Observance thérapeutique
L'observance est l'adĂ©quation entre le comportement du patient et le traitement proposĂ©. Elle varie selon la pathologie, les contraintes du traitement, les facteurs psychosociaux, mais aussi selon la pertinence de la mise en place du suivi. Les premiĂšres Ă©tudes datent des annĂ©es 1970, portant sur les patients souffrant dâhypertension, avant de concerner les enfants et adolescents, les adultes ou personnes ĂągĂ©es, les patients souffrant de maladies chroniques ou de troubles psychiatriquesâŠ
Trois composantes peuvent ĂȘtre distinguĂ©es[1] :
- lâadhĂ©sion au suivi mĂ©dical : rigueur Ă assurer les rendez-vous, le contrĂŽle du suivi ;
- lâadhĂ©sion aux rĂšgles hygiĂ©no-diĂ©tĂ©tiques ;
- lâadhĂ©sion au traitement mĂ©dicamenteux, Ă©tudiĂ©e plus souvent.
Il existe de nombreux systĂšmes pour mesurer l'observance. Ceux-ci se focalisent principalement sur l'adhĂ©sion au suivi mĂ©dical par des mĂ©thodes directes ou indirectes (questionnaires, prises de sangâŠ).
DĂ©finition de l'observance
L'observance est la correspondance existant entre le comportement d'une personne et les prescriptions concernant un traitement prĂ©ventif ou curatif (mĂ©dicament, changement des habitudes de vie, rendez-vous pour le suiviâŠ).
Lâobservance thĂ©rapeutique se dĂ©finit comme les capacitĂ©s du consultant, tant intellectuelles, psychologiques, physiques que sociales Ă se mobiliser pour amĂ©liorer sa santĂ© et son mieux-ĂȘtre. Le sujet doit alors se positionner face aux prescriptions thĂ©rapeutiques afin de sâapproprier au mieux la possibilitĂ© de se soigner. L'attention portĂ©e aux capacitĂ©s du consultant par le soignant est nĂ©cessaire pour assurer l'observance thĂ©rapeutique.
L'observance est un Ă©lĂ©ment clĂ© du succĂšs d'une thĂ©rapie mĂ©dicamenteuse ou non. Si la prise rigoureuse des mĂ©dicaments n'est pas respectĂ©e, l'observance est mauvaise. Ceci peut faire Ă©chouer le traitement et mettre en danger la santĂ© du patient. Le manque d'observance est retrouvĂ© dans la plupart des maladies chroniques. Un rapport de l'OMS en 2003, indique qu'actuellement, en Europe, lâobservance aux traitements nâatteindrait pas les 70 %[2]. La mauvaise observance est donc un problĂšme majeur de santĂ© publique.
Câest principalement la persistance, la durĂ©e moyenne entre le commencement et la fin du traitement[3], du suivi du traitement qui se rĂ©vĂšle problĂ©matique pour les traitements Ă longue durĂ©e.
Plusieurs niveaux de non-observance sont définis[4] :
- les « prises groupĂ©es » oĂč le patient simplifie le traitement par une prise moins frĂ©quente (en deux fois plutĂŽt que trois par exemple) ;
- les « oublis », plus ou moins fréquents sont peu quantifiables ;
- les arrĂȘts « momentanĂ©s » dĂ©cidĂ©s par le consultant et les arrĂȘts dĂ©finitifs seront les deux derniers niveaux et rĂ©vĂšlent le manque de motivation du patient Ă traiter sa pathologie.
à l'opposé, la pensée magique envers un médicament[5] : c'est l'inverse de l'observance médicamenteuse. Elle s'accompagne d'une inobservance pour les rÚgles hygio diététiques. Elle consiste à considérer un problÚme médical uniquement sous le point de vue du médicament en négligeant tout changement d'environnement ou toute rÚgle hygiéno-diététique. Par exemple, essayer de diminuer son taux de LDL cholestérol en prenant une statine sans modifier son alimentation ou sans augmenter son activité physique.
Il apparaĂźt aujourd'hui que ces « repos thĂ©rapeutiques »[6] sont bien souvent intentionnels permettant au sujet dâoublier momentanĂ©ment la maladie. LâhypothĂšse est faite que ces repos permettent de pĂ©renniser le traitement.
Facteurs déterminants de l'observance
LâOMS a dĂ©fini cinq dimensions[7] regroupant des facteurs pouvant influencer lâobservance :
- les facteurs socio Ă©conomiques : statut socioâĂ©conomique du patient, reprĂ©sentation ethnique ou culturelle de la maladie ou du traitement pouvant crĂ©er un conflit interne chez le patient, contradictions entre prioritĂ©s personnelles et traitement ;
- les facteurs liés au systÚme de soins : relations patient/soignant, accessibilité et pertinence de l'offre de soins, remboursements ;
- les facteurs liĂ©s au patient : connaissances techniques de la maladie, motivation, capacitĂ© Ă modifier ses comportements, comprĂ©hension des instructions, perception des effets du traitement (+ ou -), crainte d'ĂȘtre dĂ©pendant, perception des risques ou dĂ©ni de la maladie, attentes vis-Ă -vis du suivi ;
- les facteurs liés à la maladie : durée de la maladie, gravité des symptÎmes, invalidité, évolution des symptÎmes ;
- les facteurs liés au traitement : effets secondaires, complexité du traitement, délai d'action, commodités, durée du traitement.
Conséquences de la non-observance
Pour l'Organisation mondiale de la santĂ© (OMS)[2], la mauvaise observance touche toutes les pathologies chroniques et surtout, la mauvaise observance touche les pathologies mettant en jeu le pronostic vital (immunosuppresseur et greffe rĂ©nale, cancer, sida). En effet, l'aggravation de la pathologie voire la mort du patient peuvent ĂȘtre des consĂ©quences de la non-observance[8]. Dans des maladies comme la tuberculose ou le SIDA, elle est souvent la cause dâĂ©checs thĂ©rapeutiques, de rechutes et mĂȘme d'aggravation, pouvant augmenter la rĂ©sistance du virus.
