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Plébiscite canadien de 1942

Le plébiscite canadien sur la conscription de 1942 fut un référendum mené par le gouvernement canadien le . La population se montra en faveur en votant à 66% pour la conscription, à l'exception de la province du Québec qui vota massivement contre à 72%. En raison de ce déséquilibre, le premier ministre Mackenzie King décida de ne pas faire immédiatement entrer en vigueur les mesures.

Plébiscite canadien de 1942
Type d’élection RĂ©fĂ©rendum permettant la conscription
Corps électoral et résultats
Inscrits 6 502 234
Votants 4 638 847
 
71,34 %
Votes exprimĂ©s 4 488 520
Votes nuls 50 327
RĂ©sultats par province et territoire
Carte
RĂ©sultats
Oui
 
65,63 %
Non
 
34,37 %

Finalement adoptée, la Loi sur la mobilisation des ressources nationales génÚrera un vaste mouvement de contestation qui prendra le nom de Crise de la conscription.

RĂ©sultats

La question référendaire était la suivante :

« Consentez-vous à libérer le gouvernement de toute obligation résultant d'engagements antérieurs restreignant les méthodes de mobilisation pour le service militaire? »

Total des votes % des votes
Bulletins valides 4 488 520- %
Bulletins rejetĂ©s 50 327- %
Taux de participation 4 638 84771,34 %
Électeurs Ă©ligibles 6 502 234

Par province

RĂ©sultats
Juridiction Oui Non
Voix %Voix %
Alberta186 62471,175 88028,9
Colombie-Britannique253 84480,462 03319,6
Manitoba218 09380,353 65119,7
Nouveau-Brunswick105 62969,845 74330,2
Nouvelle-Écosse120 76377,135 84022,1
Ontario1 202 95384,0229 84716,0
Île-du-Prince-Édouard23 56882,94 86917,1
QuĂ©bec375 65027,9971 92572,1
Saskatchewan183 61773,167 65426,9
Yukon84774,429125 6
Total du vote civil2 670 08863,31 547 72436,7
Vote militaire251 11880,560 88519,5
Total2 921 20664,51 608 60935,5

Le référendum s'est tenu dans 245 districts électoraux, couvrant les neuf provinces de l'époque et un seul des deux territoires. Les résidents des Territoires du Nord-Ouest ne purent voter en raison de l'absence de district électoral.

Propagande et information par le gouvernement

Le gouvernement libĂ©ral de William Lyon Mackenzie King s’intĂ©resse grandement Ă  l’opinion publique et aux discours tenus dans la presse canadienne française[1]. Comme un sondage menĂ© par Gallup constate une envie restreinte des Canadiens français de s’impliquer dans la Seconde guerre, King institue le Bureau de l’information publique (BIP), mandatĂ© Ă  rendre l’opinion publique quĂ©bĂ©coise plus favorable Ă  la guerre[1]. Les discours prononcĂ©s par Mackenzie King et son bras droit quĂ©bĂ©cois Ernest Lapointe s’avĂ©rant inefficaces, le BIP procĂšde Ă  une campagne de propagande (envoi de brochures, affiches, etc.) basĂ©e sur des slogans en français et des messages clairs et faisant recours aux Ă©motions[1].

Sachant que les Canadiens français Ă©taient Ă  l’époque Ă©troitement rattachĂ©s aux valeurs clĂ©ricales, le gouvernement fĂ©dĂ©ral demande au cardinal Villeneuve de publier une lettre Ă©piscopale appelant les QuĂ©bĂ©cois Ă  rehausser l’appui quant Ă  l’augmentation des effectifs militaires[2].

Groupes de pression

Le gouvernement n’alloue de l’argent que dans le but d’informer la population de la tenue d’un plĂ©biscite et s’abstient de soutenir la promotion des points de vue dans la mesure oĂč une somme Ă©gale devrait ĂȘtre versĂ©e aux tenants du OUI et aux tenants du NON, et ce dernier point allant Ă  l’encontre des intĂ©rĂȘts de l’État[3]. Ce sont plutĂŽt divers groupes d’intĂ©rĂȘt et acteurs politiques qui militent en faveur ou en dĂ©faveur de l’autorisation au gouvernement d’établir la conscription.

