Microplastique
Les microplastiques sont les petites particules (< 5 mm) de matiĂšre plastique dispersĂ©es dans l'environnement. Ils sont devenus un sujet de prĂ©occupation car ils s'accumulent dans les sols, les cours d'eau, les lacs et l'environnement marin et certains aliments (bivalves filtreurs et produits de la pĂȘche notamment)[3] ; ils ont en quelques dĂ©cennies contaminĂ© tous les ocĂ©ans et les espĂšces marines Ă tous les niveaux de la chaĂźne alimentaire, d'un pĂŽle Ă l'autre et jusque dans les grands fonds[4].
Il peut s'agir de fragments d'objets en plastique ou de microbilles de plastique de plus en plus utilisées par l'industrie et dans les cosmétiques depuis quelques années[5], ou de fibres synthétiques[4] (abondamment retrouvées dans les boues d'épuration qui sont épandues sur les sols[6]) initialement de taille microscopique ou nanométrique, ou de particules issus de la dégradation de macro-plastiques par photooxydation, action mécanique et/ou biodégradation[7].
Leurs impacts (locaux et globaux, immédiats et/ou différés) ne sont étudiés que depuis le début des années 2000 et sont encore mal cernés. Ils ne semblent pas avoir d'effets directs sur la santé humaine, mais ils en ont indirectement (en se dégradant ou via la contamination des océans) et affectent certains animaux.
Un rapport[8] rĂ©cent (2017) de l'UICN juge urgent de gĂ©rer et rĂ©duire les macrodĂ©chets plastiques, en sachant que mĂȘme une gestion totalement efficace ne rĂ©glerait que la partie la plus visible du problĂšme[8]. Les appels rĂ©cents Ă interdire l'utilisation de microbilles dans les cosmĂ©tiques sont bienvenus selon l'UICN, mais ces microbilles ne sont que 2 % de la source des microplastiques primaires visibles. L'UICN appelle donc la R&D des entreprises, l'Ă©coconception et la lĂ©gislation Ă Ă©voluer pour prendre en compte la production primaire de microplastiques notamment ceux issus du lavage des textiles synthĂ©tiques et de l'usure des pneus, invitant les consommateurs Ă agir en choisissant des tissus naturels plutĂŽt que synthĂ©tiques[8]. En 2018, des microplastiques et des produits chimiques persistants sont retrouvĂ©s dans presque tous les Ă©chantillons de neige et d'eau collectĂ©s par Greenpeace en Antarctique, mĂȘme dans les zones les plus reculĂ©es[9]. En 2019, une Ă©tude sur un secteur isolĂ© et protĂ©gĂ© (Natura 2000), Ă 1 400 mĂštres dâaltitude, sur le versant français des PyrĂ©nĂ©es, a montrĂ© le dĂ©pĂŽt journalier d'une moyenne de 365 minuscules morceaux de plastique par mĂštre carrĂ©[10].
à l'occasion du quatriÚme sommet mondial des océans (Bali, ) une campagne mondiale (CleanSeas) a invité les gouvernements et les entreprises à interdire les microplastiques dans les produits cosmétiques, à taxer les sacs en plastique et à limiter l'utilisation d'autres articles jetables. Dix pays se sont alors engagés à agir[11]. 5 ans plus tard, les accords issus de One Ocean Summit (février 2022) redemandent de limiter la pollution des océans par le plastique[12].
Les microplastiques se dégradent en nanoplastiques, invisibles et méconnus[13], mais une étude a déjà en 2014 montré qu'ils inhibent la croissance d'un genre d'algue verte, S. obliquus, ainsi que la reproduction d'un petit crustacé, le Daphnia magna[14].
ĂlĂ©ments de dĂ©finition
Leur définition varie selon les auteurs et chercheurs.
Pour certains ce sont toutes les particules uniquement composées de plastique et plus petites que 1 mm[15].
D'autres portent la limite de taille Ă 5 mm[5] - [16].
Concernant la limite inférieure de taille, on retient souvent dans cette catégorie toutes les particules d'une taille comparable au neuston (c'est-à -dire captées par un filet à neuston dont les mailles mesurent 333 ”m[17].
Les particules nanométriques sont les « nanoplastiques », trÚs difficile à identifier, qui pourraient poser des problÚmes sanitaires et environnementaux différents, en raison des propriétés particuliÚres des nanoparticules.
On distingue les microplastiques primaires et secondaires. Ces derniers sont issus de la dĂ©gradation de plus grands morceaux de plastiques sous lâeffet conjuguĂ© de l'oxygĂšne, des UV, de la chaleur, d'actions mĂ©caniques ou de l'activitĂ© biologique[18].
Quantités, tendances
Dans le monde, 26 000 Mt de dĂ©chets plastiques devraient ĂȘtre gĂ©nĂ©rĂ©s de 2015 Ă 2050, dont au moins 45 % ne seront ni recyclĂ©s ni incinĂ©rĂ©s[19]. Les microplastiques Ă©tant peu visibles, leur quantitĂ© et concentration ont Ă©tĂ© sous-estimĂ©es, « on sait Ă prĂ©sent (2023) que la pollution en microplastiques peut ĂȘtre aussi volumineuse que celle des macroplastiques »[12].
« Sources » (provenances) et « puits »
Sources
Ces dĂ©chets surtout retrouvĂ©s dans certains sols (dĂ©bris de billes de polystyrĂšne expansĂ© ou de bĂąche de culture), cours d'eau, sĂ©diments[20] et en mer proviennent pour la plupart d'apport terrigĂšnes (80 % environ des plastiques marins sont estimĂ©s apportĂ©s en mer par les fleuves ou le vent) et pour certains directement apparus dans les eaux marines Ă partir de la dĂ©gradation de filets, fils de pĂȘche en nylon et autres engins de pĂȘche, de toiles et bĂąches synthĂ©tiques, de pelliculages plastiques ou de morceaux d'emballages et objets divers jetĂ©s ou perdus en mer, Ă©paves, etc.
La trafic routier, par l'usure des pneumatiques et des freins, crée des microplastiques transportés par l'air, aussi nombreux que les microplastiques transportés par voie aquatique[21].
Les pluies d'orages, les inondations et grands tsunamis sont Ă©galement source d'apports en mer de grandes quantitĂ©s de plastiques. Localement l'Ă©rosion d'anciens sites d'enfouissement en libĂšre Ă©galement. Les rotofils et certaines machines Ă nettoyer le sol (balayeusesâŠ) perdent aussi des fibres ou fragments de plastique.
