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LĂšpre

La lĂšpre /lɛpʁ/[2] (ou maladie de Hansen) est une maladie infectieuse chronique due Ă  Mycobacterium leprae, une bactĂ©rie proche de l'agent responsable de la tuberculose, identifiĂ©e par le NorvĂ©gien Gerhard Armauer Hansen en . Celle-ci touche les nerfs pĂ©riphĂ©riques, la peau et les muqueuses, en provoquant des infirmitĂ©s sĂ©vĂšres. Elle est endĂ©mique dans certains pays tropicaux (en particulier d'Asie). La lĂšpre est une maladie peu contagieuse.

LĂšpre
(maladie de Hansen)
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Un norvégien de 24 ans affecté par la lÚpre, planche VIII du Traité pratique et théorique de la lÚpre (1886) d'Henri Leloir[1].
Causes Mycobacterium leprae ou Mycobacterium lepromatosis (en)
Transmission Transmission par contact (d)
Incubation min 1 années
Incubation max 20 années
SymptÎmes Polyneuropathie, hypoesthésie (en), dépigmentation (en), paresthésie, fonte musculaire, contracture, mutilation, lagophtalmie, kératite, perforation septale (en), épistaxis et dystrophie

Wikipédia ne donne pas de conseils médicaux Mise en garde médicale

La lÚpre fut longtemps incurable et trÚs mutilante, entraßnant en France en , à la demande de la Société de pathologie exotique, « l'exclusion systématique des lépreux » et leur regroupement dans des léproseries comme mesure essentielle de prophylaxie.

La maladie est aujourd'hui traitable par antibiotiques ; des efforts de santé publique sont faits pour le traitement des malades, l'équipement en prothÚses des sujets guéris et la prévention[3].

Causes et mécanismes

Agent causal

La lÚpre est une infection chronique par la bactérie Mycobacterium leprae qui, comme les autres mycobactéries, est un bacille acido-alcoolo-résistant (BAAR), mis en évidence par la coloration de Ziehl-Neelsen.

M. leprae est à croissance lente, avec un temps de doublement estimé à 12 ou 13 jours[4]. C'est une bactérie obligatoirement intracellulaire, avec un tropisme particulier pour la peau et les cellules de Schwann des nerfs périphériques[5] - [6].

La température optimum pour la croissance de M. leprae est de 27 à 33 °C, ce qui expliquerait sa préférence pour les zones les plus fraßches du corps (peau, nerfs périphériques et muqueuse nasale)[4].

M. leprae n'a jamais pu ĂȘtre cultivĂ© in vitro, mais il peut ĂȘtre inoculĂ© dans le coussinet plantaire de la souris ou chez le tatou Ă  neuf bandes[5] - [7] dont la tempĂ©rature centrale habituelle est 34 °C[4].

En 2008, avec les nouvelles techniques de biologie molĂ©culaire, une nouvelle espĂšce de mycobactĂ©rie a Ă©tĂ© dĂ©couverte chez des lĂ©preux du Mexique : Mycobacterium lepromatosis (en) qui donne aussi la lĂšpre (mĂȘme maladie, mĂȘme rĂ©action aux traitements), indiscernable en microbiologie classique mais gĂ©nĂ©tiquement diffĂ©rente pour constituer une deuxiĂšme cause de lĂšpre[8] - [9] - [7].

M. leprae et M. lepromatosis auraient divergĂ© d'un ancĂȘtre commun, il y a 10 Ă  14 millions d'annĂ©es, soit par co-Ă©volution (parasitisme intracellulaire des hominidĂ©s), soit par transmission plus rĂ©cente au genre Homo, ce qui ferait de la lĂšpre la plus ancienne maladie infectieuse de l'humanitĂ©, Ă  partir d'un endosymbiote devenu pathogĂšne[10] - [7].

ÉcoĂ©pidĂ©miologie

Bien que des scientifiques (comme Indira Nath, en Inde) aient consacré leur vie à l'étude de cette maladie, « de nombreuses questions subsistent quant à son mode de transmission et à son épidémiologie »[11] ; l'épidémiologie de cette maladie est encore mal comprise. On a longtemps pensé que l'humain était l'hÎte unique et obligatoire de cette bactérie, mais elle semble aussi avoir une composante zoonotique.

PremiĂšres observations

Les premiÚres observations de lÚpre ou pseudo-lÚpre animale remontent au début du XXe siÚcle. Une lÚpre du rat Rattus norvegicus a été décrite en 1903, due à Mycobacterium lepraemurium. Des lésions d'allure lépreuse ont été signalées chez le buffle, le chat, ou la grenouille[12]. La plupart de ces observations sont restées sans lendemain ou attribuées à des mycobactéries atypiques, en restant longtemps anecdotiques et de peu d'importance[13] - [7].

Jusqu'aux années 1960, toutes les inoculations expérimentales de M. leprae aux animaux de laboratoire n'ont rien donné[12].

Tatous

En 1971, l'inoculation de M. leprae est réussie chez le Tatou à neuf bandes, qui présente alors une lÚpre expérimentale ressemblant à la forme lépromateuse humaine. Le choix de cet animal a été motivé par sa longue durée de vie (12 à 15 ans), sa facilité d'élevage en captivité, sa température rectale basse (30 à 35 °C), ses défenses immunitaires naturellement faibles (propice à l'étude de nombreuses affections), et le fait que la femelle donne naissance à une portée de quatre jeunes homozygotes (génétiquement semblables, ce qui est précieux pour la recherche)[14].

Tatou à neuf bandes dans son milieu naturel, ici les marécages de Floride.

D'autres espĂšces de tatous ont Ă©tĂ© expĂ©rimentĂ©es aux États-Unis et en AmĂ©rique du Sud, faisant du tatou l'animal de laboratoire de choix pour l'Ă©tude de la lĂšpre par obtention de quantitĂ©s considĂ©rables de bacilles lĂ©preux (qui restent incultivables in vitro)[14].

En 1975, les premiers cas de tatous sauvages atteints de lÚpre en milieu naturel sont publiés[7]. Il s'est avéré depuis que 15 % des tatous sauvages de la Louisiane et du Texas ont été retrouvés porteurs de la maladie, laissant penser que cette mycobactérie a des besoins trÚs spécifiques[11].

L'origine de cette lĂšpre des tatous sauvages a fait l'objet d'une controverse concernant un Ă©ventuel accident de laboratoire. Les Ă©tudes tendent Ă  montrer que cette lĂšpre sauvage du sud des États-Unis a prĂ©cĂ©dĂ© la lĂšpre expĂ©rimentale[7]. Elle daterait d'une immigration norvĂ©gienne du XVIIIe et XIXe siĂšcles (oĂč sĂ©vissait une Ă©pidĂ©mie de lĂšpre), les tatous s'infectant au contact de lĂ©preux[15].

Écureuil roux

À partir de 2014, au Royaume-Uni, des Ă©tudes gĂ©nomiques, histopathologiques et sĂ©rologiques, identifient les deux agents pathogĂšnes de la lĂšpre, M. leprae et M. lepromatosis, dans des excroissances verruqueuses de la face et des extrĂ©mitĂ©s chez l'Ă©cureuil roux (Sciurus vulgaris)[16] - [7].

Écureuil roux Sciurus vulgaris, rĂ©serve naturelle d'Alverstone Mead de l'Ăźle de Wight (Royaume-Uni).

Cette découverte est inattendue, d'abord parce que la lÚpre était considérée comme exclusivement humaine (à l'exception du tatou), et ensuite parce qu'on pensait que la lÚpre avait disparu du Royaume-Uni[7].

Les souches de M. leprae isolĂ©es des Ă©cureuils roux sont les mĂȘmes que celles de la lĂšpre mĂ©diĂ©vale d'Angleterre et du Danemark, et elles sont trĂšs proches de celle des tatous du sud des États-Unis. Le commerce mĂ©diĂ©val de la fourrure d'Ă©cureuil aurait pu jouer un rĂŽle dans la transmission de la lĂšpre entre humains et Ă©cureuils[7].

L'Ă©cureuil roux est une espĂšce en forte rĂ©gression en Angleterre face Ă  l'avancĂ©e de l'Ă©cureuil gris (espĂšce introduite d'AmĂ©rique du Nord et devenue invasive). L'Ă©cureuil roux pourrait ĂȘtre l'un des rĂ©servoirs animaux du bacille[16]. L'Ă©tude de cette maladie chez l'Ă©cureuil permettrait de mieux comprendre l'Éco-Ă©pidĂ©miologie, la biologie et l'Ă©pidĂ©miologie de la lĂšpre[11].

À la date de 2020, malgrĂ© plusieurs Ă©tudes de surveillance, aucune infection Ă  M. leprae n'a Ă©tĂ© retrouvĂ©e chez des Ă©cureuils ou autres rongeurs sauvages en dehors du Royaume-Uni (Europe continentale, SibĂ©rie, Mexique)[17] - [7].

Primates non-humains

Signes cliniques de lÚpre chez 2 chimpanzés femelles :
a, gros nodules hypopigmentés sur tout le corps ; défiguration et lésions sur les oreilles, main et des pieds (avec lésions ulcérées et gonflement).
b, Lésions en plaques sur tous les membres + perte de pilosité.
c, Gros nodules hypopigmentĂ©s sur la face, dĂ©figuration extrĂȘme du visage et des oreilles, plaques ulcĂ©rĂ©es sur les bras et mamelons.
d–g, Signes cliniques chez un chimpanzĂ© mĂąle adulte :
d, Multiples nodules hypopigmentés sur oreilles, arcades sourciliÚres, bord des paupiÚres, narines, lÚvres et entre la lÚvre supérieure et le nez.
e, Hypopigmentation et gonflement des mains avec ulcérations et perte de pilosité sur la face dorsale des articulations.
f, Main : perte d'ongles et croissance anormale d'ongles.
g, rougeur et ulcération du scrotum avec sang frais

En 1977, des lĂ©sions Ă  type de lĂšpre sont signalĂ©es chez un chimpanzĂ© (Pan troglodytes) en captivitĂ©, il s'avĂšre par la suite qu'il s'agissait bien d'une infection Ă  M. leprae[7].

Des Ă©tudes ultĂ©rieures rapportent cette mĂȘme infection chez d'autres singes en captivitĂ©, comme le mangabey fuligineux (Cercocebus atys) et le macaques cynomolgus (Macaca fascicularis)[18] - [19]. L'origine exacte de leur contamination est incertaine (acquise en captivitĂ© ou avant, en milieu sauvage)[7].

En 2021, la lÚpre est décrite directement en milieu sauvage, chez deux groupes géographiquement trÚs éloignés de chimpanzés (Pan troglodytes verus), respectivement dans le parc national de Cantanhez (Guinée-Bissau) et dans le parc national de Taï (CÎte d'Ivoire). Ces deux groupes ont été surveillés, mettant en évidence une progression des symptÎmes évoquant une « lÚpre avancée »[20].

Le microbe a Ă©tĂ© retrouvĂ© dans les excrĂ©ments de ces animaux, et des autopsies ont confirmĂ© la prĂ©sence de M. leprae comme cause des symptĂŽmes. Une Ă©tude phylogĂ©nomique a comparĂ© ces souches avec d'autres souches humaines et animales ; montrant qu'elles appartiennent Ă  deux gĂ©notypes diffĂ©rents, et rares (4N/O et 2F). On avait donc sous estimĂ© la circulation du bacille de la lĂšpre chez les animaux sauvages Ă  la suite d'une contamination par l'homme ou par d'autres modes de transmissions mal connus, notamment environnementaux[20].

Présence environnementale

Depuis la fin du XXe siĂšcle, des Ă©tudes indiquent la possibilitĂ© pour M. leprae de survivre dans le milieu extĂ©rieur (en dehors de son hĂŽte mammifĂšre) dans certaines conditions. M. leprae peut ĂȘtre prĂ©sent dans le sol ou l'eau, notamment en s'associant avec des amibes libres telles que Acanthamoebae[7].

Des études expérimentales cherchent à établir la possibilité de transmission par insectes vecteurs tels que la punaise Rhodnius prolixus, les moustiques Aedes aegypti et Culex quinquefasciatus, ou la tique Amblyomma sculptum[7].

Transmission

La transmission de Mycobacterium leprae est mal connue, mais la transmission interhumaine est la principale. Elle se fait via les voies aĂ©riennes supĂ©rieures par inhalation de « postillons » d'un lĂ©preux atteint de lĂšpre lĂ©promateuse. Les patients non traitĂ©s, atteints de ce type de lĂšpre, hĂ©bergent un grand nombre de M. leprae dans leur muqueuse nasale, les sĂ©crĂ©tions nasales, la salive, les lĂ©sions cutanĂ©es (d'oĂč le nom de formes multibacillaires)[6].

