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Aedes aegypti

Aedes aegypti est une espèce d'insectes diptères, un moustique qui est le vecteur principal de la dengue, de l'infection à virus Zika, du chikungunya et de la fièvre jaune.

C'est un petit moustique, long de mm environ, de couleur sombre que l'on peut reconnaître par les marques blanches bien visibles sur les pattes et un dessin en forme de lyre sur le thorax (ce dernier détail le distingue du moustique tigre Aedes albopictus avec lequel il peut être confondu, alors que celui-ci possède à la place une ligne blanche longitudinale sur son thorax et sa couleur générale noire est plus foncée). Il est originaire d'Afrique[1], mais on le trouve maintenant dans les régions tropicales à travers le monde[2].

Ce moustique est considéré comme un des plus importants vecteurs de maladies. Il a un mode de vie qui le rend particulièrement proche de l'homme et, comme la plupart des moustiques, semble pouvoir rapidement développer des résistances à la plupart des insecticides. On cherche donc à mieux comprendre son écologie. Comme chez tous les moustiques, seule la femelle pique.

GĂ©nomique

Le gĂ©nome de cette espèce de moustiques a Ă©tĂ© sĂ©quencĂ© par un consortium comprenant des scientifiques de l'Institut J. Craig Venter et de l'universitĂ© Notre-Dame et publiĂ© en 2007. L'effort de sĂ©quençage de son ADN Ă©tait destinĂ© Ă  fournir de nouvelles pistes pour la recherche sur les insecticides et les modifications gĂ©nĂ©tiques possibles pour prĂ©venir la propagation du virus. Il s'agissait de la deuxième espèce de moustique dont le gĂ©nome ait Ă©tĂ© sĂ©quencĂ© en entier (le premier Ă©tait Anopheles gambiae). Les donnĂ©es publiĂ©es incluent les 1,38 milliard de paires de base contenant les 15 419 gènes codant des protĂ©ines. Le sĂ©quençage indique que l'espèce a divergĂ© de Drosophila melanogaster (la mouche Ă  fruit commune) il y a environ 250 millions d'annĂ©es, et qu'Anopheles gambiae et cette espèce ont divergĂ© il y a environ 150 millions d'annĂ©es[3] - [4].

En 2023, une nouvelle Ă©tude gĂ©nomique concentrĂ©e sur certains des gènes spĂ©cifiques d'Aedes aegypti aegypti indique que cette sous-espèce piquant spĂ©cialement les humains est issue d'une lignĂ©e forestière et gĂ©nĂ©raliste il y a environ 5 000 ans, Ă  la fin de la pĂ©riode humide africaine quand le climat du Sahara s'est assĂ©chĂ© et que l'eau stockĂ©e par les humains est devenue au Sahel une ressource privilĂ©giĂ©e[5] - [6].

Cycle de vie

De la larve issue de l'Ĺ“uf au moustique adulte, il se passe 7 Ă  12 jours selon les conditions, notamment la tempĂ©rature et l'alimentation. Cet insecte holomĂ©tabole se reproduit en grand nombre et rapidement, ce qui lui permet d'Ă©voluer rapidement pour s'adapter aux variations de son environnement (et Ă  l'arrivĂ©e des pesticides anti-moustiques)[7] ; il existe un lien fonctionnel et important entre les capacitĂ©s des adultes et l'Ă©cologie des larves, les microbes qu'elles rencontrent et parfois intègrent dans leur microbiote, et plus gĂ©nĂ©ralement les conditions environnementales auxquelles elles sont exposĂ©es[8] - [9] et la variation phĂ©notypique d'insectes holometaboliques vecteurs de maladies zoonotiques[10].

Ponte

La femelle de Aedes aegypti pond ses œufs qui peuvent éclore très rapidement, en environ 24 heures si les conditions sont optimales.

Larves

Elles passent par différents stades jusqu'à la nymphe d'où émergera le moustique adulte.

La niche écologique de la larve est très différente de celle du futur moustique adulte qui n'est plus du tout aquatique (les adultes femelles iront faire un repas de sang chez divers animaux ou dans les habitations humaines) ; le stade larvaire est le moment de formation du microbiote[11] qui influera sur la capacité de l'animal à s'adapter au milieu : les conditions environnementales rencontrées par les larves lors de leur développement affectent les « traits » adultes[10].

La larve d'A. aegypti rencontre des communautés bactériennes différentes selon son environnement larvaire, lesquelles vont influer sur la capacité du futur adulte à véhiculer des agents pathogènes et à les communiquer à l'homme. Ainsi des larves expérimentalement exposées à différents isolats bactériens indigènes lors de leur développement ont donné des adultes présentant des différences significatives de taux de pupaison et en termes de taille corporelle (mais non en termes de durée de vie)[10]. L'exposition de larves de ce moustique à un isolat d'Enterobacteriaceae a entraîné chez les moustiques adultes une diminution de l'activité antibactérienne de l'hémolymphe et un titre réduit de propagation du virus de la dengue[10].