Il existe aussi des consĂ©quences Ă©conomiques. Ce phĂ©nomĂšne peut avoir des effets sur le prolongement de la durĂ©e de la maladie, lâaugmentation des arrĂȘts de travail, lâaugmentation des rendez-vous avec les professionnels de la santĂ© mais aussi sur lâaugmentation de la durĂ©e dâhospitalisation[9].
Mesures Ă prendre
Pour améliorer l'observance, de nombreuses recherches se sont focalisées sur les conditions de prise médicamenteuse et sur la relation médecin-patient. Des techniques d'évaluations ont été créées pour aider à évaluer et mieux cibler les facteurs psycho-sociaux déterminants pour une bonne observance.
Il existe deux maniĂšres dâĂ©valuer celle-ci, la maniĂšre directe et la maniĂšre indirecte[10]. Lâune directe qui passe par le contrĂŽle du dosage des prises mĂ©dicamenteuses par la mesure de lâĂ©volution de la pathologie indiquant les effets du traitement ou par la prĂ©sence des substances mĂ©dicamenteuses dans lâorganisme. Cependant, la fiabilitĂ© reste limitĂ©e (variabilitĂ© des mĂ©tabolismes entre les individus) et le ressenti Ă©motionnel de ce contrĂŽle par le patient peut ĂȘtre intrusif et dĂ©sagrĂ©able[11].
Elle peut aussi ĂȘtre Ă©valuĂ©e de maniĂšre indirecte par lâobservation du comportement du consultant. Que ce soit par entretien, par questionnaire, par observation dâun pilulier Ă©lectronique ou d'un pilulier connecte, par le nombre de rendez-vous manquĂ©s⊠Toutes ces mĂ©thodes restent le plus souvent utilisĂ©es puisqu'elles sont appliquĂ©es plus facilement[11].
Recherches récentes
Pour mieux comprendre l'Ă©volution de la mĂ©decine quant aux comportements et aux attentes entre le mĂ©decin et son patient, Assal[12] sâappuie sur lâĂ©volution du traitement du diabĂšte sucrĂ©. Il reprend en quatre Ă©tapes les changements de la mĂ©decine pour les suivis Ă long terme :
- en 1921 : premiÚre découverte techniques avec l'insuline permettant la gestion de la maladie par une correction métabolique ;
- c'est ensuite la dĂ©couverte et la mise en place de traitement antibiotique Ă©vitant les infections pouvant ĂȘtre mortelles ;
- en 1972 : la pédagogie prend une grande importance dans la gestion du suivi de cette maladie chronique ;
- en 1993 : lâĂ©tude dĂ©crite par l'article Diabete Complications Control Trial (DCCT)[13] a pu mettre en Ă©vidence et souligner de maniĂšre importante que lâaccompagnement psychosocial des patients est reconnu comme complĂ©mentaire et nĂ©cessaire Ă lâaccompagnement des patients au long cours. Cet accompagnement se faisait alors dans l'Ă©coute et la comprĂ©hension des difficultĂ©s du patient face aux contraintes du traitement. L'observance Ă©tait alors meilleure avec le soutien et l'Ă©coute d'une Ă©quipe organisĂ©e autour du patient.
L'importance de l'environnement social du patient était alors mise en avant dans l'amélioration du suivi et de l'observance thérapeutique. L'éducation thérapeutique du patient est aujourd'hui un enjeu important dans la prise en charge des maladies chroniques.
Terminologie
Jusqu'au début des années 1970, le concept de compliance est le plus souvent utilisé dans la littérature relative au suivi thérapeutique. La compliance, terme anglais, renvoie à la position passive du consultant. Celui-ci doit « se soumettre » à la prescription du médecin[14].
à partir des années 1980, le terme d'observance apparaßt. Cette nouvelle approche permet de distinguer des différences de comportement selon les patients, ainsi que des différences selon la durée des traitements. L'observance fait à la fois référence au comportement du soigné et à ses attitudes, prenant ainsi appui sur ses croyances quant au soin[15].
Dans les annĂ©es 1990, lâadhĂ©sion thĂ©rapeutique est dĂ©finie comme une attitude rĂ©sultant dâune intĂ©riorisation et dâune approbation rĂ©flĂ©chie du patient au traitement thĂ©rapeutique. Ce concept renvoie Ă l'importance de la dynamique subjective du soignĂ©[14]. Ce terme est utilisĂ© afin de rendre plus actif le patient dans l'accord Ă©tabli entre le mĂ©decin et son patient quant au suivi.
Cadre thérapeutique
La relation médecin-soigné se noue sur des représentations sociales particuliÚres[11]. Les attitudes et comportements dans la relation thérapeutique sont teintés par ces représentations sociales. Le statut professionnel du médecin est marqué par différentes autorités :
- l'autorité du savoir (compétences scientifiques du médecin) ;
- l'autorité morale (comportement bienveillant envers le patient) ;
- l'autorité charismatique (possibilité décisionnelle malgré des connaissances médicales insuffisantes dans certains cas).
Le cadre thérapeutique actuel permet ainsi de déceler cinq modes relationnels différents[16] portés par la société[11] :
- une relation basĂ©e sur les compĂ©tences techniques, oĂč l'individu est perçu selon sa pathologie et minimisant la dimension psychologique et individuelle du patient ;
- une relation basĂ©e sur un principe autoritaire oĂč seul le mĂ©decin a les compĂ©tences pour ĂȘtre responsable du choix du traitement ;
- une relation thĂ©rapeutique basĂ©e sur un consensus.Un accord se crĂ©Ă© entre le patient et le mĂ©decin permettant au patient de donner son avis sur les aspects liĂ©s Ă sa vie sans ĂȘtre totalement soumis au pouvoir mĂ©dical ;
- une relation oĂč le mĂ©decin est un outil pour Ćuvrer pour la guĂ©rison et oĂč la relation reste spĂ©cifique Ă cet objectif ;
- une alliance qui considÚre la relation thérapeutique comme une relation basée sur les compétences mais aussi sur l'impact de la relation humaine entre une personne en demande d'aide et une autre qui s'engage moralement, éthiquement dans ce soutien quelles que soient les réponses scientifiques à la pathologie.
