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Accord de Charlottetown

L'Accord de Charlottetown est un projet avorté de réforme constitutionnelle au Canada. Proposé par le gouvernement fédéral canadien et les gouvernements provinciaux en 1992, ce projet a été rejeté par une majorité de Canadiens (et de Québécois) lors du référendum du .

RĂ©fĂ©rendum sur l’accord de Charlottetown
Type d’élection RĂ©fĂ©rendum sur le renouvellement de la Constitution du Canada
RĂ©sultats cumulatifs
Carte
Oui
 
45,7 %
Non
 
54,3 %
Ces résultats incluent le référendum organisé par le Québec

Contexte

Jusqu'en 1982, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 et les amendements subséquents formaient le socle de la Constitution du Canada. Parce que l'Acte de 1867 avait été écrit par le parlement britannique, le gouvernement du Canada se trouvait dans une position atypique : bien que son indépendance fût reconnue à l'échelle internationale, le Canada devait obtenir l'approbation d'un autre gouvernement, le gouvernement britannique, pour modifier sa propre constitution. Plusieurs tentatives infructueuses avaient auparavant été faites pour rapatrier la constitution, notamment en 1971 par la Charte de Victoria.

En 1981, le premier ministre Pierre Elliott Trudeau est arrivĂ© aprĂšs des nĂ©gociations Ă  une entente qui a formĂ© la Loi de 1982 sur le Canada. MĂȘme si cette entente fut adoptĂ©e, faisant ainsi de l'Acte de l'AmĂ©rique du Nord britannique la constitution du pays, elle a Ă©tĂ© rejetĂ©e par le premier ministre du QuĂ©bec, RenĂ© LĂ©vesque, et l'AssemblĂ©e nationale du QuĂ©bec, Ă  la suite de ce qu'on a appelĂ© au QuĂ©bec la nuit des longs couteaux. MalgrĂ© tout, la Cour suprĂȘme du Canada jugea que ni le QuĂ©bec ni aucune autre province ne disposait d'un droit de veto lui permettant d'empĂȘcher le gouvernement fĂ©dĂ©ral de faire adopter l'Acte du Canada de 1982 et que la modification de la constitution s'appliquait Ă  toutes les provinces malgrĂ© leurs revendications.

Le premier ministre suivant, Brian Mulroney, Ă©tait dĂ©terminĂ© Ă  rĂ©ussir lĂ  oĂč Trudeau avait Ă©chouĂ©, en arrivant Ă  une entente qui aurait permis au QuĂ©bec de ratifier la Constitution modifiĂ©e. MenĂ©s par Mulroney, les gouvernements fĂ©dĂ©ral et provinciaux ont signĂ© l'Accord du lac Meech en 1987. MalgrĂ© tout, en 1990, lorsque la date limite de la ratification fut atteinte, deux provinces, le Manitoba et Terre-Neuve, avaient toujours refusĂ© de ratifier l'Accord, la deuxiĂšme ayant mĂȘme reniĂ© sa signature, par la volontĂ© de Clyde Wells. Cette dĂ©faite a menĂ© Ă  une hausse de l’appui au mouvement souverainiste quĂ©bĂ©cois.

Dans les deux années qui suivirent, l'avenir du Québec a dominé l'agenda national. Le gouvernement du Québec a instauré en la Commission Bélanger-Campeau pour discuter de l'avenir du Québec à l'intérieur ou à l'extérieur du Canada et le Parti libéral du Québec avec son chef à cette époque, Robert Bourassa, le comité Allaire (Jean Allaire, fondateur de l'ADQ). Le gouvernement fédéral a répliqué en instaurant le comité Beaudoin-Edwards et la commission Spicer pour trouver le moyen de résoudre les tracas du Canada anglais. L'ancien premier ministre Joe Clark fut choisi par le ministre des Affaires constitutionnelles et fut chargé de forger une nouvelle entente constitutionnelle.

Au QuĂ©bec, les conclusions de la Commission BĂ©langer-Campeau sont contraignantes voire alarmantes pour tout le Canada : si les conditions du QuĂ©bec ne sont pas respectĂ©es par le Canada, un rĂ©fĂ©rendum sur la souverainetĂ© du QuĂ©bec doit ĂȘtre organisĂ© en 1992. Cependant, l’émergence de l'Accord de Charlottetown conduisit le gouvernement du QuĂ©bec Ă  mettre sur la glace son projet de rĂ©fĂ©rendum sur la souverainetĂ©[1] - [2].

