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Adsorption

En chimie, l’adsorption est un phĂ©nomĂšne de surface par lequel des atomes, des ions ou des molĂ©cules - des adsorbats - se fixent sur une surface solide - l'adsorbant - depuis une phase gazeuse, liquide ou une solution solide[1]. Dans le cas d'un atome adsorbĂ©, on parle d'adatome. Ce phĂ©nomĂšne est diffĂ©rent de l'absorption, par lequel un fluide ou le composant d'une solution solide rentre dans le volume d'une autre phase liquide ou solide, mais les deux effets sont similaires et sont facilement (et Ă  tort) confondus, notamment dans des applications pour le grand public[2]. Un exemple usuel typique est la fixation de vapeur d'eau sur une vitre. Industriellement, l'adsorption s'effectue Ă  l'intĂ©rieur de grains d'adsorbant, sur la surface dĂ©veloppĂ©e par les pores afin d'obtenir une grande quantitĂ© fixĂ©e dans un minimum de volume.

Illustration de deux phénomÚnes de sorption : absorption et adsorption.

Le processus d'adsorption est donc basé sur l'interaction de l'adsorbat avec une surface, ce qui peut faire intervenir divers processus plus ou moins intenses comme les interactions de Van der Waals, les interactions dipolaires, ou les liaisons chimiques covalentes ou ioniques[3].

Le phĂ©nomĂšne inverse, par lequel les molĂ©cules adsorbĂ©es sur une surface s’en dĂ©tachent, notamment sous l’action de l’élĂ©vation de la tempĂ©rature, ou de la baisse de pression, se nomme la dĂ©sorption.

Ce phénomÚne a une trÚs grande importance dans de nombreux processus physiques et chimiques[4] : capture de polluants[5], séparation de gaz, catalyse, etc. Il est aussi la base de nombreuses méthodes de caractérisation des solides comme la mesure des surfaces spécifiques ou l'étude de la porosité[6]. En mécanique industrielle, il joue un rÎle fondamental dans les processus de lubrification et les procédés de brasage.

Le terme « adsorption » fut utilisé pour la premiÚre fois en 1881 par le physicien allemand Heinrich Kayser[7]. L'étude de l'adsorption est basée sur la mesure de la corrélation entre la concentration d'adsorbat dans la phase fluide et la quantité d'adsorbat qui est piégée par la surface à une température donnée : c'est la mesure des isothermes d'adsorption[3] - [4]. De trÚs nombreux modÚles ont été et sont toujours créés pour rendre compte des mesures expérimentales, certains sont trÚs simples (isotherme de Langmuir ou de Freundlich) alors que d'autres nécessitent des calculs complexes (simulations basées sur la théorie de la fonctionnelle de la densité ou sur la méthode Monte-Carlo).

Historique

Le phénomÚne d'adsorption était utilisé depuis trÚs longtemps dans la vie pratique, principalement par l'usage du charbon actif dans des applications médicales ou pour la purification d'eau. Il a cependant fallu attendre la fin du XVIIIe siÚcle pour que l'on commence à étudier la capture par un solide d'une espÚce en phase gazeuse[8], puis d'un colorant en solution aqueuse[9]. De Saussure observa ensuite l'aspect exothermique de ce phénomÚne[10].

Les premiÚres applications industrielles furent liées à l'adsorption sélective permettant la séparation de composés gazeux ou liquides, ouvrant la voie à de nombreuses applications telles que la purification d'eau ou d'air. La premiÚre analyse théorique de l'adsorption fut due à Irving Langmuir en 1914, elle décrivait l'adsorption d'une monocouche d'adsorbat sur une surface homogÚne sous la forme d'une équation, l'isotherme de Langmuir.

