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Stephen Harper

Stephen Joseph Harper, nĂ© le Ă  Toronto (Ontario), est un homme d'État canadien. Il est premier ministre du Canada du au .

Stephen Harper
Illustration.
Stephen Harper en 2014.
Fonctions
Président de l'Union démocrate internationale
En fonction depuis le
(5 ans, 4 mois et 15 jours)
Prédécesseur John Key
22e premier ministre du Canada
–
(9 ans, 8 mois et 29 jours)
Monarque Élisabeth II
Gouverneur Michaëlle Jean
David Johnston
Gouvernement 28e conseil des ministres
LĂ©gislature 39e, 40e et 41e
Prédécesseur Paul Martin
Successeur Justin Trudeau
Chef du Parti conservateur du Canada
–
(11 ans, 6 mois et 29 jours)
Prédécesseur John Lynch-Staunton
Successeur Rona Ambrose (intérim)
Andrew Scheer
Chef de l'opposition officielle
–
(1 an, 10 mois et 16 jours)
Monarque Élisabeth II
Premier ministre Paul Martin
LĂ©gislature 37e et 38e
Prédécesseur Grant Hill
Successeur Bill Graham
–
(1 an, 7 mois et 18 jours)
Monarque Élisabeth II
Premier ministre Jean Chrétien
Paul Martin
LĂ©gislature 37e
PrĂ©dĂ©cesseur John Reynolds (en)
Successeur Grant Hill
Chef de l'Alliance canadienne
–
(1 an, 8 mois et 17 jours)
PrĂ©dĂ©cesseur John Reynolds (en)
Successeur Parti dissous
Député à la Chambre des communes
–
(14 ans, 1 mois et 29 jours)
Élection
RĂ©Ă©lection 28 juin 2004
23 janvier 2006
14 octobre 2008
2 mai 2011
19 octobre 2015
Circonscription Calgary-Sud-Ouest (2002-2015)
Calgary Heritage (2015-2016)
LĂ©gislature 37e, 38e, 39e, 40e, 41e et 42e
Groupe politique Alliance canadienne (2002-2003)
Conservateur (2003-2016)
Prédécesseur Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest)
Circonscription créée (Calgary Heritage)
Successeur Circonscription supprimée (Calgary-Sud-Ouest)
Bob Benzen (Calgary Heritage)
–
(3 ans, 7 mois et 8 jours)
Élection 25 octobre 1993
Circonscription Calgary-Ouest
LĂ©gislature 35e
Groupe politique RĂ©formiste
Prédécesseur Jim Hawkes
Successeur Rob Anders
Biographie
Nom de naissance Stephen Joseph Harper
Date de naissance
Lieu de naissance Toronto, Ontario (Canada)
Nationalité Canadien
Parti politique Parti libéral (avant 1985)
Parti progressiste-conservateur (1985-1987)
Parti réformiste (1987-1997)
Alliance canadienne (2002-2003)
Parti conservateur (depuis 2003)
Conjoint Laureen Harper
(depuis 1993)
DiplÎmé de Université de Calgary
Profession Économiste
Religion Christianisme évangélique, Alliance chrétienne et missionnaire
RĂ©sidence Calgary

Signature de Stephen Harper

Stephen Harper
Premiers ministres du Canada

Il représente la circonscription de Calgary Heritage à la Chambre des communes de 2015 à 2016, aprÚs avoir représenté Calgary-Ouest de 1993 à 1997, puis Calgary-Sud-Ouest de 2002 à 2015. Membre fondateur du Parti réformiste, il quitte le Parlement temporairement pour diriger la Coalition nationale des citoyens, un groupe de pression conservateur qui milite en faveur d'une réduction des impÎts et du rÎle du gouvernement. AprÚs la démission de Stockwell Day de son poste de chef du parti, en 2002, Harper est élu chef de l'Alliance canadienne. En 2003, il réussit à conclure un accord avec Peter MacKay, chef du Parti progressiste-conservateur, pour fusionner les deux partis. Le , Harper est élu chef du nouveau Parti conservateur et il le reste jusqu'au .

Le , il remporte les Ă©lections fĂ©dĂ©rales face au premier ministre sortant Paul Martin. Il est assermentĂ© avec son gouvernement le , formant un gouvernement minoritaire et mettant un terme Ă  plus de douze ans de gouvernement du Parti libĂ©ral. Le , il est rĂ©Ă©lu comme premier ministre pour un deuxiĂšme mandat, dans un gouvernement minoritaire renforcĂ©. Au cours de ce mandat, son gouvernement rĂ©ussit Ă  proroger le session parlementaire pour dĂ©faire une coalition potentielle des partis d'opposition. Par ailleurs, il affronte la crise Ă©conomique de 2008 et ordonne une intervention militaire lors de la premiĂšre guerre civile libyenne. Il est finalement renversĂ© par une motion de censure pour « outrage au Parlement » en . À la suite d'Ă©lections fĂ©dĂ©rales anticipĂ©es en 2011, il obtient la majoritĂ© absolue et est rĂ©Ă©lu pour un mandat de quatre ans. Durant son troisiĂšme mandat, il abolit le registre des armes d'Ă©paule, retire le Canada du Protocole de Kyoto, lance une intervention militaire en Irak et en Syrie contre l'État islamique et affronte les scandales des appels automatisĂ©s des Ă©lections prĂ©cĂ©dentes et des dĂ©penses du SĂ©nat.

Bien que Harper soit réélu lors des élections fédérales de 2015, les conservateurs sont battus par le Parti libéral. Son chef Justin Trudeau accÚde ainsi au poste de premier ministre. Le , Stephen Harper fait savoir qu'il quitte la vie politique et démissionnera de son mandat de député avant la reprise des travaux parlementaires[1] ; sa démission est effective le [2].

Jeunesse et Ă©tudes

Harper naĂźt le , Ă  Toronto, oĂč sa famille emmĂ©nage quelques annĂ©es plus tĂŽt. Son pĂšre, qui est originaire de Moncton, est comptable agrĂ©Ă© et travaille pour Imperial Oil[3]. Durant l'Ă©tĂ© 1969, il suit des cours d'immersion française[4]. Il entreprend ses Ă©tudes secondaires au Richview Collegiate Institute Ă  Etobicoke, oĂč il suit notamment des cours de français et de latin, et excelle en mathĂ©matiques et sciences. DĂ©jĂ  intĂ©ressĂ© par la politique, il est membre du club des Jeunes libĂ©raux. En 1978, il s'inscrit Ă  l'UniversitĂ© de Toronto, mais abandonne ses Ă©tudes aprĂšs deux mois et part pour Edmonton, oĂč il obtient un travail Ă  Imperial Oil. En 1980, il dĂ©mĂ©nage Ă  Calgary, oĂč il travaille au service informatique de la mĂȘme compagnie[5].

En 1981, il s'inscrit à un baccalauréat en économie à l'Université de Calgary qu'il complÚte en 1985. Il retournera plus tard à l'Université de Calgary pour compléter une maßtrise en économie dont il obtient le diplÎme en 1991. Déçu de Pierre Elliott Trudeau et du Parti libéral à la suite de la mise en place du Programme énergétique national (PEN) en 1980, il abandonne le parti libéral et travaille activement à l'élection du député conservateur Jim Hawkes.

DĂ©buts politiques (1985-1993)

En 1985 et 1986, il est l'assistant de Jim Hawkes Ă  Ottawa. Il est cependant rapidement déçu des politiques fiscales de Brian Mulroney et de Jim Hawkes, dont le comitĂ© recommande d'Ă©tendre les prestations d'assurance emploi Ă  des groupes de personnes vulnĂ©rables[6]. DĂ©plorant aussi le fait que Mulroney n'ait pas Ă©tĂ© capable de rĂ©voquer le PEN avant 1986, il quitte Ottawa et retourne Ă  Calgary oĂč il s'inscrit Ă  une maĂźtrise en Ă©conomie.

En 1987, sur la recommandation du professeur Bob Mansell, il se rend Ă  Vancouver pour participer Ă  une confĂ©rence qui devait servir de tremplin Ă  la fondation du Parti rĂ©formiste par Preston Manning. Il y prĂ©sente un texte Ă©crit conjointement avec John Weissenberger intitulĂ© « A Taxpayers Reform Agenda ». Reprenant les arguments typiques de la droite, ils opposaient les intĂ©rĂȘts des contribuables Ă  ceux des fonctionnaires et groupes de pression dont le revenu dĂ©pend essentiellement des largesses de l'État[6]. Ils recommandaient aussi la fin des nominations partisanes, une plus grande implication de la base dans les politiques du parti, la rĂ©duction de la taille de l'État et le rejet de l'Accord du lac Meech, parce qu'il accordait un statut spĂ©cial au QuĂ©bec, en contradiction avec le principe d'Ă©galitĂ© des provinces[7].

Le , Ă  l'assemblĂ©e de fondation du Parti rĂ©formiste Ă  Winnipeg, il donne une confĂ©rence intitulĂ©e « Achieving Economic Justice in Confederation », dans laquelle il reprend des calculs selon lesquels l'État fĂ©dĂ©ral aurait extorquĂ© aux provinces de l'Ouest quelque 70 milliards de dollars au profit des provinces de l'Est et particuliĂšrement du QuĂ©bec[8]. Il dĂ©nonce le renforcement par Mulroney des exigences de bilinguisme dans la fonction publique, la montĂ©e de l'État providence et la faiblesse d'Ottawa face aux demandes du QuĂ©bec. Il dĂ©veloppe aussi la nĂ©cessitĂ© d'un traitement Ă©quitable de toutes les provinces et d'une reprĂ©sentation rĂ©gionale au SĂ©nat, selon la formule du « triple E ». Ce discours longuement acclamĂ© valut Ă  Harper d'ĂȘtre nommĂ© directeur des politiques du parti rĂ©formiste.

Stephen Harper est aussi associé au Parti réformiste.

Nommé candidat dans la circonscription de Jim Hawkes à Calgary-Ouest, il prépare la plateforme électorale du parti, dont le slogan est The West wants in. Sur le plan des politiques sociales, ce document rejette les lois sur le salaire minimum, les allocations familiales, le crédit d'impÎt pour enfant, l'exemption de personne mariée, les déductions pour garderie ainsi que les contributions fédérales d'assistance sociale, de pension et de logement subventionné[9]. Il perd l'élection de 1988 par une large marge. Toutefois, Deborah Grey ayant été élue peu aprÚs, il devient son conseiller et rédige ses discours de 1988 à 1993.

En 1992, il s'oppose Ă  Preston Manning sur la position Ă  prendre vis-Ă -vis de l'Accord de Charlottetown, qu'il rejette radicalement, alors que son chef est plutĂŽt enclin Ă  une position de compromis. Sa position est trĂšs populaire auprĂšs de la base du parti et finit par l'emporter[10].

Il remporte l'Ă©lection de 1993 face Ă  Jim Hawkes et entre au Parlement avec 51 autres dĂ©putĂ©s de son parti. Il semble avoir bĂ©nĂ©ficiĂ© d'une campagne publicitaire de 50 000 $ organisĂ©e par la Coalition nationale des citoyens visant Ă  dĂ©truire l'image de Jim Hawkes, sans toutefois que soit mentionnĂ© le nom de Stephen Harper[11].

Stephen Harper a effectué tous ses mandats de simple député dans des circonscriptions électorales de l'Alberta.

Député réformiste (1993-1997)

DĂ©putĂ© remarquĂ© au Parlement, il se signale par ses positions modĂ©rĂ©es en matiĂšre sociale. Ainsi, il vote en premiĂšre et seconde lecture en faveur de la mise sur pied d'un registre canadien des armes Ă  feu, mais finit par voter contre afin de ne pas dĂ©cevoir son Ă©lectorat[12]. Il s'oppose aussi Ă  une rĂ©solution du caucus de son parti visant Ă  exclure les homosexuels de la Charte canadienne des droits, mais il s'oppose Ă  un projet de loi qui veut Ă©tendre les avantages fiscaux de personne mariĂ©e aux couples de mĂȘme sexe.

Il est surtout actif sur le front constitutionnel. Au fil des ans, les rapports avec Manning sont devenus de plus en plus tendus. DĂšs 1994, il avait sapĂ© la crĂ©dibilitĂ© de son chef en rĂ©vĂ©lant Ă  la presse que le Parti lui versait en cachette un supplĂ©ment de salaire de 31 000 $ par an. Cette rĂ©vĂ©lation avait fait scandale et crĂ©Ă© de fortes tensions dans les rangs de son parti[13]. Le , il dĂ©missionne de son poste de dĂ©putĂ© pour devenir vice-prĂ©sident de la Coalition nationale des citoyens (NCC)[14] - [15].

Statut du Québec et référendum sur la séparation du Québec de 1995

En , il dĂ©pose un projet de loi niant le droit du QuĂ©bec Ă  l'autodĂ©termination[16] et Ă©tablissant la primautĂ© de la Constitution du Canada. Harper brandira alors la menace de partition du territoire quĂ©bĂ©cois advenant la sĂ©paration du QuĂ©bec[17] - [18]. En cas d'une victoire du oui, la sĂ©paration du QuĂ©bec devrait ĂȘtre nĂ©gociĂ©e sans faire aucune concession. En mĂȘme temps, au cas oĂč le non l'emporterait, Manning et Harper proposent une rĂ©forme en profondeur du Canada, qui dĂ©finirait plus clairement les juridictions respectives du fĂ©dĂ©ral et des provinces et qui confierait aux provinces nombre de pouvoirs alors exercĂ©s par Ottawa, notamment les responsabilitĂ©s en matiĂšre de langue et de culture[19]. Il rejette la politique du multiculturalisme et considĂšre comme ridicule la notion selon laquelle le Canada serait dĂ©fini par l'union de deux peuples fondateurs[17].

Il rédige en grande partie la stratégie de son parti sur le référendum québécois de 1995. Cette position insiste sur le principe d'égalité des provinces[20] - [21], excluant toute entente particuliÚre avec le Québec, comme celle dont Mulroney s'était fait le champion[22]. Stephen Harper était pendant cette période référendaire pour le Québec et le Canada, le porte-parole du Parti réformiste en matiÚre d'unité nationale[23].

Le , il revient sur la question et dĂ©pose le projet de loi C-341, dĂ©terminant « les conditions auxquelles un rĂ©fĂ©rendum sur la sĂ©paration du QuĂ©bec du Canada doit satisfaire pour ĂȘtre considĂ©rĂ© comme l'expression vĂ©ritable de la volontĂ© de la population du QuĂ©bec[24]». L'article premier de ce projet de loi dĂ©clare que le Canada ne reconnaĂźtra pas ce rĂ©fĂ©rendum si la question est ambiguĂ« ou obscure ou si elle signifie que le QuĂ©bec aurait le droit de modifier unilatĂ©ralement la Constitution du Canada et le statut qui est le sien. Un autre article prĂ©voit la tenue simultanĂ©e du rĂ©fĂ©rendum quĂ©bĂ©cois avec un rĂ©fĂ©rendum fĂ©dĂ©ral comprenant deux questions : « a) le QuĂ©bec devrait-il se sĂ©parer du Canada et devenir un pays indĂ©pendant sans lien juridique spĂ©cial avec le Canada - OUI ou NON? ». La seconde porte sur la partition du QuĂ©bec : « b) si le QuĂ©bec se sĂ©pare du Canada, ma municipalitĂ© devrait-elle se sĂ©parer du QuĂ©bec et continuer de faire partie du Canada - Oui ou Non ? ». Enfin, un rĂ©fĂ©rendum pan-canadien devrait obligatoirement approuver la sĂ©cession Ă©ventuelle du QuĂ©bec[25]. Ce projet de loi, qui sera ensuite pilotĂ© par Preston Manning, est abandonnĂ© lors de la dissolution de la session parlementaire en , mais il inspirera le jugement de la Cour suprĂȘme sur la question (1998) et la Loi sur la clartĂ© rĂ©fĂ©rendaire parrainĂ©e par StĂ©phane Dion en 2000[25].

Directeur de la Coalition nationale des citoyens (1997-2002)

La Coalition nationale des citoyens (NCC) est un groupe de pression conservateur financĂ© principalement par des banques, des compagnies d'assurance et de grandes entreprises. En prenant la tĂȘte de cet organisme, Harper choisit de faire de la politique par d'autres moyens, en ayant Ă  sa disposition des ressources importantes et une libertĂ© de s'exprimer devant les mĂ©dias qui n'est pas limitĂ©e par une ligne de parti[26].

Sous sa direction, cet organisme finance de nombreuses campagnes publicitaires et conteste devant les tribunaux des lois existantes. Il commence par investir 200 000 $ pour dĂ©truire l'image de deux dĂ©putĂ©es libĂ©rales en Alberta lors de l'Ă©lection fĂ©dĂ©rale de 1997[27]. Il appuie la campagne de Mike Harris en Ontario et noue des liens avec ses futurs alliĂ©s du Parti conservateur : Jim Flaherty, Tony Clement et John Baird[28]. Il finance aussi la contestation de la Loi 101 par un groupe de parents francophones du QuĂ©bec dĂ©sireux d'envoyer leurs enfants Ă  l'Ă©cole anglaise, tout comme il appuie les dĂ©marches d'Alliance QuĂ©bec pour faire abroger les dispositions de cette loi sur la prĂ©dominance du français dans l'affichage public[29]. Il conteste aussi devant les tribunaux les modifications apportĂ©es par le gouvernement ChrĂ©tien Ă  la Loi Ă©lectorale en 2002, limitant les dĂ©penses des tierces parties lors d'une Ă©lection; aprĂšs une premiĂšre victoire auprĂšs de la Cour supĂ©rieure de l'Alberta, cette cause se rend jusqu'Ă  la Cour suprĂȘme, oĂč elle est dĂ©boutĂ©e par une dĂ©cision presque unanime en 2004. Il multiplie les campagnes visant Ă  l'abolition du monopole de la Commission canadienne du blĂ©[30]. Lors de l'Ă©lection provinciale en Alberta, il incite le public Ă  voter pour n'importe quel candidat, sauf un libĂ©ral[31].

Harper multiplie aussi les interventions personnelles dans les médias, au moyen d'entrevues et d'articles. Il s'efforce de discréditer la notion selon laquelle le Québec est une société distincte et dénonce le « jeu patriotique » (patriot game) auquel se serait livré le Parti libéral en favorisant la reconnaissance de cette notion au détriment des provinces de l'Ouest[32]. Dans un article écrit avec Tom Flanagan en réaction à la Déclaration de Calgary, en , il rejette le « mythe des deux peuples fondateurs » et déclare que, au lieu de chercher à apaiser le Québec, il faut au contraire s'y opposer[33] - [n 1].

Il suit de prÚs la transformation du Parti réformiste, qui devient l'Alliance canadienne sous la direction de Stockwell Day le . AprÚs la défaite de ce parti aux élections d', il écrit dans le National Post que le Canada est en train de devenir « un pays socialiste de deuxiÚme ordre »[34]. Il incite l'Alberta à établir un « coupe-feu » (firewall) autour de la province et à imiter le Québec en rapatriant tous les pouvoirs qui lui appartiennent en vertu de la Constitution : gestion du régime de pension, collecte des impÎts, GRC provinciale et financement du systÚme de santé. Tout en réclamant davantage d'autonomie pour cette province, il exclut toutefois l'idée d'une sécession. Il appuie aussi le principe d'un Sénat élu[35]. En 2001, il dénonce la politique de bilinguisme officiel introduite sous le gouvernement Trudeau comme une coûteuse utopie[36].

Chef de l'Alliance canadienne (2002-2004)

À la suite de divers scandales et maladresses, Stockwell Day cĂšde sous la pression interne du parti et dĂ©missionne de son poste de chef de l'Alliance canadienne Ă  l'Ă©tĂ© de 2001. Harper se lance alors dans la course Ă  sa direction. Il fait installer dans son quartier gĂ©nĂ©ral un systĂšme d'appels tĂ©lĂ©phoniques automatisĂ©s, avec lien Ă  une base de donnĂ©es informatisĂ©e, capable de faire des milliers d'appels par jour et engage de surcroĂźt une agence de tĂ©lĂ©marketing[37]. L'investissement se rĂ©vĂšle efficace et lui donne la victoire le 2002 lors du premier tour de scrutin. Il se prĂ©sente immĂ©diatement Ă  une Ă©lection partielle dans l'ancienne circonscription de Preston Manning Ă  Calgary et remporte la victoire, devenant chef de l'opposition lors de son retour Ă  la Chambre des communes, en mai 2002.

InterrogĂ© sur la raison pour laquelle les provinces atlantiques n'avaient pas votĂ© pour son parti, il rĂ©pond que c'est parce qu'elles ont une culture de la dĂ©faite[38]. L'AssemblĂ©e lĂ©gislative de la Nouvelle-Écosse adopte Ă  l'unanimitĂ© une motion condamnant ses commentaires. Le premier ministre du Nouveau-Brunswick Bernard Lord et le chef progressiste-conservateur fĂ©dĂ©ral Joe Clark les condamnent Ă©galement. Harper ne s'excuse cependant pas de ses paroles, mais attribue les rĂ©actions Ă  des attaques partisanes.

Le , dans un discours Ă  la Chambre dont certaines parties Ă©taient plagiĂ©es de son homologue australien[39], Harper presse le gouvernement ChrĂ©tien de se joindre aux États-Unis dans leur invasion de l'Iraq. Il interviendra au total 37 fois en Chambre des communes en faveur d'un engagement actif dans ce conflit[40]. En , lors d'un dĂ©bat prĂ©cĂ©dant le scrutin, il reconnaĂźtra finalement que cette guerre Ă©tait une erreur[41].

