Pollution des sols
La notion de pollution des sols désigne toutes les formes de pollution touchant n'importe quel type de sol, notamment agricole, forestier et urbain.
La distribution horizontale et verticale des polluants (mĂ©taux et mĂ©talloĂŻdes notamment) nâest pas stable : elle varie dans l'espace et le temps selon les conditions de sol et de tempĂ©rature, et selon le type et la forme chimique du polluant, et selon le degrĂ© de bioturbation du sol[1]. De mĂȘme un sol polluĂ© devient Ă son tour une source possible de diffusion (directe ou indirecte) de polluants dans l'environnement, via l'eau, les envols de poussiĂšres, Ă©manations gazeuses ou via une reconcentration et transfert de polluants par des organismes vivants (bactĂ©ries[2], champignons, plantes, vers de terre, etc. Ă leur tour mangĂ©s par d'autres espĂšces).
Ă titre d'exemple, au dĂ©but des annĂ©es 2000, l'Europe comptabilisait environ 342 000 sites contaminĂ©s et plus de 2,5 millions de sites potentiellement contaminĂ©s[3], et la France comptait environ 230 000 sites polluĂ©s ou potentiellement polluĂ©s par l'industrie ou des services dans le pays[4], dont prĂšs de 4 000 faisant lâobjet de mesures de surveillance, de diagnostic ou de rĂ©habilitation[4]. Il faudrait y ajouter les anciennes dĂ©charges municipales (au moins une pour chacune des 36 000 communes), les pollutions d'origine militaire, agricole, cynĂ©gĂ©tique, etc.
Aux Ătats-Unis, un fond spĂ©cial dit Superfund, avec contribution des pollueurs, est consacrĂ© au traitement des cas les plus graves, sous l'autoritĂ© directe de l'Ătat fĂ©dĂ©ral.
ĂlĂ©ments de dĂ©finition
Un sol est dit pollué quand il contient un ou plusieurs polluants ou contaminants susceptibles de causer des altérations biologiques, physiques et chimiques[5] - [6] - [7].
Le polluant se définit comme un altéragÚne biologique, physique ou chimique, qui au-delà d'un certain seuil, et parfois dans certaines conditions développe des impacts négatifs sur tout ou partie d'un écosystÚme ou de l'environnement en général[8].
Autrement dit, la pollution des sols est comprise comme altération du biotope constitué par l'humus (ou tous autres types de sols) par l'introduction de substances toxiques, éventuellement radioactives ou d'organismes pathogÚnes entraßnant une perturbation plus ou moins importante de l'écosystÚme[9].
Selon le polluant et le contexte, ses impacts seront[9] :
- directs ou indirects ;
- locaux et stabilisés ou étendus et mobiles (mobilité dépendant souvent de paramÚtres liés à l'eau, aux envols de poussiÚre et au pH du sol ou du substrat polluant ou de phénomÚnes de bioturbation) ;
- immédiats ou différés ;
- de surface, profond ou de « subsurface » (avec dans chaque cas des impacts écotoxicologiques différents).
Degré de gravité
Le degré de gravité est relatif :
- à la nature du polluant ou perturbateur pour une ou plusieurs espÚces, mutagÚne, cancérigÚne, reprotoxique, plus ou moins dégradable ou non-dégradable) ;
- à sa capacité éventuelle à changer ou perturber le fonctionnement d'un écosystÚme ou de la biosphÚre ;
- à la nature du sol (par exemple un sol faillé, fracturé, drainant ou acide accélÚrera la diffusion de métaux, alors qu'un sol homogÚne, argileux ou basique la freinera) et à sa position biogéographique et à son usage (cultivé, brouté, jardiné, etc.), ainsi qu'à la surface et profondeur touchées ;
- à des problÚmes émergents posés avec l'introduction de plus en plus fréquente de propagules d'espÚces invasives ou de pathogÚnes lors de transports de sols.
Mesures et accessibilité des données
Des mesures qualitatives et quantitatives sont faites, autrefois en laboratoire et parfois maintenant in situ grĂące Ă des matĂ©riels portables (spectromĂ©trie de fluorescence X, sondes d'analyseurs automatiques (pour l'eau) et peut ĂȘtre bientĂŽt spectroscopie sur plasma induit par laser pour l'eau, l'air et les sols). On commence aussi Ă pouvoir mesurer, Ă coĂ»ts raisonnables, la diversitĂ© des gĂšnes de micro-organisme du sol, sans s'intĂ©resser aux espĂšces (souvent encore inconnues ou trĂšs mal connues).
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec la prise de conscience de la pollution croissante de l'environnement, divers systÚmes de surveillance (« monitoring ») de la qualité des sols ont été mis en place pour des sols agricoles, urbains et naturels. Leur objectif est d'aide et de conseil, parfois d'action réparatrice et de gestion des pollutions (séquelles miniÚres et industrielles, séquelles de guerre, séquelles agricoles, etc.), intégrant aussi la présence d'organismes pathogÚnes ou nuisibles dans le sol.
Depuis les années 1990, en Europe notamment avec les travaux des Pays-Bas (projet de suivi fin d'environ 70 % de la superficie de sols des Pays-Bas) et dans le cadre de la prépation d'une directive Sol, des tentatives de caractérisation écologique du sol sont également en cours pour améliorer la durabilité et soutenabilité des écosystÚmes et services écosystémiques essentiels rendus par les sols[11].
Une difficultĂ© est l'interaction complexe des systĂšmes de sol avec l'Ă©conomie, l'agroĂ©conomie en particulier, et la sociĂ©tĂ©[11]. Les modĂšles distinguent gĂ©nĂ©ralement quatre types de capitaux : le capital naturel, humain, social et de production. Les caractĂ©ristiques biologiques les plus suivies sont la biomasse microbienne, la diversitĂ© des nĂ©matodes et des vers de terre[12] (ainsi, mais moindrement qu'en champignons[13] qui jouent un rĂŽle majeur dans le cas des forĂȘts notamment).
Dans une approche bioindicatrice, la naturalité, diversité et l'abondance des organismes des couches supérieures du sol fournissent des indices pertinent de stabilité et résilience du sol en tant qu'habitat et élément majeur de l'écosystÚme, reste à les évaluer et surveiller de maniÚre pertinente, quantitative et plus qualitative, c'est un des domaines encore peu développé de la recherche agronomique[11].
Une approche fréquente, « utilitaire », en urbanisme notamment, est d'analyser la qualité et pollution des sols pour en dériver un « aptitude à l'emploi », mais avec encore des lacunes dans les connaissances et un « goulot d'étranglement majeur » qui est la collecte et l'accÚs aux données de monitoring et surveillance[11].