Une partie importante des fibres synthĂ©tiques de moins de 1 mm en suspension dans l'eau et trouvĂ©es dans l'estomac de nombreux animaux provient de l'usure ou de la fragmentation des fils synthĂ©tiques, de textiles synthĂ©tiques et aussi de la dĂ©gradation de tissus non-tissĂ©s. Ils sont notamment introduits dans l'eau via les lessives domestiques ou industrielles[22]. Il s'agit par exemple de fragments de polyester, de polyĂ©thylĂšne, d'acrylique, d'Ă©lastane[23] - [24]). Le lavage des vĂȘtements et tissus synthĂ©tiques[25] et la conduite sur route, qui use les peintures routiĂšres sont deux sources de pollution de l'ocĂ©an mondial qui avaient Ă©tĂ© sous-estimĂ©es. Ces particules invisibles Ă l'Ćil nu constituent en 2017 jusquâĂ un tiers (15 Ă 31 %) des 9,5 millions de tonnes dĂ©chets marins en plastique et autres polymĂšres rejetĂ©es chaque annĂ©e, selon un rapport qui a portĂ© sur sept rĂ©gions gĂ©ographiques marines (publiĂ© le par l'UICN[8]).
Ils sont devenus la premiÚre source de microplastiques dans les régions du monde développé bénéficiant d'une gestion efficace des macrodéchets (comme en Amérique du Nord et en Europe)[8]. Les textiles synthétiques sont la principale source primaire de microplastique en Asie, alors qu'il s'agit de la pollution routiÚre par les pneus en Amériques, Europe et Asie centrale[8].
Plus en amont, les produits de soins, dentifrices et maquillages, sont aussi des sources de microplastiques qui sont envoyés via les eaux grises vers les réseaux d'assainissement et se retrouvent en partie dans les boues d'épuration, souvent épandues sur les sols agricoles.
On retrouve des micro/nanoplastiques dans de nombreux aliments. L'un des records semble ĂȘtre les infusions issues de sachets synthĂ©tiques. Ainsi le thĂ© infusĂ© Ă 95 °C dans les sachets « soyeux » synthĂ©tique « libĂšre environ 11,6 milliards de microplastiques et 3,1 milliards de nanoplastiques dans une seule tasse de la boisson [âŠ] (nylon et tĂ©rĂ©phtalate de polyĂ©thylĂšne) »[26] ; quantitĂ© qui dĂ©passe de plusieurs ordres de grandeur celles trouvĂ©es dans d'autres aliments et boissons. Peu d'Ă©tudes ont portĂ© sur les effets de ces particules sur la santĂ© chez l'Humain, mais des daphnies exposĂ©es Ă ces microplastiques nageaient «follement»[27], et des tests de toxicitĂ© aiguĂ« faits sur des invertĂ©brĂ©s ont conclu que lâexposition aux seules particules libĂ©rĂ©es par les sachets de thĂ© (pas Ă la thĂ©ine) a des effets sur le comportement et le dĂ©veloppement (effets de type « dose-dĂ©pendant »)[26].
En 2015, les pays qui en Ă©mettaient le plus dans la mer, selon un classement publiĂ© par Jenna R. Jambeck dans la revue Nature (revue), Ă©taient la Chine, puis lâIndonĂ©sie, les Philippines et le Viet-nam[28].
Puits
Les puits « environnementaux » de plastique sont principalement :
- les sols, aprÚs dépÎts aériens, jets de déchets, apports de boues d'épuration (souvent utilisées comme amendement organique en agriculture)[29] ou d'amendements de type compost de déchets verts ou urbains.
Selon l'AEPC, Ă la confĂ©rence Micro 2018 sur le devenir et l'impact des microplastiques (Lanzarote, Espagne), Ă terme le risque est plus Ă©levĂ© pour les milieux terrestres et d'eau douce, que pour les mers. Certains microplastiques ont une demi-vie de plusieurs milliers d'annĂ©es. L'AEPC s'inquiĂšte aussi des risques posĂ©s par les plastiques oxodĂ©gradables (avis Ă la Commission attendu pour ) ; Certaines pratiques agricoles courantes contribuent elles-mĂȘmes au phĂ©nomĂšne[30] - [31] - [32] - [33].
On manque encore de mĂ©thodes analytiques robustes pour isoler et compter les MP de petite taille dans la matrice du sol, surtout quand elle est riche en matiĂšre organiques, mais les sols agricoles et urbains sont d'importants puits ou rĂ©servoirs environnementaux de micro- et nano-plastiques, « peut-ĂȘtre largement plus grands que le rĂ©servoir marin »[34]. Ceci est confirmĂ© en 2023 en France : selon lâademe (mars 2023)[12], les sols y contiennent jusquâĂ 4 Ă 23 fois plus de MC que les eaux douces ou marines[35]. Dans 33 types de sols français Ă©tudiĂ©s[36] avec le rĂ©seau de mesure de la qualitĂ© des sols (RMQS)[37], pour la granulomĂ©trie [315 ÎŒm Ă 5 mm], on trouve vers 2020 en moyenne = 15 fragments de plastiques par kg de sols agricoles, prairiaux ou forestier. Un projet CINAPE[38] Ă©tudie en 2023 un sol agricole amendĂ© plus de 30 ans plus tĂŽt avec un compost dâordures mĂ©nagĂšres (OM) trĂšs chargĂ© en plastique. On y retrouve 291 MP par kg de sol dans les 5 premiers cm, et l'abondance, la biomasse et la diversitĂ© des catĂ©gorie Ă©cologique de vers de terre est moindre dans ce sol, que dans un Ă©chantillon tĂ©moin non amendĂ©[12].
En outre, « les sols présentent plusieurs voies d'exposition potentielles pour les micro (nano) plastiques pour la santé des organismes et des humains, y compris la contamination des aquifÚres souterrains »[34] ; - les sédiments ;
- les mers fermées et les lacs ;
- les océans.
Dans tous les milieux (eau, air, sol) la distribution et l'abondance des microplastiques a augmentĂ© rapidement, globalement et de façon constante depuis deux dĂ©cennies (y compris dans les animaux (filtreurs notamment)), corrĂ©lativement avec l'augmentation de la consommation de plastique dans le monde[5]. On ignore dans quelle mesure ces puits sont dĂ©finitifs (inclusion dans les futurs substrats gĂ©ologiques) et dans quelle mesure les embruns, les oiseaux marins, les poissons migrateurs et les animaux pĂȘchĂ©s ou chassĂ©s par l'homme peuvent les rĂ©introduire dans la chaĂźne alimentaire humaine, Ă©ventuellement sous forme de « nanoplastiques » trĂšs difficiles Ă dĂ©tecter.