Ce dernier modÚle vient ainsi répondre à la notion d'observance thérapeutique précédemment définie.
Non-observance : comportement non verbal
La non-observance aurait une fonction communicative. Celle-ci est dĂ©finie comme un conflit interne du patient cherchant Ă rĂ©cupĂ©rer son autonomie[17]. En effet, son sentiment dâautonomie risque de pĂątir Ă lâannonce de la maladie. Il doit alors accepter le diagnostic[17] et le traitement proposĂ© par le mĂ©decin. L'exemple des maladies chroniques met en Ă©vidence une observance oĂč le patient doit changer son comportement immĂ©diat (souvent dans la privation) afin de rĂ©pondre favorablement Ă la proposition du thĂ©rapeute l'orientant vers un mieux-ĂȘtre ou une stabilisation qui ne trouve un effet que dans le long terme. La non-observance peut ĂȘtre comprise comme une manifestation de la non approbation du patient.
Une Ă©tude sur les personnes hypertendues dĂ©crit lâimportance dâune rĂ©interprĂ©tation du traitement par les consultants[6]. Elle met en Ă©vidence un conflit, portĂ© par les soignants, trouvant son origine dans une idĂ©ologie mĂ©dicale façonnĂ©e par une volontĂ© dâaction, un ressenti dâutilitarisme, de bienveillance et de responsabilitĂ© et des valeurs sociales dâautonomie amenant les patients a maĂźtriser leur traitement.
Une Charte europĂ©enne des droits du patient[18] a Ă©tĂ© rĂ©digĂ©e en 2002 rĂ©sultant d'une enquĂȘte dans 21 pays d'Europe organisĂ©e par Active Citizenship Network (ACN) et dâautres organisations europĂ©ennes. Celle-ci s'appuyant sur les droits fondamentaux de l'UE et les droits universels de l'homme Ă©nonce quatorze droits aux patients, deux sont principalement liĂ©s Ă l'observance thĂ©rapeutique tels que le droit Ă l'information et le droit Ă la libertĂ© de choix.
En France, depuis le , une loi permet au patient de refuser un traitement. Le thĂ©rapeute doit respecter le choix et lâautonomie de celui-ci[19].
Ăvaluation de l'observance
Volets et définition opérationnelle
La mesure de l'observance peut impliquer plusieurs volets : si le patient se procure le mĂ©dicament prescrit, si celui-ci prend son mĂ©dicament comme recommandĂ© quant Ă la dose, l'horaire des prises, le mode d'administration, les prĂ©cautions et si celui-ci cesse prĂ©maturĂ©ment la prise de son (ou ses) mĂ©dicaments (notion de non-persistance). Si l'observance d'un patient doit ĂȘtre mesurĂ©e de façon pratique et opĂ©rationnelle, il faut au prĂ©alable rĂ©pondre Ă quelques questions concernant la/les situation(s) d'inobservance et Ă partir de quel Ă©cart est observĂ©e l'inobservance. Il existe un grand continuum entre l'inobservance totale et l'observance parfaite avec de nombreux types d'erreurs qui peuvent entrer en compte.
Une définition d'inobservance telle qu'utilisée au Québec par plusieurs pharmaciens est celle-ci : acquisition par le patient de ±20 % des doses telle qu'établie par une prescription sur une période minimale de 90 jours. Par contre, il n'existe aucun consensus autour d'une définition unique. C'est normal, lorsqu'à ce jour, il n'existe aucune méthode fiable de mesure de l'observance hormis les nouvelles méthodes électroniques qui sont encore trÚs confidentielles.
ĂpidĂ©miologie
Aux Ătats-Unis, entre 20 et 30 % des prescriptions ne sont jamais retirĂ©es en pharmacies. Le ratio de prescription mĂ©dicamenteuse (medication prescription ratio ou MPR) dĂ©signe ainsi, la diffĂ©rence entre ce qui est prescrit au patient et ce qu'il rĂ©cupĂšre Ă la pharmacie. Il existe de nombreuses explications Ă cela : le coĂ»t des traitements, le doute sur l'utilitĂ© du traitement, des prĂ©fĂ©rences pour des mesures de santĂ© prise de maniĂšre autonome autres que les mĂ©dicaments. Le manque de caractĂšre pratique, les effets indĂ©sirables et le manque d'effets bĂ©nĂ©fiques dĂ©montrĂ©s sont aussi des facteurs d'une situation complexe.
Questionnaire de Morisky
- Vous arrive-t-il d'oublier de prendre votre médicament ?
- Ătes-vous quelquefois nĂ©gligent dans la prise de votre mĂ©dicament ?
- Lorsque vous vous sentez mieux, vous arrive-t-il de cesser de prendre votre médicament ?
- Si vous vous sentez moins bien quand vous prenez votre médicament, vous arrive-t-il de cesser de le prendre ?
Blister dit « intelligent »
L'emballage (en anglais blister) dit « intelligent » enregistre la date et l'heure exacte chaque fois que le patient expulse un comprimé du blister, grùce à une puce de type RFid qui enregistre chaque rupture de micro-contact à l'ouverture d'une alvéole. Cette méthode électronique de mesure de l'observance est déjà utilisée en recherche clinique pour authentifier les prises médicamenteuses et valider le bon respect des protocoles de recherche. Le pilulier connecté Imedipac de la société Medissimo permet de connaßtre en temps réel la prise ou l'erreur de prise des médicaments et donc d'alerter l'aidant si le patient l'a demandé[20].
