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Henri Mordacq

Jean Jules Henri Mordacq, né le 12 janvier 1868 à Clermont-Ferrand et mort le 12 avril 1943 à Paris, est un militaire français, général de division durant la PremiÚre Guerre mondiale.

Henri Mordacq
Henri Mordacq
Le général de division Henri Mordacq, peint par J.-F. Bouchon début 1919. Ses décorations, de gauche à droite : cravate de la Légion d'honneur, croix de guerre (5 palmes), médaille commémorative du Tonkin, médaille coloniale avec agrafe « Tonkin ».

Surnom L'Ours
Naissance
Clermont-Ferrand
DĂ©cĂšs
4e arrondissement de Paris
Allégeance Drapeau de la France France
Arme Infanterie
Grade Général de corps d'armée
AnnĂ©es de service 1887 – 1925
Commandement 25e bataillon de chasseurs Ă  pied
159e régiment d'Infanterie
24e division d'Infanterie
30e corps d'armée
Conflits Tonkin, Cochinchine, Cambodge, Algérie, PremiÚre Guerre mondiale
Faits d'armes Bataille de la Chipotte
Bataille de la Haute Meurthe
Bataille d'Arras
Bataille d'Ypres
Bataille de la Somme
Bataille de Verdun
Bataille des monts de Champagne
Distinctions Grand-officier de la LĂ©gion d'honneur
Croix de Guerre 14-18 (5 palmes)
Autres fonctions Professeur Ă  l'École supĂ©rieure de Guerre
Officier d'Ă©tat-major au 1er CA et au MinistĂšre de la Guerre
Chef d'Ă©tat-major Ă  la 10e DI et au 1er GDIR
Commandant en second de l'École militaire de Saint-Cyr
Chef du cabinet militaire du président du Conseil - ministre de la Guerre

Jeune officier de Zouaves en Afrique puis officier de Légion en Indochine, il s'illustre au cours de la PremiÚre Guerre mondiale en tant que colonel, chef de corps du 159e régiment d'Infanterie, puis commandant de la 88e brigade d'infanterie, de la 90e brigade d'infanterie, et enfin de la 24e division d'Infanterie.

Le président du Conseil et ministre de la Guerre Georges Clemenceau le nomme chef de son cabinet militaire le jour de son arrivée au pouvoir fin 1917. Il occupe ces fonctions de novembre 1917 à janvier 1920.

Le Dictionnaire Clemenceau (2018) indique : « Il n'est pas excessif d'affirmer que la victoire fut possible parce que, dans l'ombre de Clemenceau, inlassable, anticipant tout, parant à tout, "toujours donnant en plein collier, railleur et défiant" (dixit Clemenceau) se trouvait un Mordacq, oublié des généraux vainqueurs. » [1]

Avant de quitter l'armée pour se consacrer à la vie politique et citoyenne, il commande le 30e corps d'armée pendant cinq années en occupation à Wiesbaden (Rhénanie). Il commandera l'Armée du Rhin en remplacement du général Degoutte en 1924. AprÚs l'armée, il se fait notamment le défenseur de la politique menée par le Tigre, le promoteur des réformes militaires, mais aussi l'avocat de la fermeté gouvernementale vis-à-vis de l'Allemagne.

Il est considĂ©rĂ© comme l'un des « thĂ©oriciens Ă©conomistes» de l'École MĂ©tropolitaine au cĂŽtĂ© du lieutenant-colonel Serrigny, et prĂ©conise une analyse politique, gĂ©o-Ă©conomique et industrielle des nouveaux conflits Ă  venir.

Visionnaire, il anticipe avant le dĂ©but de la Grande Guerre sa longue durĂ©e [2], l'incapacitĂ© des plans offensifs français, les carences techniques et logistiques ou encore les lacunes en instruction tactique et stratĂ©gique des officiers ainsi que le risque d'une nouvelle guerre si les clauses du TraitĂ© de Versailles devaient ne pas ĂȘtre respectĂ©es.

Champion d'escrime militaire de France en 1906, et vice-champion international en 1907, il est le fondateur de la SociĂ©tĂ© Militaire d'Escrime Pratique en 1904 qui vise Ă  soutenir cette discipline au sein des armĂ©es. Il est Ă  l'initiative des premiĂšres unitĂ©s cyclistes de l'armĂ©e française, est l'un des artisans de la refonte de la LĂ©gion Ă©trangĂšre, et participe Ă  la crĂ©ation du Centre des Hautes Études Militaires.

Il meurt violemment en avril 1943 dans des circonstances troubles. Le Deutsches NachrichtenbĂŒro annonce son suicide, tandis que des journaux et radios de la RĂ©sistance indiquent qu'il a Ă©tĂ© assassinĂ© par la Gestapo. Il est honorĂ© Ă  l'occasion du centenaire de la Grande Guerre. Le gĂ©nĂ©ral Mordacq a Ă©crit plus d’une trentaine de livres, rendant compte de son action et de ses observations au service de la Nation.

Biographie

De 1868 Ă  1887

Jean Jules Henri Mordacq est nĂ© Ă  Clermont-Ferrand le [3]. La famille Mordacq est originaire du Pas-de-Calais oĂč elle est installĂ©e depuis le milieu du XVIIe siĂšcle.

Son pĂšre, Charles-Jean-Baptiste Mordacq (1824-1900), officier de la LĂ©gion d'honneur, s'est engagĂ© comme simple soldat Ă  dix-huit ans et finit sa carriĂšre avec le grade de chef de bataillon, Ă  la tĂȘte d'un bataillon lors de la guerre franco-prussienne de 1870. En cinq ans, il effectue trois sĂ©jours en Afrique. Il est dĂ©corĂ© par le Pape, Officier des Zouaves pontificaux, Ă  l'issue de la campagne italienne de 1868. Il participe Ă  la Guerre de 1870 en tant que capitaine puis chef de bataillon.

En 1857, il se marie avec Henriette-Emma Murat Ă  Clermont-Ferrand, oĂč Henri et son frĂšre Charles sont baptisĂ©s. En 1879, Henri Mordacq est Ă©lĂšve Ă  Coulommiers oĂč son pĂšre est en garnison. Il arrive Ă  Paris en 1887 pour poursuivre ses Ă©tudes au LycĂ©e Saint-Louis.

De 1887 Ă  1906

Le chef de bataillon Mordacq au Championnat militaire d'escrime des Officiers de France en 1911.

Il intĂšgre Saint-Cyr au sein de la promotion « Tombouctou»[4] - [5] en 1887 d’oĂč il sort 47e sur 446 en 1889.

Sous-lieutenant à sa sortie d'école, il choisit le 2e régiment de zouaves stationné dans le Sud-oranais en .

Il est promu le au grade de lieutenant et rejoint alors la LĂ©gion ÉtrangĂšre, oĂč il intĂšgre les compagnies montĂ©es, unitĂ©s d'Ă©lite qui sillonnent les confins algĂ©ro-marocains. Il se classe 24e sur 90 Ă  l'École rĂ©gionale de Tir en 1892. Le , le lieutenant Mordacq part en Indochine, au Tonkin, avec son unitĂ©, le 1er RĂ©giment Etranger d'Infanterie.

Le 1893, il mÚne sa section au combat contre les pirates à Ban-Khan et de Na-Luong. Il reçoit à cette occasion sa premiÚre citation à l'ordre du corps expéditionnaire : « Brillante conduite et bravoure pendant les combats de Luong-Mong et Ban-Khan ».