Processus de fragmentation
On distingue des « microplastiques primaires » et « secondaires ». Les matiĂšres et matĂ©riaux secondaires se forment dans l'environnement Ă la suite des ruptures et dĂ©gradations des premiers, notamment en mer oĂč une dĂ©gradation photochimique activĂ©e par les UV solaires (UV-B en particulier). Le mouvement des vagues et les oxydants font que les plastiques flottants ou en suspension dans l'eau prĂšs de la surface libĂšrent rapidement diverses molĂ©cules organiques dans l'eau ; ceci est dĂ©montrĂ© au moins pour le polyĂ©thylĂšne, le polypropylĂšne, le polystyrĂšne et le polytĂ©rĂ©phtalate d'Ă©thylĂšne qui dĂšs aprĂšs quelques jours Ă la lumiĂšre UV dans l'eau libĂšrent des molĂ©cules de bas poids molĂ©culaire avec des groupes terminaux oxydĂ©s, supposĂ©es ĂȘtre des produits de scission de chaĂźne provenant de la dĂ©gradation des polymĂšres de matiĂšres plastiques. En 2018, on a identifiĂ© en laboratoire 22 de ces produits de dĂ©gradation libĂ©rĂ©s par ces quatre types de plastiques ; ce sont surtout des acides dicarboxyliques[39]. Dans le mĂȘme temps, plus ou moins vite selon les contextes, ils se brisent en fragments de plus en plus petits[5]. MĂȘme des plastiques trĂšs denses et durs, et chimiquement traitĂ©s contre les UV par ajout d'additifs Ă base de plomb ou cadmium (jusqu'Ă 50 % du poids de certaines menuiseries PVC) ne rĂ©sistent pas longtemps Ă l'abrasion lorsqu'ils sont roulĂ©s par les vagues dans les galets ou sur les plages de sable ou gravier.
ĂlĂ©ments de classification
Il n'y a pas encore de classification standardisĂ©e, mais ces « microplastiques » peuvent ĂȘtre classĂ©s :
- selon leurs usages originaux ;
- selon leur taille : de 5 à 1 000 ”m (1 mm), typiquement ; et généralement 10 à 150 ”m pour les cosmétiques[40] ;
- selon leur densité (qui fera qu'ils couleront, flotteront (microbilles expansées) ou voyageront entre deux eaux) ;
- selon leur matériau (type de polymÚre qui les compose) ;
- selon leur forme (bille lisse ou rugueuse, plaque, fil, forme d'aiguille, filiforme, anguleuse ou douce, etc.) ;
- selon leur structure (homogĂšne, pleine ou creuse. On trouve de plus en plus de microbilles creuses, trĂšs lĂ©gĂšres car contenant Ă l'origine un gaz (isobutane, isopentane ou de lâair)[40]) qui en font un thermoplastique expansible (ex. : microsphĂšres thermoplastiques expansibles Expancel produites par le groupe industriel Kemanord Plast) ; susceptibles d'ĂȘtre retrouvĂ©es dans certains produits cosmĂ©tiques (ex. : billes de 100 Ă 250 ”m brevetĂ©es comme agent exfoliant par L'OrĂ©al[40]) ;
- selon certaines de leurs propriétés vis-à -vis de l'eau (hydrophobes ou hydrofuges, polymÚres hydratés ou secs[40]) ;
- selon ce qu'ils contiennent (colorant, métaux, métalloïdes et autres additifs) ;
- selon qu'ils aient ou non fait l'objet d'un traitement de surface (coating) ;
- selon certaines propriétés spéciales (magnétiques, élastique, etc.).
Composition chimique
Ils sont faits de monomÚres polymérisés.
Les monomĂšres : ils sont gĂ©nĂ©ralement dĂ©rivĂ©s du pĂ©trole, mais peuvent aussi l'ĂȘtre du gaz naturel ou potentiellement du charbon (via la carbochimie)[41] - [42] - [43].
Les microplastiques primaires : ils sont en 2014 abondamment présents dans de nombreux produits. Dans les produits cosmétiques, il s'agit presque toujours de polyéthylÚne pur, de polyisotéréphtalate d'éthylÚne ou de polytéréphtalate d'éthylÚne (autorisés par la FDA pour le contact alimentaire, et ne contenant pas de phtalates contrairement à ce que leur nom invite à penser). Plus rarement, il s'agit d'acrylonitrile ou de chlorure de vinylidÚne, et contenant parfois des traces de métaux lourds ou des dérivés de chlorure de vinylidÚne et d'acrylonitrile ou de monomÚres d'acrylique (ex. : acrylate de méthyle ou acrylate d'éthyle ou méthacrylate) ou de monomÚres de styrÚne (ex. : α-méthylstyrÚne ou styrÚne simple[40]).
Les microbilles de plastique creuses, expansées ou expansives contiennent un gaz (hydrocarbure ou air en général).
Certaines (paillettes colorées, composites, ou métallisées notamment) contiennent des métaux, des métalloïdes et/ou divers additifs.
Certaines ont subi un traitement de surface (leur donnant un aspect nacré par exemple), ou contiennent des additifs techniques dans leur masse.
Les plastiques souples (et donc leurs fragments) contiennent souvent des phtalates.
Usages originels
les microplastiques sont originellement conçus et fabriqués pour répondre à certaines fonctions, par exemple :
- des abrasifs industriels ;
- des produits cosmétiques : exfoliants, paillettes[44] ;
- des précurseurs pour la plasturgie (pellets dits de résine ou larmes de sirÚne) ;
- des charges (ex. : billes de polystyrÚne expansé ajoutées à la terre par les horticulteurs, microbilles ajoutées à d'autres matériaux plastiques ou aux cosmétiques pour les alléger, les texturer) ;
- des microbilles creuses isolantes, ou Ă©lastiques et amortissant les chocs, etc.
Prise de conscience
* Ă gauche : taux et masse de microparticules de plastiques (MP) transitant et sortant de la station d'Ă©puration (PST) de Nash au Royaume-Uni, qui traite les eaux usĂ©es de 300 000 Ăquivalent-habitant ;
* à droite : taux et masse de microplastiques sortant de la station d'épuration ; 1) dans l'effluent épuré, 2) dans l'écume (produite en faible quantité) et dans les boues d'épuration (massivement épandues sur des sols agricoles)
(Les pourcentages sont donnés en pour cent de boue sÚche)[46]
En 1980, des chercheurs de l'université d'Alaska s'inquiÚtent du fait que l'estomac d'un nombre croissant d'oiseaux morts en Alaska contient du plastique. Une premiÚre étude rétrospective conclut que 58 % des cadavres ramassés entre 1969 et 1977 avaient mangé des objets en plastique ou des fragments de plastique.
Les dĂ©cennies suivantes (surtout depuis les annĂ©es 1990), divers navigateurs, scientifiques, associatifs, cinĂ©astes et mĂ©dias ont d'abord ponctuellement attirĂ© l'attention sur des phĂ©nomĂšnes d'accumulation de macroplastiques, puis de microplastiques sur les berges, plages et fond de divers milieux sur la planĂšte, mĂȘme loin des zones habitĂ©es et industrielles. Dans les annĂ©es 2000, plusieurs articles scientifiques et de presse alertent quant aux enjeux Ă©mergents et Ă la dimension planĂ©taire du problĂšme[47].
