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Bilinguisme

Le bilinguisme est la capacitĂ© d'un individu d’alterner entre deux langues selon ses besoins. Par extension Ă  un territoire, le bilinguisme est la coexistence de deux langues officielles dans un mĂȘme État. Le bilinguisme constitue la forme la plus simple du multilinguisme, qui s'oppose Ă  l'unilinguisme.

Bilinguisme individuel

Une personne bilingue, dans le sens le plus large, est celle qui peut communiquer en deux langues au moins, que ce soit sous une forme active (la parole et l'Ă©criture) ou passive (par l'Ă©coute et la lecture), cependant l'individu ne doit pas forcĂ©ment exceller dans les 2 langues afin de pouvoir ĂȘtre considĂ©rĂ© comme bilingue.

Le terme s'applique aux gens capables de communiquer, mĂȘme de façon inĂ©gale et avec des petites erreurs, dans chacune des deux langues.

Les locuteurs bilingues ont acquis et maintenu au moins une langue pendant l'enfance, la premiÚre langue (L1). La premiÚre langue (parfois également désignée sous le nom de langue maternelle) est acquise sans enseignement conventionnel. Il est possible que les enfants aient et maintiennent plus d'une premiÚre langue.

Certains linguistes plaident pour la définition maximale qui signifie que les « vrais » bilingues sont aussi bien capables de s'exprimer dans une langue que dans l'autre et ont une connaissance identique des deux langues. D'autres plaident pour la définition minimale, basée sur l'utilisation correcte de phrases dans les deux langues pour la communication courante. Encore d'autres considÚrent bilingues ceux capables de penser naturellement dans une langue comme une autre.

Langue maternelle (L1)

Langue maternelle, langue natale ou langue premiĂšre dĂ©signent tous la premiĂšre acquisition linguistique d’un enfant. C’est la langue de communication utilisĂ©e avec l’enfant avant qu’il n'apprenne Ă  parler. C’est Ă  travers les interactions de son entourage que l’enfant assimile de façon naturelle la langue entendue. Une bonne maĂźtrise de la langue maternelle est essentielle pour l’apprentissage d’une seconde langue. AprĂšs l’ñge de 12 ans tout apprentissage linguistique est considĂ©rĂ© comme une seconde langue[1].

Langue seconde (L2)

L’acquisition d’une seconde langue dĂ©pend de facteurs extralinguistiques tous interreliĂ©s[2] :

Territorial plusieurs langues sont parlĂ©es sur un mĂȘme territoire
Institutionnel une langue est officiellement reconnue; elle est la langue administrative du pays et est enseignée dans ses établissements scolaires
Didactique une langue seconde est acquise par immersion sociale ou scolaire

Acquisition d'une langue

Un point de vue largement répandu, et pourtant voué à de nombreuses critiques, est celui du linguiste américain Noam Chomsky qui parle de « module humain de langue » - un mécanisme permettant à un individu de recréer correctement les rÚgles (grammaire) des locuteurs autour de lui. Ce mécanisme de langue, selon Chomsky, devient moins utile une fois que l'enfant grandit et n'est plus, normalement, disponible à la puberté, ce qui explique le fait que les adolescents et les adultes ont parfois du mal avec certains aspects de l'apprentissage d'une deuxiÚme langue (L2).

Les locuteurs multilingues ont plus d'une langue à leur disposition ; d'abord une L1 et une (ou plusieurs) L2(s). Si la connaissance des langues est un processus cognitif, plutÎt qu'un module de langue, comme le suggÚre l'étude menée par Stephen Krashen, la différence entre l'acquisition d'une L1 et une L2 serait seulement relative.

Une troisiÚme école a fait son apparition ces derniÚres années qui pense que le mécanisme qui permet l'acquisition d'une langue pourrait se situer quelque part entre le module de langue et les processus cognitifs.

L'un des processus induisant cette dualitĂ© des langues maternelles consiste Ă  commencer par enseigner Ă  l'enfant la langue du pays oĂč il ne rĂ©side pas. Une fois cette premiĂšre langue acquise, on lui parle dans les deux langues, en lui laissant s'imprĂ©gner de la langue dans son pays. Il n'est pas rare que ces enfants aient besoin d'avoir recours Ă  un orthophoniste aprĂšs un certain temps pour la langue de leur pays.

Variables individuelles

Le bilinguisme individuel varie en fonction de nombreux facteurs. Il existe alors plusieurs façons de caractĂ©riser le bilinguisme, selon ces variables. Celles-ci doivent donc ĂȘtre prises en compte dans les Ă©tudes psycholinguistiques.

Motivation

La source de motivation dans l’apprentissage d’une langue seconde est une variable qui influence son acquisition et donc le type de bilinguisme caractĂ©risant l’apprenant. Les motivations intrinsĂšques peuvent s’appliquer dans les sphĂšres du travail, de l’immersion d’une langue et du plaisir. Plus prĂ©cisĂ©ment, le type de motivation de l’apprenant influence le degrĂ© d’acculturation (la capacitĂ© Ă  faire sienne la culture de la langue cible) et, par le fait mĂȘme, la maĂźtrise de la langue[3]. La motivation peut ĂȘtre intĂ©grative, l’apprenant dĂ©sire ĂȘtre socialement intĂ©grĂ© dans la culture cible ; assimilative, l’apprenant ne veut pas ĂȘtre diffĂ©renciĂ© d’un locuteur natif ; ou instrumentale, l’apprenant souhaite atteindre un but particulier, par exemple obtenir une promotion professionnelle.

Âge d’acquisition

L’ñge d’acquisition d’une langue influence la compĂ©tence du bilingue. Tout apprentissage linguistique fait aprĂšs l’ñge de 12 ans est considĂ©rĂ© comme une langue seconde.