En effet, en aoĂ»t 1992, les gouvernements fĂ©dĂ©ral, provinciaux et territoriaux, ainsi que des reprĂ©sentants de l'AssemblĂ©e des PremiĂšres Nations, du Conseil amĂ©rindien du Canada, du Tapirisat Inuit du Canada et le Conseil National des MĂ©tis en sont venus Ă  une entente connue sous le nom d'Accord de Charlottetown, du nom de la ville oĂč se sont tenues les derniĂšres nĂ©gociations les 27 et 28 aoĂ»t[3].

Accord

Par l'accord de Charlottetown, les politiciens ont tentĂ© de rĂ©soudre plusieurs disputes ancestrales entourant la rĂ©partition des pouvoirs entre le gouvernement fĂ©dĂ©ral et les gouvernements provinciaux. Il accordait aux provinces une juridiction exclusive sur les forĂȘts, les mines et les autres ressources naturelles, ainsi que sur les politiques culturelles. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral aurait maintenu son contrĂŽle sur la SociĂ©tĂ© Radio-Canada et sur l'Office national du film. L'accord voulait harmoniser les politiques entre les diffĂ©rents paliers gouvernementaux Ă  propos des secteurs comme les tĂ©lĂ©communications, le travail, le dĂ©veloppement des rĂ©gions et l'immigration.

Le droit fédéral par lequel le lieutenant-gouverneur d'une province pouvait demander au gouvernement fédéral d'approuver une loi provinciale aurait été aboli et le droit de veto fédéral s'en serait trouvé largement limité.

L'autoritĂ© du fĂ©dĂ©ral aurait Ă©tĂ© sujette Ă  un contrĂŽle beaucoup plus strict. Les gouvernements provinciaux ont souvent contestĂ© certaines ententes du fĂ©dĂ©ral selon lesquelles celui-ci devait rembourser les provinces qui rejetaient certains programmes, comme ceux concernant l'assurance-maladie, les services sociaux, l'Ă©ducation post-secondaire, etc., qui auraient Ă©tĂ© sous juridiction provinciale. Ces ententes Ă©taient souvent accompagnĂ©es de conditions sur le financement. L'Accord de Charlottetown aurait empĂȘchĂ© le gouvernement fĂ©dĂ©ral d'imposer ses conditions. Mais cette limite du pouvoir fĂ©dĂ©ral de dĂ©penser n'aurait Ă©tĂ© constitutionnalisĂ©e que pour 5 ans. AprĂšs quoi, il aurait dĂ» y avoir une nouvelle nĂ©gociation entre les provinces et Ottawa.

L'accord a aussi proposé une charte pour promouvoir certains objectifs tels l'assurance maladie, l'éducation, la protection de l'environnement et le commerce. Des clauses visaient à éliminer les barriÚres à la libre circulation des biens, des services, des capitaux.

L'accord contenait aussi une « clause Canada », qui codifiait les valeurs définissant la nature du caractÚre des Canadiens. Ces valeurs incluaient entre autres l'égalitarisme, la diversité et la reconnaissance du Québec en tant que société distincte. Les gouvernements amérindiens autoproclamés auraient été approuvés par principe.

Plus que tout, l'Accord proposait une sĂ©rie de changements institutionnels qui auraient radicalement changĂ© la face de la politique canadienne. Par exemple, la composition et le processus de nomination Ă  la Cour suprĂȘme du Canada auraient Ă©tĂ© Ă©tablis par la Constitution. La convention voulait que trois des neuf juges de la Cour suprĂȘme soient originaires du QuĂ©bec Ă  cause de l'application du Code civil du QuĂ©bec plutĂŽt que de la « Common law » d'inspiration britannique, ce qui n'avait jamais Ă©tĂ© constitutionnellement mandatĂ©.

