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Flottage du bois dans le massif des Vosges

Le voilage et le boloyage sont les deux formes de flottage du bois pratiquĂ©s dans le massif des Vosges depuis le Moyen Âge[2].

Train de planches dans les Vosges, passage d'un pertuis. Dans Théophile Schuler, Les bûcherons et les schlitteurs des Vosges, 1878 - flottage des planches.
Gravure reprĂ©sentant Raon-l'Étape, ancien port aux bois sur la Meurthe en 1838[1].

Le premier consistait Ă  assembler des grumes ou des planches en trains de radeaux solidaires conduits par des flotteurs ou « voileurs Â». Le second dĂ©signait le flottage Ă  bĂ»ches perdues, une pratique trĂšs ancienne dans le monde pour transporter les arbres abattus ou les bĂ»ches Ă  moindre coĂ»t sur l'eau. Dans les zones germanophones, les mĂȘmes pratiques sont dĂ©signĂ©es respectivement par les termes Flözerei et Wildflözerei.

La quasi-totalitĂ© des riviĂšres flottables en trains de bois se trouvait sur le versant lorrain. Le flottage Ă  bĂ»ches perdues Ă©tait, en revanche, beaucoup plus gĂ©nĂ©ralisĂ© comme partout en France et en Europe mĂȘme si le versant haut-saĂŽnois du massif vosgien n’est pas trĂšs reprĂ©sentĂ© dans cette activitĂ©. La SaĂŽne et le CĂŽney prennent, en effet, leur source dans le seuil de Lorraine au pays de la VĂŽge qui n’est plus tout Ă  fait dans le massif vosgien Ă  proprement parler. Le Dictionnaire hydrographique de la France[3], contenant la description des riviĂšres et canaux flottables et navigables dĂ©pendant du domaine public au XIXe permet d’avoir une idĂ©e globale des cours d’eau qui ont Ă©tĂ© flottables Ă  cette Ă©poque et un peu avant. Si l’on Ă©carte les tout petits ruisseaux oĂč le flottage Ă  bĂ»ches perdues a Ă©tĂ© occasionnellement pratiquĂ© ou pour des volumes trop nĂ©gligeables, les cours d’eau qui ont connu le flottage appartiennent quasi tous au bassin versant du Rhin avec les gros sous-bassins de la Moselle en Lorraine et de l’Ill en Alsace. Si l’on ajoute le CĂŽney et la SaĂŽne flottables sur une infime partie du dĂ©partement des Vosges, quelques bois flottĂ©s se dirigent dans le bassin du RhĂŽne vers la MĂ©diterranĂ©e. Sur le versant alsacien, il faut remonter au XVIe siĂšcle pour trouver du flottage en trains sur la Thur. Le flottage est intimement associĂ© Ă  une autre activitĂ© symbolique du massif vosgien : le schlittage. Avant la construction des routes forestiĂšres ou des lignes de chemin de fer au sein mĂȘme des massifs forestiers denses, les schlitteurs descendaient les bĂ»ches dans la vallĂ©e pour qu’elles soient jetĂ©es dans la riviĂšre par les ouvriers-forestiers au service des flotteurs[4]. Trois riviĂšres ont connu plus longtemps que les autres le flottage en trains : la Moselle et des deux affluents droits, la Sarre et la Meurthe. À l'Ă©chelle europĂ©enne, le flottage du bois dans le massif vosgien reste nĂ©anmoins modeste d'une part par la taille des flottes, d'autre part Ă  cause du faible degrĂ© de flottabilitĂ© des cours d'eau dans les Hautes-Vosges dont certains secteurs longtemps inaccessibles regorgeaient paradoxalement de bois et d'essences d'arbres longtemps trĂšs recherchĂ©s par les nĂ©gociants et la marine. Concurrent des montagnes boisĂ©es de la ForĂȘt-Noire en Allemagne voisine, le flottage du bois vosgien servit d'abord Ă  alimenter les grandes agglomĂ©rations en marge du massif[N 1], et, quand le bois fut exportĂ© au-delĂ  du Grand-Est, il fut majoritairement tournĂ© vers l'Europe du Nord, en particulier les Pays-Bas avec la plaque tournante du port aux bois de Dordrecht.

Aspects linguistiques et jargon des flotteurs

Traiter du flottage implique une immersion systĂ©matique dans les langues rĂ©gionales qui ont influĂ© sur le jargon professionnel des mĂ©tiers du bois vu qu’il s’agit d’une activitĂ© artisanale trĂšs ancienne, antĂ©rieure au XVIIIe siĂšcle et Ă  la politique linguistique unificatrice de la RĂ©volution. Les termes de flottage varient donc fortement de rĂ©gion en rĂ©gion. Les flotteurs ont surtout besoin de dĂ©signer les parties des radeaux, les outils pour l’assembler ou le pousser et bien sĂ»r les types de cours d’eau avec leurs amĂ©nagements respectifs.

Deux aires linguistiques du massif vosgien

Le massif des Vosges est traversĂ© par une frontiĂšre linguistique germano-romane. Il faut donc de prime abord distinguer la terminologie propre Ă  chaque cĂŽtĂ©. Chaque versant s’apparente Ă  l’aire linguistique auquel il appartient comme la partie alsacienne qui partage les termes avec les terres alĂ©maniques voisines ou les Mosellans qui se rapprochent davantage du francique sarrois. De l’autre cĂŽtĂ©, les Lorrains partagent Ă©galement des termes communs avec les langues d’oĂŻl, mais on y trouve aussi des mots trĂšs spĂ©cifiques.

L’autre facteur qui explique la persistance de termes dialectaux chez les flotteurs comme dans d’autres domaines artisanaux d’ailleurs est qu’au moment oĂč le flottage commence Ă  prendre de l’ampleur en Europe occidentale, donc au XVIe siĂšcle, la Lorraine et l’Alsace n’appartiennent pas encore au royaume de France. Ce sont pour la France des terres Ă©trangĂšres. L’Alsace est annexĂ©e Ă  la France au XVIIe siĂšcle et la Lorraine au XVIIIe. Les deux appartenaient alors au Saint-Empire romain germanique. Les flotteurs lorrains et alsaciens ont d’abord parlĂ© leur langue rĂ©gionale en plus du jargon de leur mĂ©tier. Ceci fut d’ailleurs un atout non nĂ©gligeable pour les flotteurs alsaciens et mosellans qui Ă©coulaient leurs marchandises dans le bassin rhĂ©nan germanophone, mais aussi pour les Lorrains romans qui commerçaient avec la Champagne ou les deux Bourgogne. En effet, l’ingĂ©nieur Henri Louis Duhamel du Monceau explique en 1766, c’est-Ă -dire exactement l’annĂ©e de la rĂ©union du duchĂ© de Lorraine au royaume de France, que les sapins Ă©taient divisĂ©s en deux catĂ©gories Ă  leur arrivĂ©e au port Ă  bois de Paris : d’un cĂŽtĂ© le « bois françois » qui provenait de Bourgogne, du Bourbonnais et de Champagne (La derniĂšre est aujourd’hui intĂ©grĂ©e au Grand-Est !) ; de l’autre cĂŽtĂ© les « bois Ă©trangers qui se tirent des forĂȘts de Vauge[N 2] en Lorraine »[5] - [6].

À l’inverse, les ducs de Lorraine qui pratiquaient une politique protectionniste aux XVIe et XVIIe durent lĂ©gifĂ©rer pour obliger les flotteurs Ă  dĂ©clarer la part des bois lorrains et celle des bois Ă©trangers dans leurs flottes vu que les derniers Ă©taient assujettis au droit de haut-conduit[7], c’est-Ă -dire une taxe pour les Ă©trangers qui transportent des marchandises Ă  l’entrĂ©e et Ă  la sortie du territoire. Dans le mĂȘme esprit de se prĂ©munir de la concurrence et pour garantir leur approvisionnement, certaines villes suisses comme Zurich, Lucerne, BĂąle ou Berne, Ă©dictĂšrent entre 1250 et 1357 des interdictions d'exporter le bois des montagnes suisses, puis surveillĂšrent le marchĂ© du bois Ă  l’exportation par des tarifications clairement protectionnistes[8].

DiversitĂ© et singularitĂ© de l’aire vosgienne romane

La diversitĂ© phonĂ©tique caractĂ©risent les dialectes d’une rĂ©gion donnĂ©e, il n’existe pas une forme plus normative qu’une autre pour dĂ©signer les choses. Dans la mesure oĂč le flottage en trains de planches ou de bois s’est maintenu plus longtemps sur le versant roman du massif des Vosges, et plus spĂ©cifiquement dans les vallĂ©es de la Meurthe et de la Sarre, les articles et les travaux divers qui traitent du flottage dans la partie montagneuse du Grand-Est ont tendance Ă  reprendre systĂ©matiquement les termes de ces rĂ©gions qui se trouvent dans l’aire dialectale du vosgien : le vosgien de la montagne pour Raon-l'Étape et l’extrĂ©mitĂ© septentrionale de la zone au Donon qui fait transition avec le patois du pays de la Seille et Ă©tangs sur Abreschviller, Niderhoff et Lorquin[9].

Radeaux, flottes ou trains de bois

Il est intĂ©ressant de constater que les auteurs et chercheurs sur ce sujet passent par la forme francisĂ©e tant au niveau phonĂ©tique que graphique. Le terme patoisant est citĂ© entre guillemets comme le serait un mot Ă©tranger. Dans les Vosges romanes, le mot pour illustrer ce cas de figure est exemplaire ; le flotteur est un « voileur » dans sa forme francisĂ©e et le « oualou » dans l’une de ses formes vosgiennes qui, force est de la reconnaĂźtre, rappelle davantage une langue exotique qu’un patois français. La forme « voile » pour dĂ©signer une flotte est la plus rĂ©pandue dans les ouvrages publiĂ©s. Elle crĂ©e une confusion gĂȘnante car d’aucuns penseront de suite qu’il y a un rapport avec la voile ou le voile. Or le mot pour la voile en vosgien n’est pas le mĂȘme que pour le train de bois : une « wĂ©le » (=ouĂ©le)[10] dans le pays du Donon au nord ou un « woĂ©le » (ouoĂ©le) dans les Vosges mĂ©ridionales ou un « vĂąle » dans le patois de la montagne pour le dĂ©signer le voile.

Cela tient essentiellement au choix de la graphie de la consonne spirante labio-vĂ©laire voisĂ©e qu’on peut Ă©crire comme un w similaire Ă  celui de l’anglais dans « white » ou comme une semi-voyelle [uÌŻ]. LĂ©on ZĂ©liqzon, l’abbĂ© Hingre et beaucoup d’autres dialectologues ont prĂ©fĂ©rĂ© la graphie en [w] Ă  [ou] :

  • une wole (prononcĂ© : [wɔl])[11] : un train de bois, une flotte ;
  • un wolou (prononcĂ© : [wɔlʊ])[11] : un flotteur ;
  • wolĂš, wolĂšye (prononcĂ© : [ wɔlɛ, wɔlɛj])[11] : conduire un train de bois, une flotte ;
  • le wolĂȘje, wolĂ©ge (prononcĂ© : [wɔl wɔlɛʒ,wɔleʒ])[12] : le flottage ou « voilage » en français rĂ©gional.

Pour rĂ©sumer, le conducteur d’une « voile » (wole, wale) est un « voileur » (wolou, walou) qui voile (wole, wale) du bois ; il fait du « voilage » (wolĂšge, walĂ©ge)[N 3]. Le receveur du pĂ©age de ChĂątel-sur-Moselle Ă©crit au XVIe siĂšcle une « valle » quand il parle de la flotte de bois qui passe dans sa ville. C’est la prononciation de la plaine sous-vosgienne mais aussi du pays messin, de la Nied française et du Saulnois. C’est ce mot qui, orthographiĂ© Ă  la française de maniĂšre moderne, se prononce « voile » pour Ă©viter d’écrire « ouale » (prononcĂ© : [wal] ou (localement : [wɒl])). Il faut nĂ©anmoins rester prudent et rechercher l’étymologie du terme lorrain « wale » avant de faire le lien avec la voile (vwal).

Il ne faut pas non plus Ă©carter l’influence des langues germaniques voisines auxquelles le vosgien a empruntĂ© plusieurs mots. C’est d’autant plus vrai quand il s’agit de pratiques socio-culturelles et artisanales trĂšs reprĂ©sentĂ©es cĂŽtĂ© alsacien. On pense par exemple souvent dans les Vosges romanes au terme Schlitte qui a supplantĂ© le terme « trainault » que l’on lit encore dans les textes officiels du duchĂ© de Lorraine dans l’ancien rĂ©gime. Il existe en effet des parentĂ©s intĂ©ressantes entre la « wĂĄle » des flotteurs vosgiens et :

  • le Schwall, SchwĂĄll des Alsaciens, Souabes et Bavarois qui dĂ©signe le pertuis, la vanne ou la planche qui retient l’eau dans les canaux d’irrigation ;
  • la Walle, WĂĄll, Well des Alsaciens et Souabes qui dĂ©signe un fagot de petits bois, une botte de paille, donc ce qui est assemblĂ© par des liens ;
  • la Well, Welle, Walle des Lorrains franciques, RhĂ©nans et Palatins qui dĂ©signe aussi un fagot de petits bois d’une largeur de 1,50 m[13].
BolĂšye

Presque gĂ©nĂ©ralisĂ© sur toutes les riviĂšres du massif vosgien pendant des siĂšcles, le flottage Ă  bĂ»ches perdues consiste Ă  jeter les bois Ă  l’eau sans les lier. C’est le moyen de transport des grumes et des bĂ»ches le moins coĂ»teux Ă  l’époque oĂč il n’existait aucune route forestiĂšre, aucune voie de chemin de fer, ni mĂȘme de sentier assez large dans le thalweg. D’abord, il fallait faire parvenir le bois sur les rives des cours d’eau ; Les bĂ»cherons et dĂ©bardeurs faisaient glisser les troncs sur la pente enneigĂ©e ou Ă  l’aide de glissoire plus ou moins amĂ©nagĂ©e. Sinon, les bĂ»ches Ă©taient Ă©galement descendues Ă  l’aide d’une schlitte. Ce type de flottage trĂšs ancien et encore pratiquĂ© dans quelques rĂ©gions du monde Ă©tait plus rĂ©glementĂ© qu’il n’y paraĂźt. Il ne suffisait pas de jeter les piĂšces de bois dans la riviĂšre. Il fallait organiser les lĂąchers en concertation avec les communes traversĂ©es et surtout les propriĂ©taires de moulins, scieries et usines qui disposent d’un barrage-Ă©cluse. Dans les Vosges sarroises, le bois transportĂ© de cette maniĂšre en une fournĂ©e s’appelait la « bolĂšye » (variantes ailleurs: bollĂ©e, baulĂ©e)[14]. Suivant les rĂ©gions, le flottage Ă  bĂ»ches perdues est ainsi dĂ©signĂ© par « bolloyement », « bolovage » ou « boloyage »[15] car le verbe intransitif « bolier » signifie « flotter sur l’eau ». Il ne faut pas le confondre avec un verbe proche, « boller » (variantes : bouler, baler) qui veut dire « marcher sur quelque chose » ou « troubler l’eau » avec une grande perche par exemple pour les pĂȘcheurs[14]. En amont des riviĂšres flottables, le bois « boliant » ou les bĂ»ches Ă©taient poussĂ©s Ă  la perche par des journaliers, placĂ©s sur les rives, sur des rochers ou sur une passerelle par exemple. La crainte du boloyage Ă©tait le bois fondrier c’est-Ă -dire celui qui est trop lourd ou trop dense ; il coule au fond de la riviĂšre : dans le massif vosgien roman, on parle de bois noyons[16]. On dit Ă©galement des bois canards[17]

Terminologie du versant germanophone

Pour le terme du radeau de bois, la façade alsacienne du massif vosgien et les versants franciques des Vosges du Nord font partie d’une grande aire linguistique du sud-ouest du bassin germanophone, globalement le bassin rhĂ©nan de la Suisse Ă  DĂŒsseldorf : la forme « Floz » (prononcĂ© : [floːts, floːds]) avec toutes ses variantes phonĂ©tiques domine trĂšs largement. Elle diverge donc de la forme allemande standard « Floß » (prononcĂ© : [flƍs]) par sa consonne affriquĂ©e finale mĂȘme si celle-ci est attestĂ©e dans quelques rares secteurs trĂšs localisĂ©s dans la zone rhĂ©nane. En Alsace, le radeau ou train de bois est un « Floz » ou « Flos » (Pluriel :FlĂ©Ă©z, FlĂ©Ă©s). Le flotteur est un « Flözer » ou « FlĂ©Ă©zer ». Transporter du bois par flottage se dit « flöze » ou « flĂ©Ă©ze ». Les termes sont par consĂ©quent identiques Ă  ceux des terres de flottage traditionnelles que sont la ForĂȘt-Noire alĂ©manique[18], la Souabe[19] et la Suisse[20] voisines. En Lorraine germanophone, les locuteurs franciques rhĂ©nans, mosellans et luxembourgeois appartiennent Ă  un bassin plus large qui va du Rhin infĂ©rieur Ă  Lauterbourg ou Sarrebourg, et du Luxembourg Ă  la Hesse[21] mĂ©ridionale. Le radeau ou train de bois se dit Ă©galement « Floz »[22] (variantes : Flouz, Fliz, Fluz, FlĂ©z, Flöz) avec des voyelles longues ou diphtonguĂ©es, mais il existe aussi la forme « Flotz » ou « Flutz »[23] avec une voyelle brĂšve (prononcĂ© : [flɔts]). Comme en alsacien, le flotteur est un « Flözer » ou « FlĂ©Ă©zer » (variantes sur tout le bassin mosello-rhĂ©nan :Flozer, Flouzer, Fliezer, FlĂŒzer)[24] et le verbe est « floze » ou « flotze » (Variantes sur tout le bassin mosello-rhĂ©nan :fleeze, flöze, flözeln[25])

Histoire et réglementation du flottage sous la souveraineté des ducs de Lorraine

Carte des anciens territoires souverains influant sur la réglementation du flottage du bois dans le massif des Vosges.

