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Grotte de Shum Laka

La grotte de Shum Laka est un grand abri sous roche situé dans le nord-ouest du Cameroun, occupé par des populations humaines durant des millénaires.

Grotte de Shum Laka
Localisation
Coordonnées
5° 51′ 31″ N, 10° 04′ 40″ E
Localisation
Caractéristiques
Patrimonialité
Monument du Cameroun (d)
Liste indicative du patrimoine mondial (d) ()
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GĂ©ographie

SituĂ© 15 km au sud-ouest de Bamenda, cet abri sous roche de 1 200 m2 est situĂ© Ă  1 600 m d’altitude dans une falaise de basalte[1], sur le flanc d'une montagne culminant Ă  1 969 m.

DĂ©couverte et exploration

La grotte de Shum Laka est une découverte archéologique majeure des années 1980-1990[2].

L'Ă©quipe de Pierre de Maret, de l'universitĂ© libre de Bruxelles, dĂ©couvre 18 fossiles humains dans la grotte au cours des annĂ©es 1990, mais c'est bien plus tard que ces chercheurs se rendent compte que la grotte, situĂ©e au frais derrière une chute d’eau et Ă  1 600 m d’altitude, pouvait avoir rendu possible, sous un climat tropical humide, la conservation d'ADN ancien. Ils invitent alors des gĂ©nĂ©ticiens de l'universitĂ© Harvard Ă  en rechercher dans les squelettes de Shum Laka[3].

Les fouilles entreprises dans cette grotte (ainsi qu'à Fiye Nkwi et dans le cratère Mbi) dans les années 1990 ont mis au jour des données s’étendant sur une période exceptionnelle.

Paléobotanique, paléontologie et archéologie

Le site, non perturbé, a livré des restes de flore et de faune, des industries lithiques et de la céramique.

Les fragments végétaux retrouvés représentent des espèces typiques de la forêt alors qu'aujourd’hui c'est un milieu de savane.

L'occupation humaine du site remonte Ă  32 000 ans. Neuf ensembles funĂ©raires ont Ă©tĂ© excavĂ©s, comportant 18 squelettes humains datĂ©s de 8 000 Ă  3 000 ans, les plus anciens ossements humains de la sous-rĂ©gion. Ces squelettes, dont certains en connexion anatomique, ont Ă©tĂ© enterrĂ©s en position fĹ“tale[2]. C’est le seul site en Afrique centrale oĂą l'on voit l’évolution de l’homme de l'âge de la pierre Ă  l'âge des mĂ©taux. On y observe des pratiques funĂ©raires, par exemple des corps enterrĂ©s dos Ă  dos et en position contractĂ©e. La prĂ©servation de tous les matĂ©riaux est assurĂ©e.

À côté des squelettes on a trouvé des ossements provenant d'une quarantaine d'espèces d'animaux. Les os d'antilopes et de buffles côtoient ceux de singes, de chimpanzés et de gorilles. On a pu ainsi déterminer le régime alimentaire et le mode de vie de ces populations qui peuplaient les Grassfields[2].

De nombreux fragments de poteries, des pierres taillées (en quartz, rhyolite, trachyte et tuf) témoignent d'une tradition allant de l'industrie microlithique à la confection d'outils macrolithiques et de pierre polie.

Génétique

Une Ă©tude gĂ©nĂ©tique publiĂ©e en 2020 a sĂ©quencĂ© le gĂ©nome de quatre individus, des enfants âgĂ©s entre 4 et 15 ans dont deux sont datĂ©s d'environ 8 000 ans et les deux autres d'environ 3 000 ans. Les deux plus anciens sont de l'haplogroupe mitochondrial L0a largement prĂ©sent en Afrique du Sud-Est aujourd'hui, les deux plus rĂ©cents sont de l'haplogroupe L1c trouvĂ© actuellement principalement dans les populations de fermiers ou de chasseurs-cueilleurs d'Afrique de l'Ouest et du centre[4].

Un des enfants, 2/SEII[4], est porteur d'un chromosome Y de l'haplogroupe A00 d'origine très ancienne et toujours prĂ©sent chez les Mbo et les Bangwa (dans le nord du Cameroun) et leurs descendants[5]. Les quatre individus — y compris les plus jeunes — prĂ©sentent un profil gĂ©nĂ©tique plus proche de celui des chasseurs-cueilleurs (des Baka ou des Aka d'Afrique centrale et mĂŞme des San d'Afrique australe[1]) que des populations bantoues actuelles. Pourtant la grotte est situĂ©e non loin du foyer originel prĂ©sumĂ© des langues bantoues, qui ont connu une forte expansion territoriale il y a environ 5 000 ans.

Le modèle phylogénétique incluant les données issues de cette grotte (et de celle de Mota en Éthiopie) suggère que la diversité génétique humaine actuelle s'est construite à partir de trois grands évènements radiatifs en Afrique :

  • le plus ancien conduit au rayonnement, il y a 250 000 Ă  200 000 ans, de quatre grandes lignĂ©es humaines que sont celles des populations de chasseurs-cueilleurs d'Afrique australe (KhoĂŻsan) et centrale (pygmĂ©es) mais aussi de deux lignĂ©es se recroisant chez les Africains de l'Ouest actuels et chez les chasseurs-cueilleurs de l'Est africain (grotte de Mota, Hadza et Sandawe) ; noter que la lignĂ©e ouest-africaine rĂ©cente garde aussi la trace d'une lignĂ©e plus archaĂŻque (haplogroupe A00) ce qui est cohĂ©rent avec la persistance dans la rĂ©gion de quelques traits archaĂŻques (anatomiques et culturels), il y a notamment 12 000 ans au Nigeria ;
  • un rayonnement, il y a 80 000 Ă  60 000 ans, entre Éthiopiens, Africains de l'Est et de l'Ouest, peu avant la divergence entre Africains de l'Est et non-Africains ; cette dernière ramification est cohĂ©rente avec la diversification de l'haplogroupe L3 de l'ADN mitochondrial, qui a probablement son origine en Afrique de l'Est il y a quelque 70 000 ans, et potentiellement avec l'origine du clade CT du chromosome Y ;
  • enfin un rayonnement plus rĂ©cent conduisant aux populations de l'Afrique de l'Ouest dont les Bantous.

Cette étude confirme en particulier que la diversité génétique humaine n'a pas suivi un modèle strictement arborescent (divergent), mais que des rebouclages entre lignées (y compris archaïques) peuvent être identifiés.

Protection

Le site est inscrit sur la liste indicative du Cameroun pour le patrimoine mondial de l'Unesco. Unique pour sa valeur archéologique, c'est par ailleurs un lieu sacré pour la population locale, ce qui en assure la protection.

Notes et références

  1. Geoffroy de Saulieu, Pascl Nlend Nlend et Richard Oslisly, « Les Bantous dans la forêt des Pygmées », Pour la science, no 545,‎ , p. 58-65 (présentation en ligne).
  2. Olivier Testa, Shum Laka, un site préhistorique majeur en Afrique centrale, futura-sciences.com, 7 avril 2011
  3. François Savatier, Des indices sur le passé des populations africaines, Pour la Science, 24 février 2020.
  4. Mark Lipson et al., Ancient West African foragers in the context of African population history, Nature, 22 janvier 2020
  5. Michael F. Hammer, Genetic evidence for archaic admixture in Africa, 2011. doi:10.1073/pnas.1109300108

Voir aussi

Liens externes

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