De trÚs nombreux développements ont été publiés durant tout le XXe siÚcle pour prendre en compte l'adsorption multicouche sur des surfaces complexes [11]. L'isotherme d'adsorption le plus utilisé est celui de Brunauer, Emmet et Teller [12], cette équation BET généralise l'approche de langmuir à une adsorption multicouche et est devenue le modÚle standard pour la détermination de la surface spécifique des solides [6]. Les trois derniÚres décennies ont vu se développer de nombreux modÚles utilisant la théorie de la fonctionnelle de la densité ou la méthode Monte-Carlo qui sont basées sur une description des interactions entre l'adsorbat et l'adsorbant à l'échelle moléculaire.

Aspects théoriques

Types d'interactions

Selon la nature des interactions qui retiennent l'adsorbat sur la surface de l'adsorbant, l'adsorption peut ĂȘtre classĂ©e en deux familles :

  • l’adsorption physique ou physisorption met en jeu des liaisons faibles, du type forces de van der Waals entre les espĂšces chimiques adsorbĂ©es et l’adsorbant. Ces liaisons sont analogues Ă  celles qui sont impliquĂ©es lors d’une liquĂ©faction. Elle se produit cependant bien avant que le gaz n’atteigne une pression Ă©gale Ă  sa pression de vapeur saturante, Ă  des tempĂ©ratures assez basses et voisines du point d’ébullition de la phase adsorbĂ©e. Elle est en gĂ©nĂ©ral rĂ©versible et l’équilibre est obtenu lorsque les vitesses d’adsorption et de dĂ©sorption sont Ă©gales. L’adsorption physique est favorisĂ©e par une baisse de la tempĂ©rature ;
  • l'adsorption chimique ou chimisorption met en jeu des Ă©nergies de liaison importantes, du type liaisons covalentes, ioniques ou mĂ©talliques entre les espĂšces chimiques adsorbĂ©es et l’adsorbant. Elle s’accompagne d’une profonde modification de la rĂ©partition des charges Ă©lectroniques des molĂ©cules adsorbĂ©es. Elle est souvent irrĂ©versible (ou difficilement rĂ©versible). Comme elle nĂ©cessite la formation d'interactions de forte Ă©nergie et Ă  courte distance, la chimisorption engendre la formation d'une couche monomolĂ©culaire.

Le premier cas correspond par exemple Ă  l'adsorption de diazote sur un matĂ©riau poreux[3], alors que le second est observĂ© lors de l'adsorption de dioxygĂšne sur un matĂ©riau carbonĂ© Ă  300 °C[13]. Dans le cas oĂč l'adsorbat est en solution dans un solvant, les interactions Ă©lectrostatiques peuvent jouer un rĂŽle trĂšs important. Dans ce cas, l'isotherme d'adsorption sera fortement influencĂ© par le pH de la solution car il peut modifier la charge de surface de l'adsorbant et la polaritĂ© des espĂšces en solution. C'est par exemple le cas pour l'adsorption sur des matĂ©riaux carbonĂ©s de colorants[14] ou de polluants comme les composĂ©s phĂ©noliques[15].

Phase gazeuse

Pour une température , l'équation caractéristique décrivant le phénomÚne d'adsorption depuis la phase gazeuse est la quantité d'adsorbat capturée par la surface de l'adsorbant en fonction de la pression d'adsorbat :

Classification des isothermes d'adsorption (en rouge) et de désorption (en vert). L'abscisse est la pression d'adsorbat PA qui peut varier entre 0 et la pression de vapeur saturante, l'ordonnée est la quantité de A adsorbée.

Ă©tant le nombre de moles adsorbĂ©es et la masse d'adsorbant. Dans le cas oĂč le fluide n'est pas en Ă©tat supercritique, on utilise souvent la pression relative , Ă©tant la pression de vapeur saturante Ă  la tempĂ©rature . Cet isotherme peut ĂȘtre complexe car plusieurs processus peuvent ĂȘtre mis en jeu dans l'adsorption. De façon gĂ©nĂ©rale, on peut indiquer trois grandes rĂ©gions :

  • faible pression : l'adsorption nĂ©cessite une forte affinitĂ© de l'adsorbat avec la surface, ce qui est souvent observĂ© lors de l'adsorption dans les pores de taille nanomĂ©triques ;
  • moyenne pression : l'adsorption peut se faire mĂȘme si l'Ă©nergie d'interaction est plus modĂ©rĂ©e, on observe donc en gĂ©nĂ©ral l'adsorption par condensation capillaire dans les pores de 5 Ă  50 nm ;
  • forte pression : on approche de la pression de vapeur saturante, donc on commence Ă  observer de la condensation entre les grains du matĂ©riau.