Cartographie et registres des pollutions
La cartographie utilise les outils devenus classiques des SIG, mais aussi parfois des moyens plus expérimentaux, dont :
Suisse : NABO[14] qui vise Ă Ă©tudier le lien entre la variabilitĂ© spatiale du fonctionnement des sols et celle des Ă©missions de gaz Ă effet de serre (protoxyde dâazote en particulier). On trouve aussi en Suisse des cadastres des pollutions se mettant peu Ă peu en place aux Ă©chelles communales Ă mondiales pour certains polluants, concernant les Ă©missions et/ou les pollutions de stock.
France : la base de donnĂ©es BASOL du ministĂšre de l'Ă©cologie[15], des atlas, observatoires des sols (ex. : observatoires nationaux tels que l'Observatoire de la qualitĂ© des sols[16] de l'INRA ou projets plus locaux tels que l'OSÂČ (Observatoire spatialisĂ© orlĂ©anais des sols[17]) de l'INRA en France, le NABO. Les observatoires peuvent s'appuyer sur le RĂ©seau de mesure de la qualitĂ© des sols (RMQS) (2 195 sites Ă©quipĂ©s de moyens de mesure en mĂ©tropole, Guadeloupe et Martinique. RĂ©cemment, un RMQS-BioDiv a commencĂ© (en Bretagne) Ă produire un rĂ©fĂ©rentiel de la biodiversitĂ© des sols en lien avec les caractĂ©ristiques pĂ©dologiques, d'usages et histoire du solâŠ)[18]. Le Conservatoire des Sols (basĂ© Ă l'Inra-OrlĂ©ans) a recueilli environ 25 000 Ă©chantillons (plus de 60 tonnes de terre) venant de 1 669 fosses pĂ©dologiques, plus de 100 000 Ă©chantillons Ă la tariĂšre qui ont produit[18]. Le RMQS a prĂ©vu une seconde campagne Ă partir de 2011[18] -
Depuis 2001, un groupement d'intĂ©rĂȘt scientifique Sol (« GIS Sol »[19]) associe les ministĂšres concernĂ©s, l'INRA, l'ADEME, l'IRD et l'Inventaire Forestier National (IFN), pour « constituer et de gĂ©rer un systĂšme d'information sur les sols de France, par rapport Ă leur distribution spatiale, leurs propriĂ©tĂ©s et l'Ă©volution de leurs qualitĂ©s. Ce systĂšme d'information sur les sols devra rĂ©pondre Ă Ă©chĂ©ance rĂ©aliste aux besoins rĂ©gionaux et nationaux, dans le contexte europĂ©en ». Il vise à « concevoir, orienter, coordonner, et de s'assurer que se rĂ©alisent dans les meilleures conditions, des actions d'inventaire gĂ©ographique des sols (Cf. programme Inventaire Gestion et conservation des Sols dit IGCS), de suivi opĂ©rationnel de leurs qualitĂ©s, de crĂ©ation et de gestion d'un systĂšme d'information rĂ©pondant aux demandes des pouvoirs publics et de la sociĂ©tĂ© », en lien avec le rĂ©seau du « Bureau europĂ©en des sols » basĂ© au Centre commun de recherche de la Commission europĂ©enne (Ispra, Italie) et avec l'Agence europĂ©enne de l'environnement ou le Centre europĂ©en de donnĂ©es sur les sols (ESDAC) via l'IFEN qui est dĂ©signĂ© « point focal national » de l'AEE. Une partie du territoire français est cartographiĂ©e au 1/250 000e dans les RRP (RĂ©fĂ©rentiels rĂ©gionaux pĂ©dologiques). Les bases de donnĂ©es sol servent notamment Ă prĂ©ciser les zonages de type zones humides[20], typologie des stations forestiĂšres[21], zones dĂ©favorisĂ©es simples ou d'alĂ©a Ă©rosif, sols artificialisĂ©s ou menacĂ©s (que l'Agence de l'eau peut acheter pour les protĂ©ger, depuis la loi Grenelle II) sensibilitĂ© des bassins versants aux pesticides et engrais, dossiers calamitĂ©s agricoles, trame verte et bleue, ou pour les dĂ©limitations d'AOC ou d'Indication gĂ©ographique protĂ©gĂ©e, etc.).
Des pédothÚques conservent des échantillons de référence. Et des inventaires pédogéochimiques permettent de compléter les premiÚres cartes pédopaysagÚres établies dans les années 1980 en France.
L'Europe dispose d'un registre europĂ©en des Ă©missions polluantes (Eper) couvrant cinquante polluants (eau et air uniquement), Ă©mis par les principales (grandes et moyennes) installations industrielles. Il a permis de conclure[22] mi 2007 Ă un « bilan mitigĂ© ». Si on observe une diminution de deux tiers des cinquante polluants industriels suivis, notamment azotĂ©s dans l'eau (â14,5 % dans l'eau), phosphore (â12 % dans l'eau) et dioxines et furanes (â22,5 % dans l'air) ; ces amĂ©liorations sont contrebalancĂ©es par une hausse des Ă©missions de certains polluants dont le CO2 que la commission espĂ©rait rĂ©duire grĂące Ă l'introduction du systĂšme communautaire d'Ă©change de quotas d'Ă©mission.
L'Eper sera en 2009 remplacé par un Registre européen des rejets et des transferts de polluants (PRTR européen) construit à partir des données de 2007, cette fois pour plus de 91 substances d'industries dans 65 domaines d'activité. Et les émissions diffuses du trafic autoroutier, chauffage domestique et l'agriculture» y seront ajoutées[23].
Au niveau local, des Samu de l'environnement se créent en France, dont l'objectif principal est de fournir des laboratoires mobiles capables de mesurer rapidement et sur site pollué plusieurs centaines de paramÚtres physico-chimiques et biologiques.
La loi Grenelle II[24] modifie le code de l'environnement[25] en y ajoutant 2 articles (L. 125-6 et L. 125-7)dont le premier prĂ©cise :« LâĂtat rend publiques les informations dont il dispose sur les risques de pollution des sols. Ces informations sont prises en compte dans les documents dâurbanisme lors de leur Ă©laboration et de leur rĂ©vision. »
Activités sources de pollution des sols
En termes de surface ce sont d'abord l'industrie (mĂ©tallurgique, chimique, miniĂšre notamment), l'agriculture, les sĂ©quelles de guerre, certains accidents. Mais de trĂšs nombreuses activitĂ©s humaines ont pu ĂȘtre source de sĂ©quelles environnementales sur les sols, y compris des activitĂ©s de loisirs et sportives (cf. par exemple les milliers de tonnes de plomb annuellement introduites dans les sols par la grenaille de plomb des cartouches de chasse et de ball-trap ; ou encore l'arsenic et d'autres pesticides dĂ©versĂ©s durant des dĂ©cennies sur golfs , etc.). Ainsi les terrains de golf de Floride contiennent des taux d'arsenic variant de 5,3 Ă 250 ppm avec une moyenne de 69,2 ppm, Ă cause d'un usage rĂ©pĂ©tĂ© de pesticides organoarsĂ©nicaux (MSMA notamment)[26].