Le SĂ©nat canadien aurait Ă©tĂ© rĂ©formĂ© de maniĂšre que cette rĂ©forme puisse se rĂ©sumer par l'acronyme « Triple E » (Égal, Élu et Efficace). L'accord permettait aux sĂ©nateurs d'ĂȘtre Ă©lus, soit pendant une Ă©lection gĂ©nĂ©rale, soit au cours d'une lĂ©gislature provinciale. Toutefois, les pouvoirs du SĂ©nat se seraient trouvĂ©s rĂ©duits. Les domaines culturels et linguistiques auraient requis une double majoritĂ©, soit une majoritĂ© des sĂ©nateurs et une majoritĂ© des sĂ©nateurs francophones. Mais le gouvernement fĂ©dĂ©ral aurait jugĂ© de ce qui constituait un « domaine culturel » pouvant faire l'objet d'un vote au sĂ©nat. De plus, le QuĂ©bec voyait rĂ©duire le nombre de ses sĂ©nateurs Ă  environ 9 % et recevait en compensation 25 siĂšges supplĂ©mentaire au parlement fĂ©dĂ©ral.

L'assurance chÎmage devenait aussi un secteur de compétence exclusivement fédéral.

Des changements ont été proposés par la chambre des communes. AprÚs une redistribution, le nombre des siÚges aurait toujours été revu à la hausse et une province n'aurait jamais pu avoir moins de siÚges qu'une autre province de population moindre. Toutefois, le Québec n'aurait jamais pu avoir moins d'un quart des siÚges de la Chambre.

L'accord aurait formellement institutionnalisé les processus de consultation fédéraux/provinciaux/territoire et aurait permis une inclusion des Amérindiens dans certaines circonstances. Il augmentait aussi le nombre de sujets constitutionnels pour lesquels une proposition de changement aurait nécessité une adoption à l'unanimité.

Référendum

Contrairement Ă  l'Accord du lac Meech, le processus de l'Accord de Charlottetown Ă©tait un rĂ©fĂ©rendum national. Trois provinces, la Colombie-Britannique, l'Alberta et le QuĂ©bec avaient rĂ©cemment adoptĂ© des lois obligeant tous les amendements constitutionnels Ă  ĂȘtre soumis par rĂ©fĂ©rendum. De plus, Ă  la suite des nĂ©gociations de Charlottetown, le premier ministre du QuĂ©bec d'alors, Robert Bourassa, a affirmĂ© qu'il tiendrait un rĂ©fĂ©rendum soit sur un nouvel accord constitutionnel ou soit sur un QuĂ©bec indĂ©pendant. La Colombie-Britannique et l'Alberta ont acceptĂ© de participer au rĂ©fĂ©rendum fĂ©dĂ©ral, mais le QuĂ©bec a choisi de faire son propre vote sĂ©parĂ©. (Pour cette raison, les QuĂ©bĂ©cois vivant temporairement Ă  l'extĂ©rieur du QuĂ©bec avaient la possibilitĂ© de voter deux fois, et ce, lĂ©galement.)

L'accord ne devait pas seulement ĂȘtre approuvĂ© par une majoritĂ© de citoyens, mais aussi par la majoritĂ© des Ă©lecteurs de chaque province. Si une seule province n'obtenait pas une majoritĂ© de « 50 % + 1 vote », l'accord ne serait pas adoptĂ©.

Campagne

La campagne a obtenu l'appui de plusieurs groupes pour la nouvelle Constitution. Les progressistes-conservateurs, les libéraux et le Nouveau Parti démocratique ont appuyé l'accord, contrairement au Parti réformiste du Canada et le Bloc québécois. Les premiÚres nations ont endossé l'accord comme l'ont fait les groupes de défense pour les femmes et les gens d'affaires. Les dix premiers ministres provinciaux l'ont appuyé. Dans les médias anglophones, presque tous les éditorialistes y étaient favorables. Donc, la campagne sur l'accord a bien commencé parce qu'il était populaire d'un océan à l'autre. Les chefs des trois plus importants partis fédéraux voyageaient partout au Canada pour supporter l'accord pendant que des impressionnantes quantités d'argent furent investies sur de la publicité pro Charlottetown. Plusieurs de ses défenseurs ont admis que l'accord comportait plusieurs failles, mais que c'était aussi la seule maniÚre de maintenir le pays uni.