Ses dix-huit premiers mois comme chef de l'opposition sont largement consacrĂ©s Ă  la consolidation des Ă©lĂ©ments fracturĂ©s de l'Alliance canadienne, ainsi qu'Ă  dĂ©fier le gouvernement libĂ©ral et Ă  encourager une union des forces alliancistes et progressistes-conservatrices. Le but de cette union Ă©tait de prĂ©senter un seul parti de centre-droit aux prochaines Ă©lections fĂ©dĂ©rales, prĂ©venant ainsi la division de l'Ă©lectorat qui s'Ă©tait produite dans le passĂ©. Dans un discours intitulĂ© « Rediscovering the Right Agenda », donnĂ© en Ă  Civitas, une fondation privĂ©e, il expose les grandes lignes de son plan d'action. La pensĂ©e conservatrice serait divisĂ©e en deux grandes familles. L'une est dominĂ©e par des questions de fiscalitĂ©, de libre fonctionnement du marchĂ© et de retrait de l'État; l'autre est prĂ©occupĂ©e par les questions sociales et religieuses, et facile Ă  mobiliser dans la lutte contre l'avortement, l'euthanasie, le mariage gay et toute apparence de relativisme moral. La clĂ© du pouvoir est de rĂ©ussir Ă  fusionner ces deux grandes tendances, en se plaçant au-dessus des diffĂ©rences religieuses[42].

À la suite de longues nĂ©gociations, l'Alliance canadienne et le Parti Progressiste conservateur dĂ©cident de fusionner en un nouveau parti nommĂ© Parti conservateur du Canada. La nouvelle est annoncĂ©e le et ratifiĂ©e par les membres le . Le 2004, Harper annonce sa dĂ©mission comme chef de l'opposition pour prĂ©senter sa candidature Ă  la direction du Parti lors de l'assemblĂ©e de fondation tenue le . Il remporte la course facilement, avec une majoritĂ© lors du premier tour, contre Belinda Stronach et Tony Clement le .

Chef du Parti conservateur (2004-2015)

Élections fĂ©dĂ©rales de 2004

Lors des Ă©lections fĂ©dĂ©rales de juin 2004, Harper est Ă  la tĂȘte des conservateurs, tandis que Paul Martin remplace Jean ChrĂ©tien comme chef du gouvernement depuis le . Beaucoup considĂšrent que Harper a de bonnes chances de vaincre son adversaire, surtout aprĂšs un rapport cinglant de la vĂ©rificatrice gĂ©nĂ©rale, Sheila Fraser, concernant le programme des commandites. En outre, Martin, qui est un bon gestionnaire de l'Ă©conomie sous ChrĂ©tien, se rĂ©vĂšle mauvais gardien des finances publiques dĂšs lors qu'il est Ă  la tĂȘte de l'État, accordant aux provinces deux fois plus d'argent en matiĂšre de soins de santĂ© que ce qu'il avait d'abord promis[43], ce qui lui aliĂšne une partie de l'Ă©lectorat prĂ©occupĂ©s par la fiscalitĂ©. D'autre part, la campagne conservatrice diffuse des messages trompeurs affirmant qu'il soutenait la pornographie infantile, afin de lui aliĂ©ner les conservateurs sociaux[44].

Paul Martin est cependant réélu avec un gouvernement minoritaire et 135 siÚges, contre 99 pour les conservateurs, mais le Parti conservateur réussit à remporter des siÚges en Ontario, alors que le Parti réformiste et l'Alliance canadienne n'étaient jamais parvenus à y faire des gains importants. Bien que ce dernier parti ait amélioré son score, par rapport aux 72 siÚges qu'il détenait avant l'élection, il ne récolte que 29,6 % du vote populaire, moins que les 37,7 % que formaient les votes combinés obtenus par l'Alliance et les progressistes-conservateurs en 2000.

Stephen Harper lors de la campagne de 2004.

Le , Harper tient une rencontre privĂ©e Ă  MontrĂ©al avec Gilles Duceppe, du Bloc quĂ©bĂ©cois, et Jack Layton du NPD. Il les convainc de signer une lettre adressĂ©e Ă  la gouverneure gĂ©nĂ©rale du Canada, Adrienne Clarkson, dans laquelle ils rappellent qu'ensemble, ces trois partis possĂšdent la majoritĂ© et que, « en cas de dissolution de la Chambre, elle aurait la possibilitĂ©, en vertu de la Constitution, de consulter les chefs des partis de l'opposition et d'Ă©tudier toutes les options avant de dĂ©clencher un scrutin[45]». Le mĂȘme jour, ils tiennent une confĂ©rence de presse conjointe au cours de laquelle ils expriment leur volontĂ© de modifier le fonctionnement du Parlement, de façon qu'il joue un rĂŽle plus important dans les dĂ©cisions politiques, en exigeant que les partis d'opposition soient Ă©galement reprĂ©sentĂ©s en tant que prĂ©sident ou vice-prĂ©sident dans chacun des comitĂ©s[46]. Ce projet de coalition reviendra hanter Harper en .

En mĂȘme temps qu'il s'assure la bienveillance de ces chefs de parti et qu'il concentre les attaques contre Paul Martin en revenant constamment sur le scandale des commandites, il fait des ouvertures au QuĂ©bec. Contrairement Ă  son opposition antĂ©rieure Ă  la reconnaissance du caractĂšre distinct du QuĂ©bec et Ă  son insistance sur un traitement Ă©gal de toutes les provinces, il appuie dĂšs lors le principe d'un « fĂ©dĂ©ralisme asymĂ©trique » et signale de façon positive la contribution du QuĂ©bec Ă  la confĂ©dĂ©ration canadienne[47]. Il multiplie les visites au QuĂ©bec et se prĂ©sente dĂ©sormais comme partisan d'un « fĂ©dĂ©ralisme d'ouverture[48]. De plus, afin d'amĂ©liorer son image dans cette province, le Parti conservateur dĂ©cide de tenir son premier congrĂšs Ă  MontrĂ©al, du 17 au , en prenant soin d'adopter des positions plus modĂ©rĂ©es. À cette fin, il supprime de sa plate-forme l'opposition Ă  l'avortement et au bilinguisme. L'opposition au mariage entre personnes de mĂȘme sexe est maintenue avec un vote de trois dĂ©lĂ©guĂ©s sur quatre. Pour Ă©viter une rĂ©volte de la base, le caucus conservateur approuve une motion affirmant le droit des dĂ©putĂ©s de voter selon leur conscience sur l'avortement, la dĂ©finition du mariage et l'euthanasie[49]. Harper reçoit un vote de confiance de 84 % des dĂ©lĂ©guĂ©s.

En , Ă  la suite du tĂ©moignage de Jean Brault devant la Commission Gomery, dĂ©voilant des versements illĂ©gaux dans le scandale des commandites, plusieurs sondages placent les conservateurs bien en avance des libĂ©raux. Devant l'Ă©croulement du soutien au gouvernement et les controversĂ©s amendements budgĂ©taires proposĂ©s par le NPD, le parti conservateur fait pression sur Harper pour qu'il fasse tomber le gouvernement. En mai, celui-ci annonce que le gouvernement n'a plus « l'autoritĂ© morale pour gouverner » et il s'engage Ă  le faire tomber dĂšs que possible. Le Bloc quĂ©bĂ©cois appuie cette position, tandis que le NPD donne son appui au gouvernement en Ă©change d'amendements au budget, qui remplaceraient les rĂ©ductions de taxe aux entreprises par des dĂ©penses nouvelles en programmes sociaux. L'influente dĂ©putĂ©e conservatrice Belinda Stronach quitte le caucus conservateur pour passer au Parti libĂ©ral. Le vote du sur la deuxiĂšme lecture du budget passe avec l'appui des conservateurs ; toutefois, le projet de loi sur les amendements budgĂ©taires du NPD reçoit 152 votes pour (libĂ©raux, nĂ©o-dĂ©mocrates et deux dĂ©putĂ©s indĂ©pendants, dont Chuck Cadman) et 152 votes contre (conservateurs, bloquistes et un indĂ©pendant). Selon la tradition parlementaire, lorsqu'il y a Ă©galitĂ© des voix, le prĂ©sident de la Chambre des communes doit voter pour trancher la question ; Peter Milliken vote en faveur des libĂ©raux. Harper est sĂ©vĂšrement critiquĂ© pour son Ă©chec. Il est aussi critiquĂ© pour son appui au dĂ©putĂ© conservateur Grumant Grewal, qui avait produit des cassettes contenant des enregistrements de conversations entre lui et Tim Murphy, chef du bureau du premier ministre, dans lesquels Grewal prĂ©tendait que Murphy lui avait offert un poste en Ă©change de sa dĂ©fection; il est apparu par la suite que les enregistrements avaient Ă©tĂ© truquĂ©s. Plusieurs annĂ©es aprĂšs ce vote, des rumeurs veulent que deux hauts responsables du Parti conservateur aient approchĂ© le dĂ©putĂ© indĂ©pendant Chuck Cadman, qui souffrait d'un cancer en phase terminale, et lui auraient offert une police d'assurance-vie de un million de dollars en Ă©change de son vote pour faire tomber le gouvernement. Si l'histoire Ă©tait avĂ©rĂ©e, cette dĂ©marche serait passible de poursuites criminelles. Lorsqu'il avait Ă©tĂ© interrogĂ© Ă  ce sujet en 2005 par le journaliste Tom Zytaruk, Stephen Harper, alors chef de l'opposition, avait rĂ©pondu « Je ne connais pas les dĂ©tails. Je sais qu'il y a eu des discussions », ajoutant que « l'offre faite Ă  Chuck visait seulement Ă  le compenser au cas oĂč il perdrait son poste Ă  la suite d'une Ă©lection[50] ». La GRC a conclu Ă  la suite de son enquĂȘte qu'il n'y avait pas matiĂšre Ă  poursuite. Harper nie toute implication et entame une poursuite de 3,5 millions de dollars contre le Parti libĂ©ral du Canada pour avoir reproduit sur son site web des affirmations de type diffamatoire[51]. L'expert qui a examinĂ© l'enregistrement contenant les propos de Harper conclut que la cassette n'avait pas Ă©tĂ© altĂ©rĂ©e[52].

Par ses mesures progressistes, Paul Martin contribue Ă  fournir des armes Ă  son adversaire. Il s'aliĂšne une partie de l'Ă©lectorat en instaurant un programme national de garderie. Cette mesure est dĂ©criĂ©e par les conservateurs fiscaux qui la considĂšrent comme coĂ»teuse, tandis que les socio-conservateurs dĂ©noncent l'intervention de l'État dans un domaine qu'ils confient plus volontiers Ă  la mĂšre au foyer. Harper promet de remplacer cette mesure par une allocation mensuelle de 100 $ par enfant de moins de 6 ans[53]. Surtout, la lĂ©galisation du mariage entre personnes du mĂȘme sexe, le , galvanise la droite socio-conservatrice d'une façon inouĂŻe, incitant mĂȘme des tĂ©lĂ©vangĂ©listes vedettes amĂ©ricains Ă  tourner leur attention vers le Canada[54].

Le soutien au Parti libĂ©ral continue aussi Ă  s'Ă©roder Ă  la suite de nouvelles rĂ©vĂ©lations en provenance de la Commission Gomery. Le , Harper introduit une motion de non-confiance. Jack Layton propose une motion interdisant que des soins de santĂ© puissent ĂȘtre privatisĂ©s. Devant le refus du gouvernement, il propose une motion de non-confiance, qui est adoptĂ©e par un vote de 171 Ă  133. C'Ă©tait la premiĂšre fois qu'un gouvernement Ă©tait dĂ©fait au Canada sur une motion de non-confiance prĂ©sentĂ©e par l'opposition. En consĂ©quence, le Parlement a Ă©tĂ© dissous et une Ă©lection est convoquĂ©e pour le .

Élections fĂ©dĂ©rales de 2006

Stephen Harper, le soir de la victoire du 23 janvier 2006.

AprÚs une longue campagne, Harper remporte l'élection face au premier ministre sortant Paul Martin. Toutefois, la lutte est serrée avec les libéraux, particuliÚrement dans les grandes villes, et il devient chef d'un gouvernement minoritaire avec 124 siÚges contre 103 au PLC, 51 au Bloc et 29 au NPD.

Élections fĂ©dĂ©rales de 2008

La gouverneure générale Michaëlle Jean annonce la dissolution du Parlement le , à la demande du premier ministre Stephen Harper, alors chef d'un gouvernement minoritaire.

Les Ă©lections fĂ©dĂ©rales ont lieu le . Il s’agissait de la 40e Ă©lection fĂ©dĂ©rale canadienne. Les rĂ©sultats donnent de nouveau un gouvernement minoritaire, avec 143 siĂšges aux conservateurs de Stephen Harper, contre 77 au PLC de StĂ©phane Dion, 49 au Bloc quĂ©bĂ©cois de Gilles Duceppe, 37 au NPD de Jack Layton et 2 indĂ©pendants.

Élections fĂ©dĂ©rales de 2011

Le , le Parti libéral du Canada (PLC), accuse le gouvernement d'outrage au Parlement parce qu'il refuse de produire les documents sur les coûts qu'entraßneraient son projet de loi omnibus visant à augmenter le nombre de prisons, son programme d'achat d'avions militaires F-35 ainsi que les frais d'entretien qui en découleront, et les avantages fiscaux consentis aux entreprises[55]. La motion de censure présentée à la Chambre des communes est votée par les 156 députés de l'opposition, tandis que les 145 députés conservateurs votent contre[56], ce qui conduit à la chute du gouvernement et à la convocation d'une élection fédérale anticipée[57].

Lors de la campagne Ă©lectorale, il promet une baisse d’impĂŽts pour les entreprises, la suppression du financement public des partis politiques, des coupes dans les dĂ©penses sociales pour rĂ©duire le dĂ©ficit, l'assouplissement des restrictions sur les armes Ă  feux, ou encore un durcissement du Code criminel[58]. Il bĂ©nĂ©ficie de l'appui du maire conservateur de Toronto, Rob Ford, dont la popularitĂ© lui vaut de nombreux siĂšges dans cette grande rĂ©gion[59]. Au terme du scrutin, le Parti conservateur remporte, pour la premiĂšre fois depuis son accession au pouvoir, la majoritĂ© absolue Ă  la Chambre avec 166 dĂ©putĂ©s sur 308, tandis que l'opposition officielle passe du Parti libĂ©ral du Canada au Nouveau Parti dĂ©mocratique, qui franchit la barre des 100 siĂšges.

Élections fĂ©dĂ©rales de 2015

Le , le Parti conservateur perd les élections au profit du Parti libéral qui obtient une forte majorité. Stephen Harper démissionne en tant que chef de son parti, mais reste au Parlement du Canada comme député[60]. Il démissionne de son siÚge de député en 2016 et se retire de la vie politique, fondant Harper & Associates Consulting Inc., société de conseil.

Premier ministre du Canada (2006-2015)

Cabinets

En fĂ©vrier 2006, Stephen Harper forme le 28e conseil des ministres. Ce dernier compte 26 ministres, soit 11 de moins que dans le gouvernement prĂ©cĂ©dent de Paul Martin. Alors que la majoritĂ© des dĂ©putĂ©s conservateurs proviennent des provinces de l'Ouest, Harper choisit majoritairement des dĂ©putĂ©s de l'Ontario et du QuĂ©bec pour former son premier cabinet, dans l'intĂ©rĂȘt de prĂ©server un Ă©quilibre rĂ©gional. La nomination de David Emerson au Commerce international suscite une controverse en raison de sa dĂ©fection rĂ©cente comme dĂ©putĂ© du Parti libĂ©ral pour joindre les conservateurs. Le , le commissaire Ă  l'Ă©thique, Bernard Shapiro, lance une enquĂȘte prĂ©liminaire sur des allĂ©gations de conflit d'intĂ©rĂȘts portĂ©es contre Emerson et Harper. Quelques semaines plus tard, Shapiro exonĂšre Harper ainsi qu'Emerson de toute infraction Ă  la lettre du rĂšglement, mais estime que la dĂ©fection de ces dĂ©putĂ©s violait l'esprit du code d'Ă©thique, et il encourage le parlement Ă  modifier les lois et procĂ©dures sur les dĂ©fections. Une autre controverse porte sur la nomination de Michael Fortier, stratĂšge conservateur, comme ministre des Travaux publics ainsi que membre du SĂ©nat, alors que celui-ci n'avait mĂȘme pas Ă©tĂ© Ă©lu[61]. On questionne Ă©galement la nomination de Gordon O'Connor comme ministre de la DĂ©fense, alors qu'il avait fait carriĂšre comme lobbyiste pour d'importants fournisseurs de matĂ©riel militaire[62].

En , le Cabinet se compose de 38 ministres, dont 11 femmes. Le Canada se classe ainsi comme ayant le plus grand nombre de ministres parmi les pays développés[63].

En , le Cabinet compte 36 ministres. Il est remanié en profondeur le , le nombre de ministres étant alors porté à 38, dont 12 femmes au lieu de 10[64].

Protocole de Kyoto

Le Canada avait signĂ© le protocole de Kyoto en 1997 et l'avait ratifiĂ© en 2002, comme 182 autres pays, mais n'avait pris aucune mesure concrĂšte pour en atteindre les objectifs, se limitant Ă  Ă©duquer le public et Ă  promouvoir des rĂ©ductions volontaires. En consĂ©quence, au lieu de baisser, les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre (GES) avaient augmentĂ© de 25 % entre 1990 et 2005, alors que le PIB augmentait de 52 % durant la mĂȘme pĂ©riode[65]. Un plan d'action, toutefois, Ă©tait prĂȘt : « La loi fĂ©dĂ©rale de l'environnement avait Ă©tĂ© amendĂ©e pour inclure les GES dans la liste des contaminants, ce qui devait permettre au gouvernement d'Ă©dicter par rĂšglement les obligations de rapport et les modalitĂ©s de reconnaissance, d'achat et de vente des crĂ©dits d'Ă©missions[66]».

En arrivant au pouvoir, en , Stephen Harper, qui avait dénoncé le protocole comme « un complot socialiste visant à soutirer de l'argent aux pays développés[67]», critique fortement l'inaction du gouvernement libéral et promet de réduire les gaz à effet de serre de 65 % avant 2050[68]. Il commence toutefois par annuler les programmes d'action volontaire mis en place par le gouvernement précédent, dont le plus important était le Défi d'une tonne, qui avait pourtant été évalué favorablement par le MinistÚre de l'environnement en juillet 2006[69] et qui avait contribué à sensibiliser la population canadienne à l'importance d'une action en matiÚre environnementale.

Le , John Baird, ministre de l’environnement, prĂ©sente un plan d’action pour rĂ©duire les gaz Ă  effet de serre et la pollution atmosphĂ©rique. Ce plan impose des cibles obligatoires Ă  l’industrie, afin que les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre soient rĂ©duites de 20 % avant 2020, pour les Ă©tablir Ă  627 mĂ©gatonnes au lieu des 784 Ă©mises en 2006[66]. Il rĂ©glemente aussi la consommation de carburant des vĂ©hicules automobiles et des camions lĂ©gers Ă  compter de 2011, et renforce les normes d’efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique d’un certain nombre de produits consommateurs d’énergie, y compris les ampoules Ă©lectriques. Ce programme est sĂ©vĂšrement critiquĂ© par les mĂ©dias, qui en dĂ©noncent la duplicitĂ©, l'absence de sĂ©rieux sur le plan environnemental et un coup sĂ©vĂšre portĂ© « Ă  la rĂ©putation du Canada sur la scĂšne internationale[66]». Toutefois, dĂšs le printemps 2013, les constructeurs automobiles commencent Ă  diversifier leur offre de voitures Ă©lectriques en prĂ©vision des nouvelles normes qui seront mises en vigueur en 2017[70].

Au cours de la campagne Ă©lectorale de 2008, Stephen Harper promet de mettre en Ɠuvre une bourse du carbone, dont il vante les mĂ©rites par opposition Ă  la taxe carbone proposĂ©e par le candidat libĂ©ral StĂ©phane Dion[68] et qui avait Ă©tĂ© recommandĂ©e par la Table ronde nationale sur l'environnement et l'Ă©conomie[71]. En 2009, afin de minimiser l'impact environnemental de l'exploitation des sables bitumineux, le ministre va jusqu'Ă  exclure de son rapport officiel Ă  l'ONU des donnĂ©es qui indiquaient une augmentation annuelle de 20 % de la pollution atmosphĂ©rique due Ă  cette industrie[72]. Finalement Ă©lu Ă  la tĂȘte d'un gouvernement majoritaire en 2011, Stephen Harper annonce que le Canada se retire officiellement du Protocole[73]. L'idĂ©e mĂȘme d'une bourse du carbone est Ă©galement abandonnĂ©e[68].

Au sommet de Copenhague, en , le Canada annonce qu'il prendra dĂ©sormais comme base de calcul les Ă©missions de carbone de l'annĂ©e 2006 et prĂ©sente son plan de rĂ©duction de 17 % pour 2020[74]. En 2010, il annonce au sommet de Cancun que son gouvernement s’opposera Ă  tout nouveau programme de rĂ©duction des GES. En 2012, les scĂ©narios indiquent que ce modeste objectif ne sera pas atteint, et que les Ă©missions de GES, qui Ă©taient de 740 Mt en 2005 seront probablement de 720 Mt en 2020, soit une baisse de 3 %[75]. Le rapport soumis aux Nations unies en Ă©tablit les projections Ă  734 mĂ©gatonnes, ce qui est infĂ©rieur de 128 mĂ©gatonnes Ă  l'engagement pris Ă  Copenhague[76].

Le gouvernement Harper dĂ©fend son inaction en disant que toute rĂ©glementation des Ă©missions dans le secteur Ă©nergĂ©tique doit ĂȘtre prise de concert avec les États-Unis, afin d'Ă©viter que l'industrie pĂ©troliĂšre canadienne ne soit dĂ©savantagĂ©e par rapport Ă  celle de son voisin. Or, aucune initiative n'est prĂ©visible avant la prochaine Ă©lection prĂ©sidentielle de 2017[77].

Le Canada est absent du sommet international sur les changements climatiques rĂ©unissant plus d’une centaine de chefs d’État Ă  New York en [78] et refuse de dĂ©voiler pour le les plans de rĂ©duction des GES ainsi que l'ont fait nombre d'autres pays[79].

Stephen Harper a valorisé les sables bitumineux de l'Alberta.

Il lui fut aussi reprochĂ© d’affaiblir dĂ©libĂ©rĂ©ment les protections environnementales en vigueur afin de favoriser l’industrie, notamment miniĂšre[80].