Cinq formes caractéristiques ont été définies par Brunauer et al.[16]. Cette classification a ensuite été affinée par le groupe de travail sur l'adsorption de l'IUPAC[3] - [4]. On constate que dans certains cas les isothermes d'adsorption sont différents des isothermes de désorption, le phénomÚne d'adsorption n'est donc pas toujours parfaitement réversible. Ces isothermes correspondent aux adsorbants suivants :

  • type Ia et Ib : observĂ©s pour des adsorbants microporeux, c'est-Ă -dire des matĂ©riaux pour lesquels la porositĂ© est principalement constituĂ©e de pores de moins de 2 nanomĂštres ;
  • type IIa et IIb : correspond Ă  des agrĂ©gats de grains non poreux, par exemple des argiles, des ciments, des pigments ;
  • type III : adsorption de trĂšs faible Ă©nergie sur un Ă©chantillon non poreux, c'est un cas rarement observĂ© ;
  • type IV : ces isothermes correspondent Ă  des matĂ©riaux mĂ©soporeux, c'est-Ă -dire des solides pour lesquels le volume poreux est principalement constituĂ© de pores ayant une taille comprise entre 2 et 50 nm ;
  • type V : est similaire au type IV, mais indique une faible Ă©nergie d'interaction entre l'adsorbat et l'adsorbant ;
  • type VI : est un isotherme Ă  marches, il indique la formation successive de couches adsorbĂ©es sur la surface de l'adsorbant.

Phase liquide

Groupes principaux de la classification de Giles pour les isothermes d'adsorption en solution. L'abscisse est la concentration CA, l'ordonnée est la quantité adsorbée.

Si l'adsorbat est une molécule en solution dans un solvant, l'équation caractéristique devient :

Les formes caractéristiques des isothermes ont été classifiées par Giles[17] en quatre groupes principaux:

  • type S : correspond Ă  une adsorption dans laquelle interviennent les interactions adsorbat-adsorbant, mais aussi adsorbat-adsorbat. On peut donc observer une adsorption coopĂ©rative de molĂ©cules ;
  • type L : forme correspondant Ă  l'isotherme de Langmuir ;
  • type H : correspond Ă  une forte affinitĂ© entre l'adsorbat et l'adsorbant, ce qui conduit Ă  une adsorption importante mĂȘme si la concentration est faible ;
  • type C : correspond Ă  un isotherme linĂ©aire, ce qui veut dire que le nombre de nouveaux sites d'adsorption sont crĂ©Ă©s lors de l'adsorption.

Des sous-groupes ont été définis pour rendre compte de la diversité des mesures expérimentales[18].

Mesure des isothermes d'adsorption

Il existe de nombreuses méthodes permettant de déterminer les courbes caractéristiques de l'adsorption[3] - [6] - [19]. les points importants sont les suivants :

  • il faut mesurer deux paramĂštres Ă  l'Ă©quilibre : la quantitĂ© adsorbĂ©e et la concentration ou la pression partielle d'adsorbat ;
  • il faut ĂȘtre Ă  l'Ă©quilibre, ce qui peut rĂ©clamer un temps consĂ©quent : plusieurs heures en phase gazeuse et plusieurs jours en phase liquide. Ceci est souvent liĂ© Ă  la faible taille de pore des adsorbants, ce qui conduit Ă  une rĂ©duction trĂšs importante de la vitesse de diffusion des molĂ©cules d'adsorbat vers la surface du solide [20] ;
  • il faut contrĂŽler prĂ©cisĂ©ment la tempĂ©rature lors des mesures.