Le lieutenant Mordacq participe à la colonne de Phia-Mah du 1er au et reçoit une deuxiÚme citation le , à l'ordre des troupes d'Indochine du général Duchemin: « Chargé des travaux topographiques pendant les opérations contre Phia-ma, s'est acquitté de cette mission avec intelligence et dévouement. »

Lors de la campagne des Colonnes du Nord, de à , qui permet d'éradiquer les derniÚres poches de résistance et de piraterie à la frontiÚre chinoise, il coordonne l'état-major en tant qu'officier chargé des renseignements, sous les ordres du colonel ValliÚre, commandant l'opération[6]. « [Le colonel ValliÚre] est bien secondé par un petit officier de renseignements de choix, le lieutenant Mordacq, dont la jeunesse, l'allant et le travail me vont tout à fait[7] », écrit le lieutenant-colonel Lyautey en . Il fut aussi sous le commandement du colonel Gallieni, qui le qualifia de « jeune lieutenant d'une intelligence peu commune. »[8]

Il repart ensuite en Algérie dans la Légion en et est promu capitaine par décret du . Il doit quitter l'Afrique et son régiment pour rejoindre le 103e régiment d'infanterie à Arras en , aprÚs huit années d'opérations en Algérie et en Indochine.

Il intĂšgre l'École de guerre le et retrouve les capitaines Loyzeau de Grandmaison, Mangin et Lacapelle. Parmi les professeurs qui enseignent ces deux annĂ©es, le lieutenant-colonel Ruffey, le lieutenant-colonel Lanrezac, le chef d'escadron Foch, le chef d'escadron Fayolle et le commandant de Maud'huy, tous commandants d'armĂ©e au cours de la Grande Guerre.

Le commandant Mordacq entouré de l'équipe française qui remporta le premier prix au Championnat International militaire d'escrime à La Haye en 1907.

Le , il épouse à Paris[9] Jeanne Laurent (1879-1955), fille unique de Edmond Laurent (1853-1923), ingénieur-constructeur chez Moisant, qui devient Moisant-Laurent en 1887 et puis la Société Moisant-Laurent-Savey[10], premier concurrent des Ateliers Eiffel dans les constructions métalliques. Edmond Laurent devient associé de l'entreprise en 1884, puis président du Conseil d'Administration de Moisant-Laurent-Savey à partir de 1906. Il est fait chevalier de la légion d'honneur pour son travail durant l'Exposition de 1889, puis officier pour sa conception du Grand-Palais lors de l'Exposition de 1900[11].

En 1900, Mordacq sort de l’École de guerre 60e sur 80 avec la mention Bien; il est nommĂ© capitaine d'État-major au 1er corps d'armĂ©e Ă  Lille le .

Il reçoit le une lettre de fĂ©licitation du ministre de la guerre le gĂ©nĂ©ral AndrĂ© pour son ouvrage La Question du Maroc au point de vue militaire et commence Ă  se faire connaĂźtre pour ses Ă©crits, notamment La Pacification du Haut-Tonkin (1901), ou L'ArmĂ©e Nouvelle, ce qu'elle pense, ce qu'elle veut (1905) que Jean JaurĂšs trouvera "utile et attachant" et dont il s'inspirera pour Ă©crire son ArmĂ©e Nouvelle de 1910 oĂč il lui rĂ©pondra[12] - [13]

Dans cet essai Ă©crit sous pseudonyme, l'ancien officier lĂ©gionnaire explique que « le monde et surtout la vieille Europe sont travaillĂ©s par un mouvement social des plus puissants » que l'armĂ©e doit s'y intĂ©resser « Ă©tant donnĂ© le rĂŽle d'Ă©ducateur que l'on exige d'elle actuellement.... Il ne faut pas se le dissimuler, c'est seulement en se mĂȘlant Ă  ce mouvement social, surtout en y participant, qu'elle arrivera Ă  endiguer le torrent qui, laissĂ© Ă  lui-mĂȘme, pourrait fort bien compromettre l'existence de l'armĂ©e. »

En , il est rattaché à l'état-major de la 10e division d'infanterie du général Burnez. Il devient Chevalier de la Légion d'honneur le .

Il fonde la Société militaire d'escrime pratique en avec le soutien de son général divisionnaire ; à ce titre, il dirigera de nombreuses commissions d'organisation de championnats militaires d'escrimes [14] - [15]. Il remporte le le championnat individuel des officiers de France lors du Gala d'escrime aux Tuileries[16].

Le , il est promu chef de bataillon, à l'époque étant un des plus jeunes commandants de l'Armée française[17]. Il participe à une mission de reconnaissance et de renseignement en Allemagne cette année-là.

De 1906 Ă  1914

Le commandant Mordacq en mai 1908 Ă  la tĂȘte de la Commission d'organisation des championnats militaires d'escrime (Couverture d'ArmĂ©e et Marine)

Le , Clemenceau, tout juste nommé président du Conseil désigne le général Picquart pour commander la 10e division, et le commandant Mordacq devient son chef d'état-major. Lorsque Picquart devient ministre de la Guerre quelques mois plus tard, Mordacq est propulsé aux sommets des sphÚres militaires et politiques de Paris. Il aura pour mission d'aller porter cette nomination au général Picquart, qui écoutait un opéra de Siegfried Wagner à Vienne pour le convaincre d'accepter ce poste auprÚs du « tombeur de ministÚres ».

Le commandant Mordacq remporte le championnat d'épée du Tournoi militaire international de La Haye aux Pays-Bas, premier en équipe et deuxiÚme en individuel[18] - [19].

Il devient commandant du 25e bataillon de chasseurs Ă  pied Ă  Saint-Mihiel en .

En , Mordacq facilite la nomination du gĂ©nĂ©ral Foch Ă  la tĂȘte de l'École de guerre par l'intermĂ©diaire de Clemenceau et du gĂ©nĂ©ral Picquart. Dans son livre Le Tigre, Jean Martet retranscrit un Ă©change avec Clemenceau Ă  ce propos, dans les annĂ©es 1920 :

« Jean Martet : Je voudrais vous voir simplement supprimer une longue note qui est tout entiĂšre de Mordacq et oĂč Mordacq raconte que c'est Ă  lui que Foch doit d'avoir Ă©tĂ© nommĂ© directeur de l'École de Guerre. M. Clemenceau : C'est pourtant la vĂ©ritĂ©. Jean Martet : Sans aucun doute... M. Clemenceau : Et c'est une chose intĂ©ressante. Jean Martet : Je vous l'accorde. Mais il ne faut pas que dans votre livre il y ait plus de Mordacq que de Clemenceau. Mordacq lui-mĂȘme serait de mon avis. Il vous a probablement donnĂ© cette note dans la pensĂ©e que vous l'arrangeriez. Vous la reproduisez telle quelle. M. Clemenceau : Il n'y a pas Ă  arranger des faits comme ceux-lĂ . C'est dit aussi simplement, aussi clairement que possible. »

Il soutient la crĂ©ation d'unitĂ©s cyclistes et obtient que soit formĂ© un bataillon cycliste, qu'il commande aux manƓuvres de 1908. Ce bataillon, lors des exercices, parvient Ă  immobiliser les deux divisions de cavalerie du gĂ©nĂ©ral Trumeau et prouve ainsi son utilitĂ© sur le terrain[20].

Le commandant et son bataillon remportent le premier prix au Championnat national de Tir au Mans en .