Sables bitumineux

Stephen Harper justifie sa politique en disant que le Canada est devenu « une superpuissance Ă©nergĂ©tique Ă©mergente[81] ». En effet, l'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta a permis Ă  la production pĂ©troliĂšre canadienne de passer de 2 millions de barils par jour en 2002 Ă  3,5 millions en 2013[82], au point que, en 2013, le pĂ©trole compte pour 25 % des exportations canadiennes[82]. La production pourrait mĂȘme atteindre 5 millions de barils par jour en 2018[83].

Or, le processus d'extraction de ce pétrole est trÚs polluant, car il nécessite environ un baril de pétrole pour en produire deux[84], ce qui lui a valu le qualificatif de « sale » de la part de l'ancien vice-président américain Al Gore, qui reproche à l'industrie pétroliÚre de traiter l'atmosphÚre comme un égout à ciel ouvert[85]. Un chercheur de la NASA estime que les sables bitumineux contiennent à eux seuls le double de la totalité du dioxyde de carbone émis par l'usage du pétrole dans le monde depuis le début de la civilisation[86].

PlutÎt qu'un chiffre global d'émissions de GES, le gouvernement de Stephen Harper veut prendre comme base de calcul le facteur d'émission du processus d'extraction, qui mesure la quantité de carbone générée par la production d'un baril de pétrole. Selon certains calculs proposés par l'industrie, celui-ci ne serait que de 12 % supérieur à la moyenne des pétroles consommés en Europe, mais ce chiffre a été contesté et il pourrait en fait atteindre 37 %[87].

On a critiqué le faible taux d'investissement de l'industrie pétroliÚre en recherche et développement, mais la situation serait en train de changer[88], et de nouveaux procédés sont en cours d'expérimentation[89]. Ainsi, Suncor, une des pétroliÚres les plus importantes au Canada, déclarait dans son rapport de 2011 avoir réduit le facteur d'émission de 50 % depuis 1990[87], alors que la moyenne n'est que de 26 %[65]. Quant au total des émissions, il a augmenté de 300 % sur la période 1990-2009[72].

Lois sur l'Ă©valuation environnementale

Le , le gouvernement Harper introduit d'importantes modifications Ă  la Loi sur la protection des eaux navigables, dans un sens dĂ©jĂ  amorcĂ© par des amendements effectuĂ©s en mars 2009[90]. La nouvelle loi, qui s'intitule Loi sur la protection de la navigation soustrait 99,9 % des cours d’eau et 99,7 % des lacs Ă  la protection de la loi. Ne seront dĂ©sormais protĂ©gĂ©s que des portions de 62 cours d’eau et 97 lacs — dont 87 sont situĂ©s dans des circonscriptions conservatrices[91]. InspirĂ©e en partie par l'industrie des olĂ©oducs[92], cette loi vise Ă  rĂ©duire les dĂ©marches administratives et Ă  simplifier le processus d'Ă©valuation environnementale, tout comme le projet de loi C-38[93], dĂ©posĂ© au printemps 2012 et qui a Ă©tĂ© abondamment critiquĂ©[94]. Ces deux lois ont pour effet de donner carte blanche aux projets industriels, sans Ă©gard Ă  leur impact sur les lacs et les riviĂšres[90]. La loi C-38 est trĂšs mal accueillie par les groupes environnementaux[95] et par les juristes[94].

En , le gouvernement dĂ©voile un nouveau train de mesures qui rĂ©duit les audiences environnementales entourant le forage de nouveaux puits de pĂ©trole. Ceci s'applique au golfe du Saint-Laurent ainsi qu'Ă  la mer de Beaufort, oĂč les compagnies Imperial Oil, ExxonMobil et BP ont soumis des demandes de forage dans une zone de 100 km2 avec des profondeurs allant de 60 Ă  1 500 m[96].

Bilan environnemental

En , un rapport du commissaire Ă  l’environnement et au dĂ©veloppement durable du Canada, Neil Maxwell, « dĂ©plore avec insistance le manque de stratĂ©gies, de plans et de ressources requis pour maintenir et amĂ©liorer tout ce qui concerne le milieu naturel, de la biodiversitĂ© aux espĂšces menacĂ©es, en passant par les parcs nationaux[97] ». Lors de la discussion de ce rapport au Parlement, les dĂ©putĂ©s de l'Opposition dĂ©clarent que, outre le fait que « le Canada ne respecte pas ses engagements internationaux en vertu de la Convention sur la diversitĂ© biologique, le rapport rĂ©vĂšle en plus que les conservateurs ont rĂ©duit la capacitĂ© scientifique et ont nui Ă  la capacitĂ© d’Environnement Canada Ă  mettre en Ɠuvre des plans de gestion adĂ©quats[97] ». Le rapport de 2014 est aussi extrĂȘmement critique de l'inaction gouvernementale en matiĂšre de sables bitumineux, de sĂ©curitĂ© de la navigation dans l'Arctique et d'Ă©valuation environnementale de projets industriels majeurs[98].

Dans un jugement rendu en , un juge de la Cour fédérale considÚre que le gouvernement a manqué à ses obligations légales de protection de quatre espÚces en danger : l'esturgeon blanc, la baleine à bosse, le guillemot marbré et le caribou[99]. En , le gouvernement élimine un projet de protection marine dans l'estuaire du Saint-Laurent. Cette décision, que certains jugent incompréhensible, éliminerait un important obstacle à l'établissement d'un port pétrolier à Cacouna[100].

Dans son rapport de 2013 Ă©valuant les progrĂšs rĂ©alisĂ©s par les 27 pays les plus industrialisĂ©s de l'OCDE, le Center for Global Development accorde au Canada la 27e position en matiĂšre de protection environnementale, notant que le Canada est le seul pays dont le score en la matiĂšre ait baissĂ© depuis le dĂ©but de ce genre d'Ă©tude en 2003. Ce rĂ©sultat est dĂ» au retrait du protocole de Kyoto, au fait que le Canada est un des plus grands Ă©metteurs de GES per capita et que la faible taxation des produits pĂ©troliers n'encourage pas la conservation[101]. La France fait pression sur le Canada en vue d'obtenir son appui pour la confĂ©rence de Paris en 2015, oĂč doit ĂȘtre renĂ©gociĂ© le protocole de Kyoto[102].

Selon Steven Guilbeault du groupe Equiterre, « Le Canada est l’un des pays industrialisĂ©s au monde qui a le pire bilan en matiĂšre de lutte aux changements climatiques[103] ».

Pour tenter de museler les groupes environnementaux, l'Agence du Revenu du Canada a entrepris en 2013 de vĂ©rifier les livres d'une sĂ©rie de groupes environnementaux critiques de la politique gouvernementale, notamment Équiterre, Fondation Pembina, Environmental Defence, Ecology Action Center, West Coast Environmental Law, Tides Canada et la Fondation David Suzuki[104].

Politique énergétique

DĂšs le dĂ©but de son mandat, le gouvernement Harper a appuyĂ© sans rĂ©serve le dĂ©veloppement des sables bitumineux de l'Athabasca, en en minimisant systĂ©matiquement les effets nĂ©gatifs sur l'environnement. À la fin de 2013, la nation indienne des Chipewyan conteste en justice la mine ouverte par Shell connue sous le nom de Jackpine extension, prĂšs de Fort McMurray. Cette action obtient une forte rĂ©sonance mĂ©diatique grĂące Ă  l'appui du chanteur Neil Young qui fait une tournĂ©e sur le sujet en Ă  travers le Canada[105].

Keystone XL

En 2012, l'industrie du gaz et du pĂ©trole reprĂ©sentait environ 8 % du produit intĂ©rieur brut (PIB) canadien, soit moins que l'industrie manufacturiĂšre, et les sables bitumineux de l'Alberta comptaient pour environ 60 % des revenus pĂ©troliers[106]. Or, l'Alberta Ă©tant enclavĂ© dans le continent, son pĂ©trole ne peut atteindre les marchĂ©s extĂ©rieurs qu'en traversant des territoires placĂ©s sous d'autres juridictions. Jusqu'ici le pĂ©trole est principalement vendu aux États-Unis, oĂč il est raffinĂ©, comptant pour 28 % des importations pĂ©troliĂšres du pays[107]. Il y est acheminĂ© au moyen du Keystone Pipeline. Ce dernier Ă©tant proche du point de saturation, les producteurs ont besoin d'un nouvel olĂ©oduc, le Keystone XL, qui porterait la capacitĂ© de 591 000 Ă  1 100 000 barils par jour. Or, le projet a Ă©tĂ© dĂ©noncĂ© par James Hansen de la NASA[108] et de nombreux groupes environnementaux, si bien que son adoption — que Harper avait dĂ©clarĂ©e comme Ă©tant quasi chose faite en 2011[109]— attend toujours l'accord du prĂ©sident Obama en . Selon plusieurs observateurs, le gouvernement conservateur paie le prix de son manque de vision[110]. DĂšs 2008, en effet, « un conseiller Ă  l'Ă©nergie du candidat Obama avait soulignĂ© l'importance pour le Canada de rĂ©duire l'impact des sables bitumineux, sans quoi cette source pĂ©troliĂšre « ne cadrerait pas » avec les objectifs Ă  long terme du futur prĂ©sident[111]».

Le gouvernement Harper, qui s'est donnĂ© comme prioritĂ© Ă©conomique l'augmentation des exportations de pĂ©trole[82], n'Ă©pargne aucun effort pour obtenir l'accord amĂ©ricain. Au printemps 2013, les visites de ministres Ă  Washington se multiplient et le gouvernement fĂ©dĂ©ral augmente considĂ©rablement le budget de publicitĂ© visant Ă  promouvoir Keystone[112]. Stephen Harper lui-mĂȘme s'est rendu Ă  New York pour vanter l'aspect positif du projet sur le plan environnemental : « La seule question environnementale en cause ici est si nous voulons augmenter le flux de pĂ©trole provenant du Canada par olĂ©oduc ou par rail[113]», le transport par rail Ă©tant moins sĂ©curitaire et plus polluant. En , il aurait proposĂ© au prĂ©sident Obama de mettre en place un plan conjoint de lutte contre les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre dans le secteur pĂ©trolier et du gaz naturel[114].

Pour sa part, le gouvernement de l'Alberta resserre les contrĂŽles environnementaux afin de se donner une meilleure crĂ©dibilitĂ© auprĂšs de l'administration Obama[115]. Les questions environnementales se sont ainsi, au fil des ans, rĂ©vĂ©lĂ©es incontournables pour l'exportation du pĂ©trole. En 2011, le ministre de l'environnement, Peter Kent, vantait le pĂ©trole canadien comme Ă©tant un « pĂ©trole Ă©thique », parce qu'il provient d'un pays qui protĂšge les droits des femmes et qui ne se livre pas Ă  des actes de terrorisme. Cette tentative de blanchir les sables bitumineux a Ă©tĂ© dĂ©noncĂ©e par des groupes environnementaux[68] - [116]. Dans un autre effort d'innovation linguistique[117], le gouvernement Harper est allĂ© jusqu'Ă  qualifier les sables bitumineux d’« Ă©nergie renouvelable »[118].

Harper voulait favoriser l'olĂ©oduc Énergie Est.

Devant la possibilitĂ© d'un refus amĂ©ricain, les producteurs cherchent aussi Ă  accĂ©der au marchĂ© chinois, en traversant la Colombie-Britannique par le Northern Gateway, ce qui suscite une vive opposition des milieux environnementaux. On envisage Ă©galement d'acheminer le pĂ©trole par l'olĂ©oduc Énergie Est, dĂ©voilĂ© en par TransCanada, afin d'alimenter le QuĂ©bec et l'Est du Canada ainsi que les États amĂ©ricains voisins et le marchĂ© international[87]. Au printemps 2013, on Ă©tudie mĂȘme un projet d'acheminement vers le nord, par la vallĂ©e du Mackenzie jusqu'Ă  la mer de Beaufort[119].

Pour faciliter et accĂ©lĂ©rer l'adoption de ces diverses routes, le gouvernement conservateur tente de discrĂ©diter les groupes environnementaux qui s'opposent au projet en les dĂ©crivant comme des « radicaux », « financĂ©s par des groupes de pression Ă©trangers[68]», Ă©tant donnĂ© que certains d'entre eux reçoivent des subventions de fondations amĂ©ricaines opposĂ©es Ă  l'exploitation des sables bitumineux[120]— tout en omettant de dire que le Fraser Institute, qui dĂ©fend les politiques conservatrices[121], est lui-mĂȘme financĂ© par le groupe pĂ©trolier amĂ©ricain Koch Industries[122]. En 2012, le gouvernement modifie le processus d'Ă©valuation environnementale et impose de sĂ©vĂšres restrictions Ă  la participation aux audiences publiques[123], mais celles-ci sont contestĂ©es en devant la Cour supĂ©rieure de l'Ontario au nom de la Charte canadienne des droits et libertĂ©s[124].

Pétrole « sale » et marché européen

Le gouvernement Harper fait des pressions diplomatiques depuis 2010 pour éviter que l'Union européenne catégorise officiellement le pétrole des sables bitumineux comme « sale »[125]. En , le ministre Joe Oliver fait une tournée de promotion de ce pétrole en Europe[126] et menace de poursuivre l'Union européenne devant l'OMC si le pétrole canadien était effectivement banni en raison de son intensité carbonique[127]. Cette menace n'a pas eu l'effet escompté[128]. Devant l'approche d'une décision européenne négative, le Canada repart à l'offensive en avec la publication d'un rapport selon lequel le pétrole des sables bitumineux ne serait pas plus sale que certains pétroles provenant du Venezuela, d'Irak, du Nigeria et de Russie[129].

Politiques sociales

Les politiques sociales sont fortement influencĂ©es par les groupes de pression religieux. En accord avec son Ă©glise, l'Alliance chrĂ©tienne et missionnaire, Harper estime que « les programmes sociaux doivent ĂȘtre fournis par des communautĂ©s religieuses et non par l'État[130] ». Les Ă©coles confessionnelles privĂ©es reçoivent 26 millions de dollars en subventions[131].

Abolition du programme de garderies

DĂšs son premier budget, dĂ©posĂ© en , il abroge le programme national de garderies que venait d'instaurer Paul Martin et le remplace par une allocation de 1 200 $ par an par enfant de moins de 6 ans[132]. Depuis sa mise en place, ce programme a coĂ»tĂ© 17,5 milliards de dollars en sept ans — une somme qui aurait permis de financer 700 000 places de garderie par an[133].

Condition féminine et avortement

En 2009, le projet de loi C-10 retire aux fonctionnaires le droit de s'adresser Ă  la Commission canadienne des droits de la personne pour trancher des cas de disparitĂ© salariale entre hommes et femmes[134]. En 2012, le gouvernement rĂ©duit de 40 % le budget de Condition fĂ©minine Canada, forçant cette agence gouvernementale Ă  fermer 12 de ses 16 bureaux rĂ©gionaux et Ă  mettre de cĂŽtĂ© son mandat de lutte pour l'Ă©galitĂ©[130]. Peu aprĂšs, il coupe le financement de l’Association nationale Femmes et Droit et celui de l’Institut canadien de recherches sur les femmes[135].

Tout en appuyant la résolution 2106 des Nations unies sur la Paix et la sécurité des femmes adoptée le [136], le gouvernement annonce qu'il ne financera pas de procédures d'avortement pour les victimes de viol dans un pays en guerre[137].

Abolition du programme de contestation judiciaire

Il abolit, en 2006, le Programme de contestation judiciaire, qui avait permis à des minorités de faire redresser des injustices en invoquant la Charte des droits et libertés[138]. Ce programme est remplacé, en 2008, par le Programme d'appui aux droits linguistiques, dont la portée est restreinte au droit à l'emploi des langues officielles[139].

Lutte contre la pauvreté

Sur le plan de la lutte contre la pauvretĂ©, Harper se dĂ©marque des politiques suivies par les prĂ©cĂ©dents gouvernements. Lors d'une entrevue Ă  CBC, le , alors que la journaliste lui demandait comment donner suite Ă  l'engagement que le Canada avait pris devant les Nations unies, en 1989, d'Ă©liminer la pauvretĂ© chez les enfants avant l'an 2000, il avait rĂ©pondu : « Eh bien, je pense que la rĂ©solution de 1989 dont vous parlez reprĂ©sente probablement un sommet de stupiditĂ© politique dans ce pays. On avait alors le sentiment qu'il suffisait que le Parlement du Canada dĂ©clare illĂ©gale la pauvretĂ© chez les enfants et qu'on jette assez d'argent pour y arriver. Je pense que les contribuables trouvent que nous jetons beaucoup d'argent dans les programmes sociaux[140]. ». En 2010, un changement Ă  la loi sur le recensement lui permettra d'Ă©liminer du dĂ©bat public des statistiques gĂȘnantes sur la question (voir ci-dessous Statistiques et recensement)[141].

Le budget 2012 Ă©limine le Conseil national du bien-ĂȘtre social, crĂ©Ă© en 1969 pour conseiller le ministĂšre des ressources humaines au sujet de la pauvretĂ©. Le dernier rapport de cet organisme proposait un plan pour permettre Ă  des millions de Canadiens de sortir de la pauvretĂ©[142].

Refus de réformer le régime de pensions du Canada

En , le gouvernement rejette une demande de la premiĂšre ministre de l'Ontario, Kathleen Wynne, visant Ă  une rĂ©forme en profondeur du rĂ©gime de pensions du Canada. Celle-ci estime que « les gouvernements ont le devoir de s'assurer que les futurs retraitĂ©s disposent d'un revenu dĂ©cent, grĂące Ă  un systĂšme «fiable» et «responsable»[143]. » Le montant de la pension pourrait ĂȘtre augmentĂ© grĂące Ă  une augmentation des cotisations, mais Harper refuse une telle Ă©ventualitĂ© en la dĂ©clarant inopportune[144] et, surtout, contraire Ă  son idĂ©ologie selon laquelle un rĂ©gime de retraite relĂšve d'une responsabilitĂ© personnelle et ne devrait pas ĂȘtre gĂ©rĂ© par l'État[145]. Cette position est critiquĂ©e comme Ă©tant Ă  courte vue et insoutenable Ă  long terme[146]. Par la suite, Harper refuse d'aider l'Ontario Ă  bonifier son rĂ©gime de pension, ce qui crĂ©e des tensions avec la premiĂšre ministre de cette province, Kathleen Wynne[147].

Retrait des subventions au logement abordable

Le gouvernement a annoncĂ© le retrait progressif de tout financement au logement social. « L'aide fĂ©dĂ©rale aux logements abordables Ă©tait de 3,6 milliards de dollars en 2010. Elle a chutĂ© Ă  environ 2,0 milliards aujourd'hui et ce n'est pas fini, elle descendra jusqu'Ă  1,8 milliard en 2016. Il s'agit lĂ  d'une compression de 52 % en six ans et ce, dans un contexte oĂč la demande pour les logements sociaux est en hausse[148]. » Le retrait, qui se fera au fur et Ă  mesure de l'expiration des contrats d'exploitation et d'engagement hypothĂ©caire, sera total en 2030. Environ 200 000 mĂ©nages Ă  faible revenu habitent dans des logements coopĂ©ratifs et sans but lucratif.

Embauche de travailleurs Ă©trangers

DĂšs son arrivĂ©e au pouvoir, le gouvernement Harper facilite l'embauche de travailleurs temporaires Ă©trangers. Alors que ceux-ci Ă©taient environ 100 000 en , ils se chiffraient Ă  plus de 250 000 en 2008 et Ă  500 000 en 2012. Le Canada est ainsi devenu un pays de travailleurs temporaires plutĂŽt que d'immigrants[149].

En , le ministre de l'immigration Jason Kenney assouplit encore le programme, en permettant de payer les travailleurs temporaires jusqu'Ă  15 % de moins que le salaire en vigueur[150]. Cet afflux de travailleurs avec peu de droits lĂ©gaux et payĂ©s en dessous du salaire minimum a un effet nĂ©gatif sur le revenu des classes moyennes et le mouvement syndical[151]. En , des travailleurs canadiens remplacĂ©s par des travailleurs temporaires alertent l'opinion sur les effets de ce programme[152]. À la fin de 2013, sous la pression du public, le gouvernement rĂ©vise les rĂšgles et prĂ©cise que les travailleurs temporaires doivent ĂȘtre payĂ©s au mĂȘme salaire que les Canadiens[153] - [154]. MalgrĂ© cela, le programme produit surtout des effets nĂ©gatifs, servant d'excuse aux employeurs pour recruter des milliers de travailleurs au salaire minimum[155] ou pour Ă©viter des coĂ»ts de formation[156]. On craint aussi une augmentation d'immigrants illĂ©gaux lorsque les premiers permis de quatre ans, accordĂ©s en 2011, arriveront Ă  expiration en [157].

Attaques contre les syndicats

Une mesure contenue dans le projet de loi C-4 déposé en prévoit donner au ministre le droit exclusif de déterminer les services, agences ou activités du gouvernement qui sont un service essentiel et interdits de droit de grÚve, alors que cela relevait auparavant de l'arbitrage[158].

Au congrĂšs conservateur de l'automne 2013, les dĂ©lĂ©guĂ©s s'attaquent Ă  la formule Rand, en vertu de laquelle tous les employĂ©s d'une mĂȘme organisation sont tenus de payer la cotisation syndicale dĂšs lors qu'un syndicat y est lĂ©galement constituĂ©. L'abolition de la formule Rand aurait pour effet d'affaiblir les syndicats, Ă  un moment oĂč ceux-ci sont dĂ©jĂ  sous pression en raison de l'afflux de travailleurs temporaires[159]. Les syndicats pourraient Ă©galement ĂȘtre affaiblis par l'adoption Ă©ventuelle du projet de loi C-377, qui obligerait Ă  divulguer toute leur stratĂ©gie de relations de travail, en exigeant d'eux des rapports extrĂȘmement dĂ©taillĂ©s des activitĂ©s effectuĂ©es par les responsables syndicaux, alors que de telles informations ne sont pas exigĂ©es de la part des employeurs, des associations patronales ni des ordres professionnels[160]. En outre, le projet de loi C-525 modifierait les rĂšgles de formation d'un syndicat, de telle sorte qu'il serait extrĂȘmement difficile d'en crĂ©er un nouveau ou de mener des nĂ©gociations Ă  terme[161].

