale de Collasuyo, lâune des quatre rĂ©gions ou rumbos en lesquelles Ă©tait divisĂ© lâEmpire inca.
Sous le rĂšgne de TĂșpac Inca Yupanqui, une expĂ©dition de conquĂȘte fut organisĂ©e qui traversa dâabord le Collao, Cochabamba et TucumĂĄn, puis, depuis Charcas, fit mouvement vers le sud et soumit les diaguitas des vallĂ©es transversales et une partie des populations picunches que habitaient la VallĂ©e du Chili (lâactuelle vallĂ©e de l'Aconcagua) et quelques zones situĂ©es au sud de celle-ci. Ainsi fut fixĂ©e la limite sud de lâEmpire inca, que les historiens et archĂ©ologues font conventionnellement coĂŻncider avec le RĂo Maule.
LâEspagnol Alonso de Ercilla, en son poĂšme Ă©pique La Araucana de 1569[104], lâInca Garcilaso de la Vega, dans son ouvrage Comentarios reales de los incas de 1609[105], et les chroniqueurs JerĂłnimo de Vivar (CrĂłnica y relaciĂłn copiosa y verdadera de los Reinos de Chile, de 1558)[106], Miguel de OlaverrĂa (Informe de Miguel de Olaverria sobre el Reyno de Chile, sus Indios y sus guerras, 1594)[107] et Vicente Carvallo y Goyeneche (DescripciĂłn histĂłrico geografĂa del Reino de Chile, de 1796)[108] ont relatĂ© la campagne militaire inca menĂ©e en direction du fleuve Maule et la confrontation du corps expĂ©ditionnaire avec les Promaucaes du sud.
Les Incas appelaient Promaucaes ou Purumaucas ou encore purum aucca ces populations non encore assujetties à leur empire. Ils commencÚrent par mettre sous leur tutelle quelques peuples de la Vallée du Chili, qui durent dorénavant leur payer tribut. La guerre à laquelle donna lieu cette campagne dans le sud opposa, au sud du fleuve Maule, 20 000 Incas de Yupanqui et un nombre à peu prÚs égal de Mapuches. La tribu des Picunches, nommée Promaucaes par les Espagnols, ayant eu connaissance de la venue des Incas, conclut une alliance avec les Antallis, les Cauquis et les Pincus.
Les Incas envoyĂšrent des Ă©missaires pour parlementer et amener les Promaucaes Ă reconnaĂźtre TĂșpac Inca Yupanqui comme souverain. Les Promaucaes cependant prĂ©fĂ©rĂšrent livrer bataille et affronteront les Incas trois jours durant, Ă©vĂ©nement connu sous le nom de bataille du Maule[109]. La bataille provoqua un grand nombre de morts dans chaque camp, sans que lâune des deux armĂ©es nâen sortĂźt victorieuse. Le quatriĂšme jour, il fut dĂ©cidĂ© de ne pas sâaffronter. Les Promaucaes se retirĂšrent du champ de bataille en chantant victoire. Les Incas, qui avaient dâabord envisagĂ© de prolonger les opĂ©rations et de poursuivre leurs adversaires, afin dâassurer les conquĂȘtes rĂ©alisĂ©es jusque-lĂ , rĂ©solurent finalement de ne pas pousser davantage leur avance, mais de se borner Ă fortifier leurs positions et Ă administrer les territoires dĂ©jĂ conquis par eux plus au nord, oĂč les nouveaux peuples vassalisĂ©s acceptĂšrent de bonne grĂące la tutelle incaĂŻque et sauront en retirer des bĂ©nĂ©fices.
Quoique les recherches archĂ©ologiques nâaient pas apportĂ© les preuves dâune prĂ©sence inca au sud du fleuve Maule, il existe nĂ©anmoins quelques chroniques espagnoles indiquant que lors de cette expansion ou lors dâune autre ultĂ©rieure se serait produite une hypothĂ©tique derniĂšre expansion ou invasion, plus avant encore dans le sud, jusquâau fleuve BiobĂo, accomplie par des troupes incas sous le rĂšgne de TĂșpac Inca Yupanqui ou dâHuayna CĂĄpac. Lesdites chroniques sont, dâune part, le rapport de Miguel de OlaverrĂa, qui dĂ©clare Ă la page 24 :
« Les PĂ©ruviens conquirent et assujettirent tous les Indiens quâil y avait jusquâau grand fleuve BiobĂo ; quâils sont arrivĂ©s jusquâaudit fleuve se voit aujourdâhui aux forts quâils construisirent sur la montagne du rĂo Claro, oĂč ils Ă©tablirent la frontiĂšre et la partagĂšrent avec les Indiens de lâĂtat (dâArauco), avec lesquelles ils eurent de nombreuses batailles. »
et, dâautre part, dans la chronique du pĂšre Anello Oliva, contenue dans son Historia del PerĂș (publiĂ©e dans une traduction française) :
« (âŠ) qu'il soumit jusquâĂ la vallĂ©e dâArauco, oĂč il passa lâhiver, aprĂšs y avoir fait construire quelques forts. Il soumit ensuite les provinces de Chillhue et de Chillcaras. »
NĂ©anmoins, les historiens soulignent que les conquĂȘtes des Incas au-delĂ du rĂo Maule nâexistent dans leur ensemble que par les Ă©crits de chroniqueurs habituĂ©s Ă rĂ©diger leurs chroniques avec peu de discernement et qui ne concordent que mĂ©diocrement entre eux[110].
Les chroniques mentionnent encore que dans la dĂ©cennie 1520, les deux fils de lâInca Huayna CĂĄpac, HuĂĄscar et Atahualpa, se disputĂšrent lâEmpire dans une guerre civile acharnĂ©e, laquelle contribuera Ă affaiblir lâarmĂ©e inca sur le territoire mapuche, les contraignant Ă abandonner leurs positions et Ă se replier plus au nord pour dĂ©fendre dans des conditions mieux assurĂ©es le reste du territoire conquis peu avant.
ArrivĂ©e des EuropĂ©ens et guerre dâArauco
Quelques dĂ©cennies plus tard, les conquistadors espagnols, aprĂšs avoir terrassĂ© lâEmpire inca, tentĂšrent Ă leur tour de soumettre les Araucans, dont les effectifs de population Ă©taient estimĂ©s Ă environ un million de personnes[111]. La rĂ©sistance des Mapuches donna lieu Ă un conflit prolongĂ©, la guerre dite dâArauco. Lâaction de figures telles que Lautaro (Ă©minent commandant militaire mapuche, qui, enfant encore, avait Ă©tĂ© fait prisonnier par les Espagnols, et servit comme page auprĂšs de Pedro de Valdivia) et plus tard le soulĂšvement de Pelantaro dans la dĂ©cennie 1590, aboutirent Ă ce que la frontiĂšre militaire entre Espagnols et Mapuches fut fixĂ©e au fleuve BiobĂo. La bataille de Curalaba de 1598, oĂč le gouverneur MartĂn Ăñez de Loyola perdit la vie, scella la dĂ©faite des troupes espagnoles en territoire mapuche.
Au cours de cette premiĂšre phase de la domination espagnole (seconde moitiĂ© du XVIe siĂšcle et premiĂšre moitiĂ© du XVIIe), la population autochtone vivant sur le territoire de lâactuel Chili (estimĂ©e Ă un million de personnes environ)[112] se verra fortement diminuĂ©e, principalement par les maladies apportĂ©es par les EuropĂ©ens et contre lesquelles les AmĂ©rindiens nâĂ©taient pas immunisĂ©s, dont en particulier le typhus (1554-1557), qui emporta 300 000 vies humaines, et la variole (1561-1563), de laquelle pĂ©rirent 100 000 AmĂ©rindiens encore[113]. Il est trĂšs probable quâau moment de la bataille de Curalaba au Chili, il nây eĂ»t plus guĂšre que 200 000 autochtones[114].
Le poĂšme Ă©pique Arauco Domado (littĂ©r. Araucanie domptĂ©e) de lâĂ©crivain chilien Pedro de Oña, ainsi que lâĆuvre thĂ©Ăątrale homonyme de Lope de Vega, racontent sous lâangle espagnol une partie de la guerre contre le peuple mapuche. De mĂȘme, lâĂ©popĂ©e La Araucana (1569, 1578 et 1589) du conquistador espagnol Alonso de Ercilla, dĂ©diĂ©e au roi Philippe II dâEspagne, met en lumiĂšre la rĂ©sistance dont fit preuve le peuple araucan. Dans cette Ćuvre, Ercilla Ă©voque les Mapuches sous le nom dâAraucans, les prĂ©sentant comme le produit du Chili.
Espagnol | Français |
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en la regiĂłn AntĂĄrtica famosa, |
dans la région Antarctique fameuse, La Araucana, Alonso de Ercilla (1569)[115] |
De fait, lâAraucanie ne sera jamais conquise par aucun Espagnol. Les historiens ont bien documentĂ© que les groupes mapuches Ă©tablis entre les fleuves BiobĂo et ToltĂ©n rĂ©ussirent Ă rĂ©sister aux conquistadors espagnols tout au long de la dĂ©nommĂ©e guerre dâArauco, succession de batailles et dâĂ©vĂ©nements qui sâĂ©tala sur quelque 300 ans, entrecoupĂ©e de longues pĂ©riodes de trĂȘve. Pedro Ordóñez de Ceballos (vers 1555-1634), dans son Viaje del Mundo, affirme que « les Pijaos, Taironas et Araucans sont les trois nations dont les gens sont les plus valeureux des Indes⊠».
Dans les siĂšcles suivants, les Espagnols seront hĂ©sitants Ă pĂ©nĂ©trer en territoire mapuche. Pendant un temps, ils le tenteront par le biais de missions religieuses (pacifiques) dirigĂ©es par le pĂšre Luis de Valdivia, lors de ce qui sera appelĂ© la Guerre dĂ©fensive, qui du reste ne donna pas de rĂ©sultats, et qui cĂ©da le pas aux dĂ©nommĂ©s parlements, rencontres lors desquelles les deux camps Ă©changeaient des prĂ©sents et signaient des pactes quâils juraient de respecter. Ainsi fut-il convenu, lors du parlement de QuillĂn en 1641, de mettre un terme Ă la guerre et de fixer la frontiĂšre au fleuve BiobĂo[116] ; les Mapuches sâengagĂšrent Ă libĂ©rer leurs captifs et Ă faire front contre les ennemis de la Couronne. Il y eut par la suite dâautres parlements encore, qui se tinrent avec lâapprobation du roi d'Espagne et pendant lesquels sera rĂ©itĂ©rĂ©e la reconnaissance par lâEspagne de lâindĂ©pendance des Mapuches vis-Ă -vis de la Couronne espagnole, les parties en cause sâengageant Ă renoncer aux actions belliqueuses. Il sâensuivit une pĂ©riode de paix relative (abstraction faite de petites « protestations » en diffĂ©rents endroits du pays), qui permit Ă la population mapuche de se rĂ©tablir et dâatteindre les 150 000 Ă 200 000 individus vers la fin du XVIIIe siĂšcle[117]. Peu aprĂšs commencĂšrent des migrations massives vers la Pampa[118].
AprĂšs lâindĂ©pendance du Chili, ces traitĂ©s entre Mapuches et Espagnols furent reconnus par le gouvernement rĂ©publicain du Directeur suprĂȘme RamĂłn Freire, sur les bords du ruisseau Tapihue, le 7 janvier 1825, lors du parlement gĂ©nĂ©ral de Tapihue. Dans les articles 18 et 19 du pacte conclu Ă cette occasion, la souverainetĂ© mapuche Ă©tait reconnue sur les territoires sis au sud du BiobĂo.
Lâanthropologue amĂ©ricain Tom Dillehay â celui qui dĂ©couvrit Ă Monte Verde lâĂ©tablissement humain le plus ancien dâAmĂ©rique â publia un ouvrage en 2007, dans lequel il explique pourquoi les Mapuches Ă©taient, Ă lâarrivĂ©e des Espagnols, une sociĂ©tĂ© plus dĂ©veloppĂ©e que ce que lâon avait cru jusque-lĂ [119].
Expansion vers lâest
La prĂ©sence, de date plus rĂ©cente, des Mapuches dans lâactuelle Argentine est due en partie Ă la pression exercĂ©e par les Espagnols, et en partie Ă un long processus de migration Ă travers les cols de la cordillĂšre des Andes, processus assorti dâune transmission culturelle, par lequel les Mapuches se propagĂšrent entre les XVIIe et XIXe siĂšcles dans les territoires situĂ©s Ă lâest des Andes[120], nommĂ©ment dans le Comahue (englobant une grande partie de la rĂ©gion pampĂ©enne et la portion nord de la Patagonie orientale), câest-Ă -dire dans des terres jusque-lĂ habitĂ©es par plusieurs peuples aux cultures et aux langues trĂšs diffĂ©rentes. La consĂ©quence de ces mouvements de population sera lâaraucanisation, violente ou pacifique, des Tehuelches du nord et des anciens Pehuenches.
DĂšs avant le milieu du XVIIIe siĂšcle, il y eut une importante activitĂ© commerciale et dâĂ©change de produits entre les habitants des plaines pampĂ©ennes et des montagnes de lâactuelle province de Buenos Aires, les habitants de la Patagonie septentrionale, et ceux des deux versants de la cordillĂšre des Andes, notamment par le biais de deux foires trĂšs importantes qui se tenaient dans la chaĂźne du CayrĂș et Ă ChapaleofĂș. Dans ces foires, appelĂ©es « foires des ponchos » par les jĂ©suites de lâĂ©poque qui en firent mention (comme Thomas Falkner), diffĂ©rents types de produits sâĂ©changeaient, allant de productions agricoles jusquâĂ des piĂšces dâhabillement telles que des ponchos. Le CayrĂș se trouvait dans la partie la plus occidentale du SystĂšme de Tandilia (sur le territoire de lâactuel partido dâOlavarrĂa), tandis que ChapaleofĂș fait rĂ©fĂ©rence aux abords du ruisseau homonyme, dans lâactuel partido de Tandil[64], ces lieux se situant tous deux dans lâintĂ©rieur de lâactuelle province de Buenos Aires. Ainsi commença-t-il Ă y avoir, par lâeffet de ces mouvements de personnes en vue dâĂ©changes commerciaux, dĂšs avant le milieu du XVIIIe siĂšcle, aussi une certaine interpĂ©nĂ©tration culturelle entre les diffĂ©rents peuples habitant la pampa humide, dans une aire allant de la Patagonie septentrionale jusquâĂ la zone situĂ©e au pied de la cordillĂšre des Andes (sur ses deux versants, oriental et occidental) et jusquâau littoral de lâocĂ©an Pacifique, cette interpĂ©nĂ©tration culturelle concernant en particulier les Tehuelches, les Ranquels et les Mapuches[65].