Les méthodes diffÚrent suivant que l'on étudie l'adsorption en phase gazeuse ou en solution.

Isothermes d'adsorption de N2 à 77K pour deux carbones activés. L'isotherme en rouge est de type 1 (carbone microporeux), l'isotherme en vert est de type 4 (carbone avec des micropores et des mésopores). Le graphe en échelle logarithmique montre le domaine d'adsorption dans les micropores, celui en échelle linéaire se focalise sur celui de l'adsorption dans les mésopores.

Manométrie

Cette mĂ©thode est utilisĂ©e pour la phase gazeuse. La premiĂšre Ă©tape est de nettoyer l'Ă©chantillon en enlevant tout ce qui peut ĂȘtre adsorbĂ© sur sa surface, cette Ă©tape appelĂ©e dĂ©gazage se fait en mettant l'Ă©chantillon sous un vide poussĂ© (10-6 mmHg) avec le cas Ă©chĂ©ant un chauffage modĂ©rĂ© de l'Ă©chantillon. La mesure proprement dite s'effectue comme suit :

  • l'Ă©chantillon de volume est mis dans une cellule de volume sous vide et un autre volume est rempli avec une pression d'adsorbat ;
  • on ouvre la vanne entre les deux cellules et on laisse la pression s'Ă©quilibrer, s'il n'y aucune adsorption la pression finale sera , s'il y a adsorption la pression sera et la quantitĂ© de matiĂšre adsorbĂ©e est proportionnelle Ă  la diffĂ©rence de pression observĂ©e ;
  • pour faire le point suivant, on recommence avec une pression plus Ă©levĂ©e.

Cette méthode a l'avantage important de permettre le calcul des deux grandeurs désirées avec une seule mesure de pression. Elle est aussi facilement automatisable et plusieurs sociétés proposent des appareillages totalement automatiques[21].

Isothermes d'adsorption en solution

Le principe est de mettre en contact une masse d'adsorbant avec un volume d'une solution d'adsorbat à la concentration initiale , l'adsorption va provoquer une diminution de cette concentration. Lorsque l'équilibre est atteint, il faut donc séparer le solide de la solution libre (que l'on nomme surnageant), et mesurer sa concentration en adsorbat . La quantité adsorbée est .

Comme indiqué plus haut, il est en général nécessaire de faire au préalable une étude cinétique de l'adsorption pour établir le temps nécessaire à l'établissement de l'équilibre. D'autre part, il existe un effet de matrice puisque les autres espÚces présentes dans le milieu peuvent aussi s'adsorber sur le solide, on étudie donc la compétition entre les différents adsorbats présents.

Interprétation des isothermes d'adsorption

Physisorption

L'objectif est de corréler les isothermes d'adsorption avec des propriétés caractéristiques de l'adsorbant et de l'adsorbat :

  • nature de l'interaction, quantification de l'Ă©nergie d'interaction ;
  • propriĂ©tĂ©s de la phase adsorbĂ©e: densitĂ©, arrangement des molĂ©cules ;
  • texture de l'adsorbat: surface spĂ©cifique, volume poreux, taille et forme des pores.

De trÚs nombreuses équations et modÚles ont été créés depuis le début du XXe siÚcle pour accéder à ces informations [3] - [11]. La difficulté est que pour un matériau donné, il peut y avoir différents types de phénomÚnes qui interviennent. Les différentes approches possibles sont les suivantes :

  • la comparaison avec des isothermes de rĂ©fĂ©rence obtenus sur des matĂ©riaux modĂšles ;
  • la simplification Ă  un type d'interaction, ce qui permet de ramener tout ou partie de l'isotherme Ă  un seul phĂ©nomĂšne physique ;

Depuis la fin du XXe siÚcle, une autre approche consiste à construire un modÚle atomique du matériau et à calculer l'isotherme que l'on devrait obtenir. La comparaison avec les isothermes expérimentaux permet de valider le modÚle[22].