Adulte

Sa durée de vie dans la nature est estimée à 2 à 3 semaines au maximum. Mais il peut vivre bien plus longtemps, environ 2 à 3 mois, dans les conditions d'un laboratoire[12].
Les chercheurs de l'université internationale de Floride ont montré que la femelle du moustique Aedes Ægypti, à l'heure de la reproduction, utilise plusieurs récepteurs olfactifs pour détecter l'acide lactique, très présent dans la sueur des êtres humains qui lui fourniront la dose de sang dont elle a besoin : ces détecteurs baptisés OR et Ir8a, sont situés dans les antennes. Mais la femelle détecte aussi, entre autres, notre chaleur, notre humidité, notre apparence et le CO2, ainsi que beaucoup d'autres composés volatils que nous produisons[13].

Vecteur de maladies

Ce moustique qui peut piquer plusieurs fois une même personne ou des personnes différentes est réputé vecteur de nombreux virus susceptibles d'affecter l'homme.

DĂ©tection des humains

Une expérience menée en 2022 démontre qu'Aedes aegypti, et sans doute les moustiques piquant les humains en général, sont spécialement attirés par les individus présentant naturellement un taux élevé d'acide carboxylique dans leur sébum. Malheureusement, l'expérience observe que ce taux ne varie pas ni en fonction du régime alimentaire ni des produits d'hygiène utilisés. Certaines personnes sont alors condamnées à être de véritables aimants à moustiques. La sécrétion importante d'acide carboxylique étant spécifique aux humains, il est envisagé que la sélection naturelle ait amené les moustiques à être attiré par ce composant afin d'être certains de l'identité de leurs proies, mais aussi comme indice de la présence d'eau claire et propre à proximité, fournie par les humains et utile pour leur reproduction[14] - [15].

Cas de la dengue

L’Institut Pasteur étudie les migrations de moustiques par le biais de marqueurs génétiques, pour mieux comprendre la propagation de certaines maladies, dont la dengue (4 sérotypes de dengue) qui connaît une recrudescence dans certaines régions tropicales, et dont on peut craindre une extension de l'aire de répartition avec le phénomène de réchauffement climatique.

Selon les premiers rĂ©sultats qui montrent par exemple que les sous-populations d'Aedes aegypti en PolynĂ©sie n'ont pas d'Ă©changes gĂ©nĂ©tiques importants entre les Ă®les, la propagation du virus de la dengue serait favorisĂ©e par les dĂ©placements de voyageurs infectĂ©s, plutĂ´t que par la migration d'insectes. Cependant, le ministère de la SantĂ© français dĂ©clare en 2010 le « premier cas de dengue autochtone » en mĂ©tropole française (les autres cas dĂ©jĂ  signalĂ©s sur le territoire Ă©taient des personnes ayant voyagĂ© dans les rĂ©gions du monde touchĂ©es par l'Ă©pidĂ©mie)[16]. La dengue importĂ©e par ce moustique avait dĂ©jĂ  touchĂ© le continent europĂ©en, notamment la Grèce en 1881, 1889, 1895-1897 et 1910, et particulièrement 1927-1928 avec une Ă©pidĂ©mie d'une gravitĂ© sans prĂ©cĂ©dent : plus d'un million de personnes furent malades et on comptabilisa environ 1 500 morts[17].

Un projet du gouvernement malaisien, consistant en l'introduction de deux à trois mille mâles de cette espèce, porteurs d'une modification génétique réduisant la durée de vie de leurs descendants, est à l'étude et pourrait être mis en œuvre dans le cadre de la lutte contre la dengue[18].

Virus Zika

Aedes aegypti transmet le virus Zika, comme les autres moustiques du genre Aedes[19].

Lutte contre les maladies transmises par A. aegypti

Prévention

La prévention passe surtout par le contrôle des populations urbaines, périurbaines et villageoises de moustiques, en favorisant leurs prédateurs (comme le frelon européen) et en limitant les habitats qui les favorisent. Les moustiquaires pré-traitées, les anti-moustiques sont des solutions locales. L'usage de pesticides est ponctuellement efficace, mais présente le risque d'affecter les prédateurs des moustiques, de susciter d'autres problèmes liés à la toxicité ou l'écotoxicité de ces produits, ou d'être inutiles face à l'émergence de souches résistantes par sélection naturelle. Des micro-solutions consistent par exemple, dans les cimetières aux Antilles et en Guyane, à ne pas remplir les vases des plantes avec de l'eau mais avec du sable mouillé ou un gravier assez fin qui donnent d'aussi bons résultats sans risque de développement de larves. Les fleurs en plastique sont à disposer dans du sable ou dans un pot dont le fond est muni d'un large trou afin qu'il n'accumule pas d'eau. Les soucoupes ou bacs disposés sous les pots de fleurs peuvent être couverts d'un voile de tulle, ou l'eau (là où elle ne manque pas) peut être changée régulièrement, etc.