La transmission se fait également au contact d'ulcérations ou de plaies cutanées, enfin par l'intermédiaire d'objets souillés : linge, natte, oreillers


Selon ses formes clinique, la lĂšpre peut ĂȘtre non ou peu contagieuse. C'est le cas de la lĂšpre tuberculoĂŻde, notamment Ă  lĂ©sion unique ou peu nombreuse (formes dites paucibacillaires)[6].

La transmission héréditaire[21] n'existe pas, mais une transmission congénitale semble possible (la transmission congénitale n'a été observée que chez le tatou à neuf bandes (Dasypus novemcinctus)[22].

En 2011, une Ă©tude suggĂšre qu'une transmission serait possible du tatou Ă  l'ĂȘtre humain[23], ainsi qu'un cas de patient - ancien chasseur de tatous - ayant dĂ©veloppĂ© la maladie en 2019 (rapportĂ© par des mĂ©decins dans le British Medical Journal[24]).

Les facteurs de risques facilitant la transmission sont[4] :

  • Contacts Ă©troits et durables au cours d'une promiscuitĂ© de type familial ;
  • exposition au tatou Ă  neuf bandes (chasseur de tatou, consommateur de viande de tatou) ;
  • l'Ăąge, la pĂ©riode d'incubation, exceptionnellement longue (plusieurs annĂ©es), explique que lorsque la maladie se contracte durant la petite enfance, elle apparait chez les grands enfants ou chez les jeunes adultes, puis un deuxiĂšme pic survient Ă  partir de l'Ăąge de 30 ans (risque continu avec l'Ăąge) ;
  • influence gĂ©nĂ©tique, selon les caractĂ©ristiques individuelles de l'immunitĂ© innĂ©e. Cette influence parait dĂ©terminante, quelle que soit la distance et la durĂ©e des contacts (par exemple la lĂšpre conjugale est peu frĂ©quente[13]) ;
  • immunodĂ©pression, le risque de contracter la lĂšpre est augmentĂ© aprĂšs traitement immunosuppresseur, transplantation d'organe, chimiothĂ©rapie, infection au VIH.

Pathogénie

La lÚpre étant causée par une bactérie intracellulaire, l'immunité humorale par anticorps circulants (immunoglobulines) n'est guÚre utile pour combattre l'infection. La principale défense contre la lÚpre est l'immunité cellulaire faisant appel aux lymphocytes T[25].

Si cette immunité cellulaire est peu développée (enfants de moins de deux ans) ou compromise (femmes enceintes
) le risque de développer une lÚpre (à exposition égale) est plus élevé. On connaßt mal les facteurs qui déclenchent la survenue des manifestations lépreuses[25].

Globalement, lors d'une exposition à M. leprae, seule une minorité de sujets estimée à 5 % sont susceptibles de développer une lÚpre-maladie[26]. La maladie est probablement acquise dans l'enfance, pour apparaßtre tardivement sous des formes indéterminées, puis elle est le plus souvent diagnostiquée chez l'adulte, selon des formes modulées par la réponse immunitaire (efficacité plus ou moins grande de l'immunité cellulaire, en particulier des lymphocytes T)[6].

Schématiquement, la lÚpre se manifeste sous deux formes : la forme tuberculoïde (en cas de bonne immunité) dans 60 % des cas, et la forme lépromateuse (en cas de faible immunité) dans 40 % des cas[5].

  • Dans la forme tuberculoĂŻde, la dissĂ©mination du germe semble limitĂ©e (lĂšpre paucibacillaire – avec peu de bactĂ©ries –) et la biopsie de la peau montre une prĂ©dominance de lymphocytes CD4+ et un milieu riche en interleukine 2 et en interfĂ©ron gamma ;
  • dans la forme lĂ©promateuse, la dissĂ©mination du bacille est beaucoup plus importante (lĂšpre multibacillaire – avec bactĂ©ries nombreuses – et la biopsie de peau montre une prĂ©sence prĂ©dominante de lymphocytes CD8+ et d'autres cytokines[27].

Cette diffĂ©rence de rĂ©ponse pourrait ĂȘtre due Ă  une susceptibilitĂ© d'ordre gĂ©nĂ©tique chez l'hĂŽte, certaines mutations de type polymorphisme nuclĂ©otidique simple Ă©tant plus frĂ©quentes sur certains gĂšnes intervenant dans les rĂ©actions immunitaires[28].

Endémisme, répartition

Une chute spectaculaire Ă  la fin du XXe siĂšcle

Dans les années 1980, le nombre de lépreux dans le monde était estimé à 11,5 millions, dont 5 millions de cas enregistrés. Plus d'un milliard de personnes vivaient dans une région endémique (prévalence supérieure à 1 lépreux pour mille habitants). Ces régions les plus touchées sont des régions tropicales, surtout l'Asie des moussons (principalement l'Inde avec 4 millions de lépreux), l'Afrique tropicale et le Brésil[29].

En France, selon une estimation, prÚs d'un millier de lépreux étaient suivis en métropole dans les années 1970[30], la moitié étant des immigrants en provenance de pays d'endémie, l'autre moitié des personnes de la France d'Outremer[29].

Avec la mise en place de la multithĂ©rapie (association de 3 mĂ©dicaments) Ă  l'Ă©chelle mondiale, la lĂšpre a Ă©tĂ© Ă©liminĂ©e comme problĂšme de santĂ© publique dans 119 pays oĂč elle Ă©tait endĂ©mique. Le taux de prĂ©valence a chutĂ© de 90 %, passant de 21 cas pour 10 000 habitants en 1985 Ă  moins de 1 en 2000[31] - [32].

En quatre décennies (1980-2020), plus de 17 millions de lépreux ont eu accÚs à la multithérapie[33].

Une phase de plateau depuis le début du XXIe siÚcle

Depuis 2005, la situation mondiale connait une phase de stagnation, oscillant entre 200 000 et 250 000 nouveaux cas par an[26] - [32].

Nouveaux cas de lĂšpre, par 100 000 personnes, notifiĂ©s en 2016. Brun foncĂ© >10, brun clair 1 Ă  10, rose <1.

En 2016, l’Organisation mondiale de la santĂ© recensait 216 108 nouveaux cas de lĂšpre dans le monde[34] (la France compte 250 cas dĂ©clarĂ©s, tous originaires de l'outre-mer ou des zones d’endĂ©mie)[35].

En , 83 % de la prĂ©valence mondiale et 88 % des nouveaux cas se concentraient dans 6 pays : BrĂ©sil, Inde, IndonĂ©sie, Mozambique, NĂ©pal, et RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo[36].

En 2021, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) fait état de 141 pays rapportant 140 594 nouveaux cas, dont 9052 enfants de moins de 15 ans, soit 4,5 nouveaux cas de lÚpre par million d'enfants[37]. Ces chiffres officiels sont à corriger du fait de la pandémie de Covid-19 qui perturbe la lutte contre la lÚpre et la déclaration des nouveaux cas[37] (la réduction de 37 % en 2020 par rapport à 2019 serait liée une insuffisance de surveillance)[38].

En dépit des efforts de contrÎle, la lÚpre reste endémique dans de nombreux pays en développement. En 2021, l'Inde, le Brésil et l'Indonésie restent les trois pays qui rapportent le plus de nouveaux cas (74,5 % des nouveaux cas mondiaux)[37].

Le taux d'incidence élevé chez les enfants de moins de 15 ans indique que la population des pays endémiques reste exposée au M. leprae, avec une forte transmission, dans un cadre sanitaire de faible qualité[32].

Classifications

Il existe diffĂ©rents types de lĂšpre, rĂ©alisant un ensemble continu de formes intermĂ©diaires entre deux extrĂȘmes. Plusieurs classifications sont proposĂ©es et discutĂ©es tout au long des confĂ©rences internationales de lĂ©prologie qui se succĂšdent, depuis les annĂ©es 1930 jusqu'aux annĂ©es 1950[39].

Classification de Ridley et Jopling

ProposĂ©e en 1962, et rĂ©visĂ©e en 1974, c'est la classification longtemps utilisĂ©e. Elle se base sur des critĂšres cliniques, histologiques et de rĂ©ponses aux traitements. SchĂ©matiquement, elle distingue trois formes cliniques, deux formes extrĂȘmes dites polaires : la lĂšpre tuberculoĂŻde et la lĂšpre lĂ©promateuse, et un ensemble de formes intermĂ©diaires dites interpolaires, instables et susceptibles de se modifier dans un sens ou dans l'autre[29]. Son inconvĂ©nient majeur est dĂ» aux critĂšres histologiques qui rendent son application difficile dans les pays en dĂ©veloppement, faute de moyens et de personnel pour rĂ©aliser ces examens de laboratoire[29].

Classification de l'OMS

En 1982, l'OMS adopte une nouvelle classification (révisée en 1988)[29] plus opérationnelle, c'est-à-dire plus pragmatique et adaptée aux pays d'endémie et de transmission de la lÚpre[6]. Cette classification fait surtout appel à des critÚres cliniques dans le but de mieux standardiser et réglementer la thérapeutique. Les formes de lÚpre sont classées en deux catégories[6] :

  1. Formes paucibacillaires, ≀ 5 lĂ©sions cutanĂ©es et/ou ≀ 1 nerf atteint, correspondant aux formes tuberculoĂŻdes ;
  2. Formes multibacillaires, ≄ 6 lĂ©sions cutanĂ©es et/ou plusieurs nerfs atteints, correspondant aux formes lĂ©promateuse et intermĂ©diaires.

Formes cliniques

La lÚpre est l'une des rares maladies qui présente des lésions dermatologiques avec troubles neurologiques (troubles de la sensibilité cutanée). Elle se distingue aussi par des signes négatifs : absence de prurit, de squames et de vésicules[40].

DĂ©but

Principaux signes de la lÚpre tuberculoïde (affiche des années 1950, Inde).

L'incubation est de 5 ans en moyenne (extrĂȘmes : de quelques mois Ă  plusieurs dĂ©cennies)[6].

Le stade initial se présente sous la forme d'une lÚpre indéterminée. Elle se manifeste par une tache cutanée légÚrement décolorée, de quelques cm de diamÚtre, à limites floues avec de légers troubles de la sensibilité. Cette lésion peut disparaßtre spontanément ou évoluer vers les autres formes[5].

La lÚpre de l'enfant est le plus souvent une lÚpre indéterminée[5].

LĂšpre tuberculoĂŻde

Cette forme de lÚpre est la plus fréquente. Elle associe :

  • de grandes taches dĂ©pigmentĂ©es sur la peau, qui est devenue insensible au toucher, Ă  bords nets, uniques ou en petit nombre, de rĂ©partition asymĂ©trique[5] ; quand leur bordure est en relief infiltrĂ©, ce sont des lĂ©prides[41].
  • des troubles nerveux touchant les membres, avec troubles de la sensibilitĂ© cutanĂ©e (anesthĂ©sie). En l'absence de traitement, les anomalies cutanĂ©es situĂ©es sur le territoire innervĂ© par un nerf atteint peuvent Ă©voluer vers des ulcĂšres, maux perforants, paralysies et mutilations[6].

Ces patients ne sont pas contagieux, la charge en bacilles des lésions est nulle ou faible : on ne trouve pas de bacilles dans le suc dermique du lobule des oreilles, pas ou trÚs peu dans la biopsie de peau. Il existe une réponse d'immunité cellulaire avec des lymphocytes circulants qui reconnaissent Mycobacterium leprae[6].

Avec un traitement précoce, les lésions initiales peuvent disparaßtre sans cicatrice[5].

LÚpre lépromateuse

LĂ©preux d'Afrique de l'Est, en 1906.
Deux lépreux en Inde, 1960

La lĂšpre lĂ©promateuse est une maladie gĂ©nĂ©rale, c'est-Ă -dire qui touche plusieurs systĂšmes et organes, mais oĂč les lĂ©sions cutanĂ©es et muqueuses prĂ©dominent.

Atteintes cutanées

L'atteinte cutanée réalise des macules hypochromiques discrÚtes, à contours flous. En l'absence de traitement, apparaissent des lésions typiques, les lépromes, qui sont des plaques, papules ou nodules infiltrés, à bordure diffuse et mal limitées, de teinte cuivrée luisante, de sensibilité normale (sans anesthésie)[5] - [6].

Ces lésions cutanées sont nombreuses (plusieurs dizaines), réparties sur tout le corps de façon plutÎt bilatérale et symétrique. L'atteinte des extrémités (doigts, orteils) et du visage est préférentielle. Dans les formes évoluées, les atteintes du visage réalisent une infiltration diffuse du nez et du lobule des oreilles (faciÚs léonin) avec congestion nasale, épistaxis, et alopécie de la queue des sourcils[5] - [6].