L'avenir de cette mĂ©thode va au-delĂ de la recherche clinique car la gĂ©nĂ©ralisation de l'emballage dit « intelligent » devrait permettre Ă tout clinicien de connaĂźtre le niveau exact d'observance de sa prescription. Cela peut ĂȘtre crucial pour certains traitements (dont le paradigme est reprĂ©sentĂ© par le traitement anticoagulant) oĂč la dose efficace est proche de la dose toxique. Cela peut ĂȘtre trĂšs important aussi pour tous les traitements chroniques tels que les immunosuppresseurs, les anti-cancĂ©reux par voie orale, les antihypertenseurs, les antidĂ©presseurs.
DĂ©nombrement des doses restantes (pill-count)
Peu coûteux, facile bien que peu pratique, ne renseigne pas sur le moment de la prise, manipulation possible.
Contenants spéciaux
Ils permettent d'informer sur le moment des prises, mais sont coûteux, et des manipulations sont possibles.
Marqueurs biologiques
Méthode objective, pas toujours facile à interpréter, invasive, difficile pour le patient, coûteuse et qui n'est pas possible pour tous les médicaments.
Analyses des renouvellements d'ordonnance et présentation consultation
Méthode discrÚte, manipulation par le patient difficile, peu coûteux, accessible au pharmacien, ne renseigne pas sur le moment de la prise, nécessite une fidélité à la pharmacie ou à l'assureur et nécessite un traitement médicamenteux chronique renouvelable. Cette méthode est la plus utilisée.
ModĂšles explicatifs de l'observance
Il existe plusieurs modĂšles pour expliquer lâobservance thĂ©rapeutique. Fischer et Tarquinio ont sĂ©lectionnĂ© trois modĂšles « les plus reprĂ©sentatifs : le modĂšle de la compliance en santĂ©, le modĂšle systĂ©mique de soins prĂ©ventifs et le modĂšle de prĂ©diction des comportements de santĂ© »[21].
ModÚle de compliance en santé (HCM)
Le Health compliance Model[22] se focalise principalement sur les attentes, les ressentis et le vécu du patient face au suivi thérapeutique dans sa globalité. Ce modÚle permet de prendre en considération principalement l'impact du traitement médicamenteux dans sa durée. En effet, les attitudes et comportements du patients peuvent évoluer différemment entre les attentes imaginées avant le traitement et les effets du suivi thérapeutique sur le sujet.
Déterminants | Descriptif | Conséquences |
---|---|---|
Antécédents situationnels |
. modalités du traitement |
|
Facteurs individuels subjectifs |
. perceptions et intentions |
. renforcement bĂ©nĂ©fique . renforcement coĂ»teux â dĂ©terminants qui amĂ©liorent ou fragilisent l'observance thĂ©rapeutique |
Compliance |
. observance thérapeutique |
. renforcement bĂ©nĂ©fique . renforcement coĂ»teux â effets qui amĂ©liorent ou fragilisent l'observance thĂ©rapeutique |
ModÚle systémique de soins préventifs (MSSP)
Le modĂšle systĂ©mique de soins prĂ©ventifs (MSSP)[23] est un modĂšle intĂ©gratif rĂ©cent qui sâinspire de deux autres modĂšles, le premier de Bandura (auto-efficacitĂ©), 77 et le second de Fishbein et Ajzen (TAR) 75[11]. Ce modĂšle trĂšs gĂ©nĂ©raliste ne prĂ©cise pas la prĂ©dominance de ces facteurs en fonction de la pathologie du patient[11].
Voici un tableau nous donnant une vue dâensemble des facteurs proposĂ©s par ce modĂšle.
Facteurs | Consultant | Thérapeute |
---|---|---|
Prédisposants |
. DonnĂ©es sociodĂ©mographiques (sexe, Ăąge, professionâŠ) |
. DonnĂ©es sociodĂ©mographiques (sexe, Ăąge, professionâŠ) |
Capacitants |
. ressources et capacités en rapport à l'observance |
. compétences techniques : en éducation thérapeutique, spécialité professionnelle, en diagnostic... |
Renforçants |
. soutien de l'entourage |
. bénéfices objectivables du traitement |
Organisationnels |
accessibilité aux soins et aux structures permettant une bonne mise en place du suivi thérapeutique complet | |
Liés au comportement |
permettant l'efficacité de l'observance perçue, ils doivent s'adapter aux effets secondaires et aux désagréments possibles chez le patient | |
situationnels |
Facteurs situationnels internes : symptÎmes ou externes : intervention d'autrui (média, autres patients, rappel par le médecin...) |
ModÚle de prédiction des comportements de santé (MPCS)
Le MPCS[24] est un modÚle intégratif entre une approche axée sur les croyances de santé et une autre sur la théorie d'apprentissage social. Selon ce modÚle, cinq facteurs influencent l'observance. Ce modÚle met en avant la prépondérance de l'ancrage psychosocial (la culture, les normes...) venant colorer les attitudes et les comportements de santé.
DĂ©terminants | Descriptif |
---|---|
Les facteurs de modification |
.variables socio-démographiques (ùge, sexe...) |
Les perceptions individuelles |
.relatives à la santé, à la maladie |
La perception des obstacles aux comportements de santé |
.relatives aux priorités du patient |
Les signaux d'action |
.indicateurs internes (symptĂŽmes, fatigue...) |
La probabilité d'adoption des comportements de santé |
.elle découle d'un ajustement entre les signaux d'action, la perception des obstacles et les perceptions individuelles. Elle donnera la motivation au sujet à adhérer plus ou moins au traitement |
En résumé
Le HCM reste principalement centrĂ© et limitĂ© sur l'observance du suivi mĂ©dical[11]. Son apporche est nĂ©anmoins trĂšs intĂ©ressante pour Ă©valuer les consĂ©quences de l'observance sur les comportements et les attitudes du sujet. Comment celle-ci influence le patient ? Les effets de l'observance apportent-ils une motivation favorisant l'observance ou au contraire le manque d'effet entache-t-il la motivation du sujet Ă se contraindre au traitement ? « Une telle approche montre le caractĂšre dynamique du processus de compliance et permet de prendre en compte le facteur temps et ses effets [âŠ][25]. »
Les critiques du MSSP[11] restent majoritairement positives quant Ă la quantitĂ© de facteurs pris en compte pour Ă©valuer lâobservance. Ils pointent nĂ©anmoins certaines limites notamment parce qu'il « reste un modĂšle trop gĂ©nĂ©rique et donc incapable de prĂ©ciser le rĂŽle des facteurs selon le type de maladie »[26]. Ils relĂšvent ainsi le manque dâintĂ©rĂȘt pour lâentourage et les diffĂ©rents intervenants dans le suivi du traitement thĂ©rapeutique.