Les opposants à l'entente de Charlottetown venaient d'horizons trÚs différents. Au Québec, principalement concerné par cette entente à cause de l'échec de l'accord du Lac Meech en 1990, il y avait les souverainistes québécois tels Lucien Bouchard, chef du Bloc québécois, et Jacques Parizeau, chef du Parti québécois. Ils étaient farouchement opposés à cette entente, car ils croyaient que le Québec n'obtenait pas assez de pouvoirs et que le processus, au lieu de se concentrer sur le Québec afin de réparer l'affront de 1982 (rapatriement de la constitution), prenait la forme d'une liste d'épicerie pour tout un chacun. Au Canada, Preston Manning, chef du nouveau Parti réformiste, a fait campagne contre l'entente, car il s'opposait à la reconnaissance du Québec en tant que société distincte et à la réforme du Sénat qui n'avait pas été faite correctement. Un autre opposant était l'ancien premier ministre du Canada, Pierre Elliott Trudeau, celui qui avait procédé au rapatriement de la Constitution en 1982 sans l'accord du Québec. Dans une entrevue publiée à l'origine dans le magazine Maclean's, il a défendu l'opinion que l'accord allait mener à la fin du Canada et la dissolution du gouvernement fédéral.

Et alors que la campagne avançait, l'Accord devenait continuellement de moins en moins populaire. Trop souvent, l'Ă©lectorat trouvait une partie de l'accord avec lequel il tombait en dĂ©saccord. Et cela, sans compter l'extrĂȘme impopularitĂ© de Brian Mulroney en 1992 et l'antipathie gĂ©nĂ©rale de la population envers les dĂ©bats constitutionnels. Plusieurs critiques, particuliĂšrement ceux de l'ouest, ont affirmĂ© que l'Accord Ă©tait essentiellement crĂ©Ă© par les Ă©lites politiques pour codifier ce que le Canada « devrait » ĂȘtre. Le diffuseur Rafe Mair a gagnĂ© une reconnaissance et notoriĂ©tĂ© nationales en dĂ©clarant que l'Accord reprĂ©sentait une tentative d'emprisonner le pouvoir du Canada au QuĂ©bec et en Ontario aux dĂ©pens des autres provinces comme l'Alberta et la Colombie-Britannique qui dĂ©fiaient dĂ©jĂ  son autoritĂ©. Les dĂ©fenseurs de cette opinion ont fait campagne en utilisant l'antipathie du peuple envers les intĂ©rĂȘts des Ă©lites du Canada.

L'Accord de Charlottetown vu par les médias à l'extérieur du Québec

Le traitement médiatique de l'Accord de Charlottetown avant le 1er octobre

Au mois de septembre 1992, Pierre Elliott Trudeau se positionne pour la premiĂšre fois contre l’Accord de Charlottetown dans un texte paru dans le magazine anglophobe Maclean’s. Rapidement, son opinion est reprise et commentĂ©e dans plusieurs journaux, notamment le Calgary Herald, dans lequel l’homme politique canadien Preston Manning soutien publiquement l’ex Premier ministre. Le support mĂ©diatique de Manning envers Trudeau a alors pour effet de lĂ©gitimer le camp du Non. Le camp du Oui Ă©tant soutenu par les principaux partis politiques et la majoritĂ© de la population, le camp du Non n’avait pas une vraie figure de proue avant l’arrivĂ©e de Trudeau comme grand dĂ©fenseur[4].

Le traitement médiatique de l'Accord de Charlottetown aprÚs le 1er octobre


C’est aprĂšs le discours de Pierre Elliott Trudeau, le 1er octobre au restaurant Egg Roll, qu’un rĂ©el vent de changement s’installe dans les intentions de vote de l’Accord de Charlottetown. Alors que les intentions de vote positif s’élevaient Ă  60 % en date du 1er octobre 1992, ils n’étaient plus que de 40 % le 6 octobre 1992[5]. Lors du fameux discours prononcĂ© par l’ex Premier ministre, celui-ci souligne les problĂšmes qu’engendraient la clause de reconnaissance du QuĂ©bec comme une sociĂ©tĂ© distincte si l’Accord de Charlottetown devait ĂȘtre acceptĂ©e. Cette clause placerait les francophones du QuĂ©bec en position de supĂ©rioritĂ© par rapport au reste des Canadiennes et Canadiens, et viendrait nuire Ă  leurs droits individuels, particuliĂšrement pour les femmes et les communautĂ©s autochtones. Cette thĂ©orie est celle prĂ©sentĂ©e par Pierre Elliott Trudeau lors de son discours au restaurant Egg Roll, ainsi que celle soutenue par la majoritĂ© des mĂ©dias Ă©crits anglophones au lendemain de l’allocution. La journaliste canadienne Michele Landsberg Ă©crit dans le Toronto Star en octobre 1992 que l’Accord de Charlottetown reprĂ©sentait la plus grande crise contre les libertĂ©s civiles au Canada depuis l’internement des personnes canadiennes d’origine japonaise pendant la DeuxiĂšme Guerre mondiale[6]. Le camp du Non bĂ©nĂ©ficie dorĂ©navant d’arguments partagĂ©s par les mĂ©dias, et plusieurs personnes canadiennes hors QuĂ©bec rejoignent ses rangs.