Lutte biologique

Une lutte biologique se développe dans plusieurs pays dont l'Australie, le Brésil et l'Indonésie, non contre la prolifération du moustique lui-même, mais contre les épidémies de dengue, chikungunya et infection à virus Zika dont ce moustique est le vecteur. Des chercheurs australiens ont en effet mis en évidence, il y a une dizaine d'années, que l'inoculation de la bactérie Wolbachia à l'Aedes Aegypti bloquait la transmission aux humains des virus de la dengue, du zika et du chikungunya. « Il s'agit d'une bactérie présente naturellement dans 60 % des insectes et qui est inoffensive pour l'homme et pour l'environnement », a expliqué le docteur Nadège Rossi, chef du World Mosquito Program à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie. En , l'université australienne de Monash, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, l'institut Pasteur et la ville de Nouméa ont conclu un partenariat pour expérimenter cette méthode biologique innovante de lutte contre ces maladies. Cette méthode, qui met fin aux épandages d'insecticides, a déjà donné des résultats jugés très concluants dans les zones ainsi traitées. En , un premier lâcher de quelque 500 moustiques porteurs de la bactérie Wolbachia a été organisé par la mairie de Nouméa, avec l'espoir qu'à terme, il n'y ait plus dans la nature que le moustique "wolbachia"[20].

Transgénisation

L'entreprise britannique Oxitec, étroitement liée au géant agrochimique Syngenta, a mis au point une lignée de moustiques Aedes aegypti mâles, rendus stériles par transgénèse, qui permettraient de contrôler la population des moustiques vecteurs. Elle a déposé une demande de commercialisation au Brésil en . Le , la Commission technique nationale de biosécurité (CNB) a autorisé, par seize voix contre une, la dissémination dans l'environnement de ces moustiques de nom de code OX513A[21]. Pour être effective, cette autorisation doit néanmoins encore être validée par l’Agence nationale de surveillance sanitaire (Anvisa). OX513A deviendrait alors le premier « animal » génétiquement modifié qui pourrait être dispersé dans la nature.

Lutte chimique

La Fondation Rockefeller en 1916[22] puis l'Organisation panaméricaine de la santé au milieu du XXe siècle[22] - [23] ont tenté en vain d'éradiquer Aedes aegypti. Pour ce faire, l'Organisation panaméricaine de la santé a notamment vaporisé du dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT), insecticide qui a été interdit depuis[23].

Au XXIe siècle, les principaux produits employĂ©s contre les moustiques comme insecticides ou comme rĂ©pulsifs sont des pyrĂ©thrinoĂŻdes. Mais les moustiques ont acquis une forte rĂ©sistance Ă  ces produits, via des mutations les rendant moins sensibles Ă  leurs effets neurotoxiques. En 2022, la mutation L982W, connue pour affecter le site cible des pyrĂ©thrinoĂŻdes, a Ă©tĂ© trouvĂ©e avec une frĂ©quence Ă©levĂ©e (> 78 %) dans la population d'A. aegypti collectĂ©e au ViĂŞt Nam et au Cambodge. Les allèles ayant des mutations concomitantes (L982W + F1534C et V1016G + F1534C) ont Ă©galement Ă©tĂ© confirmĂ©s dans les deux pays, avec une frĂ©quence dĂ©passant 90 % Ă  Phnom Penh. Les souches ayant ces allèles prĂ©sentent des niveaux de rĂ©sistance aux pyrĂ©thrinoĂŻdes sensiblement plus Ă©levĂ©s que toute autre population jamais signalĂ©e sur le terrain. La possible propagation de ces mutations constitue une menace sans prĂ©cĂ©dent pour le contrĂ´le de la dengue ainsi que d'autres maladies transmises par le moustique[24].