Bilinguisme précoce simultané apprentissage et développement de deux langues dÚs la naissance qui génÚre un bilinguisme fort
Bilinguisme prĂ©coce consĂ©cutif apprentissage partiel d’une langue suivi d’une seconde durant la petite enfance avec un dĂ©veloppement langagier en partie bilingue
Bilinguisme tardif la langue seconde est apprise aprĂšs l’ñge de 6 ans, il est distinctif du bilinguisme prĂ©coce et son dĂ©veloppement est basĂ© sur les connaissances de la L1
Bilinguisme additif apprentissage des deux langues de façon équivalente autant sur le plan de la communication que de la compréhension, les deux langues coexistent
Bilinguisme soustractif apprentissage de la langue seconde au détriment de la L1, il y a une baisse de la compétence de la L1

Dans le dĂ©veloppement de l’enfant, l’acquisition du langage s’étend en gĂ©nĂ©ral de 0 Ă  3 ans[4].

- Reproduction des sons Ă  travers le babillage - Apprentissage de la communication - Construction de phrase

Âge d’acquisition Acquisition
0 Ă  12 mois

- DĂ©couverte des sons/phonĂšmes de leurs langues

- Reproduction des sons Ă  travers le babillage

- Apprentissage de la communication

12 Ă  18 mois

- Utilisation de mots simples

18 Ă  24 mois

- Explosion du vocabulaire

- Construction de phrase

Degré de maßtrise

Le degré de maßtrise des langues influence le type de bilinguisme[5].

Langue Degré de maßtrise
« vrai » bilinguisme (bilinguisme idĂ©al) le locuteur peut s’exprimer de façon Ă©quivalente sur tous les sujets dans une langue comme dans l’autre (maĂźtrise tous les registres)
« semi-linguisme » aucune des langues n’est maĂźtrisĂ©e comme un locuteur natif
« équilingue » connaissance des deux langues équivalente, mais non identique à celle du locuteur natif[6]
« diglossie » chaque langue est utilisée dans un contexte spécifique
bilinguisme passif comprĂ©hension d’une langue seconde sans la parler

L’aire corticale occupĂ©e par chaque langue est inversement proportionnelle Ă  son degrĂ© d’automaticitĂ©[7] - [8]. En d’autres mots : plus une langue est maĂźtrisĂ©e, plus elle occupe une petite superficie dans la zone corticale du langage Ă©tant donnĂ© que des automatismes ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s. Pour chaque type de bilinguisme, le locuteur peut utiliser diffĂ©rents registres pour chacune de ses langues, c’est-Ă -dire, qu’il peut ĂȘtre parfaitement bilingue, mais utiliser un registre familier dans une langue, et un registre formel dans une autre langue, ayant complĂ©tĂ© sa scolaritĂ© dans cette langue, par exemple.

Contextes d’acquisition[5]

Lorsque l’acquisition des deux langues se fait de façon simultanĂ©e (bilinguisme simultanĂ©) et que chaque langue est parlĂ©e seulement avec un locuteur ou un groupe diffĂ©rent, la sĂ©paration fonctionnelle des deux langues[9] et le contrĂŽle cognitif volontaire des opĂ©rations mentales[10] serait facilitĂ©. Il est Ă©galement possible d’acquĂ©rir une deuxiĂšme langue hors de la maison (acquisition informelle) ou d’en faire l’apprentissage de façon systĂ©matique (en classe).

Contextes d’utilisation[5]

Les registres sociolinguistiques (familier, soutenu, etc.) d’utilisation de chaque langue doivent Ă©galement ĂȘtre pris en compte dans les Ă©tudes psycholinguistiques sur le bilinguisme.

Organisation du systĂšme linguistique du bilingue

Selon tous les facteurs mentionnĂ©s prĂ©cĂ©demment, le systĂšme linguistique du bilingue peut s’organiser de diffĂ©rentes façon.

Bilinguisme coordonné[11]

(gĂ©nĂ©ralement l’arrangement du « vrai » bilingue)

Chaque langue d’un sujet possĂšde son propre ensemble de signes, et les unitĂ©s d’expression (signifiants) de chaque langue correspondent aux unitĂ©s de sens (signifiĂ©s) de cette mĂȘme langue.
Bilinguisme amalgamĂ© / composĂ©[11] Les deux langues d’un sujet partagent le mĂȘme ensemble de signes, mais ont chacune leurs propres unitĂ©s d’expression. Le systĂšme est amalgamĂ© lorsque les deux langues s’influencent mutuellement.
Bilinguisme subordonnĂ©[11] Les deux langues d’un sujet partagent le mĂȘme ensemble de signes (celui de la L1). La langue maternelle a des unitĂ©s d’expression appropriĂ©es, mais la L2 a des unitĂ©s d’expression qui sont des traductions de la L1.

Un bilingue n’est pas nĂ©cessairement complĂštement coordonnĂ©, amalgamĂ© ou subordonnĂ©. En effet, un bilingue peut ĂȘtre coordonnĂ© pour certaines parties du systĂšme linguistique, au niveau de la syntaxe et de la sĂ©mantique, par exemple, mais subordonnĂ© au niveau phonologique. Il a un fort accent dans sa L2, tout en ayant une syntaxe impeccable et un lexique riche. Ainsi, un bilingue coordonnĂ© idĂ©al aurait deux systĂšmes linguistiques complĂštement sĂ©parĂ©s et il n’y aurait jamais de mĂ©lange entre les langues, Ă  aucun niveau. Il faut Ă©galement noter que l’organisation du systĂšme linguistique et donc de l’état de bilinguisme d’une personne peut changer selon ses expĂ©riences.