Du XIVe au XVIIIe siĂšcle, le versant occidental du massif des Vosges est situĂ© majoritairement dans le duchĂ© de Lorraine dans le Saint-Empire romain germanique avec un statut d’autonomie quasi-totale avant son annexion par la France en 1766. Il faut ajouter le comtĂ© de Salm, notamment pour son fief, la seigneurie de BlĂąmont, traversĂ©e par la Meurthe flottable. Le comtĂ© de Salm deviendra la principautĂ© de Salm-Salm qui intĂ©grera la France en 1793. Pour la Moselle flottable[26], il fallait composer Ă©galement avec le comtĂ© de VaudĂ©mont intĂ©grĂ© au duchĂ© de Lorraine en 1508 . Enfin pour la Sarre, il fallait tenir compte de la lĂ©gislation de la principautĂ© Ă©piscopale de Metz (Celle passera plus tĂŽt Ă  la France en 1552) et du comtĂ© de Dabo. Le flottage Ă©tait donc essentiellement rĂ©glementĂ© par le droit coutumier de Lorraine, plus tard par les arrĂȘts et ordonnances des ducs de Lorraine. Le premier acte rĂ©digĂ© rĂ©glementant le flottage date du 2 juin 1302[27] par le duc Ferry III de Lorraine pour trouver un accord avec le comte de Salm et l’abbĂ© de Senones. Le comtĂ© de Salm est traversĂ© par le ruisseau de la Ravine, affluent droit de la Meurthe, qui est flottable Ă  bĂ»ches perdues. Donc ses bois arrivent dans les terres lorraines avant la confluence des deux cours d’eau. Le texte fixe les redevances Ă  percevoir pour le passage du bois flottĂ© Ă  Azerailles, accorde les autorisations nĂ©cessaires pour le passage des bois sur le territoire lorrain et dĂ©finit les travaux de curage de la Meurthe. Le second acte officiel remonte au 1er janvier 1389 accord entre le duc Jean de Lorraine et le seigneur de BlĂąmont ; il doit rĂ©gler un contentieux entre les gouverneurs des « passages de l’eau » de Deneuvre et MĂ©nil, et les flotteurs de Raon-l'Étape qui trouvent le pĂ©age excessif[27]. Dans la seigneurie de BlĂąmont, en dehors du soin des digues, des chaussĂ©es, des moulins et des scieries, il faisait partie des attributions de la gruerie la perception des redevances pour les droits de flottage, de paxon (pĂąture), de pĂȘche, d’affouage et le paiement des sagards (scieurs, forestiers)et des gardes. Ce poste n’avait jamais Ă©tĂ© Ă©voquĂ© au dĂ©but du XVIe. Les ducs lorrains l’instituĂšrent vers 1546 en raison du dĂ©veloppement rapide que connut l’industrie du bois Ă  ce moment-lĂ [28].

Exploitation forestiĂšre et principaux consommateurs de bois

L'activité du flottage évoluera et s'intensifiera au fil des siÚcles en fonction des besoins et en fonction des nouvelles activités industrielles encouragées par les seigneurs laïcs et ecclésiastiques. Les plus grands consommateurs de bois pendant l'ancien régime sous le rÚgne des ducs lorrains étaient en termes de volume par ordre décroissant les suivants[29] :

  • les « usagers », donc le gros de la population pour le bois de chauffage ;
  • les propriĂ©taires des forĂȘts pour :
    • le bois de fagotage des salines,
    • le bois de chauffage et de service des mines,
    • l'entretien des bĂątiments appelĂ©s « usuines Â» :
      • les maisons seigneuriales,
      • les chĂąteaux,
      • les moulins,
      • les battants,
      • les bĂątiments agricoles,
    • le chauffage accordĂ© Ă  tous les officiers de l'administration ducale ou seigneuriale.

Dans les archives des grueries, les termes d'« amoisonnement Â» ou « affortage Â» apparaissent frĂ©quemment; un amoisonnĂ© est un riverain qui peut se servir dans une forĂȘt voisine moyennant une redevance fixĂ©e par le propriĂ©taire, non permanente et renouvelĂ©e tous les ans[30]. Cela concerne essentiellement le bois de travail et d'industrie. Les piĂšces relatant les litiges et les dĂ©lits autour de l'amoisonnement montrent qu'il n'Ă©tait pas facile de contrĂŽler sur place s'il y avait des abus de la part des riverains venant se servir dans les forĂȘts ducales. Cela tient entre autres Ă  la surface importante des forĂȘts et probablement aussi au manque de personnel sur le terrain[31].

Dans les campagnes de Lorraine, on diffĂ©renciait les ouvriers et artisans travaillant « sur le bloc Â» de ceux qui consommaient plutĂŽt du charbon de bois. Les ouvriers travaillant sur le bloc Ă©taient[30] :

Les paysans, fermiers et mĂ©tayers recherchaient avant tout le bois pour leurs outils et les menus ustensiles nĂ©cessaires Ă  leurs activitĂ©s quotidiennes. Les mĂ©tiers qui consommaient plus du charbon de bois Ă©taient les marĂ©chaux-ferrants dits localement « marĂ©chaux Â»[N 4], les taillandiers[N 5], les arquebusiers[N 6] et les serruriers[30].

Salines lorraines dépendantes du bois flotté

Porte de France à Marsal abritant le musée départemental du sel.

À partir du XVIIe siĂšcle, les salines lorraines ont Ă©tĂ© successivement acquises par les ducs lorrains qui deviennent en droit des biens rĂ©galiens dont la vente des produits est au seul profit de l'État. Les souverains visaient ici un monopole trĂšs lucratif pour l'Ă©poque. Pour faire fonctionner les fourneaux et les poĂȘles Ă  cuire le sel, les salines s'alimentent d'abord dans les forĂȘts environnantes. La technique de l'Ă©vaporation des eaux salifĂšres implique une forte consommation en combustible pour les longues pĂ©riodes de chauffe. C'est pourquoi les salines gagnĂšrent les domaines forestiers de plus en plus lointains[32]. C'est Ă  partir de cette Ă©poque que le flottage du bois Ă  bĂ»ches perdues devient un maillon indispensable de l'activitĂ© salicole. Le bois parcourt des distances de plus en grandes et seuls les cours d'eau peuvent fournir ce combustible en grande quantitĂ© sans augmenter les frais de transport. De ce fait, il fallut trouver un compromis avec les seigneurs ecclĂ©siastiques et laĂŻcs qui possĂ©daient Ă©galement des forĂȘts dans le massif vosgien comme les Ă©vĂȘchĂ©s ou les abbayes qui disposaient de droits rĂ©galiens. Les ducs prenaient le plus souvent Ă  bail les forĂȘts seigneuriales, essentiellement par contrat d'acensement Ă  long terme. Parfois, ils achetaient ces forĂȘts en fonds et superficie au risque de s'endetter[32].

Chaque saline recevait une affectation et devait collaborer avec les officiers forestiers locaux. La saline devait percevoir son bois de chauffe sur un pĂ©rimĂštre de forĂȘt prĂ©dĂ©fini: il Ă©tait Ă©tabli avec prĂ©cision pour rĂ©pondre aux besoins de la saline. En contrepartie de ce traitement spĂ©cifique, elle ne pouvait pas dĂ©passer le pĂ©rimĂštre et le quota fixĂ©s[32]. La saline de Dieuze nĂ©cessitait par exemple 25 000 arpents au dĂ©but du XVIIe siĂšcle[33].

Les salines les plus importantes de la Lorraine étaient principalement situées dans le bassin versant de la Meurthe et surtout son affluent la Seille :

Obligation des riverains

Au XIVe siĂšcle, le curage fixĂ© par le droit coutumier Ă©tait obligatoire pour tous les riverains qu’ils fussent nobles, bourgeois ou simples fermiers[27]. Henri II de Lorraine rendit Ă  Nancy, capitale du duchĂ©, le 10 mai 1610 une ordonnance dont l’article no 2 autorise Ă  RosiĂšres-aux-Salines le passage des « bois de flotte venant des montagnes de Vosges » car ils sont destinĂ©s Ă  l’entretien et Ă  la rĂ©paration des vannes et Ă©cluses qui jalonnent la Meurthe. AprĂšs la guerre de Trente Ans qui a dĂ©vastĂ© le duchĂ© de Lorraine, il fallut remettre de l’ordre dans les affaires courantes et notamment pour la prĂ©paration et l’amĂ©nagement des cours d’eau. De nombreux propriĂ©taires riverains ne reviennent pas sur leurs biens, peut-ĂȘtre parce qu’ils sont dĂ©cĂ©dĂ©s ou partis en exil par refus de l’occupation militaire française. L’ordonnance du 8 avril 1664 enjoint aux riverains de curer les cours d’eau qui passent sur leurs terres, Ă  charge pour les maires et la police locale de vĂ©rifier que le travail a Ă©tĂ© fait ou bien de contrĂŽler que quelqu’un habite encore Ă  cet endroit. L’ordonnance fut confirmĂ©e par arrĂȘt du 12 mars 1698[27]. Le curage des cours d’eau semble poser problĂšme de maniĂšre rĂ©currente car un arrĂȘt du 13 avril 1752 publiĂ© par la Commission de la RĂ©formation des salines de Lorraine rappelle que les riverains doivent curer les riviĂšres mais aussi de penser Ă  rĂ©parer les « bordages ». La commission doit rĂ©itĂ©rer sa demande le 9 janvier 1754 : elle rĂ©clame avec fermetĂ© qu’on laisse la Meurthe libre pour le flottage et le boloyage, que rien ne soit bĂąti ou plantĂ© sur les rives[27]. L’autre litige qui revient frĂ©quemment dans le cadre du flottage est le chĂŽmage imposĂ© aux moulins et usines traversĂ©s par les flottes ou les bolĂ©es. AssociĂ© Ă  ce problĂšme rĂ©current, le vol des piĂšces de bois Ă©chouĂ©es sur les rives des propriĂ©taires ou coincĂ©es dans les vannes des moulins inquiĂ©taient les autoritĂ©s car, si le bois n’avait pas une grande valeur marchande en soi, les salines qu’il permet de faire fonctionner apportent des revenus considĂ©rables aux souverains lorrains. Il faut donc limiter la perte et trouver un compromis avec les propriĂ©taires de moulins et manufactures[27]. Dans l’arrĂȘt du 19 juin 1719, LĂ©opold Ier de Lorraine s’inspire de la lĂ©gislation française qui prĂ©voit une compensation en cas de chĂŽmage total ou partiel pour les moulins si « une diminution de mouture » est avĂ©rĂ©e.

Lorsque les bĂ»ches Ă©chouent sur les rives ou coulent, on parle de « bois noyons » dans les Vosges grĂ©seuses[34]. L’ordonnance du 16 dĂ©cembre 1729 interdit aux articles 7 et 8 de ramasser le bois noyon ou Ă©chouĂ© car il est destinĂ© aux salines de Dieuze, ChĂąteau-Salins et RosiĂšres-aux-Salines[27]. Les salines de Lorraine ont bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un statut particulier. Des ordonnances spĂ©cifiques rĂ©glaient le flottage du bois qui leur Ă©tait destinĂ© comme l’arrĂȘt du Conseil d’État des 9 et 13 juin 1733 pour RosiĂšres-aux-Salines[35] ou celui du 3 aoĂ»t 1733 pour les salines de Dieuze et ChĂąteau-Salins[36]. Il est interdit de s’approprier le bois noyon ou tout autre dans les temps du flottage destinĂ© Ă  l’usage de la saline de RosiĂšres. Le fermier gĂ©nĂ©ral du duc avait l’obligation d’amasser et de mettre en corde les bois aussi vite que possible et de dĂ©dommager ou indemniser les propriĂ©taires riverains des dommages qu’ils auront pu occasionner par la recherche et le dĂ©pĂŽt desdits bois. Cette indemnitĂ© est rĂ©glĂ©e de grĂ© Ă  grĂ© sinon Ă  dire d’experts. En cas de rĂ©cidive, le coupable Ă©tait puni par des coups de fouet et peut ĂȘtre banni de Lorraine pour 9 ans. En revanche, les nobles et les personnes disposant de privilĂšges pouvaient s’approprier ce bois sans sanction s’il est Ă©chouĂ© pendant plus de 4 mois[27]. Or, comme le Fermier gĂ©nĂ©ral des domaines et gabelles de Lorraine manquait de temps pour rĂ©cupĂ©rer tous les bois noyons avant ce dĂ©lai de 4 mois, la perte restait assez importante aux yeux des autoritĂ©s ducales. En consĂ©quence, le 15 juin 1733, l’interdiction de ramasser les bois noyons ou Ă©chouĂ©s est prononcĂ©e pour tout le monde et sans durĂ©e maximale. Les agents assermentĂ©s au service de l’état, qu’ils soient de la police, de la gruerie ou autres juridictions Ă©taient tous habilitĂ©s Ă  dresser des procĂšs-verbaux contre les contrevenants. Les meuniers devaient attendre 40 jours pour s’approprier le bois coincĂ© dans leurs vannes. En 1767, la Cour des Comptes enjoint aux moulins de ne pas fermer les Ă©cluses pendant 24 heures aprĂšs le passage des flottes afin de ne pas affaiblir le dĂ©bit du courant[27].