Le modĂšle de prĂ©diction des comportements de santĂ© (MPCS) insiste sur dâautres Ă©lĂ©ments constitutifs de lâobservance thĂ©rapeutique. Il a une approche plus Ă©cologiste s'orientant sur lâancrage psychosocial du consultant. Interrogeant alors comment lâidĂ©ologie, la culture avec ses normes, le milieu social peuvent influer sur le comportement du patient et de son entourage[11].
DĂ©terminants psychosociaux
En reprenant ces différents modÚles, de nombreuses études ont abordé les trois domaines explicités dans cette partie.
Caractéristiques des patients
Au niveau du statut social, trĂšs peu dâĂ©tudes notent des diffĂ©rences. Certaines montrent un impact sur lâobservance qui serait liĂ© Ă lâĂąge[27] et d'autres montrent une plus grande importance chez les sujets en couple plutĂŽt que cĂ©libataires[28]. Elle ne semble nĂ©anmoins ni ĂȘtre liĂ©e au sexe, ni au niveau socioĂ©ducatif[29].
- Les ressources internes du patient :
La question des croyances et attitudes a été fortement investie puisque trÚs vaste. Ainsi, deux principes de base nourrissent le consultant : le désir de se soigner et les croyances du sujet au sujet du soin.
Dans un premier temps, les apports de G. Reach en 2006 s'intĂ©ressent Ă la motivation du sujet[30]. Il considĂšre les connaissances et les compĂ©tences comme des outils nĂ©cessaires mais non suffisants pour permettre au consultant dâassumer son traitement. Il insiste sur les Ă©motions comme Ă©lĂ©ments indispensables Ă la mise en place du traitement et dĂ©crit la peur comme pouvant ĂȘtre nĂ©cessaire pour le consultant afin de se mobiliser pour commencer un traitement.
Les comportements des consultants sont influencĂ©s par leur propre croyance en leur capacitĂ© de changement. Le contrĂŽle perçu est une croyance de lâindividu en ses possibilitĂ©s dâagir sur lâenvironnement afin de transformer des expĂ©riences nĂ©gatives en expĂ©riences positives. Le contrĂŽle perçu serait ainsi aussi important que le contrĂŽle rĂ©el[31]. LâĂ©tude sur des patients ayant subi une angioplastie coronarienne rĂ©vĂšle une corrĂ©lation positive entre le sentiment de contrĂŽle et la moindre importance de troubles cardiaques[32]. Au contraire, le manque de pouvoir perçu au niveau social vĂ©cu par les personnes Ă revenus faibles, vivant dans la prĂ©caritĂ© ou subissant des discriminations non reconnues publiquement, les confronte Ă une difficultĂ© quant au renforcement de lâautonomie et Ă leur capacitĂ© d'agir[33].
La perception dâautoefficacitĂ© est aussi une croyance en ses capacitĂ©s Ă obtenir les rĂ©sultats voulus par ses propres actions[34]. De nombreuses Ă©tudes ont Ă©tabli un lien entre observance et sentiment dâefficacitĂ©, par exemple dans le domaine des comportements liĂ©s au tabac[35] ou sur lâobservance mĂ©dicamenteuse[35].
Cette perception permet de mieux comprendre le lieu de contrĂŽle du sujet. En effet, il existe un modĂšle « du lieu de contrĂŽle » diffĂ©rent en fonction des sujets. Il dĂ©crit deux styles de contrĂŽle pour le patient. Un contrĂŽle externe laissant le sujet tributaire de son environnement et un contrĂŽle interne oĂč le sujet se sent acteur de la situation, cherchant alors les informations pour mieux apprĂ©hender son traitement. Ces derniers auraient une plus grande observance thĂ©rapeutique[36].
- Les croyances quant au traitement.
LâĂ©tude de Rode[37] menĂ©e auprĂšs dâune population en prĂ©caritĂ© montre que leurs croyances quant au soin peuvent ĂȘtre en rĂ©el dĂ©saccord avec la conception biomĂ©dicale du mĂ©decin. Il cite un exemple oĂč le patient prĂ©fĂšre « renforcer ses dĂ©fenses immunitaires » en pratiquant une activitĂ© sportive pour se soigner que de suivre une prescription. L'Ă©valuation des symptĂŽmes, par le mĂ©decin, en fonction du contexte culturel du patient est un atout important Ă l'observance thĂ©rapeutique[38]. Il doit ensuite trouver un traitement en accord avec les demandes du patient sans nĂ©gliger l'entourage.
De plus, les croyances quant aux mĂ©dicaments sont nombreuses et peuvent avoir un rĂ©el impact sur lâobservance. La reprĂ©sentation du « mĂ©dicament-poison » met en Ă©vidence lâambivalence ressentie par certains consultants passant des effets positifs de lâefficacitĂ© de la science aux effets nĂ©gatifs de celle-ci tels les effets secondaires ou la dĂ©pendance[39]⊠ou mĂȘme aux reprĂ©sentations d'un produit chimique mettant Ă mal lâĂ©quilibre naturel de lâhomme[40].
Le modĂšle de prĂ©diction des comportements de santĂ© (MPCS)[24] insiste particuliĂšrement sur une vision plus psychosociale de lâindividu. Le groupe avec ses normes, ses convictions, sa culture vient façonner le comportement de santĂ© du sujet.