Lâinfluence mapuche sur les autres peuples de Patagonie et de la Pampa, consĂ©cutive aux Ă©changes commerciaux, fut suffisamment grande sur les Tehuelches et les autres peuples que pour conduire Ă ce qui est dâusage dâappeler la « mapuchisation » ou « araucanisation » des Pampas et de la Patagonie. Ainsi, une bonne partie des Tehuelches adopta nombre de coutumes mapuches ainsi que la langue mapudungun, tandis que les Mapuches faisaient siens certains Ă©lĂ©ments du mode de vie Tehuelche (comme p.ex. le fait de vivre dans des tolderĂas, rĂ©union de toldos, tentes dâAmĂ©rindien faites de cuir et de branchages), ce qui tendit Ă faire sâestomper les diffĂ©rences entre les deux groupes, au point que leurs descendants se dĂ©signent eux-mĂȘmes dĂ©sormais comme Mapuche-Tehuelches[66].
Cette invasion, en partie violente, par les Mapuches de territoires situĂ©s Ă lâest des Andes a portĂ© certaines personnalitĂ©s argentines Ă apposer aux Mapuches lâĂ©tiquette dâenvahisseurs et Ă juger irrecevables leurs revendications territoriales en Argentine[121].
IndĂ©pendances et avĂšnement des Ătats du Chili et de lâArgentine
Vers 1880, lâArgentine et le Chili entreprirent des guerres de conquĂȘte contre les AmĂ©rindiens (Mapuches et Patagons) qui vivaient au sud du continent dans des rĂ©gions restĂ©es largement hors de leur contrĂŽle et difficilement pĂ©nĂ©trables. Ces guerres, dont la conquĂȘte du DĂ©sert du gĂ©nĂ©ral Julio Argentino Roca, qui firent des dizaines de milliers de morts parmi les AmĂ©rindiens, poursuivaient aussi un autre objectif : l'accĂšs aux deux ocĂ©ans. Le Chili voulait s'ouvrir sur l'Atlantique par le sud et l'Argentine sur le Pacifique, lĂ aussi par le sud. Finalement, la frontiĂšre fut stabilisĂ©e dans sa forme actuelle Ă la fin du XIXe siĂšcle.
Au Chili
Pendant la guerre d'indĂ©pendance du Chili, les Mapuches prirent parti, la plupart du temps, pour les troupes royalistes, encore quâils ne sâengageront que peu dans les opĂ©rations militaires, pour la raison que celles-ci eurent lieu hors de leur territoire ; ce ne fut que dans la phase finale, pendant la dĂ©nommĂ©e Guerre Ă mort, que les Mapuches sâimpliquĂšrent effectivement dans le conflit[122].
Son indĂ©pendance obtenue vis-Ă -vis de lâEspagne, le Chili poursuivit une mĂȘme politique de retenue et de non-agression. Cependant, dans la deuxiĂšme moitiĂ© du XIXe siĂšcle, un plan dâexpansion de lâĂtat chilien aux dĂ©pens du territoire mapuche fut conçu. De plus, lorsque le 17 novembre 1860 le Français Antoine de Tounens, aprĂšs avoir gagnĂ© Ă ses projets l'enthousiasme de quelques chefs mapuches auxquels il avait promis des armes[123] fut Ă©lu toqui (chef de guerre) suprĂȘme des Mapuches[124] - [125] - [126] - [127] - [128] s'autoproclama[129] - [130] - [131] - [132] - [133] - [134] ou se fit proclamer[135] - [136] roi et (selon ses propos), « considĂ©rant que l'Araucanie ne dĂ©pend d'aucun autre Ătat, qu'elle est divisĂ©e par tribus et qu'un gouvernement central est rĂ©clamĂ© », dĂ©crĂ©ta le 17 novembre 1761 qu'« une monarchie constitutionnelle hĂ©rĂ©ditaire est fondĂ©e en Araucanie; le prince Orllie-Antoine de Tounens est nommĂ© roi »[137], l'affaire « au-delĂ de son caractĂšre anecdotique (...) fit prendre conscience aux autoritĂ©s chiliennes que les territoires dâAraucanie et de Patagonie pourraient susciter lâappĂ©tit dâaventuriers plus sĂ©rieux ou celui de puissances coloniales en mal de territoires »[138].
De 1861 Ă 1883, lâarmĂ©e chilienne mettra en Ćuvre diffĂ©rentes stratĂ©gies, depuis des alliances avec des clans ennemis entre eux, jusquâĂ la guerre ouverte, en passant par le subornement au moyen de boissons alcoolisĂ©es. Les opĂ©rations militaires, qui furent menĂ©es principalement sous la direction de Cornelio Saavedra (militaire chilien qui Ă©tait le petit-fils du prĂ©sident du Premier comitĂ© de gouvernement autonome argentin, instaurĂ© Ă lâissue de la journĂ©e du 25 mai 1810), sâachevĂšrent sur la complĂšte soumission des Mapuches en 1883. Lâensemble de ce processus reçut le nom euphĂ©miste de Pacification de l'Araucanie[139].
En dĂ©cembre 1866, le congrĂšs chilien avait adoptĂ© une loi reconnaissant les droits propriĂ©taires des Mapuches sur le « territoire autochtone », et mit sur pied une commission dâexperts â la Commission sur lâimplantation des autochtones (en espagnol ComisiĂłn radicadora de IndĂgenos) â dont la mission consistait Ă dĂ©limiter clairement les possessions autochtones. DâaprĂšs ladite loi, toute terre sur laquelle les Mapuches ne seraient pas en mesure de justifier de leur droit de propriĂ©tĂ© serait considĂ©rĂ©e terre en dĂ©rĂ©liction (baldĂa), et dĂšs lors bien national conformĂ©ment Ă lâarticle 590 du Code civil de 1857. Le droit de propriĂ©tĂ© ne sera cependant considĂ©rĂ©, selon les termes de la loi de 1866, comme constituĂ© quâau lendemain de la victoire militaire de lâĂtat chilien en 1883, câest-Ă -dire aprĂšs que lâĂtat se fut emparĂ© militairement du territoire mapuche, par suite de quoi la plupart des terres furent dĂ©clarĂ©es fiscales (biens nationaux) par lâĂtat, Ă lâencontre du sens de sa propre lĂ©gislation, lâĂtat mĂ©connaissant ainsi massivement les droits propriĂ©taires des Mapuches. De la sorte, les Mapuches, qui auparavant dĂ©tenaient quelque 10 millions dâhectares, devaient dĂ©sormais survivre sur Ă peine 500 000 hectares, soit 5 % seulement de leur territoire antĂ©rieur. En outre, les politiques de colonisation des terres du sud favorisaient lâusurpation de nombreuses terres encore, y compris de terres communales reconnues telles par les TĂtulos de Merced de la ComisiĂłn radicadora, et finirent par marginaliser tout Ă fait les populations mapuches.
En ce qui concerne les communautĂ©s Ă©tablies plus au sud sur le territoire chilien, comme celle des Lafquenches ou celles cĂŽtiĂšres de la province d'Arauco, les Huilliches de Valdivia, dans la province de Llanquihue, et de San Juan de la Costa (prĂšs dâOsorno), ou celles encore de lâĂźle de ChiloĂ©, si lâon dispose de peu dâinformations Ă leur sujet, lâon sait avec certitude que les premiĂšres prirent part Ă la Guerre Ă mort et Ă la rĂ©bellion mapuche de 1881, bien que dans une moindre mesure[140]. Cet engagement moindre sâexplique, dans le cas des Huilliches, par lâaliĂ©nation, pendant la pĂ©riode coloniale, donc dĂšs avant lâindĂ©pendance du Chili, dâune partie de leurs terres ancestrales Ă la suite de lâinstauration de la grande propriĂ©tĂ© terrienne (sous forme dâhaciendas) dans la zone concernĂ©e. Cette circonstance, couplĂ©e Ă celle, survenue une fois Ă©tablie la rĂ©publique chilienne, de la colonisation europĂ©enne (surtout allemande et autrichienne) de Llanquihue, et au phĂ©nomĂšne de croissance et dâexpansion des villes et de nouveaux foyers de peuplement crĂ©Ă©s par le Chili, seront Ă lâorigine de lâamenuisement des territoires des communautĂ©s huilliches et du refoulement de leurs populations en direction des zones situĂ©es le long du littoral ou au pied de la cordillĂšre[141].
En Argentine
Compte tenu des relations que les Mapuches entretenaient depuis le milieu du XVIIIe siĂšcle avec les peuples Ă©tablis Ă lâest des Andes, une partie des troupes mapuches ayant combattu principalement aux cĂŽtĂ©s des soldats royalistes dĂ©cida, au lendemain de lâindĂ©pendance du Chili, dâĂ©migrer vers la rĂ©gion pampĂ©enne dâArgentine, oĂč du reste des Mapuches cohabitaient dĂ©jĂ avec les Tehuelches[65], et oĂč fut ensuite constituĂ©e la ConfĂ©dĂ©ration boroane.
Plus tard, les frĂšres Pincheira, qui dirigeaient entre 1817 et 1832 une guĂ©rilla royaliste contre les indĂ©pendantistes chiliens et argentins, inciteront les groupes mapuches boroans et les Ranquels araucanisĂ©s Ă perpĂ©trer des raids (malones) dans les villages et domaines agricoles situĂ©s dans la frange limitrophe, razzias qui provoquaient de nombreux morts et lors desquelles ils emportaient des captifs et dĂ©robaient le bĂ©tail quâils poussaient ensuite, par lâitinĂ©raire de la rastrillada grande (ou Camino de los Chilenos) et par les cols de la cordillĂšre, jusquâau Chili, avec le dessein de troquer dans ce pays, par lâentremise des Pehuenches (qui commandaient aux cols andins), ce bĂ©tail pour des armes ou des boissons alcoolisĂ©es principalement[142].
En Argentine, les Mapuches et les « pampĂ©ens araucanisĂ©s » ou « mapuchisĂ©s » furent finalement soumis par lâĂtat argentin Ă travers plusieurs incursions militaires effectuĂ©es au sud du RĂo Salado Ă partir du milieu du XIXe siĂšcle, dont le point dâorgue sera la campagne dĂ©nommĂ©e ConquĂȘte du DĂ©sert (1879 et 1881) â le terme « dĂ©sert » servant en lâoccurrence Ă dĂ©signer toute la vaste zone sous domination autochtone, englobant la totalitĂ© des actuelles provinces de la Patagonie argentine, toute la province de La Pampa, la moitiĂ© sud de celle de San Luis, la moitiĂ© sud de celle de Mendoza, ainsi que tout lâintĂ©rieur de la province de Buenos Aires sis au sud du fleuve Salado. Cette campagne, dirigĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Julio Argentino Roca et menĂ©e parallĂšlement Ă celle dite Pacification de lâAraucanie au Chili, fut fort prĂ©judiciable aux Mapuches, qui subirent une dĂ©faite totale. Ce succĂšs militaire sera lâune dans raisons de lâĂ©lection de Roca, lâannĂ©e suivante, en 1880, au poste de prĂ©sident de la Nation argentine.
La ConquĂȘte du dĂ©sert avait Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ©e dâune sĂ©rie de plusieurs autres campagnes militaires contre le DĂ©sert entreprises par les gouvernements successifs de lâArgentine indĂ©pendante, dont notamment la Campagne de Juan Manuel de Rosas de 1833, qui permit aux troupes argentines de sâemparer de la presque totalitĂ© du territoire au nord des fleuves RĂo Negro et RĂo Limay, y compris la zone de Valcheta ; mais la longue guerre civile en Argentine fera que les Mapuches surent se ressaisir, de sorte quâen 1870, les Mapuches pouvaient mener leurs rapines jusque dans les environs immĂ©diats des villes de Mendoza, de la San Luis, de RĂo Cuarto, ainsi que dans le sud de la province de Santa Fe et dans une grande partie de la province de Buenos Aires, sâapprochant jusquâĂ seulement 70 km de la capitale.
Redressement mapuche au Chili jusquâĂ lâavĂšnement du rĂ©gime militaire
Les gĂ©nĂ©rations Mapuches suivantes feront surgir diffĂ©rentes organisations, telles que la CorporaciĂłn Araucana de Venancio CoñoepĂĄn, la FederaciĂłn Araucana dâAburto Panguilef, la Sociedad CaupolicĂĄn et lâUniĂłn Araucana dâAntonio Chiwailaf. Si ces organisations mapuches dĂ©fendent des points de vue divergents, allant du traditionalisme au catholicisme assimilationniste, toutes cependant partagent la volontĂ© de rĂ©cupĂ©rer les terres usurpĂ©es afin de pouvoir prĂ©server leur propre culture. Ainsi le « mouvement mapuche » a-t-il fait son entrĂ©e sur la scĂšne publique chilienne, se mĂȘlant Ă la politique et Ă ses partis, encore que conservant Ă tout moment sa spĂ©cificitĂ©. Ce processus atteignit son apogĂ©e Ă la fin de la dĂ©cennie 1960 et au dĂ©but des annĂ©es 1970.