Atteintes nerveuses et viscérales

Dans la lÚpre lépromateuse, l'atteinte des nerfs périphériques est plus discrÚte que dans la lÚpre tuberculoïde. Elle associe à des degrés divers une hypertrophie des troncs nerveux et des déficits neurologiques sensitifs ou moteurs.

Outre les atteintes des muqueuses oto-rhino-laryngologiques et ophtalmologiques, une atteinte viscérale ou multiviscérale est possible : envahissement ganglionnaire, atteintes rénale, hépatosplénique, endocrinienne, urogénitale avec risque de stérilité[6] - [42], etc.

Ces patients sont contagieux (multibacillaires) et dépourvus d'immunité cellulaire vis-à-vis de Mycobacterium leprae.

LÚpre intermédiaire

Entre les deux formes précédentes bien caractérisées, se situe un véritable spectre de formes dites intermédiaires, interpolaires, de transition ou « borderline » pour lesquelles les réactions de défense sont instables et variables, et susceptible d'évoluer vers l'une ou l'autre des extrémités du spectre.

Dans la classification de Ridley et Jopling, trois formes de transition sont distinguées[5] :

  1. Forme borderline tuberculoïde ou BT : quelques lésions cutanées de grande taille (de 5 à plus de 20 cm) planes ou infiltrées en périphérie, asymétriques avec troubles de la sensibilité et lésions plus petites à proximité ;
  2. forme borderline borderline ou BB : plusieurs lésions de type annulaire, de 5 à 10 cm de diamÚtre, mal limitées, pour la plupart anesthésiques en leur centre[43] et non anesthésiques en périphérie ;
  3. forme borderline lépromateuse ou BL : plus d'une dizaine de lépromes et de lésions annulaires, bilatérales et non anesthésiques.

Par rapport Ă  la classification OMS, la forme BT est une forme paucibacillaire, alors que les formes BB et BL sont multibacillaires[43].

Atteinte neurologique

L'atteinte neurologique est constante dans toutes les formes de lĂšpre, c'est elle qui dĂ©termine le pronostic de la maladie. La lĂšpre touche principalement les nerfs pĂ©riphĂ©riques rĂ©alisant une nĂ©vrite lĂ©preuse. Le Mycobacterium leprae, Ă  tropisme neurologique, se multiplie dans la cellule de Schwann et s'infiltre dans les tissus. À terme, le territoire innervĂ© par le nerf atteint subit des troubles de la nutrition tissulaire (troubles trophiques, dits neurotrophiques)[5] - [44].

En Afrique orientale allemande, trois lépreux montrent l'état de leur mains et de leurs pieds, photographiés par Walther Dobbertin entre 1906 et 1918.

La nĂ©vrite lĂ©preuse touche d'abord les filets nerveux cutanĂ©s, avec troubles des sensibilitĂ©s superficielles au niveau des macules ; puis elle atteint les gros troncs nerveux pĂ©riphĂ©riques. C'est une nĂ©vrite hypertrophique oĂč le nerf atteint augmente de volume, en devenant visible quand il est superficiel ou palpable lorsqu'il est plus en profondeur[44].

Cette hypertrophie dĂ©bute dans la premiĂšre annĂ©e d’évolution de la maladie. Elle est Ă  rechercher au niveau du cubital, du mĂ©dian, du sciatique poplitĂ© externe (SPE), du tibial postĂ©rieur (TP), du plexus cervical superficiel.

Au fil des annĂ©es, une polynĂ©vrite douloureuse dĂ©ficitaire se constitue. Le dĂ©ficit touche d’abord la sensibilitĂ© thermo-algique, puis la conduction motrice avec dĂ©ficit moteur (parĂ©sie puis paralysie), amyotrophie, et troubles trophiques
 L’expression clinique neurologique indique que 30 % des fibres nerveuses sont atteintes par le bacille de Hansen.

En général la chronologie des troubles neurologiques se présente ainsi :

  1. anesthésie, troubles trophiques ;
  2. fissures, plaies, brûlures ;
  3. infection ostéoarticulaire ;
  4. diminution de la surface d’appui ;
  5. cicatrices adhérentes ;
  6. amputation, mutilation, perte de substance

Déformations des mains, « main de singe », par atteinte neurologique (nerfs médian et cubital).

Les nerfs les plus touchés sont [5] :

  • des nerfs crĂąniens (nerf frontal et nerf facial) : atteintes oculaires jusqu'Ă  la cĂ©citĂ©, atteintes oropharyngĂ©es entraĂźnant des difficultĂ©s pour l’alimentation, l’élocution et donc des difficultĂ©s d’ordre psychosocial. Chez les malades anciens non traitĂ©s, la paralysie faciale devient bilatĂ©rale rĂ©alisant le faciĂšs antonin (visage figĂ© et inexpressif, yeux fixes restant ouverts pendant le sommeil, bouche inerte et baveuse)[44].
  • du membre supĂ©rieur : cubital et mĂ©dian (main en griffe ou « de singe »), radial (main tombante avec impossibilitĂ© de la relever).
  • du membre infĂ©rieur : sciatique poplitĂ© externe et tibial postĂ©rieur (pied tombant, steppage Ă  la marche, griffe des orteils ou orteils en marteau). Dans un second temps, des rĂ©tractions tendineuses peuvent immobiliser le pied dans une mauvaise attitude, rĂ©alisant le pied bot lĂ©preux[5] - [44].

Il existe des formes neurologiques « pures » (moins de 10 % des cas de lĂšpre) avec absence de lĂ©sions cutanĂ©es. Elles doivent ĂȘtre suspectĂ©es chez des patients exposĂ©s (rĂ©sidant ou provenant de rĂ©gion endĂ©mique de lĂšpre) prĂ©sentant une neuropathie asymĂ©trique. La manifestation la plus commune Ă©tant la griffe cubitale[6].

États rĂ©actionnels

La lÚpre est une maladie chronique d'évolution insidieuse, mais qui peut présenter des « états réactionnels » de survenue brutale. Il s'agit de complications inflammatoires aiguës, liées à des modifications immunologiques (hypersensibilité) vis-à-vis de M. leprae. Ces complications peuvent survenir spontanément au cours de l'évolution de la maladie lépreuse, ou lors du traitement, voire au décours de celui-ci[5] - [6].

Plusieurs types de réaction ont été décrits au XXe siÚcle, amenant une situation confuse[45]. Au début du XXIe siÚcle, deux principaux types de réaction sont distingués : les réactions de type 1 (ou réaction de réversion) et celles de type 2 (ou érythÚme noueux lépreux)[4] - [6].

Réaction de réversion

Il s'agit d'un phĂ©nomĂšne d'hypersensibilitĂ© retardĂ©e oĂč l'immunitĂ© cellulaire est renforcĂ©e, mais de maniĂšre disproportionnĂ©e. Cette rĂ©action peut survenir chez les patients atteints de lĂšpre intermĂ©diaire qu'elle dĂ©place vers le pole tuberculoĂŻde. Elle peut toucher 15 Ă  45 % de ces patients, principalement dans les premiers mois de traitement, et aussi aprĂšs des mois ou des annĂ©es aprĂšs l'arrĂȘt du traitement[5] - [6].

Elle se manifeste par une majoration brutale des lésions déjà connues, avec troubles moteurs et sensitifs rapidement déficitaires. Cette réaction est plus fréquente chez les lépreux co-infectés par le VIH[6].

ÉrythĂšme noueux lĂ©preux

L'érythÚme noueux lépreux, ou réaction de type 2, s'observe chez environ la moitié des patients présentant une lÚpre lÚpromateuse ou une borderline lépromateuse. Cette réaction, dont le mécanisme est mal compris et discuté, serait de l'ordre d'une maladie à complexes immuns avec élévation du TNF-α dans le sérum[4] - [5].

Elle peut apparaitre en dĂ©but de traitement, ou survenir spontanĂ©ment avant le traitement, facilitant le diagnostic, ou elle peut survenir jusqu'Ă  10 ans aprĂšs le traitement. Elle Ă©volue par poussĂ©es en relation avec une infection intercurrente, la pubertĂ©, la grossesse ou l'allaitement[4] - [5].

Elle se manifeste par de la fiÚvre, des douleurs articulaires et cutanées (nodules chauds violacés évoluant en pustule purulente) et des atteintes viscérales potentiellement létales[4] - [6].

Un phénomÚne analogue, beaucoup plus rare, est le PhénomÚne de Lucio (en) qui se voit surtout au Mexique et en Amérique Latine, chez les métis indien-espagnol. Il se manifeste comme une vascularite nécrosante survenant brutalement dans une forme particuliÚre de lÚpre lÚpromateuse inaperçue ou ignorée, dite parfois « lÚpre jolie » ou « lepra bonita »[4] - [46].

Invalidité

Évolution des atteintes oculaires de la lùpre.

L'invalidité ou handicap lépreux est liée aux complications ultimes et séquelles de toutes formes de lÚpre. Outre les atteintes cutanéo-muqueuses et neurologiques, il existe des lésions osseuses destructives (ostéoporose diffuse, ostéolyse latérale ou frontale) prédominant aux doigts et aux orteils et aboutissant à des mutilations[47].

Ces complications peuvent ĂȘtre invisibles (consĂ©quences psychosociales, maladie taboue) et visibles (mutilations, dĂ©formations, paralysie). En 1995, le nombre de sujets handicapĂ©s par la lĂšpre Ă©tait estimĂ© Ă  2 millions de personnes dans le monde. L’OMS s'est fixĂ© pour but de rĂ©duire ce handicap Ă  moins d'une personne par million d'habitants[48].

L’OMS se base surtout sur les atteintes oculaires et neurologiques pour Ă©tablir un score d’invaliditĂ©, avec dĂ©tection et prĂ©vention prĂ©coce des lĂ©preux les plus Ă  risque d'ĂȘtre handicapĂ©s. Ces personnes sont surtout des hommes, atteints de lĂšpre multibacillaire, avec Ă©tats rĂ©actionnels Ă©voluant vers la lĂšpre lĂ©promateuse (avec un risque de handicap 5 Ă  12 fois supĂ©rieur aux autres lĂ©preux)[48].

La différence homme/femme ( 2 hommes pour 1 femme) s'expliquerait par une différence de comportement social. Les hommes négligent ou ignorent les premiÚres manifestations cutanées de lÚpre et ne consultent les services de santé qu'à des stades avancés de la maladie, ce qui ne serait pas le cas des femmes, plus attentives à toute modification cutanée[48].

La prévalence du handicap lépreux augmente avec l'ùge, et de façon inversement proportionnelle au niveau socio-économique. Les niveaux d'éducation et de revenu sont des facteurs déterminants pour la prévention de cette invalidité[48].

Diagnostic

La variété des formes de lÚpre fait que le diagnostic peut concerner le généraliste comme de nombreux spécialistes : dermatologue, neurologue, ophtalmologiste et otorhinolaryngologiste[40].

Comme déjà indiqué, la lÚpre se distingue par l'association de lésions dermatologiques et de troubles neurologiques (troubles de la sensibilité cutanée). Elle se distingue aussi par des signes négatifs : absence de prurit, de squames et de vésicules.

Les signes cutanĂ©s sont prĂ©sents dans la plupart des lĂšpres, mais pas toutes, alors que les atteintes neurologiques sont prĂ©sentes dans toutes les variĂ©tĂ©s de lĂšpre, Ă  des degrĂ©s divers (prĂ©dominantes ou au second plan). Il existe des formes de lĂšpre neurologique « pure » oĂč les signes cutanĂ©s sont totalement absents[40].

Dans les pays développés, le diagnostic est évoqué sur l'origine du patient, ou son retour de voyage en zone endémique[32].

Dans les formes multibacillaires, le diagnostic est confirmĂ© par la prĂ©sence de M. leprae, dans les autres formes (oĂč M. leprae n'est pas ou difficilement retrouvĂ©), il faut mettre en Ă©vidence l'existence de troubles neuro-cutanĂ©s car la lĂšpre est pratiquement la seule affection qui prĂ©sente de tels troubles associĂ©s[40]. Une anesthĂ©sie localisĂ©e au niveau d'une lĂ©sion cutanĂ©e est pathognomonique de la lĂšpre tuberculoĂŻde[6].