Du 9 au , à l'université de Washington, se tient un atelier international de recherche sur les effets et devenir des débris marins de microplastiques. Les scientifiques y conviennent unanimement que l'accumulation constatée de microplastiques dans les eaux marines est préoccupante, notamment en raison :
- d'une présence croissante et de mieux en mieux documentée de microplastiques dans le milieu marin ;
- de longs temps de séjour de ces particules (et donc d'une probable accumulation de particules de plus en plus petites, éventuellement capables d'adsorber des quantités significatives d'autres polluants ou d'en désorber) ;
- de leur ingestion démontrée par de nombreux organismes marins.
Jusqu'alors, la recherche avait surtout portĂ© sur les macrodĂ©chets flottants ou Ă©chouĂ©s de plastique, et il Ă©tait dĂ©jĂ largement reconnu que de nombreux animaux mourraient par suffocation piĂ©gĂ©s dans des enchevĂȘtrement de filets et dĂ©bris flottants ou entre deux-eaux, ainsi qu'Ă la suite de l'ingestion de sacs plastiques ou d'objets en plastique qui ont souvent conduit Ă la mort et Ă des Ă©chouages. Ces faits ont notamment Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©s par des autopsies ou par l'examen de cadavres.
Puis des microplastiques plus discrets (< 5 mm ou < 1 mm) mais nombreux ont Ă©tĂ© trouvĂ©s dans les tractus digestifs d'un nombre croissant d'animaux se nourrissant en filtrant l'eau tels que des vers arĂ©nicoles (Arenicola marina), les moules, huĂźtres et certains escargots aquatiques, des crustacĂ©s (crabes, crevettes, langoustines, etc.) mais aussi des poissons, des oiseaux, et des mammifĂšres marins, montrant que tout le rĂ©seau trophique est concernĂ©, ainsi donc qu'une partie de la chaĂźne alimentaire humaine, ce qui a soulevĂ© de sĂ©rieuses inquiĂ©tudes chez les scientifiques, pĂȘcheurs, associations environnementales et de nombreux citoyens.
Dans l'alimentation humaine
Selon un rapport commandé par le WWF à l'université de Newcastle (Australie), et publié en 2019, un individu moyen pourrait ingérer jusqu'à cinq grammes de plastique chaque semaine, dont 90% dans l'eau de consommation (du robinet ou en bouteille) et 9% dans les fruits de mer[48].
Le poisson et les fruits de mer sont une source importante de protéines pour les humains (6,1 % des protéines alimentaires dans le monde en 2007[49]). Les microplastiques ingérés par les poissons, moules crustacés sont consommés par l'homme qui est situé en fin de réseau trophique.
En 2015, une Ă©tude faite Ă l'universitĂ© d'Ătat de New York a Ă©chantillonnĂ© 18 espĂšces de poissons : toutes contenaient des microplastique dans leur appareil digestif, sous forme de fibres[50]. Il est prouvĂ© que des particules et fibres plastique s'associent chimiquement des mĂ©taux, mĂ©talloĂŻdes, polychlorobiphĂ©nyles et Ă d'autres toxiques lors de leur sĂ©jour dans les Ă©gouts, stations d'Ă©puration, boues d'Ă©puration, sĂ©diments, cours d'eau, estuaires et mer. Ce complexe de micropolluants peut contaminer le poisson, et indirectement l'Homme[50].
Un citoyen moyen est exposĂ© aux microplastiques dans divers types d'aliments d'un rĂ©gime alimentaire normal (dans le sel de table par exemple) oĂč des chercheurs chinois ont trouvĂ© des microplastiques (dans trois types de sels vendus en supermarchĂ©s) : le sel de mer en contient le plus mais il y en avait aussi dans le sel de lac et mĂȘme de mines de sel[51]. De mĂȘme le sel de mer et le sel gemme vendus en Espagne comme sel de table en contiennent aussi (principalement du polytĂ©rĂ©phtalate d'Ă©thylĂšne (PET) dans les deux Ă©tudes)[52].
La bioaccumulation dans la chaßne alimentaire par les moules (organismes filtreurs) est étudiée via des échantillons représentatifs pour l'Angleterre. Conclusion : un Anglais moyen ingérerait 123 morceaux de plastique par an, rien qu'en mangeant des moules[53].
Un consommateur moyen mangerait ainsi 4 620 particules de plastique par an dans les pays oĂč la consommation de mollusques et de crustacĂ©s est plus Ă©levĂ©e[53]. Selon cette Ă©tude, l'humain est â en moyenne â cependant bien plus exposĂ© aux microplastiques dans la poussiĂšre domestique qui contamine nos aliments (ou que nous inhalons et ingĂ©rons) qu'en mangeant des moules[53].
Le rĂ©gime alimentaire amĂ©ricain a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ© Ă partir de 26 Ă©tudes (soit plus de 3 600 Ă©chantillons traitĂ©s, pour un rĂ©gime alimentaire constituĂ© des aliments couramment consommĂ©s et Ă l'apport quotidien recommandĂ©. L'Ă©tude Ă©value aussi le potentiel d'inhalation de microplastiques et l'influence potentielle de l'eau de boisson[54]. RĂ©sultats : pour 15 % environ de lâapport calorique des AmĂ©ricains Ă©valuĂ©, l'Ă©tude estime que 39 000 Ă 52 000 particules sont avalĂ©es par an par un tel AmĂ©ricain (selon lâĂąge et le sexe). L'estimation passe de 74 000 Ă 121 000 fragments par an si lâinhalation est aussi prise en compte[54]. En buvant la quantitĂ© d'eau recommandĂ©e sous forme d'eau embouteillĂ©e, ce sont 90 000 microplastiques supplĂ©mentaires avalĂ©s chaque annĂ©e (contre 4 000 pour ceux qui ne consomment que de l'eau du robinet). Les auteurs prĂ©cisent que « ces estimations sont sujettes Ă de grandes variations, mais que compte tenu des limites mĂ©thodologiques et des donnĂ©es disponibles, ces valeurs sont probablement sous-estimĂ©es »[54].
Enjeux de connaissances
La connaissance, la classification, le suivi et l'évaluation scientifiques des microplastiques sont des enjeux en soi[55]. En effet, ils possÚdent des formes, natures et tailles trÚs différentes, évoluent dans le temps (différemment selon qu'ils sont biodégradables ou non) et leur comportement varie fortement selon les contextes. En 2019, des chercheurs ont recommandé de s'inspirer des progrÚs réalisés dans l'étude des conséquences du noir de carbone sur l'environnement afin d'étudier plus efficacement les microplastiques et leurs incidences. Cette approche permettrait de gagner en rapidité dans leur observation par rapport à celles réalisées dans le passé d'autres polluants omniprésents comme le noir de carbone justement, qui présente selon eux beaucoup de similitudes avec les microplastiques[56].
Enjeux sanitaires
Les effets directs et indirects de l'ingestion de ces microplastiques sur la santé sont encore inconnus[5], cependant la libération spontanée de bisphénol A (perturbateur endocrinien) par certains plastiques suggÚre une part de responsabilité des microplastiques dans l'infertilité ainsi que certains troubles du développement grandissant chez la population. En raison de leur taille, les microplastiques sont plus biodisponibles. Ils sont par exemple ingérables par des détrivores ou des planctophages[18].