Entre-temps, dâamples secteurs de la sociĂ©tĂ© chilienne sâĂ©taient dĂ©clarĂ©s en dĂ©faveur du maintien du statu quo en ce qui concerne la situation des autochtones, ce qui permit aux Mapuches de mettre en avant, voire de concrĂ©tiser, leurs revendications terriennes. Ainsi, on assista en 1969, dans la province de CautĂn, aux premiĂšres prises de possession de terres rĂ©clamĂ©es par les Mapuches, Ă©vĂ©nement appelĂ© el Cautinazo.
Avec le processus de rĂ©forme agraire impulsĂ© par le gouvernement de Salvador Allende, plusieurs communautĂ©s mapuches furent portĂ©es Ă se radicaliser et Ă lancer une opĂ©ration inĂ©dite de rĂ©cupĂ©ration de terres, en marge des programmes gouvernementaux. Vers 1972, les grands propriĂ©taires terriens affectĂ©s par ces actions sâorganisĂšrent en « comitĂ©s de reprise » (comitĂ©s de retoma) et en groupes paramilitaires, que le gouvernement rĂ©prima en sâappuyant sur la Loi de sĂ©curitĂ© de lâĂtat de 1958.
Sous le régime militaire et accord de Nueva Imperial
La dictature militaire sera implacable en Araucanie, oĂč des centaines de personnes disparurent ou furent torturĂ©es. Les organisations cependant firent leur rĂ©apparition Ă partir de 1978, en rĂ©action au dĂ©cret-loi no 2568 portant suppression de la forme juridique de la propriĂ©tĂ© communale de la terre, qui Ă©tait lâultime rempart des propriĂ©tĂ©s mapuches et comportait la reconnaissance de la qualitĂ© dâautochtone de leurs occupants[143]. Virent ainsi le jour, soutenus par la FundaciĂłn Instituto IndĂgena du diocĂšse de Temuco, les Centres culturels mapuches[144] â appellation qui permettait dâĂ©chapper plus sĂ»rement Ă la persĂ©cution par la dictature â, lesquels devaient ultĂ©rieurement (1981) cĂ©der le pas Ă lâorganisation Ad Mapu, Ă partir de laquelle se dĂ©velopperont dâautres organisations[145].
Toutefois, le gĂ©nĂ©ral Pinochet bĂ©nĂ©ficie du soutien d'une petite partie des Mapuches. En 1989, il se rĂ©unit avec un groupe de Mapuches appartenant aux Conseils rĂ©gionaux, qui le nommĂšrent Gran Cabecillo (Grand Chef, Futa Lonco en langue mapuche)[146]. Sur le diplĂŽme, en date du 20 fĂ©vrier, on peut lire : « Le ComitĂ© gĂ©nĂ©ral des Loncos et Caciques de Nueva Imperial et des 30 communes de la IXe rĂ©gion de lâAraucanie, a convenu de nommer Ulmen Futa Lonco S.E. le prĂ©sident de la RĂ©publique, le Capitaine gĂ©nĂ©ral Augusto Pinochet Ugarte »[147].
En 1989 encore, Ana Llao de la communautĂ© Ad- Mapu, aux cĂŽtĂ©s des dirigeantes de plusieurs autres organisations mapuches, rencontra Ă Nueva Imperial le candidat de la coalition dâopposition (appelĂ©e Concertation des partis pour la dĂ©mocratie), Patricio Aylwin AzĂłcar. Lors de ce parlement, il fut convenu que lâĂtat chilien accorderait la reconnaissance constitutionnelle aux droits Ă©conomiques, sociaux et culturels des Peuples autochtones, quâune Commission spĂ©ciale serait constituĂ©e conjointement avec les organisations autochtones aux fins dâĂ©laborer un projet de loi autochtone. En contrepartie, les organisations autochtones sâengageaient Ă ne pas sâĂ©carter de la voie institutionnelle pour faire aboutir leurs revendications[148] - [149].
Le conflit forestier
Tout au dĂ©but de la dĂ©cennie 1990, alors que la dĂ©mocratie venait dâĂȘtre partiellement restaurĂ©e, lâorganisation indĂ©pendantiste Consejo de Todas las Tierras (ou Aukiñ Wallmapu Ngulam, Conseil de toutes les terres, en abrĂ©gĂ© AWNg) procĂ©da Ă plusieurs occupations symboliques illĂ©gales de terres ancestrales mapuches dĂ©tenues par des propriĂ©taires privĂ©s. Le gouvernement rĂ©pliqua en requĂ©rant lâapplication de la Loi de sĂ©curitĂ© de lâĂtat, ce qui entraĂźna la condamnation de 141 Mapuches et la suspension de leurs droits politiques.
En 1993 fut approuvĂ©e la loi no 19.253 dite de DĂ©veloppement autochtone. Le nouveau dispositif lĂ©gislatif instituĂ© par cette loi fut mis en Ćuvre avec la coopĂ©ration des principaux responsables mapuches, jusquâĂ ce que survĂźnt en 1997 une nouvelle crise. Lâentreprise ENDESA España commença la construction dâune deuxiĂšme centrale hydroĂ©lectrique dans la commune dâAlto BiobĂo (sous la dĂ©nomination de Centrale hydroĂ©lectrique Ralco). Les sĆurs QuintremĂĄn ainsi que dâautres familles Mapuches-pehuenches rĂ©sidant dans la zone touchĂ©e refusĂšrent de quitter leurs terres, en sâautorisant de la nouvelle lĂ©gislation qui exigeait un permis de la Corporation nationale de dĂ©veloppement autochtone (en espagnol CorporaciĂłn Nacional de Desarrollo IndĂgena, acronyme CONADI) pour pouvoir exproprier des terres autochtones. Ă la suite du refus de cet organisme gouvernemental dâapprouver lâexpropriation concernĂ©e, considĂ©rĂ©e attentatoire aux droits des Pehuenches, le prĂ©sident Eduardo Frei limogea le directeur de la CONADI et suspendit en outre lâautoritĂ© environnementale qui sâĂ©tait elle aussi opposĂ©e au mĂ©gaprojet, de sorte que des milliers dâhectares de terres et de sites sacrĂ©s du peuple mapuche-pehuenche furent engloutis par les eaux par une dĂ©cision autoritaire.
Dans le mĂȘme temps, dans les vallĂ©es centrales, dĂ©marrait lâexploitation des plantations forestiĂšres amĂ©nagĂ©es vers le milieu de la pĂ©riode de gouvernement militaire, sur des terrains qui avaient Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©s par les Mapuches sous la prĂ©sidence dâAllende, mais qui par la suite Ă©taient passĂ©s aux mains de groupes Ă©conomiques. Tant les intĂ©rĂȘts des grandes entreprises exploitant les plantations forestiĂšres en territoire mapuche, que la crainte des agriculteurs propriĂ©taires de terrains considĂ©rĂ©s usurpĂ©s par les communautĂ©s mapuches et que la recrudescence de la violence vers la fin des annĂ©es 1990 dans la zone, motivĂšrent le SĂ©nat du Chili Ă exprimer, dans un rapport, sa prĂ©occupation concernant la grave menace pesant sur la sĂ©curitĂ© juridique dans la zone du conflit (S 680-12). Toutefois, lâobjectivitĂ© de ce rapport a Ă©tĂ© mis en doute, attendu quâil contient les dĂ©clarations de plus de 15 agriculteurs touchĂ©s, mais seulement dâun unique reprĂ©sentant Mapuche, en plus de ne pas examiner plus avant les causes du conflit.
Si des intĂ©rĂȘts japonais et suisses sont prĂ©sents dans lâĂ©conomie araucanienne, les deux principales entreprises de foresterie toutefois sont chiliennes. Dans le passĂ©, ces entreprises ont plantĂ© des milliers dâhectares en essences non-endogĂšnes telles que le pin de Monterey, le sapin de Douglas et lâeucalyptus, çà et lĂ en les substituant aux forĂȘts valdiviennes existantes, quoique ce remplacement nâattire plus guĂšre lâattention aujourdâhui.
Le Chili exporte du bois vers les Ătats-Unis, bois provenant en quasi-totalitĂ© de cette rĂ©gion mĂ©ridionale, pour une valeur annuelle dâenviron 600 millions de dollars. Lâassociation amĂ©ricaine de prĂ©servation de lâenvironnement Forestethics a menĂ© une campagne internationale ayant abouti Ă ce que la chaĂźne Home Depot et dâautres grands importateurs de bois ont consenti Ă rĂ©viser leur politique dâachat afin dâ« assurer la protection des forĂȘts endogĂšnes au Chili ». Certains dirigeants mapuches ont exprimĂ© le souhait que les forĂȘts soient plus vigoureusement protĂ©gĂ©es.
En 2009, le Chili a vu l'entrĂ©e en vigueur, vingt ans aprĂšs sa promulgation par l'Organisation internationale du travail, de la Convention no 169 relative aux peuples autochtones et tribaux[150]. Cela devrait conduire Ă un certain nombre de rĂ©formes juridiques, en particulier dans les codes de l'eau, du minerai, de la pĂȘche et de celui rĂ©gissant les concessions Ă©lectriques[150] (voir Ă©conomie du Chili).
DĂ©mantĂšlement de la CAM et durcissement de la protestation sociale mapuche
Les conflits fonciers et les confrontations violentes persistaient dans certaines aires mapuches, en particulier dans les secteurs nord de la Région de l'Araucanie, dans la zone autour de Traiguén et de Lumaco. En 2003, dans une tentative de dissiper les tensions, la Comisión Verdad Histórica y Nuevo Trato (« Commission Vérité historique et Nouveau Traité ») émit un rapport appelant à un changement draconien dans le traitement par le Chili de ses peuples autochtones, dont plus de 80 % sont Mapuches. Parmi les préconisations de ce rapport, figurent la reconnaissance formelle des droits politiques et « territoriaux » des peuples autochtones, ainsi que la promotion de leur identités culturelles.
Sous le gouvernement de Ricardo Lagos (2000-2006), la rĂ©ponse de lâĂtat au conflit mapuche emprunta deux voies principales : dâun cĂŽtĂ©, par lâapplication de la loi contre les actions illĂ©gales et violentes des activistes mapuches, qui atteignirent leur point le plus critique en 2002, lorsque, pendant une occupation illĂ©gale de terres dans la commune dâErcilla (province de Malleco), le jeune comunero Alex Lemun Saavedra perdit la vie par lâaction des carabiniers du Chili, qui avaient fait usage de carabines anti-Ă©meute chargĂ©es Ă balles de plomb ; de lâautre cĂŽtĂ©, Ă travers une opĂ©ration de renseignement baptisĂ©e « OperaciĂłn Paciencia » dirigĂ©e depuis le sous-secrĂ©tariat Ă lâIntĂ©rieur prĂ©sidĂ© par Jorge Correa Sutil et tendant Ă cataloguer la Coordinadora de Comunidades en Conflicto Arauco-Malleco comme organisation Ă caractĂšre terroriste, et Ă la rendre Ă ce titre susceptible de poursuites et ses dirigeants passibles dâincarcĂ©ration. Des exemples paradigmatiques de tels jugements furent la dĂ©nommĂ©e « affaire Loncos », qui vit la condamnation de deux loncos, Pascual Pichun et Aniceto Norin, Ă cinq ans et un jour de prison pour « menace dâincendie terroriste », et lâ« affaire Puluco-Pidenco », oĂč quatre comuneros se virent infliger une peine de 10 ans et un jour dâemprisonnement pour « incendie terroriste ».
Ces jugements ont Ă©tĂ© dĂ©noncĂ©s par lâOrganisation des nations unies (ONU), par la bouche de son rapporteur spĂ©cial pour les peuples autochtones Rodolfo Stavenhagen, et par dâautres organisations, comme Amnesty International, qui ont condamnĂ© ces jugements comme Ă©tant dâune lĂ©galitĂ© douteuse. Les faits furent dĂ©noncĂ©s, et une plainte dĂ©posĂ©e, auprĂšs de la Commission interamĂ©ricaine des droits de l'homme (CIDH), notamment pour infraction au droit Ă un procĂšs Ă©quitable, inscrit dans la Convention interamĂ©ricaine des droits de lâhomme ; la CIDH dĂ©clara la plainte recevable[151].
En mars 2007, le ComitĂ© des droits de l'Homme de lâONU, organisme chargĂ© de surveiller lâapplication du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, dĂ©nonça lui aussi, dans ses observations jointes au rapport sur le Chili, les pratiques de criminalisation Ă lâencontre du mouvement social mapuche, enjoignant Ă lâĂtat chilien de modifier la loi no 18.314, dite loi antiterroriste. En outre, se rĂ©fĂ©rant aux articles 1er et 27 dudit pacte, le ComitĂ© dit dĂ©plorer que les « terres anciennes » continuaient dâĂȘtre en pĂ©ril Ă cause de lâexpansion de lâexploitation forestiĂšre et Ă cause de grands projets dâinfrastructure et de production dâĂ©nergie, et rappela que lâĂtat chilien devait mettre tous ses soins Ă ce que les nĂ©gociations avec les communautĂ©s autochtones aboutissent Ă trouver une solution respectueuse des droits aux terres de ces communautĂ©s, conformĂ©ment aux articles 1er, alinĂ©a 2, et 27 du pacte, et pour cela accĂ©lĂ©rer les procĂ©dures en vue de ce que ces terres ancestrales fussent reconnues et dĂ»ment dĂ©limitĂ©es ; de mĂȘme, il exhorta lâĂtat chilien Ă mener des consultations avec les communautĂ©s autochtones avant dâoctroyer des licences pour lâexploitation Ă©conomique des terres objet de controverse et de garantir quâen aucun cas lâexploitation envisagĂ©e ne porte atteinte aux droits reconnus dans le pacte[152]. En 2004, le ComitĂ© des droits Ă©conomiques, sociaux et culturels avait dĂ©jĂ formulĂ© des observations allant dans le mĂȘme sens[153].
En mars 2006, quatre des neuf prisonniers mapuches condamnés au titre de la loi antiterroriste engagÚrent une grÚve de la faim illimitée, qui dura 62 jours sans obtenir que le gouvernement de Michelle Bachelet consentßt à faire réviser le controversé verdict prononcé sous le gouvernement de son prédécesseur.