Polluants les plus courants des sols
Les polluants du sol les plus courants[27] et les plus recherchés sont :
- métaux lourds (à comparer au fond géochimique naturel) ;
- hydrocarbures ;
- HAP ;
- COV ;
- huiles minérales ;
- goudrons ;
- hydrocarbures halogénés volatils ;
- organochlorés ;
- PCB ;
- PCT ;
- dioxines ;
- furanes ;
- phénols ;
- chlorophénols ;
- cyanures ;
- pesticides[28] ;
- phtalates ;
- esters phtaliques ;
- substances chimiques Ă usage militaire ;
- explosifs ;
- munitions non explosées ;
- eutrophisants (nitrates, phosphates) ;
- acides, bases ;
- radionucléides.
Indicateurs de toxicité ou qualité des sols
Les besoins d'évaluation environnementale, d'études d'impact et l'application d'écotaxes ou du principe pollueur-payeur nécessitent des indicateurs de pollution reconnus par tous, et si possible normés.
Un exemple d'unitĂ© retenue en France est le mĂ©tox, mais uniquement pour huit polluants de type mĂ©taux et mĂ©talloĂŻdes (arsenic, cadmium, chrome, cuivre, mercure, nickel, plomb et zinc). On parle aussi dâĂ©quivalent toxique, dâĂ©quivalent dioxineâŠ
Les bioindicateurs ; quand ils existent (ex. : plantes nitrophiles, mĂ©tallophytesâŠ, faune du sol, ou animaux consommant cette faune[29]), ils donnent des indices de degrĂ© de pollution du sol, par exemple en eutrophisants ou certains Ă©lĂ©ments-trace mĂ©talliques ;
L'étude de l'impact d'un polluant relÚve du domaine de l'écotoxicologie et de la pédologie. Il reste cependant difficile de mesurer l'impact de polluants multiples agissant en synergies.
Quelques organismes animaux du sol sont déjà utilisés comme bioindicateurs. Leur vitesse de croissance et leurs capacités reproductives (deux paramÚtres importants de viabilité des espÚces et des écosystÚmes[30]) sont affectés par la pollution sont faciles à suivre, mais cela demande un protocole de quelques semaines à mois, mais ils sont encore limités, n'appartenant qu'aux deux embranchements des arthropodes (Collemboles[31] et ColéoptÚres) et des annélides (vers de terre[32] et Enchytraeidae pour les sols plus acides), avec respectivement deux normes visant à évaluer la toxicité aiguë [vers de terre (ISO 11268-1) et larves de coléoptÚres[33] et 3 normes portant sur l'évaluation d'effets sublétaux des contaminants du sol, via leurs effets sur la reproduction (vers de terre [2], Collemboles, Enchytraeidae[34]).
L'escargot semblent ĂȘtre un indicateur intĂ©ressant[35], pour l'Ă©valuation de la teneur en chrome bioassimilable d'un sol par exemple[36] ou de pesticides organophosphorĂ©s[37]. L'AFNOR travaille en 2011 Ă plusieurs projets de normes, dont un projet de norme PR NF EN ISO 15952 /QualitĂ© du sol - Effets des polluants vis-Ă -vis des escargots juvĂ©niles (Helicidae) - DĂ©termination des effets sur la croissance par contamination du sol (soumis Ă enquĂȘte et consultation du public jusqu'au 28 fĂ©vr. 2011[38]) ;
Cas particuliers des microplastiques et des nanoplastiques
L'apport de matiÚres organiques est absolument nécessaire à la vie des sols. Dans les milieux émergés, depuis des milliards d'années, le « retour au sol » est le mode naturel et dominant du recyclage des micro-organismes, des champignons, des végétaux et animaux morts, ainsi que de leurs excrétats et excréments. Depuis la préhistoire, l'Homme utilise une partie de ses déchets organiques et de ceux de ses animaux d'élevage pour amender les sols cultivés. Il s'agit aujourd'hui de « valoriser » ces déchets dans une logique d'économie circulaire se voulant vertueuse.
Mais avec le dĂ©veloppement exponentiel de l'industrie du plastique, des nano- et microplastiques (particules de moins de 5 mm) sont de plus en plus massivement dispersĂ©s dans l'environnement[39], devenant un polluant Ă©mergeant et prĂ©occupant des sols[40] - [41]. Ce plastique diffus contient souvent des colorants et divers additifs toxiques et Ă©cotoxiques, ainsi que d'autres polluants (absorbĂ© ou adsorbĂ© par la matiĂšre plastique elle-mĂȘme)[39]. Ceci en fait une source potentielle et prĂ©occupante de contaminants chimiques et biochimiques susceptibles d'ĂȘtre bioconcentrĂ©s dans le rĂ©seau trophique (pyramide alimentaire)[42] - [43].
QuantitĂ©s introduites, teneurs des sols en microplastiques : vers 2020, les boues d'Ă©puration amĂ©ricaines contiennent au moins 300 000 particules de plastique par kilogramme de boue sĂšche, introduisant jusqu'Ă 70 kilotonnes de MNP par an dans les sols agricoles des seuls Ătats-Unis[44]. Les sols utilisĂ©s par l'agriculture industrielle contiennent jusqu'Ă 43 000 particules kgâ1de divers polymĂšres plastiques[45].
Et une étude anglaise (2019) a montré que les sols agricoles (européens notamment) sont devenus en quelques décennies un immenses réservoir mondial de microplastiques[39] : environ 1 % du poids des boues sortant d'une station d'épuration dimensionnée pour traiter les eaux de 300 000 équivalent-habitants environ, étudiée au Pays de Galles, étaient des microplastiques. Chaque gramme de boue sÚche contenait 0,01 g de microplastique, soit 24,7 microparticules de plastique par g de boue d'épuration sÚche. Ceci équivaut à environ 1 % du poids de la boue d'épuration[39].