La principale préoccupation sanitaire pour l'homme a d'abord porté sur les colorants, additifs et molécules chimiques toxiques et cancérigÚnes ou mutagÚnes utilisés pour fabriquer nombre de ces plastiques ; on a ensuite aussi pensé et montré que les microplastiques peuvent servir de support et vecteur pour des toxiques (métaux et métalloïdes notamment) ainsi que des biofilms incluant potentiellement des agents pathogÚnes[57].
Des craintes concernent les femmes en Ăąge de procrĂ©er et le fĆtus (risque de malformations congĂ©nitales dont anomalies de distance anogĂ©nitale, micropĂ©nis ou non descente testiculaire[58], Ă la suite de l'exposition aux phtalates et aux mĂ©tabolites du DEHP connus pour interfĂ©rer avec le dĂ©veloppement de l'appareil reproducteur masculin).
Le BPA (ingrĂ©dient chimique durcisseur des plastique) est aussi connu pour causer un large Ă©ventail de troubles y compris Ă faible dose (maladies cardiovasculaires, diabĂšte de type 2 et anomalies des enzymes hĂ©patiques notamment)[58]. Bien que ces effets aient Ă©tĂ© biens Ă©tudiĂ©s, il est encore utilisĂ©s dans le polyester et donc prĂ©sent dans les milliards de fibres synthĂ©tiques libĂ©rĂ©s dans l'environnement par les vĂȘtements et tissus polyester.
Le tétrabromobisphénol A (TBBPA), autre ingrédient dangereux des plastiques, est utilisé comme retardateur de flamme, notamment dans les microcircuits. Il perturbe l'équilibre des hormones thyroïdiennes, de la fonction hypophysaire et est source d'infertilité[59].
Enjeux Ă©cologiques
En 2017, une Ă©tude a montrĂ©[60] que ce nâest pas accidentellement, mais volontairement que de nombreux poissons ingĂšrent des microdĂ©bris de plastiques perdus en mer[61]. Les poissons nâont pas ce comportement face Ă des plastiques encore « propres ». Ce comportement peut aller jusquâĂ entraĂźner leur mort, mais plus souvent se limite Ă des intoxications ou Ă une bioaccumulation de polluants divers issus du plastique ou adsorbĂ© Ă sa surface. Il est source de risque pour les consommateurs de poissons.
Explication : les microdĂ©bris flottant dans lâocĂ©an ou entre deux-eaux se couvrent rapidement d'un pĂ©riphyton (biofilm dâalgues et bactĂ©ries et de microorganismes fixĂ©s, et parfois dâĆufs de divers organismes. Ces microplastiques ont alors pour les poissons planctonivores le goĂ»t ou lâ« odeur » de leur nourriture. Il en va de mĂȘme pour des dĂ©chets plus gros (trouvĂ©s en abondance dans lâestomac dâalbatros morts). Ă ce jour, ce phĂ©nomĂšne a Ă©tĂ© constatĂ© pour au moins cinquante espĂšces de poissons un peu partout dans le monde. Science Advances a publiĂ© en 2017 une Ă©tude Ă©valuant Ă 8,3 milliards de tonnes la quantitĂ© de plastique produite de 1950 et 2015, qui aurait engendrĂ© 6,3 milliards de tonnes de dĂ©chets (dont 9 % sont recyclĂ©s seulement). Plus de 8 millions de tonnes de dĂ©chets plastiques finissent annuellement en mer.
Effets de l'ingestion de microplastiques par des organismes marins
Du point de vue vétérinaire et écosystémique et chez les animaux supérieurs (marins ou semi-aquatiques, ou prédateurs d'animaux ayant consommé du plastique) les effets connus et possibles sont notamment :
- le blocage physique de la fonction digestive ou de certains organes de l'appareil digestif (c'est une cause fréquente de mortalité chez les grands oiseaux marins) ; certains animaux cessent de manger et meurent en raison d'une « fausse satiété » sensation trompeuse causée par le fait que l'estomac est rempli d'objets en plastique que les sucs digestifs ne peuvent détruire ; chez la moule, les petites particules passent du systÚme branchial ou digestif au systÚme circulatoire[62] ;
- une modification de la densité et de la qualité des excréments du zooplancton (qui ingÚrent facilement des microplastiques dÚs que les grains mesurent moins de 1 mm). Or les granulés fécaux du zooplancton sont un aliment pour d'autres organismes marins. Ils jouent un rÎle dans le cyclage des éléments via les flux verticaux de la matiÚre organiques particulaires (pompe biologique). Les granulés fécaux émis par le zooplancton véhiculent des microplastiques, dont vers le biote détritivore et coprophage, ce qui a été démontré chez le copépode Calanus helgolandicus. Un phénomÚne de bioturbation et de bioconcentration apparait alors. Le taux de chute des excréments planctoniques vers le fond peut diminuer, alors que la fragmentation des microplastiques augmente[63] ;
- intoxication chronique, à la suite de la désorption d'additifs chimiques du plastique, ou de substances toxiques préalablement adsorbées à la surface du plastique durant son trajet dans l'environnement ;
- perturbation de l'Ă©cosystĂšme par les « radeaux » de plastiques non biodĂ©gradables, capables de traverser des ocĂ©ans en quelques mois ou d'y subsister durant des annĂ©es ou dĂ©cennies. Il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© qu'ils peuvent servir de support pour la dispersion d'espĂšces exotiques, Ă©ventuellement susceptibles de devenir invasive dans leur lieu d'arrivĂ©e[64]. Or les phĂ©nomĂšnes d'invasion biologique sont maintenant reconnus comme Ă©tant l'une des cinq grandes causes d'effondrement de la biodiversitĂ©, mettant notamment en danger la biodiversitĂ© marine dans le monde. Environ la moitiĂ© de la matiĂšre plastique introduite dans le milieu marin est susceptible d'ĂȘtre durant un certain temps en mouvement, puis des objets de taille moyenne peuvent ĂȘtre alourdis par l'encrassement biologique et notamment par la croissance de coquillages fixĂ©s. Ils peuvent alors couler et rejoindre le fond (avec les goudrons et autres polluants qu'ils auront Ă©ventuellement adsorbĂ©s).
En , deux chercheurs suĂ©dois de l'UniversitĂ© d'Uppsala[65] ont publiĂ© un article de recherche dans la revue Science oĂč il prĂ©tendaient avoir Ă©tabli des modifications comportementales et une diminution des aptitudes physiques de certains poissons aux Ă©tapes prĂ©coces de leur vie dans la prĂ©sence des microplastiques ; l'article a Ă©tĂ© par la suite rĂ©tractĂ©, et les auteurs accusĂ©s de fraude scientifique[66] - [67].