En 2007, beaucoup de groupes mapuches nâavaient pas renoncĂ© Ă leurs revendications territoriales et nombre de leurs organisations exigeaient lâautonomie pour leurs territoires, la dĂ©volution de leurs terres et une meilleure reprĂ©sentation politique. En octobre 2007, une nouvelle grĂšve de la faim eut lieu, et se termina sans que le gouvernement chilien eĂ»t seulement consenti Ă sâasseoir Ă la table de nĂ©gociation demandĂ©e par les grĂ©vistes.
En 2008, alors que Michelle Bachelet exerçait la charge de chef de lâĂtat, MatĂas Catrileo, nĂ© le 11 septembre 1985, Ă©tudiant en agronomie, Chilien dâorigine mapuche, trouva la mort le 3 janvier 2008, quand une balle de pistolet-mitrailleur Uzi frappa son dos et perfora son poumon. MatĂas Catrileo participait Ă une occupation illĂ©gale dâun bien-fonds privĂ© que les communautĂ©s mapuches revendiquaient comme territoire ancestral, ce qui avait poussĂ© la force publique Ă intervenir. Ă la suite de ces Ă©vĂ©nements, le carabinier prĂ©sumĂ© auteur de lâassassinat fut incarcĂ©rĂ© pendant que lâenquĂȘte judiciaire suivait son cours[154]. Des critiques furent Ă©mises[155] Ă lâendroit du procureur militaire chargĂ© de mener lâenquĂȘte, JosĂ© Pinto Aparicio, celui-ci Ă©tant le mĂȘme que celui qui dirigea lâinstruction sur lâassassinat dâAlex Lemun en 2002, crime demeurĂ© impuni, la cour martiale ayant en effet rendu un non-lieu en 2004[155].
La police chilienne a aussi parfois monté de fausses accusations contre des militants mapuches[156].
Revendication du droit Ă lâautodĂ©termination
Si lâEmpire espagnol nâĂ©tait pas parvenu Ă occuper effectivement la totalitĂ© du territoire habitĂ© par les Mapuches (ou Araucans), les Ătats indĂ©pendants nĂ©s de la dĂ©sintĂ©gration de cet empire Ă la suite de la guerre d'indĂ©pendance hispanoamĂ©ricaine, en lâespĂšce le Chili et lâArgentine, rĂ©ussirent plusieurs dĂ©cennies plus tard, par des campagnes militaires â Pacification de l'Araucanie au Chili et ConquĂȘte du DĂ©sert en Argentine â Ă consolider leur souverainetĂ© sur lâintĂ©gralitĂ© des territoires quâils avaient hĂ©ritĂ©s de lâEspagne, et Ă relĂ©guer les Mapuches dans des « rĂ©ductions » cĂŽtĂ© chilien et dans des « rĂ©serves » cĂŽtĂ© argentin.
Au XXIe siĂšcle, bien que la population mapuche apparaisse majoritairement urbaine, elle garde en mĂȘme temps des liens avec ses communautĂ©s dâorigine, maintient ses rĂ©clamations territoriales et exige la reconnaissance de sa civilisation.
Plusieurs organisations mapuches demandent la reconnaissance du droit Ă lâautodetermination des Mapuches, qui, argumentent-elles, leur revient en leur qualitĂ© de peuple[157], aux termes de la Charte de l'Organisation des nations unies[158]. Par lâadoption de la DĂ©claration des droits des peuples autochtones par lâAssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies le 13 septembre 2007[159], la communautĂ© internationale a reconnu expressĂ©ment la qualitĂ© de peuple aux autochtones, ainsi que lâa dĂ©jĂ confirmĂ© le rapporteur spĂ©cial des Nations unies, Miguel Alfonso MartĂnez, qui, dans lâĂ©tude dont il avait Ă©tĂ© missionnĂ© par cette organisation internationale, soutint quâ il « nâa pas pu trouver dâargument juridique suffisant pour que puisse ĂȘtre dĂ©fendue lâidĂ©e que les autochtones auraient perdu leur personnalitĂ© autochtone internationale comme nations/peuples »[160]. Les peuples autochtones jouissent dâores et dĂ©jĂ dâune reprĂ©sentation Ă lâOrganisation des nations et des peuples non reprĂ©sentĂ©s (UNPO).
Quelles que soient les diffĂ©rences entre les diverses fractions mapuches au regard de lâampleur de lâautonomie revendiquĂ©e et des bĂ©nĂ©fices rĂ©clamĂ©s, la plupart des organisations Mapuches se mirent volontiers, pour leur autodĂ©termination, dans celle obtenue notamment par le peuple inuit au Groenland depuis la dĂ©cennie 1990, et aspirent Ă quelque chose de semblable, ou se rĂ©fĂšrent aux bĂ©nĂ©fices accordĂ©s aux autochtones de Bolivie aprĂšs lâĂ©lection dâEvo Morales, un prĂ©sident aymara.
De plus, certaines organisations mapuches, notamment Wallmapuwen, ont nouĂ© des liens avec le Bloque Nacionalista Galego (BNG) et avec Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), et proposent dâinstaurer au Chili une rĂ©plique du systĂšme espagnol de communautĂ©s autonomes, et dâinscrire dans la constitution la reconnaissance des peuples autochtones, Ă lâinstar de la reconnaissance des administrations et langues rĂ©gionales en Espagne[161].
La cause des Mapuches a Ă©galement trouvĂ© un Ă©cho dans le monde culturel non mapuche, tĂ©moin le cas de lâĂ©crivain internationaliste Asel Luzarraga, qui fut mis en dĂ©tention[162], ou celui de la documentariste Elena Varela, qui, aprĂšs une pĂ©riode de dĂ©tention, fut mise en libertĂ© surveillĂ©e[163], traitements qui, aux yeux des militants mapuches, sâinscrivent dans une offensive de lâĂtat chilien visant Ă Ă©touffer les voix qui prennent la dĂ©fense de ce peuple autochtone[164].
Culture
La civilisation mapuche est une culture Ă tradition orale. Le comportement social et religieux sont rĂ©gis par lâadmapu (ensemble de traditions, lois, rĂšgles de droit et normes anciennes). Son idiome est le mapudungun, langue agglutinante qui jusquâĂ prĂ©sent (2017) nâa pu ĂȘtre apparentĂ©e de maniĂšre satisfaisante Ă aucun autre idiome[165]. Dans le domaine du sport, les Mapuches pratiquent traditionnellement le chueca, sport qui rappelle le hockey ; autrefois, les Huilliches en particulier sâadonnaient Ă©galement au linao, sorte de balle pelote.
En matiĂšre de patrimoine culturel matĂ©riel sont Ă signaler plus particuliĂšrement lâart textile et lâargenterie.
Organisation sociale
Lâorganisation et la structure sociales mapuches sâappuient principalement sur la famille et les relations entre les familles, la famille se composant du pĂšre, de sa ou de ses femmes, et de ses enfants. Le mode prĂ©dominant de descendance est la ligne patrilinĂ©aire, encore que des indices existent que le systĂšme de parentĂ© ait pu ĂȘtre matrilinĂ©aire Ă lâĂ©poque prĂ©colombienne. Les enfants conçus par le pĂšre chez dâautres femmes nâĂ©tant pas considĂ©rĂ©s comme apparentĂ©s, il nây avait pas Ă leur endroit de tabou sexuel ; cette perception, et les conduites quâelle autorisait, amena les Espagnols Ă conclure Ă une pratique gĂ©nĂ©ralisĂ©e de lâinceste. La polygamie traditionnelle a cessĂ© dâavoir cours chez les Mapuches modernes.
Des regroupements de familles liĂ©es entre elles par le partage dâun ancĂȘtre commun (les dĂšmes au sens de Murdock) forment les unitĂ©s socio-politiques autonomes et sont appelĂ©s lofs, terme dont on trouve parfois les variantes lov, levo ou cavĂ chez les historiens. Les diffĂ©rentes familles constituant un lof vivaient dans des rucas (maisons en bois) voisines et sâentraidaient. Chaque lof avait pour chef un lonco (« tĂȘte » en langue mapudungun).
En temps de guerre, les Mapuches sâunissaient en groupes plus larges dĂ©nommĂ©s rehues, composĂ©s de plusieurs lofs, et Ă©quivalent Ă une tribu. Chaque rehue Ă©tait dirigĂ© par un chef militaire appelĂ© toqui. Par temps de grandes calamitĂ©s, telles que sĂ©cheresse, Ă©pidĂ©mie, invasion ou autre grand malheur affectant une grande extension de territoire, plusieurs rehues sâassociaient pour former des groupements nommĂ©s aillarehues, dont le chef Ă©tait le mapu-toqui, « chef militaire dâune rĂ©gion en Ă©tat de guerre ».
Ces aillarehues eurent Ă jouer un rĂŽle de premier plan quand il sâagit dâaffronter les Espagnols. La lutte contre les conquistadors espagnols dĂ©termina les Mapuches Ă conclure des alliances entre plusieurs aillarehues. Les groupes rĂ©sultant de telles alliances entre plusieurs aillarehues Ă©taient dĂ©signĂ©s par le terme de butalmapus ou « circonscription militaire ». Les chefs des butalmapus Ă©taient choisis par les toquis, et ce chef suprĂȘme Ă©tait appelĂ© par les Espagnols Gran toqui. Il y eut dans lâhistoire mapuche trois principaux butalmapus, Ă savoir :
- Lafken mapu : dans la région du littoral.
- Lelfun mapu : dans la région des plaines.
- Inapire mapu : dans la région de la précordillÚre.
Dans lâorganisation sociale Mapuche actuelle, les groupes rassemblant des familles liĂ©es entre elles et Ă©tablies dans un mĂȘme secteur gĂ©ographique spĂ©cifique sont appelĂ©s communautĂ©s.
Coutume familiale et systÚme de parenté
La famille mapuche remplissait essentiellement deux fonctions : Ă©conomique et culturelle.
- Dans lâordre Ă©conomique, elle se manifestait comme une unitĂ© de production et de consommation. Tous les membres exerçaient une fonction Ă©conomique, diffĂ©renciĂ©e selon le sexe et lâĂąge.
- Sur le plan culturel, câĂ©tait dans la sphĂšre familiale que les jeunes membres de la famille Ă©taient socialisĂ©s et apprenaient la culture mapuche, faisant leur le mode de vie traditionnel.
Ces deux aspects, lâĂ©conomique et le culturel, nâĂ©taient cependant pas sĂ©parĂ©s lâun de lâautre, lâinitiation culturelle ayant lieu en effet dans le cadre du processus de production et de consommation, et inversement â raison pour laquelle le dĂ©veloppement culturel est indissociable de celui Ă©conomique.
La transmission des savoirs culturels sâeffectue dans la sphĂšre domestique (des parents vers les enfants, des grands-parents vers les petits-enfants, des oncles et tantes vers les neveux et niĂšces, etc.) et au travers de la pratique : lâon enseigne et apprend (lâĂ©levage du bĂ©tail, la prĂ©paration des aliments, la confection de textiles, etc.) au moment mĂȘme oĂč lâactivitĂ© est accomplie.
RÚgles régissant la vie familiale
- La patrilinĂ©aritĂ© : les membres dâune mĂȘme famille sont unis par des liens de parentĂ© selon une lignĂ©e dâancĂȘtres masculins. La nomenclature des relations familiales est du type omaha.
- Lâexogamie : on cherchait les partenaires en dehors du propre groupe familial.
- La résidence post-nuptiale virilocale : la femme suivait son mari à la résidence de celui-ci.
Croyances et religion
SchĂ©matiquement, la religion Mapuche est construite sur lâidĂ©e dâune connexion entre monde spirituel et monde tangible. Ses principaux Ă©lĂ©ments sont : le respect au monde spirituel ; le culte des esprits ou des ancĂȘtres mythiques, appelĂ©s pillans et wangulĂ©n (Antu, KuyĂ©n, etc.) ; le culte des esprits de la nature, appelĂ©s ngen ; et la relation entre peuple mapuche et Ăuke Mapu (« terre mĂšre »).
Que la croyance des Mapuches en un ĂȘtre supĂ©rieur et omnipotent ait Ă©tĂ© antĂ©rieure Ă leur contact avec le christianisme est objet de controverse ; quoi quâil en soit, Ă lâheure actuelle, les Mapuches croient en NgĂŒnechen (« seigneur des gens », hispanisĂ© en GuenechĂ©n ou NgenechĂ©n) comme dieu Ă©quivalent au â ou synonyme du â Dieu chrĂ©tien, mais un dieu qui avait rĂ©ellement, avant lâinfluence chrĂ©tienne, prĂ©sentĂ© les caractĂ©ristiques des antiques esprits individuels et indĂ©pendants. Pour les Mapuches, NgĂŒnechen est Ă la fois pĂšre, mĂšre, frĂšre et sĆur ; sont vĂ©nĂ©rĂ©es en outre une « amie du soleil », qui guĂ©rit les maladies des hommes, et des divinitĂ©s stellaires[166]. Lâest et le sud sont sacrĂ©s pour les Mapuches, car câest de ces directions que soufflent les vents bĂ©nĂ©fiques, de mĂȘme que leur est sacrĂ© le bleu du ciel. Les animaux sacrĂ©s sont les chevaux, qui sont principalement destinĂ©s Ă ĂȘtre montĂ©s, mais que lâon tue et consomme Ă lâoccasion de grandes festivitĂ©s comme p.ex. le guillatĂșn.
Le huecuvus (dont on trouve aussi les graphies huevuva, huecuvas, huecuve, huecufe ou wecufe) est dans la mythologie mapuche un esprit malfaisant envoyĂ© vers les hommes par le dieu PillĂĄn ; pouvant se manifester comme un tourbillon, ou prendre toute autre forme, il est susceptible de causer aux hommes malheurs et adversitĂ©s, tels que maladies, mauvaises rĂ©coltes, intempĂ©ries et autres flĂ©aux. Selon la croyance populaire, rien nâest en mesure de prĂ©munir les humains contre un huecuvus[166].