Appui Ă  la conscription

Dans l’arĂšne politique, Arthur Meighen, chef du parti conservateur, empresse les libĂ©raux de Mackenzie King Ă  augmenter les efforts militaires via l’instauration de la conscription. PrĂ©curseur du mouvement d’opinion favorisant un « Total War Effort »[3], celui Ă  l’origine de la crise de la conscription de 1917 est appuyĂ© par la presse conservatrice, notamment le Toronto Daily Star, qui transmettait les mauvaises nouvelles du front Ă  un Canada anglais inquiet[3].

À Toronto, le « Committee for total war now », regroupant les deux-cents personnalitĂ©s les plus riches, Ă©merge en soutien aux conservateurs et dispose d’un capital lui permettant de publier massivement dans les journaux anglophones les plus influents[2].

Opposition Ă  la conscription

« NĂ©e du divorce entre l’opinion officielle et la rĂ©action populaire au Canada français »[4] selon l’un de ses fondateurs AndrĂ© Laurendeau, la Ligue pour la dĂ©fense du Canada est fondĂ©e par des personnalitĂ©s influentes du QuĂ©bec (Henri Bourassa, Jean Drapeau et autres) avec l’objectif de mobiliser l’ensemble des opinions anti-conscriptionnistes[3]. Son manifeste tout d’abord publiĂ© dans l’Action nationale, des tracts imprimĂ©s dans les deux langues officielles sont ensuite massivement diffusĂ©s Ă  travers la province[3]. Le groupe de pression use de la radio, de la presse Ă©crite et d’assemblĂ©es publiques pour faire part de ses discours et pour faire valoir ses arguments[2]. Affirmant reprĂ©senter l’ensemble des opinions dĂ©favorables Ă  la conscription, la Ligue a toutefois peu d’écho Ă  l’extĂ©rieur du Canada français.

Les politiciens anti-conscriptionnistes subissent des pressions quant Ă  l’expression de leurs opinions[5]. Par exemple, AdĂ©lard Godbout, alors premier ministre du QuĂ©bec et chef du Parti libĂ©ral du QuĂ©bec, est rappelĂ© Ă  l’ordre par ses homonymes fĂ©dĂ©raux aprĂšs s’ĂȘtre exprimĂ© publiquement en faveur du NON lors d’un discours Ă  MontrĂ©al[5]. À Ottawa, la plupart des ministres fĂ©dĂ©raux francophones dĂ©fendent, sans toutefois militer pour, le non[2].

RÎle des médias et censure

Par le dĂ©cret de la Loi sur les mesures de guerre Ă©tablissant la censure, le gouvernement fĂ©dĂ©ral appelle Ă  la coopĂ©ration de la presse avec les efforts de guerre, qui se traduit notamment par une censure du contenu politiquement critique[5]. Le gouvernement de King transmet un « MĂ©moire concernant les dangers rĂ©sultants de la publication de certaines nouvelles dans la presse canadienne »[5] aux divers journaux afin de les inviter Ă  s’ajuster aux rĂšgles de censure mises en place.

La presse

À la veille du plĂ©biscite, plusieurs journaux et diffuseurs privĂ©s prĂ©sentent tout de mĂȘme des discours critiques Ă  l’endroit de la conscription. AnimĂ©e par des investissements privĂ©s, cette presse partisane transmet les idĂ©ologies et les discours des groupes qui la financent.

Au QuĂ©bec, la Ligue affiche ses idĂ©es dans Le Devoir, dont le directeur Georges Pelletier est un adhĂ©rent[3], ainsi que dans l’Action nationale. La presse anglophone (la Montreal Gazette, le Montreal Star et le Quebec Chronicle Telegraph) est rĂ©ticente Ă  publier des discours allant Ă  l’encontre des idĂ©es conscriptionnistes partagĂ©es par la majoritĂ© des Canadiens anglais[3]. Les organes libĂ©raux, Le Canada, Le Matin de MontrĂ©al et La Tribune de Sherbrooke, appuient ouvertement le OUI[2]. Certains quotidiens quĂ©bĂ©cois, tels que La Presse ou L’action catholique, ne dĂ©montrent pas l’appui qu’attendait Mackenzie King de leur part, comme les opinions conscriptionnistes des propriĂ©taires divergeaient de celles des journalistes et du lectorat[2].

