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Histoire du Cameroun

C'est l'historique de la RĂ©publique du Cameroun, un pays d'Afrique du Centre-Ouest.

Royaume du Kanem-Bornou et voisins en 1750.
Sutanat de Sokoto vers 1870.
Expansion coloniale européenne de 1880 à 1913.
Colonisation européenne de l'Afrique de l'Ouest.
Cameroun, carte allemande 1888.
Variations territoriales du Cameroun.

Époque prĂ©-coloniale

Les premiers habitants du Cameroun furent probablement des populations proches des Baka et des Akas, traditionnellement appelĂ©s pygmĂ©es. Ils habitent toujours les forĂȘts des rĂ©gions du sud et de l'est. L'analyse des ossements de quatre enfants enterrĂ©s il y a 3000 et 8000 ans sur le cĂ©lĂšbre site archĂ©ologique de Shum Laka a confirmĂ© que ceux-ci ont pour plus proches parents ces groupes de chasseurs-cueilleurs qui vivent aujourd'hui Ă  au moins 500 kilomĂštres dans les forĂȘts tropicales de l'ouest de l'Afrique centrale[1].

  • Ier millĂ©naire av. J.-C. : la zone couvrant le sud-ouest de l'actuel Cameroun et le sud-est du Nigeria aurait Ă©tĂ© le berceau des peuples bantous.
  • Ve siĂšcle av. J.-C. : d'aprĂšs certains historiens, le carthaginois Hannon aurait atteint le mont Cameroun qu'il aurait baptisĂ© le « char des Dieux ». D'autres historiens rejettent cette thĂ©orie arguant l'absence de trace de son passage au Cameroun et les conditions matĂ©rielles de l'Ă©poque qui n'auraient pas permis une expĂ©dition aussi Ă©loignĂ©e de Carthage.

Bases africaines

La zone couvrant le sud-ouest de l'actuel Cameroun et le sud-est du Nigeria ont été le berceau des peuples bantous au Ier millénaire avant notre Úre.

Les Tikars, les Bamouns et les Bamilékés migrent ensuite pour s'installer sur les hauts plateaux camerounais.

Au nord, la civilisation des Saos, encore mal connue, se développe dans le bassin du lac Tchad.

États, cultures, royaumes, empires d'Afrique

La région du lac Tchad passe au XVIe siÚcle sous le contrÎle de l'empire de Kanem-Bornou. Le premier état connu des historiens dans la région est celui du Kanem, qui se développe autour du lac Tchad à partir du IXe siÚcle. Il devient musulman au XIe siÚcle et atteint son apogée à la fin du XVIe et au XVIIe siÚcle. Il impose sa souveraineté à la majeure partie du territoire camerounais. Mais il se heurte sans cesse à la résistance des peuples et des petits royaumes camerounais (notamment les royaumes kotoko et mandara).

À la fin du XVIe siĂšcle, la grande vague migratoire des Peuls (ou FoulbĂ©s, du peul, Fulɓe), peuple de pasteurs nomades qui se dĂ©placent d'ouest en est depuis le Macina, atteint le lac Tchad. Au siĂšcle suivant, les Peuls s'implantent dans l'Adamaoua actuel, contribuant Ă  la diffusion de l'islam. Ils s'organisent en petits États thĂ©ocratiques musulmans, dirigĂ©s par un lamido, Ă  la fois chef politique et spirituel.

Le royaume bamoun est fondĂ© Ă  la fin du XVIe siĂšcle et prend son essor sous le rĂšgne de Mboumbouo MandĂč, Ă  la fin du XVIIIe siĂšcle, qui Ă©tend son territoire par la force des armes. Il s'emploie ensuite Ă  consolider son pouvoir.

Au dĂ©but du XIXe siĂšcle, les États musulmans Ă©tendent et consolident leur pouvoir.

En 1804, Ousman dan Fodio et les Peuls du Nigeria lancent une guerre sainte contre les Haoussas, afin d'étendre le royaume toucouleur. Forts de cet exemple, les Peuls du Sud rallient leur cause et propagent le djihad dans leur région. Modibbo Adama (1786-1847), chef des Peuls du sud, prend le titre de cheikh et les plateaux du Sud islamisés prennent le nom d'Adamaoua : massif de l'Adamaoua, émirat de l'Adamaoua (1809-1903), région de l'Adamaoua (1983-). Leur capitale, Yola, se trouve sur la Bénoué. Le lamido Adama meurt en 1847.

Le royaume bamoun doit lutter contre l'expansion peule.

Afrique et Europe : du XVIe au XIXe siĂšcle

À la recherche de la route des Indes, les Portugais arrivent sur les cĂŽtes en 1472. ÉtonnĂ© par le nombre de crevettes, le navigateur Fernando PĂło baptise le pays « Rio dos Camaroes» ce qui veut dire "riviĂšre des crevettes" (l'estuaire du Wouri). Vers 1532 la traite des Noirs se met en place notamment avec la collaboration des Doualas. Les EuropĂ©ens n'y fondent cependant pas dÂŽĂ©tablissements permanents comme Luanda ou Saint-Louis Ă  cause des cĂŽtes marĂ©cageuses, difficiles d'accĂšs et infestĂ©es de malaria.

Au XVIIIe siÚcle arrivent les pasteurs peuls ou (Foulbe) venus de l'ouest, qui refoulent les Kirdis et les Massas de la plaine du Diamaré, entre Logone et Bénoué. Ils islamisent les plateaux du Sud. Leur chef, Ousmane dan Fodio, envoie son guerrier Adam islamiser les plateaux du Sud, rebaptisé Adamaoua.

Il est stoppé par le royaume Bamoun. Le royaume Bamoun s'islamise sous l'impulsion du roi Njoya, qui reste célÚbre pour l'alphabet composé d'idéogrammes qu'il crée et pour la carte du pays qu'il fait établir.

Époque coloniale

En 1845, des missionnaires baptistes britanniques s'installent au Cameroun, qui entre de fait dans la zone d'influence de la Grande-Bretagne. Mais cela ne dure pas trĂšs longtemps : en 1868 un comptoir allemand est ouvert prĂšs de Douala par Carl Woermann, un marchand de Hambourg.