Dâautre part, la mythologie mapuche se signale par un grand nombre dâĂȘtres mythologiques, tels que le chonchĂłn et des personnages semi-mythiques comme les kalkus. La tradition mapuche renferme Ă©galement un rĂ©cit mythique de la crĂ©ation des terres de la partie sud du Chili, Ă savoir lâhistoire de Coi Coi-Vilu et Tren Tren (ou Ten Ten).
Les mĂ©diateurs par excellence de la religion mapuche sont le ngenpin, le ou la machi, et le lonco, chargĂ©s du culte et de la cĂ©lĂ©bration des diffĂ©rents rituels. Parmi les rituels les plus remarquables figurent notamment le guillatĂșn, rituel mixte, dâadoration et dâagrĂ©ment, dâune grande variabilitĂ© selon le territoire oĂč il est cĂ©lĂ©brĂ©, avec un caractĂšre nettement religieux dans la zone de la prĂ©cordillĂšre et de la cordillĂšre, et le machitĂșn, cĂ©rĂ©monie de curation et dâaugures.
Il existe des antĂ©cĂ©dents de sacrifices humains dâenfants chez les Picunches sous la domination incaĂŻque, ainsi que de prisonniers assassinĂ©s rituellement pendant la guerre d'Arauco, ou lors de rites sacrificiels destinĂ©s Ă Ă©viter ou Ă mettre fin Ă une calamitĂ© frappant le peuple mapuche. Le dernier cas dont on ait connaissance se produisit dans le sillage du tremblement de terre de Valdivia en 1960, le plus dĂ©vastateur jamais enregistrĂ© au Chili par les sismologues, lorsque, dans les environs de Puerto Saavedra, aprĂšs le raz-de-marĂ©e faisant suite au sĂ©isme, une machi immola et jeta Ă la mer un enfant de cinq ans[167].
Aujourdâhui, les Mapuches sont majoritairement de confession catholique (et dans une moindre mesure Ă©vangĂ©lique), que leur religion soit le produit du syncrĂ©tisme ou quâil rĂ©sulte dâune conversion directe consĂ©cutive Ă lâemprise chrĂ©tienne[168]. Cependant, en pratique, le « christianisme mapuche » apparaĂźt bien plutĂŽt comme un « paganisme pĂ©tri dâĂ©lĂ©ments catholiques », et les rituels classiques et les machis (prĂȘtres et prĂȘtresses traditionnels) continuent dây occuper une position centrale[169] - [170]. Les machis actuels sont Ă 80 pour cent des femmes[166] - [171]. En novembre 2007 fut approuvĂ©e la premiĂšre bĂ©atification dâun Mapuche, le jeune Argentin Ceferino NamuncurĂĄ (1886-1905)[172].
Cérémonies et traditions
La culture mapuche connaĂźt une multiplicitĂ© de cĂ©rĂ©monies et de traditions, dont les plus connues sont le guillatĂșn, le machitĂșn, le llellipun, le machiluwĂŒn, le ngeykurewen[173] et la cĂ©lĂ©bration du we tripantu. Trois de celles-ci vont ĂȘtre briĂšvement dĂ©crites ci-aprĂšs.
- Le guillatĂșn[174] (ngillatun), le plus important des rituels mapuches, est une cĂ©rĂ©monie propitiatoire et dâaction de grĂące Ă la divinitĂ©. Elle nĂ©cessite un lieu spĂ©cialement amĂ©nagĂ© Ă cette fin, le ngillatuwe. Au centre de cet espace est installĂ© un rehue (ou rewe, sorte dâautel constituĂ© dâun tronc dâarbre taillĂ© en degrĂ©s et fichĂ© en terre), autour duquel prennent place les participants. La cĂ©rĂ©monie, qui se prolonge sur un minimum de deux journĂ©es et sur un maximum de quatre, a pour objet de demander Ă GuenechĂ©n ou Ă dâautres ĂȘtres spirituels de gratifier le peuple de pluies, de rĂ©coltes abondantes, dâun accroissement du bĂ©tail et dâautres faveurs dans les annĂ©es Ă venir, tout en les remerciant pour leurs bienfaits des annĂ©es passĂ©es ; dans le mĂȘme temps, tout au long du rituel, lâon prend soin de tenir Ă lâĂ©cart les esprits malfaisants. Durant la cĂ©rĂ©monie, des danses ont lieu, accompagnĂ©es dâoraisons, et des offrandes sont faites, sous forme notamment de sacrifices dâanimaux et de dons de fruits locaux et de muday (boisson alcoolisĂ©e Ă base de cĂ©rĂ©ales). Le petit guillatĂșn se cĂ©lĂšbre chaque annĂ©e, le grand tous les quatre ans vers NoĂ«l[166]. Le guillatĂșn revĂȘt aussi une grande signification sociale, sâagissant en effet dâun rituel qui rĂ©unit la communautĂ© pendant plusieurs jours et lors duquel les familles et les personnes de connaissance se rendent mutuellement les honneurs en partageant les repas, typiquement un morceau de viande (cheval, porc, bĆuf ou mouton, bouilli ou grillĂ©) et un bout de iwiñ kofke, pain frit dans de la graisse de cheval. Il nâest pas rare quâune famille tue au minimum un cheval et un cochon, afin dâoffrir des mets Ă tous leurs hĂŽtes et connaissances. La fĂȘte conjugue des Ă©lĂ©ments du Nouvel An europĂ©en avec une dĂ©monstration impressionnante dâart Ă©questre araucan traditionnel : un autel rustique est dressĂ© et portĂ© ensuite en procession solennelle par des cavaliers, de plus en plus rapidement, pour se terminer en plein galop. En outre, des agneaux sont sacrifiĂ©s, dont le sang est exposĂ© dans des Ă©cuelles posĂ©es sur lâautel, en offrande Ă la divinitĂ©. Enfin, du chicha (sorte de biĂšre Ă base de maĂŻs ou de pommes) est consommĂ©e en fortes quantitĂ©s. Cette festivitĂ© voit aussi gĂ©nĂ©ralement officier un (ou une) machi ; il (ou elle) escalade les degrĂ©s dâun rehue, censĂ© symboliser une Ă©chelle conduisant au ciel et par laquelle lâofficiant sâĂ©lĂšve jusque dans lâau-delĂ , auprĂšs des dieux. ArrivĂ© au fin haut du rehue, il se met Ă tourner autour de son axe, tout en frappant sur un cultrĂșn (tambour), sans interruption, jusquâĂ entrer en transe et Ă tomber finalement sur le sol, oĂč il reste Ă©tendu comme mort, puis reprend connaissance, et annonce avoir appris de Dieu que celui-ci est satisfait des offrandes et des priĂšres[166] - [175]. Ce rite du voyage dans lâau-delĂ , oĂč le machi se fait parfois accompagner dâesprits auxiliaires et qui sâeffectue en Ă©tat dâextase, ces actes accomplis dans le monde des esprits, lâĂ©lection des machis par Dieu, la pĂ©riode dâinitiation de plusieurs annĂ©es, la forme et la signification du tambour, et le symbole central de lâĂ©chelle cĂ©leste rappellent si fortement le chamanisme sibĂ©rien, que dâaucuns ont voulu Ă©tablir un rapport gĂ©nĂ©rique entre culture mapuche et chamanisme ; cependant, selon toute vraisemblance, il ne sâagit en lâespĂšce que dâune analogie fortuite[166], et la postulation de rapports homologiques avec les civilisations sibĂ©riennes est considĂ©rĂ©e aujourdâhui comme relevant de la pure conjecture[176].
- Le machitĂșn (ou machitun) a pour but la guĂ©rison dâune personne malade. Lors de cette cĂ©rĂ©monie, les ancĂȘtres sont Ă©voquĂ©s, lesquels, dans la croyance mapuche, ont quittĂ© le monde terrestre pour le monde spirituel et possĂšdent lâart de diagnostiquer les maux et affections. Le rite fait intervenir un (ou une) machi, qui au dĂ©but de la cĂ©rĂ©monie escalade les sept marches du rehue et y dĂ©pose des feuilles de cannelier, lâarbre sacrĂ© des Mapuches, pour les brĂ»ler ensuite. Au son du cultrĂșn, il (ou elle) prie et chante auprĂšs du malade, jusquâĂ entrer dans un Ă©tat de transe (kĂŒymin), lui permettant dâentrer en communication avec les esprits et de sâentendre rĂ©vĂ©ler par eux la cause de la maladie du patient, qui selon la croyance mapuche gĂźt dans quelque malĂ©fice ou transgression, ainsi que la marche Ă suivre pour le guĂ©rir, qui consistera gĂ©nĂ©ralement Ă administrer des infusions, spĂ©cifiques Ă chaque mal. La plupart du temps, la cĂ©rĂ©monie se dĂ©roule Ă lâintĂ©rieur de la ruca (maison) du malade et en prĂ©sence de sa parentĂšle. Le (ou la) machi se fait assister par des aidants (dungumachife) chargĂ©s de traduire ses paroles, et par dâautres acolytes chargĂ©s de chasser les esprits mauvais impliquĂ©s dans la maladie Ă traiter. Une fois mise au jour lâorigine du mal, et ce dernier « retirĂ© » du corps du malade, un remĂšde est prĂ©parĂ© Ă base dâherbes mĂ©dicinales, complĂ©tĂ© dâautres traitements[177] - [178].
- Le we tripantu (hue tripantu dans la transcription espagnole, ou wiñoy tripantu) est la fĂȘte du nouvel an mapuche. Sa date est fixĂ©e au solstice dâhiver (hĂ©misphĂšre sud), entre le 21 et le 24 juin, de sorte quâĂ lâaube du 24 juin, un autre cycle de vie commence dans le monde mapuche et sur la terre mĂšre. Câest en gĂ©nĂ©ral une journĂ©e de retrouvailles, dâharmonisation et dâĂ©quilibre des relations humaines. Une tradition courante de cette fĂȘte est de se baigner Ă lâaube dans une riviĂšre ou dans un lac pour se purifier[179].
Habitation
Lâhabitation traditionnelle des Mapuches est la ruka (ou ruca en transcription espagnole), construction assez vaste, dâune superficie variant entre 120 et 240 mĂštres carrĂ©s, constituĂ©e de murs dâadobe, de planches ou de bambous, tapissĂ©s de tiges de massette Ă lâintĂ©rieur. Elles sont renforcĂ©es au-dedans par des piliers de bois qui supportent une toiture de joncs ou de quelque graminĂ©e semblable Ă la paja brava. Elles sont habituellement dĂ©pourvues de fenĂȘtres ; lâunique entrĂ©e, tournĂ©e vers lâorient, reste ouverte, mais est abritĂ©e des rayons du soleil par une ramada (auvent) formĂ©e de piquets supportant une couverture de branches[180]. LâingĂ©nieur Gustave Verniory, engagĂ© par le gouvernement chilien pour aider Ă la construction de chemins de fer, et qui sĂ©journa dix annĂ©es en Araucanie Ă la fin du XIXe siĂšcle, se lia dâamitiĂ© avec un cacique (polygame) et put donc visiter sa ruca, dont il dĂ©crivit lâintĂ©rieur comme suit dans ses mĂ©moires :
« Le sol est en terre battue. Le fond de la hutte est divisĂ© par des cloisons de roseaux en quatre compartiments dâenviron trois mĂštres de large sur deux de profondeur, deux Ă droite, deux Ă gauche, sâouvrant sur un couloir central ; câest Ă peu prĂšs la disposition dâune Ă©curie anglaise.
Au centre de trois dâentre eux, entourĂ© dâun cercle de pierres, est un foyer oĂč le feu couve sous la cendre ; il manque dans le quatriĂšme. DâaprĂšs les notions que jâai dĂ©jĂ acquises sur la vie des Indiens, jâen conclus que le cacique a trois femmes [âŠ].
Dans ces appartements privĂ©s, il nâexiste dâautre mobilier que le lit conjugal en planches Ă un pied au-dessus du sol, large de trois pieds et couvert de peaux de mouton, et dâautres couchettes de peaux superposĂ©es ou de paille Ă mĂȘme le sol pour les membres de la famille. Des vĂȘtements sont pendus aux cloisons.
Dans la partie avant de la hutte, aucun meuble, si ce nâest quelques tronçons dâarbre et des peaux jetĂ©es de ci de lĂ . Aux perches formant lâarmature et au clayonnage pendent des provisions diverses : des bottes dâĂ©pis de maĂŻs, des sacs en peau de vache gonflĂ©s de blĂ©, des outres faites de la tĂȘte dâun cheval ou dâun veau contenant des Ćufs, un curieux sac Ă farine formĂ© de la peau cousue dâun jeune veau et, ce qui me frappe le plus, des marmites en pis de vache durcis.
Sur un tronc Ă©quarri posĂ© le long dâune des parois sont rangĂ©s de nombreux ustensiles de mĂ©nage : des jarres en terre cuite, des Ă©cuelles en bois, des calebasses et gourdes Ă©vidĂ©es de toutes formes, des cruches en terre glaise, des coquilles de grosses moules de riviĂšre servant de cuillers. Ă cĂŽtĂ©, une grande auge en bois contenant la provision dâeau. Dans un coin, la lance du cacique, une grosse massue en bois dur, une selle, un lasso, une trutruca ou grande corne pour sonner le ralliement de la tribu[181]. »
Autel et structures funéraires
- Une structure rituelle importante est le rewe (rehue, selon la graphie espagnole ; prononcer rĂ©wĂ©), autel sacrĂ© utilisĂ© par les Mapuches dans de nombreuses cĂ©rĂ©monies. Câest un tronc dâarbre dâenviron deux mĂštres de haut, fichĂ© en terre, plus ou moins grossiĂšrement sculptĂ© et entaillĂ© dâune sĂ©rie de marches que le machi gravit Ă reculons lors de fĂȘtes religieuses et sur lesquelles il peut se tenir debout. La ruca (demeure) dâun machi se reconnaĂźt au rehue qui se dresse aux abords, ombragĂ© par le feuillage odorant dâun cannelier, arbre sacrĂ©[182].