Ailleurs au Canada, la presse anglophone presse le gouvernement King d'accentuer les mesures de guerre et de cesser d’«imposer Ă  la majoritĂ© canadienne la volontĂ© de la minorité»[6].

La radio

Le rĂŽle de la SociĂ©tĂ© Radio-Canada, tout premier diffuseur public et dont le mandat implique une neutralitĂ© politique et l’absence d’affiliation partisane[7], est remis en doute lorsque la Ligue, n’étant pas un parti politique officiel mais pourtant la seule entitĂ© exprimant des opinions anti-conscriptionnistes, est exclue de la campagne informative menĂ©e par Radio-Canada[5]. La Ligue accuse dĂšs lors la sociĂ©tĂ© d'État d’ĂȘtre un organe gouvernemental d’oppression et de propagande[5].

La radio privĂ©e est trĂšs sollicitĂ©e par les divers groupes de pression. Ne pouvant diffuser sur les ondes publiques gratuitement, la Ligue pour la dĂ©fense du Canada sollicite des fonds de ses adhĂ©rents afin de louer du temps d’antenne Ă  des postes privĂ©s[3] tels que CKAC ou CHRC[8].

L'opinion publique aprÚs le plébiscite

Les rĂ©sultats du plĂ©biscite marquent les diffĂ©rences dans l’opinion publique entre les Canadiens français (ayant votĂ© Ă  72,9% contre la libĂ©ration du gouvernement de sa promesse de ne pas imposer la conscription) et les Canadiens anglais (ayant votĂ© Ă  64,2% en faveur)[2].

Craintif, Mackenzie King affirme « conscription if necessary, but not necessarily conscription», c’est-Ă -dire que le gouvernement insiste tout de mĂȘme auprĂšs des Canadiens français pour lĂ©gitimer tout accroissement des efforts de guerre, tout en promettant aux Canadiens anglais d’agir si besoin est.

Pour amĂ©liorer la perception qu’on les QuĂ©bĂ©cois de la guerre, des films de propagande sont commandĂ©s Ă  l’Office National du Film par le gouvernement. Par exemple, « QuĂ©bec, tremplin stratĂ©gique » met l'accent sur la nĂ©cessitĂ© de dĂ©ployer un maximum d’efforts pour combattre la menace nazie[9].

Notes et références

  1. William R. Young, « Le Canada français et l'information publique pendant la seconde guerre mondiale », Bulletin d'histoire politique, vol. 3, nos 3-4,‎
  2. François Charbonneau, « La crise de la conscription pendant la Seconde Guerre mondiale et l’identitĂ© canadienne-française » (MĂ©moire de M.A., UniversitĂ© d’Ottawa, 2000), http://www.collectionscanada.gc.ca/obj/s4/f2/dsk2/ftp01/MQ57096.pdf
  3. Jack L. Granatstein, « Le QuĂ©bec et le plĂ©biscite de 1942 sur la conscription », Revue d'histoire de l'AmĂ©rique française, vol. 27, no 1,‎ (DOI https://doi.org/10.7202/303231ar)
  4. AndrĂ© Laurendeau, La crise de la conscription, MontrĂ©al, Les Éditions du jour, , p. 81
  5. Alain Canuel, « La censure en temps de guerre: Radio-Canada et le plĂ©biscite de 1942 », Revue d'histoire de l'AmĂ©rique français, vol. 52, no 2,‎
  6. François Charbonneau, « La crise de la conscription pendant la Seconde Guerre mondiale et l’identitĂ© canadienne-française » (MĂ©moire de M.A., UniversitĂ© d’Ottawa, 2000), p. 72-73. http://www.collectionscanada.gc.ca/obj/s4/f2/dsk2/ftp01/MQ57096.pdf
  7. Alain Canuel, « Augustin Frigon et la Radio Nationale du Canada », Scientia Canadensis, vol. 19,‎ (DOI http://doi.org/10.7202/8000393ar)
  8. Paul-AndrĂ© Comeau, « Le QuĂ©bec et le plĂ©biscite de 1942 sur la conscription », Cap-aux-Diamants, vol. 29,‎ (lire en ligne)
  9. Marc St-Pierre, « Une menace nazie a-t-elle déjà plané sur le Québec? »,

Source

Liens externes

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