La colonisation allemande (1884-1918)

Heinrich Barth et Gustav Nachtigal sont les prĂ©curseurs. La colonisation allemande commence en 1884 avec la signature en juillet d'un traitĂ© entre les rois Bell et King Akwa et les representants des firmes Hambourgeoises, Johanness Vogt, reprĂ©sentant de la firme Jantsen and ThormĂ€len et Edward S., reprĂ©sentant de la firme Woermann. Le protectorat s'Ă©tend du lac Tchad au nord aux rives de la Sangha au sud-est. La ville de BuĂ©a au pied du mont Cameroun en devient la capitale avant que celle-ci ne soit transfĂ©rĂ©e Ă  Douala en 1908. En 1911, un accord franco-allemand Ă©tend les possessions allemandes Ă  certains territoires de l'Afrique-Équatoriale française.

L'Allemagne est en particulier intĂ©ressĂ©e par le potentiel agricole du Cameroun et confie Ă  de grandes firmes le soin de l'exploiter et de l'exporter. Le chancelier Bismarck dĂ©finit l'ordre des prioritĂ©s comme suit : le marchand d'abord, le soldat ensuite. Ce serait en effet sous l'influence de l'homme d'affaires Adolph Woermann, dont la compagnie a implantĂ© une maison de commerce Ă  Douala, que Bismarck, d’abord sceptique sur l’intĂ©rĂȘt du projet colonial, s'est laissĂ© convaincre. De grandes compagnies commerciales allemandes (Woermann, Jantzen und Thoermalen) et compagnies concessionnaires (Sudkamerun Gesellschaft, Nord-West Kamerun Gesellschaft) s'implantent massivement dans la colonie. Laissant les grandes compagnies imposer leur ordre, l'administration se contente de les Ă©pauler, de les protĂ©ger, et de tenter d'Ă©liminer les rĂ©bellions indigĂšnes[2].

Les mandats français et britanniques (1919-1961)

Missionnaire français avec le sultan de Ngaoundéré en 1920.

AprĂšs la PremiĂšre Guerre mondiale, pendant laquelle le Cameroun est conquis par les forces franco-britanniques, la colonie allemande est partagĂ©e en deux territoires lors d'une rencontre entre les gĂ©nĂ©raux francais et britanniques le 4 mars 1916 Ă  Londres, oĂč une partie est confiĂ©e Ă  la France pour les quatre cinquiĂšmes, Ă  l'est et l'autre au Royaume-Uni pour le cinquiĂšme restant, Ă  l'ouest, entĂ©rinĂ© par des mandats de la SociĂ©tĂ© des Nations (SDN) en 1922. Pendant les vingt premiĂšres annĂ©es, la France s'emploie notamment Ă  liquider les rĂ©bellions de populations Kirdi dans le nord du Cameroun. Si la pacification de cette rĂ©gion s'accompagne de massacres et de pillages rĂ©currents, la France, Ă  la diffĂ©rence de l'Allemagne, pratique aussi une politique d'assimilation Ă  l'instar de ce qui se passe dans ses autres colonies[2]. Le Royaume-Uni applique le rĂ©gime de l'indirect rule.

L'administration française, réticente à rétrocéder aux compagnies allemandes leurs possessions d'avant guerre, en réattribue certaines à des compagnies françaises. C'est notamment le cas pour la Société financiÚre des caoutchoucs, qui obtient des plantations mises en exploitation pendant la période allemande et devient la plus grande entreprise du Cameroun sous mandat français.

La France construit des routes, pour relier les principales villes entre elles, ainsi que diverses infrastructures telles que des ponts et des aéroports. La ligne de chemin de fer Douala-Yaoundé, commencée sous le régime allemand, est achevée par les ingénieurs français. Des milliers d'ouvriers sont déportés de force vers ce chantier pour y travailler cinquante-quatre heures par semaine. Les ouvriers souffrent également du manque de nourriture et de la présence massive de moustiques. En 1925, le taux de mortalité sur le chantier s'élÚve à 61,7%. Les autres chantiers ne sont cependant pas aussi meurtriers, bien que les conditions de travail y soient généralement trÚs dures[2].

Le premier Premier ministre du Cameroun méridional, Emmanuel Mbela Lifafe Endeley (premier rang, troisiÚme à partir de la droite) à Bamenda en 1958.

Le Cameroun français se rallie à la France libre en août 1940 au sein de l'Afrique française libre. Le systÚme instauré par la France libre s'apparente à une dictature militaire. Leclerc instaure l'état de siÚge sur tout le territoire et abolit presque toute liberté publique. L'objectif est de neutraliser tout sentiment potentiellement indépendantiste ou de sympathie pour l'ancien colonisateur allemand. Les indigÚnes connus pour leur germanophilie sont exécutés en place publique[2]. En 1945, le pays est placé sous tutelle de l'ONU. Malgré cela, il devient en 1946 un «territoire associé» de l'Union française.

AprĂšs la Seconde Guerre mondiale, deux Ă©vĂšnements accĂ©lĂšrent le dĂ©veloppement d'un sentiment nationaliste et anticolonial. En septembre 1945, Ă  Douala, des colons ouvrent le feu sur une manifestation de grĂ©vistes, la faisant dĂ©gĂ©nĂ©rer en Ă©meute. Les affrontements s'Ă©tendent et un avion sera mĂȘme utilisĂ© pour mitrailler les Ă©meutiers. Officiellement, selon les autoritĂ©s coloniales, le bilan serait de 8 morts et 20 blessĂ©s, mais selon l'historien Richard Joseph, ce bilan serait trĂšs infĂ©rieur Ă  la rĂ©alitĂ© et les morts se compteraient en dizaines. Le second Ă©vĂšnement majeur est la crĂ©ation du Rassemblement dĂ©mocratique africain Ă  Bamako en septembre 1946, auquel participent des militants camerounais comme Ruben Um Nyobe[3].