La qualitĂ© de la relation soignant/soignĂ© permet de comprendre et dâobserver les Ă©lĂ©ments afin dâapprĂ©hender la reprĂ©sentation du traitement, les croyances associĂ©es Ă celui-ci (mĂ©dicament, prĂ©ventionâŠ). Par exemple, la prise dâantidĂ©presseur peut-elle gĂ©nĂ©rer un conflit interne pour le patient et mettre Ă mal la psychothĂ©rapie commencĂ©e[41] ? Ceci est frĂ©quent chez les toxicomanes, laissant les usagers se reprĂ©senter le traitement de substitution comme une nouvelle dĂ©pendance Ă un produit. Cette reprĂ©sentation est alors souvent vĂ©cue comme un obstacle majeur Ă lâobservance.
Caractéristiques du soignant
- Les ressources du soignant :
La formation et la spĂ©cialisation des mĂ©decins peuvent ainsi ĂȘtre interrogĂ©es. Le travail de la « mĂ©decine aiguĂ« » se diffĂ©rencie nettement de la « mĂ©decine chronique »[12]. Les mĂ©decins seraient principalement bien formĂ©s Ă la mĂ©decine aigĂŒe, signifiant Ă contrario que celle-ci nâest pas adaptĂ©e aux douleurs chroniques. Le soignant passe dâun rĂŽle directif lors de la maladie aigĂŒe Ă celui dâintervenant indirect laissant alors au soignĂ© prendre en charge lui-mĂȘme sa maladie. Ceci peut ĂȘtre une difficultĂ© que peut vivre le mĂ©decin face Ă sa propre responsabilitĂ©.
Dans le suivi chronique, la carapace du mĂ©decin, lui permettant de rĂ©primer ses Ă©motions, ne peut ĂȘtre une possibilitĂ© puisque la relation dâaccompagnement laisse une grande place Ă lâaffectif. Pour certaines pathologies, le mĂ©decin nâa dâautres choix que de mobiliser diffĂ©rents savoirs afin de sâadapter au mieux Ă la demande et aux possibilitĂ©s du soignĂ©. Mais en plus dâavoir acquis des connaissances mĂ©dicales lors de ses Ă©tudes, il doit ĂȘtre sensibilisĂ© Ă une approche plus sociale et psychologique tout en Ă©tant capable dâadapter les actions Ă©ducatives au contexte du patient.
Les données sociodémographiques et les croyances et attitudes sont tout aussi importantes chez le soignant.
- Les croyances vis-Ă -vis du patient :
Le manque de compliance des patients peut ĂȘtre vĂ©cu comme un Ă©chec par le mĂ©decin[6] dans lâinstauration dâune relation mĂ©decin-patient. Reprenant les deux formes identitaires[42] « mĂ©decins de famille et mĂ©decin expert », les croyances envers lâobservance des patients est spĂ©cifique Ă chacun.
Pour le mĂ©decin gĂ©nĂ©raliste qui entretient une relation plus intime avec le patient, partageant bien souvent une certaine proximitĂ© et connaissance de la vie familiale, ceux-ci pensent connaĂźtre la rĂ©alitĂ© cachĂ©e des patients. Leur certitude dâĂȘtre le « confident » nâest en aucun cas une position autoritaire mais « une recherche de confirmation de leur identitĂ© de mĂ©decin de famille »[6]. Pour le mĂ©decin expert, le sentiment dâĂ©chec est plus souvent expliquĂ© par la mauvaise attitude du patient non compliant. Cette attitude alimente la relation asymĂ©trique est nĂ©anmoins attĂ©nuĂ©e par certains mĂ©decins qui entendent lâimportance du ressenti dâautonomie du patient ou mĂȘme de lâimportance du mĂ©decin Ă sâadapter au patient.
Il existe des diffĂ©rences dans la proposition des traitements par les thĂ©rapeutes en fonction de lâappartenance Ă une minoritĂ© ethnique du consultant ou Ă sa situation sociale prĂ©caire. Une perception nĂ©gative des mĂ©decins envers leur patient perçus alors comme moins riches et moins instruits est un Ă©lĂ©ment discriminatoire venant interfĂ©rer sur la communication entre soignants et soignĂ©s[43]. Ce prĂ©jugĂ© est aussi en lien avec la perception que les personnes ayant un statut socio-Ă©conomique plus faible sont perçues plus nĂ©gativement par les mĂ©decins que les autres patients.
- Les croyances envers le traitement et le suivi :
En psychiatrie, les rĂ©sultats dâun thĂ©rapeute sont corrĂ©lĂ©s positivement Ă ses convictions quant Ă lâefficacitĂ© du traitement[44]. Dans le MSSP, les facteurs capacitants ont plus trait aux possibilitĂ©s techniques, telles les connaissances liĂ©es Ă la pathologie, aux capacitĂ©s dâadaptation physiques et psychologiques du consultants mais aussi logistiques et matĂ©rielles pouvant ĂȘtre proposĂ©es pour le suivi.
Actuellement, les Ă©crits sur lâobservance laissent apparaĂźtre lâintĂ©rĂȘt des mĂ©decins Ă se former pour ĂȘtre efficace dans la prĂ©vention et la sensibilisation Ă la prise du traitement. Avant les annĂ©es 1990, environ 8 000 articles ont Ă©tĂ© publiĂ©s sur lâobservance, la majoritĂ© anglo-saxons (le terme de compliance est lâanglicisme de lâobservance) et 4 000 de plus avant 2007[45]. Ceux-ci sâappuient sur diffĂ©rents domaines Ă©tudiant les comportements humains tels que la psychologie sociale, lâethnologie, lâanthropologie⊠De nombreux outils sont ainsi proposĂ©s aux mĂ©decins pour une meilleure communication avec le soignĂ©.