Obligations des flotteurs

Les flotteurs doivent s’acquitter des impĂŽts et droits de passage. Pour les flotteurs qui en sont par ressortissants lorrains, ils doivent rĂ©gler le haut-conduit Ă  l’entrĂ©e et Ă  la sortie du territoire ducal[27]. Le montant du haut-conduit est fixĂ© par le duc lui-mĂȘme. Le 27 mai 1592, le duc fixe le droit de passage Ă  CondĂ© Si le marchand de bois refuse de payer le droit de passage, le bois est confisquĂ© et vendu Ă  hauteur du droit redevable. NĂ©anmoins, si le bois flottĂ© est pour le duc ou l’évĂȘque de Metz ou pour les salines royales, certains marchands pouvaient obtenir une franchise d’impĂŽt dĂ©livrĂ© par un passeport qui mentionne quantitĂ© et destination[27]. Les Fermiers des pĂ©ages vĂ©rifiaient les quantitĂ©s rĂ©elles et le notifiaient au dos du passeport pour Ă©viter les abus.

L’arrĂȘt de la Chambre des Comptes de Lorraine du 14/4/1733 conserve l’obligation de payer des droits de Haut-Conduit d’entrĂ©e et de sortie pour tous les produits en prĂ©cisant l’origine, la quantitĂ© et la qualitĂ© du bois par exemple[37]. Cela vaut pour les marchandises transportĂ©es sur terre comme sur l’eau. Les bois de Hollande Ă©trangers passant par la Lorraine paient le droit de Haut-Conduit Ă  l’entrĂ©e et Ă  la sortie du territoire selon les tarifs de 1704 et 1604, ce qui provoque les protestations des « marchands de bois par eau », les ducs de Lorraine n’ont aucun intĂ©rĂȘt Ă  baisser voire supprimer ce pĂ©age de transit : les marchands de bois de Hollande achĂštent et font façonner leurs bois dans les forĂȘts du ComtĂ© de Nassau, du duchĂ© de Deux-Ponts-Bitche, des Pays de TrĂšves, du Luxembourg, du comtĂ© de Dabo, des Trois EvĂȘchĂ©s et autres pays Ă©trangers. Mais les transporteurs doivent le plus souvent traverser le territoire lorrain dans ce maillage pluri-Ă©tatique qu’était la rĂ©gion Ă  l’époque. AchetĂ©s ou pas en Lorraine, trop de bois destinĂ© Ă  la Hollande se transporte par voie terrestre ou fluviale en Lorraine sur les bords des riviĂšres de la Sarre, la Blies, la Moselle et autres sans payer aucun droit, ni faire de dĂ©claration. Les receveurs ducaux peuvent difficilement vĂ©rifier la provenance des bois sur la seule dĂ©claration des marchands qui prĂ©tendent que tous viennent de Lorraine car le bois lorrain n’est pas assujetti Ă  ce haut-conduit. La fraude pour les bois flottĂ©s existait aussi sur la Vezouze Ă  BlĂąmont et sur la Meurthe Ă  Raon-l’Étape.

  • Les bois qui arrivent au port d’assemblage de BlĂąmont proviennent des forĂȘts de Lorraine, de Salm, de Cirey-sur-Vezouze, de Saint-Quirin et des Trois EvĂȘchĂ©s ; grosso modo, ce sont les secteurs boisĂ©s du centre-nord du massif vosgien dans les dĂ©partements actuels de Moselle et Meurthe-et-Moselle autour du massif du Donon. Cela concerne de nombreuses essences. Ces bois sont jetĂ©s Ă  la source de la Vezouze pour les acheminer Ă  Cirey par boloyage. À Cirey, ils sont mis en flotte sans distinction de provenance.
  • Les bois qui arrivent au port d’assemblage de Raon-l'Étape sont nĂ©gociĂ©s par des marchands qui achĂštent dans le comtĂ© de Salm et d’autres forĂȘts de Lorraine ducale. Les bois sont façonnĂ©s et conduits sur la Plaine et la Meurthe, mĂ©langĂ©s et confondus sans se prĂ©occuper de la provenance.

L’arrĂȘt impose de dĂ©poser une copie des actes de ventes, des traitĂ©s et des dĂ©clarations de bois transportĂ©s[38].

Avant chaque bolĂ©e, les flotteurs construisent des estacades pour contourner et Ă©viter les vannes et les moulins. Par ailleurs, les gros sinistres sont Ă  la charge des flotteurs. Le 2 juin 1592, les flotteurs doivent prĂ©venir le prĂ©vĂŽt de Nancy de leur arrivĂ©e[27]. « De mĂȘme, quand le flottage des bois Ă©tait pratiquĂ© en trains, les flotteurs mĂ©nageaient un pertuis de flottage[39]. C'Ă©tait une mesure capitale car les flotteurs devaient collaborer Ă©troitement et en bonne intelligence avec les autres acteurs Ă©conomiques de la rĂ©gion: dĂšs le XVIe siĂšcle, la premiĂšre ressource exploitĂ©e par les souverains lorrains fut celle du bois : les riviĂšres flottables et bolovables alimentaient en premier lieu les scieries, les moulins des drapiers et les papetiers[40].

Une ordonnance de la cour des comptes d’octobre 1619 qu’il faut libĂ©rer la riviĂšre remplie de bois dans les huit jours une fois qu’il est arrivĂ© au barrage d’arrĂȘt. Avec l’accumulation des flottes au XVIIIe siĂšcle, la cour des comptes arrĂȘte le 13 avril 1736 que les bois et les trains de planches ne peuvent rester que 24 heures au port de Nancy et qu’il est interdit de les faire passer par le canal des grands moulins[27].

Bolées

DĂ©marrĂ© au dĂ©but du Moyen Âge, le boloyage a Ă©tĂ© pratiquĂ© sur les riviĂšres de taille modeste : Vezouze, Sarre, Rabodeau, Plaine, Mortagne, Vologne, Moselotte, Ravines, Hure, Herbas, ChĂątillon, Vaçon. MarquĂ© au sceau des acheteurs, les bois sont jetĂ©s dans la riviĂšre en amont. Une fois arrivĂ© au port d’arrivage, le bois est triĂ©. En Lorraine, il y avait deux bolĂ©es par an[27]:

Le flottage Ă  bĂ»ches perdues connut un essor considĂ©rable aux XVIe et XVIIe, notamment sur la Moselle comme ce fut surtout visible Ă  Metz ; cela est dĂ» Ă  l’expansion des villes et la progression de la construction navale, notamment pour le port fluvial de Metz, mais aussi pour le bois de Hollande. Le boloyage concerne en premier lieu les salines et les usines. La Chambre des comptes de Lorraine passait tous les ans des marchĂ©s avec les marchands de bois pour approvisionner les salines. Avec la fermeture des salines de RosiĂšres en 1760, le dĂ©clin du boloyage vosgien est amorcĂ©, mais il survit encore jusqu’en 1870 pour la cristallerie de Baccarat.

Le boloyage dans le duchĂ© de Lorraine sous les rĂšgnes de Charles III de Lorraine et Henri II de Lorraine connaĂźt un essor certain en mĂȘme temps que le dĂ©veloppement de la ville de Nancy qui passera d’une petite ville provinciale Ă  une vraie capitale ducale avec toutes les attributions majeures qui incombe Ă  un siĂšge du pouvoir[41]. Au milieu du XVIe siĂšcle, Nancy est certes dĂ©jĂ  capitale du duchĂ© de Lorraine, mais le pĂŽle Ă©conomique du duchĂ© est concentrĂ© Ă  Saint-Nicolas-de-Port oĂč il y a d’ailleurs un port au bois pour les piĂšces arrivant sur la Meurthe. De fait, la population a doublĂ© de 1550 Ă  1600, puis presque encore doublĂ© de 1600 Ă  1628. Pendant trĂšs longtemps, les ducs de Lorraine ont cru pourvoir s’approprier la citĂ© indĂ©pendante et commerçante de Metz pour en faire leur capitale. Mais les « cittains » de Metz ont jalousement gardĂ© leur indĂ©pendance et ont prĂ©fĂ©rĂ© l’offrir au roi de France en 1552 plutĂŽt que de passer sous l’autoritĂ© de la Lorraine. Une fois la chose entendue et scellĂ©e par un accord bilatĂ©ral entre le royaume de France et les Trois ÉvĂȘchĂ©s, les ducs devaient Ă©riger une nouvelle ville et une nouvelle capitale. Ils implantent de nouvelles activitĂ©s industrielles, pratiquent une politique trĂšs interventionniste et protectionniste dans le commerce rĂ©gional et international et agrandissent leur capitale en construisant une « ville-neuve » qui comporte des bĂątiments reprĂ©sentatifs de leur pouvoir grandissant. Plus de population, plus de bĂątiments, plus de manufactures et d’artisans signifient Ă©galement plus de bois de chauffage et de construction. Parmi les activitĂ©s industrielles qui consomment beaucoup de bois en tout genre, on recense Ă  Nancy mais aussi dans tout le massif vosgien sis dans le duchĂ© lorrain la batterie de chaudron (vaisselle, chaudron, pots, etc), la verrerie, la cristallerie, la papeterie, les mines, les charbonniers et les salines. L’essentiel du bois flottĂ© Ă  bĂ»ches perdues arrivent des forĂȘts vosgiennes. Il faut consommer local Ă  l’instar de la laine locale pour les draps, le papier local pour les cartes Ă  jouer ou le cuivre des mines du Thillot pour les chaudrons. Les papeteries sont aux portes ou dans les vallĂ©es du massif vosgien Ă  Épinal, Docelles et Arches. Les maĂźtres flotteurs se regroupent de plus en plus sur le principe de la tripartition hiĂ©rarchique trĂšs ancrĂ©e dans le « han », terme lorrain de la corporation : on est d’abord apprentis, puis compagnons puis maĂźtres flotteurs.

Voiles

Le voilage, flottage en trains, se pratiqua sur la Meurthe et la Moselle[27]. Anticipant sur les projets Ă©galement Ă©chafaudĂ©s par les autoritĂ©s françaises deux siĂšcles plus tard, les souverains lorrains avaient eux-mĂȘmes dĂ©jĂ  constatĂ© au XVIe siĂšcle que l’ensablement du lit de la Moselle est trĂšs important et qu'il rend la navigation impossible ; seul le boloyage Ă©tait encore possible et uniquement sur quelques sections. Les projets d’amĂ©nagement successifs de la Moselle n’aboutiront jamais pour des raisons gĂ©opolitiques, stratĂ©giques, entre autres[42].

Une voile de planches[43] consiste Ă  assembler plusieurs « bossets ». Un bosset est un assemblage de six « tronces ». Une tronce est un paquet de 10 planches entassĂ©es les unes sur les autres[44]. Les liens pour tout attacher sont des harts, cordage fait de branches flexibles qu’on tord et vrille pour le rendre mallĂ©able. Leur fabrication nĂ©cessite beaucoup de patience, les flotteurs les rĂ©cupĂšrent Ă  chaque fois que c’est possible. Les planches Ă©taient Ă©chancrĂ©es sur les cĂŽtĂ©s avant et arriĂšre pour que les harts ne ripent pas ou glissent sur l’arĂȘte de la planche. Le conducteur se place sur le second bosset car il doit manƓuvrer l’arc-boutant fait de planches et relevĂ© par quatre planchettes placĂ©es en dessous afin de fabriquer une sorte de levier en quelque sorte. GrĂące Ă  cet arc-boutant, le conducteur gouverne le bosset de tĂȘte ou peut presser dessus pour lever l’avant du bosset de tĂȘte pour qu’il ne pique pas du nez dans l’eau en passant les pertuis par exemple. Les bossets sont reliĂ©s entre eux par les deux planches supĂ©rieures des tronces du centre que l’on sort de la tronce. Selon un rapport de François-Michel Lecreulx en 1785, donc en Lorraine française, la Meurthe est toujours considĂ©rĂ©e comme la riviĂšre qui transporte le plus de bois de charpente et de chauffage dans la rĂ©gion[27]. Pour rentabiliser une flotte, une cargaison supplĂ©mentaire Ă©tait chargĂ©e sur la voile : tonneaux de sel ou de vin, des clous, des objets en bois travaillĂ©s (cuves, escabeaux, perches, balais, meubles, coffres). Avec l’ouverture des gares ferroviaires de Saint-DiĂ©-des-Vosges et Raon-l'Étape en 1864, le train prend la relĂšve pour le transport du bois mĂȘme si l’arrĂȘt ne l’activitĂ© ne cesse pas faite brutalement. Elle a vivotĂ© jusqu’à la guerre de 1870 qui signa la fin dĂ©finitive du flottage en trains dans les Vosges[27]. Les maĂźtres flotteurs peuvent devenir de riches bourgeois qui passent des contrats avec les artisans charpentiers, tonneliers, menuisiers[27]. Le flotteur devient un intermĂ©diaire indispensable entre les bĂ»cherons et de nombreux corps de mĂ©tiers utilisant le bois et ses dĂ©rivĂ©s.

Le port aux bois de Raon-l'Étape sur la Meurthe fut de loin le plus actif pendant la pĂ©riode lorraine. Dans le cas d’un contentieux entre la ville de Raon et l’évĂȘque de Metz, souverain de la principautĂ© Ă©piscopale reprĂ©sentĂ© localement par le sieur abbĂ© de Moyenmoutier, la description de l’affaire concernant le droit de pĂȘche est accompagnĂ© d’un croquis dessinĂ© Ă  la main qui date de 1680. Le document[45] est instructif Ă  plusieurs titres :

  • Il montre comment les flottes et les trains Ă©taient garĂ©s au port aux bois de Raon-l’Étape.
  • On peut y lire que les trains de bois ou les radeaux de flottage sont nommĂ©s « uoille » et que la Meurthe s’appelle en patois local « la Murthe ».
  • La technique de fixation des voiles y est dĂ©crite avec prĂ©cision. De mĂȘme, on apprend le rĂŽle jouĂ© par les rochers au milieu de la riviĂšre. Le texte original (orthographe non respectĂ©e) explique par exemple :

« Dans les endroits qu’il est possible d’aborder comme l’on fait voir par les voiles et bossĂ©es de bois qui y paraissent en forme, comme aussi des autres voiles qui sont attachĂ©es au milieu de ladite riviĂšre aprĂšs deux gros rochers que les marchands y ont fait attacher des anneaux pour tenir leurs marchandises en assurance, ne pouvant les tenir prĂšs des bords dans les temps qu’ils impactent leurs autres marchandises qu’ils ont dans leurs chantiers qu’ils ont de part et d’autre, ladite riviĂšre n’est seulement point embarrassĂ©e par lesdites voiles de marronnage mais elle est encore plus embarrassĂ©e par une myriade de rochers dans son milieu et Ă  d’aucun lieu comme elle paraissent dans ladite riviĂšre. »

Les maĂźtres flotteurs se montrĂšrent Ă©galement trĂšs patriotes lorrains et attachĂ©s Ă  la culture locale comme c’est d’ailleurs le cas dans de nombreux pays d’Europe. Leur activitĂ© proche du terroir et des Ă©lĂ©ments naturels semble les rendre attachĂ©s Ă  leur pays et leur environnement culturel. Mais surtout, il semblerait que certains flotteurs aient eu les moyens de s’engager pour leur pays[27].

  • En 1476, Jean Bragadour, dit Cachet, marchand de vin et de bois, paie la solde des mercenaires allemands[27] qui luttent pour les Lorrains de RenĂ© II de Lorraine contre l’envahisseur bourguignon Charles le TĂ©mĂ©raire lequel mourra Ă  la bataille de Nancy le 5 janvier 1477.
  • Le sieur Bernard Huel paya une rançon pour libĂ©rer 21 soldats lorrains prisonniers des occupants français pendant la guerre de Trente Ans[27].
  • Certains maĂźtres flotteurs devenaient des notables locaux et influents. À l’instar de leur confrĂšres du Nivernais qui sont parfois alliĂ©s par mariage aux banquiers de Paris, certains flotteurs lorrains sont anoblis comme les familles Cavot, Derand, Bragadour-Gachet[27]. En Lorraine ducale, les verriers furent Ă©galement anoblis et nommĂ©s gentilshommes.

Cela dit, seuls le blasonnement des Cavot est rĂ©pertoriĂ© dans l’armorial de Lorraine de Robert de Saint-Loup[46] : « de sable Ă  trois roses d’or ».