L'administration britannique divise administrativement le Cameroun britannique en deux rĂ©gions, le Cameroun septentrional (Northern Cameroons) et le Cameroun mĂ©ridional (Southern Cameroons). Le Cameroun septentrional se composait de deux sections non contiguĂ«s, divisĂ©es par un point de rencontre entre les frontiĂšres du Nigeria et du Cameroun, et Ă©tait administrĂ© comme une partie de la rĂ©gion du nord du Nigeria. Le Cameroun mĂ©ridional Ă©tait administrĂ© comme une province de l'est du Nigeria. Au Cameroun britannique, de nombreux administrateurs allemands ont Ă©tĂ© autorisĂ©s Ă  diriger les plantations de la zone cĂŽtiĂšre mĂ©ridionale aprĂšs la PremiĂšre Guerre mondiale. Une publication parlementaire britannique intitulĂ© Report on the British Sphere of the Cameroons, rapporte que les plantations allemandes Ă©taient « dans l'ensemble... de merveilleux exemples d'industrie, basĂ©s sur de solides connaissances scientifiques. Les indigĂšnes ont appris la discipline et ont pris conscience de ce que l'industrie peut accomplir. Un grand nombre de ceux qui retournent dans leurs villages se lancent dans la culture du cacao ou d'autres plantes pour leur propre compte, augmentant ainsi la prospĂ©ritĂ© gĂ©nĂ©rale du pays ». Dans les annĂ©es 1930, la population blanche est encore composĂ©e majoritairement d'Allemands, dont la plupart sont internĂ©s dans des camps britanniques Ă  partir de juin 1940. La population autochtone a montrĂ© peu d'intĂ©rĂȘt Ă  se porter volontaire pour les forces britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale ; seuls 3 500 hommes l'ont fait[4].

Lorsque la Société des Nations a cessé d'exister en 1946, le Cameroun britannique a été reclassé comme territoire sous tutelle de l'ONU, administré par le Conseil de tutelle de l'ONU, mais est resté sous contrÎle britannique. Le 12 juin 1946, les Nations unies ont approuvé les accords de tutelle pour que le Cameroun britannique soit gouverné par le Royaume-Uni[5].

En juin 1957, le militant indépendantiste Ndeh Ntumazah fonde le One Kamerun, considéré comme la branche anglophone de l'Union des populations du Cameroun (UPC). Les autorités britanniques collaborent toutefois avec les autorités françaises, malgré leur animosité réciproque, dans la répression des militants upécistes réfugiés en zone britannique. Isaac Tchoumba Ngouankeu, l'un des leaders de l'UPC, est ainsi livré à l'administration française. En avril 1957, des commandos français pénÚtrent secrÚtement (sans en avoir averti les Britanniques) dans un siÚge de l'UPC, incendient les bùtiments et exécutent plusieurs militants[6].

Jean-Joseph David au Haut-Nyong

Le mĂ©decin colonial Jean-Joseph David (1900c-1969) est en poste au Haut-Nyong de 1939 Ă  1943, Ă  la direction de la "rĂ©gion mĂ©dicale" du Haut-Nyong, avec les pleins pouvoirs, avec comme centre Ayos. SecondĂ© par cinq mĂ©decins, il y mĂšne un gouvernement par la mĂ©decine, contre la maladie du sommeil (en rĂ©surgence malgrĂ© le travail d'EugĂšne Jamot dans cette mĂȘme rĂ©gion), et pour l'exploitation du latex et du rutile[7]. Il y reconduit son expĂ©rience de mĂ©decin-rĂ©sident Ă  Wallis des annĂ©es 1933-1938. Guillaume Lachenal en a tirĂ© le livre d'enquĂȘte biographique Le mĂ©decin qui voulut ĂȘtre roi. Sur les traces d’une utopie coloniale (Paris, Seuil, 2017)[8] - [9]. Les cinq autres mĂ©decins sont Henri Koch (Ă  Messamena)[10], EugĂšne Pape (Ă  Abong-Mbang), Fernand Gailhbaud, Sylvain Lagarde et le capitaine Giraud. La superficie du territoire Ă©quivaut Ă  celle de la Suisse ou de la rĂ©gion RhĂŽne-Alpes.

Les travaux d'EugÚne Jamot (1879-1937) et de ses équipes (et ceux de leurs prédécesseurs allemands) sont repris, avec les hypnoseries, cantonnements sanitaires pour les populations atteintes de maladie du sommeil (trypanosomiase africaine), ou sommeilleux.

Les lĂ©proseries, ou colonies agricoles de lĂ©preux, la lĂšpre n'Ă©tant pas (ou plus) une maladie prioritaire, sont dĂ©lĂ©guĂ©es aux missionnaires, de mĂȘme que le traitement du pian, du paludisme, de la filariose ou de la syphilis.

La rĂ©gion se revendique expĂ©rience d'hygiĂšne intensive et de dĂ©veloppement local (relĂšvement rural Ă  la française) : protocoles expĂ©rimentaux, formation d'infirmiers et de mĂ©decins locaux (et de moniteurs agricoles et d'aides-surveillants), Ă©coles, amĂ©nagements divers, routes, villages-modĂšles, sport, petit cheptel, cacao, margousier (arbre neem), etc. L'obligation de planter 500 pieds de cacaoyers par individu (puis de cafĂ©) peut et doit se comprendre comme incitation Ă  une production personnelle et Ă  la crĂ©ation d'une sociĂ©tĂ© de petits planteurs indĂ©pendants : « l'Ă©mergence de communautĂ©s villageoises fixĂ©es dans l'espace, productives, imposables et contrĂŽlables reste l'objectif auquel aspirent ensemble mĂ©decins et administrateurs » (Lachenal, p. 131).

Une interprĂ©tation totalitaire est Ă©galement possible, mĂȘme pour un tel territoire pĂ©riphĂ©rique : le systĂšme David (David l'Empereur, façon colonel Kurtz (du roman Au cƓur des tĂ©nĂšbres (1899)) devient « le mauvais rĂȘve des missionnaires » (avec leurs sixa, sisters schools, ou Ă©coles de fiancĂ©es) et surtout des entrepreneurs coloniaux (grandes plantations de cafĂ©, chantiers routiers, forestiers, caoutchouc, huile de palme, minerais (rutile)). L'expĂ©rience manque vite de personnels formĂ©s, de mĂ©dicaments, de crĂ©dits ; elle est stoppĂ©e en 1947. Et Jean Joseph David, aprĂšs Alger, Belfort, Dachau, Mainau, Reichenau, FrĂ©jus, Abidjan, SaĂŻgon, prend une retraite anticipĂ©e en 1955 et travaille ensuite comme dĂ©lĂ©guĂ© mĂ©dical pour une petite entreprise pharmaceutique. Seul Henri Koch semble avoir Ă©tĂ© plus efficace Ă  son poste (« il a beaucoup travaillĂ© ici »).