Interaction médecin-patient
Il existe trois conditions indispensables Ă lâobservance du traitement en 2006, selon Bajcar[46] :
- La prescription doit avoir un sens pour le patient et pour sa comprĂ©hension de sa pathologie : quels sont les effets du traitement, les complications si celui-ci nâest pas suivi⊠;
- Des conseils clairs doivent ĂȘtre dispensĂ©s au consultant sur la gestion du traitement ;
- LâefficacitĂ© du traitement doit ĂȘtre Ă©valuĂ©e de maniĂšre rĂ©guliĂšre afin de soutenir la reprĂ©sentation positive du traitement mais aussi de gĂ©rer les effets secondaire de celui-ci. Ainsi, la notion du temps est une plus grande difficultĂ© pour les pathologies chroniques. Nous avons dĂ©jĂ pu noter lâimportance de la tolĂ©rance du thĂ©rapeute face aux diffĂ©rents moments dâacceptation de la maladie par le consultant. Ce temps nĂ©cessaire ne peut ĂȘtre quantifiable contrairement Ă la correction biologique.
- Donner du sens :
Le manque dâexplication des mĂ©decins et de comprĂ©hension des patients serait un facteur entravant lâobservance. Une Ă©tude a rĂ©vĂ©lĂ© quâenviron 60 % des renseignements donnĂ©s par le mĂ©decin Ă©taient compris par le patient, principalement le diagnostic et la catĂ©gorisation mĂ©dicale. Les mĂ©decins sous-estiment ou se sentent en difficultĂ© face Ă ce problĂšme[47]. Les statistiques montrent une observance diminuant de moitiĂ© lorsque la comprĂ©hension nâest pas satisfaisante. Lâinsatisfaction gĂ©nĂ©rĂ©e par cette situation peut susciter un manque de confiance et un sentiment de suspicion Ă lâĂ©gard du soignant[48].
La confiance Ă©tant lâun des facteurs dĂ©terminants de lâobservance, comment ne pas sâarrĂȘter sur la transmission de lâinformation lorsque la langue est un obstacle. Il a Ă©tĂ© soulignĂ© lâimportance dâun interprĂšte comme respect des intĂ©rĂȘts du consultant[49].
- La clarté du suivi :
En mĂ©decine gĂ©nĂ©rale, un lien significatif existe entre la connaissance des indications des mĂ©dicaments par le patient et de la qualitĂ© de la relation entre le mĂ©decin et son patient sur lâobservance thĂ©rapeutique[50]. Ils ont aussi pu observer les attitudes les moins investies : lâexplication des effets secondaires, la prĂ©sentation de nouveaux traitements et lâaptitude Ă prodiguer des conseils de prĂ©vention.
- L'évaluation de l'efficacité du suivi :
Il est nĂ©cessaire que le soignant reste vigilant quant aux effets secondaires des mĂ©dicaments. LâĂ©tude sur les malades prenant des antipsychotiques et ayant perçu une prise de poids significative met en Ă©vidence un mal ĂȘtre pour certains venant interfĂ©rer sur lâobservance pharmacologique[51]. Ce nâest que par la suite quâune Ă©valuation de cette tolĂ©rance psychologique du traitement pourra se faire.
On peut notamment se rĂ©fĂ©rer au Health belief model de Becker[52] qui sâintĂ©resse principalement Ă la perception du consultant en rapport aux avantages et aux inconvĂ©nients du traitement. Ce modĂšle insiste sur la pertinence dâune Ă©valuation par les patients du traitement proposĂ© en fonction de quatre facteurs: lâintĂ©rĂȘt du patient pour la santĂ© en gĂ©nĂ©ral, lâacceptation de sa maladie (liĂ©e avec son sentiment de vulnĂ©rabilitĂ© Ă sa pathologie), son interprĂ©tation de la gravitĂ© de la maladie (facteur important dans lâobservance thĂ©rapeutique) et son observation des effets du traitement (bĂ©nĂ©fices/dĂ©sagrĂ©ments).
La communication est d'autan plus importante lorsque la maladie est chronique. Comment garder le patient motivĂ© lorsque l'objectif est de « ne pas avoir de complication »[53]. LâidĂ©e du manque de dĂ©sir dans le suivi est associĂ© Ă la proposition thĂ©rapeutique qui ne donne aucune satisfaction puisque câest le non changement qui est prĂŽnĂ©. Il sâappuie sur la « thĂ©orie du choix intertemporel »[54]. La motivation Ă atteindre lâobjectif augmenterait en fonction du rapprochement temporel de celui-ci. On comprend alors la difficultĂ© Ă tenir un rĂ©gime diabĂ©tique sucrĂ© lorsque la satisfaction est immĂ©diate et si tentante!
Sa rĂ©ponse est alors de proposer au sujet des « rĂ©compenses intermĂ©diaires » lui permettant dâĂ©prouver une satisfaction.
- Le lien de confiance aussi important pour le soignant que le soigné :
Le mĂ©decin doit ĂȘtre vigilant Ă obtenir la confiance du patient, câest ainsi quâil pourra en tirer une satisfaction renforçant son suivi. Quelle que soit lâidentitĂ© du mĂ©decin, expert ou gĂ©nĂ©raliste, la non-observance est perçue comme une perte de contrĂŽle dans cette reprĂ©sentation de « guide » que le mĂ©decin a de son rĂŽle. Celle-ci gĂ©nĂšre alors un sentiment de fatigue et dâinefficacitĂ© pour le soignant.
En psychiatrie, il a pu ĂȘtre Ă©tudiĂ© lâeffet du temps dâattente et du temps pris par le praticien en tant quâinfluence sur lâobservance thĂ©rapeutique[55]. Ainsi, plus le temps dâattente Ă©tait long, plus le temps passĂ© en entretien Ă©tait court et moins lâobservance Ă©tait adĂ©quate.
Face Ă ce comportement, les attitudes peuvent ĂȘtre Ă connotation nĂ©gatives laissant le patient comme non compliant alors que dâautres lui octroient cet espace de libertĂ©, comprenant les enjeux de cette non-observance.