L'Accord de Charlottetown vu par les médias au Québec

Au QuĂ©bec, la grande majoritĂ© des textes Ă©crits dans les mĂ©dias imprimĂ©s concernait les Ă©vĂ©nements et les acteurs de l’Accord de Charlottetown, contre un faible pourcentage qui s’intĂ©ressait Ă  l’explication du rĂ©fĂ©rendum, son fonctionnement et ses consĂ©quences possibles. Les sondages aussi mĂ©ritaient une place de choix dans les mĂ©dias imprimĂ©s, et Ă©taient rĂ©guliĂšrement commentĂ©s et analysĂ©s. Les textes journalistiques se concentraient pour la grande majoritĂ© sur le camp du Oui, sans toutefois le prĂ©senter sous un angle positif. En effet, malgrĂ© un traitement mĂ©diatique quatre fois plus important que le camp du Non, le camp du Oui Ă©tait principalement victime de critique de la part des mĂ©dias. Le camp du Oui Ă©tait reprĂ©sentĂ© dans les mĂ©dias par le Premier ministre sortant en 1992, Robert Bourassa, alors que le chef du parti d’opposition, Jacques Parizeau, portait le flambeau pour le camp du Non[7].

Une diffĂ©rence majeure entre le traitement mĂ©diatique de l’Accord de Charlottetown au QuĂ©bec et le reste du Canada est la langue utilisĂ©e pour transmettre l’information Ă  la population. Alors qu’au QuĂ©bec, les acteurs politiques comme Robert Bourassa et Jacques Parizeau savaient s’exprimer en français et en anglais, ce n’était pas le cas pour la majoritĂ© des acteurs politiques du reste du Canada. Cette rĂ©alitĂ© a donc forcĂ© Radio-Canada Ă  traduire rĂ©guliĂšrement l’information anglophone pour les auditeurs lors des heures de grandes Ă©coutes. Parmi les 216 histoires concernant l’Accord de Charlottetown qui furent transmises Ă  la tĂ©lĂ©vision pendant la pĂ©riode de campagne, 143 d’entre elles Ă©taient traduites d’une maniĂšre ou d’une autre. Selon Kyle Conway, cela reprĂ©sente un problĂšme pour la transmission sans embĂ»che de l’information[8].

RĂ©sultats

Le , voici la question qui fut posée aux citoyens :

« Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992 ? »

Les résultats[9] :

Résultats du référendum sur l'entente de Charlottetown
Province Oui Non Taux de participation
Alberta 39,860,272,6
Colombie-Britannique 31,768,376,7
Île-du-Prince-Édouard 73,926,170,5
Manitoba 38,461,670,6
Nouveau-Brunswick 61,838,272,2
Nouvelle-Écosse 48,851,267,8
Ontario 50,149,971,9
Québec 43,356,782,8
Saskatchewan 44,755,368,7
Terre-Neuve 63,236,853,3
Territoires du Nord-Ouest 61,338,770,4
Yukon 43,756,370,0
Total 45,754,371,8

La Société Radio-Canada a commenté les résultats en disant que « L'Accord de Charlottetown est mort-né ».