L'hygiĂ©nisme des annĂ©es 1920-1930 a vu se dĂ©velopper de nombreux projets-pilotes : Mraclin (vers Zagreb, Yougoslavie), Tsing Hien (Chine), Pholela (Natal, Afrique du Sud), The Anchau Experiment ou Takalafiya (Nigeria), Purwokerto (Java, IndonĂ©sie), FordlĂąndia (ParĂĄ, BrĂ©sil) : utopie, utopie concrĂšte, phalanstĂšre, colonie, sociĂ©tĂ© agricole, kibboutz, citĂ©-jardin et plus souvent contre-utopie (dystopie, puis ville fantĂŽme) ou État client.

Chemin vers l'indépendance (1945-1960)

Les leaders de l'UPC.

Le , l'Union des Populations du Cameroun (UPC), un mouvement nationaliste, est fondĂ©e par 12 personnes (Jacques Ngom, Charles AssalĂ©, Guillaume Hondt, Joseph Raymond Etoundi, Leopold MoumĂ©-Etia, George Yemi, Theodore Gosso, Guillaume Bagal, Leornard Bouly, Emmanuel Yap, Jacques RenĂ© Bidoum et Henry Manga Mado), dont Ruben Um Nyobe prendra la direction par la suite. En mai 1955, les arrestations de militants indĂ©pendantistes sont suivies d'Ă©meutes dans plusieurs villes du pays. La rĂ©pression fait plusieurs dizaines (l'administration française en recense officiellement vingt-deux, bien que des rapports secrets en reconnaissent beaucoup plus) ou centaines de morts. L'UPC est interdite et prĂšs de 800 de ses militants sont arrĂȘtĂ©s, dont beaucoup seront battus en prison. RecherchĂ©s par la police, des militants de l'UPC se rĂ©fugient dans les forĂȘts, oĂč ils forment des maquis, ou au Cameroun britannique voisin. Les autoritĂ©s françaises rĂ©priment ces Ă©vĂ©nements, et procĂšdent Ă  des arrestations arbitraires. Le parti reçoit le soutien de personnalitĂ©s comme Gamal Abdel Nasser et Kwame Nkrumah et l'action de la France est dĂ©noncĂ©e Ă  l'ONU par les reprĂ©sentants de pays comme l'Inde, la Syrie et l'Union soviĂ©tique[2].

Une insurrection Ă©clate chez les bassa dans la nuit du 18 au : plusieurs dizaines de personnalitĂ©s hostiles Ă  l'UPC sont assassinĂ©es ou enlevĂ©es, des ponts, des lignes tĂ©lĂ©phoniques et d'autres infrastructures sont sabotĂ©es. Des unitĂ©s de la garde camerounaise rĂ©priment violemment ces Ă©vĂšnements ce qui entraĂźne le ralliement des paysans aux maquis. Plusieurs maquis de l'UPC sont constituĂ©s avec ses « gĂ©nĂ©raux » et ses « capitaines » Ă  la tĂȘte de « rĂ©giments » (150-200 guĂ©rilleros) et « bataillons » (50 guĂ©rilleros). L'armement est trĂšs sommaire : quelques fusils et pistolets dĂ©robĂ©s, mais essentiellement des machettes, gourdins, arcs et flĂšches. Pour isoler la rĂ©bellion de la population civile Bassa, suspectĂ©e d’ĂȘtre particuliĂšrement indĂ©pendantiste, cette derniĂšre est dĂ©portĂ©e vers des camps situĂ©s le long des principaux axes routiers. Le gĂ©nĂ©ral Lamberton, responsable des forces françaises, ordonne : « Toute case ou installation subsistant en dehors des zones de regroupement devra ĂȘtre entiĂšrement rasĂ©e et leurs cultures avoisinantes saccagĂ©es. » Les villageois sont soumis au travail forcĂ© pour le compte de la sociĂ©tĂ© Razel, notamment dans la construction de routes. Les Bassa vivant en ville sont expulsĂ©s vers leur rĂ©gion d'origine pour Ă©viter que le « virus de la contestation » ne se propage[2].

L'Assemblée territoriale est élue au suffrage universel et avec un collÚge unique pour la premiÚre fois en décembre 1956 mais seules des formations sélectionnées par les autorités peuvent y participer[3]. André-Marie Mbida est choisi par Pierre Messmer comme premier ministre en mai 1957 et Ahmadou Ahidjo est nommé premier ministre adjoint. Il est remplacé par Ahmadou Ahidjo en février 1958.

Indépendance (1960)

Monument de l'indépendance à Yaoundé.

Le Cameroun français acquiert son indépendance le et devient la République du Cameroun. Les élections sur l'ancien territoire sous tutelle française sont entachées par des émeutes ethniques, notamment en pays bamiléké. Les différentes ethnies réclament chacune leur indépendance. L'année suivante, le Cameroun sous tutelle britannique se divise en deux aprÚs un référendum d'autodétermination.

Le Nord, principalement musulman, choisit d'intĂ©grer le Nigeria. Quant au Sud, principalement chrĂ©tien, choisit de rejoindre la RĂ©publique du Cameroun, pour former la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale du Cameroun. Le premier prĂ©sident du Cameroun est Ahmadou Ahidjo – Peul musulman du Nord – qui Ă©tait Premier ministre depuis 1958. DĂšs son arrivĂ©e au pouvoir, Ahidjo favorise son ethnie, les Peuls (ou FoulbĂ©s) (politique, emploi, formation). Ahidjo est invitĂ© et reçu par le PrĂ©sident John Fitzgerald Kennedy aux États-Unis en 1962.

