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Nanoplastique

Les nanoplastiques sont des nanoparticules de plastique plus petites que cent nanomÚtres ou un micromÚtre (selon les auteurs et les définitions). Ce sont des fragments de macroplastiques, des sous-produits de macrodéchets ou des particules par exemple issues de l'usure, de l'abrasion ou à d'autres formes de dégradation de plastiques, ou plus rarement des polymÚres synthétisés à échelle nanoscopique pour l'industrie ou dans le cadre de travaux de recherche[1] - [2] - [3].

Leur présence dans l'environnement a été ignorée puis trÚs sous-estimée (au milieu des années 2010, il s'agisait encore d'une frange trÚs peu analysée et presque absente des études sur les microplastiques[4].

Une fois dans l'environnement aquatique[5], ils sont facilement ingérés par les larves ou adultes d'organismes filtreurs (moules et huitres par exemple[6]), ou par des animaux suspensivores tels que la crevette Artemia franciscana[7], contaminant alors toutes les chaßnes alimentaires.

En 2015, « les nanoplastiques sont probablement le type de déchets marins le moins connu, mais aussi potentiellement le plus dangereux. »[8]. En 2020, l'évaluation des risques qu'ils posent est encore balbutiante, en raison des difficultés d'analyses et de caractérisation de ces nanoparticules dans l'environnement[9].

Des Ă©tudes tentent d'anticiper ou modĂ©liser leurs effets. Les seuils d’effet envisageables au vu des connaissances disponibles semblent souvent supĂ©rieurs aux concentrations environnementales de nanoplastiques estimĂ©es[10] - [11] - [12] - [13] - [14] - [15] - [16]. Mais on ignore encore d'Ă©ventuels effets synergiques et la possibilitĂ© de bioconcentration dans certains organismes filtreurs ; Ainsi a-t-on montrĂ© en 2014 que les nanoplastiques inhibent la croissance d'un genre d'algue verte, S. obliquus, et la reproduction d'un petit crustacĂ© (Daphnia magna)[17].

Histoire

Une vague d'articles scientifiques sur les microplastiques est apparue à partir de 2004[18], suscitant peu à peu d'autres travaux sur les nanoplastiques, susceptibles d'avoir des propriétés trÚs différentes.

Vu leur provenance, l'augmentation de production de plastique depuis le milieu du XXe siÚcle, et étant donné la longévité du plastique, une large dissémination dans l'environnement est attendue[19]. Chaque objet en plastique pouvant donner naissance à un trÚs grand nombre de nano- et micro plastique (MNP), la contamination de l'environnement naturel, terrestre, aérien et marin et de nos organismes va augmenter[20].

DĂ©finition

Comme pour les nanoparticules en général, la taille d'un nanoplastique a une grande importance pour prévoir ses propriétés physiques, chimiques, mécaniques, biocinétiques, de biodisponibilité, toxicologiques et écotoxicologiques. La taille maximale retenue pour définir un nanoplastique varie selon les auteurs.

Origines

Des nanoplastiques sont introduits dans l'eau, l'air ou les sol volontairement ou accidentellement. Ils peuvent ĂȘtre introduits dans des organismes par inhalation ou ingestion, Ă©ventuellement via des aliments contaminĂ©s, ou directement s'y former, Ă  partir de la dĂ©gradation de microplastiques ou de fragments de plastiques ou de fibres synthĂ©tiques).

Toutes les formes d'abrasion ou de microabrasion de plastiques, et certains processus de décomposition peuvent donner naissance à des nanoplastiques, par exemple via l'usure d'objets, via l'usure de peintures incluant des plastifiants (ex. : marquages routiers), ou encore suite à l'abrasion de millions de pneus en caoutchouc synthétique s'usant au contact des routes.