Bilan des ingénieurs des ponts et chaussées sur le potentiel des Vosges au XVIIIe siÚcle

Une fois que tous les Ă©tats de l'Ancien RĂ©gime situĂ©s dans le massif vosgien ont Ă©tĂ© intĂ©grĂ©s Ă  la France tout au long du XVIIIe siĂšcle, des prospections et des enquĂȘtes ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es dans les dĂ©partements forestiers de l’Est de la France rĂ©volutionnaire. Ils ont effectivement rĂ©vĂ©lĂ© des inconvĂ©nients importants pour l’exploitation et l’acheminement des sapins vosgiens, notamment par flottage. NĂ©anmoins, les demandes pour fournir la mĂąture de la marine Ă©tant croissantes, l’ingĂ©nieur en chef des ponts et chaussĂ©es, François-Michel Le Creulx[47], mandatĂ© par l’État pour estimer les travaux Ă  rĂ©aliser et dĂ©finir les moyens pour lever les obstacles qui se sont opposĂ©s Ă  l’exĂ©cution de ces ouvrages utiles Ă  l’approvisionnement en bois, a estimĂ© que la navigabilitĂ© ou la flottabilitĂ© des cours d’eau lorrains Ă©taient tout Ă  fait concevables et souhaitables, en particulier ceux des Hautes-Vosges vu la qualitĂ© des arbres que pourrait fournir le massif en bois de marine; il regrette au demeurant que « les plus belles piĂšces sont converties en charbon, faute de dĂ©bouchĂ©s »[47]. L’ingĂ©nieur en chef regrette Ă©galement que « la ci-devant Lorraine est une des provinces les plus arrosĂ©es, et l’on pourroit ajouter qu’elle est une des plus cultivĂ©es, et qu’il ne lui manque que d’ĂȘtre commerçante ».

L’objectif du rapport dressĂ© par Le Creulx et son collĂšgue lorrain des ponts et chaussĂ©es Ă©tait de voir si les riviĂšres de second et troisiĂšme ordre[N 7] pouvaient fournir plus d’avantages Ă©tant donnĂ© que certaines sont dĂ©jĂ  flottables pour du bois de feu ou de construction, mais jamais pour de grandes piĂšces « Ă  cause des embarras qui obstruent ces diffĂ©rentes riviĂšres ». Au XVIIIe siĂšcle, le transport par eau demeure objectivement plus avantageux en termes de coĂ»ts. Le flottage ou le transport par bateau ne coĂ»te que le 20e de celui par terre[47]. Les riviĂšres Ă  cours libre font certes augmenter les coĂ»ts mais ils restent encore infĂ©rieurs Ă  ceux qu’exigent les chemins de traverse ou les routes bien faites. C’est d’autant plus vrai pour les bois de charpente dont les frais de transport absorbent les deux tiers de la valeur du bois pour 46 km parcourus par terre. Pour amĂ©liorer la production, la valeur des marchandises et minimiser les frais de transport, l’état est prĂȘt Ă  engager des travaux importants sur les riviĂšres secondaires et mĂȘme sur la Meuse et la Moselle qui ne sont pas navigables sur tout leur cours.

Les ingĂ©nieurs des ponts et chaussĂ©es constatent dans leur rapport que « nulle province n’a autant de forges, de verreries, de fayenceries, et une aussi grande superficie plantĂ©e en bois »[47]. C’est la difficultĂ© de transport qui selon eux force Ă  convertir en planches les plus belles piĂšces de bois. Ils en concluent que « toutes les montagnes des Vosges sont couvertes de scieries en activitĂ© qui travaillent plus pour la Hollande[48] et l’étranger que pour la France »[47]. En clair, les Vosges pourraient approvisionner davantage la marine en bois de mĂąture et on peut s’imaginer que les observateurs d’antan ressentent une impression de gĂąchis en voyant le potentiel du massif vosgien rĂ©duit par un manque d’accessibilitĂ© et de communication. En ce qui concerne les sapins vosgiens, les environs de Bussang et de Saint-Maurice-sur-Moselle pourraient selon les personnes consultĂ©es sur place fournir 300 sapins de plus de 22 m de long. Les forĂȘts du Ventron, de Cornimont, de La Bresse et de GĂ©rardmer pourraient potentiellement livrer en les cumulant 2300 piĂšces de premier rang pour la mĂąture de la marine. Dans les bois du prieurĂ© d'HĂ©rival, de beaux sapins sont dĂ©bitĂ©s en planches alors qu’ils ont des tailles apprĂ©ciables pour la mĂąture (60 Ă  80 pieds de longueur et 16 Ă  20 pieds de grosseur)[47]. Pour les feuillus, et notamment le chĂȘne, les ressources sont trĂšs importantes dans les Vosges grĂ©seuses dans tous les massifs forestiers autour de BruyĂšres, Rambervillers, Épinal et Saint-DiĂ©, et mĂȘme les forĂȘts de Charmes et de Chamagne en dehors du massif vosgien[47].

Pour avoir accĂšs Ă  ces arbres, il faudrait rendre navigable la Moselle jusqu’à Épinal, puis la Meurthe, qui est flottable, jusqu’à LunĂ©ville et enfin la Sarre Ă©galement flottable, jusqu’à FĂ©nĂ©trange. Il faudrait amĂ©liorer la flottabilitĂ© de la Vologne, de la Vezouze et de la Mortagne puisque leurs sources respectives se trouvent au cƓur du secteur oĂč ont Ă©tĂ© repĂ©rĂ©s les essences recherchĂ©es. Mais le projet le plus ambitieux reste Ă  cette Ă©poque l’amĂ©lioration importante de la navigation et du flottage de trĂšs grosses piĂšces sur la Meuse aussi bien vers le nord par Dinant que par l’ouest en rejoignant la Marne moyennant des travaux importants pour lever l’entrave rĂ©dhibitoire de la rupture de charge entre Pont-Ă -Mousson et Saint-Dizier[49]. Il apparaĂźt clairement que les chĂȘnes et les sapins des Vosges intĂ©ressent la marine au point d’échafauder des projets coĂ»teux dont d’autres ingĂ©nieurs remettent en cause la faisabilitĂ©[47]. Finalement, les projets en question pour amĂ©liorer l’exploitation des forĂȘts de la partie sud du massif vosgien ne verront pas le jour comme tout le monde peut le constater aujourd’hui encore. Les cours supĂ©rieurs des riviĂšres citĂ©es ne sont pas navigables. Le flottage par trains de radeaux se poursuivra comme avant sur les tronçons habituels de la Sarre et de la Meurthe, mais il se limitera en majoritĂ© Ă  des trains de planches, des petites piĂšces si l’on excepte les rares tentatives onĂ©reuses de faire acheminer coĂ»te que coĂ»te quelques sapins vosgiens vers les chantiers navals de la Manche.

Par ailleurs, les premiers amĂ©nagements lourds de la Moselle ne dĂ©marreront pas avant 1830-1850 : auparavant la riviĂšre reste sauvage et sujette aux alĂ©as climatiques. Les seigneurs prĂ©levaient des pĂ©ages sur le flottage lĂ  oĂč ils avaient fixĂ© les rives de la riviĂšre Ă  leurs propres frais[50].

Regards sur le flottage vosgien par le récit de témoins

Basilique de Saint-Nicolas-de-Port, ville-Ă©tape des flotteurs vosgiens.

Pierre Badel, lui-mĂȘme originaire de Saint-Nicolas-de-Port, raconte l'arrivĂ©e des flotteurs[51] vosgiens en provenance de Raon-l'Étape qui vont faire escale dans la petite bourgade autrefois cĂ©lĂšbre pour son pĂšlerinage et ses deux foires internationales[52]. Les flottes empruntaient le petit bras de la Meurthe pour arriver au port oĂč ils attachaient leurs flottes de gros bois ou de planches aux rives du Champy[53].

C'est, semble-t-il, un grand Ă©vĂ©nement pour la population locale puisque les badauds se rassemblent sur le pont du village pour regarder passer le cortĂšge insolite, mais aussi parce que quelqu’un va prĂ©venir le maĂźtre d'Ă©cole dans la pause de midi pour que les Ă©coliers, dont fait partie Pierre Badel Ă  ce moment du rĂ©cit, puissent quitter l’école en colonnes vers seize heures pour se rendre Ă  la vanne principale et ainsi assister Ă  l'arrivĂ©e tonitruante des radeaux qui doivent passer le seuil du pertuis de maniĂšre spectaculaire. Les flotteurs armĂ©s de leurs longues gaffes arrivent environ vers 18 h sur plusieurs radeaux qui se suivent. Suivant les flottes, il y en avait entre 10 et 20 radeaux[54]. Badel raconte que les flotteurs frĂŽlaient les berges pour que les Ă©coliers puissent monter sur le train de bois oĂč ils devaient bien s ‘agripper pour en pas tomber Ă  l’eau[55].

Quand les flotteurs s'arrĂȘtent dans une ville, c'est tout un branle-bas de combat pour leur offrir le gĂźte et le souper. Trois hĂŽtels de Saint-Nicolas-de-Port Ă©taient, d’aprĂšs Badel, souvent frĂ©quentĂ©s par les flotteurs pour leur gĂźte-Ă©tape avant la descente vers Nancy. Ils descendaient au PĂšlerin des Vosges, Ă  La poule qui boit et au Lion d'Or. Pour annoncer leur arrivĂ©e, le patron des flottes envoyait de Raon-l'Étape un tĂ©lĂ©gramme le matin mĂȘme oĂč il prĂ©cisait que ses flotteurs arriveraient tard dans la soirĂ©e. Cela se produisait au moins une fois par mois, parfois davantage. Comme en moyenne une centaine d'hommes devaient ĂȘtre accueillis par les aubergistes, il fallait faire appel Ă  de nombreux intervenants occasionnels pour prĂȘter main-forte, y compris dans la parentĂ© et parmi les voisins afin de dresser les tables, nettoyer, essuyer, prĂ©parer les lits, organiser les matelas supplĂ©mentaires et les lits d'appoint dans les chambres et mĂȘmes les couloirs. Le repas Ă©tait trĂšs copieux et bien arrosĂ© Ă  en croire les tĂ©moins, ce qui n’est pas Ă©tonnant en soi car d’autres rĂ©cits ou chants de flotteurs allemands par exemple[N 8], relatent le lĂ©gendaire appĂ©tit des flotteurs qui sont souvent dĂ©crits comme de solides gaillards habituĂ©s Ă  la rudesse de leur mĂ©tier[N 9].

La description de l’arrivĂ©e des flottes par le tĂ©moin est intĂ©ressante pour obtenir un aperçu des pratiques du flottage lorrain au XIXe siĂšcle. Jeune, il Ă©tait impressionnĂ© par ces « gĂ©ants de l’eau » qui « nous semblaient d’une race inconnue »[56]. PostĂ©s sur leurs radeaux, bras nus et jambes nues, les flotteurs manƓuvraient leur train de bois, oĂč il y avait parfois une sorte de tente ou d’abri installĂ©s sur des planches, pour entrer dans le canal des filatures et des moulins.

L’enfant, prĂ©sent sur le radeau, raconte l’arrivĂ©e en ces termes : « Et puis c’était la plongĂ©e brusque, soudaine, affolante, dĂ©sirĂ©e et redoutĂ©e Ă  la fois, dans la fosse des Grands-Moulins, au milieu des cris, des giclements de l’eau, des cascades vaporeuses, des vannes levĂ©es par la manivelle en crĂ©maillĂšre (
) Nous Ă©tions couverts d’eau, aplatis fortement sur les gros bois ; les flotteurs surveillaient 'leur maison' qui grinçait et qui menaçait de se rompre
 et puis, tout d’un coup, nous sortions de la fosse, blancs d’écume, les yeux noyĂ©s, les cheveux trempĂ©s, les habits collĂ©s au corps, heureux du plongeon salutaire (
) »[57]. Une fois les flottes arrimĂ©es, les flotteurs vont chercher leur vĂȘtement de rechange dans le « coffre commun » pour se rendre Ă  l’hĂŽtel que le maĂźtre-flotteur leur a dĂ©signĂ©.

La nuit est courte car les hommes se dĂ©tendent en discutant, fumant ou chantant jusque minuit. Or, le dĂ©part vers Nancy est prĂ©vu pour 4 heures du matin et le lever est prĂ©vu pour 3 heures. Les chambres, les couloirs, le faux-grenier sont envahis de lits, les voisins ont fourni des matelas qu’on dĂ©pose Ă  mĂȘme le sol. Plusieurs hommes dorment dans le mĂȘme lit. Seul le maĂźtre-flotteur a le privilĂšge de dormir dans la « belle piĂšce », ce qui dans l’habitat lorrain traditionnel correspondrait aujourd’hui au living-room rĂ©servĂ© aux fĂȘtes de famille et aux solennitĂ©s. Du coup, les membres de la famille qui y dorment d’habitude sont hĂ©bergĂ©s chez une personne du village qui veut bien les accueillir pour une nuit. Les flotteurs quittent Saint-Nicolas-de Port en pleine nuit[57]. Le cĂ©rĂ©monial recommencera dans un mois, ou plus tĂŽt si l’activitĂ© est intense Ă  certains moments.

Flottage en trains de bois et à bûches perdues dans le massif vosgien

Les flotteurs de la vallĂ©e de la Meurthe et de ses affluents flottables (Fave, Rabodeau, Plaine, TaintrouĂ©, Laveline) font souvent rĂ©fĂ©rence dans le massif vosgien quand il est question des radeaux de bois ou de planches transportĂ©s par voie fluviale. NĂ©anmoins, d’autres cours d’eau ont connu une pĂ©riode de flottage plus ou moins longue par trains. En dehors de la Meurthe, il faut citer la Sarre, la Vezouze et son affluent le Chatillon, le Rouge-Eau et la Moselle et son affluent la Moselotte.

Trains de bois dans le sous-bassin de la Meurthe

La Meurthe prend sa source au pied des crĂȘtes des Vosges dans un vallon entre le Haut Gazon (1 201 m, le Collet (1 110 m) et le col de la Schlucht (1 135 m) dans le parc naturel rĂ©gional des Ballons des Vosges. Elle se jette dans la Moselle Ă  Frouard[58]. La vallĂ©e de la Haute-Meurthe Ă©tait communĂ©ment appelĂ©e la « grande besse » en patois vosgien local. La Petite Meurthe prend sa source au Vimbar, prĂšs du hameau du Grand Valtin au pied de la chaume de SĂ©richamp (1 123 m). Le cours supĂ©rieur se fraie un chemin dans des valons trĂšs resserrĂ©s comme la Peute Basse et surtout le site protĂ©gĂ© du DĂ©filĂ© de Straiture. En patois local, les habitants de cette vallĂ©e qu’occupe la commune dispersĂ©e de Ban-sur-Meurthe-Clefcy parlent communĂ©ment de la « p’tite besse ». Les deux Meurthe se rejoignent au hameau de Sondreville en amont de Saint-DiĂ©-des-Vosges Ă  environ 10 km des sources. Si la navigation ne dĂ©marre qu’à Nancy, le flottage commence Ă  Plainfaing et s’étale sur 129 km contre 11 km pour la navigation. Il existait au XIXe siĂšcle 86 moulins sur la Meurthe entre Plainfaing et Nancy ; ils Ă©taient Ă©quipĂ©s de pertuis d’une largeur de 2 Ă  4 m[58]. Le flottage sur la Meurthe se pratique par flottes ou trains assemblĂ©s Ă  Raon-l'Étape Ă  destination de LunĂ©ville, Saint-Nicolas-de-Port, Nancy et plus loin si les flottes poursuivent sur la Moselle[59]. L’essentiel du bois flottĂ© se compose de planches de sapin (environ 1 million en un an). Sinon, les flottes transportent aussi du bois de construction (environ 6000 piĂšces par an) et du bois de chauffage (autour des 2,000 st). Cela reprĂ©sente chaque annĂ©e environ 500 flottes ou trains de radeaux.