RĂ©forme de l'assurance-emploi

La rĂ©forme de l'assurance-emploi introduite dans le projet de loi omnibus C-38 adoptĂ© en est entrĂ©e en vigueur le . L'objectif officiel est de faciliter le retour au travail des chĂŽmeurs en les aidant Ă  trouver un emploi[162]. La loi distingue entre trois catĂ©gories de prestataires: travailleur de longue date, prestataire frĂ©quent et prestataire occasionnel. Pour chacune de ces catĂ©gories, la loi prĂ©cise le nombre de semaines aprĂšs lesquelles le prestataire doit chercher un emploi dans son domaine de qualification ou dans un domaine pour lequel il a des compĂ©tences, tout en acceptant une baisse de salaire qui peut ĂȘtre de 10 %, 20 % ou 30 % de son salaire antĂ©rieur[162].

Cette rĂ©forme affecte surtout les rĂ©gions du pays oĂč l'Ă©conomie repose principalement sur des emplois saisonniers, comme la pĂȘche, car celles-ci pourraient voir leur population active Ă©migrer massivement[163]. Fortement contestĂ©e par de nombreux groupes, elle a crĂ©Ă© une « rare unanimitĂ© entre patrons, syndicats et groupes sociaux »[164]. Au QuĂ©bec, une commission d'enquĂȘte prĂ©sidĂ©e par Gilles Duceppe a entendu 60 mĂ©moires sur la question, dont la plupart dĂ©noncent les impacts nĂ©gatifs de cette rĂ©forme sur les industries des « jardiniers maraĂźchers, de la construction, du secteur forestier, du secteur touristique, de la restauration et de l’enseignement[165]». Comme le signale l'Union des producteurs agricoles, cette rĂ©forme risque de faire disparaĂźtre les travailleurs temporaires dans un secteur qui en a absolument besoin[166].

La rĂ©forme a Ă©galement Ă©tĂ© critiquĂ©e en raison des quotas de prestations que les fonctionnaires doivent parvenir Ă  rĂ©cupĂ©rer, qui sont de 485 000 $ par an par fonctionnaire. La ministre Diane Finley a niĂ© l'existence de ces quotas en Chambre des communes[167]. La fonctionnaire qui a rĂ©vĂ©lĂ© l'existence de ces quotas a Ă©tĂ© licenciĂ©e[168].

Tribunal de la sécurité sociale

Le gouvernement a crĂ©Ă© le Tribunal de la sĂ©curitĂ© sociale (TSS), qui est entrĂ© en vigueur le . Cet organisme a pour fonction d'entendre les appels en cas de dĂ©ni de prestation, mais seulement aprĂšs une deuxiĂšme analyse du dossier par la Commission de l’assurance-emploi. En huit mois d'activitĂ©, la TSS se signale par les dĂ©lais trĂšs longs de traitement des demandes, ce qui dĂ©courage la vaste majoritĂ© des ayants droit[169]. En outre, la dĂ©cision du TSS de ne pas rendre publiques toutes ses dĂ©cisions irrite le Barreau du QuĂ©bec, qui la juge « inĂ©quitable » et « inacceptable »[170].

Justice

Harper intervient dans le processus de nomination des juges Ă  la Cour suprĂȘme du Canada.

Cour suprĂȘme

Poursuivant une rĂ©forme du processus de nomination des juges dĂ©jĂ  adoptĂ©e par Paul Martin, le juge en nomination doit dĂ©sormais comparaĂźtre devant un comitĂ© spĂ©cial de 12 parlementaires. D'abord bien accueilli, ce processus est critiquĂ© en raison du caractĂšre anecdotique et futile des donnĂ©es rĂ©vĂ©lĂ©es lors de cette comparution, le comitĂ© n'ayant pas d'autre pouvoir que d'entĂ©riner la nomination. L'opacitĂ© du processus de sĂ©lection est vivement critiquĂ©e[171], ainsi que la prĂ©cipitation avec laquelle le gouvernement procĂšde Ă  cette comparution, ne laissant pas le temps aux parlementaires de s'informer sur les qualifications du candidat[172]. À la suite des rĂ©vĂ©lations, en , sur les pratiques biaisĂ©es du processus de sĂ©lection, le gouvernement du QuĂ©bec exige des changements[173].

La dĂ©claration de Harper, en , selon laquelle il veut nommer des juges qui respectent ses objectifs lĂ©gislatifs a semĂ© de l'inquiĂ©tude et Ă©tĂ© sĂ©vĂšrement critiquĂ©e[174]. Un Ă©ditorial du Globe and Mail voit dans cette dĂ©claration une volontĂ© de transformation idĂ©ologique de la Cour. Antonio Lamer, ancien juge de la Cour suprĂȘme, estime que Harper fait fausse route en ce qui concerne l'indĂ©pendance du systĂšme judiciaire[175]. En 2015, une Ă©tude rĂ©vĂšle que Harper a nommĂ© 600 des 840 juges dĂ©pendant de la magistrature fĂ©dĂ©rale[176].

Harper a fait sept nominations Ă  la Cour suprĂȘme du Canada[177] : Marshall Rothstein ( – )[178], Thomas Cromwell ( – ), Andromache Karakatsanis ( – ), Michael Moldaver (– ), Richard Wagner (– ), Marc Nadon ( -), ClĂ©ment Gascon[179], Russell Brown ( -)[180]

La nomination de Rothstein et de Moldaver, tous deux unilingues anglophones, a été critiquée au Québec[181] et Harper a reconnu plus tard que la nomination d'un juge unilingue était une erreur[182]. Quant à la nomination du Québécois Richard Wagner, elle a eu pour effet de réduire à trois le nombre de femmes siégeant au plus haut tribunal du pays[181].

Le , Harper annonce la nomination du conservateur Marc Nadon. DĂšs le , la lĂ©galitĂ© de cette nomination est contestĂ©e par l'avocat torontois Rocco Galati parce que Nadon, en tant que juge d'une cour fĂ©dĂ©rale, ne remplirait pas les conditions pour occuper un siĂšge rĂ©servĂ© Ă  un juge de la Cour supĂ©rieure ou de la Cour d'appel du QuĂ©bec[183] - [172] - [184]. Pour lĂ©galiser sa nomination du juge Nadon, le gouvernement avait modifiĂ© les critĂšres de sĂ©lection des juges quĂ©bĂ©cois Ă  la Cour suprĂȘme au moyen de deux amendements introduits dans son projet de loi C-4 Ă  l'automne 2013. Or, « Or, la Loi constitutionnelle de 1982 stipule qu’il faut l’accord des deux Chambres du Parlement et de toutes les provinces pour modifier, notamment, « la composition de la Cour suprĂȘme du Canada », ce qui inclut le nombre de juges et leurs qualifications[185]. » Le gouvernement quĂ©bĂ©cois invoque cette clause constitutionnelle pour invalider la nomination du juge Nadon. Le , la Cour suprĂȘme invalide la nomination du juge Nadon[186]. À la suite de ce jugement, Stephen Harper accuse la juge en chef de la Cour suprĂȘme Beverley McLachlin d'avoir interfĂ©rĂ© avec le processus de nomination —une accusation qui se rĂ©vĂšle sans fondement et dangereuse pour la dĂ©mocratie canadienne[187] - [188]. AprĂšs examen de l'affaire, l'Association internationale de justice demande Ă  Stephen Harper et Peter MacKay de prĂ©senter des excuses Ă  la juge en chef pour avoir mis en doute son intĂ©gritĂ©[189].

À la suite de la nomination de Russell Brown en remplacement du juge Rothstein, des critiques dĂ©plorent son unilinguisme[190] et se demandent s'il pourra siĂ©ger en toute impartialitĂ© compte tenu de ses prises de position publiques en faveur de Stephen Harper et de ses critiques envers la Cour suprĂȘme et Justin Trudeau[191]. Cette nomination n'est pas examinĂ©e par un comitĂ© parlementaire, contrairement Ă  l'engagement initial de Harper[192].

Code pénal et prisons

La loi C-10, sanctionnĂ©e en 2012, introduit de nombreuses modifications au code pĂ©nal. Son objectif est de punir plus sĂ©vĂšrement les coupables, au risque de rĂ©duire les possibilitĂ©s de rĂ©habilitation[193]. Elle allonge les peines en gĂ©nĂ©ral, impose des peines minimales pour certaines infractions criminelles, Ă©limine la mise en libertĂ© sous condition ainsi que le pardon, et restreint les possibilitĂ©s de libĂ©ration conditionnelle[194]. Cette loi fait suite Ă  une rĂ©forme du systĂšme correctionnel Ă©liminant les six fermes-prisons du pays, qui offraient un moyen de rĂ©habilitation et oĂč travaillaient, en 2009, 300 des 13 286 dĂ©tenus[195]. Ces changements Ă  la loi ont pour effet d'augmenter la population des prisons, qui est passĂ©e de 12 671 personnes en 2006 Ă  15 276 en , soit une augmentation de 20 %, alors mĂȘme que le taux de criminalitĂ© continuait Ă  baisser durant cette pĂ©riode[196]. Cette surpopulation entraĂźne des craintes pour la sĂ©curitĂ© du personnel et est Ă  l'origine d'une grĂšve sauvage des gardiens en Alberta au printemps 2013[197]. Le coĂ»t du systĂšme correctionnel fĂ©dĂ©ral est passĂ© de 1,6 milliard en 2005/06 Ă  3,1 milliards en 2013/14[198].

Si ces mesures ont Ă©tĂ© bien accueillies par les associations de victimes, elles ont Ă©tĂ© sĂ©vĂšrement critiquĂ©es par les mĂ©dias ainsi que par la majoritĂ© des juges et des avocats, qui y voient un recul important en matiĂšre de justice[199]. Un juge de la Cour de justice de l'Ontario rappelle que « si un systĂšme de punition rigoureux pouvait Ă  lui seul rendre une sociĂ©tĂ© plus sĂ»re, les États-Unis seraient l'endroit le plus sĂ»r de la planĂšte[200]». Un grand journal s'Ă©tonne que le Canada s'engage dans une voie que les États-Unis ont abandonnĂ©e, car « ces mesures coĂ»tent cher au contribuable, ne rĂ©duisent pas la rĂ©cidive, n'ont pas permis de gagner la guerre contre la drogue et ont dĂ©truit des communautĂ©s[196]».

En , la Cour suprĂȘme rejette comme inconstitutionnelle cette loi sur les peines minimales de prison. C'est le dixiĂšme revers juridique pour les mesures mises en place par Harper[201].

Registre des armes d'Ă©paule

En 2012, le gouvernement fait adopter un projet de loi abolissant le registre des armes de chasse[202]. Cette loi a pour effet, notamment, d'Ă©liminer l'obligation d'enregistrer les armes Ă  feu non prohibĂ©es et d'entraĂźner la destruction obligatoire de tous les dossiers et registres relatifs Ă  l'enregistrement de ces armes. Ce projet a suscitĂ© de vives rĂ©actions de la part du public. Divers groupes policiers ont exprimĂ© leur opposition, notamment la GRC et la FraternitĂ© des policiers de MontrĂ©al. L'opposition a Ă©tĂ© la plus vive au QuĂ©bec, au point que le gouvernement quĂ©bĂ©cois a demandĂ© la possibilitĂ© de maintenir les donnĂ©es le concernant. Devant le refus du gouvernement Harper, le QuĂ©bec est allĂ© devant les tribunaux. La Cour supĂ©rieure lui a donnĂ© gain de cause, mais la Cour d'appel a renversĂ© ce jugement le [203]. La Coalition pour le contrĂŽle des armes envisage de soumettre l'affaire Ă  la Cour suprĂȘme[204].

La destruction du registre dans les autres provinces du Canada aurait coĂ»tĂ© 1 000 000 $[205]. Dans le projet de loi sur le budget adoptĂ© en , le gouvernement introduit une clause lui permettant Ă  titre rĂ©troactif d'avoir effacĂ© les donnĂ©es du registre alors que celles-ci faisaient l'objet d'une demande d'accĂšs Ă  l'information. Les juristes signalent le dangereux prĂ©cĂ©dent, dans une dĂ©mocratie, que constitue une loi rĂ©troactive[206].

Suramende compensatoire

Le projet de loi C-37 ou Loi sur la responsabilisation des contrevenants Ă  l’égard des victimes, adoptĂ© le , prĂ©voit que toute personne comparaissant devant un tribunal pour une infraction est condamnĂ©e Ă  payer une « suramende compensatoire » Ă©quivalant Ă  30 % de l'amende prĂ©vue par la loi, ou, si aucune amende n'est prĂ©vue, une suramende de 100 $ en cas de dĂ©claration de culpabilitĂ© par procĂ©dure sommaire et de 200 $ en cas de mise en accusation[207]. Cette disposition, prĂ©sentĂ©e comme destinĂ©e Ă  financer un fonds pour les victimes d'actes criminels, est fort mal accueillie par les juges et a pour effet d'aggraver les tensions entre le milieu judiciaire et le gouvernement conservateur[208] - [209].

Projet de loi sur la cyberintimidation

En , le gouvernement dépose le projet de loi C-13[210], censé lutter contre la cyberintimidation, mais qui vise en fait à réintroduire des mesures de surveillance de l'Internet comme tente de le faire le gouvernement depuis 2007[211]. Le projet facilite l'accÚs aux métadonnées et inquiÚte par l'ampleur des pouvoirs accordés à la police et des actions qui seraient criminalisées[212]. Il est vu comme une sérieuse menace à la vie privée[213]. Comme le souligne une organisation de défense des libertés civiles, ce projet contient « 2,5 pages sur la cyberintimidation et 65 pages sur l'espionnage en ligne[214]. »

En , ce projet est aussi sĂ©vĂšrement critiquĂ© par Daniel Therrien, qui venait d'ĂȘtre nommĂ© commissaire Ă  la protection de la vie privĂ©e. Celui-ci considĂšre en effet que le projet de loi donne « carte blanche aux entreprises pour divulguer les informations personnelles de leurs clients Ă  n’importe quel employĂ© de l’État dans n’importe quelle circonstance » et Ă©largit considĂ©rablement les catĂ©gories de personnels ayant accĂšs Ă  ces informations[215]. Le rejet de ces critiques par le comitĂ© parlementaire inquiĂšte un juriste expert en droits numĂ©riques[216].

Projet de loi C-51 sur la sécurité

En , le gouvernement Harper dĂ©pose un projet de loi visant Ă  lutter contre le terrorisme, particuliĂšrement le djihadisme[217]. Celui-ci donnerait davantage de pouvoirs Ă  la GRC et au Service canadien du renseignement de sĂ©curitĂ© (SCRS). Plusieurs dispositions sont vivement critiquĂ©es en raison des atteintes qu'elles font aux libertĂ©s individuelles[218] et parce qu'elles confĂšrent des pouvoirs policiers Ă  un service d'espionnage, sans supervision adĂ©quate[219]. La notion de « terrorisme » telle que dĂ©finie dans le projet de loi est extrĂȘmement large et couvre toute « activitĂ© portant atteinte Ă  la souverainetĂ©, Ă  la sĂ©curitĂ© ou Ă  l’intĂ©gritĂ© territoriale du Canada » ou susceptible d'« entraver le fonctionnement d’infrastructures essentielles »[217]. Une telle dĂ©finition permettrait au SCRS d'espionner un parti politique luttant pour la souverainetĂ© du QuĂ©bec, une bande indienne bloquant une voie ferrĂ©e ou un groupe environnemental opposĂ© Ă  la construction d'un olĂ©oduc[220] - [221]. En outre, le projet de loi ne prĂ©voit pas de mĂ©canisme assurant la coopĂ©ration et le partage d'informations entre la GRC et le SCRS, ce qui est une sĂ©rieuse lacune selon le juge qui a enquĂȘtĂ© sur l'explosion de l'avion Air India en 1985[222].

Devant l'opposition grandissante à son projet de loi, le gouvernement accepte de tenir des audiences entre le 9 et le . Les cinquante déposants invités à témoigner devant le comité parlementaire représentent une grande variété de points de vue, mais n'incluent pas les anciens premiers ministres Clark, Turner, Chrétien et Martin, qui avaient publié un avis trÚs critique sur ce projet de loi[223]. Au terme des audiences, les amendements adoptés sont négligeables et le comportement du gouvernement est jugé peu conforme aux normes démocratiques[224] - [225] - [226]

Baisse des taxes et de l'impÎt des sociétés

Dans sa plateforme électorale de 2006, Stephen Harper promet une réduction de la TPS. Une premiÚre réduction de 7 % à 6 % est présentée dans le budget déposé le par le ministre des Finances Jim Flaherty et devient effective le . On estime qu'elle coûte environ 4,5 milliards de dollars par an au gouvernement[227]. Une deuxiÚme réduction est effectuée le , portant la taxe à 5 %.

Le taux fĂ©dĂ©ral d’imposition des profits des sociĂ©tĂ©s a Ă©tĂ© rĂ©duit de 22 % en 2007 Ă  19 % en 2009, puis Ă  16,5 % en 2010 et Ă  15 % en 2013. Ce taux, qui Ă©tait de 36 % en 1992, est maintenant l’un des plus faibles des pays du G7. Une baisse de 1,5 % entraĂźne une rĂ©duction des recettes de 7,5 milliards de dollars par an[228]. Le Nouveau Parti dĂ©mocratique (NPD) s'est engagĂ© Ă  renverser ces baisses et Ă  ramener le taux Ă  19,5 %. À ce taux s'ajoute la taxe provinciale, qui varie selon les provinces, allant de 16 % en Nouvelle-Écosse Ă  10 % en Alberta, ce qui donne, pour cette derniĂšre, un taux combinĂ© d'imposition de 25 %[229]. À titre de comparaison, le taux combinĂ© moyen d'Imposition sur les sociĂ©tĂ©s est de 39,1 % aux États-Unis[230]. Quant au taux d'imposition des petites entreprises au Canada, il est passĂ© de 12 % Ă  11 %.

Alors que la plupart des pays de l'OCDE prenaient, en , des mesures concertées pour éviter que les multinationales n'échappent à l'impÎt grùce à des montages financiers dans des paradis fiscaux, le Canada évitait de s'engager dans cette voie[231].

Évolution du PIB

Entre 2006 et 2011, le PIB du Canada est passĂ© de 1533 Ă  1620 milliards, soit une augmentation de 5,6 % ; Ă  titre de comparaison, il Ă©tait passĂ©, entre 2000 et 2005, de 1321 Ă  1495 milliards, soit une augmentation de 13 %[232]. Le Canada a donc Ă©prouvĂ© l'impact de la crise financiĂšre de 2008, mais grĂące Ă  ses institutions bancaires et Ă  la bonne santĂ© de ses finances, hĂ©ritĂ©e du gouvernement antĂ©rieur, il s'en est mieux tirĂ© que les autres pays dĂ©veloppĂ©s, Ă  l'exception de l'Australie[233]; il a mĂȘme Ă©tĂ© qualifiĂ© d'« Ă©toile Ă©conomique » par The Economist en 2010[234]. Cela est dĂ» principalement au Plan d'action Ă©conomique dĂ©posĂ© par Jim Flaherty en . Ce programme, de nature typiquement keynesienne et qui rĂ©pondait en fait aux demandes des partis d'opposition, a injectĂ© au total un montant de 47 milliards de dollars en projets d'infrastructure, entre 2009 et 2010, soit environ 3 % du PNB annuel[235]. Au troisiĂšme trimestre 2013, la croissance du PIB s'est amĂ©liorĂ©e, pour atteindre un taux annuel de 2,7 %[236].

Évolution de la dette publique

En dépit de cela, la dette publique du Canada a augmenté de 160 milliards entre 2006 et 2013, pour se situer à 620 milliards de dollars[237]. La croissance était en dessous de 2 % et le déficit budgétaire représentait 3 % du PNB, ce qui est le taux le plus élevé des pays du G8[238]. Le gouvernement promet toutefois d'atteindre l'équilibre budgétaire en 2015, mais cela se fera en coupant dans les transferts effectués aux provinces en matiÚre de santé. En effet, selon le budget annoncé en 2011, il est prévu que ces transferts, au lieu d'augmenter de 6 % par année ne progresseraient plus que de 3,9 %, ce qui entraßnera une économie de 44 milliards par an et rejettera le fardeau fiscal sur les provinces[239].

Vente d'industries et déclin manufacturier

De nombreuses industries canadiennes ont été vendues à l'étranger. L'année 2008 a vu une frénésie de ces ventes, à tel point qu'un observateur étranger déclarait : « Le Canada a perdu plus de siÚges sociaux que tout autre pays. Il a été réduit à une succursale industrielle et a beaucoup perdu de son importance sur la scÚne miniÚre internationale[240].»

La montĂ©e du dollar canadien entre 2006 et 2013, due aux fortes exportations de pĂ©trole, a eu pour effet de rendre les entreprises manufacturiĂšres moins compĂ©titives, selon le phĂ©nomĂšne du syndrome hollandais, ce qui a fait passer leur part du PIB de 18 % en 2000 Ă  10 % en 2013, entraĂźnant la perte de 500 000 emplois et la fermeture de 20 000 usines[241].

Taux de chĂŽmage

MalgrĂ© la crĂ©ation, en , de prĂšs de 95 000 nouveaux emplois, dont 54 000 pour les jeunes[242], le taux de chĂŽmage est demeurĂ© au-dessus de 7 % depuis 2008 et il Ă©tait encore de 14 % chez les jeunes en . En , le taux de chĂŽmage s'Ă©tablissait Ă  7,2 %[243]. Ces taux sont historiquement Ă©levĂ©s par comparaison avec les gouvernements antĂ©rieurs[238].