Les experts de l'OMS ont Ă©tablis trois principaux critĂšres de diagnostic positif[32] :

  1. Lésion cutanée hypopigmentée ou érythémateuse avec perte définitive de la sensibilité cutanée ;
  2. une hypertrophie d'un nerf périphérique avec perte de la sensibilité ou faiblesse musculaire de la zone innervée ;
  3. Présence de bacilles acido-alcoolo-résistants dans la biopsie cutanée ou le frottis nasal.

Lorsque les trois signes sont présents, la précision du diagnostic est de l'ordre de 95 %[32].

Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel des lésions cutanées est difficile dans les formes débutantes. Il dépend en grande partie de l'expérience du clinicien[32].

À Ă©voquer devant des lĂ©sions hypochromiques[5] :

À Ă©voquer devant des lĂ©sions Ă©rythĂ©mateuses et infiltrĂ©es[5], ou papuleuses :

Le diagnostic de lĂšpre pour des troubles neurologiques peut ĂȘtre difficile en l'absence de lĂ©sions cutanĂ©es associĂ©es. De telles lĂ©sions lĂ©preuses peuvent ĂȘtre confondues avec des nĂ©vrites d'origine diabĂ©tique ou alcooliques[6]. La lĂšpre peut simuler de nombreuses autres affections neurologiques plus rares. Selon Languillon, les principes de base sont[49] :

  • Les hypertrophies de nerfs sont gĂ©nĂ©ralement dues Ă  la lĂšpre ;
  • les paralysies de la racine des membres ne sont pas dues Ă  la lĂšpre (qui touche les extrĂ©mitĂ©s) ;
  • il n'y a jamais de perte du sens de la position corporelle dans la lĂšpre ;
  • le systĂšme nerveux central demeure indemne dans la lĂšpre.

Diagnostic bactériologique

Elle permet la confirmation diagnostique par mise en Ă©vidence du Mycobacterium leprae ou bacille de Hansen. Sa nĂ©gativitĂ© n’élimine pas le diagnostic, mais sa recherche est importante pour les formes borderline, pour adapter le traitement (patient pauci- ou multibacillaires), et diagnostiquer les rechutes.

M. leprae (en rouge foncé par la coloration de Ziehl-Neelsen) dans un frottis de suc dermique à partir d'une lésion (grossissement x 2000).

La coloration de Ziehl-Neelsen permet de visualiser le M. leprae à partir de trois prélÚvements[6] :

  • produits de raclage de la muqueuse du nez ( frottis nasal d'une rhinite lĂ©preuse) obtenus par Ă©couvillonnage nasal.
  • suc dermique des lobules des oreilles ;
  • cellules de lĂ©sions cutanĂ©es obtenues par biopsie profonde.

La bacilloscopie Ă©value le nombre et l'aspect morphologique des bacilles[5] :

  • L'indice bactĂ©riologiques (IB) est la charge bacillaire ou nombre de bacilles par champ (pour le principe voir hĂ©matimĂštre). Cet indice est cotĂ© de 0 Ă  6, 1+ (1 Ă  10 bacilles/100 champs) Ă  6+ (> 1 000 bacilles /champ).
  • L'indice morphologique (IM) dĂ©termine le pourcentage de bacilles viables (bacilles entiers uniformĂ©ment colorĂ©s), ce qui permet d'Ă©valuer le degrĂ© de contagiositĂ© d'un patient, et prendre d'Ă©ventuelles mesures de protection de ses contacts[50].

Cette bacilloscopie n'est fiable qu'entre les mains de techniciens expérimentés, devenus de plus en plus rares. Ce manque de fiabilité a conduit l'OMS à abandonner la classification bacilloscopique pour adopter des critÚres plus simples[6]. Cependant cet examen reste une méthode importante pour un diagnostic précis des formes de lÚpre[32].

Autres moyens

L’intradermorĂ©action (IDR) de Mitsuda (1876-1964) est plus ou moins abandonnĂ©e, Ă  cause de son manque de prĂ©cision. Elle consistait Ă  inoculer, au niveau de l'avant-bras, des antigĂšnes de M. leprae inactivĂ© (lĂ©promine), et Ă  interprĂ©ter la rĂ©action cutanĂ©e aprĂšs 1 Ă  2 jours, puis aprĂšs 21 jours[5] - [32].

La sérologie lépreuse, considérée comme prometteuse dans les années 1980, n'est toujours pas de pratique courante en 2020[6]. Elle se base principalement sur la détection d'anticorps anti-GPL-1 (pour Phenolyc glycolipid 1, antigÚne spécifique de la paroi de M. leprae)[32].

La PCR est effectuée selon les laboratoires. Elle n'est pas indispensable car cette méthode n'est pas plus sensible que la coloration de Ziehl-Neelsen[6].

D'autres moyens sont utilisés, notamment pour le diagnostic de lÚpre neurologique pure (sans lésions cutanées, ni mise en évidence de M. leprae) : biopsie nerveuse (nerf périphérique), électromyographie, échographie (nerf périphérique)[32].

Centres de dépistage à Paris :

Traitement

Anciens traitements

Lépreux de Tahiti en Polynésie, 1898.

Un des premiers traitements fut l'huile de chaulmoogra extraite des graines du taraktogenus hydnocarpii. L'isolation de l'acide chaulmoogrique avait Ă©tĂ© faite par Alice Ball en 1916 et perfectionnĂ©e ensuite par Arthur Dean[51]. Cependant cette huile avait l'inconvĂ©nient d'ĂȘtre chĂšre et de faire Ă©clater les seringues. Le dermatologue Édouard Jeanselme a prĂ©conisĂ© un mĂ©lange d’huile de chaulmoogra, de camphre et de guaĂŻacol comme traitement contre la lĂšpre.

Dans les années 1930, le pÚre Clément Raimbault découvrit les effets de l'huile dolno, produite à partir de graines de takamaka des Hauts (Calophyllum tacamahaca), arbre courant à La Réunion.

Traitements actuels

La lĂšpre expose Ă  des invaliditĂ©s sĂ©vĂšres et des handicaps permanents si elle n'est pas traitĂ©e Ă  temps. Le traitement comporte plusieurs antibiotiques, afin d'Ă©viter de sĂ©lectionner des souches rĂ©sistantes du germe. L’Organisation mondiale de la santĂ© (OMS) recommande depuis 1982 une multithĂ©rapie ou polychimiothĂ©rapie (PCT), car Mycobacterium leprae dĂ©veloppe des rĂ©sistances en cas de monothĂ©rapie (par dapsone seule)[4].

Traitements de référence

Cette PCT associe trois médicaments : la dapsone (DDS), la rifampicine (RMP) et la clofazimine (CLO). Ces trois antibiotiques constituent le traitement de référence de l'OMS (traitement de premiÚre ligne ou en premiÚre intention). L'administration mensuelle est sous supervision (S) médicalisée[32].

Forme de lÚpre Traitement de référence chez l'adulte (OMS 2012)[5] - [32]
Paucibacillaire RMP 600 mg par mois (S) + DDS 100 mg par jour. DurĂ©e 6 mois
Multibacillaire RMP 600 mg/mois (S) + CLO (300 mg/mois (S) et 50 mg/j) + DDS 100 mg/j. DurĂ©e 12 mois
Structure de la Rifampicine

Cette association mĂ©dicamenteuse dĂ©truit l'agent pathogĂšne et guĂ©rit le malade. La durĂ©e du traitement oscille entre 6 et 24 mois, selon la gravitĂ© de la maladie. Cette longue durĂ©e de traitement pose des problĂšmes logistiques et des difficultĂ©s d'observance thĂ©rapeutique. Son efficacitĂ© peut aussi ĂȘtre limitĂ© par des effets secondaires non nĂ©gligeables (mauvaise tolĂ©rance et/ou allergie)[32].

Dans les pays industrialisés, ce schéma thérapeutique est préconisé de façon quotidienne, et fondé sur la classification de Ridley avec possibilité d'une durée de traitement plus longue si nécessaire (traitement adapté avec plus de précision, par plus de moyens disponibles)[5] - [32]. Avec les traitements bien individualisés, la chimiorésistance est exceptionnelle[6].

En cas d'inefficacité ou de mauvaise tolérance, d'autres produits sont utilisés en seconde intention, principalement : Ofloxacine, Minocycline et Clarithromycine[6] - [32].

Traitements des complications et séquelles

Les états réactionnels sont des urgences thérapeutiques, le plus souvent hospitalisées. Les réactions de réversion nécessitent un anti-inflammatoire non stéroïdien, ou une corticothérapie, ou la ciclosporine, selon la gravité des troubles. Les poussées d'érythÚme noueux lépreux sont traitées par thalidomide (sous couvert d'une contraception) ou par la pentoxifylline. Si les troubles neurologiques (névrite inflammatoire périphérique) ne régressent pas, la décompression des nerfs se fait par neurolyse chirurgicale[5] - [32].

Des patients peuvent avoir des lésions chroniques déjà constituées ou séquelles diverses, par retard de diagnostic avec traitements trop tardifs. Des améliorations sont souvent possibles : soit par orthopédie (prothÚses, chaussures et semelles orthopédiques
) soit par chirurgie réparatrice ou palliative (drainage de suppuration, amputation d'extrémité mutilée, chirurgie des tendons
)[6].

Chez l'enfant

Outre des posologies adaptées et le plus souvent individualisées en fonction de l'ùge, le traitement de la lÚpre de l'enfant pose des problÚmes particuliers[32] :

RĂ©sultats

Avec une polychimiothĂ©rapie appliquĂ©e Ă  temps et correctement suivie, la lĂšpre est gĂ©nĂ©ralement vue comme une maladie guĂ©rissable, oĂč l'on peut prĂ©venir des lĂ©sions handicapantes, ou limiter un handicap dĂ©jĂ  constituĂ©. Les rechutes ou le dĂ©cĂšs sont rares[4].

Toutefois des défis demeurent, concernant le diagnostic précoce, les traitements (surveillance des complications et de l'apparition de résistances), et l'accÚs aux traitements encore entravés par la stigmatisation sociale, la pauvreté et le manque d'éducation. Les enfants et les femmes des zones rurales endémiques sont particuliÚrement désavantagés[32] - [52].

Au vu de la situation en 2020, mĂȘme en traitant tous les sujets atteints de lĂšpre, il faudra plusieurs dĂ©cennies pour Ă©liminer la lĂšpre comme problĂšme de santĂ© publique dans les pays endĂ©miques, notamment Ă  cause de la trĂšs longue durĂ©e d'incubation[53].

Prévention

L'isolement des lépreux est inutile, à cause de la longue durée d'incubation de la lÚpre, du fait que les patients atteints de lÚpre tuberculoïde (les plus nombreux) ne sont pas contagieux, et de l'efficacité des traitements pour supprimer ou réduire l'infection de la lÚpre lépromateuse[5].

La chimioprévention est un sujet de recherches depuis les années 1960, par exemple sur la prophylaxie des cas contacts de lépreux contagieux. En 2018, l'OMS propose une dose de rifampicine comme chimioprévention en région endémique[32].

La prĂ©vention des cas contacts (membres de la famille vivant sous le mĂȘme toit qu'un lĂ©preux contagieux) repose sur le traitement du patient, l'Ă©ducation, et un contrĂŽle mĂ©dical annuel pour au moins 5 ans des cas contacts (informĂ©s qu'ils doivent consulter au plus vite en cas d'apparition de signes cutanĂ©s ou neurologiques)[4].

Deux vaccins contre la lÚpre sont en phase expérimentale : l'un américain basé sur Mycobacterium leprae (vaccin LepVax), l'autre indien basé sur Mycobacterium indicus pranii (en) (vaccin MIP). Le seul vaccin couramment utilisé est le vaccin BCG susceptible d'induire une immunité croisée tuberculose-lÚpre. Son efficacité est controversée : protection de 20 à 90 % selon les études, diminuant avec le temps. Dans les régions à trÚs forte prévalence lépreuse, le BCG est administré dÚs la naissance[4] - [32].

Des stratégies préventives combinées (chimioprévention + BCG) sont en cours d'évaluation. L'évaluation des moyens préventifs est difficile, toujours en raison de la longue durée d'incubation de la lÚpre[32].

Origine et diffusion historique de la lĂšpre

La connaissance des origines et de la diffusion historique de la lÚpre repose sur des données scientifiques (génomique et paléogénomique, paléopathologie et paléomicrobiologie) et historiques (témoignages, documents
).

M. leprae a suivi les migrations humaines depuis la sortie d'Homo sapiens hors d'Afrique. La lÚpre-maladie est présente en Europe dÚs l'ùge du bronze en Europe, mais elle ne prend une ampleur significative que sous l'Empire romain qui réunit par contacts réguliers de grandes populations trÚs éloignées[54].

