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Plastiglomérat

En pétrographie, un plastiglomérat (en anglais : plastiglomerate) est une roche détritique (issue de la dégradation mécanique d'autres roches) en partie artificielle, composée de morceaux discernables d'origine anthropique liés entre eux par un ciment naturel, intégrant en particulier des matières plastiques[1] - [2]. Ou inversement il peut s'agir de matériaux naturels cémentés par du plastique au moment où il a fondu.

Plastiglomérat
Catégorie roche sédimentaire
Sous-catégorie roche détritique
Composition chimique
très variable
Couleur variable selon le type de plastique
Densité variable
Dureté variable
Formation partiellement anthropique

Les plastiglomérats sont considérés comme des roches sédimentaires.

Cette roche nouvelle est l’un des nouveaux marqueurs possible de l’Anthropocène (nom récemment proposé pour désigner la dernière époque géologique du Quaternaire ; dénomination proposée par des scientifiques de diverses disciplines (sciences humaines et sociales, géologie, écologues, géographes…). Il marque en particulier l’avènement de l’« homo plasticus » tel que proposé par Gérard Bertolini, ainsi que l’étendue de la « Plastisphère » définie par Davis en 2015[3] et de la « pollution plastique » que le plastique a générée dans le monde entier en quelques décennies. Elle inaugure un nouveau « cycle géologique du plastique »[4].

Étymologie

Ce mot est composé à partir des mots « plastique » et « conglomérat »[5] ; il a été proposé par Patricia Corcoran, Charles Moore et Kelly Jazvac[2].

Le mot « roche plastique » est parfois également utilisé.

Description

Le plastiglomérat est un matériau semi-naturel composé d'une agrégation de fragments de roche (roche volcanique, sable, débris coquilliers, coraux…) et de matière plastique.

Histoire

Charles Moore, océanographe de l'Institut de recherche marine d'Algalita à Long Beach en Californie est le premier à attirer l’attention sur ce géomatériau nouveau qu’il observe en 2006 en effectuant des levés sur la plage de Kamilo (en) sur la grande île d'Hawaii[6].

Il a été décrit par une équipe américano-canadienne dirigée par Patricia Corcoran, doctoresse en géologie à l'université de Western Ontario, et Kelly Jazvac, enseignante universitaire en art, notamment dans un article paru dans la revue GSA Today (de) de , dans le cadre d'une étude menée sur le site de Kamilo. Corcoran et Jazvac étudient divers échantillons sur la plage de Kamilo en 2012, étude à l'occasion de laquelle elles inventent le terme « plastiglomerate ».

Leur travail aboutit Ă  la description d'un matĂ©riau indurĂ©, constituĂ© de composants d'origines multiples — dĂ©bris de filets de pĂŞche, bouteilles en plastique, « confettis » de plastique issus de la dĂ©gradation d'objets plus gros — cimentĂ©s par des grains de sable. Dans certains cas, les morceaux de plastique fondu s'intègrent dans des roches basaltiques, issues non des irruptions volcaniques pourtant frĂ©quentes dans l'archipel, mais Ă  cause de rĂ©actions chimiques entre la roche basaltique et le plastique. Le bloc le plus grand observĂ© offrait une surface visible de 176 Ă— 82 cm[2].

Origine et catégories

  • Plastique fondu : dans le cas des premiers Ă©chantillons dĂ©crits, il s'agissait notamment de plastiglomĂ©rats de fusion, qui dans le monde ont surtout Ă©tĂ© signalĂ© le long des littoraux oĂą ils sont sans doute plus faciles Ă  dĂ©tecter et observer. Ils ont gĂ©nĂ©ralement Ă©tĂ© produits par des feux de camp dans lesquels ont Ă©tĂ© jetĂ©s des objets en plastique qui ont incomplètement brĂ»lĂ© ou simplement fondus en agglomĂ©rant du sable, du gravier, des cailloux et les matĂ©riaux en place. Les premiers exemples ont Ă©tĂ© citĂ©s sur le littoral d'HawaĂŻ, sur la plage de Kamilo Beach[2]. Il s’agissait lĂ  de roches formĂ©es par l'union inĂ©dite de dĂ©bris de plastique chauffĂ©s et de sĂ©diments environnants ou de roches volcaniques, mais d’autres origines sont possibles (incinĂ©ration incomplète, dĂ©charges d’ordures mĂ©nagères ou de plastiques entrĂ©es en combustion ou exposĂ©es Ă  des incendies de forĂŞt ou de tourbière, des coulĂ©es de lave…)[2] - [7] - [8]. On en a trouvĂ© en surface (oĂą ils peuvent ĂŞtre soumis Ă  l’érosion, enfouis dans le sable littoral ou encore dans les pores de roches volcaniques[9].
  • EncroĂ»tements de plastiques : des plastiques englobĂ©s dans une matrice encroĂ»tante sont Ă©galement retrouvĂ©s dans certains contextes aquatique. Ils peuvent ĂŞtre agglomĂ©rĂ©s par cristallisation dans une eau sursaturĂ©e en minĂ©raux. Les fragments de plastiques proviennent alors souvent de l'accumulation sur les rivages et au fond des ocĂ©ans et des lacs de grandes quantitĂ©s de matières plastiques. Ces dernières ont Ă©tĂ© produites de manière importante depuis la fin des annĂ©es 1950 et leur taux de rĂ©cupĂ©ration et de recyclage demeure très faible, ce qui engendre une grande quantitĂ© de dĂ©chets rejetĂ©s directement dans le milieu naturel, et en particulier dans les eaux libres.
  • Plus rarement il pourrait s'agir de matĂ©riaux minĂ©raux naturels agglomĂ©rĂ©s dans une matrice constituĂ©e d'une rĂ©sine synthĂ©tique liquide qui a durci.