Isotherme de Freundlich

Il existe de nombreuses possibilités pour ajuster des données expérimentales avec une équation mathématique. Dans le domaine de l'adsorption, l'équation la plus utilisée est celle de Freundlich[23]:

étant une constante supérieure à 1. La complexité des isothermes obtenus expérimentalement s'accorde cependant rarement avec cette simple loi de puissance sur un large domaine de pression. De plus, cette équation ne tend pas vers la Loi de Henry lorsque la pression tend vers 0.

Loi de Henry

La Loi de Henry, initialement définie pour étudier la quantité de gaz dissout dans un liquide, recouvre un principe plus général que l'on peut appliquer à l'adsorption : lorsque la concentration en adsorbat tend vers 0, la quantité adsorbée tend aussi vers 0. De plus, la relation entre quantité adsorbée et concentration en adsorbat est linéaire :

Tout modĂšle d'adsorption devrait donc se ramener Ă  cette Ă©quation lorsque tend vers 0. Sur le plan pratique, cette Ă©quation est cependant peu utilisĂ©e car la surface des matĂ©riaux est hĂ©tĂ©rogĂšne et comporte diffĂ©rents sites d'adsorption, donc mĂȘme en supposant que l'adsorption sur ces diffĂ©rents sites se fait de façon indĂ©pendante, il y a donc autant de valeurs de que de types de sites d'adsorption. Toutefois, c'est la loi sur laquelle repose la chromatographie analytique: chaque constituant du mĂ©lange Ă  sa propre valeur de k, et, Ă  cause de la linĂ©aritĂ©, chaque constituant s'adsorbe indĂ©pendamment des autres. Le chromatogramme d'un mĂ©lange est donc identique Ă  la superposition des chromatogrammes de chaque constituant injectĂ© pur. ceci permet de faire un Ă©talonnage avec des corps purs.

ModĂšle de Langmuir

C'est le plus ancien modÚle tentant de décrire le phénomÚne d'adsorption sur une surface plane homogÚne [24]. Il conduit à l'équation:

dans laquelle est la quantité maximale de molécule nécessaire à la formation d'une monocouche sur la surface, et est une constante caractéristique de l'affinité de l'adsorbat avec la surface. Cet isotherme est principalement utilisé lorsque l'adsorption conduit à la formation d'une monocouche, caractéristique d'une interaction forte entre la surface et l'adsorbat. Ce que l'on observe par exemple en catalyse. On constate que cette équation tend vers la loi de Henry lorsque la pression tend vers 0.

Cette équation a donné lieu à un certain nombre de variantes, la plus connue est l'équation de Langmuir-Freundlich (aussi nommée équation de Sips) qui combine l'équation empirique de Freundlich avec le modÚle de Langmuir [25]:

ModĂšle BET

Ce modÚle a été développé par Stephen Brunauer, Paul Hugh Emmett et Edward Teller en 1938[12]. C'est une extension du modÚle de Langmuir à une adsorption en multicouches sur une surface plane homogÚne, on aboutit à l'équation suivante :

ou en utilisant la pression relative :

est la constante BET qui est caractéristique de l'interaction entre l'adsorbat et l'adsorbant.

Cette thĂ©orie est la base de la mĂ©thode standard pour la mesure de la surface spĂ©cifique, nommĂ©e surface BET par rĂ©fĂ©rence aux initiales des auteurs[6]. Ce modĂšle est principalement adaptĂ© aux matĂ©riaux comportant des pores ayant une taille supĂ©rieure Ă  quelques nanomĂštres. Il est cependant aussi utilisĂ© pour les matĂ©riaux microporeux (taille de pore infĂ©rieure Ă  2 nanomĂštres), la surface obtenue dans ce cas est alors plutĂŽt un index caractĂ©ristique du matĂ©riau qu'une vraie valeur de la surface spĂ©cifique[26].