La Fave est un affluent droit de la Meurthe. Elle prend sa source en amont de Lubine en dessous du col d'Urbeis (602 m) et du col de la Hingrie (749 m) aux confins de la Lorraine historique. Elle se jette dans la Meurthe en aval de Sainte-Marguerite Ă  Gratin. Elle flottable Ă  bĂ»ches perdues Ă  partir du lieu-dit Bras-de-Fer, soit 3,7 km de distance. Mais elle fut Ă©galement utilisĂ© pour le flottage en trains sur une distance de 15 km.La riviĂšre a le dĂ©faut d’avoir des largeurs trĂšs diffĂ©rentes, mais les barrages y sont tous dotĂ©s de pertuis[60].

La Laveline a sa source au lieu-dit Lauterupt Ă  la sortie de la Basse de la Grande Goutte et de la Basse des PĂ©reux au pied de la crĂȘte Ă  la Roche des FĂ©es (1 025 m). Elle se jette dans la Fave Ă  hauteur de Neuvillers-sur-Fave en amont de Saint-DiĂ©-des-Vosges. La Laveline est flottable Ă  bĂ»ches perdues et par trains de planches depuis Ban-de-Laveline jusqu’à la confluence avec la Fave, elle-mĂȘme flottable Ă  cet endroit. Cela ne reprĂ©sentait que km de flottage, mais il revĂȘtait une importance suprarĂ©gionale car, en dehors du petit volume de bois de chauffage flottĂ©, chaque annĂ©e 65.000 Ă  70.000 planches assemblĂ©es en trains de flottage Ă©taient destinĂ©es Ă  la ville de Paris[61]. Les flottes descendaient la Laveline, puis la Fave pour rejoindre le grand port de Raon-l'Étape sur la Meurthe, la Moselle jusque Toul.

Le TaintrouĂ© prend sa source Ă  VanĂ©mont au pied de la forĂȘt de Champ ; il est un cas particulier dans le massif des Vosges car il est flottable sur Ă  peine km de Rougiville Ă  l’embouchure dans la Meurthe an aval de Saint-DiĂ©-des-Vosges, mais surtout parce que, contrairement aux autres ruisseaux vosgiens, le flottage s’y pratiquait quasiment toujours en trains ou flottes. Le flottage Ă  bĂ»ches perdues fut trĂšs rare sur le TaintrouĂ©. Dans son cours supĂ©rieur, il traverse par une vallĂ©e resserrĂ©e des massifs forestiers qui alimentent les scieries. De fait, les planches dĂ©bitĂ©es et flottĂ©es en trains sur le TaintrouĂ© partaient pour Paris pour un volume moyen de 55.000 planches par an[62].

Le ruisseau du Rabodeau prend sa source au col de PrayĂ© en contrebas de la TĂȘte des Blanches Roches (916 m). Le cours supĂ©rieur est trĂšs encaissĂ© et parsemĂ© de rochers. Chaque versant du vallon est en revanche fortement boisĂ©, quasi inhabitĂ© et sans scieries. Au sud-est se trouve la forĂȘt domaniale du val de Senones surplombĂ©e par les Hautes Chaumes et au nord-ouest la gigantesque forĂȘt domaniale des Bois Sauvages. Il faut descendre jusqu{Ă  la basse de la Haye L’AbbĂ© pour voir arriver les grandes scieries. C’est Ă  partir de ces scieries que le Rabodeau est flottable Ă  bĂ»ches perdues (8 000 st au XIXe siĂšcle pour le bois de chauffage) et en trains de planches (par an environ 80.000 planches flottĂ©es par radeaux). Scieries, usines et moulins ont rĂ©alisĂ© des pertuis de flottage ayant une largeur de 3 Ă  3,50 m[63].

La Plaine prend sa source au pied du Donon (1 008 m), le point culminant des Vosges grĂ©seuses. Elle se jette dans la Meurthe Ă  Raon-l'Étape qui fait figure de point nĂ©vralgique pour le flottage dans le bassin meurthois. Le flottage Ă  bĂ»ches perdues rĂ©alisĂ© depuis la source qu’à la confluence parcourt une distance de 30 km (Environ 8 000 st de bois au XIXe siĂšcle. Les flotteurs y fabriquaient Ă©galement de trains de planches pour le marchĂ© rĂ©gional et pour Paris (environ 300.000 planches). De ce fait, les usines et les barrages divers disposaient de pertuis de flottage dont la largeur variait de 2,15 Ă  3 m.

Le tout petit ruisseau du BrouĂ© prend sa source dans les Basses Vosges grĂ©seuses en contrebas du VarrinchĂątel (516 m un peu au sud du col de la Chipotte et conflue avec la Meurthe Ă  Rambervillers. Les habitants locaux l’appellent « le ruisseau (de) Monseigneur » car il servait autrefois au flottage Ă  bĂ»ches perdues pour tous les bois de la toute petite commune de Saint-BenoĂźt-la-Chipotte qui, Ă  cette Ă©poque, appartenait au temporel de l’évĂȘchĂ© de Metz, principautĂ© ecclĂ©siastique indĂ©pendante enclavĂ©e dans le duchĂ© de Lorraine dont dĂ©pendait le village de BrĂ» un peu plus en aval. Les « bois de Monseigneur » passaient dans la ville du roi pour arriver Ă  Rambervillers, Ă©galement propriĂ©tĂ© de « Monseigneur »[64]. La consommation Ă©tait trĂšs locale. Cela dit, une fois dans la chĂątellenie rambuvetaise, il peut descendre la Meurthe jusque Nancy.

La Vezouze prend sa source dans les contreforts des Vosges grĂ©seuses en Meurthe-et-Moselle et se jette dans la Meurthe prĂšs de LunĂ©ville. Le flottage n’a Ă©tĂ© possible que par des retenues d’eau Ă  km de sa source. Cela fait une distance de flottage de 63 km. Chaque annĂ©e, environ 4000 stĂšres de bois Ă  bĂ»ches perdues, 300.000 planches et 3000 piĂšces de bois long assemblĂ©s en trains descendent la riviĂšre. Les moulins disposaient tous de pertuis d‘une largeur de 2 Ă  2,77 m. Son affluent, le Chatillon, Ă©tait flottable Ă  bĂ»ches perdues sur 11 km.

Sur la Sarre

La Sarre prend sa source Ă  785 m d’altitude en contrebas du Donon dans les moyennes Vosges grĂ©seuses et se jette dans la Moselle en Allemagne Ă  Konz. En fait, elle forme une fourche avec la Sarre rouge Ă  l’est et la Sarre blanche Ă  l’ouest. Les deux descendent du massif du Donon. Elle Ă©tait flottable Ă  partir de Niderhoff en Moselle : le flottage des trains de bois sur la Sarre blanche Ă  Niderhoff (Lo wolĂ©je Ăš NindrĂ©hƍ) est racontĂ© en patois lorrain du Sud-Est mosellan, un rĂ©cit recueilli et transposĂ© par LĂ©on ZĂ©liqzon et Gonzalve Thiriot au dĂ©but du XXe siĂšcle[65]. En consĂ©quence, la quasi-totalitĂ© des 246 km de sa longueur est flottable en trains ou Ă  bĂ»ches perdues ; en France, cela reprĂ©sente environ 100 km. Plus d’une trentaine de moulins Ă©taient situĂ©s sur la Sarre et dotĂ©s de coursiers destinĂ©s au flottage dont la largeur allait de 2 Ă  4 m[66]. Au XIXe siĂšcle, on flottait dans les 300.000 planches par an (essentiellement sapin), du bois de construction (environ 2.800 piĂšces) et du bois de chauffage dans les 9,000 st[66].

Les pratiques des flotteurs vosgiens sur la façade occidentale se ressemblent Ă©normĂ©ment. Il fallait aider la nature pour les cours d’eau Ă  trĂšs faible dĂ©bit ou au lit envahi de rochers. En ne tenant pas compte de quelques particularitĂ©s propres Ă  chaque vallĂ©e, il est possible de constituer le quotidien des flotteurs vosgiens dans les grandes lignes en prenant l’exemple des bĂ»cherons-flotteurs de la Sarre.

À partir de mars, ce qui correspond pour les Vosges moyennes Ă  la fin de l’hiver avec un paysage enneigĂ©, la premiĂšre tĂąche essentielle consiste Ă  rechercher les jeunes arbres comme les hĂȘtres, chĂȘnes ou charmes pour fabriquer les harts (aussi hĂąt). Au pire, le flotteur se servait aussi de fines branches de sapin flexibles. Aucune mention n’est faite dans les sources locales sur une technique de prĂ©paration supplĂ©mentaire de ces harts comme c’est le cas en ForĂȘt Noire non loin des Vosges. Dans ce massif forestier germanophone, les flotteurs chauffent les branches flexibles (les « Wieden ») pour les dĂ©fibrer et les rendre encore plus souples. Une fois ce traitement thermique terminĂ©, la branche est insĂ©rĂ©e dans un gros tronc percĂ© de trous pour torsader la branche autour d’un manche support. Peut-ĂȘtre que ce traitement fut Ă©galement pratiquĂ© dans les Vosges sarroises sans qu'il fĂ»t expressĂ©ment Ă©voquĂ©.

Aux environs de PĂąques, les bĂ»cherons deviennent flotteurs. La polyvalence dans les tĂąches ne doit pas surprendre ici car il s’agit dans les deux cas de mĂ©tiers de l’exploitation forestiĂšre oĂč les hommes quittaient le foyer pour quelque temps et vivaient en pleine forĂȘt dans des cabanes de fortune avec une nourriture frugale et des conditions de vie spartiates. De plus, la densitĂ© de population dans les hautes vallĂ©es sarroises est particuliĂšrement faible. Les habitants y vivaient des activitĂ©s agro-sylvo-pastorales. Pour le flottage, les hommes partaient Ă  la semaine dĂšs le lundi. Le gros des bĂ»cherons-flotteurs provenaient des villages d’Abreschviller, Saint-Quirin et surtout Niderhoff qui n’est plus dans le massif.

Le flotteur troque la scie et la hache avec la gaffe (ou le « forot »), la hachette et la tariĂšre. Avec la gaffe[67] et sa pointe recourbĂ©e, il bouge les piĂšces de bois. Avec la hachette, il Ă©branche ou biseaute les bois longs et avec la tariĂšre, il perce les trous aux extrĂ©mitĂ©s des grumes ou des planches afin d’y enfiler les harts. ComparĂ© aux flotteurs de certaines rĂ©gions allemandes, le modeste flotteur vosgien ne porte pas de bottes voire de cuissardes. Au XIXe siĂšcle, dans la vallĂ©e de la Sarre, une trentaine de scieries jalonnaient la riviĂšre avec autant de pertuis Ă  passer. Donc, on ne flottait pas seulement du bois de chauffage Ă  bĂ»ches perdues, mais aussi les bois avivĂ©s (chevrons, madriers), des sciages divers et parfois aussi des bois longs Ă©quarris Ă  la hache pour la confection des charpentes.

Le train ou le simple radeau Ă©tait assemblĂ© « au chantier ». Le chantier est le terrain au bord de la « prise d’eau ». La prise d’eau Ă©tait une nappe d’eau formĂ©e par un barrage souvent Ă  proximitĂ© d’une scierie[68]. Il fallait « dĂšhĂšver » le radeau une fois terminĂ©, c’est-Ă -dire faire glisser l’avant du radeau en pleine eau pour faciliter la mise Ă  flot[69]. Une fois, la flotte sur l’eau, il fallait ouvrir les prises d’eau en amont du chantier pour lĂącher le « bran », donc le flot ou la poussĂ©e du courant subit, puis grimper sur les radeaux du train pour commencer la descente. Des « levĂ©es » ou barrages de type remblais retenant les eaux, se succĂ©daient Ă  distance rĂ©guliĂšre pour crĂ©er des « baulĂ©es » (retenue d’eau).

Il existait plusieurs types de vannes en fonction du site et de la prĂ©sence ou non d’une scierie, d’un moulin ou d’une usine auxquels appartenaient souvent la vanne ou le barrage. Quand il s’agissait juste d’une vanne pour un passage difficile de la riviĂšre en pleine nature ou pour gonfler les eaux, les flotteurs rĂ©alisaient un « boc » : il s’agit d’une vanne fixĂ©e aux deux extrĂ©mitĂ©s par deux chaĂźnes s’enroulant sur un arbre mobile qui repose sur deux montants. Cet arbre Ă©tait percĂ© de deux trous. Pour le faire tourner, on enfonçait des solides bĂątons dans les trous. Les chaĂźnes s’enroulaient autour de l’arbre ce qui provoquait la montĂ©e de la portiĂšre du boc. La flotte passait en dessous[70].

Les trains de bois ou petites flottes progressaient vers Sarrebourg, puis Sarreguemines, Sarrelouis et par la Moselle pouvaient poursuivre vers TrĂšves et Coblence en Allemagne. Les flottes haut-sarroises ont pu ĂȘtre complĂ©tĂ©es par d’autres flottes en chemin car la Moselle est Ă  cet endroit trĂšs flottable et navigable. Dans tous les cas, le bois sarrois arrivait Ă  l’un des ports majeurs du secteur haut-rhĂ©nan qui Ă©tait MalmĂ©dy.

Le flottage sur la Sarre s’arrĂȘta vers 1907 Ă  la suite de la construction de routes et chemins forestiers qui pĂ©nĂ©traient le massif grĂ©seux jusqu’aux crĂȘtes quasiment. Le transport des bois se fit par voitures tractĂ©es par des chevaux et des bƓufs, puis par camions et chemin de fer[71]. Dans la vallĂ©e de la Sarre rouge qui traverse Abreschviller, le rĂ©seau de voies de vidange pour l’exploitation forestiĂšre Ă©tait rĂ©duit avant 1871 et l’annexion d'une partie de la Meurthe Ă  l’Empire allemand. Les bois Ă©taient donc acheminĂ©s vers les routes par flottage[72]. Vers 1860, les amĂ©nagistes proposent la construction de nombreuses routes forestiĂšres pour faciliter et favoriser la gestion de la forĂȘt et de ses Ă©normes ressources en bois. La consĂ©quence directe de ces routes forestiĂšres fut la fin du flottage sur la Sarre rouge. En 1878, la route, proposĂ©e initialement comme route forestiĂšre du Donon Ă  Abreschviller, est finalement construite par les autoritĂ©s allemandes comme une route dĂ©partementale, la D44. En 1884, l’administration allemande construit en plus la premiĂšre ligne de chemin de fer forestier d’Abreschviller pour l’exploitation des forĂȘts environnantes dont un tronçon deviendra aujourd’hui un train touristique. Initialement Ă©troite le long du ruisseau, la ligne s’élargira et s’allongera jusqu’en 1902[72]. En rĂ©sumĂ©, la Sarre flottable en trains ou radeaux commence certes en dehors du massif vosgien dans le pays de Sarrebourg, mais l’atout des massifs forestiers du Donon demeure entier car ils donnent une essence d’arbre qui pousse de maniĂšre endĂ©mique uniquement Ă  l’étage submontagnard : le sapin ou Abies alba. En amont de Niderhoff, le flottage est uniquement Ă  bĂ»ches perdues. Le sapin Ă©tait Ă©galement prĂ©sent dans le Jura, les Alpes et la ForĂȘt Noire, mais le massif vosgien Ă©tait logiquement le plus proche et le plus accessible par la Sarre. Les grumes descendaient d’abord par flottage, puis Ă©taient dĂ©bitĂ©es en planches dans les nombreuses scieries et partaient sur la Sarre flottable et navigable dans les rĂ©gions plus au nord[73].