Si l'on extrapole ce chiffre Ă l'Ă©chelle europĂ©enne, ce sont de 31 000 Ă 42 000 tonnes de microplastiques qui sont annuellement dĂ©posĂ©es dans les sols europĂ©ens (pour les fragments de 1 000 Ă 5 000 ÎŒm), ou 8,6 Ă1013 Ă 7,1Ă1014 particules de plastique pour les particules de 25 Ă 5000 ÎŒm). Ce taux pourrait localement atteindre Ă 4,8 g de MP/m2/an, soit un apport de 11 489 particules de microplastique par m2 et par an), s'ajoutant aux apports des annĂ©es prĂ©cĂ©dentes[39].
Régions ou pays concernés : l'étude[39] publiée dans le journal scientifique Environmental pollution indique que « l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Espagne, la France et l'Italie représentent plus de 76 % de la masse totale de particules microplastiques contenues dans les boues d'épuration en Europe ».
Sources : Cette contamination résulte généralement de l'épandage de boues d'épuration contaminées par la plastique. D'autres source sont :
- l'abandon de films de paillage plastique[46] (vers 2020), plus de 40 % de ces films ne sont pas récupérés du sol, et se décomposent en fragments de taille décroissante[47] ;
- certains composts ;
- certains résidus de méthanisation ;
- le vent, les inondations, les embruns en sont aussi des sources de large dispersion.
Effets sur les organismes et micro-organismes du sol : ils sont démontrés[48]. Une étude récente (2018) a utilisé le collembole Folsomia candida comme modÚle animal. L'intestin de ce petit décomposeur abrite une communauté bactérienne diverse, composée de ~ 44 % d'Actinobacteria ; ~ 30 % de Bacteroidetes ; ~ 12 % de Protéobactéries et ~ 1 % de Firmicutes). Ce microbiote est trÚs différent de celui du sol environnant (il comporte beaucoup moins d'espÚces de bactéries notamment). Chez les collemboles exposés durant 56 jours à un sol enrichi en microplastiques, ces derniers ont fortement altéré le microbiote intestinal des collemboles[48]. Ils ont aussi changé la composition isotopique des tissus de l'animal (augmentation de Ύ15N et Ύ13C)[48]. En outre la diversité bactérienne du tube digestif des collemboles exposés aux microplastiques a augmenté (ce qui pourrait s'expliquer par une dégradation de leur immunité et qui s'est aussi traduit par une moindre capacité à digérer ; confirmées par un déficit de croissance (taille moyenne réduite de 16 %). Enfin une autre conséquence, plus grave, était une mauvaise reproduction (28 % de descendance en moins). Les auteurs ont conclu que les microplastiques impactent donc - dans le sol - des espÚces non ciblées, dans le cas présent en affectant leur microbiote, ce qui altÚre leur capacité à s'alimenter et à se reproduire. On ignore le degré d'adaptabilité dans le temps de types d'espÚce à ce stress nouveau pour elle[48]. Or les collemboles sont l'une des bases de du réseau trophique dans la strate la plus discrÚte du sous-bois ; avec les vers de terre, ils y jouent un rÎle majeur, permettant la bonne décomposition des feuilles mortes et pour la formation de l'humus (et donc du puits de carbone du sol)[48].
Législation : en 2022, il n'existe pas encore de législation imposant un contrÎle ou des limites aux apport de microplastiques dans les sols via le vent, les boues d'épuration, ni sur une surveillance normalisée de ces polluants émergents des sols agricoles[49].
Voies d'exposition et de contamination pour l'Homme et l'animal
Ces voies sont principalement l'ingestion (directe ou indirecte) de terre contaminée, l'inhalation de particules issues d'envols, réenvols de poussiÚre (inhalation), le passage percutané (pour certains polluants, liposolubles le plus souvent) ou à l'occasion de blessures ouvertes.
Ingestion de sols pollués
Elle varie considérablement selon l'ùge.
Elle concerne essentiellement les enfants lors de leurs jeux et activitĂ©s Ă l'extĂ©rieur dans les espaces privatifs, parcs et aires de jeux publiques, ou dans la maison (en cas de Pica tout particuliĂšrement), Ă l'Ă©cole (deux synthĂšses ont Ă©tĂ© publiĂ©es en France[50] et en Flandre Belge[51]. Certaines populations mangeant avec les doigts peuvent aussi ĂȘtre concernĂ©es, ainsi que toute personne ayant l'habitude de porter les mains ou objets Ă la bouche.
L'Ă©valuation de la quantitĂ© de sol et poussiĂšres ingĂ©rĂ©s par un enfant ou un adulte a fait l'objet de nombreuses Ă©tudes. C'est un Ă©lĂ©ment important pour lâĂ©valuation des risques liĂ©s aux sites, sols et sĂ©diments polluĂ©s. Cette voie peut ĂȘtre quantitativement apprĂ©hendĂ© par l'utilisation de traceurs, ou empiriquement (« mĂ©thode contacts main-bouche » ; ou encore via des modĂ©lisations pharmacocinĂ©tiques ou l'Ă©tude des liens entre plombĂ©mie et teneurs "environnementales" (analyses sol, poussiĂšres, aliments, boissons, etc.)[52] - [53] - [54] - [55] - [56] - [57] - [58] - [59] - [60] - [61] - [62] - [63] - [64] - [65] - [66] - [67] - [51].
Des chercheurs ont publiĂ© des guides[68] - [69] et des agences nationale de santĂ© environnementale (ex : SantĂ© Canada et lâInstitut national de santĂ© publique du QuĂ©bec (INSPQ) au Canada, En HEALTH en Australie, le RIVM aux Pays-Bas, lâEPA aux Ătats-Unis) ont calculĂ© des recommandations en matiĂšre de quantitĂ© de sol ingĂ©rĂ© (moyenne en mg/j) Ă prendre en compte ou Ă ne pas dĂ©passer, selon l'Ăąge de l'enfant.
En France, l'INERIS[70] a ainsi proposĂ© de telles valeurs (valeur dĂ©terministe ou distributions statistiques pour diffĂ©rentes tranches dâĂąges enfantines, en contexte rĂ©sidentiel).
Des « outils » multimĂ©dia commercialisĂ©s (ex : HESP[71], CSOIL[51], RISC HUMAN au Pays-Bas[72], CLEA en Angleterre[73], RBCA[74], RISC BP[75], CalTOX[76], HHRAP[77], MPE (Multiple Pathways of Exposure) aux Ătats-Unis[78], etc.) proposent leurs propres valeurs de quantitĂ© de sol ingĂ©rĂ©.