Pendant les premiĂšres annĂ©es du rĂ©gime, l'ambassadeur français, Jean-Pierre BĂ©nard, est parfois considĂ©rĂ© comme le vĂ©ritable « prĂ©sident » du Cameroun. Cette indĂ©pendance est en effet largement thĂ©orique, puisque des « conseillers Â» français sont chargĂ©s d'assister chaque ministre, et disposent de la rĂ©alitĂ© du pouvoir. Le gouvernement gaulliste prĂ©serve son ascendant sur le pays Ă  travers la signature « d'accords de coopĂ©ration » touchant Ă  tous les secteurs de la souverainetĂ© du Cameroun. Ainsi, dans le domaine monĂ©taire, le Cameroun conserve le franc CFA et confie sa politique monĂ©taire Ă  son ancienne puissance tutrice. Toutes les ressources stratĂ©giques sont exploitĂ©es par la France, des troupes françaises sont maintenues dans le pays, et une grande partie des officiers de l'armĂ©e camerounaise sont Français, y compris le chef d'Ă©tat-major[2].

Lors de son accession Ă  l'indĂ©pendance, en 1960, le Cameroun se dote d'une Constitution Ă  vocation pluraliste, qui prĂ©voyait le multipartisme. Cette constitution est, Ă  peu de chose prĂšs, similaire Ă  la constitution française. La France, « gendarme » des États-Unis, se fait l'apĂŽtre des idĂ©es libĂ©rales face Ă  la menace communiste. Toutefois, DĂšs le dĂ©but des annĂ©es 1960, les autoritĂ©s multiplient les dispositions lĂ©gales, leur permettant de s’affranchir de l’État de droit : prolongation arbitraire des gardes Ă  vue, interdiction des rĂ©unions et rassemblements, soumission des publications Ă  la censure prĂ©alable, restriction de la libertĂ© de circulation Ă  travers l'Ă©tablissement de laissez-passer ou du couvre-feu, interdiction pour les syndicats de lancer des souscriptions, etc. Toute personne accusĂ©e de « compromettre la sĂ©curitĂ© publique » se voit privĂ©e d'avocat et ne peut faire appel du jugement prononcĂ©. Les condamnations aux travaux forcĂ©s Ă  perpĂ©tuitĂ© ou Ă  la peine capitale — les exĂ©cutions peuvent ĂȘtre publiques — se font ainsi nombreuses. Un rĂ©gime Ă  parti unique est instaurĂ© en 1966[2].

RĂ©unification (1961)

Monument de la réunification à Yaoundé.
Timbre commémoratif de la réunification du Cameroun.

AprĂšs que le Cameroun mĂ©ridional, partie sud du Cameroun britannique se soit rattachĂ© Ă  la RĂ©publique du Cameroun (ancien Cameroun français) Ă  l'issue d'un rĂ©fĂ©rendum, la rĂ©publique fĂ©dĂ©rale du Cameroun fut dĂ©clarĂ©e le . Ahmadou Ahidjo devient le prĂ©sident, John Ngu Foncha le vice-prĂ©sident. On rajoute alors deux Ă©toiles sur le drapeau national afin de symboliser les deux États fĂ©dĂ©rĂ©s. La fĂ©dĂ©ration adopte le français et l'anglais comme langues officielles[11]. En 1962, le Franc CFA devint la monnaie officielle du pays (dans les deux États fĂ©dĂ©rĂ©s). Une ordonnance gouvernementale est prise cette mĂȘme annĂ©e qui rĂ©glemente fortement les partis politiques. La fĂ©dĂ©ration est formĂ©e de deux États fĂ©dĂ©rĂ©s : le Cameroun oriental (ancien Cameroun français) et le Cameroun occidental (ancien Cameroun mĂ©ridional)[12].

Le , Ahmadou Ahidjo invente les autres partis de l'AssemblĂ©e Ă  rejoindre l'UC pour fonder un parti unique camerounais afin de dĂ©velopper la sociĂ©tĂ© et l'Ă©conomie camerounaises : « Je dis tout de suite qu’il est souhaitable qu’au Cameroun il y ait un grand parti unifiĂ©. En tout cas, moi, je le souhaite personnellement aprĂšs une entente entre les diffĂ©rents partis qui existent. Un grand parti national unifiĂ© au sein duquel entreraient librement, aprĂšs ĂȘtre convaincus, les Camerounais. Un parti au sein duquel existe une dĂ©mocratie, la libertĂ© d’expression, la libertĂ© de discussion ; un parti au sein duquel peuvent exister plusieurs tendances, Ă©tant entendu que la minoritĂ© se rallie aux avis de la majoritĂ© ». L'Union des populations du Cameroun de ThĂ©odore Mayi-Matip, le Parti socialiste camerounais de Charles Okala et le Parti des dĂ©mocrates camerounais de AndrĂ©-Marie Mbida refuseront Ă  la dĂ©rive autoritaire du PrĂ©sident[13].

Le , John Ngu Foncha et Ahmadou Ahidjo forment le « Groupe d’unitĂ© nationale » qui comprend tous les dĂ©putĂ©s de l'AssemblĂ©e fĂ©dĂ©rale et le ComitĂ© de coordination UC-KNDP dont le but est d'Ă©liminer le pluralisme politique dans les deux États fĂ©dĂ©rĂ©s[13].

Révolte et répression (1964)

En avril 1964, Marguerite Mbida, Ă©pouse de AndrĂ©-Marie Mbida, se prĂ©sente comme tĂȘte de liste du PDC aux Ă©lections lĂ©gislatives d’avril 1964. Le PDC est le seul parti politique Ă  se prĂ©senter Ă  ces Ă©lections. Les responsables politiques camerounais de cette Ă©poque sont tous soit en exil soit en prison. Les Ă©lecteurs du PDC descendent dans la rue pour protester contre les fraudes. Le gouvernement fait alors intervenir la gendarmerie dans les villages, et les protestataires sont massivement dĂ©portĂ©s vers les camps de concentration de Mantoum, TchollirĂ© et Mokolo.

L’État camerounais de l'autorite harold poursuit la lutte contre l'UPC et sa branche armĂ©e, l'ArmĂ©e de libĂ©ration nationale du Kamerun (ALNK). Il passe des accords de dĂ©fense avec la France : « des personnels français sont chargĂ©s de procĂ©der Ă  l'organisation, Ă  l'encadrement et Ă  l'instruction des forces armĂ©es camerounaises »[14]. De violentes Ă©meutes ensanglantĂšrent le pays BamilĂ©kĂ© et la rĂ©gion Bassa.