Des nanoplastiques peuvent ĂȘtre issus :

Dans l'alimentation

Depuis qu'on les cherche, on en trouve dans de nombreux aliments, solides et liquides. L'un des records semble ĂȘtre le thĂ© issu de sachets synthĂ©tiques : Une Ă©tude rĂ©cente (2019)[21] a montrĂ© que le thĂ© infusĂ© dans les sachets «soyeux» synthĂ©tique contient des milliards de nanoplastiques et de microplastique : « le fait de tremper un sachet de thĂ© en plastique unique Ă  la tempĂ©rature d'infusion (95 °C) libĂšre environ 11,6 milliards de microplastiques et 3,1 milliards de nanoplastiques dans une seule tasse de la boisson [...] (nylon et tĂ©rĂ©phtalate de polyĂ©thylĂšne) »[21] ; quantitĂ© qui dĂ©passe de plusieurs ordres de grandeur celles trouvĂ©es dans d"autres aliments et boissons. Peu d'Ă©tudes ont portĂ© sur les effets de ces particules sur la santĂ© chez l'Humain, mais des daphnies exposĂ©es Ă  ces microplastiques nageaient «follement»[22], et des tests de toxicitĂ© aiguĂ« faits sur des invertĂ©brĂ©s ont conclu que l’exposition aux seules particules libĂ©rĂ©es par les sachets de thĂ© (pas Ă  la thĂ©ine) a des effets sur le comportement et le dĂ©veloppement (effets de type "dose-dĂ©pendant")[21].

Nanotoxicologie

C'est une préoccupation récente, encore scientifiquement trÚs peu explorée.

GrĂące aux Ă©tudes sur les microplastique et sur diverses nanoparticules, on sait qu'ils peuvent ĂȘtre inhalĂ©s et passer directement dans le sang, ou ĂȘtre ingĂ©rĂ©s avec les boissons ou aliments et passer dans l'organisme humain[23] ou dans l'air notamment[24].

Écotoxicologie

Des fragments de plastiques de taille variée sont retrouvés dans les systÚmes digestifs de presque tous les grands animaux marins. Et des particules de petite taille sont trÚs souvent retrouvées dans les coquillages filtreurs. Ils sont donc déjà largement diffusés dans les environnements terrestres et marins.

On sait déjà que :

  • leur prĂ©sence dans des agrĂ©gats marins facilite leur ingestion par exemple par des larves bivalves filteurs, comme l'ont montrĂ© Ward et ses collĂšgues en 2009 que[11] ;
  • le nanopolystyrĂšne interfĂšre avec le comportement alimentaire de la moule commune (Mytilus edulis L.), comme l'ont montrĂ© Wegner et ses collĂšgues en 2012[13] ;
  • ils peuvent aussi pĂ©nĂ©trer le phytoplancton et les algues et, en condition de laboratoire, ils se montrent alors capables d'inhiber la photosynthĂšse[12] ;
  • des nanoparticules issues de polystyrĂšne peuvent perturber les couches de lipides constituant la membrane cellulaire (dĂ©montrĂ© en 2013)[25] ;
  • le nanopolystyrĂšne ingĂ©rĂ© En eau douce par la daphnie Daphnia galeata inhibe sa reproduction, et est source d'anomalies du dĂ©veloppement embryonnaire (montrĂ© en 2017)[26] ;
  • Compte tenu de la rĂ©partition, de l'abondance et de la persistance des micro- et nanoplastiques (MNP), l'exposition des humains et des animaux (aquatiques notamment) Ă  ces contaminants est devenue inĂ©vitable. Une fois inhalĂ© et/ou ingĂ©rĂ©, les nanoplastiques peuvent atteindre le cerveau, en quantitĂ© et avec des effets qui sont encore ignorĂ©s. Mais ce que l'on sait sur d'autres nanoparticules fait Ă©voquer une possible neurotoxicitĂ© ; puisque mĂȘme des nanoparticules d'or (Au) considĂ©rĂ©es comme inertes et chimiquement neutres se montrent neurotoxiques dans le cerveau de diffĂ©rentes espĂšces (et in vitro), on suppose que les nanoplastiques peuvent au moins induire un stress oxydatif et par suite des dommages aux neurones ; ils pourraient aussi inhiber l'acĂ©tylcholinestĂ©rase et modifier le taux de plusieurs neurotransmetteurs, avec alors des effets comportementaux. Selon PrĂŒst et al. (2020) « une comparaison systĂ©matique des effets neurotoxiques de diffĂ©rents types, formes et tailles de particules Ă  diffĂ©rentes concentrations et durĂ©es d'exposition fait dĂ©faut, mais est nĂ©cessaire de toute urgence pour Ă©lucider davantage le danger neurotoxique et le risque d'exposition aux micro- et nanoplastiques »[27].