Législations, réglementations
Gestion des sols pollués
Souvent (dont en France), en l'absence de loi, de seuil rĂ©glementaire ou de normes spĂ©cifiques aux pollutions anciennes liĂ©es aux sĂ©quelles de guerre, industrielles, agricoles, cynĂ©gĂ©tiques, des territoires que l'on sait localement trĂšs probablement et fortement contaminĂ©s (en particulier les forĂȘts de la Zone rouge, dans la rĂ©gion de Verdun par exemple) ne sont pas officiellement reconnues comme polluĂ©s ; aucune recommandation concernant les produits alimentaires issus de ces sols ne semble jamais avoir Ă©tĂ© Ă©mises par les autoritĂ©s compĂ©tentes. Ceci vaut pour les champignons susceptibles de fortement accumuler les mĂ©taux lourds, mais aussi pour les sangliers ou d'autres espĂšces gibier, dans ces zones comme dans celles soumises aux retombĂ©es de Tchernobyl lors du passage du nuage radioactif.
De nombreux pays ont établi des seuils, souvent basés sur des valeurs seuils recommandées ou normes (seuils réglementaires).
En Europe
- Un projet de Directive europĂ©enne (Directive Sols) Ă©tait en prĂ©paration en 2004, mais a subi des retards successifs. Depuis 1998, l'Agence europĂ©enne de l'environnement (AEE) rĂ©unit[79] des donnĂ©es sur les sols en Europe et doit Ă©laborer des indicateurs communs aux pays de l'Union europĂ©enne en matiĂšre de qualitĂ© des sols, dans le cadre d'un projet de directive-cadre prĂ©sentĂ© par la Commission europĂ©enne le et consultable en ligne[80]. Le projet « directive sol » est finalement adoptĂ© le avec 496 votes en sa faveur (161 contre et 22 abstentions) par le Parlement europĂ©en. Le texte imposant des obligations aux Ătats comme recenser les sites contaminĂ©s dans l'Union europĂ©enne, lister des zones de protection prioritaires ou encore mettre en place des stratĂ©gies d'assainissement des sols polluĂ©s. Cependant le projet va ĂȘtre trĂšs mal accueilli notamment par les agriculteurs et les industriels qui vont mĂȘme aller jusqu'Ă dĂ©poser des amendements.
- Un autre projet vise à condamner de maniÚre uniforme au sein de l'Union européenne les crimes environnementaux[81].
Actuellement (), les normes, seuils et sanctions varient fortement d'un pays Ă l'autre et sont souvent « insuffisants » par la Commission qui souhaite mieux appliquer le principe pollueur-payeur (Franco Frattini, le commissaire chargĂ© de la Justice, Ă la libertĂ© et Ă la sĂ©curitĂ© a dĂ©clarĂ© que 73 % des « crimes verts » sont causĂ©s par les entreprises, il fallait donc les pĂ©naliser plus fortement). Ainsi, des amendes allant de 750 000 euros Ă 1,5 million d'euros peuvent ĂȘtre infligĂ©es, ainsi que pour les personnes, des peines de prison allant de cinq Ă dix ans[82].
Les crimes pris en compte par ce projet sont notamment :
- Ă©missions illicites de substances dangereuses (dans l'eau, l'air, les sols ou des produits de consommation) ;
- transport illicite de déchets ;
- commerce illicite d'espÚces menacées.
Principe pollueur-payeur
Il veut que la charge financiĂšre de la prĂ©vention, de la rĂ©duction et de la lutte contre la pollution repose sur le pollueur. Dans cette optique, les Ă©quipements et produits polluants pourraient ĂȘtre plus taxĂ©s que des produits dits Ă©cologiques. Le pollueur est censĂ© assumer le nettoyage des zones contaminĂ©es. Des diagnostics pollution des sols normalisĂ©s permettent de rĂ©vĂ©ler les sources potentielles de pollution des sols et de lever le doute. Tout propriĂ©taire est tenu de dĂ©livrer relativement Ă son terrain des informations prĂ©cises (Audit et Ă©tude pollution, Code de lâenvironnement art L125-7)[83]
En France
En France, les seuils sont listĂ©s dans un rapport de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS)[84] qui rapporte des valeurs dans un mĂȘme milieu avec des unitĂ©s identiques, ce qui n'est pas toujours le cas dans les textes rĂ©glementaires. Les valeurs, en vigueur au , y sont donnĂ©es pour information. Il convient donc aprĂšs cette date de vĂ©rifier qu'elles n'ont pas Ă©tĂ© modifiĂ©es ou abrogĂ©es, et de systĂ©matiquement se rĂ©fĂ©rer aux textes originaux.
Des années 1980 à 2015, la politique de gestion et réaménagement des sites pollués a évolué. Elle visait en principe la dépollution de tous les sites identifiés comme sensibles, et au vu de leur pollution intrinsÚque, par le pollueur, ou avec son financement depuis le principe pollueur-payeur. Cette stratégie, coûteuse, et difficile à appliquer dans le cas des pollutions diffuses, des sites orphelins s'est infléchie. Elle tend vers une politique de gestion des risques au cas par cas, et selon les usages nouveaux que l'on veut attribuer au site[85]. Plusieurs guides méthodologiques ont été produits (le dernier en 2011)[86].
En 2011 prÚs de 450 000 sites étaient en attente de dépollution. Cette activité intéresse notamment le domaine de la transformation écologique et sociale, et a attiré de grands groupes (Veolia Environnement, Suez Environnement), mais elle a souffert de la crise de 2008, alors que les coûts du désamiantage tendent à augmenter[87].
- En 2007, une nouvelle stratégie nationale est précisée aux préfets par la ministre chargée de l'environnement[88], avec un bilan historique et des nouvelles démarches de gestion[85], des éléments de méthode (« Comment identifier un site (potentiellement) pollué. Comment gérer un problÚme de site pollué »)[89], et « Les outils en appui aux démarches de gestion. Les documents utiles pour la gestion des sites pollués »[90].
- En 2008, une circulaire implique[91] de passer d'une simple ESR (Ă©valuation simplifiĂ©e des risques) Ă une dĂ©marche d'interprĂ©tation d'Ă©tat des milieux (IEM) et Ă des plans de gestion, mĂȘme en l'absence de valeurs VDSS (valeurs de dĂ©finition de source-sol indiquant si un sol peut ĂȘtre source de pollution) et en l'absence de VCI (Valeurs de constat d'impact)[92].
L'évaluateur peut s'appuyer sur des méthodes standardisées HACCP, ESRS (évaluation quantitative des risques sanitaires) par exemple, scénarios d'exposition, modélisations d'exposition, de transfert (MODFLOW, MT3DMS, MTFAT, MARTHE, HYTEC2D, MISP) et modÚles de transfert sol-atmosphÚre (COLASOIL, C-SOIL, Johnson Ettinger, etc., et autres modÚles d'impact sur la santé (HESP, RISC, RBCA, IEUBK, CLEA, etc.)[91].