Polémique sur le nombre de victimes

Les avis diffÚrent sur le nombre de victimes. En 2001, l'écrivain camerounais Mongo Beti indique : « Les estimations varient d'un plancher de soixante mille morts, chiffre brandi par les dirigeants officiels, à quatre cent mille, statistique revendiquée par les dirigeants nationalistes radicaux. C'est bien connu, les bourreaux minimisent, les victimes maximalisent. »[15].

L'historien Marc Michel indique que l'essentiel des combats a eu lieu aprĂšs l'indĂ©pendance. Il estime que « plus vraisemblablement, la guerre a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, principalement des victimes de la "guerre civile", aprĂšs l’indĂ©pendance »[16]. Pour l'historien Bernard Droz, auteur d'un ouvrage sur la dĂ©colonisation, les Ă©vĂšnements de la pĂ©riode 1955-1959 ont fait de l'ordre d'une dizaine de milliers de morts[17]. Les manuels scolaires d'histoire camerounais parlent eux d'« une rude rĂ©pression ».

Époque contemporaine

En 1972, la rĂ©publique fĂ©dĂ©rale est remplacĂ©e par un État unitaire. Le Cameroun devient un pays producteur de pĂ©trole en 1977. PrĂ©tendant vouloir faire des rĂ©serves pour les temps difficiles, les autoritĂ©s gĂšrent les recettes pĂ©troliĂšres « hors budget » dans la plus totale opacitĂ© (les fonds sont placĂ©s sur des comptes parisiens, suisses et new-yorkais). Plusieurs milliards de dollars sont ainsi dĂ©tournĂ©s au bĂ©nĂ©fice de compagnies pĂ©troliĂšres et de responsables du rĂ©gime. L'influence de la France et de ses 9 000 ressortissants au Cameroun reste considĂ©rable. La revue African Affairs note au dĂ©but des annĂ©es 1980 qu'ils « continuent Ă  dominer presque tous les secteurs clĂ©s de l'Ă©conomie, Ă  peu prĂšs comme ils le faisaient avant l'indĂ©pendance. Les ressortissants français contrĂŽlent 55 % du secteur moderne de l'Ă©conomie camerounaise et leur contrĂŽle sur le systĂšme bancaire est total[2].

Ce n'est qu'en novembre 1982 qu'Ahidjo dĂ©missionne, officiellement pour « raisons de santĂ© », et est remplacĂ© par son ancien Premier ministre, Paul Biya – chrĂ©tien du Sud. Il regrette son choix ultĂ©rieurement, mais, Ă  la suite d'un coup d'État manquĂ© de la part de ses partisans, il est contraint Ă  l'exil en 1984. La rĂ©pression vise particuliĂšrement les rĂ©gions du Nord, oĂč des centaines de personnes sont tuĂ©es. Cette rĂ©volution de palais met ainsi fin Ă  un rĂ©gime auquel un haut magistrat reprocha par la suite l'« hypertrophie du pouvoir exĂ©cutif, renforcĂ© par le monopartisme envahissant, et [l']atrophie de tous les contrepoids, pour ne pas dire tout court [l']absence de contrepoids ». Le prĂ©sident Biya tente alors d'affermir son pouvoir en renouvelant totalement les cadres et les structures du parti unique, rebaptisĂ© en 1985 Rassemblement dĂ©mocratique du peuple camerounais. Il rĂ©ussit mĂȘme Ă  y rallier quelques opposants « de l'intĂ©rieur ». L'ouverture est marquĂ©, Ă©galement, lors des Ă©lections municipales d'octobre 1987 : des Ă©lections pluralistes dans le cadre du parti unique. Quelques mois plus tard, Biya est rĂ©Ă©lu prĂ©sident, tandis que la quasi-totalitĂ© des dĂ©putĂ©s sont battus par des nouveaux venus lors des lĂ©gislatives.

Seul candidat, Paul Biya est Ă©lu prĂ©sident en 1984 et 1988. Il adopte un plan d’ajustement structurel qui lui est prĂ©sentĂ© par le Fonds monĂ©taire international (FMI) et la Banque mondiale : privatisation, ouverture Ă  la concurrence, rĂ©duction des dĂ©penses sociales, etc. Les salaires des fonctionnaires sont rĂ©duits de 60 %, le secteur informel augmente trĂšs significativement, mais les classes dirigeantes ne sont pas affectĂ©es par ce programme. Au dĂ©but des annĂ©es 1990, Ă  la suite d'opĂ©rations de dĂ©sobĂ©issance civile, baptisĂ©es « Villes mortes », et d'Ă©meutes, il accĂ©lĂšre la mise en Ɠuvre du multipartisme. Il supprime la lĂ©gislation « contre-subversive » instaurĂ©e par son prĂ©dĂ©cesseur, restaurant ainsi la libertĂ© d’association, et permet Ă  une presse indĂ©pendante de commencer Ă  paraĂźtre. Cette dĂ©mocratisation Ă  ses limites : le gouvernement continue d'avoir recours aux fraudes Ă©lectorales et instrumentalise les appareils judiciaire et policier contre l'opposition[18].

Des affrontements violents à Yaoundé mettent aux prises étudiants et policiers dÚs décembre 1987 et, la situation économique empirant, de nouveaux troubles sociaux éclatent à partir de 1989. Le , l'Assemblée nationale adopte une série de lois destinées à contrÎler la création de nouveaux partis, alors que la Constitution prévoyait explicitement le multipartisme intégral. Plusieurs partis « proches du pouvoir » se font ainsi reconnaßtre sans problÚmes, mais la plupart des partis d'opposition, dans le pays ou en exil, refusent de cautionner ce « multipartisme sous contrÎle ».

Le rĂ©gime de Paul Biya est proche du gouvernement français, qui lui livre des armes et forme ses forces de rĂ©pression. La France est le premier investisseur Ă©tranger, devant les États-Unis. Cent cinq filiales françaises sont implantĂ©es dans tous les secteurs-clĂ©s (pĂ©trole, bois, bĂątiment, tĂ©lĂ©phonie mobile, transport, banque, assurance, etc.). En fĂ©vrier 2008, des Ă©meutes Ă©clatent, rĂ©clamant la baisse des prix et le dĂ©part de Paul Biya. Les manifestants sont sĂ©vĂšrement rĂ©primĂ©s : une centaine de morts, des milliers d’arrestations[18].

Le projet de Paul Biya de modifier la Constitution en février 2008 donne lieu à des manifestations brutalement réprimées ; une centaine de personnes sont tuées.