Les microplastiques comme support de polluants organiques persistants (POP)
Plus un plastique est poreux, fendu, pelliculé ou fragmenté, plus sa surface développée grandit, et plus il peut interagir avec son environnement, et en particulier absorber ou relarguer des composants présents dans son environnement.
Les nappes d'hydrocarbures (issues de marées noires, de dégazage, ou de fuites d'installations pétroliÚres ou gaziÚres offshore) sont nombreuses en mer. Les plastiques flottants peuvent ainsi adsorber des hydrocarbures et encore plus facilement adsorber d'autres polluants organiques persistants[68] tels que les polychlorobiphényles (PCB), dioxines et composés de type DDT.
Les effets de l'ingestion chronique de microplastiques ainsi « pollués » sont encore inconnus[69], mais plusieurs études suggÚrent qu'il existe là une porte d'entrée potentielle vers le réseau trophique. Parmi les sujets de préoccupation figurent les métaux et additifs chimiques ajoutés à certains plastiques lors de leur fabrication, dont on peut penser qu'ils seront d'autant plus facilement relargués que le plastique sera fragmenté, et en présence de sucs digestifs acides, pouvant alors avoir des effets délétÚres sur les organismes et éventuellement indirectement sur le réseau trophique, les réseaux écologiques et les écosystÚmes, via des effets toxiques connus (pour le plomb par exemple) ou encore mal compris à de trÚs faibles doses (perturbation endocrinienne pouvant notamment induire des changements de sexe (imposex) et/ou affecter les capacités de reproductive de nombreuses espÚces, y compris humaine[70]).
Aux niveaux actuels de concentration dans l'océan ouvert, les microplastiques semblent peu susceptibles de constituer un réservoir géochimique de POP majeur à échelle mondiale, mais leur présence augmente rapidement, et leur rÎle à des échelles régionales (dans les soupes de plastique accumulées dans les grands gyres océaniques, ou en aval de zones polluées) est jugé préoccupant.
Ils peuvent notamment jouer un rÎle de support mobile et de réservoir de polluants, en particulier à proximité ou en aval de certains fleuves et canaux, dans certaines lagunes et partout en aval des rejets des grandes zones industrielles et des méga-villes ou en aval de territoires agricoles utilisant beaucoup de bùches plastiques ou toiles de non-tissés. De premiÚres cartographies du risque ont été récemment publiées sur la base de modÚles courantologiques mathématiques.
Exemples de POP détectés dans l'océan et susceptibles de s'adsorber sur des microplastiques (liste incomplÚte) :
Nom | Effets sanitaires principaux |
---|---|
Aldicarbe (Temik) | Hautement toxique pour le systĂšme nerveux. |
BenzÚne | Provoque des dégùts aux chromosomes, des leucémies, anémie et désordres du systÚmes sanguin. |
Chlorure de vinyle | Dégùts au foie, reins et poumons, problÚmes cardiovasculaires et gastrointestinaux ; cancérigÚne et mutagÚne suspecté. |
Chloroforme | Dégùts sur le foie et les reins ; cancérigÚne suspecté. |
Dioxines | CancérigÚnes et mutagÚnes, et effets dermatologiques. |
Dibromure d'éthylÚne (EDB) | Cancer et stérilité masculine. |
Polychlorobiphényles (PCB) | Dégùts au foie, reins et poumons, etc. |
Tétrachlorure de carbone | CancérigÚne, et affecte le foie, les reins, les poumons et le systÚme nerveux central. |
TrichloroéthylÚne (TCE) | à haute dose, endommage le foie, les reins, le systÚme nerveux central et la peau. CancérigÚne et mutagÚne suspecté. |
Dans l'air et dans l'environnement
Trait blanc = 1 mm
Notamment dans le zones oĂč les microplastiques sont soumis Ă l'abrasion[71], ils finissent par produire des particules encore plus fines (nanoplastiques[72]) l'air, l'eau et les sols sont contaminĂ©s par ces artĂ©facts dont les effets ne semblent pas encore avoir Ă©tĂ© scientifiquement explorĂ©s quand ils sont prĂ©sents dans nos aliments[73] ou dans l'air notamment[74] ou l'air que nous inhalons[75].
Des particules et fibres (notamment issues du lavage et de l'usure des vĂȘtements)[76], souvent invisibles Ă lâĆil nu sont notamment issues de l'usure des peintures marines, des marquages routiers et de millions de pneus en caoutchouc synthĂ©tique s'usant au contact des routes, classĂ©es parmi les micro- et nanoplastiques. Elles parcourent le monde comme dans un cycle biogĂ©ochimique, dans ce que certains appellent la planisphĂšre[77]. Le compartiment atmosphĂ©rique de cette plastisphĂšre commence Ă ĂȘtre modĂ©lisĂ©, montrant que les routes en sont la source dominante dans l'ouest des Ătats-Unis, devant les Ă©missions marines, agricoles et les poussiĂšres gĂ©nĂ©rĂ©es sous le vent des aires peuplĂ©es. La production de plastique continue dans les annĂ©es 2020 Ă augmenter (⌠+4%/an)[75] et les vĂ©hicules Ă©lectriques (car plus lourds) pourraient aggraver cette pollution.
En 2019, S. Allen et al. dans Nature Geoscience[78], puis en 2020 J. Brahney et al. dans la revue Science[79] ont montrĂ© un transport via l'air, Ă partir des zones de production de microplastiques vers des endroits trĂšs Ă©loignĂ©s sur la planĂšte. On se demande oĂč passe une partie manquante des inventaires du plastique ocĂ©anique ; des observations in situ combinĂ©es aux modĂ©lisations atmosphĂ©riques faites pour l'ouest des Ătats-Unis suggĂšrent que les microplastiques atmosphĂ©riques y sont principalement dĂ©rivĂ©s de sources de rĂ©Ă©mission secondaires que sont les routes (84 %), l'ocĂ©an (11 %) et la poussiĂšre du sol agricole (5 %)[80]. La plupart des continents semblent ĂȘtre des « importateurs nets de plastiques du milieu marin, soulignant le rĂŽle cumulatif de la pollution hĂ©ritĂ©e dans la charge atmosphĂ©rique du plastique »[80]. Comme dans les cycles biogĂ©ochimiques mondiaux, « les plastiques tournent dĂ©sormais en spirale autour du globe avec des temps de rĂ©sidence atmosphĂ©rique, ocĂ©anique, cryosphĂ©rique et terrestre distincts »[80]. MalgrĂ© une amĂ©lioration de la (bio)dĂ©gradabilitĂ© de nombreux polymĂšres plastiques, ceux qui sont non biodĂ©gradables vont longtemps continuer de circuler dans les systĂšmes terrestres[80]. En 2021, des incertitudes subsistent encore pour l'Ă©valuation de la durĂ©e du transport, des dĂ©pĂŽts et de l'attribution des sources de microplastiques[80], ou encore du degrĂ© de l'exposition des humains[81]. Des Ă©tudes cherchent Ă comprendre le cycle du plastique dans les sol (et les rĂ©envols possibles avec la poussiĂšre)[82], montrant des interactions nĂ©gatives avec le cycle du carbone, via des perturbations les flux de gaz Ă effet de serre (dioxyde de carbone et protoxyde d'azote au moins)[83] et peut ĂȘtre mĂ©thane. Les flux globaux de CO2 augmentant en prĂ©sence de microplastiques, alors que ceux de protoxyde d'azote diminuent (tendance aggravĂ©e par l'ajout d'urĂ©e)[83].