- Ă signaler encore les statues de bois appelĂ©es chemamĂŒll (de che, personne, et mamĂŒll, bois, soit : « bois ayant forme humaine »), poteau funĂ©raire que lâon dresse sur la tombe du dĂ©funt Ă lâissue de la cĂ©rĂ©monie de funĂ©railles. Câest un tronc dont la partie supĂ©rieure, sommairement sculptĂ©e Ă la hache, figure une tĂȘte coiffĂ©e dâune sorte de chapeau haut-de-forme[183].
- En 2007, lâarchĂ©ologue amĂ©ricain Tom Dillehay a dĂ©nombrĂ© environ 300 tumulus funĂ©raires, nommĂ©s cuel, aux alentours de PurĂ©n et de Lumaco. Ces buttes artificielles coniques, faites de pierraille et de boue, peuvent dans certains cas dĂ©passer les 40 mĂštres de hauteur. Lâauteur a formulĂ© lâhypothĂšse que dans la plaine limoneuse de PurĂ©n se serait dĂ©veloppĂ© un foyer de peuplement suffisamment important que pour permettre lâĂ©dification de monuments funĂ©raires. Dillehay fait remonter les cuel Ă deux centaines dâannĂ©es avant lâarrivĂ©e des Espagnols, soit les XIVe et XVe siĂšcles. Il conjecture en outre que ces structures aient pu ĂȘtre le fruit de lâinfluence inca ou de quelque autre des cultures des Andes centrales en gĂ©nĂ©ral[184].
Mathématiques
Le systĂšme de numĂ©ration mapuche est dĂ©cimal, avec des noms particuliers pour les neuf unitĂ©s (dans lâordre : kiñe, epu, kĂŒla, meli, kechu, kayu, regle, pura, aylla), la dizaine (mari), la centaine (pataka) et le millier (warangka), le reste des nombres Ă©tant formĂ© par composition, au moyen de sommes et de multiplications, oĂč une unitĂ© nommĂ©e Ă gauche dâun nombre dâordre supĂ©rieur multiplie celui-ci, et lui est additionnĂ©e si elle est nommĂ©e Ă droite. Par exemple, kechu pataka kĂŒla mari kĂŒla reprĂ©sente 533 (5 x 100 + 3 x 10 + 3).
Selon le missionnaire FĂ©lix de Augusta (1860-1935), les Mapuches ne disposaient pas dâune mĂ©thode Ă©tablie pour opĂ©rer avec des fractions et des dĂ©cimales, de sorte que lâauteur dut adapter la terminologie espagnole aux usages mapuches.
Au XIXe siĂšcle, Claudio Matte, dans son syllabaire de 1884 familiĂšrement appelĂ© Silabario del ojo, affirmait que les Mapuches ne savaient pas compter et quâils utilisaient des mĂ©taphores pour exprimer les nombres, affirmation qui sera Ă lâorigine dâune croyance erronĂ©e qui durera des dĂ©cennies[185].
« [...] la loi relative Ă lâinstruction primaire obligatoire de 1928 se chargea de formaliser le mĂ©pris indigĂšne envers notre peuple en ce qui touche au systĂšme numĂ©rique et au comptage, et M. Claudio Matte, grand savant de lâuniversitĂ© du Chili, auteur du Silabario El Nuevo MĂ©todo, communĂ©ment appelĂ© Silabario El Ojo, dans les annĂ©es 50, soulignait dans la leçon no 21, sous le titre Los Indios Mapuche no saben contar, que pour dire âunâ ils disent âsoleilâ, et pour dire deux ils disent âpatte dâoiseauâ. »
â Juan Ăanculef Huaiquinao, Centre de documentation mapuche[186].
Art textile
Les donnĂ©es les plus anciennes sur lâart du tissage dans les zones les plus australes du continent amĂ©ricain (câest-Ă -dire la partie mĂ©ridionale des actuels Ătats du Chili et de lâArgentine) ont Ă©tĂ© recueillies dans quelques sites archĂ©ologiques, comme les cimetiĂšres pitrĂ©n non loin de la ville de Temuco, le site Alboyanco dans la rĂ©gion du BiobĂo, et le cimetiĂšre Rebolledo Arriba dans la province de NeuquĂ©n. Des preuves y ont Ă©tĂ© trouvĂ©es de lâexistence de tissages mettant en Ćuvre des techniques et des dessins complexes et remontant Ă une date aux alentours de 1300-1350[187]. Sur la base de ces trouvailles et dâautres encore, un lien a pu ĂȘtre Ă©tabli entre lâartisanat textile dĂ©veloppĂ© en Araucanie et les cultures andines du nord (actuels Ăquateur et PĂ©rou), et il a Ă©tĂ© postulĂ© que les tissus et le savoir-faire textile seraient arrivĂ©s jusque dans la rĂ©gion araucane par des contacts et des Ă©changes avec ces lointaines rĂ©gions[188].
Les documents historiques les plus anciens attestant de lâexistence de lâart textile chez les autochtones du sud des actuels territoires argentin et chilien sont des chroniques dâexplorateurs et de colonisateurs europĂ©ens datant du XVIe siĂšcle. Ces tĂ©moignages font Ă©tat de ce que, Ă lâarrivĂ©e des EuropĂ©ens dans la rĂ©gion dâAraucanie, les natifs de cette zone Ă©taient vĂȘtus de tissus fabriquĂ©s par eux-mĂȘmes Ă partir de la laine de lamas, dont les Mapuches pratiquaient lâĂ©levage. UltĂ©rieurement, et aprĂšs adoption du bĂ©tail ovin apportĂ© par les EuropĂ©ens, ces autochtones commencĂšrent Ă Ă©lever ces animaux et Ă en utiliser la laine pour la confection de leurs tissus, jusquâĂ ce que cette laine vint Ă supplanter largement lâemploi du poil de lama. Vers la fin du XVIe siĂšcle, ces ovins Ă©levĂ©s et amĂ©liorĂ©s par les autochtones avaient acquis un corps plus robuste et une laine plus grosse et plus longue que celle du bĂ©tail apportĂ© par les EuropĂ©ens[189].
Lâobjet vestimentaire principal Ă©tait le chamal, piĂšce de tissu de forme carrĂ©e, que les hommes fixaient Ă la ceinture et dont ils sâenveloppaient les jambes en guise de pantalon, et que les femmes assujettissaient Ă lâĂ©paule gauche avec une grosse Ă©pingle, pendant quâun autre chamal faisait office de jupe. Pour teindre ces piĂšces vestimentaires, les Mapuches utilisaient de lâargile ou des teintures vĂ©gĂ©tales, dont ils combinaient les tonalitĂ©s et avec lesquels ils crĂ©aient des motifs dĂ©notant un grand sens artistique. Cette tenue vestimentaire de base Ă©tait complĂ©tĂ©e de capes, de bandeaux, de rubans pour la tĂȘte, et dâune ceinture.
Le mĂ©tier Ă tisser mapuche Ă©tait posĂ© de façon verticale et se composait dâun bĂąti de quatre piĂšces de bois, une pour Ă©lever la chaĂźne, une autre pour apprĂȘter la trame, une navette, et une derniĂšre pour soutenir les fils Ă©levant un plan de la chaĂźne. De cette machine dĂ©rive le mĂ©tier Ă tisser chilote ou quelvo, de plus grande taille et de disposition horizontale.
Importance Ă©conomique des textiles
Ces tissus Ă©taient confectionnĂ©s par les femmes, qui transmettaient leur savoir-faire de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration, par tradition orale et en faisant appel Ă lâimitation gestuelle, habituellement dans le milieu familial. Les femmes douĂ©es dâune grande habiletĂ© textile Ă©taient trĂšs valorisĂ©es, jouant en effet, par lâĂ©laboration de leurs tissus, un important rĂŽle Ă©conomique et culturel, raison pour laquelle un homme, quand il voulait Ă©pouser une femme, devait apporter un trousseau beaucoup plus grand si la femme convoitĂ©e Ă©tait une bonne tisseuse[190].
Ă lâheure actuelle (2017), de nombreuses femmes mapuches continuent de confectionner des tissus selon la coutume ancestrale et de transmettre leur savoir Ă la maniĂšre traditionnelle, câest-Ă -dire au sein du foyer et de la famille, de mĂšre Ă fille et de grand-mĂšre Ă petite-fille. Ce mode dâapprentissage est basĂ© sur lâimitation gestuelle, et ce nâest quâĂ de rares occasions, et en cas de stricte nĂ©cessitĂ©, que lâapprentie se voit donner des instructions explicites ou de lâaide de la part de ses instructrices. Le savoir se transmet donc au moment mĂȘme de la rĂ©alisation des tissus, et faire et transmettre ont lieu simultanĂ©ment[190].
Dans les sociĂ©tĂ©s andines, les textiles avaient une grande importance et Ă©taient fabriquĂ©s dans le but dâĂȘtre utilisĂ©s comme vĂȘtement, comme ustensile et abri pour le foyer, et Ă©galement comme marque de prestige[191]. Aux XVIe et XVIIe siĂšcles, cette derniĂšre fonction des textiles se fit jour aussi dans la rĂ©gion dâAraucanie, oĂč, selon plusieurs chroniqueurs du Chili, les autochtones essayaient de sâemparer dâhabits et dâĂ©toffes espagnoles comme trophĂ©e de guerre, ou dâen acquĂ©rir par leurs nĂ©goces avec les Espagnols. En outre, câĂ©tait vĂȘtus de leurs meilleurs habits que les corps des dĂ©funts Ă©taient dĂ©posĂ©s dans leurs sĂ©pultures[192].
Dâautre part, lâactivitĂ© textile permettait dâengendrer des surplus, susceptibles de servir de biens dâĂ©change et dâalimenter un commerce fort important pour les autochtones. Nombre de tĂ©moignages Ă©crits remontant jusquâau XVIe siĂšcle attestent que les Ă©toffes Ă©taient destinĂ©es au troc entre les diffĂ©rents groupes autochtones, puis, Ă la suite de la colonisation europĂ©enne, entre ceux-ci et les colons. GrĂące Ă ces trocs, les Mapuches pouvaient faire lâacquisition de biens quâils ne fabriquaient pas ou qu'ils prisaient particuliĂšrement, comme p.ex. les chevaux. Les volumes de tissus produits par les femmes mapuches en Araucanie et dans le nord de la Patagonie et commercialisĂ©s ensuite Ă©taient considĂ©rables et constituaient une ressource Ă©conomique de premiĂšre importance pour les familles autochtones[193]. Aussi, dĂšs avant la colonisation europĂ©enne, les textiles confectionnĂ©s par les Mapuches avaient-ils cessĂ© dâĂȘtre destinĂ© Ă lâusage exclusif de la famille ou des seuls groupes autochtones[194].
Ă lâheure actuelle, les tissus Ă©laborĂ©s par les Mapuches continuent dâĂȘtre destinĂ©s tant Ă lâusage domestique quâĂ la vente ou au troc, ou Ă servir de cadeau. Toutefois, depuis dĂ©jĂ le dĂ©but du XXe siĂšcle, les femmes mapuches et leurs familles sâhabillent de vĂȘtements provenant du dehors et fabriquĂ©s Ă base de matĂ©riaux dâorigine industrielle, et parmi les productions textiles locales, seuls les ponchos, les capes, les ceintures et les rubans sont encore dâusage courant. Aujourdâhui encore, une bonne partie des tissus produits sont Ă©coulĂ©s dans le commerce et reprĂ©sentent dans beaucoup de cas une importante source de revenus pour les familles[195].
Argenterie et parures
Lâargenterie est lâune des facettes les plus prĂ©gnantes de la culture matĂ©rielle mapuche[196]. Câest dans la deuxiĂšme moitiĂ© du XVIIIe siĂšcle que les orfĂšvres argentiers mapuches se mirent Ă produire de lâargenterie fine en grande quantitĂ©[197]. Lâessor de lâorfĂšvrerie a pu ĂȘtre attribuĂ© aux pourparlers de QuillĂn de 1641 et Ă ceux de Negrete de 1726, qui instaurĂšrent une trĂȘve des hostilitĂ©s entre Espagnols et Mapuches et permirent au commerce de sâĂ©panouir entre les Mapuches, dĂ©sormais reconnus de facto indĂ©pendants, et le Chili colonial[197] - [198]. Dans ce contexte dâĂ©changes croissants, les Mapuches commencĂšrent fin XVIIIe siĂšcle Ă accepter les paiements en monnaie dâargent pour leurs produits, qui consistaient en gĂ©nĂ©ral en bĂ©tail et en chevaux[197]. Ces piĂšces de monnaie, en argent ou autre, obtenues Ă lâissue de nĂ©gociations politiques, serviront de matiĂšre premiĂšre aux artisans orfĂšvres mapuches (en mapudungun : rĂŒxafe)[197] - [198] - [199]. Les pendentifs mapuches anciens en argent comprennent souvent des piĂšces non fondues, incorporĂ©es telles quelles dans le bijou, ce qui aide les chercheurs modernes Ă dater les objets[199] - [200]. La grande partie des monnaies dâargent espagnoles provenait des mines de PotosĂ dans le Haut PĂ©rou[198].
La grande diversitĂ© des crĂ©ations dâargenterie fine chez les Mapuches sâexplique par le fait que ces objets Ă©taient notamment destinĂ©s Ă servir de marqueur dâidentification aux diffĂ©rents reynma (familles), lof mapu (territoires), ainsi quâĂ des loncos (caciques) et machis (prĂȘtres) dĂ©terminĂ©s[201]. Au fil du temps, les parures en argent ont Ă©tĂ© sujettes Ă changements en fonction des modes, mais certains modĂšles de base associĂ©s Ă des concepts philosophiques et spirituels ont rĂ©sistĂ© au passage des ans et nâont pas subi de modifications majeures[201]. Ces piĂšces sacrĂ©es qui apportent fĂ©conditĂ© et protection sont le support dâun message codifiĂ© qui fait rĂ©fĂ©rence au statut social de la femme qui les porte[202].