L'ESR reposait essentiellement sur la seule connaissance de la pollution du sol et des nappes (évaluée à l'instant et au vu d'éventuels dépassements de seuils, valeurs réglementaires ou normes hétéroclites telles que VCI, VDSS ou normes hollandaises, allemandes, françaises, européennes, etc.) sans prendre en compte la phase vapeur/particulaire susceptible de contaminer par inhalation les humains ou animaux, ni la contamination via l'alimentation, ni les synergies entre polluant ou entre polluant et milieu)[91]. La circulaire demande maintenant une modélisation des risques prenant mieux en compte les milieux (eau, air, sol, écosystÚmes) et toutes les voies d'exposition[91] ; - En 2015, le nombre de sites français industriels, potentiellement contaminés recensé est de 275 000[93] ;
- En 2016, en application de la loi Alur qui crĂ©e la notion de « secteurs d'information sur les sols », un dĂ©cret[94] impose que les Ă©tudes de sol et les attestations affĂ©rentes devront ĂȘtre fournies par un « bureau d'Ă©tudes certifiĂ© » LNE (selon la norme NFX 31620-2, payante, « contrairement aux dispositions Ă©noncĂ©es dans le dĂ©cret du 16 juin 2009 relatif Ă la normalisation et les objectifs Ă valeur constitutionnelle sur l'accessibilitĂ© de la rĂšgle de droit » selon Hubert Bonin (prĂ©sident de l'Ocep)[95].
ICPE
Les installations dites « ICPE » (installations classĂ©es pour la protection de l'environnement), rĂ©pertoriĂ©es dans une nomenclature, sont tenues avant leur mise en activitĂ© ou avant un changement ou une diversification de leur activitĂ© de prĂ©senter un dossier en prĂ©fecture rĂ©pertoriant toutes les nuisances et pollutions qu'elles sont susceptibles de provoquer ou Ă©mettre, et les moyens qu'elles comptent mettre en Ćuvre pour les prĂ©venir et les rĂ©parer le cas Ă©chĂ©ant. Ces activitĂ©s rĂ©pertoriĂ©es sont soumises soit Ă une simple dĂ©claration (dĂ©pĂŽt du dossier) soit Ă une autorisation pour les installations prĂ©sentant les risques les plus importants. La dĂ©claration doit tout de mĂȘme faire l'objet d'un rĂ©cĂ©pissĂ© attestant que le dossier est complet et conforme Ă la lĂ©gislation. Des installations agricoles sont concernĂ©es (Cf. Ă©pandage de lisiers et fumiers ou autres dĂ©chets agro-alimentaires, boues d'Ă©puration, etc.).
Information, aide et conseils
Un portail national dit « Sites-polluĂ©s[96]» est consacrĂ© Ă lâinformation sur les sites et sols polluĂ©s (ou pouvant lâĂȘtre) par des contaminations chimiques ou radioactives. Il est produit par le BRGM, lâINERIS, lâADEME, lâIRSN et lâInstitut français des formateurs « Risques majeurs et protection de l'Environnement »[97].
Ă la suite du 1er colloque national relatif Ă la gestion des sites polluĂ©s par des substances radioactives (2004), le guide mĂ©thodologique de l'IRSN (de 2002)[98], a Ă©tĂ© mis Ă jour Ă partir de , et soumis Ă consultation en 2010[99]. La rĂ©novation du guide par lâIRSN, assitĂ©e de l'Ineris, du ministĂšre chargĂ© de l'Ăcologie et de lâASN, puis (en 2009) de reprĂ©sentants des pouvoirs publics, d'experts publics français et Ă©trangers, d'ONG environnementales et d'Ă©lus concernant la redĂ©finition des objectifs dâassainissement. Ce travail devait intĂ©grer le retour d'expĂ©rience, une mise en cohĂ©rence avec les nouvelles circulaires sur la gestion des sols polluĂ©s () et les Ă©volutions en santĂ© publique, prĂ©ciser les objectifs dâassainissement et amĂ©liorer l'« implication des parties prenantes tout au long des projets de rĂ©habilitation ». Un « Guide du donneur d'ordre » a Ă©tĂ© publiĂ© fin 2012 par l'ADEME, le BRGM, l'INERIS, la LNE et le MinistĂšre de lâenvironnement, pour les entreprises privĂ©es et collectivitĂ©s locales[100].
Loi
La LĂ©gislation et la rĂšglementation Ă©voluent rĂ©guliĂšrement, dont sur les dĂ©chets radioactifs : en 2006, la loi[101] confie Ă lâANDRA (Andra) une mission de service public relative Ă la remise en Ă©tat de sites de pollution radioactive (art. 14), avec financement par subvention de lâĂtat (art. 15).
2007 : Les circulaires du posent un nouveau cadre à « la prévention des pollutions des sols et aux modalités de gestion et de réaménagement des sites pollués ». En 2007, le code de la santé publique (CSP) intÚgre[102] un nouveau cadre pour les questions de pollution/dépollution[103] par des sources radioactives.
2008 : une circulaire de [104] précise outre les conditions de prise en charge de certains déchets radioactifs, les modalités de gestion et de réhabilitation des sites de pollution radioactive.
2010 : En réponse aux engagement du Grenelle de l'Environnement[105], et en tant que l'une des priorités du Plan national santé environnement (PNSE II, 2009-2013) ; à partir de , les crÚches, écoles maternelles et élémentaires, les établissements hébergeant des enfants handicapés, les collÚges et lycées, ainsi que les aires de jeux et espaces verts construits sur, ou prÚs d'anciennes activités industrielles à risque de pollution (usines, fonderies, garages, imprimeries, etc.) vont faire l'objet d'un diagnostic (air et sol) pour déceler d'éventuelles séquelles de pollutions anciennes.
Le BRGM a croisĂ© ses donnĂ©es sur les anciens sites industriels et la carte des crĂšches et Ă©tablissements scolaires publics et privĂ©s, recensant ainsi prĂšs de 2 000 Ă©tablissements (pour 250 000 anciens sites polluĂ©s ou pouvant lâĂȘtre) ; ce travail est cadrĂ© par une circulaire (du [106]), une Fiche question-rĂ©ponse intitulĂ©e Diagnostiquer les sols dans les lieux accueillant les enfants et les adolescents Fiches questions-rĂ©ponses (29 pages)[107] et un rĂ©sumĂ© des principes de l'opĂ©ration[108].