Dispersion géographique et devenir

Analyse d'échantillons de glace collectés :
* Au Groenland ; 13,2 ng/mL de nanoplastiques en moyenne, jusqu'à 14 m de profondeur dans un névé : polyéthylÚne (PE), polypropylÚne (PP), polyéthylÚne téréphtalate (PET), polystyrÚne (PS), chlorure de polyvinyle (PVC) et nanoparticules issues de l'usure des pneus[28].
* Dans de la glace de mer (prélevée sur la banquise antarctique) : 52,3 ng/mL de nanoplastiques en moyenne (PE, PP et PET).
Rem : les nanoplastiques issus de pneus sont plus rares au sud qu'au nord[28].

TrÚs légers, encore plus facilement diffusés que les microplastiques, les nanoplastiques semblent avoir déjà contaminé tous les endroits supposés vierges du monde, zones polaires y compris, pendant que d'autres contaminants (ex : plomb et suie diminuaient grùce aux réglementations internationales). Dans l'océan, via les réenvols dans les embruns marins, ils semblent pouvoir recontaminer l'air, les sols littoraux[29] ou la glace marine en train de mer former[30].

Selon une étude récente (2022) d'échantillons de glace prélevés au-delà du cercle polaire sud et nord : le nanoplastique le plus fréquent y est le PE (> 50 % du total)[28].

  • Au Groenland, en moyenne 13,2 ng/mL de nanoplastiques ont Ă©tĂ© trouvĂ©s dans une carotte, avec jusqu'Ă  14 m de profondeur dans un nĂ©vĂ© des nanofragments de polyĂ©thylĂšne (PE), de polypropylĂšne (PP), de polyĂ©thylĂšne tĂ©rĂ©phtalate (PET), de polystyrĂšne (PS), de chlorure de polyvinyle (PVC) et des nanoparticules provenant de l'usure des pneus[28].
  • La banquise antarctique n'est pas Ă©pargnĂ©e avec en moyenne 52,3 ng/mL de nanoplastiques (PE, PP et PET) trouvĂ©s dans un Ă©chantillon de glace de mer analysĂ©. Les rĂ©sidus d'usure des pneus sont plus rares au sud, alors qu'ils sont dominant dans l'Arctique[28].

TrĂšs facilement ingĂ©rĂ© et intĂ©grĂ©s dans les organismes, mĂȘme trĂšs petits (zooplancton notamment[31]) ; ils peuvent alors contaminer la chaine alimentaire et/ou ĂȘtre excrĂ©tĂ©s dans les fĂšces et boulettes fĂ©cales, qui dans les eaux douces et marines descendent plus ou moins lentement vers le fond. Cette « neige », composĂ©e de dĂ©chets mĂ©taboliques et de cadavres « chute» en permanence vers les fonds oĂč l'on a dĂ©jĂ  trouvĂ© de nombreuses particules de microplastiques[32] qui font alors partie de ce qu'on appelle parfois la litiĂšre ou le sĂ©diment anthropogĂ©nique[33]. Les nanoparticules Ă©tant plus lĂ©gĂšres que les microparticules, il est possible qu'elles soient beaucoup plus bioassimilables et qu'elles sĂ©dimentent moins facilement.

On sait que les mucus des larvacĂ©s comptent beaucoup dans la recirculation d'une partie des microplastiques dans la chaine alimentaire ; un transfert de pollution de la surface vers le sĂ©diment peut avoir des impacts diffĂ©rĂ©s sur les Ă©cosystĂšmes[32]. Les sĂ©diments peuvent ĂȘtre remobilisĂ©s (remis en suspension par des courants marins, des hĂ©lices, des Ă©clusĂ©es, le chalutage, etc.).

Micro- et nanoplastiques deviennent souvent des surfaces d'absorption ou d'adsorption pour d'autres micropolluants, chimiques cette fois comme du (phĂ©nanthrĂšne[34] ou du PCB par exemple[35]). Et quand ils s'Ă©rodent ils peuvent eux-mĂȘmes relarguer des mĂ©taux toxiques (utilisĂ©s comme colorants ou stabilisateurs anti-UV) ou des perturbateurs endocriniens (plastifiants).