LâactivitĂ© dâorfĂšvrerie et la diversitĂ© artistique mapuches connurent leur apogĂ©e Ă la fin du XVIIIe siĂšcle et au dĂ©but du XIXe siĂšcle[203]. Au XIXe siĂšcle, tout cacique mapuche important avait en principe au moins un orfĂšvre argentier Ă sa disposition[197]. La campagne militaire de 1869 menĂ©e par lâĂtat chilien contre le territoire mapuche indĂ©pendant provoqua pendant lâhiver de cette annĂ©e une famine chez les Mapuches, aggravĂ©e encore par une Ă©pidĂ©mie de variole[204]. Cette circonstance portera certains Mapuches Ă vendre leurs parures dâargent dans les villes de la Frontera (câest-Ă -dire sises sur la ligne de dĂ©marcation entre le territoire tenu par eux et celui sous domination chilienne) en Ă©change de nourriture[204]. Selon lâuniversitaire mapuche Carlos Aldunate, il nây avait plus en lâannĂ©e 1984 dâorfĂšvres parmi ses contemporains mapuches[197].
Gustave Verniory donne dans ses mémoires un bref inventaire des parures féminines mapuches :
« Les femmes dâun cacique riche sont des joailleries ambulantes. Il y a dâabord les chaĂźnettes qui relient les extrĂ©mitĂ©s des deux tresses, puis les boucles dâoreille pesant souvent une demi-livre, puis les colliers, les bracelets, les diadĂšmes, les bagues nombreuses, les anneaux aux chevilles, les pendentifs et surtout lâĂ©pingle [âŠ], plaque ronde de la dimension dâune assiette formant la tĂȘte, avec une tige longue dâun pied, le tout en argent ; dâautres fois, la tĂȘte est une sphĂšre Ă©norme[205]. »
Le principal ornement fĂ©minin cependant est le pendentif pectoral (câest-Ă -dire qui se porte en sautoir sur la poitrine, trapelacucha en mapudungun), qui, sâil peut varier dans sa forme, se prĂ©sente nĂ©anmoins le plus souvent comme un assemblage de trois colonnes parallĂšles sĂ©parĂ©es constituĂ©es de plaquettes rectangulaires reliĂ©es entre elles par des chaĂźnons dâargent aplatis ; au sommet de ces trois colonnes, et les maintenant ensemble, se trouve une figure plate composĂ©e dâun oiseau bicĂ©phale, Ă ailes Ă©ployĂ©es, tandis que la base est constituĂ©e dâune piĂšce plate en demi-cercle ou trapĂ©zoĂŻde, se terminant en bas par un alignement de pendeloques sous forme de petits disques.
Musique traditionnelle
Au contraire de la musique populaire ou profane, qui est fort sujette Ă la mode et nâa pas Ă©tĂ© consignĂ©e ou enregistrĂ©e, la musique religieuse a Ă©tĂ© prĂ©servĂ©e en ce quâelle est rĂ©pĂ©tĂ©e cĂ©rĂ©moniellement, Ă lâidentique, comme p. ex. les chants des guillatĂșns (parmi lesquels les tayĂŒáž»fe, qui accompagnent de chants les danses des choyke), qui peuvent passer pour des Ă©chantillons de musique traditionnelle mapuche. Cependant, il existe par ailleurs aussi des chansons dâamour, des chansons Ă boire ou des chansons Ă©voquant tel Ă©vĂ©nement survenu dans la terre natale ou telle personne en vue. Le chant mapuche peut ĂȘtre chantĂ© a cappella ou ĂȘtre accompagnĂ© de quelque instrument de musique cĂ©rĂ©monielle.
Dans lâarsenal des instruments de musique mapuches figurent des instruments de percussion, tels que le cultrĂșn, dont lâutilisation est exclusivement rituelle, et les cascahuillas, grelots attachĂ©s aux jointures des doigts, et des instruments Ă vent, comme la trutruca, canne creuse de bambou avec une corne Ă son extrĂ©mitĂ©, ou la pifilca, aĂ©rophone de la famille des flĂ»tes, sans biseau, semblable Ă un sifflet. Un instrument original est le trompe ou torompe, idiophone dont on fait vibrer une languette et qui se sert de la gorge et de la bouche comme caisse de rĂ©sonance[206].
Musique actuelle
Ă ces instruments traditionnels sâen sont joints dâautres, comme lâaccordĂ©on et la trompette en Araucanie, et la guitare et le bombo dans la rĂ©gion des Lacs. Parmi les chanteuses modernes de musique mapuche, il convient de mentionner en particulier Beatriz PichimalĂ©n, AimĂ© Paine et Nancy San MartĂn.
Poésie contemporaine
Le peuple mapuche a produit une vaste littĂ©rature orale, que favorisait le goĂ»t traditionnel de ce peuple pour le maniement esthĂ©tique de son idiome et par la circonstance que le talent oratoire y Ă©tait Ă©levĂ© au rang de compĂ©tence sociale suprĂȘme. Les principales formes du rĂ©cit sont lâepew, sorte de fabliau, et le nĂŒtram.
La culture mapuche s'appuie traditionnellement sur une transmission orale, leur littĂ©rature Ă©crite est relativement rĂ©cente. Ce peuple s'intĂšgre dans les modes de transmission dominants. Ă partir du XXe siĂšcle, de nombreux poĂštes mapuches dĂ©cidĂšrent de basculer de lâoralitĂ© vers lâĂ©criture et commencĂšrent ainsi Ă apparaĂźtre sur la scĂšne de la littĂ©rature Ă©crite. Plusieurs parmi eux ont publiĂ© leurs recueils dans des Ă©ditions bilingues espagnol-mapudungun, mais les caractĂ©ristiques centrales de la majoritĂ© de ces auteurs sont le recours Ă la langue vernaculaire et la prĂ©sence dans leurs Ćuvres des topos littĂ©raires propres Ă lâethnie mapuche, tels que les rĂ©fĂ©rences Ă lâenvironnement naturel, la symbologie et la cosmovision mapuches. Parmi ces Ă©crivains, le poĂšte Elicura Chihuailaf, auteur du livre Sueños azules y contrasueños, professeur Ă lâuniversitĂ© de Temuco, est parvenu Ă une reconnaissance au niveau latino-amĂ©ricain.
Parmi les poÚtes mapuches contemporains méritent mention :
- Lorenzo AillapĂĄn (1940 - ) : poĂšte et musicien, qui se dĂ©clare ĂŒĂ±ĂŒmche, homme-oiseau, car capable de comprendre le langage des oiseaux. A Ă©galement travaillĂ© occasionnellement comme acteur.
- Emilio Antilef : journaliste et poĂšte.
- Elicura Chihuailaf (1952 - ) : lâun des poĂštes mapuches les plus cĂ©lĂ©brĂ©s. Son Ćuvre se signale par lâutilisation dâĂ©lĂ©ments de la symbologie traditionnelle, comme le culte des ancĂȘtres et la couleur bleue. Il a traduit en mapuzugun des Ćuvres de Pablo Neruda et de VĂctor Jara.
- Rosendo HuenumĂĄn GarcĂa (1935 - ) : poĂšte et compilateur de poĂ©sie traditionnelle. Il fut dĂ©putĂ© pour le Parti communiste du Chili jusquâen 1973[207].
- Jaime Luis HuenĂșn (1967 - ) : poĂšte huilliche, Ă©galement Ă©diteur dâanthologies dâautres auteurs mapuches.
- Leonel Lienlaf (1969 - ) : poÚte se déclarant ouvertement poÚte bilingue ; également musicien.
- Eliana Pulkillanca (1963 - ) : poÚte autodidacte lafkenche, de la zone de la Communauté autochtone Lonco Kashillahue de Piutril, San José de la Mariquina.
- Graciela Huinao (1956 - ) : poĂšte et conteur huilliche, elle fut la premiĂšre femme mapuche Ă faire paraĂźtre un livre.
- MarĂa Catrileo (1944 - ) : Ă©crivain et enseignant dâanglais, de mapudungĂșn et dâespagnol Ă lâuniversitĂ© australe du Chili.
Cuisine mapuche, pratiques alimentaires
- Le merkén est un élément traditionnel de la cuisine mapuche.
Ethnotourisme
Vers la fin du XXe siĂšcle, certaines communautĂ©s mapuches ont entrepris de crĂ©er des programmes de tourisme, plus spĂ©cifiquement dâethnotourisme, dĂ©nommĂ©s « tourisme mapuche ». Celui-ci sâinscrit dans une nouvelle tendance touristique, qui implique une nouvelle façon de voyager et un autre choix de destinations et dont les pratiquants sâinterdisent de porter prĂ©judice aux cultures locales, dâaltĂ©rer des Ă©quilibres vieux de plusieurs siĂšcles voire de millĂ©naires, ou de dĂ©truire les Ă©cosystĂšmes naturels. Il sâagit en lâoccurrence de formes alternatives de dĂ©veloppement touristique respectant les ressources et les communautĂ©s locales, dans la conviction quâainsi pourront ĂȘtre protĂ©gĂ©s et renforcĂ©s la culture et lâenvironnement de la destination touristique choisie[208]. Le tourisme responsable se dĂ©finit comme un voyage qui prend en considĂ©ration les contextes naturels, socio-culturels, Ă©conomiques et politiques de la destination, sâattachant Ă accroĂźtre les bĂ©nĂ©fices et Ă minimiser les impacts nĂ©gatifs du tourisme[209].
Câest dans cet esprit quâa Ă©tĂ© mis en place lâethnotourisme dans des zones habitĂ©es par le peuple mapuche. Ă cet Ă©gard se signale en particulier lâĂ©cotourisme organisĂ© par des communautĂ©s huilliches, se traduisant notamment par la participation des Huilliches dans la crĂ©ation dâun rĂ©seau de parcs sylvestres dans lâAire marine et cĂŽtiĂšre Lafken Mapu Lahual, dans la province d'Osorno, au Chili, mais prenant plusieurs autres formes encore telles que le tourisme dâaventure, lâagritourisme, le tourisme rural, le tourisme Ă©cologique, le tourisme scientifique, le tourisme historico-culturel, et lâethnotourisme. Ce dernier se donne comme but la prĂ©servation de lâidentitĂ© ethnique et la valorisation et transmission du patrimoine culturel.
En AmĂ©rique latine, des pays comme le PĂ©rou, la Bolivie, le Mexique et le Nicaragua ont mis au point au niveau national nombre de programmes dĂ©jĂ fort Ă©laborĂ©s. En comparaison, le Chili nâen est quâĂ ses dĂ©buts (2006), mais est en croissance rapide, grĂące en partie aux Mapuches, dĂ©sireux de revaloriser leurs racines et de les partager avec le reste du monde[208].
Mapuches célÚbres
- Galvarino
- Caupolican
- Lautaro/Leftraru
- Colocolo
- Juana Calfunao Paillaléf
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- José Bengoa (2000). Historia del pueblo mapuche..., p. 21-22
- Traduction par nos soins.
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- Câest le cas notamment de Roberto Edelmiro Porcel, professeur Ă la facultĂ© de droit de lâuniversitĂ© de Buenos Aires, qui note dans un billet sur son site personnel : « Leur territoire dâorigine (lâArauco) Ă©tait parfaitement dĂ©limitĂ© au Chili (vu quâils Ă©taient sĂ©dentaires, car, en plus dâĂȘtre chasseurs et cueilleurs, ils Ă©taient agriculteurs). Leurs limites Ă©taient le fleuve Bio Bio au nord, le ToltĂ©n au sud, lâocĂ©an Pacifique Ă lâouest et la cordillĂšre des Andes Ă lâest. Câest pourquoi aussi ils vivaient dans des rucas, maisons faites en bois dans les rĂ©gions boisĂ©es ou de pierre dans celles montagneuses, Ă la diffĂ©rence de nos aborigĂšnes, dâascendance pampĂ©enne, qui, Ă©tant nomades, vivaient dans des tentes de peaux, facilement transportables lors de leurs continuels dĂ©placements. Les autochtones araucans se caractĂ©risent par leur petite stature (aux environs de l,60 m), leur torse en effet dĂ©passant en longueur leurs extrĂ©mitĂ©s, au contraire de nos Tehuelches, qui Ă©taient grands, athlĂ©tiques, trĂšs bien proportionnĂ©s. Nos Guenakenq (appelĂ©s aussi Puelches ou Pampas montagnards) et les Gununa Kena (ou Pampas) mesuraient aux alentours de 1,70 /1,75 m. Les Aoniken (Patagons) Ă©taient plus grands encore (1,80 m/1,92 m). Ils se diffĂ©renciaient dâautre part par la forme de leur tĂȘte, les uns Ă©tant brachycĂ©phales, les autres dolichocĂ©phales. Les Araucans Ă©taient beaucoup plus avancĂ©s que nos aborigĂšnes du sud. Ils connaissaient lâart du tissage pour leurs vĂȘtements, tandis que nos indigĂšnes se couvraient avec les peaux des animaux quâils chassaient, cousus ensemble avec des laniĂšres. Enfin, leurs armes aussi Ă©taient diffĂ©rents : la lance contre la bola. On voit donc quâil sâagit de peuples totalement distincts, qui commencĂšrent Ă communiquer entre eux par la pression des Espagnols au Chili, puis, davantage encore, avec lâarrivĂ©e et lâusage du cheval, qui leur permit dâentreprendre des Ă©changes et dâentretenir des relations commerciales. Mais les Ă©vĂ©nements qui se produisirent dans la derniĂšre partie du XVIIIe siĂšcle, et plus encore au XIXe siĂšcle, durant le processus dâĂ©mancipation du Chili (la dĂ©nommĂ©e Guerre Ă mort), firent que les aborigĂšnes de lâouest des Andes pĂ©nĂ©trĂšrent massivement [en Argentine] dâabord pour mener des razzias, puis pour sâĂ©tablir et sâapproprier notre mal nommĂ© dĂ©sert, vainquant â par leurs javelots, leur supĂ©rioritĂ© numĂ©rique et leur meilleure prĂ©paration Ă la guerre â nos naturels, qui durent leur cĂ©der leurs zones dâimplantation et leurs terres. Quel droit leur permet-il donc de se prĂ©valoir dâun statut de « peuple originaire » sur le sol argentin ? Aucun. [âŠ] Outes et Bruch, dans leur opuscule publiĂ© en 1910 sur Los AborĂgenes en la RepĂșblica Argentina, nous informent quâĂ cette Ă©poque (dĂ©but du XXe siĂšcle) le nombre des Araucans, qui Ă partir du milieu du XVIIIe siĂšcle sâen vinrent occuper des Ă©tendues de nos pampas, ne dĂ©passaient guĂšre dans notre pays quelques petites centaines de personnes, dissĂ©minĂ©es dans la province de Buenos Aires et dans les gouvernorats de La Pampa, NeuquĂ©n et RĂo Negro. Horacio Zapater, qui vers le milieu du XXe siĂšcle voyagea au pays araucan (lâArauco au Chili), explique avec clartĂ© dans ses Notas de viaje por el paĂs Araucano le problĂšme de leur croissance de population et leur grande expansion, qui sâexerce aujourdâhui Ă©galement en direction de notre pays. » Cf.Roberto Porcel, « Problema mapuche en el sur argentino », (consultĂ© le ).