Galerie

  • Larve
    Larve
  • Adulte
    Adulte
  • Mâle Ă  gauche, femelles Ă  droite
    Mâle à gauche, femelles à droite

Références

  1. (en) L. Mousson, C. Dauga, T. Garrigues et al., « Phylogeography of Aedes (Stegomyia) aegypti (L.) and Aedes (Stegomyia) albopictus (Skuse, Diptera: Culicidae) based on mitochondrial DNA variations », Genet. Res., vol. 86, no 1,‎ , p. 1–11 (PMID 16181519, DOI 10.1017/S0016672305007627, lire en ligne).
  2. (en) M. Womack, « The yellow fever mosquito, Aedes aegypti », Wing Beats, vol. 5, no 4,‎ , p. 4.
  3. Heather Kowalski, Scientists at J. Craig Venter Institute Publish Draft Genome Sequence from Aedes aegypti, Mosquito Responsible for Yellow Fever, Dengue Fever, J. Craig Venter Institute, (lire en ligne).
  4. V. Nene, J. R. Wortman, D. Lawson et al., « Genome sequence of Aedes aegypti, a major arbovirus vector », Science, vol. 316, no 5832,‎ , p. 1718–1723 (PMID 17510324, DOI 10.1126/science.1138878).
  5. (en) Joshua Sokol, « How the yellow fever mosquito found its first human victim », Science, vol. 379, no 6639,‎ , p. 1281-1282 (DOI 10.1126/science.adi0090).
  6. (en) Noah H Rose, Athanase Badolo, Massamba Sylla, Jewelna Akorli, Sampson Otoo et al., « Dating the origin and spread of specialization on human hosts in Aedes aegypti mosquitoes », eLife,‎ (DOI 10.7554/eLife.83524, lire en ligne Accès libre, consulté le ).
  7. N. A. Moran (1994), Adaptation and constraint in the complex life cycles of animals. Annu. Rev. Ecol. Syst. 25, 573–600.
  8. A. J. Crean, K. Monro, D. J. Marshall (2011), Fitness consequences of larval traits persist across the metamorphic boundary. Evolution 65, 3079–3089 .
  9. De Block M & Stoks R (2005), Fitness effects from egg to reproduction: Bridging the life history transition. Ecology 86, 185–197.
  10. (en) Laura B. Dickson, Davy Jiolle, Guillaume Minard et Isabelle Moltini-Conclois, « Carryover effects of larval exposure to different environmental bacteria drive adult trait variation in a mosquito vector », Science Advances, vol. 3, no 8,‎ , e1700585 (ISSN 2375-2548, DOI 10.1126/sciadv.1700585, lire en ligne, consulté le )
  11. G. Minard, P. Mavingui, C. V. Moro (2013), Diversity and function of bacterial microbiota in the mosquito holobiont. Parasit. Vectors 6, 14.
  12. Dossier questions-réponses sur la dengue en Guyane établi par l'inpes, Document validé par la DGS, l'AFFSAPS, le SDD et la DSDS de la Guyane. Le 15 novembre 2006.
  13. Nathaniel Herzberg, « Le moustique, détecteur de sueur », Le Monde Science et Médecine,‎ , p. 8
  14. (en) Daniel Leonard, « Some People Really Are Mosquito Magnets, and They’re Stuck That Way », Scientific American,‎ (lire en ligne)
  15. (en) Maria Elena De Obaldia, Takeshi Morita, Laura C. Dedmon, Emely V. Zeledon, Justin R. Cross et Leslie B. Vosshall, « Differential mosquito attraction to humans is associated with skin-derived carboxylic acid levels », Cell,‎ (lire en ligne)
  16. « DENGUE - Premier cas non importé en France métropolitaine à Nice », Le Point.fr,‎ (lire en ligne).
  17. Claude Chastel, En 1927-1928, la dengue s'abattait sur la Grèce: les enseignements d'une épidémie, Bulletin de l'Académie nationale de médecine, vol. 193, no 2, 2009, p. 485-493.
  18. Louise Cuneo, « Des moustiques génétiquement modifiés au chevet de la dengue », Le Point.fr,‎ (lire en ligne)
  19. Christian Losson, « Virus zika : l’OMS piquée au vif », Libération.fr,‎ (lire en ligne).
  20. « Premier lâcher de moustiques contre la dengue à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie », sur www.lefigaro.fr, (consulté le ).
  21. « Comité National de Biosécurité (CNB) » [archive du ], sur nepadbiosafety.net.
  22. André Yébakima, La dengue dans les départements français d’Amérique : comment optimiser la lutte contre cette maladie ?, IRD Éditions, (lire en ligne).
  23. Audrey Garric, « Et si on éradiquait tous les moustiques ? », Blogs Le Monde.fr,‎ (lire en ligne).
  24. (en) Shinji Kasai, Kentaro Itokawa, Nozomi Uemura, Aki Takaoka, Shogo Furutani et al., « Discovery of super–insecticide-resistant dengue mosquitoes in Asia: Threats of concomitant knockdown resistance mutations », Science Advances, vol. 8, no 51,‎ (DOI 10.1126/sciadv.abq7345 Accès libre).

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