La lĂšpre suit les voies commerciales et les armĂ©es, comme les pĂšlerinages. Une deuxiĂšme extension europĂ©enne se produit au Moyen Âge central en lien avec l'urbanisation croissante et de nouveaux rapports avec le monde musulman (croisades)[55] - [56].

À la fin du Moyen Âge, le dĂ©veloppement europĂ©en provoque une extension mondiale de la lĂšpre. Celle-ci accompagne les grandes dĂ©couvertes et les voies de colonisation, avec passage de la lĂšpre en Afrique de l'Ouest et aux AmĂ©riques[54] - [55].

GĂ©nomique

Mycobacterium leprae dĂ©rive d'un ancĂȘtre commun avec Mycobacterium tuberculosis, dont il aurait divergĂ© il y a prĂšs de 9 millions d'annĂ©e, en Ă©voluant par rĂ©duction du gĂ©nome. Le gĂ©nome de M. leprae est particuliĂšrement stable Ă  plus de 99,9 %[57] - [58] avec un taux de mutation Ă©valuĂ© Ă  18-30 mutations par millĂ©naire[59].

Le sĂ©quençage du gĂ©nome des souches connues a permis de dĂ©finir quatre types (divisĂ©s en 16 sous-types, de A Ă  P)[56] associĂ©s Ă  une zone  gĂ©ographique[55] :

  1. Inde et Asie du Sud-Est ;
  2. Afrique de l'Est ;
  3. Europe et Afrique du Nord ;
  4. Brésil et Afrique de l'Ouest.

Un cinquiÚme type, numéroté 0, existe en Chine et Nouvelle-Calédonie, trÚs proche d'un sous-type de la souche 3.

Le caractÚre exceptionnellement stable du génome de M. leprae, son association avec des zones géographiques, en font un marqueur utile pour retracer les grandes migrations humaines[15].

Le M. leprae ancestral serait originaire d'Afrique de l'Est (type 2), plutÎt que de l'Inde (type 1), le type 2 actuel étant le plus proche d'un type ancestral. La lÚpre aurait accompagné les hommes dans leurs migrations d'Afrique de l'Est vers l'Eurasie, aux alentours de 100 000 ans av. J.C. Lors des migrations vers l'Inde et l'Asie du Sud-Est, M. leprae aurait divergé en type 1, et vers l'Afrique du Nord et l'Europe en type 3[55].

Le type 4 BrĂ©sil et Afrique de l'Ouest est plus proche du type 3 que du type 2. Ceci laisse supposer que M. leprae a Ă©tĂ© introduit aux AmĂ©riques par le commerce des esclaves (CaraĂŻbes et BrĂ©sil) et les migrations europĂ©ennes, notamment celle des conquistadors (la pĂ©ninsule ibĂ©rique restant un foyer actif de lĂšpre) ; de mĂȘme la lĂšpre d'Afrique de l'Ouest aurait Ă©tĂ© apportĂ©e par voie commerciale d'Afrique du Nord et d'Europe. Alors qu'Ă  Madagascar, M. leprae est de type 1, indiquant une origine indienne[55].

Dans les cimetiÚres médiévaux des léproseries européennes, on trouve une grande diversité de souches, surtout de type 2 et 3, ce qui donne à penser une double origine de la lÚpre européenne, autochtone par les pÚlerinages et importée du Moyen-Orient par les croisades[56] - [55].

La lÚpre s'est introduite en Asie par la route de la soie, dans le sens inverse de l'arrivée en Europe de la peste, par le nord (Proche-Orient, Asie centrale) plutÎt que par le sud (Inde et Indonésie)[58] - [55].

La situation de l'OcĂ©anie est en discussion. L'hypothĂšse dominante Ă©tait  l'arrivĂ©e de la lĂšpre dans cette rĂ©gion par la colonisation europĂ©enne au XIXe siĂšcle, mais des donnĂ©es gĂ©nomiques sont en en faveur d'introductions plus anciennes via les migrations de peuplement Ă  partir de l'Asie du Sud- Est[54].

Ces données sont à affiner par l'étude d'un plus grand nombre d'échantillons, non seulement humains (génomes anciens de M. leprae) mais aussi animaux (écureuil roux, génomes modernes de M. leprae)[56].

Paléopathologie

Crùne présentant un syndrome osseux rhinomaxillaire caractéristique de la lÚpre, Musée des Vikings de Ribe (Museet Ribes Vinkinger) au Danemark.

Les données de paléopathologie les plus anciennes sont datées de 2000 ans av. J.C. en Inde, provenant d'un squelette trouvé au Rajasthan[60], mais sur l'aspect des lésions osseuses uniquement[61].

Le diagnostic osseux de lÚpre est quasi-certain en cas de forme lépromateuse de la lÚpre, s'il existe un syndrome rhinomaxillaire : atrophie et perte de l'épine nasale, atrophie et perte des alvéoles des incisives supérieures, érosions ou perforation du palais. En revanche, la seule atrophie ou la disparition des derniÚres phalanges des mains ou des pieds n'est qu'un diagnostic possible parmi beaucoup d'autres[62] - [63].

Bien que l'on pense que M. leprae s'est Ă©tabli autour du bassin mĂ©diterranĂ©en et en Europe centrale, il y a 40 000 ans environ, les restes humains prĂ©historiques avec lĂ©sions de lĂšpre osseuse sont trĂšs rares. Ce qui pourrait s'expliquer par une durĂ©e de vie trop courte pour des complications osseuses, ou un Ă©quilibre immunologique des populations Ă  cette Ă©poque. Le plus ancien cas europĂ©en pourrait ĂȘtre un cas Ă©cossais datĂ© 2000-1600 av. J.C.[63].

Les traces ostĂ©oarchĂ©ologiques europĂ©ennes deviennent significatives durant le premier millĂ©naire av. J.C. On retrouve des lĂ©sions caractĂ©ristiques de lĂšpre sur des squelettes en Égypte ptolĂ©maĂŻque, en Angleterre (Ă©poque romaine). En Europe mĂ©diĂ©vale, on les trouve surtout dans les cimetiĂšres des lĂ©proseries, notamment en Angleterre, au Danemark, en France et en Italie, en Croatie et en Hongrie[63].

Depuis les annĂ©es 1990-2000, le diagnostic osseux peut ĂȘtre confirmĂ© par PCR par prĂ©lĂšvement de la surface osseuse[64]. Les premiers cas publiĂ©s l'ont Ă©tĂ© sur des squelettes de la palestine romaine. Avec les dĂ©veloppements de la biologie molĂ©culaire, il est devenu possible de retrouver l'ADN de M. leprae non seulement Ă  partir de l'os, mais aussi Ă  partir des dents (pulpe dentaire et tartre dentaire)[54].

Données historiques

La lĂšpre est connue depuis l’AntiquitĂ©. Les premiĂšres descriptions datent de 600 ans av. J.-C. On la retrouve dans les civilisations antiques en Chine, en Égypte et en Inde. On a d'ailleurs longtemps cru Ă  une origine asiatique.

La chapelle de la Madeleine Ă  Guidel (Morbihan).

Jusqu’au XIXe siĂšcle, les croisades Ă©taient tenues responsables de l’introduction de la lĂšpre en Europe. Voltaire Ă©crivait dans son encyclopĂ©die que « tout ce que nous gagnĂąmes Ă  la fin de nos Croisades, ce fut cette gale; et de tout ce que nous avions pris, elle fut la seule chose qui nous resta ! ». En effet, la lĂšpre s’était tellement propagĂ©e en Europe aprĂšs les croisades qu’il est difficile de contester le rĂŽle de celles-ci. Baudouin IV de JĂ©rusalem dit « le LĂ©preux » (1161-1185) est d'ailleurs connu pour avoir souffert de cette maladie et ne pouvant donc avoir ni femme ni enfant[65]. Ainsi, les causes premiĂšres de la propagation de la maladie Ă©taient le commerce crĂ©tois et phĂ©nicien, les conquĂȘtes d’Alexandre le Grand, les lĂ©gions de PompĂ©e et d’Octave, la diaspora, la prĂ©sence de Sarrasins en Espagne et en France, les expĂ©ditions Vikings, les invasions germaniques et enfin les croisades[66].

Il faut Ă©galement souligner que le terme « lĂšpre » Ă©tait une catĂ©gorie de diverses maladies avec des manifestations physiques externes dont la lĂšpre contagieuse faisait partie[67]. Si ces facteurs avaient favorisĂ© l’expansion de la maladie, pour que celle-ci ait autant sĂ©vi et se soit implantĂ©e pendant prĂšs de 1 500 ans, il a fallu des conditions locales particuliĂšrement favorables Ă  la maladie : tout d’abord une mauvaise hygiĂšne, le dĂ©versement des ordures sur la route permettant aux animaux errants de s’en approcher et s’en nourrir, des habitations mal construites ne laissant pas la possibilitĂ© d’aĂ©rer correctement l’intĂ©rieur et de chasser l’humiditĂ©. À la campagne, les animaux pouvaient pĂ©nĂ©trer dans la maison du paysan qui, le soir, s’allongeait avec toute sa famille ainsi qu’avec un potentiel invitĂ© sur un matelas au sol prĂšs du feu, laissant ainsi libre cours Ă  la contagion. Les personnes n’utilisaient pas de fourchettes et trempaient les doigts directement dans un plat en commun avec l’ensemble de la famille ; les nobles Ă©taient moins exposĂ©s. Un autre facteur qui favorisa l’expansion de la maladie localement fut la coutume de l’hospitalitĂ© comme pratique religieuse ; en effet, les croyances indiquaient que l’étranger demandant l’hospitalitĂ© pouvait ĂȘtre Dieu ou le Christ Ă©tant dĂ©guisĂ© et testant la bontĂ© du peuple ; toutes ces personnes (moines, mendiants, pĂšlerins, etc.) demandant l’hospitalitĂ© pouvaient ĂȘtre porteurs de lĂšpre.

Histoire socio-culturelle

La lĂšpre, rĂ©alitĂ© pathologique, Ă©tait remplie d’un imaginaire morbide qui participait activement Ă  sa reprĂ©sentation et Ă  sa perception, imagination qui illustre ce qu'inspirait cette maladie et inspire encore de nos jours.

Il existe ainsi une lÚpre-maladie et un concept lépreux (faute morale ou « syndrome religieux »)[68]. Selon Raoul Follereau :« Un malade atteint de la lÚpre a en fait deux maladies : il a la lÚpre et il est lépreux »[69].

Pour ces raisons, l'OMS a proposé de ne plus utiliser le terme « lÚpre » dans la littérature médicale en le remplaçant par « maladie de Hansen ». Les termes « lÚpre » et « lépreux » étant jugés agressifs et discriminants[52]. Au début du XXIe siÚcle, la lutte contre la lÚpre reste entravée par une stigmatisation sociale qui frappe encore les lépreux. Par exemple, en 2021, l'OMS a reçu 124 signalements de discrimination de personnes atteintes de lÚpre en pays endémiques (Brésil, Guyana, Kiribati et République Dominicaine)[37].

Toujours en 2021, au moins cinq pays dans le monde ont des lois autorisant la discrimination fondĂ©e sur la lĂšpre : Chine, Macao, Inde, Japon, RĂ©publique islamique d'Iran et Togo. L'OMS et l'ONU souhaitent inclure des personnes atteintes de lĂšpre dans la mise en Ɠuvre des programmes internationaux de surveillance et de lutte contre la lĂšpre, afin d'accĂ©lĂ©rer l'abrogation de ces lois discriminatoires[37].

Concept religieux

LĂ©preux Ă  JĂ©rusalem, photo de Luigi Fiorillo (1847-1898).

Dans le LĂ©vitique, il est question d'un ensemble de manifestations cutanĂ©es connues sous le nom de tsara'at (ŚŠŚšŚąŚȘ). Cette affection se prĂ©sente comme des taches blanches ou dartres susceptibles d'Ă©voluer en ulcĂšres :

« L'Éternel parla Ă  MoĂŻse et Ă  Aaron, et dit : Lorsqu'un homme aura sur la peau de son corps une tumeur, une dartre, ou une tache blanche, qui ressemblera Ă  une plaie de lĂšpre sur la peau de son corps, on l'amĂšnera au sacrificateur Aaron, ou Ă  l'un de ses fils qui sont sacrificateurs. Le sacrificateur examinera la plaie qui est sur la peau du corps. Si le poil de la plaie est devenu blanc, et que la plaie paraisse plus profonde que la peau du corps, c'est une plaie de lĂšpre : le sacrificateur qui aura fait l'examen dĂ©clarera cet homme impur. S'il y a sur la peau du corps une tache blanche qui ne paraisse pas plus profonde que la peau, et que le poil ne soit pas devenu blanc, le sacrificateur enfermera pendant sept jours celui qui a la plaie »[70].