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- Jorge FernĂĄndez Correa, El naufragio del naturalista belga, RIL Editores, (lire en ligne), p. 251.
- Carlos Foresti Serrano, Eva Löfquist, Ălvaro Foresti, MarĂa Clara Medina, La narrativa chilena desde la independencia hasta la Guerra del PacĂfico, Editorial AndrĂ©s Bello, (lire en ligne), p. 63.
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- Juan Jorge Faundes M., ibidem.
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- El tamaño de la traición
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- Article sur Azkintuwe.cl.
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- En 1896, Gustave Verniory note dans ses mémoires : « Il y avait eu un jour une grande consultation de machis. Il en était venu une dizaine de bien des lieues à la ronde, la plupart des femmes car les sorciÚres sont bien plus nombreuses que leurs collÚgues mùles. » (Dix années en Araucanie, p. 667 ; voir également p. 52).
- (es) « Ceferino Namuncurå beatificado en Argentina »
- ĂeicurrehuĂ©n, un rito mĂĄgico mapuche, sur le site EducarChile.
- NguillatĂșn mapuche
- Gustave Verniory, Ă qui il fut donnĂ© dâassister personnellement Ă une telle cĂ©rĂ©monie en novembre 1894, en relata le dĂ©roulement avec quelque dĂ©tail dans ses mĂ©moires (Dix annĂ©es en Araucanie, p. 656-663). Selon lui, il sâagit dâ« une invocation religieuse pour demander un changement de temps ; il correspond plus ou moins aux rogations de chez nous ». Son rĂ©cit recoupe assez largement la description de Lindig & MĂŒnzel, sauf quâil signale que les Indiens, dans un Ă©tat dâĂ©briĂ©tĂ© fort avancĂ©, terminĂšrent la journĂ©e par une violente orgie, dont Verniory jugea prudent de sâĂ©loigner.
- (de) Walter Hirschberg (fondateur) et Wolfgang MĂŒller (rĂ©dacteur), Wörterbuch der Völkerkunde, Berlin, Dietrich Reimer, , 2e Ă©d., 427 p. (ISBN 978-3-496-02650-1), p. 326â327
- Ritos mapuches
- Gustave Verniory relate une telle cĂ©rĂ©monie dans ses mĂ©moires (Dix annĂ©es en Araucanie, p. 668-669). Ătrangement, il nomme par ailleurs machitun le rite d'installation dâun nouveau (ou dâune nouvelle) machis, et dĂ©crit longuement un de ces rituels, dont il fut autorisĂ© Ă ĂȘtre tĂ©moin dans la rĂ©gion du ToltĂ©n en 1898 (Dix annĂ©es en Araucanie, p. 675-679).
- We Tripantu mapuche
- G. Verniory, Dix années en Araucanie, p. 648.
- G. Verniory, Dix annĂ©es en Araucanie, p. 649-650. Pour voir une telle « marmite en pis de vache », cf. cette photographie sur le site du musĂ©e Branly. En dĂ©cembre 1894, Verniory eut aussi lâoccasion dâobserver la construction dâune ruca, et en fera plus trad le rĂ©cit suivant : « La construction avance rapidement. Un travailleur muni dâun bĂąton durci au feu attaque le sol ; un autre, avec une pelle quâĂ la marque on reconnaĂźt comme volĂ©e dans un des chantiers du chemin de fer, achĂšve les trous. DerriĂšre eux, une Ă©quipe plante dans ces trous de longues perches fortes du pied mais flexibles du bout. Les deux rangĂ©es sont parallĂšles, Ă une distance dâune demi-douzaine de mĂštres, câest-Ă -dire la largeur de la maison. Puis les extrĂ©mitĂ©s sont repliĂ©es et attachĂ©es par des boguis (lianes) Ă une perche horizontale formant le faĂźte du toit. Un des petits cĂŽtĂ©s de la future bĂątisse est aussi formĂ© de perches ; lâautre, celui qui est tournĂ© vers lâorient, restera ouvert. Puis on entretoise ces perches avec des tiges de bambou placĂ©es horizontalement et ficelĂ©es aux perches par des boguis, et voilĂ le canevas formĂ©. » (Dix annĂ©es en Araucanie, p. 665.
- G. Verniory, Dix années en Araucanie, p. 53-54 et p. 661.
- G. Verniory, Dix annĂ©es en Araucanie, p. 672. Voir aussi la photographie dâun chemamĂŒll sur le site du musĂ©e Branly.
- Tom Dellehay, Monuments, empires and resistance : The Araucanian Polity and Ritual Narratives, Cambridge University Press, , p. 504
- Ăuke Mapu, « La Data Cultural Mapuche y los 12 mil años » [php], Centro de DocumentaciĂłn Mapuche (consultĂ© le ) : « [...] M. Claudio Matte, grand universitaire de lâuniversitĂ© du Chili, auteur du syllabaire El Nuevo MĂ©todo, communĂ©ment appelĂ© Silabario El Ojo, dans les annĂ©es 50, soulignait dans la leçon no 21, sous le titre Los Indios Mapuche no saben contar, que pour dire âunâ ils disent âsoleilâ, et pour dire deux ils disent âpatte dâoiseauâ. »
- (es) Juan Ăanculef Huaiquinao, « La Data Cultural Mapuche y los 12 mil años », UniversitĂ© d'Uppsala (SuĂšde), Centro de DocumentaciĂłn Mapuche Ăuke Mapu, (consultĂ© le )
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- MillĂĄn de Palavecino (1960) ; Chertudi et Nardi (1961) ; Nardi et Rolandi (1978) ; Corcuera (1987, 1998) ; parmi dâautres.
- Joseph (1931) ; Palermo (1994) ; MĂ©ndez (2009a).
- Wilson (1992) ; Mendez (2009a).
- Murra (1975).
- Palermo (1994) : MĂ©ndez (2009b).
- Guaravaglia (1986) ; Palermo (1994) ; Mendez (2009b).
- MĂ©ndez (2009b).
- Wilson (1992) ; Alvarado (2002) ; Mendez (2009a).
- (es) Juan Painecura Antinao, Charu. Sociedad y cosmovisiĂłn en la platerĂa mapuche, Temuco, Ediciones UC Temuco (Universidad CatĂłlica de Temuco), , 67 p. (ISBN 978-956-7019-77-9), p. 15
- Carlos Aldunate, « Reflexiones acerca de la platerĂa mapuche », Cultura-Hombre-Sociedad, vol. 1,â (lire en ligne [archive du ], consultĂ© le )
- J. Painecura Antinao, Charu. Sociedad y cosmovisiĂłn en la platerĂa mapuche, p. 25-26.
- MarĂa Fernanda Kangiser GĂłmez, « ConservaciĂłn en platerĂa mapuche: Museo Fonck, Viña del Mar », Conserva, vol. 6,â (lire en ligne [archive du ], consultĂ© le )
- Dans le mĂȘme sens, Gustave Verniory note dans ses mĂ©moires (sans prĂ©ciser si cette information fait suite Ă des observations personnelles ou si elle lui est venue par ouĂŻ-dire) : « Tous ces ornements se fabriquent en fondant les piĂšces dâargent quâils (les Indiens) recueillent dans leur trafic avec les Chiliens car entre eux, ils nâutilisent pas la monnaie, les marchĂ©s se traitant par voie dâĂ©changes » (Dix annĂ©es en Araucanie, p. 46). Et plus loin : « Bien que les premiers Espagnols aient exploitĂ© jadis en Araucanie des mines dâargent, ce nâest pas de lĂ que les bijoutiers indiens tirent la matiĂšre de leurs ornements ; ils se contentent de fondre les monnaies chiliennes et de les retravailler » (Dix annĂ©es en Araucanie, p. 87).
- J. Painecura Antinao, Charu. Sociedad y cosmovisiĂłn en la platerĂa mapuche, p. 27-28
- Paz NĂșñez-Regueiro, prĂ©face Ă Dix annĂ©es en Araucanie de Gustace Verniory, p. CXLVIII
- J. Painecura Antinao, Charu. Sociedad y cosmovisiĂłn en la platerĂa mapuche, p. 30
- José Bengoa, Historia del pueblo mapuche..., p. 224
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Voir aussi
En français
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- MichĂšle ArruĂ©, « Les Mapuches du Chili et la question de leur identitĂ© », AmĂ©rique Latine Histoire et MĂ©moire,â (lire en ligne)
- MichĂšle ArruĂ©, Comment peut-on ĂȘtre Mapuche ? ContinuitĂ© et adaptation des Mapuches du Chili, thĂšse de doctorat 1992, Paris : UniversitĂ© Paris 8. 446 p.
- Sergio Zamora, Les Guerriers de la pluie : Histoire du peuple mapuche, t. 1, Montigny-le-Bretonneux, Yvelinédition, , 185 p. (ISBN 978-2-84668-264-0)
- Pierre Kalfon, PAMPA : (roman), Editions du Seuil,
- Sergio Zamora, Les Guerriers du crépuscule - BrÚve histoire des Mapuche (1810-1884), Yvelinédition,
- Thomas Hakenholz, Un peuple autochtone face Ă la « modernitĂ© ». La communautĂ© mapuche-pewenche et le barrage Ralco (Alto BĂo BĂo, Chili), 2002, mĂ©moire de maĂźtrise, UniversitĂ© Aix-Marseille. 213 p.
- Abrégé géopolitique de l'Amérique latine, Ellipses, Paris, 2006
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- Alain Devalpo, « Opposition pacifique des Mapuches chiliens », Le Monde Diplomatique,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- Charles Wiener, Lebrun, Araucanie et indiens Araucans : Pris dans un étau l'Araucan a été, définitivement, vaincu et écarté, 1881, 1888 [lire en ligne (page consultée le 1er mai 2012)]
- Philippe dâAraucanie (pseudonyme de Philippe Boiry), Histoire du Royaume dâAraucanie (1860-1979) : une dynastie de princes français en AmĂ©rique latine, La Rochelle, , 468 p.
- Gustave Verniory, Dix annĂ©es en Araucanie (1889-1899), Rennes & Paris, coĂ©dition Ăd.CoLibris & MusĂ©e du quai Branly, , 925 p. (ISBN 978-2-916937-03-8 et 978-2-35744-058-6). Ădition Ă©tablie, prĂ©facĂ©e et annotĂ©e par AngĂšle Martin et Paz NĂșñez-Regueiro.
- Jo Briant, Ces Indiens qui veulent vivre : Guaranis du Paraguay, Aymaras et Mapuches du Chili, Grenoble, Ăditions La PensĂ©e Sauvage, , 167 p. (ISBN 2-85919-085-6, OCLC 609217733, BNF 35551640).
En espagnol
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- José Bengoa, Historia del pueblo mapuche : siglo XIX y XX, Santiago du Chili, LOM Ediciones, 1999 1985
- José Bengoa, Historia de un conflicto : los mapuches y el Estado en el siglo XX, Santiago du Chili, Planeta,
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En anglais
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- Stefan Eim, The Conceptualisation of Mapuche Religion in Colonial Chile (1545-1787), 2010 (lire en ligne)
Filmographie
- 2018 : Mala Junta de Claudia Huaiquimilla
Articles connexes
- Mapudungun
- Amérindiens
- Peuples amérindiens d'Argentine
- Royaume d'Araucanie et de Patagonie
- Georges Claraz
- Philippe Boiry, défenseur du peuple mapuche.
Liens externes
- Dictionnaires
- Sites d'information
- (fr) RĂ©seau d'Information et de Soutien au Peuple mapuche
- (es) Centro de DocumentaciĂłn Mapuche, en espagnol uniquement
- (es) Journal d'information mapuche, en espagnol uniquement
- « Collection mapuche », Paris, musĂ©e du Quai Branly (consultĂ© le ) : section du site internet du musĂ©e Branly consacrĂ©e Ă la culture mapuche (ensemble de photographies de fin XIXe et dâobjets)
- Ouvrages
- Anello Oliva, « Histoire du Pérou », Paris, P. Jannet, 1857 (original espagnol de 1631), 128 p.
- Articles
- (fr) Ana Guevara et Fabien Le Bonniec, « Wallmapu, terre de conflits et de rĂ©unification du peuple mapuche », Journal de la sociĂ©tĂ© des amĂ©ricanistes, nos 94-2,â , p. 205-228 (lire en ligne, consultĂ© le ) (sur la situation des Mapuches au XXe siĂšcle)
- MĂ©moires et thĂšses
- Erika Antoine, « Les indiens mapuches dans les médias au Chili : du mythe du barbare à l'activisme identitaire transnational (mémoire réalisé sous la direction de M. Guy Drouot) », Aix-en-Provence, Université Paul Cézanne Aix-Marseille III,