Le , le gĂ©nĂ©ral Foch obtient l'autorisation du ministre de la guerre, le gĂ©nĂ©ral Brun, d'entreprendre « Ă  titre d'essai » en l'École de guerre un complĂ©ment d'un an aux deux premiĂšres annĂ©es d'enseignement. Le programme est validĂ© en , et Mordacq est dĂ©signĂ© professeur chargĂ© des Ă©tudes stratĂ©giques. Il dirige Ă©galement un cycle de confĂ©rence portant sur l'Ă©tude de la Guerre russo-japonaise.

Il se remémore à ce propos dans Pouvait-on signer l'armistice à Berlin (1930) :

« Dans notre ardeur et aussi notre naĂŻvetĂ© de nĂ©ophyte, nous n'hĂ©sitĂąmes pas aller jusqu'au bout de la vĂ©ritĂ©. Un jour Ă  une confĂ©rence je dĂ©clarai nettement que notre commandement Ă©tait loin, Ă©tant donnĂ© les exigences de la guerre future, d'ĂȘtre Ă  la hauteur de sa tĂąche et que si nos gĂ©nĂ©raux continuaient Ă  ne pas vouloir aborder la stratĂ©gie, on serait obligĂ©, au dĂ©but de la prochaine guerre, d'en relever au moins la moitiĂ© de leur commandement. J'Ă©tais mĂȘme restĂ© au-dessous de la vĂ©ritĂ©. »

RĂ©servĂ© aux quinze premiers diplĂŽmĂ©s au classement de sortie, cette prĂ©figuration du Centre des hautes Ă©tudes militaires sera appelĂ© « cours des MarĂ©chaux » et accueillera notamment les futurs gĂ©nĂ©raux Billotte, Doumenc, Lagrue, et Tanant entre autres. Trois parties principales constituent ce programme : les bases de la conduite de la guerre, le bilan des forces et des intĂ©rĂȘts au point de vue politique gĂ©ographique financier et militaire ; les thĂ©ories de la stratĂ©gie moderne et de la guerre d’armĂ©es ; et la technique de la guerre d’armĂ©es.

Les officiers étant cependant estimés trop jeunes pour suivre au mieux ce cours, l'instruction ministérielle du permet la création du CHEM pour que ce soit désormais des lieutenants-colonels qui aient accÚs à cette formation.

En débute alors la premiÚre session de ce programme remodelé que Mordacq rejoint en tant qu'auditeur ainsi que 24 autres officiers supérieurs. Il y retrouve le lieutenant-colonel Gouraud qui deviendra son ami. Avec le soutien de Clemenceau en , il proposera une circulaire qui réorganise le CHEM. Elle sera appliquée jusque la démobilisation de 1940.

Le gĂ©nĂ©ral Foch Ă©crit de lui en : « Officier supĂ©rieur des plus remarquables, trĂšs intelligent, trĂšs actif, trĂšs ardent, trĂšs travailleur. Capable de vues d'ensemble et Ă©levĂ©es, s'adonnant et rĂ©ussissant avec facilitĂ© dans les hautes Ă©tudes. Avec cela une grande nettetĂ© d'idĂ©es, et de vues sur le terrain, beaucoup de dĂ©cision et d'entrain. À faire arriver sans retard. »

Le colonel Mordacq, esquisse de Jonas (1915)

Le commandant Mordacq entre au ministÚre de la Guerre au 3e bureau de l'état-major, chargé des opérations et de la préparation tactique et stratégique des Armées. Il se heurte aux conceptions des plans XV et XVI, qu'il juge comme étant trop tactiques et dénués d'enjeux stratégiques suffisants.

Le généralissime Joffre le note en 1911 : « Officier supérieur de valeur, d'une activité et d'un entrain exceptionnels. »

Il quitte à sa demande la section du plan au 3e bureau de l'état-major de l'armée. En désaccord quant aux choix effectués, il soutient que la masse principale de armées allemandes passera sûrement par la Belgique, mais l'état-major par principe ne peut admettre ce postulat[21].

Il est promu lieutenant-colonel en . En juillet, peu aprĂšs la crise d'Agadir, le ministre de la Guerre Adolphe Messimy et ancien camarade de la promotion Tombouctou le nomme au poste de Commandant-en-second et de Directeur des Études Ă  l'École spĂ©ciale militaire de Saint-Cyr.

Il forme les promotions Marie-Louise, Montmirail, et Croix de Drapeaux (parmi lesquels les futurs généraux Magrin-Vernerey, Duval, Guillaume, Noiret, Hogard, Georges Loustaunau-Lacau, le colonel Cazeilles, Henry Bergasse futur résistant et ministre des Anciens Combattants, ou l'écrivain Jean des ValliÚres), dont la légende dit que certains des jeunes lieutenants chargeaient « en casoar et gants blancs » aux premiÚres heures de la guerre[22].

De 1914 Ă  1916

Le général de brigade Mordacq, en couverture du Pays de France (début 1916).

Du 1er au , Mordacq est chef d'état-major du Ier groupe de divisions de réserve du général Archinard regroupé autour de Luxeuil, Vesoul et Montbéliard, fort de plus de cinquante mille hommes et dont l'objectif est de surveiller la frontiÚre de la Suisse tout en assurant la couverture de la Ire Armée du général Dubail.

À la suite des revers de la bataille de Lorraine, ce groupement est dissous; mais Mordacq souhaite un commandement au front.

Il prend alors la tĂȘte du 159e rĂ©giment d'infanterie alpine le , le cĂ©lĂšbre Quinze-Neuf, le RĂ©giment des Neiges.

Le , son rĂ©giment repousse de violentes contre-attaques prĂšs de Rambervillers. Le , c'est au col de la Chipotte qu'il prend d'assaut les ouvrages allemands de la Haute SapiniĂšre. Du 2 au , le rĂ©giment tient les positions au col du Haut du Bois. Il poursuit l'ennemi qui recule vers Raon l'Étape et Neuf-Étangs[23].

Le rĂ©giment alpin combat durement jusqu'au , oĂč il est relevĂ© pour partir dĂ©fendre Arras, la « clef de la mer » qui sĂ©curise l'accĂšs Ă  la Manche et aux ravitaillements britanniques. La ville se situe au carrefour des voies ferrĂ©es et routiĂšres reliant la rĂ©gion parisienne et la rĂ©gion industrielle du Nord, et ses collines de Notre Dame de Lorette, de Monchy le preux, de Vimy constituent la base essentielle de toutes les offensives vers les plaines de Douai et de Lille.

Son supérieur est le général Barbot, surnommé le « Bayard de la Grande Guerre » qui commande le 159e précédemment. Le , Mordacq reçoit le commandement de la défense d'Arras. Il conserve le 159e RIA et obtient le commandement du 61e bataillon de chasseurs. Les combats de rue sont alors acharnés pour sauver Arras de l'offensive allemande. Alors que l'état-major de la Xe Armée du général de Maud'huy demande aux troupes alpines d'évacuer la ville, Mordacq, soutenu par son supérieur divisionnaire, s'y refuse afin de poursuivre la bataille urbaine et tenter de maintenir la ville artésienne sous le drapeau tricolore.