Conflit armé en régions anglophones

Le , le Front uni du consortium Ambazonie-Cameroun mĂ©ridional, un mouvement indĂ©pendantiste dĂ©clare symboliquement l'indĂ©pendance des rĂ©gions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, qui abritent la minoritĂ© anglophone du pays sous le nom de RĂ©publique fĂ©dĂ©rale d'Ambazonie avec Sisiku Julius Ayuk Tabe, leader du mouvement comme prĂ©sident de la rĂ©publique autoproclamĂ©e, dĂ©clenchant une rĂ©pression par les forces de l'ordre se soldant par des morts, des blessĂ©s, des Ă©meutes, barricades, manifestations, couvre-feu, etc[19]. En janvier 2018, le NigĂ©ria compte entre 7 000 et 30 000 rĂ©fugiĂ©s liĂ©s au conflit et Ă  la rĂ©pression qui ont suivi cette dĂ©claration d'indĂ©pendance[20]. Le 5 janvier 2018, des membres du gouvernement intĂ©rimaire de l'Ambazonie, dont le prĂ©sident Sisiku Julius Ayuk Tabe, sont arrĂȘtĂ©s au NigĂ©ria et dĂ©portĂ©s au Cameroun. Ils y sont arrĂȘtĂ©s et passent 10 mois dans un quartier gĂ©nĂ©ral de gendarmerie avant d’ĂȘtre transfĂ©rĂ©s dans une prison Ă  sĂ©curitĂ© maximale de YaoundĂ©. Un procĂšs dĂ©bute en dĂ©cembre 2018. Le 4 fĂ©vrier 2018, il a Ă©tĂ© annoncĂ© que Samuel Ikome Sako deviendrait le prĂ©sident par intĂ©rim de la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale d'Ambazonie, succĂ©dant temporairement Ă  Tabe. Sa prĂ©sidence a vu l'escalade du conflit armĂ© et son extension dans toutes les rĂ©gions anglophones. Le 31 dĂ©cembre 2018, Samuel Ikome Sako dĂ©clare que 2019 verrait le passage d'une guerre dĂ©fensive Ă  une guerre offensive et que les sĂ©paratistes s'efforceraient d'obtenir une indĂ©pendance de facto sur le terrain. Le 20 aoĂ»t 2019 au matin le tribunal militaire de YaoundĂ© condamne Julius Ayuk Tabe et neuf autres de ses partisans Ă  la rĂ©clusion criminelle Ă  vie[21].

Paul Biya est réélu pour un septiÚme mandat en 2018, dans un scrutin dont la régularité est contestée par l'opposition[22]. Il lance un «Grand dialogue national» en 2019. Aucune avancée décisive n'en ressort sur le conflit dans les régions anglophones. Paul Biya fait libérer des détenus, mais les leaders du mouvement restent en prison[23].

Les Ă©lections lĂ©gislatives et municipales du 9 fĂ©vrier 2020 entraĂźnent un regain de violence dans les rĂ©gions anglophones du Cameroun, autour de la tentative d'indĂ©pendance de l'Ambazonie. Les groupes armĂ©s sĂ©paratistes promettent des reprĂ©sailles Ă  ceux qui iraient voter, en rĂ©action le gouvernement central du Cameroun augmente ses effectifs militaires dans la zone[24]. Dans les deux semaines prĂ©cĂ©dant les Ă©lections, selon Human Rights Watch, les rebelles sĂ©paratistes enlĂšvent plus d'une centaine de personnes dans les deux rĂ©gions anglophones, tandis que les forces de sĂ©curitĂ© commettent de nombreux abus de pouvoir[24]. Le 7 fĂ©vrier 2020, c'est depuis sa cellule Ă  la prison centrale de YaoundĂ© que Sisiku Julius Ayuk Tabe, prĂ©sident du gouvernement intĂ©rimaire d’Ambazonie, dĂ©clare, qu’ils sont plus que jamais engagĂ©s dans une indĂ©pendance totale ou une rĂ©sistance Ă  jamais[25].

Les violences se poursuivent aprÚs les élections. Ainsi, le 16 février 2020, 22 civils dont 14 enfants et 1 femme enceinte sont massacrés à Ntumbaw, un village du Nord-Ouest[24]. l'opposition camerounaise (surtout le Mouvement pour la renaissance du Cameroun) et les ONG locales accusent l'Armée et le gouvernement d'avoir perpétré le massacre, dans un contexte de répression de la tentative de sécession de l'Ambazonie[24].

Le 21 avril 2020, le régime camerounais admet sa responsabilité, expliquant que l'Armée et un groupe d'autodéfense allié avaient attaqué des indépendantistes, tuant 5 d'entre-eux, puis s'étaient rendus compte que leur assaut avait également tué accidentellement les femmes et les enfants, et avaient alors décidé de déclencher l'incendie pour tenter de masquer leurs faits[26].

Le 2 juillet 2020, dĂ©jĂ  trĂšs impliquĂ©e lors de la tenue des assises du « grand dialogue national », l'Église catholique a de nouveau jouĂ© les facilitateurs lors de la rĂ©cente prise de contact entre les sĂ©paratistes anglophones emprisonnĂ©s Ă  YaoundĂ© et des Ă©missaires du gouvernement. C'est d'ailleurs au centre Ă©piscopal de MvolyĂ©, dans la capitale camerounaise, que cette rencontre s'est tenue. Pour l'occasion, Julius Ayuk TabĂ©, le prĂ©sident autoproclamĂ© de l'Ambazonie et quelques-uns de ses partisans avaient Ă©tĂ© spĂ©cialement extraits de leurs cellules pour entamer des discussions avec les autoritĂ©s du gouvernement. Entre eux, un tĂ©moin privilĂ©giĂ© : Monseigneur Andrew Nkea Fuanya, archevĂȘque de Bamenda. Cette nouvelle implication de l'Église catholique pour tenter de rapprocher les parties en conflit de la crise dans les rĂ©gions anglophones a Ă©tĂ© plutĂŽt bien perçue par nombre d'observateurs, alors que jusqu'ici une sorte de crise de confiance semble installĂ©e de part et d'autre entre protagonistes. D'autant que dix mois aprĂšs la tenue du Grand dialogue national, les rĂ©solutions qui en avaient Ă©tĂ© issues tardent Ă  ĂȘtre mises en application. Notamment le statut spĂ©cial pour les rĂ©gions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest[27].