ModĂšle BJH

Ce modÚle est basé sur la condensation capillaire dans un milieu poreux, donc sur l'équation de Kelvin. Il a été formalisé par E. P. Barrett, L. G. Joyner et P. P. Halenda en 1951 [27]. Le principe est de considérer que la porosité du matériau est constituée d'un ensemble de pores cylindriques indépendants les uns des autres. Pour une pression de vapeur donnée, on observera une condensation dans tous les pores dont le rayon est inférieur au rayon de Kelvin de la vapeur :

dans laquelle est la pression de vapeur saturante, est la tension de surface, est le volume molaire du liquide, est la Constante universelle des gaz parfaits et est la tempĂ©rature. Par dĂ©rivation de l'isotherme d'adsorption, on peut donc calculer la distribution en taille des pores du matĂ©riau. Étant basĂ© sur l'Ă©quation de Kelvin, il s'applique dans un domaine de validitĂ© de cette Ă©quation qui correspond aux pores dont la taille est supĂ©rieure Ă  quelques nanomĂštres, c'est-Ă -dire le domaine des mĂ©sopores. Cette mĂ©thode est encore la plus utilisĂ©e pour l'Ă©tude de la mĂ©soporositĂ© des matĂ©riaux [6].

Isotherme d'adsorption sur une surface hétérogÚne

Un adsorbant peut contenir différents types de sites d'adsorption mettant en jeu des phénomÚnes physiques et chimiques différents. Pour prendre en compte cette hétérogénéité, la méthode la plus simple consiste à supposer que la surface est composée par une distribution de différents types de sites caractérisés par leur énergie d'adsorption. L'hypothÚse majeure est que chaque type de site se remplit indépendamment des autres. Par conséquent, on peut définir pour chaque type de site un isotherme d'adsorption en fonction de la pression d'adsorbat ou de sa concentration, et l'isotherme d'adsorption total est une somme pondérée de l'adsorption dans tous les types de site [3] - [28] :

dans laquelle est l'isotherme d'adsorption dans les sites ayant une Ă©nergie d'interaction , et est la fonction de distribution des sites, c'est-Ă -dire la fraction de sites ayant une Ă©nergie d'interaction . L'isotherme local peut ĂȘtre l'une des nombreuses autres Ă©quations qui ont Ă©tĂ© proposĂ©es pour l'adsorption. Dans le cas des Ă©quations simples (Freundlich, TĂłth, etc), il existe des solutions analytiques si on suppose que et que [29].

Pour la détermination de la distribution en taille des mésopores, la méthode la plus utilisée est celle de Barret, Joyner et Halenda[27]. Ces chercheurs ont supposé que l'on a des pores cylindriques dans lesquels l'adsorption se fait par condensation capillaire, on peut donc appliquer l'équation de Kelvin reliant le rayon des pores à la pression d'équilibre de l'adsorbat. Cette méthode, appelée BJH par référence aux auteurs, est la plus utilisée pour l'étude de la distribution en taille des pores ayant une taille supérieure à nm (puisque l'équation de Kelvin n'est plus juste en dessous de cette taille)[3].

Depuis le début du XXIe siÚcle, l'isotherme local est souvent calculé par des méthodes telles que la théorie de la fonctionnelle de densité[30] ou la méthode Monte-Carlo. Les méthodes mathématiques permettant de recalculer la distribution à partir de l'isotherme total expérimental ont été développées[31], ce qui permet de calculer la distribution en taille des pores à partir de la mesure de l'isotherme d'adsorption.