Recherches en psychologie

L'intĂ©rĂȘt de la psychologie, et plus particuliĂšrement de la psycholinguistique sur le bilinguisme a commencĂ© dĂšs les annĂ©es 1950 avec les observations cliniques faites sur des patients bilingues souffrant d'une aphasie. L'aphasie fait rĂ©fĂ©rence Ă  la perte d'un aspect du langage Ă  la suite d'une lĂ©sion cĂ©rĂ©brale (traumatisme crĂąnien, AVC...). Des observations notamment sur la rĂ©cupĂ©ration du langage ont posĂ© la question des reprĂ©sentations cĂ©rĂ©brales des deux langues chez le bilingue. DiffĂ©rents types de rĂ©cupĂ©ration ont Ă©tĂ© observĂ©s : rĂ©cupĂ©ration sĂ©lective (une des deux langues est retrouvĂ©e), partielle (rĂ©cupĂ©ration partielle de chacune des deux langues)... Ainsi est nĂ© l'intĂ©rĂȘt pour les reprĂ©sentations neurales des langues premiĂšre et seconde chez le bilingue, aujourd'hui Ă©tudiĂ© par les neurosciences et sciences cognitives. En parallĂšle, la question de l'organisation du lexique bilingue a Ă©tĂ© soulevĂ©e depuis les annĂ©es 1980 en psycholinguistique.

Les recherches empiriques sur les consĂ©quences du bilinguisme se divisent en deux pĂ©riodes : avant 1960, alors que les Ă©tudes majoritairement psychomĂ©triques ont surtout dĂ©montrĂ© l’existence de consĂ©quences nĂ©gatives au bilinguisme ; et aprĂšs 1960, oĂč les avantages du bilinguisme se sont faits plus nombreux que ses inconvĂ©nients[12].

Les premiĂšres Ă©tudes sur le sujet ont conclu que l’enfant bilingue avait un « handicap linguistique Â»[13], ou encore qu’il voyait ses fonctions cognitives affectĂ©es par une « confusion mentale Â»[13]. L’étude de Macnamara (1966)[14] conclut que les lacunes des bilingues en ce qui concerne l’intelligence verbale sont attribuables Ă  un « effet de balance Â», c’est-Ă -dire que la compĂ©tence linguistique totale (qui ne peut dĂ©passer celle des monolingues) doit nĂ©cessairement se diviser entre la L1 et la L2, de sorte que, s’il y a progression en L2, il y a du mĂȘme coup une rĂ©gression en L1.

Nombreuses sont les critiques méthodologiques de ces premiÚres études psychométriques[12] :

  • les niveaux socioĂ©conomiques et les compĂ©tences des sujets bilingues et des monolingues contrĂŽles Ă©taient souvent non Ă©quivalents ;
  • les bilingues Ă©taient souvent sĂ©lectionnĂ©s parce qu’ils vivaient dans une famille d’immigrants, portaient un nom de famille Ă©tranger ou encore parlaient une langue Ă©trangĂšre Ă  la maison ;
  • la notion de bilinguisme Ă©tait mal dĂ©finie et les tests Ă©taient souvent administrĂ©s dans la langue la moins bien maĂźtrisĂ©e par le sujet.

Ces problÚmes méthodologiques sont probablement la cause des conséquences négatives du bilinguisme découvertes dans les premiÚres études sur le sujet[12].

Peal et Lambert (1962)[15] posent les jalons pour une nouvelle approche dans l’étude du bilinguisme. Avec une Ă©tude dans laquelle ils portent une attention toute particuliĂšre Ă  la mĂ©thodologie de leur design, ils dĂ©montrent que les bilingues ont des rĂ©sultats plus Ă©levĂ©s que les monolingues en ce qui concerne les mesures d’intelligence, rĂ©sultats qu’ils attribuent Ă  l’habilitĂ© des bilingues Ă  manipuler des systĂšmes symboliques.

Le projet BiBi (l'impact du bilinguisme et du bi-dialectalisme sur le développement cognitif et linguistique), sous la direction de Mikhail Kissine, est une collaboration entre les chercheurs en linguistique de l'Université libre de Bruxelles et de l'Université de Cambridge. Ensemble, ils visent une meilleure compréhension de l'impact qu'a le fait de parler deux langues ou deux dialectes sur le développement cognitif et linguistique des enfants[16].

Représentations neuronales

Globalement, les études relatives aux représentations neuronales chez l'adulte bilingue ont montré que des aires similaires s'activent lors du traitement de la langue premiÚre (L1) ou seconde (L2). Les facteurs à prendre en compte lors de l'étude de bilingues sont les suivants :

  • Âge d'acquisition de la L2
  • CompĂ©tences atteintes en L2
  • DegrĂ© d'exposition

Ainsi, la variable « Ăąge d'acquisition Â» interviendrait notamment lors de l'Ă©tude des aires cĂ©rĂ©brales associĂ©es au traitement grammatical des deux langues. Plus la L2 est apprise prĂ©cocement (cas du bilingue dit « prĂ©coce Â»), plus les aires cĂ©rĂ©brales seraient partagĂ©es entre la L1 et la L2. Lors d'un apprentissages plus tardif de la L2, les mĂȘmes aires semblent activĂ©es mais il y aurait un recrutement supplĂ©mentaire d'aires adjacentes. Notons que ces Ă©tudes comparant apprentissage prĂ©coce/tardif maintiennent les autres variables, notamment les compĂ©tences, constantes. La variable « compĂ©tences Â» influencerait plutĂŽt le traitement lexico-sĂ©mantique en L2. De mĂȘme, plus les compĂ©tences en L2 sont Ă©levĂ©es, plus le rĂ©seau cĂ©rĂ©bral entre L1 et L2 serait partagĂ©. Enfin, Ă  Ăąge d'acquisition et compĂ©tences Ă©quivalentes entre deux groupes de bilingues, il a Ă©tĂ© montrĂ© que le groupe prĂ©sentant le plus d'exposition Ă  la L2 Ă©tait Ă©galement celui chez qui le rĂ©seau L1-L2 Ă©tait le plus partagĂ©.

L’avancement des technologies permettant des expĂ©riences plus poussĂ©es, une autre Ă©tude menĂ©e par Loulia Kovelman, Stephanie A. Baker et Laura-Ann Petitto en 2008[17], s’est penchĂ©e sur la façon dont les bilingues et les monolingues recrutent les aires cĂ©rĂ©brales du langage classique en rĂ©ponse Ă  une tĂąche de langage. Ils utilisent pour analyser cela une combinaison de techniques d'imagerie par rĂ©sonance magnĂ©tique (IRMf) comportementale et fonctionnelle. Cette expĂ©rience a montrĂ© que l'exposition Ă  deux langues entraĂźnerait des changements dans le modĂšle de l'activitĂ© neuronale au niveau des zones cĂ©rĂ©brales du langage, posant ainsi la question d’une signature neuronale du bilinguisme.  Ainsi, la prĂ©sente Ă©tude fournit une preuve neuronale supplĂ©mentaire suggĂ©rant qu’il peut y avoir une sĂ©paration fonctionnelle des deux langues chez une personne bilingue, et appuie la thĂšse d’une «signature neuronale» du bilinguisme.

Lexique bilingue

La question majeure posĂ©e par la psycholinguistique est celle concernant la sĂ©lectivitĂ© versus nonsĂ©lectivitĂ© Ă  la langue de l'accĂšs au lexique. L'hypothĂšse de sĂ©lectivitĂ© Ă  la langue lors de l'accĂšs au lexique propose que lors de la lecture d'un mot, seule la langue de ce mot serait activĂ©e. Il y aurait un mĂ©canisme permettant l'inhibition de la langue non cible avant mĂȘme l'accĂšs au lexique. L'hypothĂšse de non-sĂ©lectivitĂ© Ă  la langue lors de l'accĂšs au lexique propose au contraire que lors de la lecture d'un mot, il y aurait, dans les Ă©tapes initiales de l'accĂšs au lexique, coactivation des mots de la langue non cible. Cette derniĂšre hypothĂšse est celle actuellement favorisĂ©e par la littĂ©rature en psycholinguistique. Elle peut ĂȘtre illustrĂ©e ainsi : lors des premiĂšres Ă©tapes de reconnaissance du mot anglais fire (signifiant feu en français), un bilingue français-anglais activerait de façon automatique et inconsciente les mots voisins orthographiques français tels que « dire », « rire », « file »...

Cette vision du lexique bilingue a été implémentée dans le modÚle d'Activation Interactive Bilingue (Bilingual Interactive Activation, BIA, van Heuven, Dijkstra & Grainger, 1998), adapté de la version monolingue Interactive Activation (McClelland & Rumelhart, 2001).

Le chercheur Guo et al (2011) pose l’hypothĂšse qu’il y a deux types d’inhibition qui sont faits lors de la production. L’inhibition locale est utilisĂ©e dans un contexte oĂč le bilingue doit garder ses deux langues actives, car il ne saurait pas laquelle est nĂ©cessaire pour la production, donc l’inhibition se fait mot par mot (concept par concept). C’est le type d’inhibition qui est habituellement testĂ©e dans les expĂ©riences. L’inhibition globale serait utilisĂ©e dans un contexte plus naturel. Il s’agirait d’une inhibition nĂ©cessaire lorsque les bilingues veulent parler une langue cible sur une pĂ©riode de temps Ă©tendue. Celle-ci est plus gĂ©nĂ©ralisĂ©e et demanderait beaucoup moins d’attention continue, d’effort et de structures cĂ©rĂ©brales[18].

L’étude rĂ©alisĂ©e en 2011 par Guo et al. a permis de diffĂ©rencier les rĂ©seaux neuronaux impliquĂ©s dans les deux types d’inhibition grĂące Ă  une tĂąche de production bilingue. Pour vĂ©rifier l’inhibition locale, l’effet d’alternance des langues locale Ă©tait utilisĂ©, dans une tĂąche de nomination mixte, c’est-Ă -dire que les participants bilingues devaient nommer des images autant dans une langue ou l’autre en fonction d’un signal visuel qui leur indiquait quelle langue utiliser. Pour l’inhibition globale, c’était l’effet d’alternance des langues globale qui Ă©tait Ă©tudiĂ© Ă  l’aide d’une tĂąche de nomination bloquĂ©e qui consistait pour les participants Ă  nommer dans une langue toutes les images d’un bloc, puis de recommencer dans l’autre langue avec les mĂȘmes images. Les rĂ©sultats pour la tĂąche de nomination mixte ont montrĂ© que la demande d’inhibition est plus forte lorsque la langue dominante (L1) doit ĂȘtre inhibĂ©e pour produire la langue seconde (L2). Pour ce qui est de l’inhibition globale, une diffĂ©rence a Ă©tĂ© trouvĂ©e lors de la tĂąche de nomination bloquĂ©e, en fonction l’ordre d’utilisation des langues. Le groupe qui devait nommer les images dans sa langue premiĂšre puis dans sa langue seconde a montrĂ© un modĂšle d’activation du cerveau diffĂ©rent du groupe dĂ©butant avec leur langue seconde. Lorsque les bilingues parlaient en L2 sur un bloc Ă©tendu, l’inhibition de la L1 persistait pendant le bloc suivant. Cela prenait donc un plus grand contrĂŽle cognitif pour arriver au mĂȘme niveau d’activation en L1[19].

La compĂ©tence du bilingue dans sa langue seconde va grandement dĂ©terminer la force d’inhibition qui sera nĂ©cessaire Ă  la sĂ©lection d’une langue. La nĂ©cessitĂ© de « contrĂŽler » la production de L2 est particuliĂšrement importante dans le cas d’une personne ayant une faible compĂ©tence. Lorsqu’une personne qui a une faible maĂźtrise de sa langue seconde, sa langue premiĂšre vient souvent interfĂ©rer lors de la production de la L2, ce qui dĂ©montre la nĂ©cessitĂ© d’inhiber leur L1 pour pouvoir produire leur L2. De plus, ces bilingues ont du mal Ă  produire le bon nom pour nommer une image ou pour identifier un mot. On infĂšre donc que les connexions neuronales entre la forme conceptuelle, la forme lexicale et la forme du mot sont plus faibles, c’est pourquoi la rĂ©cupĂ©ration lexicale prendrait plus de temps. Avec le temps, si la compĂ©tence du bilingue dans sa langue seconde augmente, il devrait de moins en moins avoir besoin de ces processus de contrĂŽle lors d’un usage normal de la langue, c’est-Ă -dire lorsqu’une seule des deux langues est utilisĂ©e. N’entrent pas dans cette dĂ©finition les contextes langagiers oĂč il y a utilisation rĂ©cente de la langue premiĂšre ou dans des circonstances demandant une alternance des deux langues. La compĂ©tition dans le processus qui gĂ©nĂšre les items lexicaux serait rĂ©solue de plus en plus automatiquement ou pourrait devenir interne au systĂšme lexico-sĂ©mantique[20].

Puisque le contrĂŽle cognitif est un processus trĂšs complexe, voici les structures principales impliquĂ©es dans l’inhibition. PremiĂšrement, il y a le cortex prĂ©frontal qui, grĂące Ă  son important systĂšme de connexions avec les diverses structures impliquĂ©es, facilite la communication entre celles-ci. Aussi, il est important pour son rĂŽle dans l’attention, l’inhibition des rĂ©ponses et la mĂ©moire exĂ©cutive. DeuxiĂšmement, le cortex cingulaire antĂ©rieur a un rĂŽle important dans l’inhibition, puisqu’il est impliquĂ© dans la dĂ©tection et la signalisation des conflits. Un exemple de conflit dans le cas prĂ©sent serait l’activation de deux mots pour un seul concept. Ensuite, il y a le noyau caudĂ© gauche qui surveille et contrĂŽle le langage lors de son utilisation. Finalement, le tandem cortex prĂ©frontal et cortex pariĂ©tal est impliquĂ© dans la sĂ©lection des rĂ©ponses qui se compĂ©titionnent. Plus spĂ©cifiquement, le cortex prĂ©frontal est responsable de la sĂ©lection et l’inhibition des reprĂ©sentations et le cortex pariĂ©tal, pour sa part, est responsable du maintien des reprĂ©sentations[21].

Un autre point qui peut se rattacher au lexique des personnes bilingues est que celui-ci influencerait les conceptions cognitives des locuteurs. En suivant l'hypothĂšse Sapir-Whorf selon laquelle les langues façonneraient notre façon de penser, plusieurs Ă©tudes empiriques ont Ă©tĂ© menĂ©es afin d’examiner une influence due au bilinguisme[22]. Parmi celles-ci, Caskey-Sirmons et Hickerson (1997)[23] se sont penchĂ©es sur la question de la conception cognitive des couleurs. Pour ce faire, l’étude a comparĂ© le comportement de monolingues (locuteurs de hindi, japonais, cantonais, mandarin et corĂ©en) et celui de bilingues (locuteurs desdites langues qui avaient aussi appris l’anglais au cours de leur vie) face Ă  un tableau de Munsell. En moyenne, les locuteurs bilingues recouvraient une zone du tableau plus diffuse que les locuteurs monolingues, prouvant ainsi une diffĂ©rence de la conception des couleurs - et donc, en quelque sorte, du monde - chez bilingues et monolingues.

Avantages et désavantages

Comme mentionné dans la section Histoire du bilinguisme, la question des avantages versus inconvénients du bilinguisme a souvent été posée dans la recherche. Aujourd'hui, il semblerait que

  • le bilinguisme prĂ©sente certains inconvĂ©nients en termes de vocabulaire et fluiditĂ© dans chacune des deux langues. Il y aurait un effet un certain ralentissement de l'acquisition du vocabulaire et une moindre fluiditĂ©.

Cela peut s'expliquer notamment du fait que l'intrant linguistique est réduit de moitié pour chacune des deux langues.

  • le bilinguisme prĂ©sente de nombreux avantages en ce qui concerne les fonctions exĂ©cutives, telles que les capacitĂ©s d'alternance entre tĂąches, flexibilitĂ© mentale, capacitĂ©s d'inhibition (cf. Ă©tudes de Bialystok).

Selon Vygotsky (1962)[24], un enfant qui peut exprimer la mĂȘme chose dans deux langues diffĂ©rentes dĂ©veloppera une meilleure conscience mĂ©talinguistique que les unilingues, puisqu’il sera conscient que ses langues sont des systĂšmes particuliers parmi d’autres et qu’il existe des catĂ©gories plus gĂ©nĂ©rales qui englobent les langues. Vygotsky considĂšre que cette conscience prĂ©coce se gĂ©nĂ©ralise Ă  d’autres aptitudes cognitives.

Segalowitz (1977)[25], quant Ă  lui, suggĂšre qu’un bilingue aura plus de facilitĂ© en calcul mental puisqu’il sera capable de jouer avec les symboles en alternant facilement entre deux systĂšmes de rĂšgles. Plus tard, Lambert (1987)[26] propose que les enfants bilingues voient en quelque sorte le langage en trois dimensions, ce qui leur permet une flexibilitĂ© cognitive plus grande en plus de dĂ©velopper leur conscience mĂ©talinguistique.

TirĂ©s de Hamers et Blanc (2000)[12] voici quelques-uns des avantages qu’ont les bilingues sur les monolingues :

  • une aptitude supĂ©rieure dans la reconstruction de situations perçues[27] ;
  • des rĂ©sultats supĂ©rieurs lors de tests d’intelligence verbale et non verbale, d’originalitĂ© verbale et de divergence verbale[28] ;
  • une sensibilitĂ© accrue aux relations sĂ©mantiques entre les mots[29] ;
  • de meilleurs scores dans des tĂąches de « dĂ©couverte de la rĂšgle »[30].

Cependant, une Ă©tude Ă  grande Ă©chelle menĂ©e par Nichols, Wild, Stojanoski, Battista et Owen (2020)[31] contredit ces rĂ©sultats, en signalant un effet neutre. À travers la plateforme Cambridge Brain Science, les rĂ©sultats de plus de 11 000 participants Ă  des tests portant sur des fonctions de type exĂ©cutives ont Ă©tĂ© rĂ©coltĂ©s. AprĂšs l’analyse de ceux-ci en fonction des donnĂ©es cognitives liĂ©es Ă  la mĂ©morisation, au raisonnement et Ă  la capacitĂ© verbale, aucune diffĂ©rence significative entre personne bilingue et personne monolingue n’a Ă©tĂ© relevĂ©e.

Certaines consĂ©quences nĂ©gatives du bilinguisme ont Ă©tĂ© trouvĂ©es dans des Ă©tudes qui ne comportaient pas de problĂšmes mĂ©thodologiques. Mentionnons notamment, mais sans les dĂ©tailler, les Ă©tudes de Tsushima & Hogan (1975)[32] sur l’habilitĂ© verbale, de Ben-Zeev (1977)[33], de Lemmon & Goggin (1989)[34], de Skutnabb-Kangas & Toukomaa (1976)[35] et de Pfaff (1981)[36].

Cummins (1979)[37] explique les consĂ©quences positives et nĂ©gatives par les deux hypothĂšses suivantes : l’« interdĂ©pendance dĂ©veloppementale » et « le seuil minimum de compĂ©tences linguistiques ».

La premiĂšre hypothĂšse suggĂšre que la compĂ©tence en L2 est dĂ©pendante de la compĂ©tence en L1, au moins au dĂ©but de l’apprentissage de la L2. La deuxiĂšme hypothĂšse stipule qu’un seuil de compĂ©tence dans la L1 doit ĂȘtre atteint pour Ă©viter un dĂ©ficit cognitif liĂ© Ă  l’apprentissage d’une langue seconde durant l’enfance et qu’un seuil de compĂ©tence dans la L2 doit ĂȘtre atteint pour obtenir des effets positifs au niveau cognitif.

En 1999, la psycholinguiste Ellen Bialystok[38] de l’UniversitĂ© de York de Toronto fait une Ă©tude chez les enfants monolingues et bilingues de 4 Ă  5 ans. L’étude porte sur la classification de formes et l’association de couleurs dans un contexte de jeu que les enfants doivent rĂ©aliser. Avec ses consignes spĂ©cifiques, des enfants rĂ©ussirent mieux que d’autres. En effet, les enfants bilingues de 4 ans avaient une performance Ă©quivalente Ă  celle des enfants monolingues, mais ĂągĂ©s de 5 ans. La conclusion de la recherche d’Ellen Bialystok est que les enfants bilingues ont une capacitĂ© supĂ©rieure Ă  s’adapter Ă  la complexitĂ© des rĂšgles. La flexibilitĂ© cognitive et le contrĂŽle exĂ©cutif du cerveau des enfants bilingues sont renforcĂ©s grĂące Ă  l’apprentissage simultanĂ© de deux langues en bas Ăąge. Lorsqu’ils alternent d’une langue Ă  une autre, les jeunes enfants bilingues sollicitent des processus cognitifs tels que l’attention sĂ©lective, la mĂ©moire de travail et l’inhibition de donnĂ©es. Toutes ces composantes sont significatives lorsqu’une tĂąche doit ĂȘtre accomplie, et c’est pour cette raison que la performance des bilingues est diffĂšre de celle des monolingues.

Dans une revue de littérature sur le sujet en 2011[39] , Ellen Bialystok revient sur les expériences menées sur des personnes bilingues de tout ùge. Ces recherches fournissent des preuves claires de la plasticité des systÚmes cognitifs en réponse aux expériences. Une explication proposée concernant les bilingues est que les circuits de contrÎle exécutifs nécessaires pour gérer l'attention aux deux langues s'intÚgrent aux circuits linguistiques utilisés pour la compréhension du langage, créant un réseau plus diffus, plus bilatéral et plus efficace qui soutient des niveaux de performance élevés et des systÚmes de pensée doubles. L'effet du bilinguisme sur les performances cognitives est un exemple frappant de la façon dont l'expérience ordinaire s'accumule pour modifier les réseaux cognitifs et les capacités cognitives. La vie des personnes bilingues comporte deux langues, leurs systÚmes cognitifs ont donc évolué différemment de ceux de leurs homologues monolingues.

L’acquisition d’une langue seconde en bas Ăąge par immersion linguistique afin de permettre aux enfants un meilleur dĂ©veloppement cognitif est un domaine de recherche en plein essor qui suscite l’intĂ©rĂȘt tant des chercheurs que des parents.

Nourrisson

Il est prouvé qu'un nourrisson peut différencier les langues et les sons qui l'entourent et sait quand une autre langue lui est parlée, particuliÚrement entre 6 et 18 mois. Il est à ce moment de sa vie capable d'acquérir n'importe quelle langue. Il a également été montré qu'un nourrisson peut discriminer les langues sur la simple base des mouvements silencieux du visage. On sait en effet que les mouvements du visage accompagnent le langage oral, et que ces indices visuels sont notamment utilisés lorsque la perception auditive est difficile (situation de bruit par exemple). Il semblerait que ces simples indices faciaux visuels permettent de discriminer entre la langue maternelle et une langue étrangÚre, ou pour le cas des nourrissons en situation d'environnement bilingue, entre la langue premiÚre et la langue seconde.

Ainsi, l'Ă©tude de Weikum et al (2007) en est un parfait exemple : les expĂ©rimentateurs montraient Ă  des nourrissons vivant en environnement monolingue ou bilingue de 4, 6 et 8 mois un visage d'un sujet parlant une langue (langue maternelle par exemple). Ces sujets prononçaient oralement des phrases entiĂšres, mais seuls les mouvements du visage Ă©taient prĂ©sentĂ©s aux nourrissons. Le son Ă©tait en effet coupĂ©. Ces premiers visages Ă©taient prĂ©sentĂ©s dans une premiĂšre phase dite d'habituation. Ainsi, une fois les nourrissons habituĂ©s Ă  ce premier stimulus, les temps de regard diminuaient. Lors de la phase test, deux types de stimuli Ă©taient prĂ©sentĂ©s : un autre sujet prononçant une nouvelle phrase, dans la mĂȘme langue qu'en phase d'habituation (situation contrĂŽle) ou un sujet prononçant une nouvelle phrase dans une deuxiĂšme langue (situation expĂ©rimentale; langue Ă©trangĂšre pour les enfants monolingues, langue non dominante pour les enfants bilingues). Les rĂ©sultats montraient :

  • chez les nourrissons en situation monolingue : les bĂ©bĂ©s de 4 et 6 mois Ă©taient capables de discriminer entre les deux langues. En effet, le temps de regard augmentait pour la situation expĂ©rimentale signifiant une rĂ©action Ă  la nouveautĂ©, tandis que pas pour la situation contrĂŽle ;
  • chez les nourrissons en situation monolingue : Ă  8 mois, les bĂ©bĂ©s ne semblaient plus capables de discriminer entre les deux langues ;
  • chez les nourrissons en situation bilingue : les bĂ©bĂ©s Ă©taient capables de discrimination entre les deux langues jusqu'Ă  8 mois au moins.

Ainsi, cette Ă©tude montre que :

  1. les nourrissons sont capables de discriminer entre des langues sur la simple base d'indices faciaux visuels ;
  2. ces compétences diminuent plus rapidement chez les nourrissons dont l'environnement est totalement monolingue par rapport aux enfants vivant en environnement bilingue.

Âge critique et adolescence

Ces facultés commencent à régresser dÚs l'ùge de 3-5 ans lorsque l'enfant n'est exposé qu'à une seule langue. S'il entend déjà plusieurs langues, il ne perd pas les facultés à distinguer les sons, à les intégrer et à les reproduire.

À l'Ăąge de 7-12 ans, la perte est irrĂ©versible et en plus il Ă©prouve une peur de l'erreur, une peur envers l'apprentissage d'une langue.

Comparaison adulte-enfant

Concernant la grammaire, aucun différence n'est prouvée entre l'apprentissage adulte et celui de l'enfant. En revanche un adulte sera plus pressé de pouvoir s'exprimer alors que l'enfant devra découvrir la parole, apprendra par imitation et n'aura pas peur de se tromper. L'adulte a plus tendance à réfléchir.

Phase du bilinguisme chez l'enfant

L'enfant bilingue, comme un enfant monolingue, va tùtonner, il est donc trÚs fréquent qu'il passe par une phase de mélange (répondre en langue B à une phrase en langue A, ou insérer des mots en langue A dans une phrase en langue B - par facilité : mot plus court ou encore inconnu dans la langue A - et vice versa).

Mais, et surtout, si les individus autour de lui ne lui parlent qu'une langue, l'enfant va finir par faire la diffĂ©rence de lui-mĂȘme trĂšs rapidement.

Bilinguisme dans une communauté

Signal de direction bilingue (Koper, Slovénie).

Voir : Liste des régions officiellement multilingues, c'est-à-dire les pays ou régions ayant plusieurs langues officielles sur tout leur territoire, ou plusieurs langues qui ne sont officielles que dans une partie du territoire.

Le bilinguisme fait l'objet d'une politique linguistique officielle soutenue au Canada et particuliÚrement au Québec : voir bilinguisme au Canada.

Le terme de bilinguisme a été critiqué dans son acception communautaire, car jugé trop simplificateur et source de confusion selon les sociolinguistes. Certains, comme Charles A. Ferguson et Rafael Ninyoles, ont ainsi développé la notion de diglossie pour traduire de façon plus nuancée les réalités sociales, complexes et dynamiques, qui caractérisent les communautés utilisant plusieurs langues dans des contextes différenciés. Ces auteurs limitent l'application du terme bilinguisme à la désignation de l'aptitude d'un individu à utiliser deux langues, tandis que le phénomÚne social et communautaire de la coexistence des idiomes est qualifié et étudié par le biais de la diglossie.

Histoire

Billet de banque haĂŻtien bilingue
(français/créole haïtien) de 2004.

Pendant longtemps le bilinguisme a Ă©tĂ© dĂ©prĂ©ciĂ© au profit du monolinguisme dominant (en France et aux États-Unis par exemple). Bon nombre d'idĂ©es circulaient sur le fait que l'enfant possĂ©dait moins de compĂ©tences dans chacune des deux langues, mĂȘme sa langue « maternelle ». Un chercheur amĂ©ricain a mĂȘme essayĂ© de prouver qu'il Ă©tait simplement moins « intelligent » que les monolingues. En effet, il avait Ă©valuĂ© les compĂ©tences d'enfants immigrĂ©s arrivĂ©s peu auparavant aux États-Unis et avait « mesurĂ© » leurs compĂ©tences uniquement en anglais, langue que les enfants dĂ©couvraient Ă  peine.