Des analyses font voir que, entre 2006 et 2012, le personnel de la fonction publique a augmentĂ© considĂ©rablement, notamment dans les services informatiques (15,3 %), les services financiers (35 %), le personnel de l'assurance-emploi (43 %), le service des douanes (54,6 %), les services correctionnels (31 %) et le Conseil du TrĂ©sor (163 %). Au total, le gouvernement a engagĂ© 34 000 nouveaux fonctionnaires durant six ans[244]. Tout en coupant dans les services sociaux, le budget 2013 accorde de substantielles augmentations au budget de fonctionnement des divers ministĂšres, dont 7,4 % pour celui du premier ministre, 106,8 % pour celui de Bernard Valcourt et 58,8 % pour celui d'Oliver[245].

Science et recherche

La politique de la recherche se caractĂ©rise par un contrĂŽle du discours des scientifiques subventionnĂ©s (voir section ContrĂŽle de l'information) de façon Ă  Ă©viter toute remise en question des politiques officielles[246]. Ce contrĂŽle, qui a commencĂ© en 2008, est particuliĂšrement rigoureux pour tout ce qui concerne le changement climatique, les pĂȘcheries et les sables bitumineux, mais il s'Ă©tend Ă  pratiquement tous les ministĂšres. MĂȘme si les États-Unis avaient mis en place certaines mesures en ce sens sous la prĂ©sidence de George Bush, on Ă©tait trĂšs loin de ce qui se fait au Canada, selon le New York Times[247]. Un sondage de la firme Environics rĂ©alisĂ© en rĂ©vĂšle que « 90 % des scientifiques employĂ©s au gouvernement fĂ©dĂ©ral ne se sentent pas libres de parler librement de leurs travaux aux mĂ©dias. Si leur ministĂšre prenait une dĂ©cision susceptible de compromettre la santĂ© et la sĂ©curitĂ© publique ou de nuire Ă  l’environnement, ils sont presque aussi nombreux (86 %) Ă  dire qu’ils feraient face Ă  la censure ou Ă  des reprĂ©sailles s’ils parlaient[248] ». Sur les 4 069 rĂ©pondants, 24 % disent avoir dĂ» omettre des informations ou les modifier et 37 % affirment avoir Ă©tĂ© empĂȘchĂ©s de rĂ©pondre Ă  des questions du public et des mĂ©dias au cours des cinq derniĂšres annĂ©es[248].

Le gouvernement a fermé des infrastructures de recherche ou mis fin à leur financement, comme c'est le cas avec la région des lacs expérimentaux et la Fondation canadienne pour les sciences de l'atmosphÚre. Il s'est retiré de la Déclaration de Vienne pour une politique basée sur des données scientifiques[249]. En 2011, il a réduit ou supprimé le financement de programmes de recherche à Environnement Canada, portant sur le changement climatique et la qualité de l'air, la gestion des déchets, les services météorologiques, les ressources en eau potable, le plan d'action sur les sites contaminés et les espÚces en voie de disparition[250]. Les coupures s'accentuent en 2012 et 2013, affectant des dizaines de programmes dans tous les domaines: santé, alimentation, exploration spatiale, recherche arctique, centre d'étude sur la biodiversité, etc.[251].

Nombreux sont les scientifiques qui voient dans ces diverses mesures une « guerre contre la science » et qui estiment que l'idĂ©ologie a pris le pas sur les donnĂ©es scientifiques[249]. La mission du Conseil national de recherches a Ă©tĂ© rĂ©orientĂ©e, de façon Ă  mettre l'accent sur des recherches pratiques susceptibles d'aider l'industrie plutĂŽt que sur la recherche fondamentale[252]. Cette dĂ©cision a Ă©tĂ© critiquĂ©e comme Ă©tant Ă  courte vue et susceptible de coĂ»ter cher au pays, Ă  long terme[253]. On craint notamment une fuite des meilleurs cerveaux vers l'Ă©tranger[254]. Dans bien des cas, il appert que ce sont les intĂ©rĂȘts du secteur privĂ© qui dictent la politique plutĂŽt que la recherche[255]. Le mĂ©contentement des milieux scientifiques s'est marquĂ© par des manifestations de protestation en et [256]. En , une association scientifique amĂ©ricaine dĂ©nonce dans une lettre ouverte les barriĂšres Ă©tablies par gouvernement Harper en matiĂšre de collaboration et de divulgation de la recherche[257].

La faible performance du Canada en matiĂšre de recherche est confirmĂ©e le par un rapport du Conseil des sciences, de la technologie et de l'innovation, selon lequel « le Canada affiche un rendement dĂ©cevant en ce qui concerne l'investissement des entreprises dans la recherche-dĂ©veloppement[258]». La part du PIB consacrĂ©e Ă  la recherche et au dĂ©veloppement « a dĂ©clinĂ© de façon presque continue depuis une dizaine d'annĂ©es[258]» et s'Ă©tablissait en 2011 Ă  0,89 %, ce qui classe le Canada au 25e rang sur 41 pays dĂ©veloppĂ©s[258]. Le Canada arrivait au 14e rang en compĂ©titivitĂ© globale selon le classement du Forum Ă©conomique mondial en 2013, alors qu'il se situait jadis dans le peloton de tĂȘte[259].

Loi fédérale sur la responsabilité

Le , le prĂ©sident du Conseil du TrĂ©sor John Baird, au nom du gouvernement Harper, dĂ©posa la Loi fĂ©dĂ©rale sur la responsabilitĂ© et plan d'action. Le plan rĂ©duira les opportunitĂ©s d'exercer de l'influence avec de l'argent en interdisant les dons politiques des entreprises, des syndicats, ainsi que les grands dons d'individus ; en instaurant une interdiction de cinq ans pour les anciens ministres, leurs assistants et les hauts fonctionnaires de faire du lobbyisme ; en assurant une protection aux divulgateurs ; et en augmentant le pouvoir du vĂ©rificateur gĂ©nĂ©ral de retracer l'argent dĂ©pensĂ© par le gouvernement. En , la loi est adoptĂ©e, crĂ©ant le poste de Commissaire aux conflits d’intĂ©rĂȘts et Ă  l’éthique.

Stephen Harper voulait réformer le Sénat du Canada.

RĂ©forme du SĂ©nat

Stephen Harper veut transformer le SĂ©nat du Canada en un corps Ă©lu plutĂŽt que nommĂ©, selon un objectif prĂ©cĂ©demment proposĂ© par le Parti rĂ©formiste du Canada. Le , le gouvernement introduit le projet de loi S-4 visant Ă  limiter Ă  8 ans le mandat des sĂ©nateurs et Ă  fixer Ă  75 ans l'Ăąge de la retraite obligatoire. Le projet de loi C-7, dĂ©posĂ© en , limiterait le mandat des sĂ©nateurs Ă  9 ans et ils seraient choisis parmi des candidats Ă©lus par les provinces[260]. Un projet de modification de la reprĂ©sentation des provinces et des territoires au SĂ©nat est Ă©galement envisagĂ©. En , devant le manque d'entente avec les provinces, Stephen Harper demande un avis Ă  la Cour suprĂȘme sur la constitutionalitĂ© de diverses modalitĂ©s de rĂ©forme envisagĂ©es[261]. Alors que la rĂ©ponse de la Cour suprĂȘme sur cette question Ă©tait attendue pour l'automne 2013, le QuĂ©bec demande que le cas du juge Marc Nadon soit tranchĂ© avant que la Cour ne se prononce sur le SĂ©nat, afin que les trois juges de la province puissent prendre part au jugement[262].

Entre son arrivĂ©e au pouvoir et le mois de , Stephen Harper nomme 52 des 54 sĂ©nateurs conservateurs sur les 105 siĂšges que compte le SĂ©nat[263]. Parmi ces nominations, on compte plusieurs candidats conservateurs dĂ©faits aux Ă©lections, tels Fabian Manning, Larry Smith, JosĂ©e Verner, Claude Carignan et Jean-Guy Dagenais[264]. Il nomme aussi Carolyn Stewart-Olsen, son ex-attachĂ©e de presse, ainsi que LĂ©o Housakos, dont la nomination suscite la controverse[264]. Au printemps 2013, Patrick Brazeau, dont est contestĂ©e la nomination[265], sera exclu du caucus conservateur Ă  la suite de divers scandales[266]. Le sĂ©nateur Mac Harb est exclu du caucus libĂ©ral au dĂ©but mai, en raison d'irrĂ©gularitĂ©s dans ses comptes de dĂ©penses. Peu aprĂšs, Mike Duffy, censĂ© reprĂ©senter l'Île-du-Prince-Édouard, est exclu du caucus conservateur pour la mĂȘme raison, qu'aggrave une tentative de dissimulation[267]; il est suivi, le , par la sĂ©natrice conservatrice Pamela Wallin, coupable, elle aussi, d'avoir gonflĂ© ses notes de frais[268].

Devant le scandale engendrĂ© par ces rĂ©vĂ©lations (voir la section « Scandales » en fin d'article), le gouvernement pourrait opter pour l'abolition du SĂ©nat, ainsi que le souhaitait dĂ©jĂ  Harper dans les annĂ©es 1980. Certains estiment que le premier ministre pourrait choisir de faire un rĂ©fĂ©rendum sur la question, soit en 2014, soit en mĂȘme temps que l'Ă©lection fĂ©dĂ©rale de 2015[269]. En , la Cour suprĂȘme se prononce sur les questions posĂ©es par le gouvernement en donnant les rĂ©ponses suivantes : le gouvernement ne peut pas dĂ©cider unilatĂ©ralement que les sĂ©nateurs doivent ĂȘtre Ă©lus mais doit obtenir l'appui d'au moins sept provinces reprĂ©sentant 50 % de la population ; il en va de mĂȘme en cas de modification de la durĂ©e du mandat des sĂ©nateurs ; l'abolition du SĂ©nat exigerait le consentement de toutes les provinces[270].

RĂ©forme Ă©lectorale

Le , le gouvernement dĂ©pose le projet de loi C-16 visant Ă  modifier la loi Ă©lectorale du Canada pour instaurer des Ă©lections Ă  date fixe, devant se tenir « le troisiĂšme lundi d’octobre de la quatriĂšme annĂ©e civile qui suit le jour du scrutin de la derniĂšre Ă©lection gĂ©nĂ©rale[271] ». Cette loi est adoptĂ©e et sanctionnĂ©e le [272]. La loi prĂ©cise qu'il doit y avoir une Ă©lection le troisiĂšme lundi d'octobre () 2009 — qui devrait ĂȘtre la premiĂšre Ă©lection Ă  date fixe au Canada. Toutefois, un gouvernement minoritaire peut ĂȘtre dĂ©fait aux Communes avant la fin de son mandat, ce qui dĂ©clenche automatiquement une Ă©lection.

En , le gouvernement dĂ©pose le volumineux projet de loi C-23 rĂ©formant la loi Ă©lectorale. Ce projet hausse le plafond de dĂ©penses permises en campagne et augmente de 25 % le montant maximal qu’un individu peut contribuer Ă  un parti ou Ă  un candidat, le faisant passer de 1 200 $ Ă  1 500 $, favorisant ainsi le parti appuyĂ© par la frange la plus riche de la population. Il modifie la dĂ©finition d'une dĂ©pense Ă©lectorale soumise au plafond, une mesure qui, en raison de son flou, est considĂ©rĂ©e comme susceptible de fausser le jeu dĂ©mocratique[273]. Le projet rĂ©duit aussi considĂ©rablement les fonctions et pouvoirs d'Élections Canada, en enlevant au directeur des Ă©lections son pouvoir d'enquĂȘte, « faisant passer le commissaire aux Ă©lections fĂ©dĂ©rales, chargĂ© de l'application de la loi, sous la juridiction du directeur des poursuites pĂ©nales »[274], avec pour consĂ©quence que le commissaire chargĂ© d'enquĂȘter dĂ©pendra du gouvernement plutĂŽt que du Parlement. En outre, le directeur des Ă©lections ne pourra plus informer le public sur les enquĂȘtes en cours portant sur des actions frauduleuses[274]. Ce projet est vivement critiquĂ©, mĂȘme par le conservateur Preston Manning, qui estime qu'il faudrait renforcer les pouvoirs du directeur des Ă©lections et non les affaiblir[275]. En , l'influent journal Globe and Mail publie cinq Ă©ditoriaux successifs pressant M. PoiliĂšvre, ministre responsable de cette rĂ©forme, de modifier substantiellement son projet afin d'en Ă©liminer des clauses troublantes et dangereuses pour la dĂ©mocratie[276]. Peu aprĂšs, un groupe d'universitaires de divers pays dĂ©nonce le projet de loi dans une lettre ouverte, estimant qu'il « mine l'intĂ©gritĂ© du processus Ă©lectoral canadien, rĂ©duit l'efficacitĂ© d'Élections Canada, renforce l'importance de l'argent en politique et encourage des biais partisans dans l'administration du vote[277].» La rĂ©putation du Canada comme « gardien de la dĂ©mocratie » serait donc sĂ©rieusement menacĂ©e si un tel projet devenait loi.

Statistiques et recensement

En , le ministre Tony Clement met fin Ă  l’obligation pour tous les Canadiens de remplir le formulaire long lors du recensement quinquennal, en invoquant le fait que de nombreux renseignements peuvent ĂȘtre obtenus par le croisement de bases de donnĂ©es administratives[278]. Une telle mesure Ă©tait rĂ©clamĂ©e depuis longtemps par la Coalition nationale des citoyens, dont Harper a Ă©tĂ© prĂ©sident de 1998 Ă  2002.

La mesure est mal accueillie par de nombreux spécialistes, notamment le directeur de Statistique Canada, Munir Sheikh, qui démissionne le en signe de protestation[279]. Le débat sur la question reprend au printemps 2013, lors de la publication de l'analyse du recensement 2011[280]. Comme le taux de réponse est inférieur à 50 % dans de nombreuses communautés, il n'est pas possible de tirer des conclusions valides[281].

Dans l'ensemble, on constate que la nouvelle formule complique —ou rend impossible— la tĂąche des organismes chargĂ©s de planifier le dĂ©veloppement urbain, la construction d'Ă©coles, d'hĂŽpitaux, de logements Ă  loyer modique et de services aux immigrants[282]. De plus, en raison du faible taux de rĂ©ponse aux deux extrĂȘmes de l'Ă©chelle des revenus, il n'est plus possible d'Ă©valuer de façon prĂ©cise le pourcentage de la population en dessous du seuil de pauvretĂ©[141]. Plusieurs soulignent que le changement de formule a entraĂźnĂ© des coĂ»ts supplĂ©mentaires pour des rĂ©sultats inutilisables et se demandent si l'opĂ©ration de recensement, qui a coĂ»tĂ© 652 000 000 $, peut encore ĂȘtre financiĂšrement justifiĂ©e sous sa forme actuelle[283].

Le gouvernement a aussi rĂ©duit de 20 % le budget de Statistique Canada entre 2012 et 2014, entraĂźnant une importante rĂ©duction de son personnel et la suppression de 34 programmes, notamment sur l'Ă©volution des revenus et de l'emploi ainsi que sur l'Ă©tat de santĂ© de la population[284]. En outre, cet organisme n'est plus Ă  mĂȘme de produire des donnĂ©es prĂ©cises sur la part des investissements Ă©trangers en matiĂšre de logement, sur la solvabilitĂ© des emprunteurs ou en matiĂšre d'emploi[285] - [286]. La rĂ©forme de l'assurance-emploi et l'octroi de visas Ă  des travailleurs Ă©trangers temporaires sont dĂšs lors basĂ©s sur des donnĂ©es peu fiables faisant Ă©tat d'une pĂ©nurie de main-d'Ɠuvre qui n'existe pas[287].

Stepehen Harper a légiféré sur le statut du Québec pendant ses mandats de premier ministre du Canada.

Statut du Québec

Stephen Harper a longtemps évité de se prononcer sur l'épineuse question du nationalisme québécois. Contrairement aux gouvernements libéraux précédents, qui étaient hostiles à la reconnaissance du principe de « nation québécoise », M. Harper accepte le fait que l'Assemblée nationale du Québec a voté une résolution reconnaissant que le Québec constitue une nation, mais sans se prononcer sur les implications légales[288]. Cette position se concrétise, en 2006, par une reconnaissance formelle votée par le parlement du Canada sur initiative du parti conservateur.

Le dĂ©bat recommence Ă  faire les manchettes lors de la course Ă  la direction du Parti libĂ©ral de 2006. Le candidat perçu comme Ă©tant en tĂȘte, Michael Ignatieff, prend position pour la reconnaissance de la nation quĂ©bĂ©coise, tandis que ses adversaires, dont Bob Rae et StĂ©phane Dion, s'y opposent, jugeant cette position trop risquĂ©e. Les membres du Parti libĂ©ral sont eux-mĂȘmes divisĂ©s. Profitant de la situation, le Bloc quĂ©bĂ©cois dĂ©pose une rĂ©solution Ă  la Chambre des communes demandant Ă  la Chambre de reconnaĂźtre « que les QuĂ©bĂ©coises et les QuĂ©bĂ©cois forment une nation. » Le , avant que la motion du Bloc ne soit dĂ©battue, Harper dĂ©pose sa propre motion : « Que les QuĂ©bĂ©cois forment une nation au sein d'un Canada uni. »[289]

Le Parti libéral et le Nouveau Parti démocratique donnent leur appui à la motion (le NPD prÎne depuis longtemps la reconnaissance de la nation québécoise ; le Parti libéral, quant à lui, est divisé sur la question, et n'impose pas de ligne de parti à ses députés, dont certains prévoient voter contre la motion). Le Bloc québécois, d'abord opposé à la mention du « Canada uni » dans le texte de la motion, fait volte-face et décide d'appuyer la motion lors du vote du lundi suivant, à la suite d'une couverture médiatique trÚs négative sur leur position antérieure[290].

Dans son discours présentant la motion à la Chambre des communes, Stephen Harper en précise la portée exacte, qui est essentiellement d'ordre symbolique: « La question est simple : est-ce que les Québécoises et Québécois forment une nation au sein d'un Canada uni ? La réponse est oui. Est-ce que les Québécoises et Québécois forment une nation indépendante du Canada ? La réponse est non, et elle sera toujours non. »[291] - [292].

La motion de Harper est adoptĂ©e Ă  266 voix contre 16, le ; les voix opposĂ©es proviennent exclusivement du Parti libĂ©ral et d'un dĂ©putĂ© indĂ©pendant, Garth Turner. Toutefois, la motion provoque la dĂ©mission du ministre des Affaires intergouvernementales et du Sport amateur, Michael Chong, qui s'abstient de voter. La motion du Bloc quĂ©bĂ©cois, quant Ă  elle, est dĂ©faite par 233 voix contre 48[293]. À la suite de l'adoption de la motion, un sondage rĂ©vĂšle que 67 % des Canadiens rejettent la notion selon laquelle les QuĂ©bĂ©cois forment une nation ; en ne comptant pas le QuĂ©bec, cette proportion s'Ă©lĂšve Ă  77 %. Le seul groupe majoritairement en accord avec la notion de la nation quĂ©bĂ©coise sont les QuĂ©bĂ©cois francophones, Ă  71 %. L'adoption de cette motion n'a ni aidĂ©, ni nui aux appuis Ă©lectoraux du Parti conservateur[294].

En , le procureur général du Canada conteste devant les tribunaux plusieurs aspects de la loi 99, par laquelle le Québec, réagissant à l'adoption par Ottawa de la Loi sur la clarté référendaire, a fixé à 50 % plus une voix le seuil du vote pour déclarer l'indépendance du Québec. Cette décision de Harper est dénoncée par le chef du Bloc québécois comme étant en contradiction avec la reconnaissance de la nation québécoise[295]. Le , le parlement du Québec appuie à l'unanimité une motion du gouvernement Marois dénonçant cette « intrusion du gouvernement du Canada dans la démocratie québécoise[296]. »

Lorsqu'il donnait des confĂ©rences de presse Ă  l'Ă©tranger, Stephen Harper prenait toujours la parole d'abord en français (y compris aux États-Unis), reconnaissant par lĂ  l'antĂ©rioritĂ© du français sur l'anglais dans l'histoire de son pays[297].

Politique Ă©trangĂšre

La politique Ă©trangĂšre du gouvernement Harper marque une rupture trĂšs nette avec les gouvernements prĂ©cĂ©dents. Selon l'analyse de Joe Clark, Harper a terni la rĂ©putation du Canada en fomentant les divisions et en mettant l'accent sur l'aspect militaire au lieu de travailler sur le plan diplomatique[298]. Cette rĂ©orientation se traduit notamment par la fermeture de l'ambassade Ă  TĂ©hĂ©ran[299], le boycott d'instances internationales tel le sommet du Commonwealth d'[300], la suppression du financement du Centre Pearson pour le maintien de la paix ainsi que du RĂ©seau francophone de recherche sur les opĂ©rations de paix[301] et l'abolition des programmes de bourses et de subventions en Études canadiennes, qui servaient depuis 40 ans d'instances privilĂ©giĂ©es pour faire connaĂźtre le Canada Ă  l'Ă©tranger[302].

En , le Plan d’action sur les marchĂ©s mondiaux donne comme prioritĂ© aux services diplomatiques canadiens de servir les intĂ©rĂȘts des entreprises canadiennes Ă  l'Ă©tranger[303]. Amnistie Internationale estime que « le Canada a de moins en moins de crĂ©dibilitĂ© sur la scĂšne internationale[304]. »

En , un rapport sur le Canada préparé par des universitaires chinois pour orienter les politiques de leur gouvernement constate que la réputation du Canada comme pays modÚle s'est affaiblie au cours des derniÚres années et que son poids moral dans les affaires internationales a chuté, notamment en raison du primat accordé à l'économie et aux sables bitumineux par les conservateurs. Harper y est décrit comme profondément ancré dans l'idéologie du Parti républicain américain[305].

Selon David Mulroney, ancien ambassadeur de carriĂšre, la politique Ă©trangĂšre du gouvernement Harper s'est « infantilisĂ©e » en se laissant guider par des affinitĂ©s idĂ©ologiques plutĂŽt que par l'intĂ©rĂȘt supĂ©rieur du Canada[306]. MĂȘme si l'image du Canada reste trĂšs bonne dans le grand public international[307], son influence a sĂ©rieusement dĂ©clinĂ©, comme l'indique son absence lors de nĂ©gociations multilatĂ©rales et la perte de parts de marchĂ© dans des Ă©conomies Ă©mergentes, ainsi que le dĂ©taille un document confidentiel prĂ©parĂ© par le ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres et coulĂ© dans les mĂ©dias en [308] - [309].