Ăvaluation de la qualitĂ© des sols
L'Ă©valuation environnementale de la qualitĂ© des sols s'est d'abord faite sur des critĂšres agronomiques ou Ă©daphologiques avant de mieux intĂ©grer (dans la seconde moitiĂ© du XXe siĂšcle) la pollution chimique, au regard notamment d'un corpus de normes de qualitĂ© des sols (SQSs ; Security and Quality of Supply Standard pour les anglophones) pour des niveaux, seuils ou degrĂ© de contamination par polluant. Ces normes Ă©voluent avec les capacitĂ©s techniques de mesure et les connaissances en agro-Ă©cotoxicologie[109]. Peu Ă peu, de nouveaux polluants ont Ă©tĂ© pris en compte (radioactifs, Ă la suite des retombĂ©es des essais nuclĂ©aires puis de catastrophes comme celle de Tchernobyl ou de Fukushima), ou des polluants de type biocides agricoles, plomb de chasse, perturbateurs endocriniens, etc. Avec une approche plus Ă©cosystĂ©mique, les pĂ©dologues ont aussi pris conscience de l'importance des cocktails de polluant et aux rĂ©sidus (de pesticides et d'engrais, de mĂ©dicaments vĂ©tĂ©rinaires, pouvant interagir entre eux et avec le vivantâŠ, mais ils ne sont pas encore pris en compte dans les normes. La biodiversitĂ© du sol est devenu un autre critĂšre, Ă peine explorĂ© tant les microbes du sol sont encore mal connus[109].
Pour ses polluants ou contaminants, la qualité d'un sol au regard d'une éventuelle pollution chimique est évaluée en comparant la concentration des polluants pertinents dans le sol et les valeurs-seuils établis pour chaque produit chimique ou parfois par groupe de produits chimiques. Les SQSs sont aujourd'hui développés en utilisant les méthodes générales développées pour l'évaluation des risques) et la gestion des risques[110], via trois approches principales ; l'évaluation à court, moyen et long terme de l'exposition, des effets, et la caractérisation des risques[110] :
- l'Ă©valuation de l'exposition[109] - [111]. En thĂ©orie, elle dĂ©termine un niveau d'exposition, par produits chimiques prĂ©occupants, Ă travers toutes les voies d'exposition possibles, pour diffĂ©rents organismes supposĂ©s susceptibles d'ĂȘtre exposĂ©s (« organismes-cibles » ou « organismes-rĂ©cepteurs ») ;
- l'Ă©valuation des effets environnementaux[109]. Elle dĂ©termine un profil toxicologique, par substance chimique, pour un ensemble d'organismes sĂ©lectionnĂ©s comme Ă©tant jugĂ©s reprĂ©sentatifs des compartiments ou fonctions du sol ou des cibles ou rĂ©cepteurs exposĂ©s. Des extrapolations sont faites pour les milieux oĂč les concentrations ou l'exposition ne sont pas censĂ©s produire des effets indĂ©sirables pertinents, avec une difficultĂ© qui est que pour certains polluants (perturbateurs endocriniens par exemple, ou certains radionuclĂ©ides), il n'y a pas de seuil clair, ou pas de relation linĂ©aire entre quantitĂ© de polluant et effet toxique ; l'effet des faibles doses fait encore l'objet de discussions entre experts ;
- la caractĂ©risation du risque[109]. C'est la derniĂšre phase d'une dĂ©marche d'Ă©valuation des risques. Les donnĂ©es disponibles sur l'effet et les Ă©valuations d'exposition sont comparĂ©s pour dĂ©terminer des seuils et mesurer le risque rĂ©el pour des organismes exposĂ©s. Plusieurs difficultĂ©s se posent : outre le manque frĂ©quent de donnĂ©es ou d'accĂšs aux donnĂ©es Ă©cotoxicologiques (cf. secret de fabrication ou volontĂ© de ne pas divulguer d'information risquant de compromettre le succĂšs commercial d'un produit), les Ă©valuateurs sont aussi confrontĂ©s au manque d'experts indĂ©pendants dans les domaines Ă©mergents, et au risque de partialitĂ© des sources (dans le cas des produits chimiques complexes ou des nanoparticules mis sur le marchĂ©, les Ă©tudes d'impacts ou de risque, quand elles existent, sont faites par les producteurs eux-mĂȘmes ou directement financĂ©es par eux) ; la Directive Reach devrait en Europe apporter certaines donnĂ©es nĂ©cessaires Ă ce travail. Pour le rĂ©glage SQSs, l'Ă©valuation des risques est appliquĂ©e d'une maniĂšre diffĂ©rente, comme il est utilisĂ© pour dĂ©terminer le niveau d'exposition (concentration dans le sol) associĂ©e Ă un niveau prĂ©Ă©tabli de risque, au lieu du niveau rĂ©el de risque. Un autre problĂšme mĂ©thodologique est que l'on considĂšre le risque liĂ© Ă l'exposition « actuelle », sans prendre en compte d'Ă©ventuels effets futurs liĂ©s Ă des potentialisations, des synergies, le dĂ©passement de seuil de concentration et/ou bioconcentration, ou des modifications environnementales telles que le dĂ©rĂšglement climatique, la montĂ©e des ocĂ©ans. Ou alors on Ă©value le risque pour le contexte dĂ©gradĂ© actuel et non au regard de l'Ă©copotentialitĂ©[110]. De plus, les valeurs seuil sont fondĂ©es sur la toxicitĂ© directe connue d'un produit et non des effets cocktails et de la toxicitĂ© indirecte de produit auxquels sont, seront ou pourraient ĂȘtre rĂ©ellement exposĂ©s les organismes[110]. Souvent, pour les sites non gravement polluĂ©s, une Ă©valuation spĂ©cifique et fine, serait nĂ©cessaire, au cas, par cas[110].
Une question centrale, mais complexe est celle de la biodisponibilité des polluants. Cette disponibilité varie en effet beaucoup selon les contextes (pH et granulométrie, caractÚre soluble, corrosif ou corrodable du matériau polluant en particulier, mais aussi hydromorphie, bioturbation, température, quantité de matiÚre organique, éventuelles synergies ou potentialisation avec d'autres polluants, cinétique environnementale des polluants en question) et donc selon le type de sols, ainsi que de flore, faune, fonge et microbes[2] - [112] présents à considérer. Des modÚles, validés par des études in vitro ou des biomarqueurs[113] sont peu à peu développés pour mieux comprendre, prendre en compte ou gérer cet important facteur de risque[113].