Le récit d'Henry Bordeaux, Un Coin de France pendant la guerre - Le Plessis-de-Roye ( - ) raconte de prÚs ces événements :

« Le gĂ©nĂ©ral [Barbot] va visiter le 159e. Le colonel Mordacq qui commande la brigade le reçoit : « Mon pauvre Mordacq, il va nous falloir Ă©vacuer Arras - Évacuer Arras ? Vous n'y songez pas ! Vous connaissez bien nos alpins, mon gĂ©nĂ©ral : vous les avez commandĂ©s, ils tiendront. - Les ordres vont venir. C'est un grand courage que de savoir prendre ses responsabilitĂ©s. Il vous faudra bien obĂ©ir. - Vous ne me donnerez pas cet ordre. Je vous dĂ©fie de me le donner... » Barbot s'Ă©loigne sur ce dialogue. La confiance de son subordonnĂ© l'a gagnĂ©, mais il revient sur ses pas quand il a fait cinq cents mĂštres : « Voici l'ordre : il faut que je vous le donne... » Il est le chef et doit dĂ©cider. Cependant, Ă  Haut-Avesnes, FĂ©ligonde a trouvĂ© le gĂ©nĂ©ral d'Urbal dans la salle Ă  manger d'une ferme. Le gĂ©nĂ©ral de Maud'huy, qui commande l'armĂ©e, est lĂ . Eux aussi, ils savent prendre leurs responsabilitĂ©s. Il n'y a pas de renforts, la situation paraĂźt intenable, il ne faut pas qu'elle s'aggrave, l'ordre de retrait des forces qui sont devant Arras est dictĂ© : la division Barbot s'organisera dans la rĂ©gion de Duisans. C'est l'Ă©vacuation d'Arras. FĂ©ligonde est revenu. II cherche le gĂ©nĂ©ral. « Le gĂ©nĂ©ral est encore une fois parti, lui dit Allegret. Il a voulu voir le 159e. Cet ordre exige une exĂ©cution immĂ©diate. Tant pis, asseyons-nous sous cet arbre et rĂ©digeons les ordres de repli... » Les ordres sont prĂȘts quand Barbot rentre. Allegret lui montre l'ordre du gĂ©nĂ©ral d'Urbal et les ordres d'exĂ©cution rĂ©digĂ©s en consĂ©quence. Le gĂ©nĂ©ral en prend connaissance d'un coup d'Ɠil. Il paraĂźt nerveux. Il les lit, il les relit et tout Ă  coup : « Évacuer Arras? non, non. Mordacq a raison. Nos alpins tiendront. Moi vivant, on ne reculera pas. Tenez!... » Et il dĂ©chire tous les ordres : « Allez dire aux troupes que tout va bien, trĂšs bien. Dites-leur qu'Arras est confiĂ© Ă  leur honneur, que ces chiens n'y entreront pas. Mordacq sera content. Ou plutĂŽt attendez : j'irai moi-mĂȘme... » Et le voilĂ  reparti. Arras sera sauvĂ©. Arras est sauvĂ©... »

Il est promu colonel le et reçoit le commandement de la brigade commandant son régiment, la 88e brigade alpine, au sein du 33e CA du général Pétain.

Le , alors qu'il inspectait les lignes de front à proximité de l'ennemi, il est blessé par un éclat d'obus.

Il est élevé au grade d'Officier de la Légion d'honneur le : « Dans le commandement du 159e régiment d'infanterie comme dans celui de la 88e brigade, n'a cessé de montrer activité, courage, calme et connaissances militaires étendues. »

Bien que toujours en rĂ©tablissement, le colonel demande qu'on le renvoie Ă  son commandement au front. Alexandre Millerand, alors ministre de la Guerre, constatant sa blessure toujours vive, lui confie nĂ©anmoins une mission d'inspection des hĂŽpitaux et dĂ©pĂŽts du Midi, oĂč Mordacq trouvera de nombreux embusquĂ©s prĂȘts Ă  repartir vers le front et ainsi libĂ©rer leur place pour de plus griĂšvement blessĂ©s, rĂ©duisant un climat dĂ©moralisateur de privilĂšges et de profit.

Mordacq est confirmé au grade de colonel le . Malgré les douleurs de sa blessure, il prend le commandement de la 90e brigade (45e division d'infanterie du général Quiquandon) qui vient relever le 20e CA en Belgique. Cette brigade est composée de trois bataillons de zouaves au sein du 2d régiment bis de marche des zouaves, deux bataillons du 1er régiment de tirailleurs algériens ainsi que le 1er et le 3e bataillon d'Afrique, soit 8 des 14 bataillons de sa division.

Le , Mordacq est témoin de la premiÚre attaque au gaz de l'Histoire militaire à Ypres sur l'Yser. Victime du chlore allemand, gazée, sa brigade parvient malgré tout à enrayer l'avancée allemande. L'épisode du sabordage des ponts de Boesinghe est à cet égard un autre moment remarquable pour la Brigade Mordacq[24].

Le , il écrit à Clemenceau, alors président de la Commission de l'Armée au Sénat :

« Ce qui pĂšche c’est toujours la mĂȘme chose, vous le savez, je l’ai assez clamĂ© avant la guerre. Puisque la France tient tant que cela Ă  ce que la guerre continue et, de longs mois, c’est bien, nous continuerons et nous vaincrons, mais nous aurions pu en finir depuis longtemps si nous avions eu des chefs capables de rĂ©sister physiquement et cĂ©rĂ©bralement aux terribles exigences de cette guerre. Enfin l’exclusion systĂ©matique de tout fantassin dans les hautes sphĂšres nous a coĂ»tĂ© et nous coĂ»tera aussi terriblement cher. (...) C’est ainsi, qu’ici, en Belgique, certain gĂ©nĂ©ral d’artillerie qui depuis a Ă©tĂ© envoyĂ© Ă  Limoges, mais combien trop tard !, nous a fait massacrer inutilement pendant 1 mois. Heureusement nous lui avons tenu tĂȘte, moi en particulier qui ai finalement signalĂ© la question au gĂ©nĂ©ral Foch qui a agi. Mais cela m’a coĂ»tĂ© trĂšs cher – le Grand Quartier GĂ©nĂ©ral ne me le pardonnera jamais. (...) Autre chose : vous parlez quelquefois d’embusquĂ©s, monsieur le prĂ©sident. Demandez donc un peu Ă  vos amis du MinistĂšre pour quelles raisons, dans la troupe, nous n’avons plus d’officiers professionnels, officiers de l’active, et surtout de commandants de compagnie alors que ces grands Ă©tats-majors regorgent d’officiers brevetĂ©s ou autres qui passent leur temps Ă  dĂ©biner ceux qui se battent, et Ă  changer chaque jour d’uniformes de teinte diffĂ©rente, cela comme l’empereur Guillaume ou plutĂŽt comme de vulgaires grues. J’appartiens au service d’état-major et j’en ai honte ; nos officiers d’état-major, pendant cette guerre, ont rendu de grands services et montrĂ© qu’ils avaient Ă©tĂ© bien dressĂ©s mais leur grande prĂ©occupation a Ă©tĂ© de fuir la troupe, car ils ont vu que lĂ  on trinquait ferme. Ils se sont dĂ©shonorĂ©s et ont Ă©tĂ© encouragĂ©s dans cette voie par la pluie de galons et de dĂ©corations et de citations (oh honte !) que leur ont dĂ©cernĂ©s les grands chefs. (...) Vous ne le croirez pas : il y a des centaines d’officiers qui depuis le dĂ©but de la guerre n’ont pas quittĂ© les grands Ă©tats-majors, corps d’armĂ©e, armĂ©es, groupes d’armĂ©es ! C’est scandaleux. Les voilĂ , encore une fois, les vĂ©ritables embusquĂ©s, les voilĂ  bien ! (...) OĂč sont les hommes de 93 ? Ceux-lĂ  voulaient la victoire mais employaient les grands moyens. Je vous envoie, M. le PrĂ©sident, un souvenir respectueusement affectueux[25]. »

Le , Sir John French, le maréchal commandant des troupes anglaises, le félicite pour le soutien de sa brigade lors des contre-attaques de septembre. Le colonel Mordacq devient Chevalier de l'Ordre du Bain en octobre.