Le 20 août 2020, Le procÚs en appel du leader séparatiste anglophone Sisiku Ayuk Tabe et de ses neuf co-accusés a été une nouvelle fois reporté. Une partie des magistrats affectés à ce dossier ayant été récemment mutés, la cause a été renvoyée au 17 septembre 2020[28].

Le 17 septembre 2020, Une Cour d’appel camerounaise a confirmĂ©, la condamnation Ă  la prison Ă  vie prononcĂ©e en 2018 contre Sisiku Ayuk Tabe. Sisiku Ayuk Tabe avait Ă©tĂ© jugĂ© coupable « sĂ©cession » et « terrorisme », en lien avec le conflit dans les rĂ©gions anglophones du Cameroun. Il s’était autoproclamĂ© prĂ©sident de l’Ambazonie, nom donnĂ© par les indĂ©pendantistes anglophones Ă  l’ancien Cameroun du Sud britannique, non reconnu internationalement. Lors de l’audience la Cour d’appel a estimĂ© que le tribunal militaire qui avait condamnĂ© Sisiku Ayuk Tabe et ses coaccusĂ©s le 20 aoĂ»t 2019 a bien dit le droit. Elle a donc confirmĂ© la prison Ă  vie pour les accusĂ©s, assortie d’une amende de 250 milliards de francs CFA[29].

Dans les deux rĂ©gions Ă  majoritĂ© anglophones du Cameroun, le Sud-Ouest et le Nord-Ouest, des indĂ©pendantistes s’opposent violemment Ă  l’armĂ©e depuis 2017 et les deux camps sont rĂ©guliĂšrement accusĂ©s d’exactions contre des civils par des ONG. Au moins 3 000 personnes ont perdu la vie et plus de 700 000 autres ont dĂ» fuir leur domicile, selon les Nations unies[24].

Références

  1. (en) Ann Gibbons, DNA from child burials reveals ‘profoundly different’ human landscape in ancient Africa, sciencemag.org, 22 janvier 2020
  2. Thomas Deltombe, Manuel Domergue, Jacob Tatsita, Kamerun !, La DĂ©couverte,
  3. Saïd Bouamama, Figures de la révolution africaine, La Découverte, , p. 98-116
  4. I.C.B Dear, ed, The Oxford Companion to World War II (1995) p 163
  5. (en) Dag Hammarskjöld Library, « Research Guides: UN Trusteeship Council Documentation: Cameroons under British administration », sur research.un.org (consulté le )
  6. Thomas Deltombe, Manuel Domergue, Jacob Tatsita, Kamerun !, La DĂ©couverte,
  7. https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2017-4-page-229.htm#
  8. https://www.cairn.info/revue-annales-2010-1-page-121.htm
  9. https://classe-internationale.com/2018/02/08/les-ambitions-dun-medecin-colonial-en-afrique-lhistoire-du-docteur-jean-joseph-david-1939-1944/
  10. https://www.persee.fr/doc/caoum_0373-5834_1970_num_23_89_4428_t1_0107_0000_2
  11. « République fédérale du Cameroun, Constitution de 1961, DigithÚque MJP », sur mjp.univ-perp.fr (consulté le )
  12. « République fédérale du Cameroun, Constitution de 1961, DigithÚque MJP », sur mjp.univ-perp.fr (consulté le ).
  13. Pierre Kamé 2018, p. 56
  14. Article premier de ces accords de défense - cité par Dieudonné Oyono dans Avec ou sans la France ? La politique africaine du Cameroun depuis 1960, L'Hamattan, 1990
  15. Mongo Beti, son dernier texte prononcé avant sa mort à l'occasion d'un colloque d'Aircrige
  16. Marc Michel, La guerre oubliée du Cameroun, in L'Histoire, no 318, mars 2007, p. 53
  17. Histoire de la décolonisation au XXe siÚcle, Points histoire, 2009, (ISBN 2757812173)
  18. Thomas Deltombe, « Interminable fin de rÚgne à Yaoundé », sur Le Monde diplomatique,
  19. « Le Cameroun anglophone, en Ă©bullition, compte ses morts », Le Monde,‎
  20. Joan Tilouine, « Patrick, Camerounais anglophone rĂ©fugiĂ© au Nigeria : “Plus que jamais, je suis ambazonien !” », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  21. « Cameroun: le dirigeant des sĂ©paratistes anglophones Julius Ayuk Tabe condamnĂ© Ă  la prison Ă  vie (avocats) », Radio France internationale,‎ (lire en ligne)
  22. « Paul Biya n’est pas le doyen des chefs d’Etat africains (mais presque) », le Monde,‎ (lire en ligne)
  23. « Au Cameroun, Paul Biya ordonne la libĂ©ration de 333 dĂ©tenus liĂ©s Ă  la crise anglophone », le Monde,‎ (lire en ligne)
  24. « Un village du Cameroun anglophone cible d'une attaque armĂ©e, 14 enfants tuĂ©s », France 24,‎ (lire en ligne)
  25. « Sisiku Ayuk Tabe, leader de l’Ambazonia emprisonnĂ© : « nous restons engagĂ©s pour l’indĂ©pendance totale ou la rĂ©sistance pour toujours » », Actu Cameroun,‎ (lire en ligne)
  26. « Le Cameroun admet l'implication de militaires dans le meurtre de 13 civils », sur france24.com, (consulté le )
  27. « Cameroun: l'Église s'active pour un dialogue entre le gouvernement et les sĂ©paratistes », sur rfi.fr, (consultĂ© le )
  28. « Cameroun: le procÚs du leader séparatiste Sisiku Ayuk Tabe encore reporté », sur rfi, (consulté le )
  29. « Cameroun : Prison Ă  vie confirmĂ©e pour le leader sĂ©paratiste de l’Ambazonie », sur Sahel Intelligence, (consultĂ© le )

Voir aussi

Bibliographie

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    • La guerre du Cameroun. L'invention de la Françafrique, avec Manuel Domergue et Jacob Tatsistsa, La DĂ©couverte, « Cahiers libres », Paris, 2016, 200 p. (ISBN 9782707193728)

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