Conflit israélo-palestinien

Alors que le Canada était « traditionnellement campé dans un rÎle de médiateur depuis l'époque du premier ministre libéral Lester B. Pearson[310] », le gouvernement Harper a abandonné cette position dans le conflit israélo-palestinien et s'est résolument rangé au cÎté d'Israël[311].

Au dĂ©but du conflit israĂ©lo-libanais de 2006, M. Harper affirme qu'« IsraĂ«l a le droit de se dĂ©fendre » et que « la rĂ©ponse israĂ©lienne a Ă©tĂ© mesurĂ©e vu les circonstances ». Cette dĂ©claration suscitant de la controverse au Canada, le premier ministre rĂ©itĂšre son appui Ă  la position israĂ©lienne, tout en prĂŽnant un cessez-le-feu et en appelant les deux parties Ă  faire preuve de retenue[312] - [313]. InterrogĂ© sur la situation au Liban et Ă  Gaza, il affirme : « Nous voulons tous encourager non seulement un cessez-le-feu, mais une rĂ©solution. Et une rĂ©solution sera atteinte uniquement lorsque tout le monde s'assoira Ă  la table et que chacun admettra [
] la reconnaissance de l'autre », faisant ainsi rĂ©fĂ©rence au refus du Hezbollah et du Hamas de reconnaĂźtre le droit d'IsraĂ«l Ă  l'existence. M. Harper attribue aussi au Hezbollah la responsabilitĂ© des morts de civils des deux cĂŽtĂ©s : « L'objectif du Hezbollah est la violence, a-t-il affirmĂ©. Le Hezbollah croit que par la violence [
] il peut amener la destruction d'IsraĂ«l. La violence ne mĂšnera pas Ă  la destruction d'IsraĂ«l [
] et le rĂ©sultat inĂ©vitable de la violence sera principalement la mort de personnes innocentes. »[314].

DĂ©cidĂ© Ă  soutenir IsraĂ«l « quel qu'en soit le prix[315]», le gouvernement Harper considĂšre toute critique de la politique israĂ©lienne comme de l'antisĂ©mitisme[316] et met tout en Ɠuvre pour supprimer le financement public d'Ă©vĂ©nements ou d'organismes qui dĂ©rogent Ă  sa ligne de conduite.

En avril 2009, le ministre Gary Goodyear tente ainsi de faire annuler un colloque international organisé à l'Université York sur le thÚme Israël-Palestine[317].

En novembre 2009, KAIROS, un organisme sans but lucratif qui coordonne les initiatives d'églises canadiennes en faveur de la justice climatique et du développement international, apprend que le financement qu'il recevait depuis 1976 de l'Agence canadienne de développement international (ACDI) avait été supprimé. Cette décision, que la ministre Bev Oda a d'abord présentée comme une décision de l'ACDI[318], était en fait une mesure de représailles contre les positions de cet organisme, jugées insuffisamment favorables à Israël[319].

Dans la mĂȘme ligne, Droits et DĂ©mocratie —organisme crĂ©Ă© par le Parlement canadien en 1988, pour appuyer les droits des personnes et promouvoir les pratiques dĂ©mocratiques— se fait reprocher en 2009 d'ĂȘtre trop critique envers IsraĂ«l[320]. AprĂšs des mois de controverses et le dĂ©part de plusieurs de ses membres, l'organisme est dissous par le ministre John Baird en [321].

La filiale canadienne du International Relief Fund for the Afflicted and Needy (IRFAN), aprÚs avoir perdu son statut d'organisme de bienfaisance en 2011, est catégorisée en 2014 comme une organisation terroriste parce qu'elle finançait des opérations d'aide au ministÚre palestinien de la santé du Hamas[322]. Cet organisme se voit aussi refuser le droit de recueillir des fonds pour contester devant un tribunal la décision du ministÚre de l'Intérieur de le cataloguer comme terroriste[323].

Le , le ministre Baird se rend expressĂ©ment Ă  l'AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de l'ONU pour marquer l'opposition du Canada Ă  la reconnaissance de la Palestine en tant qu'État observateur. AprĂšs le passage de la rĂ©solution par 138 voix (dont la France) contre 9 (dont les États-Unis et quelques Ăźles du Pacifique) et 41 abstentions, le ministre accuse l'ONU d'avoir « abandonnĂ© ses principes » et dĂ©clare que cela « entraĂźnera des consĂ©quences[324]». Selon les critiques, cette position achĂšve de miner la crĂ©dibilitĂ© du Canada comme arbitre dans le conflit israĂ©lo-palestinien[325]. Quelques mois plus tard, le ministre Baird est critiquĂ© de nouveau alors qu'il rencontre son homologue israĂ©lien Ă  JĂ©rusalem-Est, le , alors que cette partie de la ville est considĂ©rĂ©e comme un territoire occupĂ©[326] — et que le Canada lui-mĂȘme, selon le site web de son ministĂšre, ne reconnaĂźt pas « l'annexion unilatĂ©rale israĂ©lienne de JĂ©rusalem-Est[327]».

La réaction se manifeste le lors d'une réunion des pays arabes à l'ONU, au cours de laquelle le Qatar propose de déménager à Doha l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), alors que cet organisme est installé à Montréal depuis sa création en 1947[328]. Le gouvernement fédéral a immédiatement réagi et élaboré une action conjointe avec le gouvernement du Québec et la ville de Montréal afin de faire échouer cette tentative[329]. Le vote sur la proposition du Qatar devait se prendre à l'assemblée générale de l'ONU à l'automne 2013, mais le Qatar retirera sa proposition dÚs le , faute d'un soutien suffisant[330].

Critique de l'entente sur l'Iran

En , le ministre John Baird, alléguant que l'Iran est un commanditaire du terrorisme international, ferme son ambassade à Téhéran. Par la suite cette décision a été attribuée à la volonté de plaire à l'Arabie saoudite, ennemi juré de l'Iran, afin de gagner un important contrat de véhicules blindés LAV 6, contrat qui hantera le gouvernement de Justin Trudeau[331].

En , alors que la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne, la Chine et la Russie appuyaient un accord conclu entre l'Iran et les États-Unis sur la question du nuclĂ©aire, le Canada se signalait par sa position critique, en dĂ©clarant que « l'iran ne mĂ©ritait pas d'avoir le bĂ©nĂ©fice du doute », selon le ministre des affaires Ă©trangĂšres, John Baird[332]. Cette attitude a Ă©tĂ© condamnĂ©e par divers observateurs, selon qui elle n'a rien Ă  voir avec la situation des droits des personnes en Iran et que, en visant Ă  plaire Ă  ses amis israĂ©liens, le gouvernement Harper diminue la crĂ©dibilitĂ© du Canada sur le plan international, sans avoir aucun effet positif pour le peuple iranien[332].

Relations sino-canadiennes

DĂšs l’arrivĂ©e au pouvoir du gouvernement conservateur, les relations se sont tendues avec la Chine, notamment aprĂšs que le 14e DalaĂŻ Lama eut reçu la citoyennetĂ© d’honneur canadienne le et des plaintes pour espionnage commercial d'agents chinois au Canada[333]. Stephen Harper a cependant rencontrĂ© le PrĂ©sident chinois Hu Jintao le . La conversation a durĂ© quinze minutes au sommet de l’APEC.

Le , Stephen Harper rencontre publiquement le Dalaï Lama[334]. En quelques semaines, Harper fut le 4e dirigeant d’un pays occidental à rencontrer celui-ci[335].

Le , Stephen Harper et le président chinois Hu Jintao signent un accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE)[336]. Cet accord, qui devrait valoir pour les 31 prochaines années, suscite une forte opposition tant de la part d'Elizabeth May que de Thomas Mulcair et du Parti libéral[337].

Au mois de , Stephen Harper retourne en Chine et au Japon pour « une fructueuse mission commerciale[338]». Ces ententes suscitent cependant bien des inquiétudes chez certains observateurs (voir ci-dessous Commerce international).

Aide internationale et accueil des réfugiés

Le budget 2013 annonce la disparition de l'ACDI en tant qu'organisme distinct et son intĂ©gration Ă  l'intĂ©rieur du MinistĂšre des Affaires internationales et du Commerce international[339]. Ce type de remaniement s'est fait dans d'autres pays, notamment chez des donateurs internationaux respectĂ©s comme la NorvĂšge, les Pays-Bas et l'Irlande. On craint toutefois que l'aide soit soumise Ă  des impĂ©ratifs de rendement Ă©conomique et que cela ternisse encore davantage l'image du Canada Ă  l'Ă©tranger[340]. Depuis plusieurs annĂ©es dĂ©jĂ , on avait observĂ© une nette rĂ©orientation de l'aide canadienne en fonction de critĂšres de rentabilitĂ© profitant Ă  des intĂ©rĂȘts privĂ©s[341], mais le rĂ©cent remaniement franchit un nouveau seuil et a Ă©tĂ© largement condamnĂ© Ă  l'Ă©tranger[342]. Les craintes sont confirmĂ©es en par le rapport d'un chercheur selon lequel « Ottawa manque de transparence dans son financement de la reconstruction en HaĂŻti et impose un modĂšle de dĂ©veloppement Ă©conomique subordonnĂ© Ă  ses intĂ©rĂȘts commerciaux[343]. »

Selon un critique, « le Canada devient, selon l’OCDE, le « mauvais exemple » des pays riches en rĂ©duisant sa contribution au dĂ©veloppement international Ă  des niveaux inĂ©dits (moins de la moitiĂ© du fameux 0,7 % promis en 1970). [...] Le MAECI, dont la mission est de dĂ©fendre les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques et politiques du Canada dans le monde (selon la vision du gouvernement en place), n’est pas mandatĂ© pour « lutter contre la pauvretĂ© »[344] ». La part du PIB canadien consacrĂ©e Ă  l'aide au dĂ©veloppement Ă©tait de 0,32 % en 2012, alors qu'elle est en moyenne de 0,43 % pour les pays de l'OCDE, et elle devrait encore baisser pour se situer Ă  0,24 % en 2015[302].

En 2014, le gouvernement retire Ă©galement son statut d'organisme de bienfaisance Ă  Alternatives, un petit groupe d'aide internationale, basĂ© Ă  MontrĂ©al, parce qu'il n'administrait pas lui-mĂȘme les programmes d'aide sur le terrain[345].

En matiĂšre d'accueil des rĂ©fugiĂ©s, la Commission de l’immigration et du statut de rĂ©fugiĂ© (CISR) dĂ©cide en de ne plus rendre publiques la totalitĂ© de leurs dĂ©cisions. Cette nouvelle politique est condamnĂ©e par les avocats, qui « jugent primordial d’avoir accĂšs Ă  l’ensemble des dĂ©cisions de la SAR, car celles-ci constituent la jurisprudence en la matiĂšre[346]. »

En , le Canada contribue cependant Ă  la lutte contre le virus Ebola en versant 30 000 000 $ Ă  la Croix-Rouge canadienne et Ă  d'autres organismes engagĂ©s sur le terrain[347].

Organisation des Nations unies

En , le Canada Ă©choue dans sa candidature Ă  l'un des deux siĂšges non permanents du Conseil de sĂ©curitĂ© de l'ONU, rĂ©servĂ©s Ă  la quatriĂšme zone (Europe occidentale et autres). Ce n'Ă©tait que la deuxiĂšme fois que le Canada essuyait une dĂ©faite lors d'un vote de l'AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale sur cette question[348]. Alors que le Portugal recueillait 113 voix au deuxiĂšme tour, le Canada n'en rĂ©coltait que 78[349], le Portugal recueillant notamment l'appui de l'Union europĂ©enne et du BrĂ©sil. Les pays de la Ligue arabe ont aussi votĂ© en bloc contre le Canada en raison de son soutien Ă  l'État d'IsraĂ«l.

Des critiques voient dans ce vote le résultat de l'isolationisme dans lequel le gouvernement conservateur a engagé le Canada[350] et dont on relÚve de nombreux exemples :

  • En , le Canada se retire de la Convention sur la lutte contre la dĂ©sertification, signĂ©e en 1994; le premier ministre Stephen Harper justifie cette dĂ©cision en affirmant que seuls 18 % des fonds sont acheminĂ©s vers des projets d'aide, et que le reste est englouti par une trop lourde bureaucratie. Par cette dĂ©cision, le Canada devient le seul pays du monde Ă  ne pas ĂȘtre membre de cette Convention[351], ce qui fait dire Ă  Elizabeth May, chef du Parti vert, que le Canada se comportait comme « la CorĂ©e du Nord de l'environnement[352]».
  • Stephen Harper a Ă©galement refusĂ© de signer le traitĂ© sur le commerce des armes, que sa dĂ©lĂ©gation a constamment tentĂ© d'affaiblir. Le lobby des armes Ă  feu au Canada a redoublĂ© ses pressions sur le gouvernement aprĂšs la signature de ce traitĂ© par les États-Unis en [353].
  • Le Canada a quittĂ© l'Organisation Internationale pour les Bois Tropicaux, ainsi que le Partenariat de santĂ© publique et de bien-ĂȘtre social[354], qui travaille Ă  l'amĂ©lioration des conditions de vie des populations du Nord.
  • En 2013, le pays se classait au 57e rang en matiĂšre de contribution aux forces de maintien de la paix. En , le sous-secrĂ©taire de l’ONU chargĂ© des missions de paix invite le Canada Ă  se rĂ©engager au cĂŽtĂ© des Casques bleus comme il l'avait fait par le passĂ© [355].

Relations canado-américaines

Stephen Harper et George W. Bush à une conférence de presse à la Maison-Blanche le 2006.

Le , Harper nomma l'ancien ministre progressiste-conservateur Michael Wilson au poste d'ambassadeur du Canada aux États-Unis, remplaçant le libĂ©ral Frank McKenna. La premiĂšre rencontre de Harper avec le prĂ©sident amĂ©ricain a lieu Ă  la fin de . Le , il annonce Ă  la Chambre des communes que son gouvernement avait conclu un accord de sept ans avec les États-Unis dans le cadre du conflit du bois d'Ɠuvre. Les trois grandes provinces productrices de bois d'Ɠuvre — Colombie-Britannique, Ontario et QuĂ©bec — ont acceptĂ© l'accord, ainsi que l'industrie canadienne du bois d'Ɠuvre. Toutefois, le chef de l'opposition Bill Graham et le chef nĂ©o-dĂ©mocrate Jack Layton ont tous deux critiquĂ© l'accord pour n'avoir pas exigĂ© que les États-Unis remboursent les 5 milliards $ illĂ©galement perçus en tarifs douaniers sur le bois d'Ɠuvre canadien.

Les relations avec l'administration Obama ont Ă©tĂ© en se dĂ©tĂ©riorant et sont considĂ©rĂ©es en comme « l’une des plus mauvaises de l’histoire des rapports entre les États-Unis et le Canada[356] ». Le point le plus bas est atteint Ă  l'Ă©tĂ© 2011, lorsque l'administration amĂ©ricaine refuse d'autoriser une expansion de l'olĂ©oduc Keystone[357].

Rapports avec l'OTAN

Le Canada s'est retirĂ© de deux programmes majeurs de l'OTAN : le SystĂšme de dĂ©tection et de commandement aĂ©roportĂ© et le SystĂšme de surveillance terrestre (Alliance Ground Surveillance - AGS). Cette position de retrait inquiĂšte les hauts responsables de l'OTAN[358]. La dĂ©cision, qui est motivĂ©e par le dĂ©sir d'Ă©conomiser 90 millions $, aura des consĂ©quences nĂ©gatives sur l'industrie aĂ©rospatiale canadienne[359].

Traité sur les bombes à sous-munitions

Dans le projet de loi C-6[360], visant Ă  ratifier le traitĂ© signĂ© en 2008 sur l'interdiction des bombes Ă  sous-munitions, le gouvernement a introduit une clause permettant l'usage de ce genre d'arme lors d'opĂ©rations conjointes avec des pays non signataires du traitĂ©, comme les États-Unis. Cette dĂ©cision est vue comme une trahison par Ottawa de ses alliĂ©s et a Ă©tĂ© vivement critiquĂ©e, notamment par le ComitĂ© international de la Croix-Rouge[361].

Accords de libre Ă©change

Poursuivant une politique d'accords de libre échange déjà bien établie, le Canada a conclu des accords commerciaux avec divers pays ou groupes de pays, notamment la Colombie (2008), le Pérou (2009), l'Association européenne de libre-échange (2009), la Jordanie (2012) et le Panama (2013)[362].

En , le Canada prĂ©sente un projet d'accord Ă©conomique et commercial global (CETA) avec l’Union europĂ©enne (AECG)[363]. Ces nĂ©gociations, les plus ambitieuses jamais entreprises par le Canada, portent « sur un vaste ensemble d’enjeux allant du commerce des biens Ă  celui des services, en passant par les contrats publics, la protection des investisseurs, la propriĂ©tĂ© intellectuelle, les diffĂ©rentes normes et rĂšgles pouvant faire obstacle aux Ă©changes, l’agriculture, la mobilitĂ© de la main-d’Ɠuvre, ou encore la culture[364]». EntamĂ©es en 2009, ces nĂ©gociations ont franchi une phase cruciale au printemps 2013, oĂč elles butaient notamment sur l'ouverture des contrats d'achat de biens de la sociĂ©tĂ© Hydro-QuĂ©bec[365], l'augmentation de la durĂ©e de protection des brevets pharmaceutiques par le Canada, l'ouverture des contrats publics provinciaux ou municipaux[364] et la volontĂ© française d'exclure la culture de cet accord[366]. Mais le dĂ©saccord majeur portait sur les quotas d'exportation de bƓuf de l'Ouest, le chiffre proposĂ© par l'Union europĂ©enne, qui se situait autour de 50 000 tonnes par an, Ă©tant jugĂ© insuffisant par le gouvernement Harper[367]. Un projet d'accord est finalement signĂ© le [368], mais doit ĂȘtre soumis au Parlement europĂ©en[369]. Beaucoup de groupes europĂ©ens s'opposent Ă  la clause dite ISDS permettant Ă  des groupes privĂ©s de poursuivre des gouvernements[370].

Un accord de libre-échange avec la Corée du Sud est signé le [371].

En , le Canada ratifie avec la Chine un accord sur la promotion et la protection des investissements Ă©trangers (APIE/FIPA)[372] - [373]. Cet accord est toutefois critiquĂ© parce qu'il n'offre pas de rĂ©ciprocitĂ©, permet Ă  des entreprises de poursuivre le Gouvernement et ne peut ĂȘtre rouvert avant un dĂ©lai de 31 ans[374].

Le , le Canada devient l'un des 12 pays signataires du Partenariat Trans-Pacifique[375]. Ce traité couvre tous les échanges de biens et de services, la propriété intellectuelle, les contrats gouvernementaux et les politiques liées à la compétition. Ce traité, négocié dans le secret, sans aucune participation du Parlement, est dénoncé par le chef du NPD[376]. L'opacité de cette démarche a été jugée contraire au principe de transparence, qui est essentiel au bon fonctionnement d'une démocratie[377]. Des négociations sont également en cours avec l'Inde[378].

Tournant le dos Ă  l'Afrique, oĂč le Canada a rĂ©duit son aide[379] et envisagĂ© la fermeture de quatre de ses 21 ambassades[380], Stephen Harper courtise plutĂŽt les pays d'AmĂ©rique latine. Au printemps 2013, il s'est rendu au sommet de Cali, afin d'approcher l'Alliance du Pacifique, qui regroupe le Mexique, la Colombie, le Chili, le PĂ©rou et bientĂŽt le Costa Rica. Mais la levĂ©e de l'obligation de visa pour les visiteurs des pays membres, qui est un objectif du groupe, est vite apparue comme un obstacle majeur pour le Canada, dont la politique en la matiĂšre a Ă©tĂ© fortement resserrĂ©e sous les conservateurs[381].

Politiques Ă  l'Ă©gard des Autochtones

À peine arrivĂ© au pouvoir, Harper abolit le programme d'aide aux communautĂ©s autochtones qu'avait mis en place Paul Martin, lors de l'accord de Kelowna, qui prĂ©voyait des investissements en Ă©ducation, en santĂ© et en infrastructures.

L'adoption en 2012 du projet de loi C-45[382] et, le , du projet de loi C-38, qui simplifie les normes environnementales, est trÚs mal accueillie par les groupes autochtones. Elle déclenche le mouvement Idle No More, vaste réaction de protestation de la part des PremiÚres Nations[383], qui se plaignent de ne pas avoir été consultés[384] et considÚrent que C-45 viole des traités ancestraux[385].

Le gouvernement s'est opposĂ© Ă  une rĂ©solution prĂ©sentĂ©e Ă  l'ONU, en , demandant que le Canada fasse enquĂȘte sur la violence faite aux femmes autochtones[350]. De mĂȘme, en , alors que le Nouveau Parti dĂ©mocratique et le Parti libĂ©ral rĂ©clamaient la tenue d’une enquĂȘte publique sur ce problĂšme, le gouvernement continue Ă  soutenir qu'une telle enquĂȘte n'est pas nĂ©cessaire[386].

Depuis 2008, le MinistÚre des Affaires autochtones a mis en place un plan d'évaluation et de gestion des risques que posent les traités à la politique gouvernementale, considérant que les droits des PremiÚres Nations sur le territoire sont un obstacle à l'exploitation des ressources miniÚres et énergétiques. En 2013, le gouvernement a dépensé 106 millions en procÚs reliés à ces questions. Il a aussi supprimé le financement des groupes qui fournissent des avis juridiques et défendent les droits des autochtones[387].

Stephen Harper avait le souci de l'Arctique canadien.

DĂ©limitation du territoire

L'Arctique, qui reprĂ©sente 40 % de la superficie du Canada, avec une population d'environ 100 000 habitants, a pris une importance grandissante au cours des derniĂšres annĂ©es. En effet, avec le rĂ©chauffement climatique, les importantes ressources du sous-sol deviennent exploitables et la navigation y devient possible grĂące au retrait de la banquise[388].