Il est explicitement question d'une maladie spirituelle, ayant certains stigmates corporels et qui touche la personne s'Ă©tant rendue « impure » par ses comportements sociaux (en particuler la calomnie ou la diffamation, "motsi shĂšm ra'" ŚžŚ•ŚŠŚ™Ś Ś©Ś ŚšŚą), et qui peut s'Ă©tendre Ă  des objets inanimĂ©s (vĂȘtements, habitation...).

Groupe de lépreux prÚs du Sépulcre de la Vierge Marie, Jérusalem, 1906.

Les chapitres XIII et XIV du LĂ©vitique sont entiĂšrement consacrĂ©s Ă  la tsara'at et regroupent diverses parties faisant rĂ©fĂ©rence Ă  l’examen des malades, aux dispositions qu’il faut prendre vis-Ă -vis d’eux ainsi que du rituel de purification. La personne susceptible d’ĂȘtre impure est alors isolĂ©e pendant sept jours afin d’observer l’évolution de la maladie et l’apparition d’autres atteintes comme des brĂ»lures, des plaies ou des cicatrices purulentes[71] - [70].

La tsara'at est la marque d'un courroux divin, ce n'est pas un concept mĂ©dical, c'est pourquoi le diagnostic de tsara'at est confiĂ© aux prĂȘtres et non pas aux mĂ©decins[72].

Le DeutĂ©ronome (Dt 24,8) prescrit d’éviter la lĂšpre et non le lĂ©preux en Ă©coutant les Écritures et en ne contrevenant pas Ă  la Loi divine pour Ă©viter la colĂšre de Dieu : « Prends garde Ă  la plaie de la lĂšpre, afin de bien observer et de faire tout ce que vous enseigneront les sacrificateurs, les LĂ©vites ; vous aurez soin d'agir d'aprĂšs les ordres que je leur ai donnĂ©s. »[71].

L'association du lĂ©preux avec la mort concernait son aspect physique dont la peau Ă©tait dĂ©gradĂ©e, et qui faisait de lui un ĂȘtre ressemblant Ă  un enfant mort-nĂ©[73]. Donc le lĂ©preux apparaissait comme un ĂȘtre vivant, mais qui possĂ©dait les caractĂ©ristiques physiques d’un mort en Ă©tat de dĂ©composition. Ainsi sa mort sociale et son exclusion n’étaient que l'expression de son apparence qui Ă©voquait la mort physique[71].

Concept sanitaire

Dans une autre perspective, la tsar'at a été traduite en lÚpre, afin qu'un problÚme de pureté rituelle puisse aider à éviter un problÚme de santé publique. En effet, les rabbins connaissaient l'existence de la maladie de Hansen, sa gravité et sa contagiosité (Talmud de Babylone, Sanhedrin 98a) mais ils ont volontairement pratiqué l'amalgame entre la tsara'at et la lÚpre afin de protéger la communauté en mettant à l'écart toute personne susceptible de la contaminer, tout en s'appuyant sur les ressources de la Torah complétées par celles de la loi orale[71].

Jésus guérissant dix lépreux. Codex Aureus Epternacensis (vers 1035-1040).

Les Évangiles synoptiques relatent la guĂ©rison d'un lĂ©preux puis de dix lĂ©preux par JĂ©sus (Mc 1,40–45 ; Mt 8,1–4 ; Lc 5,12–16), interprĂ©tĂ©e comme un pardon des fautes ou une preuve de foi[74].

Du point de vue d'histoire de la médecine, la tsara'at doit réfléter une réalité d'ordre médical. Pris dans leur totalité, les manifestations de tsara'at ne s'accordent avec aucune entité dermatologique moderne. La plupart des auteurs modernes écartent l'identité pure et simple de la tsara'at avec la lÚpre, mais ils acceptent l'idée qu'il s'agit d'un ensemble de manifestations relativement bénignes (psoriasis, vitiligo, favus, certaines formes d'eczémas...) et d'autres plus graves comme différentes formes de lÚpre[72].

AprÚs plusieurs siÚcles d'exégÚse historique, les historiens considÚrent que la lÚpre est la seule maladie chronique de la peau dont la gravité peut justifier les mesures sociales du législateur biblique, car « il est difficile de croire qu'un rejet social aussi radical puisse s'expliquer seulement par des idées religieuses aberrantes sur des affections tout à fait bénignes »[72].

LÚpre dans l'Antiquité

DĂšs les premiers siĂšcles de l’ùre chrĂ©tienne, la lĂšpre sĂ©vissait en Europe et en 549, le concile d’OrlĂ©ans prit des mesures en faveur des lĂ©preux en invitant tous les Ă©vĂȘques Ă  se prĂ©occuper des malades rĂ©sidant dans leur diocĂšse. En effet, selon les Saintes Écritures, les prĂȘtres avaient un devoir envers tous les indigents et malades, mais ce concile stipulait que les prĂȘtres devaient se prĂ©occuper plus ardemment des lĂ©preux. Ceux-ci devaient aider les lĂ©preux Ă  se vĂȘtir et Ă  se nourrir avec leurs propres moyens afin que « les soins de la charitĂ© ne manquent pas Ă  ceux qu’une cruelle maladie rĂ©duit Ă  la dĂ©tresse »[75].

En 583, le concile de Lyon interdit le voyage aux lĂ©preux afin d’éviter que la maladie se propage et stipule que les lĂ©preux doivent ĂȘtre sĂ©parĂ©s du reste de la communautĂ© et considĂ©rĂ©s comme Ă©tant morts. Ainsi, dĂšs le VIIe siĂšcle, diverses lĂ©proseries (Ă©tablissements pour lĂ©preux) voient le jour en Occident. En 757, en France, Ă  CompiĂšgne, un parlement dĂ©cide que si dans un couple mariĂ© l’un des deux conjoints est lĂ©preux, il est permis Ă  l’autre de se remarier en toute bonne conscience.

LÚpre médiévale

En France, les lĂ©preux pouvaient ĂȘtre appelĂ©s caquins ou cacous et devaient habiter Ă  l'Ă©cart des villages dans des « caquineries ».

En breton, « valordi » signifie « maladrerie », « léproserie », comme le lieu-dit « Valordi » situé prÚs de la Pointe de la Torche en Plomeur (FinistÚre).

La lĂ©proserie peut ainsi ĂȘtre appelĂ©e caquinerie, « ladreries, maladreries, maladiĂšres, misellaria, mĂ©zelleries, lazarets, etc ». Les historiens en ont souvent exagĂ©rĂ© le nombre Ă  cause d'une erreur de traduction latine ou d'interprĂ©tation au XVIIIe siĂšcle, reprise par eux par la suite et jusqu'Ă  nos jours[76].

Exclusion du lépreux

Ancienne cliquette pour lépreux

Avant d’arriver Ă  l’exclusion pure et simple du lĂ©preux, un certain nombre d’élĂ©ments sont requis. En premier lieu, la personne soupçonnĂ©e d’avoir contractĂ© la maladie est convoquĂ©e pour un examen minutieux. Le malade est examinĂ© par des mĂ©decins et est parfois soumis Ă  une Ă©preuve ; on saigne le malade et on jette son sang dans une bassine pleine d’eau ; si le sang garde sa couleur vermeille, la personne est dĂ©clarĂ©e saine, sinon elle est dĂ©clarĂ©e lĂ©preuse. Selon les rĂ©gions, ces Ă©preuves peuvent varier. Le juge ecclĂ©siastique rend la sentence et par la suite les experts rĂ©digent un rapport relatant les examens pratiquĂ©s sur le malade et si celui-ci a Ă©tĂ© confirmĂ© positif ou nĂ©gatif Ă  la maladie.

Retraite des lépreux en fonte, XVe

Le jour de l’exclusion du lĂ©preux, le curĂ© doit lui envoyer une tunique/manteau, une robe grise, noire ou Ă©carlate dont l’épaule gauche ou la poitrine est ornĂ©e d’un morceau de tissu rouge en forme de patte d’oie ou de cƓur ; il reçoit Ă©galement un chapeau ou une capuche noire, un instrument (crĂ©celle, cliquette), qu’il doit agiter de jour tous les dix pas et constamment de nuit (en Allemagne il s’agissait d’une corne), ou des morceaux de bois que le lĂ©preux doit battre l’un contre l’autre pour avertir la population de son approche, ceux-ci fuyant pour Ă©viter la contagion ; il reçoit Ă©galement un gobelet pour l’aumĂŽne ou pour boire, une panetiĂšre pour conserver le pain, une cuillĂšre, un baril et un couteau. Une procession s’engage donc pour le lĂ©preux dont la premiĂšre halte se fait Ă  l’église, oĂč l’on cĂ©lĂšbre l’office des morts que le lĂ©preux entend le visage couvert pour symboliser le mort dans son cercueil. Cet usage cruel a Ă©tĂ© supprimĂ© dans certaines rĂ©gions et dans d’autres il est remplacĂ© par l'office du jour. Par la suite, la procession emmĂšne le lĂ©preux dans un cimetiĂšre ou un rite symbolique est organisĂ© ; le lĂ©preux doit entrer dans une tombe, rester Ă  genoux pendant que le prĂȘtre lui jette trois fois de la terre sur la tĂȘte en disant « mon ami, tu es mort au monde ».

La derniĂšre halte se fait dans l’établissement des lĂ©preux, la lĂ©proserie, oĂč on lui lit les « dĂ©fenses », c’est-Ă -dire le rĂšglement qu’il doit Ă  prĂ©sent suivre en tant que lĂ©preux, et les interdits qu'il doit jurer sur l’Évangile de respecter. Il devra se promener avec l’habit du lĂ©preux afin que tous le reconnaissent, il ne devra pas toucher les arbres ou autres plantes sans le port de gants, il ne devra plus recevoir d’autre compagnie que les autres lĂ©preux, etc. Il est soulignĂ© que l’exclusion du lĂ©preux n’est que corporelle et que son esprit reste toujours parmi eux. Si le lĂ©preux est Ă©tranger, il est uniquement chassĂ© sans possibilitĂ© de revenir sous peine d’ĂȘtre brĂ»lĂ© vif ; si le malade est originaire du lieu, soit on lui assigne une cabane isolĂ©e des habitations, soit, si la ville est riche, une maladrerie est construite pour y accueillir les lĂ©preux et si le malade Ă©tait un bourgeois, alors sa vie en lĂ©proserie Ă©tait plutĂŽt confortable avec la possibilitĂ© de faire venir son mobilier[77].

Ancienne chapelle devenue léproserie fondée en 1206, Dunwich, Suffolk (Grande-Bretagne)

De plus, l’exclusion du lĂ©preux devait ĂȘtre prononcĂ©e officiellement, donc si le malade pouvait cacher les symptĂŽmes de sa maladie, alors il pouvait continuer en cachette Ă  vivre normalement avec sa famille, retardant ainsi le plus possible le jour de son exclusion, mais laissant libre cours Ă  la contagion.

L'exclusion des lĂšpreux s'observait pour la premiĂšre fois dans la citĂ© de Babylone, oĂč le traitement de ceux-ci Ă©tait indiquĂ© dans le Code de Hammurabi : « Si un homme prĂ©sente des nodositĂ©s et des taches blanchĂątres, celui-ci doit ĂȘtre rejetĂ© par Dieu et par la sociĂ©tĂ© ».

Cette exclusion mĂ©diĂ©vale du lĂ©preux s’organisait dans une pĂ©riode de centralisation de l’État et de l’Église, durant les XIIe et XIIIe siĂšcles, oĂč s’organisaient, entre autres, les luttes contre l’hĂ©rĂ©sie, la persĂ©cution des Juifs et la condamnation de l’homosexualitĂ©. Mais la persĂ©cution des lĂ©preux ne s'arrĂȘtait pas lĂ  ; en effet, en Bretagne, les caqueux avaient Ă©tĂ© victimes d’exclusions jusqu’au XVIIIe siĂšcle, car ils Ă©taient considĂ©rĂ©s comme des descendants de lĂ©preux. Ils Ă©taient considĂ©rĂ©s comme porteurs de la lĂšpre et donc contagieux, en continuitĂ© avec l’exclusion mĂ©diĂ©vale du lĂ©preux. Au XVe siĂšcle, les caqueux Ă©taient interdits de contacts avec l’Église, ils devaient pratiquer le mĂ©tier de cordiers sans pouvoir faire commerce, sauf pour acheter du fil et du chanvre pour leur mĂ©tier. Comme les lĂ©preux mĂ©diĂ©vaux, ils devaient se promener avec un morceau de tissu rouge sur leur vĂȘtement afin que la population puisse les reconnaĂźtre[78].