Marqueurs & indicateurs

Les plastiglomérats sont des marqueurs géologiques et pédologiques d’une présence humaine moderne, soit depuis l'avènement de l'ère industrielle.

Ils sont aussi des indicateurs d’horizons potentiellement pollués[2] - [10] - [7] - [8], et ils pourraient conserver de futurs fossiles ou être considérés dans le futur comme des fossiles[6].

Possibles futures fossiles

De nombreux plastiglomérats ont été trouvés dans le sable ou des sédiments littoraux, parfois déjà enfouis, ce qui laisse penser qu’ils pourront s’intégrer dans les couches sédimentaires[2] - [11]. Il est habituellement plus dur et dense que le plastique qui en est à l’origine, ce qui devrait renforcer sa longévité. Mais certains matériaux des plastiglomérats pourraient évoluer en se dépolymérisant pour redonner des hydrocarbures, mais une forme fossile de l’objet en plastique pourrait dans de bonnes conditions persister[12]. Il est dit "Clastique" quand le plastique fondu s’est déjà brisé en morceaux. "In situ" le pastique fondu a aussi pu se couler dans des fentes ou cavités de roches (karstiques par exemple) [13]. Parfois le plastique fondu était assez liquide pour former une matrice qui a englobé des minéraux ou divers types de déchets.

La dégradation des matières plastiques par voies mécanique, chimique ou biologique, leur laisse une durée de vie de plusieurs centaines, voire de plusieurs milliers d'années. Cette durée de vie augmente dans certaines conditions, notamment dans un sol gelé, ou lorsqu'ils se trouvent enterrés ou recouverts de limons, ou lorsqu'ils coulent en dessous de la zone photique, et peuvent dès lors être intégrés dans les processus de pétrogénèse.

Sur les rivages, certaines études ont montré qu'une couche de sable de 5 cm suffisait pour protéger de l'érosion les grains de polystyrène expansé. Les chercheurs de l'équipe en font une preuve de l'entrée de la planète dans un nouvel étage géologique, l'Anthropocène, théorie développée par le prix Nobel de chimie néerlandais Paul Josef Crutzen[2].

Notes et références

  1. Robertson 2016.
  2. Corcoran, Moore et Jazvac 2014, p. 4-8.
  3. Davis 2015.
  4. Zalasiewicz et al. 2016.
  5. Bourg 2015.
  6. Nuwer 2014.
  7. Castro 2014.
  8. Herreria 2014.
  9. Trinastic 2015.
  10. Sharwood 2014.
  11. MacDonald, James (13 August 2014). " "Plastic Rock" ; Marks the Presence of Humans in the Fossil Record". JSTOR Daily. Retrieved 18 January 2015.
  12. Chen, Angus (4 June 2014). "Rocks Made of Plastic Found on Hawaiian Beach". sciencemag.org. American Association for the Advancement of Science. Retrieved 17 January 2015.
  13. Castro, Joseph (4 June 2014). "New Rock Forms from Our Trash: Plastiglomerate : DNews". DNews. Retrieved 17 January 2015.

Voir aussi

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) D. Bielo, « I just want to say one word to you: Plastiglomerate », American Scientific,‎ (lire en ligne [podcast])
  • D. Bourg, « Les mots et les maux de l’environnement », Communications, no 1,‎ , p. 137-144 Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Patricia L. Corcoran, Charles J. Moore et Kelly Jazvac, « An anthropogenic marker horizon in the future rock record », GSA Today, vol. 24, no 6,‎ (DOI 10.1130/GSAT-G198A.1, lire en ligne [PDF], consultĂ© le ) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) H. Davis, « Toxic Progeny: The Plastisphere and Other Queer Futures », philoSOPHIA,, vol. 5, no 2,‎ , p. 231-250 Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Rachel Nuwer, « Future Fossils: Plastic Stone », The New York Times (en ligne),‎ (lire en ligne) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Kirsty Robertson (avec l’aide de Kelly Jazvac et Kelly Wood), « Plastiglomerate », e-flux journal,‎ (lire en ligne) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Simon Sharwood, « Plastic is the new rock, say Geologists », The Register,‎ Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Jonathan Trinastic, « Plastic rock: the new anthropogenic marker in the geologic record », Nature,‎ (lire en ligne) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) J. Zalasiewicz, C. N. Waters, J. A. I. do Sul, P. L. Corcoran, A. D. Barnosky, A. Cearreta, J. R. McNeill et al., « The geological cycle of plastics and their use as a stratigraphic indicator of the Anthropocene », Anthropocene, no 13,‎ , p. 4-17 (lire en ligne [PDF]) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article

Articles connexes

Liens externes

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