Méthodes de détection, d'analyse, de quantification et de monitoring

Inventer un systÚme fiable, peu coûteux et si possible automatisable capable d'identifier, caractériser (type de plastique, taille, forme de la nanoparticule, etc.) et compter avec précision les nanoplastiques est l'un des défis scientifiques à venir.

Dans les années 2010, les méthodes de détection et protocoles analytiques sont encore à leurs débuts[18]. La Désorption Thermique - Réaction de Transfert de Protons - Spectrométrie de Masse (TD-PTR-MS) permet de détecter et caractériser divers types de nanoplastiques dans l'eau (neige ou glace)[28], mais les mesures deviennent beaucoup plus difficiles quand le nanoplastique est à isoler d'une matrice de type sol, sédiment, tissu végétal ou animal, poussiÚre, etc.). Il tend en outre à s'adsorber sur divers supports, et à fixer diverses autres molécules. Il est enfin rapidement intégré dans des agrégats « hétéroagrégats », des biofilms ou excrété avec les excréments ou pseudofÚces des organismes (filtreurs notamment).

L'utilisation du filet Ă  plancton pour l'Ă©chantillonnage en eau douce ou marine a conduit Ă  sous-estimer les teneurs des milieux aquatiques et marins en micro- et nanoplastiques.

Ceci explique que les premiĂšres Ă©tudes faites sur l'absorption des microplastiques par des ĂȘtres vivants et sur leurs effets toxicologiques (gĂ©nĂ©ralement chez des organismes marins) ont Ă©tĂ© faites avec concentrations de nanoplastiques irrĂ©alistes pour l'environnement naturel[36].

Des méthodes affinées permettent d'étudier sa cinétique environnementale et/ou sa biocinétique, avec par exemple :

  • l'utilisation de marqueurs fluorescents[37] ;
  • l'utilisation de nanosphĂšres de nanopolystyrĂšne[38] - [39], radiomarquĂ© au carbone 14 (14C) pour Ă©tudier les capacitĂ©s d'absorption de nanoplastiques Ă  des doses similaires Ă  celles qu'on peut trouver dans son environnement (<15 ”g/L), chez un mollusque d'intĂ©rĂȘt commercial, le pĂ©toncle (Pecten maximus). Dans ce cas l'expĂ©rimentation a confirmĂ© que l'absorption est rapide, et qu'elle est plus importante pour des particules trĂšs petites (24 nm) que pour des particules de 250 nm. AprĂšs six heures, l'autoradiographie a montrĂ© une accumulation des nanoplastiques de 250 nm dans l'intestin, alors que les particules de 24 nm avaient franchi la barriĂšre intestinale en se dispersant dans tout le corps, ce qui laisse penser que dans une certaine mesure au moins, une translocation au travers des membranes Ă©pithĂ©liales est possible. Cette Ă©tude a aussi montrĂ© que chez cette espĂšce la dĂ©puration Ă©tait Ă©galement relativement rapide, et pour les deux tailles ; Les particules de 24 nm n'Ă©taient plus dĂ©tectables aprĂšs 14 j, mais quelques particules de 250 nm Ă©taient encore prĂ©sentes dans l'organisme 48 j aprĂšs l'ingestion (il existe donc de possibles expositions aiguĂ«s et/ou chroniques).

Au sein du groupe des nanoplastiques, la taille des particules influence donc leur biocinĂ©tique. Une modĂ©lisation tirĂ©e de cette expĂ©rience a conclu qu'il faudrait 300 j d'exposition environnementale continue pour que l'absorption atteigne l'Ă©quilibre dans les tissus corporels du pĂ©toncle (moins de 2,7 mg de nanoplastiques par gramme de chair). Des Ă©tudes plus anciennes ayant exposĂ©s des pĂ©toncles Ă  des nanomatĂ©riaux non plastiques (nanoargent[40]) de taille similaire (20 nm) laissent penser que la taille et la composition des nanoparticules pourrait Ă©galement influer quelque peu sur leur distribution dans les tissus d'absorption.

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Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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