« Depuis au moins le XVe siÚcle, le métier de cordier est le monopole des parias, considérés comme les descendants des lépreux : ils vivent dans des hameaux séparés, ont des lieux de culte ainsi que des cimetiÚres qui leur sont réservés. (...) La chapelle de la Madeleine, aujourd'hui en Penmarc'h, leur est manifestement destinée, comme celle de Gestel (Morbihan) et de nombreuses autres un peu partout. En effet, les toponymes La Madeleine sont synonymes de noms de lieux comme La Maladrerie (léproserie) et sainte Madeleine est la patronne des cordiers[79]. »

Symptîmes et transmission de la lùpre au Moyen Âge

DĂšs le haut Moyen Âge, grĂące aux textes de l’AntiquitĂ©, les symptĂŽmes majeurs de la maladie avaient pu ĂȘtre identifiĂ©s. La forme de lĂšpre la plus apparente et la plus simple Ă  identifier Ă©tait sa forme lĂ©promateuse oĂč l’aspect du visage Ă©tait trĂšs important jusqu’au Ve siĂšcle, car il Ă©tait le premier Ă©lĂ©ment que l’on voyait de loin et que l’on remarquait. À partir du XIe siĂšcle, hormis l’aspect du visage, l’on parlait Ă  prĂ©sent d’une « maladie dessĂ©chante qui affecte tous les membres du corps[80] » ; ce critĂšre faisait partie des Ă©lĂ©ments de distinction entre une forme de lĂšpre bĂ©nigne et l’autre grave (selon Constantin l’Africain (1015–1087), moine au Mont-Cassin). Les premiers symptĂŽmes de la lĂšpre Ă©taient identifiĂ©s dans les yeux devenant dilatĂ©s, les lĂšvres crĂ©ant des boursouflures crevassĂ©es, le visage tumĂ©fiĂ© et la cloison nasale qui se creusait et se dĂ©tĂ©riorait.

Saint Elzéar guérissant trois lépreux. Détail d'un marbre provencal du XIVe siÚcle, Walters Art Museum.

Les lĂ©sions palĂ©opathologiques rĂ©trospectivement les plus visibles sur les restes osseux sont une Ă©rosion de l'arĂȘte nasale antĂ©rieure, la rĂ©sorption de l'ouverture nasale piriforme, une atrophie des processus alvĂ©olaires du maxillaire et la perforation du palais[81]. Selon l'archĂ©ologue Pia Bennike (responsable de la collection des 700 squelettes de la lĂ©proserie de Naestved au MusĂ©e d’histoire de la mĂ©decine de Copenhague) la lĂšpre attaquait le nez, les mains et les pieds des malades, dĂ©gradant leur aspect physique. La perte osseuse nasale Ă©tait grave et les dents tombaient toutes.

Les enfants Ă©taient plus atteints que les adultes, et les plus pauvres Ă©galement. En effet, les enfants pauvres vivaient moins longtemps, donc la maladie Ă©tait moins avancĂ©e sur leurs squelettes que sur ceux des enfants bourgeois qui pouvaient vivre plus longtemps et dont les squelettes Ă©taient donc trĂšs dĂ©tĂ©riorĂ©s par la maladie. Ceci n’est pas une nouveautĂ©, car les enfants issus de couches sociales basses Ă©taient moins bien nourris et en moins bonne santĂ© que les enfants de couches bourgeoises, qui pouvaient se nourrir convenablement et avoir des conditions de vie plus favorables[82].

Au Moyen Âge, le mĂ©canisme de contagion s’expliquait par le « contact immĂ©diat avec un poison ou par la mĂ©diation de l’air corrompu entre un agent malade et un patient sain[83] ». Ce modĂšle de transmission des maladies n’exclut pas que les mĂ©decins du Moyen Âge acceptaient la possibilitĂ© d’une transmission d’homme Ă  homme. La lĂšpre Ă©tait considĂ©rĂ©e comme une maladie de l’ñme rĂ©sultant d’une punition de Dieu en consĂ©quence des pĂ©chĂ©s commis, donc la contagion de la maladie Ă©tait tout d’abord pensĂ©e comme une contagion des pĂ©chĂ©s par les thĂ©ologiens.

Au XIIIe siĂšcle, on considĂ©rait donc dĂ©jĂ  que la maladie Ă©tait transmissible, un texte de Thomas d'Aquin en 1250 parlait de la lĂšpre comme d’une maladie contagieuse, donc les thĂ©ologiens considĂ©raient dĂ©jĂ  la lĂšpre comme une maladie transmissible, mais assimilĂ©e Ă  l’hĂ©rĂ©sie[84].

RemĂšdes d'alors

Plusieurs pratiques thĂ©rapeutiques pour lĂ©preux Ă©taient utilisĂ©es, sans rĂ©els fondements scientifiques et toujours avec une forte empreinte religieuse. Bernard de Gordon (1250–1320) avait prescrit des saignĂ©es pour les malades suivies de purges souvent associĂ©es Ă  des cautĂ©risations et Ă  des scarifications ainsi que des bains quotidiens de plantes. Henry de Mondeville (1260–1320) Ă©crivait qu’il fallait recouvrir le visage du malade avec de la graisse de poules rĂŽties, ces derniĂšres nourries avec du froment cuit et des serpents. Une autre pratique consistait Ă  tuer une anguille des mers selon un rituel trĂšs prĂ©cis puis de le cuire avec des plantes. On dessĂšche la peau avec l'ellĂ©bore noire et blanche mais aussi avec la chaux vive[85].

Représentation du lépreux

Lépreux actionnant sa cliquette, enluminure d'un manuscrit de Barthélemy l'Anglais, fin du XVe siÚcle.

Selon des illustrations du XIIIe siĂšcle, le lĂ©preux Ă©tait reprĂ©sentĂ© de façon rĂ©aliste, agitant sa cloche, crĂ©celle ou cliquette afin de demander l’aumĂŽne, complĂštement camouflĂ© de la tĂȘte au pied, ne faisant entrevoir qu’une mince partie de sa peau dĂ©formĂ©e et ravagĂ©e. Comme les Juifs avec la rouelle, les lĂ©preux devaient porter un signe distinctif permettant de les reconnaĂźtre[86]. Tout d’abord, comme dit prĂ©cĂ©demment, leur vĂȘtement comportait sur l’une des Ă©paules un morceau de drap rouge. Dans le pays chartrain, les lĂ©preux devaient porter un linge blanc sur la tĂȘte ainsi que leur instrument pour avertir la population[87].

Le bas-relief qui ornait le portail de Saint-Julien-le-Pauvre Ă  Paris, datant de la premiĂšre partie du XIIIe siĂšcle, reprĂ©sentait saint Julien, sa femme dans un bateau et le Christ avec la figure d’un lĂ©preux recouverte d’un capuchon et d’une tunique. Un manuscrit latin de la BibliothĂšque nationale de Saint-Germain, du XIIIe siĂšcle, reprĂ©sentait un lĂ©preux encapuchonnĂ©, bras croisĂ©s et tenant sa « cliquette ». Dans un autre manuscrit de la mĂȘme bibliothĂšque, l’on voit un lĂ©preux se faire guĂ©rir par JĂ©sus et donc laissant tomber son instrument en symbole de sa guĂ©rison. Hormis les reprĂ©sentations artistiques et manuscrites, la distinction entre lĂ©preux et non-malades se faisait Ă©galement aprĂšs la mort, car dans un cimetiĂšre de Dijon l’on avait retrouvĂ© des tombes reprĂ©sentant un lĂ©preux avec sa cliquette Ă  la ceinture[87].

PĂ©riode moderne

En 1873, le Norvégien Armauer Hansen découvre le bacille responsable de cette maladie.

Carte de répartition des cas de lÚpre en 1891.

Si la SociĂ©tĂ© de pathologie exotique de Paris recommande en 1909 « l'exclusion systĂ©matique des lĂ©preux », et si le code de l'indigĂ©nat prĂ©voit la sĂ©grĂ©gation coercitive, celle-ci disparaĂźt Ă  partir de la troisiĂšme ConfĂ©rence internationale sur la lĂšpre organisĂ©e Ă  Strasbourg en 1923, dont le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, Émile Marchoux, prĂ©conise l'humanisation des lĂ©proseries[88].

Au XXe siĂšcle, la lutte contre cette maladie connaĂźt un nouvel Ă©lan Ă  la suite de la mort du prĂȘtre et missionnaire belge Jozef de Veuster, mieux connu sous le nom de PĂšre Damien, qui avait consacrĂ© sa vie aux lĂ©preux de Molokai (HawaĂŻ). Mort en 1889 Ă  l'Ăąge de 49 ans des suites de la lĂšpre, son histoire commençait Ă  se rĂ©pandre et Ă  susciter beaucoup d'intĂ©rĂȘt de façon Ă  stimuler la recherche.

Poster Indien des années 1950 : la lÚpre est guérissable, traitée tÎt et longtemps (un petit arbre est plus facile à arracher qu'un grand).

Une coordination internationale de la lutte contre la lÚpre s'organise en 1930 lors de la réunion à Bangkok de la Société spéciale de la lÚpre de la Société des Nations[88].

L'« Institut central de la LÚpre » est inauguré à Bamako en 1935. Il est rebaptisé « Institut Marchoux » en 1945, puis Centre national d'appui à la lutte contre la maladie en 2001[89]. Jusqu'à l'apparition des sulfones au début des années 1950, le traitement reposait sur l'huile de chaulmoogra[90]. Voir ci-dessous « anciens traitements ».

À partir des annĂ©es 1990, plus de 12 millions d'individus ont Ă©tĂ© guĂ©ris de la lĂšpre. Sa prĂ©valence a diminuĂ© de 90 % et la lĂšpre a Ă©tĂ© Ă©radiquĂ©e dans 108 des 122 pays touchĂ©s.

En 1991, l'OMS se donne comme objectif « l'Ă©limination de la lĂšpre en tant que problĂšme de santĂ© publique » avec une prĂ©valence mondiale infĂ©rieure Ă  1 cas pour 10 000 habitants, cet objectif a Ă©tĂ© atteint en 2000[91]. Cependant, elle demeure un problĂšme de santĂ© publique dans 100 pays situĂ©s en majeure partie en Afrique, Asie (dont l'Inde) et AmĂ©rique du Sud (BrĂ©sil). Deux cent dix mille (210 000) nouveaux cas ont Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©s dans le monde en 2010 et 1,5 million de personnes voire plus sont atteintes[92] - [93].

Malgré les progrÚs accomplis, la lÚpre reste endémique. Dans les années 2010, l'incidence de la maladie stagne, et la proportion de nouveaux patients invalides reste stable. Cette situation serait lié à une démobilisation dans la lutte contre la lÚpre, une relative désaffection de la recherche scientifique et des compétences médicales pratiques dans cette maladie[26].

En novembre 2020, l'Assemblée générale de la Santé adopte une nouvelle stratégie 2021-2030 avec l'objectif « Vers zéro lÚpre »[94].

L'ordre souverain de Malte et la Fondation Raoul Follereau consacrent des fonds importants à cette maladie (léproserie et recherche médicale). D'autres associations religieuses ou laïques agissent aussi en ce sens[35]. De moins en moins de médecins connaissent cette maladie de la misÚre et des guerres, ce qui tend à augmenter la gravité des séquelles des personnes atteintes.

DĂ©clin de la lĂšpre en Europe

« Le génie de l'homme n'y est certainement pour rien. L'étude de l'histoire de la lÚpre est une grande leçon d'humilité »[95].
« La lĂšpre a disparu de la plupart des pays d'Europe, sur la pointe des pieds, lentement, sans que personne ou presque ne s'en avise (
) La fin de la lĂšpre ne doit rien de plus Ă  la mĂ©decine qu'Ă  l'administration »[96].

La lÚpre atteint son apogée au XIIIe siÚcle et commence à décliner en Occident à partir du XIVe siÚcle. Les causes de ce déclin font l'objet de nombreuses hypothÚses formant un ensemble complexe de facteurs socio-politiques, sanitaires et biomédicaux[97].

Ségrégation et hygiÚne

Victimes de la lĂšpre recevant la parole d'un Ă©vĂȘque. Omne Bonum, de James le Palmer, Londres, 1360-1375.