Lâinertie clinique[56] est une difficultĂ© des thĂ©rapeutes Ă intensifier les traitements dans certaines pathologies. Pour certains auteurs, comme GĂ©rard Reach, l'inertie clinique laisse apparaĂźtre « le doute » du mĂ©decin que ce soit dans la remise en question du systĂšme ou la capacitĂ© du mĂ©decin Ă percevoir le patient rĂ©el et la relation mĂ©decin-patient et non le patient « moyen » des statistiques. Il ajoute lâimportance des dĂ©terminants Ă©motionnels (souvenir dâeffets indĂ©sirables de traitements...) permettant dâajuster rapidement des traitements. Il interroge alors lâinertie clinique comme une faute ou une pertinence du thĂ©rapeute[57].
Actuellement, la dĂ©finition reste floue et variable en fonction des auteurs. Elle se focalise sur le mĂ©decin mais sâĂ©largie actuellement Ă lâattitude des patients, Ă la situation (maladie, contexteâŠ) et au systĂšme de soins. En balance avec l'observance, celle-ci serait nĂ©cessaire Ă l'ajustement relationnel[56].
Importance de l'environnement
- L'espace personnel :
Il peut exister une diffĂ©rence de socialisation[58] entre le thĂ©rapeute et le consultant. En effet, ceux-ci nâont pas les mĂȘmes codes de communication gĂ©nĂ©rant ainsi des difficultĂ©s interactionnelles. Lâenjeu pour le soignant est alors de sâintĂ©resser aux particularitĂ©s culturelles et au contexte environnemental et social du soignĂ©. Cette approche permet une co-construction plus aisĂ©e du projet thĂ©rapeutique. Dans les situations sociales de pauvretĂ© ou de prĂ©caritĂ©, il existe un fossĂ© entre le soignant, lorsque celui-ci est issu de la bourgeoisie[59]. Le soignant aurait un discours prĂ©ventif le concernant lui et ses pairs, ayant une mĂȘme Ă©ducation, plutĂŽt quâadaptĂ© aux conditions de vie du patient. Le langage professionnel porteur dâabstraction peut rester inaccessible au consultant non porteur de ces codes sociaux. Une Ă©tude sâest portĂ©e sur le lien entre les connaissances scientifiques et le style langagier[60].
Il est important que lâaccompagnant sâenquiert de la position du groupe dâappartenance du sujet et de la famille vis-Ă -vis de la maladie et du traitement. Celle-ci a-t-elle connaissance de la maladie, quelle position et quel discours tient-elle face Ă la maladie et au traitement ? En effet, un malade du SIDA ne sera pas porteur de la mĂȘme reprĂ©sentation sociale quâun malade cardiaque quelle que soit la sociĂ©tĂ©.
De plus, le contexte social a un impact consĂ©quent sur lâobservance. En effet, lâobservance pourra ĂȘtre diffĂ©rente en fonction du degrĂ© dâintĂ©gration sociale du sujet (SDF/cadreâŠ). Rode[37] constate pour les populations en situation prĂ©caire, un dĂ©sinvestissement des soins de santĂ© lorsqu'une instabilitĂ© se pose dans le quotidien pouvant alors crĂ©er des tensions dans le domaine professionnel ou familial. Ce nâest que lorsque la situation familiale ou financiĂšre sâamĂ©liore que les patients peuvent donner prioritĂ© Ă leur traitement. De plus, la plupart des Ă©tudes dĂ©crivent le soutien social comme un facteur important Ă lâobservance surtout pour les personnes les plus dĂ©munies socialement. Celles-ci ne pouvant faire appel Ă leur environnement social[61].
- Les espaces de soins :
Par exemple, une Ă©tude sur une population toxicomane en situation prĂ©caire[62] souligne lâimportance dâun lieu spĂ©cifique pouvant symboliser un temps pour « prendre soin de soi » plutĂŽt que le morcellement des diffĂ©rents professionnels de la santĂ© (mĂ©dical, social, psychologiqueâŠ). Ce lieu regroupant diffĂ©rentes professions plutĂŽt quâune personne permet une plus grande adĂ©quation entre le projet thĂ©rapeutique et les possibilitĂ©s du consultant tout en favorisant « le sentiment dâautodĂ©termination ». En effet, le soignĂ© cumule un travail Ă la fois individuel, lui laissant la possibilitĂ© de prendre ce qui lui est nĂ©cessaire en fonction de ses propres besoins, au rythme quâil se donne. Il se confronte et apprend ainsi des expĂ©riences relationnelles afin de se positionner face aux autres. Lâaccent est mis sur « lâaccompagnement Ă lâobservance thĂ©rapeutique » par un soutien social (rĂ©insertion sociale : logement, lien sociaux, familiauxâŠ). LâĂ©quipe pluridisciplinaire doit alors se concerter afin dâassumer une cohĂ©rence dans la dynamique thĂ©rapeutique du patient. Dans ces situations, les professionnels sont souvent tiraillĂ©s entre observance pharmacologique permettant de prĂ©venir des risques souvent mortels et lâacceptation de lâopposition Ă ce traitement.
Pour les behavioristes[41], il est nécessaire de privilégier la fréquence des entretiens motivationnels[63] et de favoriser le lien social avec des groupes de pairs ou leurs proches[64].
Les groupes de patients ont aussi une fonction informatives et rĂ©flexives permettant dâajuster le traitement aux besoins du patients (Duncan et Roger, 1998) mettent lâaccent sur ces Ă©changes, les diffĂ©rences de points de vue face Ă la tolĂ©rance au traitement. En 1995, Frank et al insistent sur lâimportance dâun dialogue, dâun soutien entre les patients Ă©tant Ă des stades diffĂ©rents mais aussi les professionnels afin de permettre une meilleure collaboration et un meilleur ajustement (Corrigan et al., 1990). En Australie le « buddy system » permet Ă un nouveau patient dâĂȘtre accompagnĂ© par un ancien membre du groupe.
Notes et références
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Voir aussi
Articles connexes
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Autres
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