Adsorbants

Généralités

Un adsorbant est un matériau qui a été optimisé pour un certain type d'adsorption. Il n'existe donc pas une unique liste de caractéristiques permettant de définir un adsorbant, mais plutÎt un trÚs grand nombre de types de matériaux pouvant avoir des propriétés trÚs différentes. Les propriétés que l'on peut définir sont:

  • la capacitĂ© d'adsorption qui peut ĂȘtre liĂ©e Ă  la surface spĂ©cifique ou au volume poreux ;
  • l'Ă©nergie d'interaction qui conditionne le caractĂšre plus ou moins rĂ©versible de l'adsorption, une Ă©nergie trop importante peut dĂ©favoriser une rĂ©gĂ©nĂ©ration de l'adsorbant par dĂ©sorption ;
  • la cinĂ©tique d'adsorption peut ĂȘtre un paramĂštre essentiel dans certains procĂ©dĂ©s tels que la sĂ©paration de gaz par inversion de pression ;
  • la tenue Ă  la pression, Ă  la tempĂ©rature, la rĂ©sistance Ă  l'attrition peuvent ĂȘtre des facteurs essentiels pour la durĂ©e de vie de l'adsorbant ;
  • la morphologie de l'adsorbant est un point essentiel si on utilise un lit d'adsorbant solide traversĂ© par un fluide ;
  • le coĂ»t financier et environnemental, la disponibilitĂ© locale de l'adsorbant doivent ĂȘtre pris en compte.

À l'heure actuelle, on trouve deux grandes classes de matĂ©riaux Ă  grande surface utilisĂ©s comme adsorbant Ă  grande Ă©chelle : les carbones activĂ©s (aussi nommĂ©s charbons actifs) et les oxydes tels que les zĂ©olithes. Il existe de nombreux autres adsorbants basĂ©s sur des matĂ©riaux carbonĂ©s, sur des oxydes ou sur des polymĂšres.

Les adsorbants sont gĂ©nĂ©ralement utilisĂ©s sous forme de granulĂ©s sphĂ©riques ou de tiges. Ils doivent avoir une bonne rĂ©sistance Ă  l'abrasion et Ă  la tempĂ©rature et avoir des pores de faibles diamĂštres, ce qui rĂ©sulte en une surface spĂ©cifique Ă©levĂ©e. Les adsorbants industriels les plus connus peuvent ĂȘtre classĂ©s en trois familles :

ClasseExemplesPropriétés
Adsorbants carbonésCharbon actif et graphiteHydrophobes et apolaires
Adsorbants oxygénésAlumine activée, gel de silice et zéolithesHydrophiles et polaires
Adsorbants polymÚresSouvent des polymÚres styréniques réticulésFonctions polaires et apolaires dans une matrice polymÚre

Carbones activés

Un charbon actif est prĂ©parĂ© en deux phases : la carbonisation d'un prĂ©curseur tel que le bois pour fabriquer un carbone, et l'activation de ce carbone par attaque chimique pour dĂ©velopper ses propriĂ©tĂ©s adsorbantes. Ces deux phases peuvent ĂȘtre rĂ©alisĂ©es successivement ou en mĂȘme temps suivant les procĂ©dĂ©s de fabrication. En fonction du prĂ©curseur utilisĂ© et des conditions de fabrication, on peut obtenir des charbons actifs ayant des propriĂ©tĂ©s diffĂ©rentes : surface spĂ©cifique, taille de pore, volume poreux, etc.

De façon gĂ©nĂ©rale, le charbon actif est un excellent adsorbant : sa capacitĂ© d’adsorption des molĂ©cules organiques et des gaz est remarquable, d’oĂč son utilisation dans les masques de protection, dans l’antidote universel des Égyptiens ou dans des mĂ©dicaments contre la dyspepsie. La plus grande partie de la production actuelle est utilisĂ©e pour la capture des polluants en solution aqueuse pour obtenir de l'eau potable, ou pour la purification de flux gazeux (Ă©puration des fumĂ©es ou purification d'air).

Adsorbants oxygénés

Grùce à leur structure cristalline en feuillets, les argiles et les zéolites sont de bons adsorbants naturels.