La premiĂšre explication est celle d'Hansen (1841-1912) lui-mĂȘme. Le systĂšme dĂ©fensif mĂ©diĂ©val serait la cause principale du retrait de la lĂšpre, auquel il ajoute l'hygiĂšne corporelle avec l'utilisation du savon. Hansen se basait sur son expĂ©rience norvĂ©gienne de lutte contre la lĂšpre au XIXe siĂšcle. Il expliquait aussi que les immigrĂ©s norvĂ©giens lĂ©preux aux États-Unis n'y ont pas propagĂ© la lĂšpre en adoptant les habitudes corporelles des anglo-saxons[98].

Selon Obregon, ceci doit se comprendre dans un contexte fin XIXe siĂšcle - dĂ©but XXe siĂšcle oĂč des mĂ©decins, pour dĂ©fendre la thĂ©orie microbienne et contagieuse de la lĂšpre, cherchaient Ă  dĂ©montrer l'efficacitĂ© des mesures de sĂ©grĂ©gation[99].

Pour les historiens modernes, la sĂ©grĂ©gation mĂ©diĂ©vale Ă©tait loin d'ĂȘtre parfaite : l’exclusion des lĂ©preux dans les lĂ©proseries Ă©tait toute relative, car certains lĂ©preux fuyaient la lĂ©proserie oĂč ils Ă©taient maltraitĂ©s, d'autres pour retarder au plus tard leur exclusion, essayaient de cacher leurs symptĂŽmes le plus longtemps possible en restant chez eux[76]. Ailleurs des lĂ©preux Ă©taient autorisĂ©s Ă  mendier dans les villes, et la cohabitation entre lĂ©preux et non-lĂ©preux Ă©tait frĂ©quente[100]. « À la peur de la lĂšpre, qui s'Ă©tale dans tant de textes, correspondaient finalement des pratiques assez laxistes, avec de temps en temps une vellĂ©itĂ© de rigueur. »[101].

Pour l'hygiĂšne, on constate aussi qu’aprĂšs la huitiĂšme croisade (1270 Ă  Tunis), la lĂšpre commençait son dĂ©clin, sans que les conditions d'hygiĂšne ne s'amĂ©liorent rĂ©ellement[95], il en est de mĂȘme pour la Renaissance qui n'a pas connu un dĂ©veloppement particulier de l'hygiĂšne[102].

Niveau de vie

La lÚpre moderne est une maladie de la pauvreté en milieu rural, et l'amélioration du niveau de vie des populations aurait joué un rÎle dans son déclin historique. Les facteurs exacts sont mal connus et ne suffisent pas à expliquer les variations historiques et géographiques de la maladie[13].

Par exemple, en ce qui concerne les facteurs nutritionnels, de multiples hypothÚses parfois contradictoires sont proposées : le rÎle du fer (un déficit modéré serait protecteur et une carence sévÚre un facteur aggravant)[103], celui de micronutriments essentiels (vitamines, magnésium, zinc... en prévention des complications neurologiques)[104], voire du cholestérol (un régime riche en graisses aurait favorisé la lÚpre médiévale des nobles)[105].

Parmi les anciennes hypothĂšses, celle d'une intoxication alimentaire par sapotoxines, liĂ©e Ă  la nielle des blĂ©s contaminant des farines de cĂ©rĂ©ales et favorisant la lĂšpre, laquelle aurait reculĂ© avec l'utilisation de farines de meilleure qualitĂ©. Cette hypothĂšse a Ă©tĂ© finalement abandonnĂ©e[95]. Une autre explication, datant de la fin du Moyen Âge, attribuait la persistance de foyers lĂ©preux dans des Ăźles ou des rĂ©gions cĂŽtiĂšres Ă  un rĂ©gime exclusif Ă  base de poisson cru, hypothĂšse Ă©galement discrĂ©ditĂ©e[25].

Selon William McNeil, l'augmentation de la production de laine en Europe occidentale, entre le XIVe et XVIIe siÚcles, aurait permis aux plus pauvres de s'habiller plus chaudement l'hiver, en se serrant moins la nuit les uns contre les autres, ce qui aurait limité la transmission de la lÚpre. Les foyers lépreux persistant en Scandinavie s'expliqueraient alors par une promiscuité plus grande avec hivers plus froids et manque de laine[102].

Facteurs socio-politiques

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Un courant historique des annĂ©es 1960-1980, principalement inspirĂ© par les travaux de Michel Foucault sur le biopouvoir, aborde la lĂšpre mĂ©diĂ©vale d'abord comme un concept sociologique avant d'en faire une maladie biomĂ©dicale. L'exclusion des lĂ©preux (et leur rĂ©intĂ©gration spirituelle) fait partie d'une persĂ©cution de groupes particuliers (hĂ©rĂ©tiques, juifs, prostituĂ©es, sodomites...), pour renforcer la cohĂ©sion et l'unitĂ© des autres sous un rĂ©gime fĂ©odal. La lĂšpre mĂ©diĂ©vale Ă©tait moins une rĂ©alitĂ© biologique qu'une dĂ©termination politique et sociale (le « diagnostic » de lĂšpre serait du mĂȘme ordre que l'accusation de sorcellerie)[106].

La diminution des léproseries ne serait pas liée à celle du nombre de lépreux (atteints de lÚpre au sens moderne), mais à un « essoufflement institutionnel » par érosion du systÚme féodal[106]. Par exemple, le diagnostic de lÚpre serait devenu plus rare avec le remplacement progressif des jurys de lépreux ou de religieux, par des jurys de médecins plus prudents et plus circonspects, le déclin de la lÚpre européenne coïncidant avec le début des universités[107] - [25].

Ce type d'interprétation est en partie contredit par des études paléogénétiques du XXIe siÚcle qui montrent que les restes humains des cimetiÚres médiévaux de lépreux étaient bien infectés par Mycobacterium leprae[108].

SĂ©lection naturelle

D’autres facteurs, gĂ©nĂ©tiques, Ă©pidĂ©miologiques et immunologiques, entrent Ă©galement en ligne de compte[109].

Les lépreux, en état de moindre résistance et groupés en collectivités, auraient été les premiÚres victimes des grandes pandémies, notamment celle de la peste noire du XIVe siÚcle. Les lépreux étant le quasi-unique réservoir de la lÚpre, la lÚpre aurait disparu en étant remplacée par d'autres maladies plus contagieuses[95] - [52]. Georges Girard (1888-1985) était d'un avis opposé, en observant qu'à Madagascar, les lépreux étaient préservés de la peste, et selon lui la lÚpre était plutÎt un facteur de résistance à la peste[100].

Au début du XXIe siÚcle, des études suggÚrent que les endémies historiques de lÚpre ont pu favoriser la sélection de populations réfractaires ou résistantes à la lÚpre, notamment en fonction du systÚme HLA[110] - [10].

LĂšpre, tuberculose et urbanisation

L'hypothÚse la plus discutée au début du XXIe siÚcle est celle qui traite des rapports entre la lÚpre (due à Mycobacterium leprae) et la tuberculose (due à Mycobacterium tuberculosis), deux maladies infectieuses dues à des mycobactéries pathogÚnes. Déjà des études de la premiÚre moitié du XXe siÚcle suggÚrent qu'il pourrait exister une certaine immunité croisée entre la tuberculose et la lÚpre[97].

Roland Chaussinand (1896-?)[111] est le premier à observer une relation inverse entre les prévalences de la lÚpre et la tuberculose. Il propose donc un « antagonisme » entre la lÚpre et la tuberculose : une primo-infection tuberculeuse apporterait une protection relative contre la lÚpre. La disparition de la lÚpre en Europe à partir du XIVe siÚcle serait dû en grande partie à l'expansion de la tuberculose[97] - [95].

Comparaison de gÚnes orthologues entre trois mycobactéries, dont celles de la lÚpre et de la tuberculose.

Deux arguments vont dans ce sens : le BCG (vaccin contre la tuberculose) apporte une certaine protection contre la lÚpre, la biologie moléculaire confirme une étroite parenté antigénique entre M. leprae et M. tuberculosis. Cependant il ne s'agit pas d'une réelle immunité croisée, car elle ne semble fonctionner que dans un sens : si la tuberculose protÚge de la lÚpre, l'évidence clinique montre aussi que la lÚpre ne protÚge pas de la tuberculose, facteur important de mortalité chez les lépreux[97] - [103].

La notion d'un « antagonisme simple » est remise en question, et les relations immunologiques entre lÚpre et tuberculose restent obscures. Les co-infections lÚpre-tuberculose sont possibles, qu'elles soient observées cliniquement ou, plus récemment, démontrées par ADN prélevé sur squelettes médiévaux par des chercheurs de l'Université Hébraïque de Jérusalem[97] - [103].

DÚs lors, la disparition de la lÚpre serait bien liée à l'expansion de la tuberculose, mais d'une autre façon : les lépreux affaiblis par leur maladie, vivant en communauté auraient été victimes d'une tuberculose favorisée par une urbanisation croissante : « Les scientifiques supposent que les lépreux mouraient de la tuberculose plus vite que la lÚpre ne se propageait »[103] - [93].

Toutefois, la connaissance d'une endémie tuberculeuse médiévale est trÚs lacunaire[96]. La problématique du déclin de la lÚpre médiévale reste ouverte, nécessitant une confrontation multidisciplinaire entre biologistes, épidémiologistes, archéologues et historiens[97] - [52].

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Voir aussi

Ouvrages

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  • Jean Languillon, PrĂ©cis de lĂ©prologie, Paris, Masson, (ISBN 2-225-80528-8)
  • Christian Malet, Histoire de la lĂšpre et de son influence sur la littĂ©rature et les arts, Paris, FacultĂ© de mĂ©decine de Paris, 1967
  • Jean-Pierre Messali, « La ”lĂšpre” dans les Ă©crits bibliques et rabbiniques : aspects historiques, textuels et rituels », Religions, UniversitĂ© Sorbonne-Paris-CitĂ©, 2016. NNT 2016USPCA037 (en ligne)
  • Diana Obregon, « LĂšpre », dans Dominique Lecourt (dir.), Dictionnaire de la pensĂ©e mĂ©dicale, Paris, Quadrige/PUF, 2004, (ISBN 2-13-053960-2), p. 673-677.
  • Ulysse Robert, Les Signes d'infamie au Moyen Âge : Juifs, Sarrasins, hĂ©rĂ©tiques, lĂ©preux, cagots et filles, Paris, H. Champion, 1891, p. 146-158
  • (en) Mark Spigelman et Mauro Rubin, « Paleomicrobiology of Leprosy », dans Michel Drancourt (dir.) et Didier Raoult (dir), Paleomicrobiology of Humans, Washington DC, ASM Press, 2016, (ISBN 978-1-55581-916-3), p. 131-142.
  • François-Olivier Touati, Maladie et sociĂ©tĂ© au Moyen Âge. La lĂšpre, les lĂ©preux et les lĂ©proseries dans la province ecclĂ©siastique de Sens jusqu’au milieu du XIVe siĂšcle, Paris, Bruxelles, De Boeck UniversitĂ©, 1998.
  • Jean Vitaux, Histoire de la lĂšpre, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? » (no 4187), (ISBN 978-2-7154-0181-5).

Articles

  • Marcel Calvez, « Les accusations de contagion comme argument d'exclusion : l'exemple des caqueux de Bretagne », in Ethnologie française, tome 22, no 1, 1992, p. 56-60 (en ligne)
  • Arnaud Fossier, « La contagion des pĂ©chĂ©s (XIe – XIIIe siĂšcle). Aux origines canoniques du biopouvoir », in TracĂ©s. Revue de Sciences humaines, no 21, 2011 (en ligne)
  • L. Grillon, « Les rites ecclĂ©siastiques de la sĂ©paration des lĂ©preux en PĂ©rigord Ă  la fin du XVe siĂšcle », dans Bulletin de la SociĂ©tĂ© historique et archĂ©ologique du PĂ©rigord, 1960, tome 87, 3e livraison, p. 187-190 (en ligne)
  • Alfred Marx, « L'impuretĂ© selon P. Une lecture thĂ©ologique », in Biblica, vol. 82, no 3, 2001, p. 363-384 (en ligne)
  • AurĂ©lien Robert, « Contagion morale et transmission des maladies : histoire d’un chiasme (XIIIe – XIXe siĂšcle) », in TracĂ©s. Revue de Sciences humaines, no 21, 2001, p. 41-60 (en ligne)
  • Bruno Tabuteau, « Histoire et archĂ©ologie de la lĂšpre et des lĂ©preux en Europe et en MĂ©diterranĂ©e du Moyen Âge aux Temps modernes », in Annales de Normandie, no 5, vol. 49, 1999, p. 567-600 (en ligne)
  • Étienne ThĂ©venin, « La lĂšpre au XXe siĂšcle », SociĂ©tĂ©s & ReprĂ©sentations, no 6 « Violences »,‎ , p. 255-271 (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes

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