Le général Putz cite Mordacq à l'Ordre du détachement de l'Armée de Belgique : « A fait preuve dans tous les combats livrés du 22 au , d'une énergie à toute épreuve. A su communiquer aux troupes placées sous ses ordres, sa confiance et sa ténacité, et obtenir d'elles, en dépit d'une résistance acharnée et de l'emploi par l'ennemi de procédés illicites, des efforts véritablement surhumains. »

De 1916 Ă  1918

Le , Mordacq est promu général de brigade (ATT), commandant de la 24e division[26] (12e CA, Xe armée) qu'il conduit en Artois, à Verdun, en Champagne, et au Chemin des Dames, au cours de vingt mois de campagne (-).

Le lendemain, il obtient une troisiĂšme citation Ă  l'Ordre de la Xe armĂ©e : « S'est comportĂ© de la façon la plus brillante, Ă  la tĂȘte du 159e RI, dans les combats sous Arras, et a grandement contribuĂ©, par ses contre-attaques heureuses et vigoureusement menĂ©es, Ă  maintenir l'intĂ©gritĂ© du front contre un ennemi supĂ©rieur en nombre. »

Le , le général commande sur la Somme. De septembre à octobre, sa division garde Verdun. Au cours des offensives françaises d'octobre, il y aura plus de 6000 allemands capturés et, le , le fort de Douaumont est repris, et l'ennemi recule sur l'ensemble de sa ligne de front à Verdun.

En novembre, il est à nouveau blessé, enseveli par un obus de 210[27].

Il refuse d'ĂȘtre Ă©vacuĂ© Ă  l'arriĂšre, et en janvier, il conduit sa division en Champagne, oĂč elle s'empare du plateau de Maisons de Champagne au cours de l'offensive du 8 au .

Du 17 au , il mÚne victorieusement la 24e division à la bataille d'Aubérive au cÎté de la Légion étrangÚre de la division marocaine du général Degoutte.

Mordacq reçoit sa quatriÚme citation à l'ordre de la IVe armée du général Gouraud le : « Commandant une division dans un secteur difficile, vient de donner de nouvelles preuves de son activité et de son énergie en exécutant deux attaques qui ont permis de reprendre à l'ennemi des positions importantes. »

AprĂšs une stabilisation du front, qui l'inquiĂšte, Mordacq apprend fin octobre, Ă  la suite du dĂ©sastre de Caporetto, son dĂ©part imminent pour l'Italie, oĂč il commanderait un corps d'armĂ©e qui comprendrait sa 24e division. D'autres rumeurs lui prĂȘtent le futur commandement du 20e corps d'armĂ©e, le prestigieux corps de fer. Le gĂ©nĂ©ral Niessel indique en juillet 1951 dans un article dans l'Homme Libre (8301) : « Les gĂ©nĂ©raux Nollet et Nourrisson, sous les ordres de qui il s’était successivement trouvĂ©, l’avaient proposĂ© pour le commandement d’un corps d’armĂ©e. »

Cependant, lors d'une visite sur le front le , Clemenceau lui annonce « qu'il est sur le point de prendre le pouvoir » et qu'il aurait besoin des services du général[28] - [29].

Le , Clemenceau devient président du Conseil et ministre de la Guerre. Mordacq reçoit la troisiÚme étoile de général de division et devient le chef du Cabinet militaire du Président du Conseil le .

Le « Tigre » lui dit : « Je suis ministre de la Guerre, c'est entendu, mais c'est vous qui vous en occuperez. »[30] - [31] - [32]

Ils s'accordent sur les grands axes de ce ministÚre [33] : le commandement unique pour Foch et le maintien absolu de Pétain ; les visites réguliÚres jusqu'aux premiÚres lignes du Front ; l'unité de doctrine militaire et défensive entre français et alliés ; la lutte contre la bureaucratie, le népotisme et la corruption aux ministÚres ; la fabrication intensive de munitions, d'artillerie lourde, d'avions, de tanks et de camions ; le rajeunissement des cadres supérieurs de l'armée et la mise à l'écart de certains officiers généraux "inadéquats" (l'assainissement au front et dans les grands états-majors)[34] - [35] ; le nettoyage à l'Intérieur des défaitistes civils et des militaires embusqués, le maintien de l'ordre et la discipline dans les villes de permissions ; et enfin la question des décorations, et du mérite militaire[36] - [37].

Le , le gĂ©nĂ©ral rencontre John Pershing et prĂ©pare l'arrivĂ©e du corps expĂ©ditionnaire amĂ©ricain alors que le 1er dĂ©cembre, la premiĂšre rĂ©union du Conseil supĂ©rieur de Guerre interalliĂ©s rĂ©unit David Lloyd George, le colonel House, Orlando, Foch, Weygand et Wilson et que du au avec Douglas Haig, PĂ©tain, John Pershing, et Vittorio Alfieri. Mordacq frĂ©quente des serviteurs de l'État ou hommes politiques comme Georges Mandel, AndrĂ© Tardieu, Jules Cambon, Stephen Pichon au Quai d'Orsay, Louis Loucheur Ă  l'armement, Jules Jeanneney au secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral de la PrĂ©sidence du Conseil ou Ernest Vilgrain au MinistĂšre du ravitaillement.

Cependant, l'ampleur des rĂ©formes et des mesures Ă  mettre en Ɠuvre est considĂ©rable :

« DĂšs les premiers jours aprĂšs mon arrivĂ©e, je constatai rapidement que les bruits qui couraient au front sur le ministĂšre de la Guerre Ă©taient des plus fondĂ©s : tout le monde y commandait, sauf le ministre ; les « bureaux », plus que jamais, y Ă©taient les maĂźtres. Il fallait commencer par tout y rĂ©former : sĂ»r de l’appui de M. Clemenceau, je me mis aussitĂŽt Ă  l’Ɠuvre. » (...) Les mĂ©thodes de travail, je l’ai dit, n’étaient pas brillantes. Il semblait que dans les directions (comme dans tout le ministĂšre d’ailleurs), on ne se rendĂźt pas compte de la situation et que la France Ă©tait en pleine guerre, et en quelle guerre, une guerre comme l’humanitĂ© n’en avait jamais connue ! Rien n’était changĂ© dans les habitudes en temps de paix ; la douce indiffĂ©rence bureaucratique continuait de rĂ©gner[38]. »

Le gĂ©nĂ©ral Mordacq propose Ă  Clemenceau la circulaire du , qui a pour vocation de rĂ©former les mĂ©thodes de travail : simplifier les circuits administratifs ; diminuer la production de documents sans valeur ajoutĂ©e ; allĂ©ger les procĂ©dures et lutter contre les « excĂšs de centralisation » : le chef doit savoir dĂ©lĂ©guer ; favoriser les Ă©changes verbaux entre les agents et le recours aux nouveaux moyens de communication (le tĂ©lĂ©phone par exemple) ; privilĂ©gier l’échange verbal et la rĂ©union prĂ©alablement Ă  toute prise de dĂ©cision : « il ne s’agit pas de supprimer les piĂšces Ă©crites qui sont souvent nĂ©cessaires, parce qu’elles portent une signature et qu’elles restent, mais il faut n’y recourir qu’au moment voulu, c’est-Ă -dire lorsque l’affaire est dĂ©jĂ  dĂ©cidĂ©e et tout au moins dĂ©grossis par la conversation » ; rĂ©gler les affaires courantes en trois jours (dĂ©lais de transmission compris)[39].