Enfin, un sol contaminé peut rester pour longtemps une source « secondaire » de polluants pour les nappes phréatiques[114], des eaux de surface ou la mer, l'atmosphÚre (via les envols de poussiÚre) et la rhizosphÚre en subsufrface[115]
Normes ISO
à titre d'exemples, voici quelques-unes des normes ISO qui concernent l'évaluation des sols pollués, des risques pour l'Homme ou de la pollution de l'eau dans un sol potentiellement pollué :
- NF X 31-614. RĂ©alisation dâun forage de contrĂŽle de la qualitĂ© de l'eau souterraine au droit dâun site potentiellement polluĂ©.
- NF X 31-615. Ăchantillonnage de l'eau souterraine au droit dâun site potentiellement polluĂ©. NF X 31-601 (ISO 15175). CaractĂ©risation des sols en relation avec la nappe phrĂ©atique. NF X 31-604 (ISO 15800). CaractĂ©risation des sols relative Ă lâexposition des personnes.
- NF X 31-622 (ISO 17402). Lignes directrices pour le dĂ©veloppement et la sĂ©lection de la biodisponibilitĂ© dans le sol et les matĂ©riaux du sol â Lignes directrices pour lâapplication et la sĂ©lection de mĂ©thodes dâextraction fondĂ©es sur le point de vue physiologique pour lâestimation de la bioaccessibilitĂ©/biodisponibilitĂ© pour lâĂȘtre humain de mĂ©taux dans le sol.
- NF X 31-635 (ISO 17924). QualitĂ© du sol â Ăvaluation de lâexposition humaine par ingestion. NF X 31-606 (ISO 19258). Lignes directrices pour la dĂ©termination du bruit de fond.
- NF X 31-008-1 (ISO 10381-1). QualitĂ© du sol - Ăchantillonnage â Partie 1 : Guide gĂ©nĂ©ral pour lâĂ©tablissement des programmes dâĂ©chantillonnage.
- NF X 31-008-2 (ISO 10381-2). QualitĂ© du sol - Ăchantillonnage â Partie 2 : Guide gĂ©nĂ©ral pour les techniques dâĂ©chantillonnage.
- NF X 31-008-5 (ISO 10381-5). QualitĂ© du sol - Ăchantillonnage â Partie 5 : Guide pour la procĂ©dure de lâinvestigation du sol contaminĂ© des sites urbains et industriels.
- NF X 31-100. MĂ©thodes de prĂ©lĂšvement dâĂ©chantillons de sol.
- NF X 31-151. Sols, sĂ©diments, boues de station d'Ă©puration â Mise en solution d'Ă©lĂ©ments mĂ©talliques en traces (Cd, Co, Cr, Cu, Mn, Ni, Pb, Zn) par attaques acides.
- ISO 11047. Dosage des métaux par spectrométrie d'absorption atomique dans la flamme et électrothermique (Cd, Co, Cr, Cu, Mn, Ni, Pb, Zn) /1998.
Dans le monde
Pure Earth, une ONG américaine qui portait le nom de Blacksmith Institute avant 2015, cherche à recenser, avec l'aide de l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel, l'ONG Green Cross Switzerland et la Commission européenne (qui apporte un soutien d'un million d'euros), les endroits les plus pollués du monde dans les pays en développement (à l'exception -notable- des pays les plus industrialisés)[116] et à les classer en termes d'impacts sur les populations, pour mieux traiter les urgences. Selon cette ONG, pour la période 2000-2010, on trouve parmi les sites les plus pollués :
- Linfen (Chine) ; charbon et carbochimie, et Tianying ; métallurgie, avec 50 % environ du recyclage du plomb de toute la Chine ;
- Bajos de Haina (République dominicaine) ; pollution généralisée par les métaux dont le plomb ;
- Ranipet, Sukinda et Vapi (Inde) ; tannage des peaux, qui a contaminé le sous-sol et les nappes ;
- Mailuu-Suu, région de Dzhalal Abad (Kirghizistan) : deux millions de m3 de déchets miniers d'uranium, menaçant la vallée de Ferghana, une des régions les plus densément peuplées d'Asie centrale et à haut risque sismique ;
- Norilsk (Russie) : ancien goulag devenu le complexe sidĂ©rurgique le plus Ă©norme au monde, leader mondial pour le raffinage du nickel et du palladium. Cette seule usine Ă©met deux millions de SO2 par an (quatre fois plus que la France), les vapeurs acides et toxiques ont tuĂ© les arbres Ă 30 km Ă la ronde, et la cueillette des champignons (qui concentrent les mĂ©taux) a dĂ» ĂȘtre interdite en 2007 dans un pĂ©rimĂštre de 50 km autour de l'usine ;
- La Oroya (Pérou) : traitement de métaux (pour Doe-Run Corp, du Missouri), forte pollution par le plomb ;
- Dzerjinsk (Russie) : ancien site de fabrication d'armes chimiques ; Dalnegorsk et RudnaĂŻa Pristan : plomb, avec plombĂ©mie infantile 20 fois supĂ©rieure au seuil maximum des Ătats-Unis ;
- Tchernobyl et ses environs (BiĂ©lorussie, UkraineâŠ), sĂ©quelles de la catastrophe de Tchernobyl ;
- Kabwe (Zambie) : contamination au plomb (plombĂ©mie infantile dix fois supĂ©rieure au maximum autorisĂ© aux Ătats-Unis).
Ces sites touchent directement plus de douze millions de personnes.
Solutions, traitements
De nombreuses actions de dépollution ou inertage sont souvent possibles (du confinement[117] à biodégradation en passant par la phytoremédiation ou mycoremédiation, in situ ou ex situ, etc.). mais parfois coûteuses ou dangereuses pour l'environnement ou les personnes[118].
Notes et références
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Voir aussi
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Filmographie
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Ressources cartographiques
- Carte et données téléchargeables du pH des sols en Europe, European Commission, 2010.
- Geodata-Services for European Soil Data (GS Soil) newsletter [PDF]
Articles connexes
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- DĂ©sorption thermique
- Réseau de mesure de la qualité des sols (RMQS)
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- Zone rouge (séquelles de guerre)
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- Cindyniques
- Ingénieur sites et sols pollués
- Basias
- BASOL
- Superfund
Liens externes
- Association française pour l'étude du sol (AFES)
- Visualiseur des données géoscientifiques du BRGM ; portail géomatique d'accÚs aux données géoscientifiques du BRGM, avec données utiles sur la géologie et le sous-sol)
- ADEME Les sites et les sols et pollués
- Informations ministérielles relatives aux outils méthodologiques applicables à la gestion des sites et sols pollués
- Les sites polluĂ©s au radium et par dâautres substances radioactives (AutoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire)
- Organisation mondiale de la Santé: OMS
- « Le Parlement européen affaiblit la directive sur la protection des sols », sur lemonde.fr, 15 novembre 2007