Les Ă©cosystĂšmes en sont partout victimes : des morceaux de plastiques sont retrouvĂ©s dans les systĂšmes digestifs de presque tous les grands animaux marins et des coquillages filtreurs, mais qu'en est il pour les organismes planctoniques filtreurs qui vivent en pleine eau ? Pour voir si les plastiques pourraient se retrouver sur le menu de tels invertĂ©brĂ©s et Ă quelle vitesse, des scientifiques ont dans le Golfe du Mexique avec un robot sous-marin expĂ©rimentalement alimentĂ© un larvacĂ© (organisme filtreur planctonique gĂ©latineux, transparent et gĂ©ant) : Bathochordaeus stygius avec des microplastiques de 10 Ă 600 ”m de diamĂštre de couleurs vives. Un robot sous-marin dotĂ© d'une camĂ©ra a ensuite Ă©tĂ© utilisĂ© pour observer le devenir de ces microplastiques dans les grandes bulles de mucus que se construisent ces animaux, puis dans la colonne d'eau ; certains animaux ont effectivement intĂ©grĂ© des microplastiques dans leur bol alimentaire et les ont stockĂ©s dans leur « bulle de mucus » et/ou les ont rejetĂ© dans le milieu avec leurs excrĂ©ments[84]. Ces plastiques ont ensuite Ă©tĂ© observĂ©s dans leurs enveloppes gĂ©latineuses ou dans les boulettes fĂ©cales descendant rapidement vers le fond (confirmant qu'en mer les plastiques ne sont pas qu'un « problĂšme de surface » et qu'on ne perçoit que la partie superficielle du problĂšme)[84]. Or ce mucus ou ces excrĂ©ments sont Ă leur tour des sources potentielles de nourriture pour d'autres organismes. Les auteurs de cette Ă©tude ne peuvent Ă ce jour Ă©valuer les tonnages concernĂ©s dans le monde, mais concluent que les excrĂ©ments et les mucus des larvacĂ©s contribuent d'une part Ă une recirculation d'une partie des microplastiques dans la chaine alimentaire, et d'autre part via la « neige » de dĂ©chets et cadavres qui « chutent » en permanence vers les fonds marins. Ils estiment qu'un transfert de pollution peut avoir un impact sur les Ă©cosystĂšmes[84]. On sait aussi que les plastiques et microplastiques sont des surfaces d'adhĂ©sion d'autres micropolluants, chimiques cette fois, et en se rĂ©duisant en taille, ils peuvent eux-mĂȘmes relarguer des mĂ©taux toxiques (utilisĂ©s comme colorants ou stabilisateurs anti-UV) ou des perturbateurs endocriniens (plastifiants).
Quand on les cherche, on les trouve dans l'air des mĂ©galopoles (Paris et Dongguan[85]par exemple). En 2018, Rochman et Hoellein ont montrĂ© que le vent et les pluies en apporte jusqu'au cĆur des parcs nationaux et des zones rĂ©putĂ©es les plus sauvages des Ătats-Unis[86] (plus de 1 000 tonnes par an rien que dans les zones protĂ©gĂ©es du sud et du centre-ouest des Ătats-Unis selon une premiĂšre estimation, surtout constituĂ©es de microfibres synthĂ©tiques issues des vĂȘtements[80]. Les centres urbains et la remise en suspension Ă partir des sols ou de l'eau (embruns, assĂšchements) sont les principales sources de plastiques dĂ©posĂ©s par voie humide. Mais les dĂ©pĂŽts secs contiennent des plastiques de plus petite taille, avec des taux de dĂ©pĂŽt suggĂ©rant un transport Ă longue distance ou mondial : 132 plastiques en moyenne se dĂ©posent par mĂštre carrĂ© et par jour sur les seules terres protĂ©gĂ©es de l'ouest des Ătats-Unis[75].
Cas des zones polaires
Jusquâen 2014, parce que ces zones sont quasi inhabitĂ©es et peu frĂ©quentĂ©es, on les supposait Ă©pargnĂ©es par les microplastiques, puis peu Ă peu des indices et preuves sont venus montrer le contraire. Ă chaque fonte annuelle des glaces, une partie de ces microfibres de plastique sont libĂ©rĂ©es dans l'eau[87]. Elles peuvent alors contaminer la chaĂźne alimentaire dont dĂ©pendent notamment de nombreux cĂ©tacĂ©s et autres mammifĂšres et oiseaux marins situĂ©s en tĂȘte de la pyramie alimentaire.
En zone arctique
En 2014, Obbard et al. montrent que la glace de mer en Arctique contient dĂ©jĂ localement des taux de microplastiques (fibres textiles essentiellement) trĂšs supĂ©rieure Ă ceux prĂ©cĂ©demment mesurĂ©s dans des zones les plus contaminĂ©es de lâocĂ©an (Gyres de plastique). Or cette glace a commencĂ© Ă fondre, et devrait encore fondre en libĂ©rant une grande quantitĂ© de ces fragments ; « La fragmentation et la typologie du plastique suggĂšrent une prĂ©sence abondante de dĂ©bris ĂągĂ©s provenant de sources lointaines »[87]. Ceci suggĂšre des apports aĂ©riens et/ou qu'un sixiĂšme gyre marin de plastique[88] existerait en mer de Barents[89]. Cette annĂ©e lĂ , lâUICN publie un rapport « Plastic debris in the ocean »[90]. Les premiĂšres Ă©valuations quantitatives (2015) montrent une pollution prĂ©occupante par les microplastiques[91].
DĂ©but 2016, lâUICN alertait sur le fait que lâArctique est plus polluĂ© par les microplastiques quâon ne le pensait, et quâil existe des risques collatĂ©raux pour les consommateurs car environ 40 % des pĂȘcheries commerciales des Ătats-Unis (en poids) viennent de lâArctique (mer de BĂ©ring pour les Ătats-Unis) et ce taux est montĂ© Ă 50 % pour le poisson consommĂ© dans l'Union europĂ©enne (Weildemann, 2014). Un projet de recherche a Ă©tĂ© lancĂ© pour Ă©valuer lâĂ©tendue et la gravitĂ© du problĂšme et rechercher des solutions. LâĂ©tude a Ă©tĂ© approuvĂ©e par le GESAMP (Groupe mixte d'experts des Nations unies sur les aspects scientifiques de la protection de l'environnement marin), et lâInstitut corĂ©en de recherche polaire (KOPRI) a proposĂ© lâaide dâexperts techniques et lâaccĂšs Ă son navire de recherche, Araon, le plus grand brise-glace de recherche au monde[92].