La circulaire du dresse un premier bilan : « l’arriĂ©rĂ© rĂ©vĂ©lĂ© dans certains services a Ă©tĂ© liquidĂ© », « de nombreux cas concrets d’affaires importantes rĂ©glĂ©es avec dĂ©cision et avant toute formalitĂ© m’ont Ă©tĂ© signalĂ©s ». Cependant, il reste des efforts Ă  fournir dans l’usage du tĂ©lĂ©phone, la dĂ©lĂ©gation des responsabilitĂ©s, la suppression des intermĂ©diaires inutiles ainsi que dans certains dĂ©tails (enregistrement, distribution du courrier etc.). Mordacq va plus loin et demande Ă  « mutualiser » le travail des secrĂ©tariats : le personnel secrĂ©taire et dactylographe, « souvent trop dissĂ©minĂ© et laissĂ© sans direction », doit ĂȘtre regroupĂ© et organisĂ© en ateliers, « sous la surveillance de vĂ©ritables contremaĂźtres qualifiĂ©s »[40].

Georges Wormser, chef de cabinet à la Présidence du Conseil, écrit de lui dans Clemenceau vu de prÚs[41]:

« Il est vrai qu'est prĂ©sent Ă  ses cĂŽtĂ©s le gĂ©nĂ©ral Mordacq qui, en camarade et en homme de mĂ©tier, comme aussi en combattant Ă©prouvĂ©, ne nĂ©gligera aucun conseil. Celui-ci peut se le permettre, se sachant au mieux avec PĂ©tain et son Ă©tat-major. Son rĂŽle auprĂšs de Clemenceau fut considĂ©rable. Jamais militaire ne fut d'esprit plus honnĂȘte, d'Ăąme rĂ©solue, de caractĂšre, sans brutalitĂ©. Son mĂ©rite fut constamment de voir au-delĂ  du jour mĂȘme et des pĂ©ripĂ©ties, de penser, si je puis dire, au dĂ©roulement et pour l'avenir. Il savait l'utilitĂ© de la tactique sur le champ d'opĂ©rations, mais il voulait que les chefs eussent constamment en vue la suite stratĂ©gique. TrĂšs direct, parlant net, avec flamme, il convainquait ou entraĂźnait, il ignorait l'hĂ©sitation ou le balancement. C'est pourquoi il plaisait Ă  Clemenceau qui avait en lui une confiance absolue. C'Ă©tait Ă  ce point que faisant disparaĂźtre de son bureau la grande carte du front, Clemenceau avait dit qu'il n'avait nul besoin de l'avoir sous les yeux, que sa carte, c'Ă©tait Mordacq. »

De 1918 Ă  1920

Comme prĂ©vu, le gĂ©nĂ©ral Mordacq organise de nombreuses visites au front, comme du 10 au en Alsace, Ă  Masevaux et Ă  la frontiĂšre suisse ; du 24 au , dans les Flandres, Ă  Notre-Dame de Lorette, Souchez, BĂ©thune au corps portugais ; du 2 au , sur le front amĂ©ricain ; le , Ă  l'aviation ; le , lors de la rĂ©union Ă  CompiĂšgne, et le lendemain, Ă  la rĂ©union de Doullens. À Beauvais, la rencontre entre le gĂ©nĂ©ral et Winston Churchill est racontĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Palat dans La part de Foch dans la Victoire : « M. Winston Churchill va Ă  Mordacq et lui demande s’il partage la confiance de Foch, en dĂ©pit d’une situation restĂ©e inquiĂ©tante : â€č Absolument, rĂ©pond Mordacq, mais Ă  condition qu’on Ă©tende encore les pouvoirs du gĂ©nĂ©ral qui ne sont pas suffisamment nets. â€ș Et Mordacq expose ce qu’il entend par lĂ . M. Churchill Ă©coute religieusement, sans rĂ©pondre un mot. »

Pour le général Foch, le terme coordinateur des armées alliés est, dans un premier temps, préféré à une attribution plus explicite, mais lorsque, le 1er avril, les chefs alliés se réunissent à Beauvais, Mordacq propose de confier à Foch « la direction stratégique des opérations militaires alliés. » Il fait rédiger cette proposition pour Clemenceau. La formulation est acceptée par les Alliés, et cet accord consacre la naissance du commandement unique sur le Front de l'Ouest[42] - [43].

Il rĂ©organise le ministĂšre de la Guerre et crĂ©e une sous-direction des moyens automobiles, oĂč il nomme le commandant Doumenc, une sous-direction de la gendarmerie, que Mordacq prĂ©serve ainsi du contrĂŽle du ministĂšre de l'IntĂ©rieur tout en accordant Ă  ce corps de nombreuses prĂ©rogatives[44]- confiĂ©e le au colonel Plique, ancien camarade de promotion Ă  Saint-Cyr, et une sous-direction des chars de combat le 1er mars avec le lieutenant-colonel Aubertin[45]. Tout au long de ce ministĂšre, il soutiendra les innovations dans le domaine des premiers « chars » , la motorisation des armĂ©es ou la montĂ©e en puissance de l'aĂ©ronautique militaire, notamment avec l'aide du commandant Pujo.

Il est secondĂ© dans son cabinet et au ministĂšre par le lieutenant-colonel de Battisti, son ancien chef d'Ă©tat-major Ă  la 24e division, puis le lieutenant-colonel Alerme, mais aussi le colonel Becker. Le gĂ©nĂ©ral Jullien est directeur du GĂ©nie ; le gĂ©nĂ©ral de Tinan, directeur de la Cavalerie est remplacĂ© par le gĂ©nĂ©ral Trutat ; Ă  l'Artillerie, le gĂ©nĂ©ral Coiffec est remplacĂ© par le gĂ©nĂ©ral Bourgeois, chef du Service GĂ©ographique, qui sera remplacĂ© par le gĂ©nĂ©ral Maurin quand il sera nommĂ© en Indochine ; le gĂ©nĂ©ral Cottez Ă  l'Infanterie est remplacĂ© par le gĂ©nĂ©ral Lagrue, ancien Ă©lĂšve de Mordacq Ă  l’École de Guerre.

Le général souhaite centraliser tout ce qui concerne la guerre au ministÚre. Ainsi, il refuse des secrétariats et sous-secrétariats de parlementaires sur des domaines militaires, mais il crée de nouvelles structures.

Il propose le gĂ©nĂ©ral Roques au poste sur mesure d'Inspecteur gĂ©nĂ©ral des travaux du front. Il reconnait au gĂ©nĂ©ral issu de l'École Polytechnique et ancien directeur du GĂ©nie les qualitĂ©s nĂ©cessaires pour assurer l'unitĂ© du dispositif dĂ©fensif sur le front français, britannique et amĂ©ricain[46].

Il surveille la crĂ©ation de l'Inspection gĂ©nĂ©rale des tĂ©lĂ©graphies militaires et place Ă  sa tĂȘte le gĂ©nĂ©ral FerriĂ©. De mĂȘme, il unifie l'activitĂ© ferroviaire avec le Commissariat des trains nationaux en choisissant le gĂ©nĂ©ral Gassouin pour le diriger[30]. À la suite d'un passage au chenil des chiens de l'Alaska au Tanet, il obtient l'autorisation de centraliser l'activitĂ© canine militaire au ministĂšre de la Guerre[47].