Dans l’histoire du massif des Vosges, de nombreux micro-Ă©tats du Saint-Empire Ă©taient traversĂ©s par les riviĂšres jalonnĂ©es de points de contrĂŽle, de tonlieux ou de douanes. Les abbayes[74], les seigneurs, les citĂ©s et les acteurs Ă©conomiques de la Sarre et du Palatinat furent les premiers demandeurs de sapins entiers ou de planches de sapin en provenance des Vosges du Nord depuis l’époque romaine jusqu’au Moyen Âge tardif[75], mais de maniĂšre plus intensive encore aux XVIIe et XVIIIe siĂšcles. À la douane de Sarrebruck, 75 300 planches de sapins flottĂ©es sur la Sarre furent dĂ©clarĂ©es en 1742 en plus des grumes de sapin[76].

Sur la Horn dans le Pays de Bitche

La pĂ©riode de flottage dans le bassin de la Horn, affluent du Schwarzbach au nord du massif vosgien fut trĂšs courte en comparaison avec les bassins de la Meurthe et de la Sarre. Il est attestĂ© au dĂ©but du XVIIe siĂšcle qui coĂŻncide par consĂ©quent peu ou peu au siĂšcle d’or nĂ©erlandais, mais il est stoppĂ© par la guerre de Trente Ans qui a notoirement dĂ©vastĂ© la Lorraine ducale septentrionale de maniĂšre particuliĂšrement dramatique. AprĂšs une brĂšve reprise au dĂ©but du XVIIIe siĂšcle, il tombe dans l’oubli. Le manque d’amĂ©nagement des cours d’eau et probablement de budget adĂ©quat n’a probablement pas permis une Ă©volution de cet artisanat dans la rĂ©gion alors qu’elle est l’une des plus boisĂ©es du massif grĂ©seux des Vosges. Comme ailleurs dans le massif des Vosges du Nord, les flotteurs Ă©tablissent des prises d’eau temporaires sur la Horn pour assurer un dĂ©bit nĂ©cessaire au dĂ©part des trains de flottage du bois[77]

Le flottage du pays bitchois (Bitscherland) est liĂ© aux bois de Hollande comme dans le bassin de la Sarre et les autres riviĂšres du Rhin supĂ©rieur. Le trafic stoppe nĂ©anmoins au dĂ©but du XVIIIe siĂšcle, probablement par manque d’amĂ©nagement de la Horn. Comme la forĂȘt du pays de Bitche a Ă©tĂ© enrĂ©sinĂ©e au XIXe siĂšcle, il existait encore de nombreuses chĂȘnaies et hĂȘtraies qui Ă©taient recherchĂ©es pour le bois de marine. Les Vosges du Nord abritaient Ă©galement de nombreuses verreries (Soucht, Meisenthal, Goetzenbruck et Saint-Louis-lĂšs-Bitche) et fonderies (Baerenthal, Bannstein Mouterhouse et Bellerstein) qu’il fallait alimenter en bois de feu, le plus souvent Ă  bĂ»ches perdues. Les forĂȘts des Vosges du Nord, sises soit dans le bailliage d'Allemagne du duchĂ© de Lorraine, soit dans le comtĂ© de Bitche, mais aussi la forĂȘt du Warndt non loin de Forbach, Hombourg-Haut et Saint-Avold, approvisionnaient les marchands de bois nĂ©erlandais. Au XVIIe siĂšcle, le bois Ă©tait flottĂ© sur la Horn en direction des ports-relais de Hornbach, puis Deux-Ponts (ZweibrĂŒcken). Une fois parvenu sur la Blies, puis la Sarre, il se rajoute aux flottes qui empruntent ces riviĂšres vers le nord de l’Europe[78].

AprĂšs le rattachement de la Lorraine Ă  la France, l’arrĂȘt du 27 septembre 1768 signĂ© par Louis XIV, rĂ©glemente les nouveaux droits d'usage et de vente des bois du pays de Bitche. La dĂ©forestation a Ă©tĂ© importante, les habitants sont maintenus dans le droit d’affouage, de marronnage et de glandĂ©e. Les belles piĂšces de bois pourraient servir la marine française, mais le seul cours d’eau capable de les faire flotter coule vers le nord en terres allemandes. Le dĂ©bouchĂ© nĂ©erlandais n’est plus possible car les Provinces-Unies sont devenues un ennemi du royaume de France.

Trains de bois sur la Moselle et la Moselotte

La Moselle prend sa source au lieu-dit du Taye en contrebas du col de Bussang, limite entre les dĂ©partements des Vosges et du Haut-Rhin, et se jette dans le Rhin Ă  Coblence en Allemagne. Le flottage commençait Ă  Dommartin-lĂšs-Remiremont. La partie flottable reprĂ©sentait 149 km sur le sol français et 242 km sur le territoire allemand. Les vantelleries des moulins disposaient de pertuis de flottage Ă  Toul, Gondreville, Fontenoy, Villey, Saint-Étienne, Liverdun et Frouard[79]. En revanche, les quelques barrages entre Bussang et Remiremont ne sont pas Ă©quipĂ©s de pertuis. Ils sont plutĂŽt destinĂ©s Ă  l’irrigation des prairies. Des bancs de gravier trĂšs Ă©tendus gĂȘnent Ă©galement le flottage du bois dans le cours supĂ©rieur de la Moselle[79]. En rĂ©alitĂ©, le flottage du bois pour la partie montagneuse du bassin de Haute-Moselle se faisait par son affluent droit, la Moselotte dont la confluence avec la Moselle se fait justement en aval de Dommartin-lĂšs-Remiremont. Un peu moins de 3 000 st de bois arrivaient par flottage Ă  Épinal pour son propre approvisionnement. AprĂšs Épinal, le flottage par trains[26] concerne essentiellement le bois de construction et les planches de sapin[79]. « Das seit 1425 nachweisliche FlĂ¶ĂŸen von Brettern aus den Vogesen kennzeichnet die Physiognomie des Wasserlaufs im letzten Viertel des 15. Jahrhunderts. Die FlĂ¶ĂŸer steuern Hunderte, ja bis zu mehreren Tausenden von Tannenbrettem auf dem Fluß.Sie stammen vor allem aus Baccarat und Raon-T Étape an der Meurthe, oberhalb von Nancy. Im 16. Jahrhundert werden die FlĂ¶ĂŸe immer hĂ€ufiger und erreichen mehrmals jĂ€hrlich rund 40000 Einheiten[80] »

Trains de bois sur la Thur

Le flottage en trains de bois sur la Thur Ă©tait organisĂ© et supervisĂ© par le prince-abbĂ© de Murbach[81] conformĂ©ment Ă  un traitĂ© conclu entre l’abbaye impĂ©riale et la rĂ©gence d’Ensisheim, capitale de l’Autriche antĂ©rieure habsbourgeoise[82]. Les bois provenaient de la vallĂ©e de Saint-Amarin entre le massif du Grand Ballon (1 424 m) et le massif du Rossberg (1 191 m) et le Drumont (1 200 m). Ils prenaient la direction de Thann. Les litiges entre la ville de Thann et l’abbĂ© de Murbach Ă  propos du flottage sur la Thur furent nombreux[83]. Le Dictionnaire hydrographique de la France de 1834 n’évoque pas la Thur parce que le flottage y remonte Ă  trop loin tout comme le Giessen, la Doller. Au XIXe siĂšcle, il n’est plus possible de voir des bois flottĂ©s en Alsace que sur la Bruche. Mais L'Ill, la Doller, la Thur, la Lauch, la Fecht, le Giessen, figurent encore avec la Bruche dans les classements administratifs comme cours d'eau flottables[84].

Cours d’eau flottables Ă  bĂ»ches perdues dans le bassin de la Moselle

Si on exclut les riviĂšres oĂč on pratiquait le flottage en trains de bois et parallĂšlement le flottage Ă  bĂ»ches perdues, certains cours d’eau du massif vosgien ont connu une pĂ©riode d’activitĂ© de flottage Ă  bĂ»ches perdues uniquement.

La Vologne prend sa source au pied des crĂȘtes vosgiennes en contrebas du Collet (1 110 m) et du Haut de Falimont (1 306 m). De l’autre cĂŽtĂ© du Collet se trouve la source de la Meurthe. La Vologne se jette dans la Moselle Ă  Pouxeux. Bien qu’elle ait Ă©tĂ© flottable Ă  bĂ»ches perdues de Longemer Ă  son embouchure, soit 30 km de distance, on a rarement flottĂ© du bois sur la Vologne[85]. La Mortagne prend sa source en contrebas du Noirmont (641 m) dans les Basses-Vosges grĂ©seuses au nord de Corcieux. Elle n’est pas rĂ©putĂ©e pour son activitĂ© de flottage qui avait lieu de maniĂšre irrĂ©guliĂšre et uniquement Ă  bĂ»ches perdues. La Mortagne n’est flottable qu’à partir de Saint-Pierremont jusqu’à sa confluence avec la Meurthe. Les moulins avaient des pertuisd e flottage (1,58 Ă  2,50 m)[86]. Ceci explique pourquoi les arbres abattus dans la forĂȘt de Mortagne ou de Champ n’étaient pas transportĂ©s par la Mortagne supĂ©rieure non flottable, mais par le bassin versant de la Meurthe de l’autre cĂŽtĂ© Ă  Raon-l'Étape. La Ravines, petit ruisseau trĂšs encaissĂ© et enchĂąssĂ© entre la forĂȘt de Moyenmoutier et la forĂȘt de Raon-l'Étape, prend sa source au pied du Haut de la Halte (633 m) et se jette dans le Rabodeau prĂšs de la scierie de Ravines en aval de Moyenmoutier. Ce ruisseau parsemĂ© de scieries Ă©tait flottable Ă  bĂ»ches perdues sur seulement km pour un volume annuel de 4 000 st environ.

La BiĂšvre, intĂ©gralement en Moselle, est plutĂŽt un ruisseau qui prend sa source dans le pays de Dabo et se jette dans la Sarre prĂšs de Eich. Il est nĂ©anmoins flottable Ă  bĂ»ches perdues sur une distance de 17 km. À cet effet, les usines installĂ©es sur la BiĂšvre ont des pertuis qui permettent le flottage, leur largeur est de 2,10 m[87]. L’Eichel prend sa source dans le Spiegelthalerwald situĂ© dans les Vosges du Nord Ă  proximitĂ© de Rosteig et Volksberg en Alsace Bossue. Elle se jette dans la Sarre Ă  hauteur de Weidesheim. Le flottage Ă  bĂ»ches perdues Ă©tait possible sur une distance de 25 km. Les moulins sur l’Eichel disposaient d’un pertuis (1,8 m de largeur) et reprĂ©sentait environ 3 000 st par an. Toutefois, le flottage n’avait lieu sur l’Eichel qu’au mois d’avril. Un canal de flottage et deux cours d’eau flottables en marge du massif vosgien grĂ©seux jouaient un rĂŽle Ă©conomique non nĂ©gligeable pour la rĂ©gion puisque le bois flottĂ© Ă©tait entiĂšrement destinĂ© aux salines lorraines, longtemps secteur phare de l’économie traditionnelle lorraine : la Petite Seille ne coule pas dans le massif des Vosges, elle est un affluent de la Seille. Le flottage Ă  bĂ»ches perdues y est entiĂšrement destinĂ© Ă  la saline de ChĂąteau-Salins, environ 5 000 st[88]. Provenant de l’étang d’Omerey, le canal de Moyenvic[89] rejoint la Seille Ă  Moyenvic. Il est flottable Ă  bĂ»ches perdues sur toute sa distance car, avec le canal de RĂ©chicourt, il sert Ă  alimenter la saline de Moyenvic.

Sur la Lauter

La Lauter, qui en Allemagne porte le nom de Wieslauter jusqu’à la frontiĂšre franco-allemande, prend sa source dans le PfĂ€lzerwald au pied du Weißenberg (610 m), traverse les Vosges du Nord Ă  leur extrĂ©mitĂ© septentrionale en direction de Wissembourg et se jette directement dans le Rhin en aval de Neubourg. Le flottage Ă  bĂ»ches perdues se pratiquait uniquement sur la partie qui coule en Allemagne dans la RhĂ©nanie-Palatinat depuis sa source Ă  Hinterweidenthal jusqu’à Lauterbourg, soit 55 km. Étonnamment, il n’a pas Ă©tĂ© poursuivi jusqu’à la confluence avec le Rhin pourtant si proche[90]. Il y avait au XIXe siĂšcle dix Ă©cluses d’une largeur de m en amont de Wissembourg. Tous les nombreux moulins sur le tronçon Wissembourg – Lauterbourg Ă©taient dotĂ©s de pertuis de flottage.

Zinsel du Nord

Les cours d’eau flottables de ce bassin ne le sont qu’à bĂ»ches perdues avec des volumes restĂ©s modestes et souvent locaux. Ils sont tous situĂ©s aujourd’hui pour une large part dans ou en marge du parc naturel rĂ©gional des Vosges du Nord. La Zinsel du Nord prend sa source prĂšs de Lembach en Moselle et se jette dans la Moder prĂšs de Schweighouse-sur-Moder dans le Bas-Rhin. Elle Ă©tait flottable Ă  bĂ»ches perdues depuis Baerenthal jusqu’ la confluence avec la Moder, soit 32 km. Mais l’activitĂ© a Ă©tĂ© stoppĂ©e depuis longtemps. Des vannes de 1,10 Ă  3,10 m de largeur facilitaient le flottage[91]. Le Falkensteinerbach dans la forĂȘt de Sturzelbronn jalonnĂ© par de nombreux Ă©tangs sur son versant droit (Étang de Hanau, Étang de Waldeck entre autres) a une confluence avec son affluent droit, le Schwarzbach Ă  hauteur de Reichshoffen, et il se jette dans la Zinsel du Nord Ă  Uttenhofen. Il traverse la ville thermale de Niederbronn-les-Bains. Le Falkensteinerbach Ă©tait flottable Ă  bĂ»ches perdues Ă  partir de Philippsbourg jusqu’à son embouchure, soit 11,5 km. Les usines sur cette riviĂšre avaient des pertuis de flottage, mais de taille modeste, de 0,90 Ă  1,80 m.

La petite riviĂšre du Schwarzbach prend sa source en Moselle au pied de la Grande TĂȘte de Chien (348 m) et se nourrit de l’étang de Langweiher et du Neudoerferbach qui contourne le mĂȘme massif Ă  l’est ; elle se jette dans le Falkensteinerbach en Alsace, lui-mĂȘme affluent de la Zinsel du Nord. Le Schwarzbach Ă©tait flottable Ă  bĂ»ches perdues tout du long jusqu’au XVIIIe siĂšcle. Il n’a plus repris depuis[92].

Zorn et Zinsel du Sud
Étalon de mesure du bois flottĂ© sur la Zorn sur le mur de l’église de la NativitĂ© Ă  Saverne.

La Zorn prend sa source au Hengst dans les moyennes Vosges grĂ©seuses, pays de Dabo en Moselle. Elle se jette dans la Moder en Alsace. Le flottage Ă  bĂ»ches perdues y Ă©tait pratiquĂ© Ă  environ km aprĂšs la source jusqu’au dĂ©versoir ou canal de dĂ©rivation du moulin de Brumath[93], ce qui reprĂ©sente 64,4 km de tronçon flottable.

En amont de Saverne, la Zorn a reçu les eaux des ruisseaux du Ramsbach et du Schlettenbach [94]. et cause un terrain trĂšs humide et marĂ©cageux aux abords de la ville oĂč la riviĂšre se divise en trois bras Ă  l'origine de nombreuses inondations au fil des siĂšcles[95]. La premiĂšre trace du flottage sur le secteur savernois encore trĂšs germanophone au XVIIIe siĂšcle est Ă  chercher dans la langue : « la Sorne Â» portait en effet le nom populaire de « Flössbach Â», la riviĂšre du flottage[96]. La deuxiĂšme trace visible des flottes Ă  bĂ»ches perdues est gravĂ©e dans la pierre de grĂšs rose des Vosges sur le mur de façade de l'Ă©glise de la NativitĂ©. Au-dessus de l’étalon, on peut lire l'inscription « DIS IST DI HOLTZ DAN » qui signifie « ceci est la mesure du bois ». La ville fixait ainsi la mesure des bois charroyĂ© ou flottĂ©. Ainsi, le bois flottĂ© sur la Zorn devait avoir la dimension mesurable sur la tour de l'Ă©glise paroissiale de Saverne, Ă  savoir 1,85 m[97] - [98].