Les rĂ©sultats furent surprenants Ă  maints Ă©gards. Les provinces ayant votĂ© pour le parti conservateur en majoritĂ© simple ou absolue lors de l'Ă©lection de 1988 (QuĂ©bec, Alberta et Manitoba), votĂšrent pour le Non. Les provinces (ou territoires) ayant votĂ© pour le parti libĂ©ral en majoritĂ© simple ou absolue en 1988 (Ontario, Terre-Neuve, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Île-du-Prince-Édouard et Territoires du Nord-Ouest), votĂšrent Oui (Ă  l'exception de la Nouvelle-Écosse qui vota Non avec une faible marge). Finalement, les provinces (territoires) ayant votĂ© pour le parti nĂ©o-dĂ©mocrate en majoritĂ© simple ou absolue en 1988 (Yukon, Colombie-Britannique et Saskatchewan), votĂšrent Non. Les principaux partis Ă©taient donc contredits par les Ă©lecteurs formant leur propre base Ă©lectorale : les Conservateurs appuyant le Oui, mais Ă©tant dĂ©savouĂ©s dans les provinces ayant votĂ© pour eux 4 ans auparavant, les libĂ©raux (dont Pierre Elliot Trudeau) appuyant le Non, mais Ă©tant dĂ©savouĂ©s par les provinces ayant votĂ© libĂ©ral en 1988, incluant les circonscriptions anglophones de l'ouest de l'Ăźle de MontrĂ©al, dont l'ancienne circonscription de P.E. Trudeau : Mont-Royal avec plus de 82 % pour le Oui. L'influence de ce dernier sur les Ă©lecteurs formant la base traditionnelle des libĂ©raux a donc Ă©tĂ© largement surestimĂ©e.

Conséquences

En raison de l'abandon de l'Accord de Charlottetown, la Loi de 1982 sur le Canada demeure non ratifiée par l'Assemblée nationale du Québec. Il n'y eut aucune tentative postérieure de négocier une entente.

Brian Mulroney, déjà profondément impopulaire chez les électeurs canadiens qui le percevaient comme arrogant et détaché de la réalité, a fait plusieurs erreurs durant la campagne référendaire. L'image qu'il dégageait aurait été perçue chez les électeurs comme de la belligérance, de l'intimidation et de la politique à l'américaine. Le , seulement un an moins un jour aprÚs le référendum de Charlottetown, le Parti progressiste-conservateur (passé depuis peu sous la direction de Kim Campbell) était balayé lors des élections fédérales.

Les partis souverainistes du Québec renforcÚrent leurs appuis, le Bloc québécois récoltant 54 siÚges sur 75 lors des élections fédérales de 1993 et le Parti québécois prenant le pouvoir lors des élections québécoises de 1994. En 1993, le président des jeunes libéraux du Québec, Mario Dumont, qui avait fait campagne contre Charlottetown, quitta les libéraux et fonda l'Action démocratique du Québec en 1994.

Références

  1. « - La Presse+ », sur La Presse+, (consulté le ).
  2. https://ici.radio-canada.ca/nouvelles/dossiers/PointDeRupture/1990.shtml.
  3. « Accord de Charlottetown : document », sur L'Encyclopédie canadienne, (consulté le ).
  4. David Chandonnet, « Pierre Elliott Trudeau et le rĂ©fĂ©rendum sur l’Entente de Charlottetown de 1992: une Ă©tude comparative de la presse quĂ©bĂ©coise et canadienne. », MĂ©moire de maĂźtrise, University of Alberta,‎ (DOI https://doi.org/10.7939/r3-zzs7-gp86, lire en ligne AccĂšs limitĂ© [PDF])
  5. AndrĂ© Blais, Richard Johnston, Elisabeth Gidengil et Neil Nevitte, « La dynamique rĂ©fĂ©rendaire : Pourquoi les Canadiens ont-ils rejetĂ© l’Accord de Charlottetown? », Revue Française de Science Politique, vol. 46, no 5,‎ , p. 817-830 (lire en ligne AccĂšs payant)
  6. Joel Bakan, Just Words: Constitutional Rights and Social Wrongs, Toronto, University of Toronto Press, , 230 p. (lire en ligne)
  7. Robert Dion, « Media Coverage of the 1992 Referendum in QuĂ©bec », Quebec Studies, vol. 18, no 1,‎ , p. 17-28 (DOI https://doi.org/10.3828/qs.18.1.17)
  8. Kyle Conway, « Paradoxes of translation in television news », MĂ©moire de maĂźtrise, University of North Dakota,‎ (lire en ligne AccĂšs libre)
  9. Les résultats du Québec furent comptabilisés par le Directeur général des élections du Québec et non par son homologue fédéral comme c'était le cas dans les autres provinces.

Liens externes

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