Il refuse également l'influence du cabinet civil, dirigé par Georges Mandel, dans les affaires militaires. Il explique dans le MinistÚre Clemenceau : « AprÚs le cabinet militaire, je m'occupais des directeurs. Je ne parle pas du cabinet civil qui, au point de vue de la guerre, n'avait à jouer qu'un rÎle des plus insignifiants. Plusieurs fois, il voulut sortir de ce rÎle, mais j'en fis immédiatement une question personnelle et M. Clemenceau donna des ordres tels que ces tentatives ne furent pas renouvelées. »[48].

Selon Mordacq, la modernisation de l'armĂ©e doit s'accomplir de concert avec un rajeunissement des cadres supĂ©rieurs de l'armĂ©e. Il considĂšre qu'un grand nombre de gĂ©nĂ©raux d'armĂ©e ou de corps d'armĂ©e, de divisionnaires et de brigadiers sont trop usĂ©s ou inadaptĂ©s pour poursuivre une guerre de manƓuvre et de stratĂ©gie en accord avec la confiance que leur accordent le poilu et le gouvernement.

Il rédige donc cette circulaire :

« Tout divisionnaire, tout brigadier et tout colonel ayant dĂ©passĂ© respectivement soixante, cinquante-huit et cinquante-six ans et ne prĂ©sentant pas, suivant ses chefs eux-mĂȘmes, toute la vigueur physique et intellectuelle que nĂ©cessitaient les circonstances, devait ĂȘtre remis en Ă  la disposition du ministre pour ĂȘtre employĂ© Ă  l’intĂ©rieur[49]. »

Donc, des initiatives d'organisation du ministĂšre et de rĂ©formes des mĂ©thodes de travail accompagnent de mesures vers la modernisation de l'armĂ©e, le rajeunissement des cadres, la prioritĂ© donnĂ©e au front et au combat ainsi que la formation militaire. Mordacq fonde, le , la Section des Écoles et modifie l'organisation de l'École de Saint-Maixent et du Bataillon de Joinville. Il nomme le gĂ©nĂ©ral Tanant Ă  Saint-Cyr, le gĂ©nĂ©ral Thureau Ă  Saumur, le colonel Dumas Ă  Fontainebleau et le colonel Borie Ă  Saint-Maixent[45].

Le colonel Herbillon, officier d'ordonnance du gĂ©nĂ©ral PĂ©tain, affirme que Mordacq est Ă  l'origine de la contre-attaque du , menĂ©e par les gĂ©nĂ©raux Mangin et Humbert pour protĂ©ger CompiĂšgne et qui connut un succĂšs considĂ©rable[50]. Herbillon indique Ă©galement que le gĂ©nĂ©ral aurait menacĂ© par deux fois de dĂ©missionner si Clemenceau limogeait PĂ©tain de son commandement : « Mon vieux, dit Mordacq Ă  Herbillon, tu sais bien que tant que je serai lĂ , on ne touchera pas au gĂ©nĂ©ral PĂ©tain. » Mordacq indique Ă  ce sujet dans le tome II du ministĂšre Clemenceau : « D’ailleurs M. Clemenceau savait trĂšs bien que le jour oĂč le gĂ©nĂ©ral PĂ©tain serait sacrifiĂ©, je ne resterais pas une minute de plus au ministĂšre de la Guerre. Plus que jamais, j’étais convaincu que la victoire dĂ©pendait d’un trio : Clemenceau, Foch et PĂ©tain. »[51] Selon Wormser, si Clemenceau dĂ©lĂšgue autant d'autoritĂ© Ă  Mordacq et cĂšde sur le limogeage de PĂ©tain, c'est que le prĂ©sident du Conseil « ne pouvait se passer d’avoir auprĂšs de lui un gĂ©nĂ©ral de toute confiance et d’esprit toujours en Ă©veil. »[52]

Wormser, dans cet opus, avance deux hypothĂšses sur l'influence de Mordacq sur Clemenceau : « Les gĂ©nĂ©raux auraient-ils acceptĂ© aussi facilement les avis du civil s’il n’avait pas Ă©tĂ© toujours accompagnĂ© par l’un des leurs ? Et ce que leur disait Clemenceau ne lui Ă©tait-il pas souvent soufflĂ© par Mordacq ? » Le prĂ©sident de la RĂ©publique, Raymond PoincarĂ©, indique dans ses mĂ©moires Au service de la France - Victoire et Armistices Ă  la date du que Mordacq « tient les ficelles » de Clemenceau [53].

Les critiques les plus virulents de l'action de Mordacq Ă  la tĂȘte de ce ministĂšre dĂ©noncent un « ComitĂ© des Jeunes Turcs », qui aurait pesĂ© une influence considĂ©rable sur la conduite de la guerre, au dĂ©triment du GQG ou de Clemenceau lui-mĂȘme. DerriĂšre cette influence inĂ©dite, la confiance importante accordĂ©e par Clemenceau Ă  Mordacq et le pouvoir dĂ©tenu ainsi par un jeune divisionnaire tout juste quinquagĂ©naire et exercĂ© sur Foch son premier appui et sur PĂ©tain son ami et celui qui le fit divisionnaire ; de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration, Weygand qui secondait Foch, et Buat qui secondait PĂ©tain, cherchaient souvent Ă  contourner ou contester le MinistĂšre, aussi les relations entre ces trois » poulains » furent-elles venimeuses, surtout entre Weygand et Mordacq ainsi qu'entre Buat et Mordacq. Des tĂ©moignages de Wormser et de Buat l'attestent pleinement[54] - [55].

Ancien lieutenant et capitaine de la Légion étrangÚre, il est à l'origine de la création de divisions pour la Légion ainsi que de l'apparition de régiments de cavalerie et d'artillerie au sein de la Légion. François Cochet, professeur des Universités en histoire contemporaine, écrit dans La Légion étrangÚre : Histoire et dictionnaire : « La Légion de l'entre-deux-guerres lui doit d'avoir été reconnue par la haut commandement, désormais convaincu de son utilité. »

En 1919, Mordacq encourage la nomination du gĂ©nĂ©ral Debeney Ă  la tĂȘte de l'École de Guerre et celle du jeune gĂ©nĂ©ral Filloneau Ă  la tĂȘte de l'École polytechnique en octobre[56]. Il soutient la nomination du gĂ©nĂ©ral Ragueneau, son aĂźnĂ© Ă  Saint-Cyr, au dĂ©licat rĂŽle de chef de la Mission militaire française, prĂšs de l'ArmĂ©e amĂ©ricaine, et celle du gĂ©nĂ©ral Duval, son cadet Ă  St-Cyr, Ă  la tĂȘte de l'aĂ©ronautique militaire au MinistĂšre de la guerre. DĂšs le lendemain de la guerre, il nomme de nouveaux gĂ©nĂ©raux aux commandes des Inspections des Armes. Le gĂ©nĂ©ral Demange est nommĂ© Ă  l'Artillerie, le gĂ©nĂ©ral FĂ©raud Ă  la Cavalerie, le gĂ©nĂ©ral Estienne aux chars de combat, et le gĂ©nĂ©ral Jouffroy Ă  la gendarmerie[45].

FidÚle à l'opinion du général Mangin, il s'oppose à la création de corps d'interprÚtes sur le front, préférant la « diffusion naturelle du français » et son apprentissage accéléré aux troupes coloniales. En , soucieux de l'équilibre du moral des soldats et de la propagation de maladies, Mordacq signe un décret controversé, qui encadre le fonctionnement de bordels militaires[45].