Les bĂ»ches retenues par un barrage en amont de Saverne doivent ĂȘtre sorties et empilĂ©es sur un terrain communal appelĂ© suivant les langues « chantier aux bois Â» (Magasins aux bois, marchĂ© aux bois) ou « Flossplatz Â» ou encore « Holtzplatz Â»[99]. Les bĂ»ches empilĂ©es prenaient le nom de « chĂąteau Â» ou « thĂ©Ăątre»; elles sont entassĂ©es par les empileurs (Holtzsetzer), mesurĂ©es par les cordeurs ou cordeleurs (Holtzmesser), des employĂ©s assermentĂ©s de la commune. Le bois flottĂ© empilĂ© est ensuite transportĂ© par voitures Ă  la sortie de Saverne pour ĂȘtre remis Ă  l'eau dans la Zorn en aval de Steinbourg[99].

« La ville [Saverne] a une place communale prĂšs de la riviĂšre appelĂ©e Zorn, Ă  cent pas de la ville oĂč les marchands de bois flottent les bois de chauffage venant des forĂȘts du Roy et de ceux des seigneurs, et comme par une ancienne loix il est dĂ©fendu de passer les flottes plus loing que la ville, les dits marchands sont obligĂ©s de dĂ©poser leur bois sur le terrain en question pour y ĂȘtre vendu
 »

— AMSav. 68, Le chantier aux bois (1781)[99]

Le tronçon entre Brumath et l’embouchure n’a pas Ă©tĂ© utilisĂ© pour le flottage. Certains moulins possĂ©dant leur propre scierie adjacente gĂšrent l’eau grĂące Ă  la Zorn et Ă  un canal de dĂ©rivation avec un barrage Ă  vanne sur chacun des deux. Le passage des flottes de bois n’a donc aucune incidence sur l’activitĂ© du moulin car il y a assez de dĂ©bit pour faire fonctionner le moulin en continu et pour faire flotter les grumes ; c’est le cas par exemple du moulin de Mommenheim construit en 1698[100] Au XIXe siĂšcle, environ 30,000 Ă  40,000 stĂšres de bois descendaient la Zorn, presque toujours du hĂȘtre et du sapin. Les moulins avaient tous un pertuis de flottage de 2 Ă  3,44 m de largeur dans le cours infĂ©rieur. Plus haut en amont, il fallait alimenter les eaux trop basses par des barrages provisoires qu’il fallait rĂ©parer Ă  chaque nouvelle descente[101]. La particularitĂ© du flottage sur la Zorn ce fut la rĂ©sistance des propriĂ©taires de prairies riveraines le long de la riviĂšre entre Saverne et Brumath qui s’opposaient au flottage des bĂ»ches en dehors de la pĂ©riode convenue. En aval, on flottait donc au printemps de fĂ©vrier Ă  avril, et en automne de septembre Ă  novembre. En revanche, entre le massif forestier et Saverne, le flottage avait lieu toute l’annĂ©e en raison de son caractĂšre semi-montagnard sans plaine agricole, ni zones d’habitation importantes[101]. Le bois de construction ne peut ĂȘtre flottĂ© sur la Zorn et son affluent la Zinsel du Sud car le lit de la riviĂšre est trop souvent encombrĂ©, les berges sont trĂšs riches en vĂ©gĂ©tation, les pertuis ne sont pas forcĂ©ment placĂ©s au bon endroit et l’écluse de retenue Ă  Saverne Ă©tait un obstacle pour le passage du bois de construction[101].

La Zinsel du Sud se jette dans la Zorn Ă  hauteur de Steinbourg Ă©tait flottable Ă  bĂ»ches perdues Ă  partir de Graufthal, au hameau d’Oberhof jusqu’à son embouchure. Environ[101]10,000 Ă  15,000 stĂšres est flottĂ©s par an sur cette petite riviĂšre alsacienne pendant les mois de fĂ©vrier Ă  avril, et de septembre Ă  novembre. Les pertuis de flottage des six moulins avaient une largeur moyenne de 1,50 m[102]. Les bois de la Zinzel du Sud se rajoutent Ă  ceux de la Zorn jusqu’à Brumath.

Cours d’eau flottables Ă  bĂ»ches perdues dans le sous-bassin de l’Ill

La Bruche prend sa source au pied du Climont (965 m) et se jette dans l’Ill en amont de Strasbourg. Ses eaux sont dĂ©rivĂ©s aprĂšs Soultz-les-Bains dans le canal de la Bruche. Elle est flottable Ă  bĂ»ches perdues Ă  partir de Bourg-Bruche sur une distance de 45 km jusqu’au canal de la Bruche. Le flottage avait lieu du 1er mars au 1er dĂ©cembre[103]

La Mossig prend sa source Ă  Windsbourg au pied du Hengst (889 m), du Urstein (948 m et du Schneeberg (960 m) dans les Vosges grĂ©seuses. Elle se jette dans le canal de la Bruche Ă  hauteur de Soultz-les-Bains[104]. Le flottage Ă  bĂ»ches perdues n’y avait lieu que tous les deux ou trois ans et se limitait au tronçon du cours supĂ©rieur entre la source et Romanswiller, soit 17 km. Avec deux retenues d’eau situĂ©es prĂšs de la source et Ă  Freudeneck, les flotteurs rĂ©unissaient les eaux de la riviĂšre dans deux grands bassins afin de faciliter le flot. Les moulins sur la Mossig supĂ©rieure Ă©taient dotĂ©s d’un pertuis de flottage de 2,30 Ă  2,60 m de largeur[104]. Affluent de la Bruche, le Framont est un ruisseau qui permit le flottage Ă  bĂ»ches perdues sur seulement km ; il Ă©tait destinĂ© Ă  approvisionner la ville de Strasbourg en bois de chauffage. Il prend sa source au Donon, cĂŽtĂ© bas-rhinois, et se jette dans la Bruche en aval de Schirmeck[105] Le Netzenbach prend sa source sur la partie orientale du massif du Donon au pied du Petit-Donon (961 m). Il est alimentĂ© par de nombreuses sources qui creusent le massif en de multiples basses. Lui-mĂȘme forme la Basse du RoulĂ© avant l’embouchure du ruisseau dans la Bruche Ă  hauteur de Wisches en amont de Lutzelhouse. Il faut flottable Ă  bĂ»ches perdues sur toute sa longueur, environ 10 km.

La Magel prend sa source Ă  quasiment 1,000 m d’altitude Ă  la Croix Rouge dans le massif du Champ du Feu Ă  hauteur de la Rothlach. Elle se jette dans la Bruche Ă  hauteur de Mollkirch. Elle Ă©tait flottable Ă  bĂ»ches perdues sur une distance de 14 km. On y flottait du bois de chauffage (environ 16,000 st) dont la plupart Ă©tait destinĂ©e Ă  la ville de Strasbourg. D’ailleurs la forĂȘt de la ville de Strasbourg, encore aujourd’hui, jouxte celle d’Obernai-Bernardswiller Ă  la Rothlach. La topographie du terrain dans sa partie supĂ©rieure rend difficile le flottage Ă  cause des nombreuses roches et pierres qui encombrent le lit de la riviĂšre. Elle n’est pas Ă©tĂ© particuliĂšrement amĂ©nagĂ©e pour augmenter le flottage. Les barrages de prise d’eau sont pour les moulins ou pour l’irrigation des prairies en fond de vallĂ©e[106].

L’Ehn a sa source dans le massif du Champ du Feu et se jette dans l’Ill prĂšs de Illkirch-Graffenstaden dans l’intercommunalitĂ© de Strasbourg EuromĂ©tropole. L’Ehn a Ă©tĂ© flottable Ă  bĂ»ches perdues sur un peu plus de 10 km jusqu’Obernai. Elle transportait par an au XVIIIe siĂšcle dans les 8.000 stĂšres de bois. En raison des nombreux barrages non amĂ©nagĂ©s pour le flottage qui ont Ă©tĂ© Ă©tablis dans cette vallĂ©e Ă©troite pour les usines, en tĂȘte desquelles la manufacture d’armes blanches de Klingenthal, le flottage cessa dĂ©finitivement en 1810[107] L’Andlau prend sa source Ă  la CrĂȘte des Myrtilles au Champ du Feu Ă  1 000 m d'altitude. Il se jette dans l’Ill non loin de Fegersheim. Elle Ă©tait flottable Ă  bĂ»ches perdues un peu en-desosus de sa source jusqu’à un arrĂȘt Ă©tabli en aval du dĂ©versoir de Saint-Pierre. Environ 16,000 st de bois de chauffage Ă©taient flottĂ©es sur l’Andlau. Le volmume aurait pu ĂȘtre plus important mais le lit couvert de rochers et la sinuositĂ© importante de la riviĂšre ne peuvent en fournir davantage sans procĂ©der Ă  des amĂ©nagements de nature anthropique[108].

La pratique du flottage n’existait dĂ©jĂ  plus sur le Giessen au XIXe siĂšcle. Il faut remonter deux siĂšcles prĂ©cĂ©dents pour lire dans les piĂšces d’archives[109] que le flottage a eu lieu sur cette riviĂšre avec tous les aspects qui sont liĂ©s comme l’endiguement, le curage, les pĂ©titions des meuniers entre autres[110]. Les villes qui avaient besoin d’approvisionnement en bois Ă©taient ChĂątenois et SĂ©lestat. Affluent de l’Ill, la Fecht a deux bras qui se rejoignent Ă  Munster : au nord, le Petite Fecht a sa source dans le cirque glaciaire du Frankental au pied du Hohneck (1 270 m) ; la Grande Fecht prend sa source au pied du Schnepfenriedkopf (1 258 m). On peut Ă©galement ajouter la Fecht de Sondernach provenant du Schifferstein (1 211 m) et qui se jette dans la Grande Fecht Ă  Metzeral.

Le flottage se pratiquait Ă  bĂ»ches perdues sur toutes les branches et s’arrĂȘtait Ă  Munster (Environ 2 000 st au XIXe siĂšcle)[60]. La Weiss prend sa source au lac Blanc et se jette dans la Fecht. se jette dans l'Ill Ă  Illhaeusern. Par ordonnance du roi du 19 janvier 1820, le tronçon entre Hachimette et Kaysersberg a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© flottable, soit 6,6 km de longueur. Il s’agissait de flottage Ă  bĂ»ches perdues pour un usage local[111]. La Lauch, riviĂšre totalement insĂ©rĂ©e dans le massif vosgien dont la vallĂ©e est aussi nommĂ©e « Florival», prend sa source en contrebas du Jungfrauenkopf (1 268 m) et se jette dans l’Ill non loin de Colmar. Le flottage Ă  bĂ»ches perdues y avait lieu de la source au pont en pierre en amont de Guebwiller, soit 16 km. Il ne peut se produire qu’à la fonte des neiges sur les crĂȘtes de la station du Markstein. Environ 6 000 st Ă©taient flottĂ©s sur la Lauch. Le flottage n’a jamais dĂ©passĂ© Guebwiller[112].

Dans le bassin du RhĂŽne

Bassin hydrographique du RhĂŽne.

Dans le bassin du RhĂŽne, la SaĂŽne prend sa source Ă  ViomĂ©nil au MĂ©namont (467 m dans les Monts Faucilles) Ă  l’ouest d’Épinal dans le Seuil de Lorraine dans la rĂ©gion naturelle de la VĂŽge. C’est Ă  ViomĂ©nil qu’il y a la ligne de partage des eaux entre le bassin rhodanien et le bassin rhĂ©nan. En consĂ©quence, la trĂšs forte majoritĂ© des cours d’eau flottables du massif vosgien se trouve dans le bassin du Rhin. Car la SaĂŽne n’est pas flottable qu’à partir de Monthureux-sur-SaĂŽne, soit 17 km en territoire lorrain, jusqu’à Gray en Franche-ComtĂ© (donc une distance de 132 km[113]. Les bois de sciage, dont surtout les merrains, produits dans les forĂȘts de Darney et de la VĂŽge sont transportĂ©s par voiture jusque Monthureux-sur-SaĂŽne oĂč ils sont jetĂ©s Ă  l’eau pour flotter jusque Jonvelle, puis Corre en Haute-SaĂŽne. C’est dans ce dernier port qu’ils sont rĂ©unis en trains pour aller vers Lyon ou la MĂ©diterranĂ©e. En dehors de quelques chĂȘnes Ă  destination de la marine, la SaĂŽne a transportĂ© par flottage les merrains pour le commerce des vins du Midi. À cet effet, de nombreux pertuis ont Ă©tĂ© construits dont la taille est particuliĂšrement importante si on les compare avec ceux du massif vosgien : 4 Ă  8 m[113]. Le CĂŽney prend sa source Ă  l’étang du Voie-du-CĂŽney Ă  l’ouest d’Épinal dans le Seuil de Lorraine dans la rĂ©gion naturelle de la VĂŽge sur Hadol. Il se jette dans la SaĂŽne Ă  Corre. Cette riviĂšre est flottable Ă  bĂ»ches perdues Ă  partir du port d{Uzemain dans les Vosges (soit 31 km) et en trains Ă  partir de Selles, en Haute-SaĂŽne (soit 15 km). La largeur des pertuis de flottage sur le CĂŽney est apprĂ©ciable puisqu’elle va de 6 Ă  7 m[114]. L’essentiel du flottage se concentre sur les merrains (environ 500,000 piĂšces et le bois de marine pour Lyon. Comme dans les autres rĂ©gions de flottage, les radeaux transportaient une cargaison supplĂ©mentaire pour les besoins locaux (verreries, coutelleries, selleries, par exemple)[115]. |L’Ognon n’est ni flottable, ni navigable[116].

LĂ©gislation encadrant le flottage

Avis de flottage

L’article no 6 prĂ©cise que le flottage Ă  bĂ»ches perdues par plusieurs personnes ou plusieurs compagnies en mĂȘme temps ne prĂ©sentent que des inconvĂ©nients. En consĂ©quence, le flottage ne peut avoir que lieu que si l’autorisation spĂ©ciale a Ă©tĂ© dĂ©livrĂ©e et que les flotteurs ont respectĂ© une procĂ©dure bien dĂ©finie. Le flotteur demandera l'autorisation au prĂ©fet au moins deux mois Ă  l'avance. Dans sa demande officielle, il indiquera la quantitĂ© de bois Ă  flotter, le point oĂč ce bois doit ĂȘtre jetĂ© Ă  l'eau, la destination prĂ©cise de la livraison, l'Ă©poque Ă  laquelle le flottage commencera, et le temps nĂ©cessaire pour que ce flottage soit entiĂšrement effectuĂ©. NĂ©anmoins, une autorisation peut ĂȘtre accordĂ©e par la prĂ©fecture s’il s’avĂšre que le cumul des flottes appartenant Ă  plusieurs personnes peut se faire sans inconvĂ©nients. À ce moment-lĂ , les flotteurs se chargeront de faire marquer leurs bĂ»ches aux deux extrĂ©mitĂ©s des bois avant de les jeter Ă  l'eau. Le triage se fait ensuite dans les ports aux bois par les employĂ©s du flotteur au moment oĂč ils retirent les bĂ»ches de l'eau. Une fois l'autorisation dĂ©livrĂ©e, un arrĂȘtĂ© est imprimĂ© aux frais du pĂ©titionnaire, pour ĂȘtre affichĂ© dans toutes les communes situĂ©es au point de dĂ©part et au point d'arrivĂ©e, et le long du cours d'eau oĂč le flottage a lieu.