En , la Russie lance une expĂ©dition scientifique dont la visĂ©e ultime est de revendiquer ses droits exclusifs sur le pĂŽle Nord et ses richesses pĂ©troliĂšres souterraines. Le Danemark fait un geste semblable quelques jours plus tard et revendiquera notamment l'Île Hans en 2010, situĂ©e sur la frontiĂšre avec le Canada, et que ce dernier revendique Ă©galement[389].

Le Canada rĂ©agit en envoyant Ă©galement des expĂ©ditions scientifiques faire des relevĂ©s hydrographiques sur la dorsale de Lomonossov afin d'appuyer la revendication de souverainetĂ© canadienne sur le pĂŽle et le passage du Nord-Ouest[390]. En , le rapport des scientifiques, rĂ©sultant de dizaines d'expĂ©ditions de repĂ©rage et qui devrait ĂȘtre soumis Ă  l'ONU, prĂ©voit que le territoire du Canada serait augmentĂ© de 1,7 million de km2 par l'adjonction de fonds marins adjacents dans l'ocĂ©an Arctique, en vertu de la Convention sur le droit de la mer[391]. Toutefois, mĂ©content de ne pas voir inclus le pĂŽle Nord dans ce rapport, Harper exige une rĂ©vision du rapport[392], ce qui entraĂźnera un conflit juridique avec la Russie, qui revendique Ă©galement le pĂŽle Nord[393]. L'opposition NPD se dit choquĂ©e de cette dĂ©cision, tandis que le chef libĂ©ral Justin Trudeau estime qu'il ne faut pas politiser une dĂ©cision qui doit reposer sur une expertise scienfitique[393]. Le , le Canada prĂ©sente cette position rĂ©visĂ©e aux Nations unies[394], entraĂźnant une rĂ©plique presque immĂ©diate de la Russie, qui augmente sa prĂ©sence militaire au pĂŽle Nord[395].

Présence militaire

Le , S. Harper annonce qu'une base d'entraßnement militaire capable d'accueillir une centaine de soldats sera installée à Resolute et opérationnelle dÚs 2013. Cette décision, qui a été présentée comme une affirmation de la souveraineté du Canada sur le passage du Nord-Ouest, a en fait été prise de concert avec Washington, dans le cadre de l'intégration du systÚme de défense NORAD dans le NORTHCOM (US Northern Command) et de la mise en place du Partenariat pour la sécurité et la prospérité. Dans la foulée, le gouvernement canadien annonce la construction d'un port en eau profonde à Nanisivik, devant servir à des fins civiles et militaires. En 2014, le site est toujours inhabité et la construction n'a pas encore commencé: il semble que ce port ne sera opérationnel qu'en 2017 et se réduira en fait à un poste de ravitaillement[389].

En 2008, le Canada décrÚte que tous les navires empruntant le passage doivent en aviser les autorités canadiennes[389].

En 2010, le gouvernement Harper annonce l'achat d'une flotte de six Ă  huit navires de patrouille extracĂŽtiers, pour un coĂ»t estimĂ© Ă  9 milliards, ainsi qu'un nouveau brise-glace de 150 m, le John G. Diefenbaker, au coĂ»t de 720 millions. Certains ont critiquĂ© cette coĂ»teuse militarisation de l'Arctique[388], tandis que les rĂ©sidents estiment que cet argent serait plus utile s’il Ă©tait investi dans . En 2014, il est annoncĂ© que ces navires patrouilleront les eaux arctiques seulement durant les quatre Ă  cinq mois d'Ă©tĂ© et qu'ils seront dĂ©ployĂ©s dans le sud le reste de l'annĂ©e[389].

Conseil de l'Arctique

Le , le Canada accĂšde Ă  la prĂ©sidence du Conseil de l'Arctique pour un mandat de deux ans. La ministre Leona Aglukkaq dĂ©clare avoir pour objectifs « une exploitation responsable des ressources de l’Arctique », la sĂ©curitĂ© de la navigation et le dĂ©veloppement de collectivitĂ©s circumpolaires durables[396]. Toutefois, l'accession du Canada Ă  la prĂ©sidence de ce Conseil inquiĂšte certains observateurs[397]. Lors du premier sommet, en , la dĂ©lĂ©guĂ©e des États-Unis craint que le Conseil n'oublie sa prioritĂ© principale, qui est la recherche sur l'environnement, en s'intĂ©ressant surtout Ă  des questions pratiques comme la navigation et l'extraction miniĂšre[398].

Contacts avec les médias

Alors que, comme chef de l'opposition, Stephen Harper s'Ă©tait fait l'ardent dĂ©fenseur de la transparence et de l'accĂšs Ă  l'information[399], il a pris une tout autre orientation dĂšs son arrivĂ©e au pouvoir. Son gouvernement a Ă©tĂ© accusĂ© de manquer de transparence et de transformer « les rapports que la tribune de la presse d'Ottawa entretient depuis plus d'un siĂšcle avec le bureau du premier ministre[400]». Les rencontres avec les journalistes sont rares et prĂ©sidĂ©es par un attachĂ© politique ; les questions doivent ĂȘtre dĂ©posĂ©es par Ă©crit au prĂ©alable auprĂšs de l'attachĂ© politique qui choisit celles auxquelles le premier ministre voudra bien rĂ©pondre ; aucune question secondaire n'est permise ; les confĂ©rences de presse sont annoncĂ©es Ă  la derniĂšre minute sans que le sujet en soit connu Ă  l'avance, de sorte que « les journalistes n'ont pas le temps de se prĂ©parer adĂ©quatement et les rĂ©seaux ont moins de latitude pour dĂ©terminer la pertinence de rĂ©pondre ou non Ă  la convocation de presse[400]». Cette procĂ©dure extrĂȘmement restrictive a Ă©galement Ă©tĂ© dĂ©noncĂ©e par les journaux anglophones[401]. Elle a entraĂźnĂ©, en , un accrochage avec un journaliste chinois, qui s'est plaint d'avoir Ă©tĂ© privĂ© de son droit de poser une question[402]. Lors de la rentrĂ©e parlementaire, en , le bureau du premier ministre a dĂ©cidĂ© que, contrairement Ă  la coutume, les camĂ©ras seraient autorisĂ©es Ă  filmer son discours devant son caucus mais que les journalistes ne pourraient pas y assister; en mesure de protestation, plusieurs services de nouvelles ont boycottĂ© l'Ă©vĂ©nement[403].

Pour mieux contrÎler le discours officiel, les députés conservateurs ont comme consigne de ne pas répondre aux questions des journalistes[400] et de ne pas participer à des débats contradictoires dans leur propre circonscription en période électorale[404]. Les demandes d'entrevue avec les ministres sont filtrées par le Bureau du Conseil privé[405] et se heurtent le plus souvent à une fin de non-recevoir[401]. Un groupe de journalistes a publiquement dénoncé le gouvernement Harper pour son contrÎle sur l'information, estimant que « le droit du public à l'information est menacé et qu'on assiste à une érosion de la démocratie[406] ».

Embargo sur les informations

Les journalistes se sont souvent plaints de ne pas avoir de succĂšs dans leurs demandes auprĂšs des ministĂšres en vertu de la loi sur l’accĂšs Ă  l’information. Parmi les moyens utilisĂ©s pour bloquer la remise des documents, on note le refus pur et simple de rĂ©pondre, des dĂ©lais excessifs pouvant aller jusqu'Ă  trois ans, des frais de recherche Ă©levĂ©s et des documents largement noircis par la censure[407]. En , la commissaire Ă  l'information a dĂ©noncĂ© le fait que, depuis des mois, la GRC ne rĂ©pondait plus aux demandes d'information[408]. Peu aprĂšs, dans une lettre publique, elle insistait sur la nĂ©cessitĂ© de moderniser cette loi, vieille de trente ans[409].

En raison du fait que le gouvernement a massivement recours au service de messagerie du Blackberry dans ses communications internes et que les messages ainsi Ă©changĂ©s sont automatiquement dĂ©truits aprĂšs 30 jours, le public est privĂ© de son droit d'accĂšs Ă  l'information. Dans son rapport de , la commissaire Ă  l'information Suzanne Legault demande que la fonction de messagerie soit dĂ©sactivĂ©e sur les 98 000 tĂ©lĂ©phones des fonctionnaires afin de prĂ©server les traces des Ă©changes[410]. En , elle dĂ©pose un rapport au Parlement Ă©tablissant qu'il y a eu « participation inadĂ©quate de certains membres du personnel du ministre dans le cas de cinq demandes d'accĂšs Ă  l'information reçues par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada[411] ».

Le , peu aprĂšs les divulgations d'Edward Snowden sur l'espionnage des communications Internet par la NSA, un amendement Ă  la loi antiterroriste impose un secret perpĂ©tuel sur les opĂ©rations menĂ©es par 11 agences fĂ©dĂ©rales, touchant 12 000 agents[412]. Selon l'association des Journalistes canadiens pour la libertĂ© d’expression[413], le Canada se classe 55e parmi les 93 pays qui ont une loi d'accĂšs Ă  l'information[414].

Paradoxalement, le Canada est membre depuis du Partenariat pour un gouvernement transparent, un organisme international devant lequel il s'est engagé à « étendre l'accÚs à l'information et aux activités du gouvernement par la transparence des données et un dialogue ouvert »[415]. Dans le cadre de cette participation, le Conseil du trésor a mis en place un site web fournissant des ensembles de données sur divers sujets[416]. Parmi les initiatives que ce site met à l'actif du gouvernement, figure la possibilité pour les citoyens de faire une demande d'accÚs à l'information et d'en régler les frais au moyen d'un formulaire en ligne[417]. Selon l'ONG Democracy Watch, toutefois, le Gouvernement n'a pas rempli ses obligations en tant que membre de ce groupe[418].

ContrÎle des résultats de recherche

De plus en plus souvent, l'information est restreinte à la source, comme c'est le cas à Environnement Canada, qui depuis 2007 oblige ses chercheurs à référer toute demande des médias au bureau du ministre, au motif que ce dernier est responsable devant le Parlement du travail de ses fonctionnaires[419]. La situation a été critiquée en 2012 dans un éditorial de la revue américaine Nature dénonçant la façon dont le gouvernement conservateur a muselé ses scientifiques[420]. Les sérieuses carences des divers ministÚres sont encore dénoncées dans une étude indépendante publiée en [421].

MĂȘme le ministĂšre de la SantĂ© a cessĂ© de divulguer nombre de ses rapports sur des mĂ©dicaments, alors qu'il est dans l'intĂ©rĂȘt du public de connaĂźtre les effets potentiellement nocifs de certains produits et que cette pratique de transparence est en vigueur Ă  la Food and Drug Administration et en Europe. Pour la seule annĂ©e 2013, plus de 150 rapports Ă©taient ainsi tenus secrets[422]. Un groupe de chercheurs a demandĂ© Ă  la commissaire Ă  l'information de faire enquĂȘte sur cette censure de l'information[423].

Il en va de mĂȘme Ă  l'ONE, qui ne rĂ©vĂšle pas des informations jugĂ©es essentielles sur le parcours exact des olĂ©oducs et les incidents survenus dans le passĂ©, ce qui classe le Canada trĂšs loin derriĂšre les États-Unis en matiĂšre de transparence[424].

En rĂ©action, les quelque 15 000 chercheurs Ă  l'emploi du gouvernement fĂ©dĂ©ral demandent que les prochaines conventions collectives contiennent une clause les mettant Ă  l'abri de toute interfĂ©rence politique[425].

Projet de loi C-60

En 2013, avec le projet de loi C-60[426], le gouvernement se donne le droit de surveiller les conditions de travail de 31 sociétés de la Couronne. Cette mesure est jugée particuliÚrement inquiétante pour l'avenir de Radio-Canada, car elle permet au gouvernement d'intervenir directement dans la gestion de cet important service de nouvelles[427], éliminant de ce fait son indépendance par rapport au bureau du premier ministre[428] - [429]. La société Radio-Canada a protesté par lettre auprÚs du gouvernement, en signalant que les changements prévus dépouilleraient son conseil d'administration de ses deux responsabilités fondamentales, qui sont d'assurer la supervision des activités de la société et son indépendance à l'égard du gouvernement en place[430].

Surveillance des médias sociaux et des démonstrations publiques

Le , le ministÚre des travaux publics lance un appel d'offres pour un contrat de surveillance continue des médias sociaux (blogs, Facebook, Twitter, forums, sites de nouvelles, YouTube, etc.). Il s'agit de mesurer le ton des messages et d'évaluer la façon dont il affecte le public visé. Le travail de surveillance débutera en et s'étendra sur une période de 5 ans. L'utilisation que le gouvernement compte faire de ces données n'a pas été explicitée[431].

En , le Centre des opĂ©rations du gouvernement[432] ordonne Ă  tous les dĂ©partements et ministĂšres fĂ©dĂ©raux de recueillir et de lui communiquer des informations prĂ©cises sur toute activitĂ© de dĂ©monstration survenant sur le territoire. Un tel ordre pourrait ĂȘtre illĂ©gal, selon un spĂ©cialiste[433].

Style de gouvernance

DĂšs son arrivĂ©e au pouvoir, Stephen Harper a fait retirer de la salle du caucus conservateur au Parlement les portraits des anciens premiers ministres pour les remplacer par des photos de lui[434] - [435]. Il a pris soin d'appliquer « un sceau de sectarisme politique » sur les communications Ă©manant de son bureau, en utilisant systĂ©matiquement l'expression « le gouvernement Harper » plutĂŽt que « le gouvernement du Canada » selon l'usage Ă©tabli[436]. InspirĂ©e des techniques de marketing, cette obligation faite aux fonctionnaires de donner une coloration partisane Ă  leurs communications a Ă©tĂ© ressentie comme abusive et nuisible Ă  l'intĂ©rĂȘt public[437]. Selon certains analystes, Stephen Harper a centralisĂ© les pouvoirs au sein de son bureau plus que jamais auparavant chez un premier ministre canadien[438], mĂȘme si la tendance Ă©tait dĂ©jĂ  observable sous le gouvernement Trudeau. Son bureau est devenu l'organe dĂ©cisionnel par excellence, au mĂ©pris du Parlement (voir ci-dessus Motion de censure de 2011) et mĂȘme des membres du caucus conservateur, ce qui a fini par soulever la colĂšre de certains dĂ©putĂ©s[439].

Ce bureau, qui coĂ»te une dizaine de millions de dollars par annĂ©e Ă  l'État, ne rend de comptes Ă  personne[440]. On soupçonne que c'est pour en protĂ©ger l'opacitĂ© que Stephen Harper s'est opposĂ© Ă  un projet de loi sur la transparence[441], prĂ©sentĂ© par le dĂ©putĂ© albertain Brent Rathgeber, qui aurait obligĂ© Ă  divulguer les noms, salaires et titres de tout employĂ© de l’État gagnant plus de 188 000 $ ; au lieu de cela, Stephen Harper a fixĂ© le seuil Ă  444 000 $[442], ce qui a amenĂ© le dĂ©putĂ© Ă  se retirer du caucus conservateur, disant ne plus reconnaĂźtre le Parti conservateur, qui a fini par « se transformer en ce qu’autrefois nous dĂ©noncions[443] ».

Certains ont Ă©galement dĂ©noncĂ© les nombreuses nominations partisanes, notamment au Tribunal de la sĂ©curitĂ© sociale (TSS), mis en place au printemps 2013[444] - [445]. Il en va de mĂȘme pour les juges en matiĂšre d'immigration et de nombreux autres organismes[446].

Depuis son arrivĂ©e au pouvoir, Stephen Harper a nommĂ© 52 sĂ©nateurs, dont 7 organisateurs du parti et 5 candidats conservateurs dĂ©faits aux Ă©lections[447]. Ces nominations Ă©tonnent alors qu'il a fait campagne pour un SĂ©nat Ă©lu. MĂȘme si chacun des sĂ©nateurs ainsi nommĂ©s promet, dans une conversation privĂ©e avec M. Harper, de voter en faveur d'une rĂ©forme Ă©ventuelle du sĂ©nat et de servir 7 ans plutĂŽt que jusqu'Ă  l'Ăąge de 75 ans, il n'existe en fait aucun engagement Ă©crit qui l'obligerait Ă  se faire Ă©lire ou Ă  dĂ©missionner aprĂšs un certain nombre d'annĂ©es[447].

Accusations de mépris du Parlement

Le , le chef du Parti libéral du Canada (PLC), Michael Ignatieff, accuse formellement le premier ministre de mépris du Parlement. C'était la premiÚre fois qu'une telle accusation était portée contre un chef de gouvernement dans l'histoire du Canada ainsi que du Commonwealth. L'accusation a été provoquée par le fait que le gouvernement refusait de produire les documents sur les coûts réels qu'entraßneraient sur le budget, la construction de prisons, l'achat des F-35 et les avantages fiscaux consentis aux entreprises[55]. Il présente une motion de censure qui est votée par les 156 députés de l'opposition, ce qui fait tomber le gouvernement et entraßne une élection (voir ci-dessus).

En , le chef de l'opposition, Thomas Mulcair, réitÚre sa demande auprÚs du directeur parlementaire du budget afin que le gouvernement fournisse toutes les informations sur les réductions budgétaires envisagées, ce à quoi le premier ministre se refuse depuis des mois[448].

Projets de loi omnibus sur le budget

L'opposition parlementaire s'est souvent plainte de ne pas disposer de toute l'information nĂ©cessaire sur les politiques gouvernementales en matiĂšre de budget[449]. Afin de rĂ©duire la visibilitĂ© de nombreux changements lĂ©gislatifs, le gouvernement Harper a choisi de les regrouper dans son budget, ce qui produit des projets de loi extrĂȘmement volumineux. Alors que les propositions budgĂ©taires des gouvernements prĂ©cĂ©dents dĂ©passaient trĂšs rarement les 100 pages, la proposition de budget comptait 400 pages en 2007, plus de 500 en 2009, 880 en 2010, 600 en 2011, 400 en 2012, 308 en 2013 et 157 en 2015[450] - [451]. Ces projets de loi apportent d'importantes modifications Ă  un grand nombre de lois (135 en 2011) et dĂ©finissent parfois des accords commerciaux susceptibles de lier le Canada pour des dizaines d'annĂ©es Ă  venir. Dans la plupart des cas, ils contiennent des projets de lois qui n'ont aucune incidence budgĂ©taire, tel le projet de loi C-4 dont le dernier Ă©lĂ©ment est constituĂ© par des amendements Ă  la Loi sur la Cour suprĂȘme[452] visant Ă  permettre la nomination de Marc Nadon[453]; le budget 2015 apportait des modifications Ă  27 lois, la plupart sans rapport avec le budget[454].

En raison mĂȘme de leur volume, ces projets de loi omnibus Ă©chappent Ă  tout dĂ©bat parlementaire approfondi et ont Ă©tĂ© souvent dĂ©noncĂ©s par les partis d'opposition[450] et par de nombreux observateurs[455]. Comme le note une critique en 2012, « Le projet de loi omnibus (C-38) est la derniĂšre salve d'une offensive tous azimuts pour remodeler le Canada en pays beaucoup, beaucoup plus conservateur[456]. »

Alors qu'il était dans l'opposition en 1994, Harper avait critiqué le gouvernement Chrétien pour avoir présenté un budget sous forme de loi omnibus, alors que celui-ci ne contenait que 21 pages et était entiÚrement consacré à des questions budgétaires[457].

Prorogations répétées

La loi canadienne permet de mettre fin Ă  une session parlementaire au moyen d'une prorogation sur dĂ©cision unilatĂ©rale du premier ministre, avec l'accord du Gouverneur gĂ©nĂ©ral. Le , Stephen Harper a invoquĂ© cette procĂ©dure afin d'Ă©viter une motion de censure. C'Ă©tait la premiĂšre fois que la prorogation Ă©tait utilisĂ©e Ă  cette fin. Cette mesure a Ă©tĂ© abondamment critiquĂ©e parce qu'elle met en cause l'existence mĂȘme du Parlement. En effet, « en bloquant toute forme de discussion parlementaire lorsqu'il le dĂ©sire, le premier ministre rend le Parlement redevable Ă  sa personne plutĂŽt que l'inverse[458]». Nombreux sont ceux qui s'inquiĂštent de l'abus de cette procĂ©dure, tant du cĂŽtĂ© de la gauche que de la droite.

Dans une entrevue accordée à Radio-Canada en 2010, Harper affirme « qu'un recours annuel à une prorogation ne serait pas impossible afin d'éviter des sessions parlementaires trop longues[458] ». Il avait déjà eu recours à la prorogation en . Il l'a encore invoquée en pour éviter un débat sur le traitement des prisonniers afghans par les forces canadiennes. En , il l'utilise à nouveau pour échapper aux questions sur le scandale de l'affaire Duffy[459]. Cette derniÚre décision réduit la session parlementaire à 105 jours, soit la plus courte session depuis 1968 dans une année sans élection[460].

Limitation des débats

Le gouvernement contrÎle les débats en limitant le temps de parole. Durant la session parlementaire qui s'est terminée en 2013, cette procédure de limitation des débats a été imposée plus de 40 fois[461].

Lors de la période de questions au Parlement, les réponses aux députés de l'opposition sont souvent évasives voire complÚtement hors sujet[462], comme celle de Paul Calandra à Thomas Mulcair en [463], qui a été fort critiquée[464].

En , une autre directive impose aux officiers supérieurs de la GRC d'obtenir une autorisation avant de pouvoir rencontrer députés ou sénateurs[465].

Ignorant les normes traditionnelles de courtoisie rĂ©gissant les rapports entre le parti au pouvoir et les partis d'opposition[466] - [467], Harper a accentuĂ© la polarisation au sein du Parlement au point d'en compromettre la reprĂ©sentation dĂ©mocratique[468]. Les comitĂ©s parlementaires sont tous contrĂŽlĂ©s par la majoritĂ© conservatrice et leurs prĂ©sidents sont nommĂ©s par le premier ministre, ce qui va Ă  l'encontre de leur fonction fondamentale, qui est de passer au crible les projets de loi proposĂ©s[469]. De plus, ces comitĂ©s ne disposent plus des pouvoirs d'investigation qui Ă©taient les leurs jusque-lĂ . Depuis , une directive du gouvernement empĂȘche le personnel des ministres de comparaĂźtre devant des comitĂ©s parlementaires —une mesure jugĂ©e contraire aux mĂ©canismes de surveillance propre Ă  une dĂ©mocratie[470].