En 2017, les chercheurs dâun observatoire des grands fonds de lâArctique (Hausgarten Arctic deep-sea observatory) montrent que les sĂ©diments marins de lâArctique sont Ă©galement touchĂ©s[93]. Une autre Ă©quipe confirme quâune partie au moins de ce plastique est apportĂ© par la circulation thermohaline[94].
En 2018, Peeken et ses collĂšgues confirment que lâocĂ©an arctique se comporte comme un « puits » de microdĂ©chets de plastiques[95] et au mĂȘme moment une autre Ă©tude sur leur quntitĂ©, distribution et composition montre que les eaux de sub-surface (0,7 particule par m3 dâeau Ă â8,5 m) de la zone centrale de lâArctique ne sont pas Ă©pargnĂ©es, de mĂȘme que la colonne dâeau jusquâĂ une profondeur de 4 369 m[96], avec une rĂ©partition variant selon le type de masse dâeau observĂ©e (couche mixte polaire (0â375 morceaux par m3 dâeau) > eaux profondes (0â104) > eaux de l'Atlantique (0â95) > halocline i.e. Atlantique ou Pacifique (0â83)). Ă partir de lâanalyse de 413 organismes benthiques dominants (trouvĂ©s sur les fonds des mers de BĂ©ring et de Tchoukotka), Fang et al. (2018) montrent que divers organismes vivant dans les Ă©cosystĂšmes benthiques (fond) commencent aussi Ă y ĂȘtre contaminĂ©s, mais moins que dans dâautres rĂ©gions du monde (les prĂ©dateurs comme Asterias rubens (record de contamination pour lâArctique) sont cependant plus touchĂ©s, de mĂȘme que les espĂšces vivant le plus au nord (ce qui confirme respectivement une bioconcentration dans le rĂ©seau trophique, et un transport par les courants))[97]. Abondance moyenne variant de 0,02 Ă 0,46 fragment de plastique par gramme de poids humide, ou de 0,04 Ă 1,67 fragment par individu. Les plastiques Ă©taient surtout des fibres (87 % des cas), puis du film (13 %). Les couleurs des fibres Ă©taient surtout rouge (46 %) et transparent (41 %), et le film Ă©tait gĂ©nĂ©ralement gris et surtout constituĂ© de polyamide (PA) (46 %), devant le polyĂ©thylĂšne (PE) (23 %), le polyester (PET) (18 %) et la cellophane (CP) (13 %). Taille des microplastiques : de 0,10 Ă 1,50 mm la plupart du temps ; taille moyenne 1,45 ± 0,13 mm[97].
En aout 2019, une Ă©quipe allemande confirme le diagnostic dans le journal Science Advances. Ils montrent que les courants marins ne sont pas lâunique vecteur : maintenant quâon les cherche, on trouve aussi des microplastique dans lâair, et « en forte concentration dans des Ă©chantillons de neige provenant des Alpes suisses, de certaines rĂ©gions d'Allemagne et de l'Arctique, mĂȘme dans des endroits aussi reculĂ©s que l'archipel de Svalbard, et dans la neige sur des glaces flottantes »[98]. LâĂ©tude montre aussi quâalors que dans les eaux arctiques, les fibres de plastique dominent ; dans la neige, les principales sources semblent ĂȘtre en zone continentale la pollution routiĂšre (usure des pneus). Dans la neige qui tombe en Arctique, on retrouve du caoutchouc nitrile, des acrylates et de la peinture qui peuvent venir de loin (ces microplastiques ont souvent une taille proche de celle du pollen, ils peuvent donc circuler sur des milliers de km[98] - [99]).
En 2023, des expériences conduites par Ifremer montrent que les apports de microplastiques dans le sédiment (et les sols) en modifie les propiétés de compressibilité, résistance, rigidité, conductivité (thermique et hydraulique) dÚs la teneur 1 % en volume, avec selon les auteurs des « conséquences irréversibles sur le comportement des sédiments : les particules grossiÚres sont plus sensibles en présentant un seuil de teneur en plastique plus bas que les fines pures. Alors que la teneur en plastique des sédiments augmente d'année en année, nous prévoyons des conséquences primordiales sur la vie marine, les futurs paysages des fonds marins et les phénomÚnes souterrains »[100].
En zone antarctique
Deux études récentes (2017) ont montré que prÚs du pÎle sud, bien que dans des eaux encore plus éloignées des zones habitées et des lignes de transport maritime, les eaux de l'Antarctique sont aussi concernées[101] - [102].
En 2022 une Ă©tude a confirmĂ© que les microplastiques trouvĂ©s (29 particules/L, du polyĂ©thylĂšne tĂ©rĂ©phtalate (PET)le plus souvent) dans tous les Ă©chantillons de neige fraĂźche de 19 sites Ă©chantillonnĂ©s dans la rĂ©gion de l'Ăźle de Ross sont similaires Ă ceux rejetĂ©s par les vĂȘtements synthĂ©tiques, et pourraient mĂȘme en partie provenir des vĂȘtements et d'autres Ă©quipements utilisĂ©s dans les stations de recherche antarctiques[103]. C'est ce que laisse penser une Ă©tude des trajectoires de masse d'air vers les lieux de prĂ©lĂšvements, qui aussi « indique un transport potentiel Ă longue distance allant jusqu'Ă 6 000 km, en supposant un temps de sĂ©jour de 6,5 j »[104].
Vers des alternatives ?
Si la plupart des polymÚres à base de pétrole sont non biodégradables ou trÚs peu biodégradables, de nombreux plastiques d'origine naturelle le sont. Certains industriels cherchent à les étudier et parfois à les copier (biomimétique) pour les intégrer dans la production de matériaux biodégradables similaires aux plastiques actuels.
Leurs propriétés, durant la phase de dégradation dans l'environnement, exigent cependant encore un examen détaillé avant le développement d'une large utilisation.
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Voir aussi
Articles connexes
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- Zéro déchet : Plastiques
Liens externes
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- « Il y a du plastique dans l'air ! », La Méthode scientifique, France Culture, 19 janvier 2022.
- « Les microplastiques, c'est pas fantastique », La Méthode scientifique, France Culture, 14 octobre 2020.
- Proramme Débris marins (Marine Debris Program) de l'Agence américaine NOAA.
- Portail de la fondation Algalita (Marine Research Foundation).
- Capt. Conférence de Charles Moore sur les mers de plastique (Conréfence TED).
- « Premier recensement des microplastiques dans les eaux suisses », OFEV, .
- Les microplastiques dans l'environnement â Fiche d'information, centre ecotox.
- Programme International Pellet Watch.
- Lave-linges : les filtres Ă microplastiques sont-ils efficaces ?, sur Reporterre
- Preuve de la présence de microplastiques dans les poumons humains
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