ProblÚmes posés par l'adsorption et solutions

L’adsorption peut aussi ĂȘtre une propriĂ©tĂ© indĂ©sirable, un composĂ© Ă  faible concentration pouvant ĂȘtre complĂštement adsorbĂ© sur les parois du rĂ©cipient, de telle sorte qu’aux hautes dilutions, on ne retrouve plus trace de l’analyte. Ainsi, afin d’obtenir des rĂ©sultats justes, les analystes utilisent des matĂ©riaux aussi inertes que possible, comme le polytĂ©trafluoroĂ©thylĂšne (PTFE) (connu sous divers noms commerciaux comme « Teflon ») ou traitent prĂ©alablement les rĂ©cipients, par exemple par silanisation du verre (inactivation de la silice avec du dimĂ©thyldichlorosilane).

Applications

Procédé de séparation

La physisorption sur les solides est utilisĂ©e pour la sĂ©paration et la purification des gaz et pour la sĂ©paration des solutĂ©s dans des liquides[32]. Dans le cas des gaz, le procĂ©dĂ© de sĂ©paration par adsorption est un processus cyclique au cours duquel ont lieu alternativement l’adsorption d’un gaz par un solide ou un liquide Ă  une pression et une tempĂ©rature donnĂ©es, puis sa dĂ©sorption. Selon la mĂ©thode de dĂ©sorption utilisĂ©e, le procĂ©dĂ© de sĂ©paration peut ĂȘtre[33] :

  • adsorption Ă  pression modulĂ©e (APM) (pressure swing adsorption, PSA, en anglais) : la dĂ©sorption a lieu Ă  une pression plus faible ;
  • adsorption Ă  tempĂ©rature modulĂ©e (ATM) (temperature swing adsorption, TSA, en anglais) : la dĂ©sorption a lieu Ă  une tempĂ©rature plus Ă©levĂ©e.
  • adsorption en phase liquide suivie d'une Ă©lution par modification du pH et/ou de la force ionique
  • adsorption en phase liquide sur un charbon actif suivie d'une rĂ©gĂ©nĂ©ration externe dans un four (par exemple, la dĂ©coloration des sirops de glucose)

Autres applications

Parmi les autres applications pratiques faisant appel à l’adsorption, on peut citer :

Notes et références

  1. (en) Union internationale de chimie pure et appliquée (IUPAC), « Compendium of Chemical Terminology (Gold Book) : Adsorption », sur goldbook.iupac.org (consulté le ).
  2. (en) Union internationale de chimie pure et appliquée (IUPAC), « Compendium of Chemical Terminology (Gold Book) : Absorption », sur goldbook.iupac.org (consulté le ).
  3. (en) F. Rouquerol, J. Rouquerol, K. S. W. Sing et coll, "Adsorption by powders and porous solids: principles, methodology and applications", Academic Press 2nd edition, 2014.
  4. L-M Sun, F. Meunier, N. Brodu, M-H Manero, « Adsorption - Aspects théoriques », Techniques de l'ingénieur, J2730 V2, 2016.
  5. P. Le Cloarec, « Adsorption en traitement de l'air », Techniques de l'ingénieur, G1770 V1, 2003.
  6. (en) J. Rouquerol, D. Avnir, C. W. Fairbridge, D. H. Everett, et al., « Recommendations for the characterization of porous solids », Pure and Applied Chemistry, volume 66, numéro 8, 1994, p. 1739-1758.
  7. (de) Kayser, Heinrich, Über die Verdichtung von Gasen an OberflĂ€chen in ihrer AbhĂ€ngigkeit von Druck und Temperatur, Annalen der Physik und Chemie, volume 248, numĂ©ro 4, 1881, p. 526–537. doi:10.1002/andp.18812480404.
  8. C. W. Scheele "Chemische Adhandlung von der luft und dem feuer (1777).
  9. T. Lowitz Crell's Chemische Annalen vol 2, page 36 (1788).
  10. N. T. de Saussure "Beobachtungen ĂŒber die absorption der gasarten durch verschiedene körper" Gilbert's Annalen der Physik, vol 47, pages 113-183.
  11. Z. A. Dabrowski "Adsorption - from theory to practice" Advances in Colloids and Interface Science, vol 93, pages 135-224 (2001).
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