Du 27 au , Clemenceau et Mordacq se rendent Ă  Clermont et Ă  Montdidier dans la Somme. Ils sont le 1er avril Ă  Rouvrel, le 6 Ă  Flixecourt, le 8 Ă  Sarcus au PC de Foch, le dans l'Oise. Il est promu commandeur de la LĂ©gion d'honneur le ; PĂ©tain Ă©crit : « Brillant officier gĂ©nĂ©ral qui, depuis le dĂ©but de la campagne, en toutes circonstances, a su affirmer ses rares qualitĂ©s d'Ă©nergie, d'activitĂ© et d'intelligence, en mĂȘme temps que son complet mĂ©pris du danger, d'un moral inaltĂ©rable, aimant et connaissant bien le soldat, a obtenu des troupes placĂ©es sous ses ordres, les plus beaux efforts et les plus brillants succĂšs. Deux fois blessĂ©. Quatre fois citĂ© Ă  l'ordre de l'ArmĂ©e. »

Le , il emmÚne Clemenceau à Chùteau-Thierry, le à Hattonchùtel et le à Saint-Quentin libéré.

Le gĂ©nĂ©ral Mordacq rĂ©dige le le dĂ©cret qui nomme le gĂ©nĂ©ral Foch « MarĂ©chal de France ». Quelques mois plus tard, il rappelle Ă  Clemenceau son souhait de rĂ©compenser PĂ©tain pour son offensive victorieuse, et le propose comme troisiĂšme MarĂ©chal de la TroisiĂšme RĂ©publique. Le , Mordacq prĂ©pare la crĂ©ation de dix rĂ©giments de spahis du Maroc. Ils participeront aux combats de la veille de l'armistice et seront prĂ©sents en Allemagne au sein de l'ArmĂ©e du Rhin jusqu'en 1930. Dans le mĂȘme temps, les lĂ©gionnaires de nationalitĂ© allemande sont envoyĂ©s systĂ©matiquement au Maroc : » Terminer la conquĂȘte du Maroc avec des Allemands et garder le Rhin avec des Marocains » [57].

Il annonce Ă  Clemenceau la signature de l'Armistice et raconte dans Le MinistĂšre Clemenceau les grands moments de la fin de la guerre.

Le , le général Mordacq décore l'émir Fayçal de la croix de guerre avec palme au nom du gouvernement à l'hÎtel Continental. L'émir, futur Fayçal Ier, roi d'Irak, avait combattu les Ottomans, notamment en Syrie, afin de créer un état arabe indépendant sous le regard alors bienveillant du gouvernement français.

En cure d'hydrothĂ©rapie Ă  Vichy du au pour soigner sa jambe gauche et son tympan, Mordacq prĂ©pare deux dĂ©crets sur le Conseil supĂ©rieur de Guerre et sur l'Ă©tat-major de l'ArmĂ©e. Le gĂ©nĂ©ral Buat, major gĂ©nĂ©ral du GQG, Ă©crit le 12 aout dans son Journal : « Mordacq repart pour les eaux : reviendra-t-il ou non ? Sans lui, plus rien n’existe. » Le ministĂšre de la Guerre ne tient qu'Ă  un fil et de lui dĂ©pend aussi ces nominations militaires qui intĂ©ressent Buat[58].

À La Bourboule, oĂč il poursuit sa guĂ©rison, il retrouve le marĂ©chal Joffre avec qui il s'entretient longuement de l'Ă©tat des armĂ©es un an aprĂšs l'armistice.

Le , Mordacq défile aux cÎtés de Clemenceau, Pershing, Foch et Pétain sur la place de la Concorde.

Clemenceau l'emmĂšne visiter la VendĂ©e, et des rumeurs courent sur une possible nomination comme chef de la mission française en Pologne en remplacement du gĂ©nĂ©ral Henrys. D'autres lui prĂȘtent la Mission française au BrĂ©sil que le gĂ©nĂ©ral Gamelin occupera de 1919 Ă  1924. D'autres encore, en , le nomment le remplacement de Charles Jonnart, gouverneur gĂ©nĂ©ral d'AlgĂ©rie. Le , il est le premier Ă  qui Clemenceau annonce sa candidature Ă  la PrĂ©sidence de la RĂ©publique. Du 10 au , il accompagne Clemenceau Ă  Londres.

En , Mordacq est poussé à postuler aux législatives en Corse :

« Quelle ne fut pas ma stupĂ©faction quand je reçu tĂ©lĂ©grammes sur tĂ©lĂ©grammes d’une part de M. Barnier, prĂ©fet de la Corse, et d’autre part des candidats ministĂ©riels dans ce dĂ©partement me demandant instamment de poser ma candidature : le succĂšs Ă©tait certain. Je n’en doutais certes pas Ă©tant donnĂ©s les hommes qui s’en portaient garants et que je connaissais bien, mais je rĂ©pondis trĂšs nettement que, n’ayant jamais fait de politique, je ne tenais nullement Ă  en faire et que, d’ailleurs, il Ă©tait dĂ©jĂ  trop tard pour commencer. Ils n’en continuĂšrent pas moins Ă  me harceler, faisant mĂȘme intervenir M. Clemenceau, qui fut tout Ă  fait de mon avis. Enfin, Ă  la suite d’un tĂ©lĂ©gramme de moi les priant de ne plus insister, ils finirent par comprendre qu’il n’y avait rien Ă  faire[59]. »

Au terme de ce ministĂšre, le gĂ©nĂ©ral Mordacq aura Ă©tĂ© Ă  l'instigation du rassemblement d'archives de guerre, inaugurant le Service historique des ArmĂ©es[60]. Son influence se retrouve dans la nomination du gĂ©nĂ©ral Guillaumat aux Balkans, puis de son retour comme gouverneur militaire de Paris peu avant la Seconde bataille de la Marne. Mordacq appuie le choix du gĂ©nĂ©ral Berdoulat comme gouverneur militaire de Paris en , pour succĂ©der au gĂ©nĂ©ral Moinier ; il joue un rĂŽle important dans l'attribution au gĂ©nĂ©ral Hirschauer, puis au gĂ©nĂ©ral Humbert, du gouvernement militaire de Strasbourg et celle du gĂ©nĂ©ral Gouraud Ă  la mission au Levant, oĂč le gĂ©nĂ©ral Goybet le secondait.

Il soutient le retour au commandement d'un corps d'armée du général Mangin et la réhabilitation du général Nivelle en le nommant commandant des troupes en Afrique du Nord[61]. Il appuie l'activité du général Lyautey au Maroc et applaudit ses efforts lorsque celui-ci parvient à envoyer des bataillons supplémentaires vers la métropole lors des crises d'effectifs de 1917[62].

De 1920 Ă  1925

Le , le général Mordacq est élevé à la dignité de grand officier de la Légion d'honneur : « Titres exceptionnels. A rendu les plus éminents services au Pays en tant que Commandant d'une Division aux Armées que comme Chef du Cabinet militaire du président du Conseil, ministre de la Guerre. A puissamment contribué en cette qualité à préparer la Victoire de nos Armes. »

Le lendemain, il est nommé commandant du 30e Corps d'Armée de l'Armée du Rhin[63] qui occupe la Rhénanie allemande autour de Wiesbaden.

Le 30e Corps occupe Francfort le , mais il doit Ă©vacuer le mois suivant Ă  cause du mĂ©contentement des gouvernements britannique et amĂ©ricain malgrĂ© la manƓuvre remarquĂ©e et efficace de son corps d'armĂ©e[64]. À ce titre, il estima regrettable le choix politique, qui n'attribua pas au 30e CA l'occupation de la Ruhr en 1923, qui fut attribuