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Bilinguisme au Cameroun

Le bilinguisme au Cameroun est une prescription des diffĂ©rentes lois fondamentales qu'a connues le pays depuis sa rĂ©unification le . En effet, la constitution du Cameroun du promulguĂ©e par le prĂ©sident Paul Biya, rĂ©vision de celle du promulguĂ©e par Ahmadou Ahidjo, prĂ©sident de la RĂ©publique unie du Cameroun, dispose clairement : « La RĂ©publique du Cameroun adopte l'anglais et le français comme langues officielles d'Ă©gale valeur »[1].

Mais le « vivre ensemble » des Camerounais et la pratique quotidienne de ce bilinguisme dans les services publics et parapublics ont conduit Ă  une situation de crise socio-politique dans les rĂ©gions anglophones du Cameroun en octobre 2016 [2]. Une crise qui s'est muĂ©e en insurrection sĂ©paratiste suivie d'un conflit armĂ© dans ces rĂ©gions fin 2017.

Histoire

Carte de l'Ă©volution territoriale du Cameroun de 1901 Ă  1962.

Connu sous le nom de Kamerun, le Cameroun est un protectorat allemand de 1884 à 1916. Pendant cette période, la langue officielle est l'allemand.

Mais la PremiÚre Guerre mondiale éclate en 1914. Au Kamerun elle oppose l'Allemagne, d'un cÎté, à la France et le Royaume-Uni de l'autre, dÚs le 5 août 1914[3]. L'Allemagne capitule au Kamerun en 1916, laissant le territoire aux belligérants vainqueurs que sont la France et le Royaume-Uni. Le traité de Versailles du vient entériner la partition du territoire en deux. On parle alors de territoires sous mandat de la Société des Nations (SDN) dont l'administration est confiée à la France pour les 3/4 (Cameroun français) et au Royaume-Uni pour les 1/4 (Cameroun britannique)[4].

À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, l'Organisation des Nations unies (ONU) succĂšde Ă  la SociĂ©tĂ© des Nations (SDN) et rĂ©attribue l'administration du Cameroun Ă  la France (pour sa partie orientale) et au Royaume-Uni (pour sa partie occidentale)[5]. Mais cette fois on parle plutĂŽt de territoires sous tutelle des Nations unies.

Le Cameroun français accĂšde Ă  l'indĂ©pendance en 1960 et prend le nom de RĂ©publique du Cameroun. Le Cameroun britannique est soumis Ă  un rĂ©fĂ©rendum pour dĂ©terminer si le territoire devrait ĂȘtre rattachĂ© au Nigeria ou au Cameroun. La partie nord du territoire (Cameroun septentrional), Ă  majoritĂ© musulmane, est rattachĂ©e au Nigeria et la partie sud (Cameroun mĂ©ridional), Ă  majoritĂ© chrĂ©tienne et animiste, est rattachĂ©e au Cameroun[6]. Ainsi naĂźt la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale du Cameroun en date du [7]. La constitution de 1961 rĂ©gissant le nouvel État dit concrĂštement : « Les langues officielles de la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale du Cameroun sont le français et l'anglais[8]. Â»

Pratique

Pour promouvoir, contrÎler et réguler la pratique au quotidien du bilinguisme au Cameroun, la présidence de la République et le Gouvernement procÚdent par la publication de lois, décrets, ordonnances et circulaires[9].

L'ordonnance no 72-11 du relative à la publication des lois, ordonnances, décrets et actes réglementaires de la République Unie du Cameroun dispose que la publication des actes législatifs ou réglementaires se fait au journal officiel en anglais et en français[9].

La circulaire no 001/CAB/PM du relative Ă  la pratique du bilinguisme dans l'administration publique et parapublique propose un renforcement du bilinguisme dans ces administrations en neuf points[9] qui sont :

  1. Tout Camerounais a le droit de parler français ou anglais à tout service public ou parapublic et obtenir la réponse dans la langue officielle de son choix.
  2. Tout agent public ou parapublic doit se faire comprendre par son public cible, que celui-ci soit francophone ou anglophone.
  3. Tout service ou document offert au public par les services publics et parapublics doit ĂȘtre disponible dans les deux langues officielles.
  4. Toute note, toute publicitĂ© sur les services publics, les biens de l'État et l'usage de ceux-ci doit ĂȘtre rĂ©digĂ© dans les deux langues officielles dans un mĂȘme support ou sur deux supports distincts placĂ©s cĂŽte Ă  cĂŽte.
  5. Les traitĂ©s et les accords liant le Cameroun aux autres Ă©tats, aux personnes particuliĂšres ou aux organismes Ă©trangers doivent ĂȘtre en français et en anglais et stipuler clairement que les deux versions font Ă©galement foi.
  6. Les dĂ©cisions des juridictions et de la Cour suprĂȘme doivent ĂȘtre rendus et rapidement mis Ă  la disposition du public en français et en anglais.
  7. Les villes de Yaoundé et de Douala doivent refléter le caractÚre bilingue du Cameroun.
  8. Tout usager des moyens de communication publics ou parapublics doit recevoir les services en anglais et en français en mĂȘme temps.
  9. Les services publics et parapublics doivent contribuer à la promotion du bilinguisme dans les entreprises et organismes placés sous leur tutelle.

Dans la loi no 98/004 du portant sur l'orientation de l'Ă©ducation au Cameroun, l'État camerounais "consacre le bilinguisme Ă  tous les niveaux d'enseignement comme facteur d'unitĂ© et d'intĂ©gration nationale"[9]. La loi No 005 du poursuit le mĂȘme objectif au niveau de l'enseignement supĂ©rieur[9].

Le 23 janvier 2017, par dĂ©cret no 2017/013 le chef de l'État camerounais, S.E. Monsieur Paul Biya, crĂ©e la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme au Cameroun, en abrĂ©gĂ© "CNPBM"[10]. La commission a pour rĂŽle de veiller au respect de la constitution camerounaise, d'identifier et porter Ă  la connaissance du prĂ©sident de la RĂ©publique tout ce qui pourrait ĂȘtre une entrave Ă  la paix sociale et Ă  l'unitĂ© nationale, protĂ©ger et renforcer l'intĂ©gration nationale et le "vivre ensemble" des camerounais, car "le Cameroun est un et indivisible. Il le demeurera[11]." Le champ d'action de la CNPBM n'est pas seulement les services publics et parapublics, mais aussi tous les organismes privĂ©s recevant les subventions de l'État[10].

Des écoles, collÚges et lycées bilingues, privés ou publics, sont créés et fonctionnent sur toute l'étendue du territoire camerounais.

Une semaine du bilinguisme prĂ©cĂšde la traditionnelle fĂȘte de la Jeunesse le 11 fĂ©vrier de chaque annĂ©e, occasion pour les jeunes scolarisĂ©s de montrer aux yeux du monde leurs capacitĂ©s Ă  comprendre, s'exprimer et Ă©crire soit le français pour les anglophones soit l'anglais pour les francophones[12].

DĂ©fis du bilinguisme au Cameroun

Francisation du Cameroun

L'anglais est en nette rĂ©gression au Cameroun depuis 2005. La ville de YaoundĂ©, capitale politique du pays, voit son taux de francophones augmenter de 14 % de 2005 Ă  2010. À Douala, la capitale Ă©conomique, on s'exprime en français Ă  prĂšs de 99 %. La plupart des jeunes Camerounais n'ont plus de langue maternelle que le français[13]. Les textes lĂ©gislatifs ou rĂ©glementaires sont de plus en plus publiĂ©s en français et pas du tout traduits en anglais[14].

Mouvement protestataire dans les régions anglophones

Mancho Bibixy (en jaune), un des leaders de la contestation anglophone en 2017 Ă  Bamenda haranguant la foule durant les manifestations.

Deux syndicats d'enseignants anglophones dont le TAC (Teachers Association of Cameroon) et le CATTU (Cameroon Teachers Trade Union) lancent un appel à la grÚve pendant deux jours pour dénoncer la francisation du systÚme éducatif anglophone. Cette manifestation a bel et bien eu lieu et aurait fait un mort cÎté grévistes[15].

Avant les enseignants, et ce en octobre 2016, les avocats anglophones Ă©taient descendus dans les rues de Bamenda pendant quatre jours pour rĂ©clamer la traduction du code de l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires en anglais. Le reprĂ©sentant de BBC Afrique Ă  Bamenda, Frederick Takang souligne dans un article paru le que les documents mis en cause sont le code civil et les « actes uniformes Â» de l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA), un organisme international dont le Cameroun est l'un des dix-sept membres[14].

La revendication profonde et majeure des anglophones est le fĂ©dĂ©ralisme, c'est-Ă -dire le retour du Cameroun Ă  un État composĂ© de deux États fĂ©dĂ©res dont l'un est francophone et l'autre anglophone comme c'Ă©tait le cas avant le , date de naissance de la RĂ©publique unie du Cameroun et, Ă©ventuellement, de la mort de la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale du Cameroun.

Représailles du gouvernement

Lors de sa conférence de presse donnée à Yaoundé le , le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, dévoile le chiffre de 82 comme nombre de personnes (leaders anglophones) interpellées parmi lesquelles 21 ont été libérées et 31 en attente de jugement au tribunal militaire de Yaoundé. Les chefs d'accusation sont au nombre de 11 : actes de terrorisme, hostilité contre la patrie, sécession, révolution, insurrection, outrage au président de la république, outrage aux corps constitués et aux fonctionnaires, rébellion en groupe, guerre civile, propagation de fausses nouvelles, apologie de crimes[16].

Internet est coupé dans les deux régions anglophones du Cameroun (les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest) du 19 janvier au , une coupure qui aurait déjà coûté prÚs du milliard de perte à l'économie camerounaise[17]. Internet est rétabli dans les régions anglophones le 20 avril vers 17h GMT[18].

Rébellion séparatiste et conflit armé

En septembre 2017, les manifestations et la réaction répressive du gouvernement à celles-ci ont débouché sur une rébellion séparatiste puis un conflit armé, les séparatistes déclarant l'indépendance des régions anglophones du Cameroun sous le nom de République fédérale d'Ambazonie (Federal Republic of Ambazonia) et menant une guérilla contre l'armée camerounaise. Le gouvernement riposte par une offensive militaire afin de réprimer la rébellion, celle-ci s'étend aux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du pays[19]. En 2019, les affrontements entre forces armées camerounaises et guérilléros des groupes séparatistes se poursuivent.

Selon les Nations unies, le conflit a fait plus de 4.000 morts et a poussé plus de 700.000 personnes à se déplacer dans les autres régions du pays et a forcé 63.800 autres personnes à fuir vers le Nigeria voisin[20].

Voir aussi

Articles connexes

Références

  1. CAMTEL, « Loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant rĂ©vision de la Constitution du 2 juin 1972 - Portail du Gouvernement du Cameroun », sur www.spm.gov.cm (consultĂ© le )
  2. « Cameroon-Info.Net :: Cameroun-Info.Net: Le Portail du Cameroun », sur www.cameroon-info.net (consulté le )
  3. zojohis, « LE CAMEROUN ET LA PREMIERE GUERRE MONDIALE », sur histoiretech, (consulté le )
  4. Agence AIC, « Cameroun : les conséquences de la PremiÚre Guerre mondiale restent douloureuses - AIC - Agence africaine d'information et de communication », sur agenceaic.net (consulté le )
  5. « vegas joker casino online mr smith playing the first five notes on the tuba can i connect a pocket player to power amp vegas joker casino online mr smith playing the first five notes on the tuba can i connect a pocket player to power amp bendy », sur agenceaic.net (consulté le )
  6. ÉvĂ©nements ayant menĂ© Ă  l'indĂ©pendance du Cameroun
  7. « Histoire du Cameroun », sur La France au Cameroun (consulté le )
  8. Corpus constitutionnel : recueil universel des constitutions en vigueur, Leyde, Brill Archive, , 14 p. (ISBN 90-04-03887-6, lire en ligne)
  9. Jacques Leclerc, « CAMEROUN », sur www.axl.cefan.ulaval.ca (consulté le )
  10. « Décret N°2017/013 du 23 janvier 2017 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale pour la Promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme », sur www.prc.cm (consulté le )
  11. « Message du chef de l'État Ă  la Nation le 31.12.2016 », sur www.prc.cm (consultĂ© le )
  12. « Cameroun – FĂȘte de la jeunesse : les prĂ©paratifs du 11 fĂ©vrier s’accĂ©lĂšrent - CAMERPOST », sur www.camerpost.com (consultĂ© le )
  13. Francisation
  14. (en-GB) « Cameroun : les avocats anglophones en grĂšve », BBC Afrique,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  15. « Au Cameroun, les anglophones dĂ©noncent leur « marginalisation » face aux francophones », sur Les Observateurs de France 24 (consultĂ© le )
  16. « CAMEROUN :: Crise anglophone : La libĂ©ration des manifestants divise :: CAMEROON - Camer.be », camer.be,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  17. « Crise anglophone au Cameroun : la coupure d’internet pĂšse sur la « Silicon Mountain » - JeuneAfrique.com », JeuneAfrique.com,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  18. « Cameroun : retour de l'internet dans les régions anglophones », sur BBC Afrique (consulté le )
  19. (en) « Cameroon government ‘declares war’ on secessionist rebels », sur The New Humanitarian, (consultĂ© le )
  20. (en) Jess Craig, « Violence in Cameroon’s Anglophone crisis takes high civilian toll », sur www.aljazeera.com (consultĂ© le )
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