Depuis, beaucoup de personnes dĂ©fendent le bilinguisme. En effet, il apparaĂźt comme une solution au problĂšme de la disparition des langues. On sait en effet que 90 % des langues sont actuellement menacĂ©es de disparition, dont 50 % avant la fin du XXIe siĂšcle[40] - [41]. Une telle perspective constitue un appauvrissement jamais rencontrĂ© dans l'histoire de l'humanitĂ©. L'institution du bilinguisme dans les territoires oĂč existent des langues menacĂ©es constitue un moyen de prĂ©server ce patrimoine linguistique menacĂ©, qui fait partie intĂ©grante du patrimoine culturel de l'humanitĂ©.

Cependant, le bilinguisme, dans les minorités linguistiques, fait plus généralement partie du processus de disparition de la langue minoritaire au profit de la langue majoritaire.

Le bilinguisme se gĂ©nĂ©ralise dans une minoritĂ© quand ses membres estiment plus utile et culturellement plus enrichissant d’apprendre la langue de la majoritĂ© — cette derniĂšre ayant en revanche peu d’intĂ©rĂȘt Ă  apprendre une langue minoritaire. L’usage de la langue majoritaire se gĂ©nĂ©ralise alors dans la minoritĂ©, qui finira par s’assimiler Ă  la majoritĂ©, la langue minoritaire devenant inutile et rĂ©servĂ©e Ă  des usages de plus en plus restreints[42].

Enseignement

Signalisation bilingue italien-français à Villefranche (hameau de Quart), en Vallée d'Aoste.

Certaines régions ou pays ont un enseignement bilingue plus ou moins développé tel que le Val d'Aoste (italien et français), l'Alsace (allemand et/ou alsacien et français), le Canada (anglais et français), la Belgique (néerlandais et français), le Luxembourg (allemand et français), la Suisse (deux, voire trois des trois langues officielles) ou des quatre langues nationales, la France (langue régionale et français), l'Allemagne (français ou anglais, et allemand), les Pays d'Europe de l'Est (français ou allemand, et langue du pays), le Maghreb (français, arabe et anglais plus l'espagnol pour le Maroc)...

En Espagne, les communautés autonomes dont le statut reconnaßt deux langues officielles pratiquent un enseignement monolingue dans la langue historique pour maintenir le bilinguisme ; par exemple, en Galice les écoles pour enfants de 3 mois à 3 ans du réseau A galiña azul pratiquent le monolinguisme en galicien pour qu'il puisse se maintenir comme langue maternelle de l'enfant.

Enseignement bilingue en France

En dépit d'une législation et d'une politique linguistique françaises basées sur le monolinguisme, excluant le bilinguisme, et donc aux marges de la légalité, il existe :

  • des sections bilingues dans l'Éducation Nationale en breton, en basque, en alsacien, en occitan. En Corse, en plus des filiĂšres bilingues, les professeurs des filiĂšres monolingues ont Ă©galement l'obligation de dispenser une heure et demie d'enseignement du corse. Cet enseignement n'est pas obligatoire et les Ă©lĂšves peuvent demander Ă  en ĂȘtre dispensĂ©s.
  • des sections bilingues dans l'Éducation Nationale permettant la conservation du bilinguisme idĂ©al dans les langues Ă©trangĂšres, tel l'anglais, l'allemand, ou l'espagnol, et proposant un programme de la maternelle jusqu'Ă  la majoritĂ© (exemple : Strasbourg).

Ces associations sont réunies au sein d'une confédération appelée FLAREP.

Il existe quelques autres écoles confessionnelles, comme des écoles arabes ou juives (enseignant l'hébreu), des filiÚres bilingues français-breton de l'enseignement catholique en Bretagne, soutenues par l'association Dihun.

Enseignement bilingue en Suisse

La Suisse possÚde quatre langues nationales et trois langues officielles. Dans les régions à la frontiÚre de deux de ces langues, l'enseignement de la langue minoritaire est protégé. Les deux plus grandes villes bilingues sont Bienne et Fribourg, à des taux inverses entre l'allemand et le français.

Pratiques bilingues institutionnelles en France

Rares sont les pratiques bilingues institutionnelles en France ; elles ont Ă©tĂ© parfois saluĂ©es, comme lors de vƓux bilingues de conseils rĂ©gionaux en Occitanie[43]. Il y a cependant une tendance Ă  afficher de plus en plus le bilinguisme dans la rue, notamment avec l'apposition de plaques de rues bilingues[44].

Termes liés au bilinguisme

  • Diglossie : la diglossie est caractĂ©ristique d'une situation oĂč deux langues sont prĂ©sentes sur un territoire donnĂ© mais bĂ©nĂ©ficient d'une valorisation inĂ©gale aux yeux de la population et sont utilisĂ©es dans des contextes diffĂ©rents, l'une Ă©tant gĂ©nĂ©ralement cantonnĂ©e Ă  un contexte familial et intime, tandis que l’autre bĂ©nĂ©ficie d'une prĂ©pondĂ©rance dans les usages officiels.
  • Monolinguisme : fait de ne parler qu'une seule langue.
  • Trilinguisme : fait de parler trois langues.
  • Multilinguisme ou plurilinguisme : fait de parler plusieurs langues.
  • Langue minoritaire : langue peu utilisĂ©e dans l'entourage de l'enfant, ou moins utilisĂ©e dans un pays, par exemple l'alsacien, le corse[45], les autres langues rĂ©gionales de France, mais aussi le français au Canada, ou au Val d'Aoste.
  • Langue menacĂ©e : langue dont l'extinction est prĂ©vue Ă  plus ou moins brĂšve Ă©chĂ©ance, compte tenu de la diminution constatĂ©e du nombre de ses locuteurs. Les langues rĂ©gionales françaises sont actuellement menacĂ©es de disparition.
  • Langue maternelle : au dĂ©part, langue parlĂ©e par la mĂšre, donc par le principal Ă©ducateur de l'enfant. Maintenant c'est la langue qui est parlĂ©e initialement par l'enfant : sa (ou ses) premiĂšre(s) langue(s).

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En anglais

Articles connexes

Références

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