Ouverture des pertuis et périodes de flottage

Le rĂšglement relatif au flottage des bois sur les riviĂšres traversant le dĂ©partement des Vosges et l’ancien dĂ©partement de la Meurthe a Ă©tĂ© approuvĂ© le 10 aoĂ»t 1834 par Adolphe Thiers, alors ministre du commerce et des travaux publics[117]. Il concerne les riviĂšres de la Moselle, la Meurthe, la Zorn, la Sarre, la Plaine, la Vezouze, la Mortagne, le Madon, la Goutte-de-la-Maix, le Rabodeau, la Fave, la Ravine, le TaintrouĂ©, et leurs affluents. La partie lorraine de la Zorn est trĂšs restreinte entre sa source et l’Alsace en amont de Saverne. Le rĂšglement touche donc les principales riviĂšres du massif vosgien oĂč le flottage se fait en trains de bois. L’article no 1 demande aux propriĂ©taires de moulin et d’usine d’ouvrir les portiĂšres de leurs barrages pour donner passage au train de planches, au bois de construction, ainsi qu'au bois Ă  flotter Ă  bĂ»ches perdues. Ils sont tenus de s’y confirmer dĂšs que les flotteurs en font la premiĂšre demande officielle. C’est le prĂ©fet qui fixe dans chaque dĂ©partement les heures pendant lesquelles les portiĂšres des usines devront ĂȘtre levĂ©es pour le passage du bois flottĂ© car l’activitĂ© de celles-ci s’arrĂȘte le temps du passage du bois. Le prĂ©fet prĂ©voit donc une partie de la journĂ©e voire de la nuit oĂč les flotteurs ne pourront pas faire passer leurs marchandises afin de laisser faire tourner les moulins et les usines. Le rĂšglement interdit expressĂ©ment aux flotteurs d’ouvrir les portiĂšres, de procĂ©der Ă  une quelconque manƓuvre sur les vannes des usines. Seul le propriĂ©taire des lieux est habilitĂ© Ă  le faire. Le flotteur dĂ©pose sa demande et le propriĂ©taire prend ses dispositions. PĂ©riodes de passages des bois :

  • pour les planches et les bois de construction : du 1er avril inclus au 1er octobre exclus, de 5 h jusqu'Ă  19 h.
  • pour le bois de chauffage Ă  bĂ»ches perdues du 1er octobre inclus au 1er avril exclus, de 5 h jusqu'Ă  19 h.

Indemnités de chÎmage dues aux usines et moulins traversés

L’article no 2 fixe les indemnitĂ©s de chĂŽmage auxquelles ont droit les propriĂ©taires des moulins et des usines dont le chiffre d’affaires baisse les jours de passage du bois. Elles sont plus importantes sur la Meurthe et la Moselle car le flottage y est plus important en termes de frĂ©quence et de volume. L’indemnitĂ© dĂ©pend du nombre des tournants qui dĂ©signent en fait les meules[N 10] Elle est indĂ©pendante de la quantitĂ© de « bonets » dans la flotte de planches de bois de construction, pourvu qu'elle n'excĂšde pas le nombre de 16. Pour calculer le nombre d’heures de chĂŽmage d’usine, les points de repĂšre sont le moment exact oĂč les pertuis sont ouverts et le moment oĂč, aprĂšs leur fermeture, l’eau est remontĂ©e Ă  la hauteur nĂ©cessaire pour le bon fonctionnement de l’usine.

Indemnités dues par heure de chÎmage aux moulins et usines sur Meurthe et Moselle
Nombre de tournants: Indemnité par heure de chÎmage en francs :
1 Ă  2 0,75 F
3 Ă  4 F
5 Ă  6 1,50 F
Plus de 6 F

Sur les autres riviĂšres, Ă  savoir la Zorn, la Sarre, la Plaine, la Vezouze, Mortagne, le Madon, la Goutte-de-la-Maix, le Rabodeau, la Fave, la Ravine, le TaintrouĂ©, et leurs affluents. IndĂ©pendamment du nombre de tournants, les flotteurs paieront 1 franc pour 1000 planches et 20 centimes pour chaque bonet de bois de construction. Si les flotteurs devaient demander le passage d’une flotte infĂ©rieure Ă  2500 planches Ă  la fois ou de huit bonets de bois de construction, ce qui correspond Ă  la norme minimale d’une flotte, ils devront payer la mĂȘme indemnitĂ© aux usines et moulins traversĂ©s comme s’ils avaient flottĂ© 8 bonets. Les flotteurs de bois Ă  bĂ»ches perdues payeront aux propriĂ©taires ou dĂ©tenteurs d'usines :

  • Sur les riviĂšres de la Meurthe et de la Moselle, pour chaque heure de chĂŽmage d'une usine Ă  compter de l'instant d'ouverture des pertuis jusqu'Ă  la remontĂ©e des eaux normales pour que l’usine redĂ©marre, les flotteurs paieront le mĂȘme tarif que pour les trains de bois.
  • Sur toutes les autres riviĂšres ou les ruisseaux, pour chaque stĂšre ils paieront 2 centimes et demie.

Devoirs des propriĂ©taires d’usines ou de terres riveraines

Les propriĂ©taires d'usines ne peuvent pas refuser aux conducteurs de flotte de bois quelconque les eaux de secours qui leur seraient demandĂ©es pour mettre les trains de plancher de bois de construction Ă  flot en pleine riviĂšre. Cette opĂ©ration se fait Ă  la charge des conducteurs qui paieront le mĂȘme prix que pour le passage par les portiĂšres. S’il y a litige entre les flotteurs et les usines ou moulins concernant les indemnitĂ©s Ă  payer, il devra ĂȘtre portĂ© Ă  la connaissance des tribunaux civils qui statueront en la matiĂšre. Les flotteurs doivent Ă©galement verser un dĂ©dommagement aux propriĂ©taires des terrains riverains quand, pour raison de crues subites, leur bois flottĂ© ou leurs trains de planches passent par au-dessus de la rive. Les flotteurs sont autorisĂ©s Ă  aller rĂ©cupĂ©rer leurs marchandises mais ils devront payer l’indemnitĂ© de grĂ© Ă  grĂ©, ou le cas Ă©chĂ©ant par un expert nommĂ© par les deux parties concernĂ©es. Si les conclusions de l’expert ne contentent pas tout le monde, le maire de la commune dĂ©signe un tiers-expert. De mĂȘme, une indemnitĂ© est prĂ©vue pour le cas oĂč, par une circonstance indĂ©pendante de leur volontĂ©, les flotteurs doivent s'arrĂȘter Ă  d'autres points que ceux prĂ©vus, des dommages rĂ©sulteraient de l'amarrage du train. Pour le flottage Ă  bĂ»ches perdues, les flotteurs sont autorisĂ©s Ă  nommer des gardes-flottes Ă  la condition qu’ils prĂȘtent serment devant le tribunal de l'arrondissement.

ConformĂ©ment Ă  l’article 650 du code civil, les propriĂ©taires riverains doivent laisser libre sur chaque rive un espace servant de marche-pied. Il doit ĂȘtre de 1,30 m de largeur. Sauf cas contraire ou dĂ©rogation, tout ce qui a Ă©tĂ© construit sur cette bande doit ĂȘtre enlevĂ© sous peine de contraventions conformĂ©ment aux dispositions de la loi du 19 mai 1802. Ce marche-pied le long des cours d'eau flottables est indĂ©pendant des chemins de halage qui doit ĂȘtre conservĂ© au terme des rĂšglements le long des riviĂšres navigables, Ă  savoir 9,65 m sur la rive de halage et 3,25 m sur la rive opposĂ©e. En cas de travaux, les riverains ou les propriĂ©taires d’usines devront obtenir l’autorisation. Dans tous les cas, la largeur des portiĂšres de navigation devra ĂȘtre respectĂ©e :

  • m sur la Meurthe et la Moselle ;
  • m sur la Zorn, la Sarre, la Plaine, la Vezouze, la Mortagne et le Madon ;
  • m pour les autres cours d’eau.

Le propriĂ©taire devra dĂ©poser sa demande devant le prĂ©fet au moins deux mois avant le flottage afin de les prĂ©venir de l’interruption du flottage Ă  telle date prĂ©cise. Il prĂ©cisera le nombre de jours nĂ©cessaires pour effectuer les rĂ©parations.

RĂšglement pour le flottage au XXe siĂšcle

ComparĂ© au rĂšglement du siĂšcle prĂ©cĂ©dent, si l’on observe le droit des eaux[118] des annĂ©es 1970 dans l’Union europĂ©enne, et notamment la France, on s’aperçoit que finalement peu de choses ont changĂ© bien que le flottage en trains de bois ait disparu complĂštement dans le Grand-Est par exemple. Les riviĂšres continuent nĂ©anmoins d’ĂȘtre placĂ©es dans diffĂ©rentes catĂ©gories de flottabilitĂ© et navigabilitĂ© pour le cas oĂč il y aurait une sĂ©ance de flottage. Les prĂ©fets reprĂ©sentent toujours le pouvoir exĂ©cutif au niveau rĂ©gional et leurs responsabilitĂ©s en matiĂšre de ressources hydrauliques comprennent entre autres la dĂ©livrance des licences de flottage[118].

« Un permis spĂ©cial est, en effet, requis pour le flottage de grumes et de radeaux sur les fleuves, riviĂšres, lacs et canaux. Une rĂ©glementation spĂ©ciale rĂ©git le flottage de grumes et de radeaux sur les lacs et voies d'eau navigables. Le flottage de grumes non attachĂ©es n'est permis que si la construction de radeaux ou l'assemblage des grumes en forme de radeaux n'est pas possible; les propriĂ©taires riverains, les utilisateurs des eaux courantes, les propriĂ©taires de moulins, d'Ă©cluses, de ponts flottants ou de tout autre ouvrage ou amĂ©nagement hydraulique sont tenus d'octroyer un droit de passage aux grumes et aux radeaux ainsi qu'Ă  leur personnel d'accompagnement, toutefois moyennant indemnitĂ©. Tous ouvrages et actes non autorisĂ©s entravant ou portant atteinte au flottage couvert par un permis sont absolument interdits[118] ». Comme par les siĂšcles passĂ©s, les riviĂšres font fi des frontiĂšres des Ă©tats. Les progrĂšs sont importants nĂ©anmoins car le nombre d’états souverains a clairement diminuĂ© dans le massif vosgien puisqu’il n’en reste plus qu’un. Cela limite les postes de douane et d’octroi en tout genre. Mais il reste des fleuves et riviĂšres qui font office de frontiĂšres binationales comme le Rhin, la Lauter ou la Moselle dans l’est de la France. L’article XXII du rĂ©gime juridique des ressources en eau internationales stipule qu’« il appartient aux Etats riverains d’un cours d’eau international utilisĂ© pour la navigation de dĂ©cider d’un commun accord si la flottage de grumes peut avoir lieu sur ce cours d’eau ainsi que les conditions de ce flottage[119] »

Tableaux dans la salle d’honneur de l’hîtel de ville de Raon-l’Étape

Les onze tableaux classĂ©s monuments historiques sont attribuĂ©s Ă  Nicolas de Mirbeck (1738), Ă©lĂšve d'EugĂšne Girardet. Il peignit des toiles qui illustrent la vie quotidienne dans la forĂȘt vosgienne de l’abattage au commerce des bois dans la vallĂ©e de la Meurthe en passant par le flottage en trains de grumes ou de planches trĂšs pratiquĂ© dans la vallĂ©e de la Meurthe. En dehors du peintre, cinq propriĂ©taires se sont succĂ©dĂ© jusqu’à ce que la ville de Raon-l'Étape en fasse l’acquisition en 1927. Sur les onze tableaux[120], six reprĂ©sentent un aspect particulier du flottage en trains de bois, de planches ou Ă  bĂ»ches perdues :

  • le marquage, le martelage, la mise Ă  l’eau des bĂ»ches. ;
  • l’abattage, le transport par charrettes Ă  bƓufs ou par flotte ;
  • L’acheminement vers les scieries, le dĂ©bitage en planches ;
  • Le dĂ©part des flotteurs avec un train de bois ;
  • La prĂ©paration des planches aux portes de la ville, le transport du bois avec attelage et les trains de planches[121] ;
  • le stockage des planches et l’assemblage des trains au port aux planches de Raon-l’Étape.

Bibliographie

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Notes et références

Notes

  1. En tĂȘte desquelles, il faut citer Strasbourg, Colmar, Saverne, SĂ©lestat, Metz, Nancy, LunĂ©ville, Toul, Pont-Ă -Mousson, entre autres.
  2. Cette graphie et la forme au singulier du nom des Vosges furent assez communes dans les temps modernes, y compris en Lorraine. On trouvait aussi la forme « VĂŽge » qui est encore usitĂ©e aujourd’hui pour dĂ©signer une rĂ©gion prĂ©cise du dĂ©partement des Vosges dans le pays de Darney.
  3. On peut écrire les mots avec la graphie « ou » : le ouolou ouole du bois, il fait du ouolÚge.
  4. DĂ©finition no 2.II du mot sur le site du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.
  5. DĂ©finition du mot sur le site du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.
  6. DĂ©finition du mot sur le site du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.
  7. Mortagne, VĂ©zouze, Madon, Ornain, Saux, Orne, Chiers, Nied, Albe.
  8. Se reporter au site consacré aux flotteurs qui contient les paroles des chansons à boire des flotteurs allemands.
  9. Le repas dĂ©marrait ce soir-lĂ  dans le rĂ©cit de Badel une soupe Ă©paisse Ă  base de pommes de terre, de pois et de fĂšves, agrĂ©mentĂ©e de tranches de lard. Il y avait aussi des plats de pommes de terre Ă  la sauce blanche avec des morceaux de viande. Puis arrivait un rĂŽti de veau avec des salades vertes. On servait du vin et en digestif de l’eau-de-vie typique des Lorrains comme la mirabelle, la quetsche ou du marc des vignes de Saint-Phlin (Badel 1917, p. 172).
  10. DĂ©finition de « tournant » du TrĂ©sor de la langue française informatisĂ© :Vieux :. Roue motrice d'un moulin Ă  eau« tournant », sur Centre national de ressources textuelles et lexicales, . La dĂ©finition de l’ATILF : "Dans un moulin, ensemble des Ă©lĂ©ments qui tournent, systĂšme d'engrenage qui fait tourner les meules" sur « Tournant », sur ATILF, .

Références

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  7. Il fut supprimĂ© le 4 avril 1741 par le duc LĂ©opold parce qu’il lui « a paru gĂȘner le commerce par la multiplicitĂ© des droits » in : Joseph-Nicolas Guyot, RĂ©pertoire universel et raisonnĂ© de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bĂ©nĂ©ficiale, Visse, (lire en ligne), p. 433.
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)des petites villes qui Ă  partir du dernier tiers du xvie siĂšcle brillent par leur universitĂ© (Pont-Ă -Mousson), leurs institutions judiciaires (Saint-Mihiel), leurs foires et leur pĂšlerinage (Saint-Nicolas-de-Port) ou leur cĂ©nacle humaniste (Saint-DiĂ©) ».
  53. Jacques BorgĂ© et Nicolas Viasnoff (photogr. Roget Viollet), Archives de Lorraine, Bray et Lu, MichĂšle Trinckvel, coll. « Archives de la France » (no 16), , 1re Ă©d., 235 p., 22,5 Ă— 29,5 cm, couverture couleur, reliĂ© (ISBN 2-85132-048-3, OCLC 463944608, BNF 35849734), partie II, chap. 2 (« Le souper des flotteurs »), p. 57-61. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
    L’intĂ©gralitĂ© des textes et des photographies composant ce livre est due Ă  des Ă©crivains, journalistes et photographes de la fin du XIXe et du tout dĂ©but du XXe siĂšcle.
    .
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  121. Ce tableau est visible dans l'article de Arnaud Vauthier dans la revue Le Pays Lorrain, 2001.

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