Sommets du G8 et du G20

La tenue du sommet du G8 Ă  Huntsville (Ontario) et du sommet du G20 Ă  Toronto, entre les 25 et , a entraĂźnĂ© des dĂ©penses Ă©valuĂ©es Ă  un milliard de dollars[471]. En comparaison, le sommet du G20 tenu Ă  Cannes en 2011 a coĂ»tĂ© quelque 28 000 000 â‚Ź (environ 45 000 000 $) selon les estimations les plus Ă©levĂ©es[472].

De plus, le ministre Tony Clement a utilisé de l'argent du fonds d'infrastructure du sommet du G8 pour créer « une caisse occulte personnelle de 50 millions de dollars » afin de financer des projets dans sa circonscription sans avoir à rendre de comptes au Parlement[473] - [474].

Achat des F-35

Le , faisant suite Ă  un prĂ©cĂ©dent contrat de dĂ©veloppement sous le Parti libĂ©ral[475], le gouvernement annonce qu'il achĂštera 65 avions de chasse F-35 pour une somme de 9 milliards de dollars[476], en remplacement de sa flotte vieillissante de 103 appareils CF-18, livrĂ©s entre 1982 et 1988. TrĂšs vite, l'opposition parlementaire dĂ©nonce le fait que l'affaire ait Ă©tĂ© rĂ©glĂ©e sans appel d'offres et se demande si ce type d'avion monomoteur est bien adaptĂ© Ă  des patrouilles en territoire arctique. Surtout, elle affirme que le gouvernement sous-estime le coĂ»t rĂ©el de cette commande, ainsi que les coĂ»ts d'entretien, alors Ă©valuĂ©s Ă  16 milliards. AprĂšs avoir maintenu sa dĂ©cision durant deux ans, Stephen Harper est obligĂ© d'accepter un rapport de la firme indĂ©pendante KPMG et reconnaĂźt finalement, le , que les coĂ»ts d'achat et d'entretien s’élĂšveraient en fait Ă  45 milliards de dollars pour 30 ans de vie utile[477]. La commande est alors suspendue et des fonds sont dĂ©bloquĂ©s pour maintenir la flotte de CF-18 en service. Les frais d'annulation de cet important contrat n'ont pas Ă©tĂ© rendus publics. Toutefois, Lockheed Martin dĂ©clare, en , que le Canada pourrait perdre 10,5 milliards $ en contrats si l'achat Ă©tait annulĂ©[478]. Le rapport du vĂ©rificateur gĂ©nĂ©ral du Canada, Michael Ferguson, accuse les ministĂšres de la DĂ©fense et des Travaux publics d’avoir camouflĂ© le coĂ»t rĂ©el du programme d’achat de ces avions[479].

En 2011, le gouvernement canadien avait Ă©valuĂ© Ă  35 milliards de dollars la construction de 40 nouveaux bateaux, dont 15 navires de combat de surface. En , le ministĂšre des Travaux publics reconnaĂźt que cette estimation ne tient pas compte des coĂ»ts de fonctionnement et d’exploitation, ainsi que des frais de personnel, sur une pĂ©riode de 30 ans, soit le cycle de vie complet des bateaux, et annonce que le coĂ»t rĂ©visĂ© devrait dĂ©passer 100 milliards de dollars[479] - [480].

Publicité pour les budgets et les programmes

Les partis d'opposition et les Ă©ditoriaux de plusieurs grands journaux dĂ©noncent l'utilisation de fonds publics pour diffuser des publicitĂ©s surtout utiles au Parti conservateur. Entre 2009 et 2012, Stephen Harper a dĂ©pensĂ© 113 000 000 $ en annonces publicitaires faisant la promotion de ses budgets[481] - [482]. En 2014, le gouvernement continue Ă  faire la promotion d'un Plan d'action Ă©conomique datant de 2009 et dont les fonds sont taris, en plaçant des publicitĂ©s coĂ»teuses et sans contenu informatif dans des Ă©missions tĂ©lĂ©visĂ©es comme le Super Bowl, la Coupe Stanley et les Olympiques[483]. L'octroi d'une subvention fĂ©dĂ©rale Ă  un groupe communautaire est souvent accompagnĂ© par la remise d'un faux chĂšque de grand format portant le logo du Parti conservateur[484].

On a également critiqué l'usage de fonds publics pour un site web gouvernemental de vidéos mettant en vedette le premier ministre et dans lequel des personnalités font la promotion de ses initiatives[485].

Entre 2009 et 2014, le gouvernement a dĂ©pensĂ© 383 000 $ en sondages d'opinion sur les rĂ©actions des citoyens Ă  ses publicitĂ©s[486].

À quelques mois de l'Ă©lection de 2015, le gouvernement dĂ©pense encore 7,5 millions pour faire la publicitĂ© de son budget avec l'argent public[487]. Au total, entre 2006 et 2015, le gouvernement a dĂ©pensĂ© 750 millions pour faire la promotion de ses programmes[488].

Trou de 3 milliards

Sur une somme de 12 milliards de dollars consacrés à la lutte contre le terrorisme entre 2001 et 2009, un montant de 3,1 milliard a disparu sans laisser de traces, selon un rapport du vérificateur général rendu public en [489]. Six mois plus tard, le gouvernement n'avait toujours pas fourni d'explications sur un trou d'une telle ampleur. Selon Kevin Page, ancien commissaire au budget du Parlement, cette somme pourrait avoir été distribuée entre divers ministÚres sans avoir été comptabilisée, ou avoir été utilisée à des fins que les Conservateurs ne souhaitent pas rendre publiques[490].

Les dépenses « in and out » de l'élection 2006

Lors de la campagne Ă©lectorale de 2006, le Parti conservateur, qui avait largement dĂ©passĂ© le plafond de dĂ©penses autorisĂ©es par la loi Ă©lectorale, imputa Ă  67 de ses circonscriptions locales la portion de ses dĂ©penses nationales dĂ©passant la limite permise, impliquant plus d'un million de dollars en publicitĂ© tĂ©lĂ©visĂ©e[491]. Le trĂ©sorier national du parti, Irving Gerstein (devenu sĂ©nateur en 2009), et le chef de campagne, Doug Finley (Ă©galement devenu sĂ©nateur en 2009), Ă©taient les principaux responsables de ce stratagĂšme connu sous le nom de « in and out », qui permit au parti d'obtenir, dans un premier temps, un remboursement de 60 % de ces dĂ©penses[492]. Lorsque Élections Canada dĂ©couvrit la fraude et rĂ©clama le retour des sommes indĂ»ment versĂ©es, le Parti lutta devant les tribunaux durant six ans avant de finalement accepter, le , de rembourser 230 198 $ aux contribuables, et de payer une amende de 52 000 $[493].

Les appels téléphoniques frauduleux de l'élection 2011

Lors de la campagne Ă©lectorale de 2011, des milliers d'appels tĂ©lĂ©phoniques ont Ă©tĂ© faits sous couvert d'Élections Canada Ă  des Ă©lecteurs pour indiquer, faussement, que leur bureau de vote avait Ă©tĂ© changĂ©. Cette fraude massive couvre quelque 200 circonscriptions[494]. Au printemps 2012, le Conseil des Canadiens a demandĂ© au tribunal d'invalider les Ă©lections dans six circonscriptions oĂč les conservateurs avaient gagnĂ© de justesse[495]. Dans son jugement rendu le , le juge a reconnu que la fraude Ă©tait massive, systĂ©matique, rĂ©alisĂ©e par quelqu'un qui avait accĂšs Ă  la base de donnĂ©es trĂšs sophistiquĂ©e du Parti conservateur ainsi qu'Ă  ses ressources financiĂšres, et qui s'en est servi pour le bĂ©nĂ©fice de ce parti[496]. Tout en critiquant sĂ©vĂšrement les tentatives d'obstruction du Parti conservateur durant toute la durĂ©e du procĂšs, le juge a toutefois refusĂ© d'annuler les rĂ©sultats des Ă©lections dans les six circonscriptions en question. Toutefois, l'enquĂȘte d'Élections Canada sur cette fraude se poursuit dans la circonscription de Guelph, qui n'Ă©tait pas visĂ©e par la cause portĂ©e devant le juge[497].

L'affaire Duffy a fait les manchettes sous Stephen Harper.

L'affaire Duffy

En , un comitĂ© des finances du SĂ©nat rĂ©vĂšle que le sĂ©nateur Mike Duffy et trois de ses collĂšgues avaient prĂ©sentĂ© des demandes de remboursement excessives et sans doute inappropriĂ©es pour leurs frais de voyage et de rĂ©sidence[498]. Le , Mike Duffy annonce dans une entrevue tĂ©lĂ©visĂ©e qu'il va rembourser une somme de 90 000 $ Ă  laquelle il n'avait pas droit[499]. En mai, on apprend que, en tant que membre influent du caucus conservateur, Duffy avait bĂ©nĂ©ficiĂ© d'un traitement de faveur de la part du comitĂ© sĂ©natorial, qui n'avait pas transmis son dossier Ă  l'audit en raison de ce remboursement[500]. Les conservateurs cherchent toutefois Ă  Ă©touffer tout soupçon de comportement inappropriĂ© et Stephen Harper va jusqu'Ă  faire l'Ă©loge du sĂ©nateur « pour avoir fait preuve de « leadership » dans le scandale des dĂ©penses du SĂ©nat[500]».

Or, le , il apparaĂźt que Duffy a pu rembourser le SĂ©nat grĂące Ă  un chĂšque cadeau de 90 172 $ que lui avait fait le chef de cabinet de Stephen Harper, Nigel Wright[501], un chĂšque peut-ĂȘtre tirĂ© sur « une caisse occulte » du bureau du premier ministre[442]. On apprend aussi que Duffy avait facturĂ© le SĂ©nat pour des frais de dĂ©placement encourus lors de sa participation Ă  la campagne de Stephen Harper en 2011[502]. Devant les rĂ©actions outragĂ©es du public, Mike Duffy quitte le caucus conservateur pour dĂ©sormais siĂ©ger comme sĂ©nateur indĂ©pendant[503], tandis que Nigel Wright dĂ©missionne deux jours plus tard[504]. Ce qui n'Ă©tait au dĂ©part que simple malversation d'un individu peu scrupuleux est devenu un scandale qui Ă©clabousse le premier ministre ainsi que le SĂ©nat. On parle Ă  ce propos de duffygate ou de sĂ©natgate[505], et l'affaire Ă©branle les milieux conservateurs[506]. Ce dernier scandale est d'autant plus dommageable pour Stephen Harper qu'il s'Ă©tait fait Ă©lire « en promettant un autre style de gouvernement, modeste, anti-Ă©litiste et respectueux de l'argent du contribuable[507]».

Lors de la sĂ©ance parlementaire du [508], Thomas Mulcair et Justin Trudeau cherchent Ă  savoir du premier ministre Ă  quel moment ce dernier a Ă©tĂ© avisĂ© du cadeau fait Ă  Mike Duffy par son chef de cabinet. Ils insistent aussi pour que soient rendus publics le chĂšque en question ainsi que les Ă©changes de courriels entre les parties impliquĂ©es, car il y a eu obstruction d'un audit, manquement aux rĂšgles d'Ă©thique sur les cadeaux Ă  des lĂ©gislateurs et infraction au principe fondamental de sĂ©paration des pouvoirs. Comme le fait remarquer le dĂ©putĂ© NPD Charlie Angus, au cours de la mĂȘme sĂ©ance, la situation est fort diffĂ©rente du scandale des commandites qui avait provoquĂ© la chute du gouvernement libĂ©ral, car « la corruption dont il s'agit n'est pas le fait d'agents vĂ©reux, de personnes Ɠuvrant en retrait pour le parti, mais bien de personnes qui font partie du Cabinet mĂȘme du premier ministre ».

En , un agent de la GRC rĂ©vĂšle que, au cours des quatre annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, Duffy avait Ă©galement facturĂ© au SĂ©nat un montant totalisant prĂšs de 65 000 $ en contrats douteux accordĂ©s Ă  un de ses amis[509].

Le , Mike Duffy affirme devant le SĂ©nat avoir eu une rencontre en fĂ©vrier avec Stephen Harper et Nigel Wright au sujet de ses dĂ©penses de logement et que le premier ministre lui aurait dit de rembourser le montant en question sous peine d'expulsion du caucus. Le lendemain, en Chambre, Harper nie catĂ©goriquement avoir participĂ© Ă  cette rencontre[510]. Le sĂ©nateur et trĂ©sorier du Parti conservateur, Irving Gerstein, affirme au congrĂšs de son parti, tenu Ă  Calgary les 1er et , que le parti avait remboursĂ© les dĂ©penses d'avocat de Duffy, pour un montant de 13 500 $, mais qu'il n'avait jamais Ă©tĂ© question de lui rembourser les dĂ©penses de logement. Il contredisait ainsi une dĂ©claration faite sous serment par Nigel Wright selon laquelle M. Gerstein Ă©tait d'abord prĂȘt Ă  couvrir un montant de 32 000 $, mais qu'il avait reculĂ© en apprenant que le montant Ă©tait prĂšs de trois fois plus Ă©levĂ©[511].

Le , le Sénat suspend sans traitement les sénateurs Mike Duffy, Patrick Brazeau et Pamela Wallin[512].

Espionnage du Brésil

Le , s'appuyant sur des documents rendus publics par Edward Snowden, la chaĂźne de tĂ©lĂ©vision Globo rĂ©vĂšle que le Centre de la sĂ©curitĂ© des tĂ©lĂ©communications (CSTC) aurait espionnĂ© les communications du ministĂšre brĂ©silien des Mines et de l'Énergie Ă  l'aide du programme Olympia mis au point secrĂštement par la NSA[513]. À la suite de ces rĂ©vĂ©lations, le BrĂ©sil a convoquĂ© l'ambassadeur canadien pour lui tĂ©moigner son indignation et il annonce un gel des demandes d'exploitation provenant de miniĂšres canadiennes[514].

Depuis l'arrivĂ©e au pouvoir de Harper, le gouvernement organise une confĂ©rence secrĂšte semestrielle rĂ©unissant des reprĂ©sentants des compagnies miniĂšres et d'Ă©nergie avec des responsables de divers ministĂšres et des agents du CSTC[515]. Selon le Guardian, Harper a remodelĂ© la politique extĂ©rieure du Canada de façon Ă  offrir un appui inconditionnel Ă  ces compagnies, liant aide extĂ©rieure et investissements en Afrique, Asie et AmĂ©rique latine[515], les ambassades du Canada Ă©tant rĂ©duites Ă  agir comme agents des compagnies canadiennes, mĂȘme lorsque celles-ci sont impliquĂ©es dans de sĂ©rieuses violations des droits de la personne[515]. Certains observateurs relient l'espionnage du BrĂ©sil Ă  la prochaine vente aux enchĂšres de gisements pĂ©troliers au large des cĂŽtes, dont l'importance rivalise avec les sables bitumineux de l'Alberta, le Canada cherchant Ă  donner un avantage compĂ©titif Ă  ses propres compagnies[515].

Commentant ce scandale, l'ancien directeur du CSTC estime que la loi devrait ĂȘtre modifiĂ©e de façon que cet organisme puisse dĂ©battre rĂ©guliĂšrement de ses opĂ©rations devant un comitĂ© spĂ©cial de la Chambre des communes, dont les membres seraient tenus au secret[516].

Espionnage du G20 et des citoyens canadiens

Lors du sommet du G20 à Toronto, le Canada aurait donné le feu vert à la NSA, organisme américain d'espionnage, pour une vaste opération de surveillance des communications des délégués des pays participants. Or, une telle opération est interdite par la loi, le CSTC n'ayant « pas le droit d'espionner qui que ce soit en sol canadien ni de permettre à un partenaire étranger de le faire, à moins d'avoir l'autorisation d'un juge[517]. » Le CSTC et la NSA échangent non seulement des informations mais aussi du personnel et travaillent la main dans la main, le Canada ciblant des pays qui ne sont pas accessibles aux Américains. Cette étroite collaboration est dénoncée par les partis d'opposition, qui craignent qu'elle ébranle la réputation du Canada à l'étranger[518]. Cette façon de contourner la loi a été sévÚrement critiquée par le juge Mosley de la Cour fédérale, qui estime que le CSTC a délibérément trompé l'organisme de surveillance en omettant de lui faire part de ses activités d'échange d'informations avec des agences étrangÚres[519].

À la suite des rĂ©vĂ©lations d'Edward Snowden sur la « vaste et systĂ©matique collecte de renseignements personnels sur des citoyens innocents », laquelle contrevient Ă  la loi sur la protection des renseignements personnels et les documents Ă©lectroniques, un rapport de l'Union europĂ©enne rendu public en demande le rappel de l'accord de partage des renseignements personnels avec le Canada[520].

Alors qu'en , le président Obama annonce des mesures d'encadrement des activités de la NSA, le gouvernement canadien reste silencieux sur ses propres activités d'espionnage[521].

Backbencher conservateur et départ de la politique

Harper est retournĂ© Ă  Ottawa en tant que dĂ©putĂ© d'arriĂšre-ban conservateur et a pris la parole lors d'une rĂ©union du caucus conservateur qui comprenait des dĂ©putĂ©s dĂ©faits en novembre. Rona Ambrose, leader intĂ©rimaire, a dĂ©clarĂ© que Harper serait Ă  la Chambre pour les votes clĂ©s. de garder un profil bas aprĂšs son service en tant que premier ministre.En , il a dĂ©clarĂ© qu'il aurait pu ĂȘtre «facilement» le chef du Parti conservateur, mais il a choisi de ne pas accumuler trop de pouvoir pour assurer la prospĂ©ritĂ© future du parti.

En , Harper a créé Harper & Associates Consulting Inc., une société qui le nomme administrateur aux cÎtés de ses proches collaborateurs Ray Novak et Jeremy Hunt. Harper a annoncé en qu'il prévoyait démissionner de son siÚge à la Chambre des communes au cours de l'été avant la session d'automne du parlement.

Le , il a Ă©tĂ© nommĂ© membre du conseil d'administration du Parti conservateur. Au cours du mĂȘme mois, M. Harper a prononcĂ© un discours au congrĂšs du Parti conservateur de 2016 oĂč ses rĂ©alisations en tant que chef du parti et premier ministre ont Ă©tĂ© honorĂ©es par le parti. En , M. Harper a critiquĂ© la façon dont Justin Trudeau a traitĂ© la renĂ©gociation de l'Accord de libre-Ă©change nord-amĂ©ricain amorcĂ© par les États-Unis sous la prĂ©sidence de Donald Trump, affirmant que Trudeau Ă©tait trop rĂ©ticent Ă  faire des concessions aux États-Unis. Mexique, et a essayĂ© de faire avancer les politiques de gauche Ă  travers les renĂ©gociations.

Le , Harper a rĂ©vĂ©lĂ© dans un communiquĂ© qu'il Ă©tait au courant des allĂ©gations d'inconduite sexuelle contre le dĂ©putĂ© conservateur Rick Dykstra lors des Ă©lections de 2015, mais qu'il ne pouvait pas le retirer parce que l'enquĂȘte avait Ă©tĂ© fermĂ©e par la police un an avant les Ă©lections.

Le , Harper a assistĂ© au Gala international de la fraternitĂ© des chrĂ©tiens et des juifs Ă  Mar-a-Lago, oĂč il a dĂ©clarĂ© avoir exprimĂ© son soutien au discours du prĂ©sident amĂ©ricain Donald Trump sur JĂ©rusalem. Il a Ă©galement exprimĂ© son soutien Ă  la dĂ©cision de Trump de se retirer de l'accord avec l'Iran en prĂȘtant sa signature Ă  une publicitĂ© parue dans le New York Times, un jour aprĂšs la dĂ©cision Trump.

Vie privée

À la fin des 1980, il est devenu chrĂ©tien Ă©vangĂ©lique, membre de la RockPointe Church de Bearspaw (Alliance chrĂ©tienne et missionnaire), en banlieue de Calgary, Alberta[522]. AprĂšs son dĂ©mĂ©nagement Ă  Ottawa en 2003, il est devenu membre de East Gate Alliance Church.

Dans la culture populaire

En 2011, Stephen Harper fait une apparition caméo (dans le rÎle d'un policier) dans l'épisode 7 de la saison 4 de la série télévisée Murdoch Mysteries[523].

Distinctions

Prix et récompenses

DĂ©corations

Honneurs

RĂ©sultats Ă©lectoraux

Chambre des communes

Élection Circonscription Parti Voix % RĂ©sultats
FĂ©dĂ©rales de 1988 Calgary-Ouest RĂ©formiste 9 074 16,6 Échec
FĂ©dĂ©rales de 1993 Calgary-Ouest RĂ©formiste 30 209 52,2 Élu
Partielles de 2002 Calgary-Sud-Ouest Alliance 13 200 71,7 Élu
FĂ©dĂ©rales de 2004 Calgary-Sud-Ouest Conservateur 35 297 68,4 Élu
FĂ©dĂ©rales de 2006 Calgary-Sud-Ouest Conservateur 41 549 72,4 Élu
FĂ©dĂ©rales de 2008 Calgary-Sud-Ouest Conservateur 38 548 73,0 Élu
FĂ©dĂ©rales de 2011 Calgary-Sud-Ouest Conservateur 42 998 75,1 Élu
FĂ©dĂ©rales de 2015 Calgary Heritage Conservateur 37 263 63,8 Élu

Notes et références

Notes

  1. La notion de Patriot game fait référence au livre The Patriot game, de Peter Brimelow, un ouvrage qui eut un énorme retentissement dans l'Ouest et influença profondément Harper, selon Wells 2013, p. 45-53

Références

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Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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Liens externes

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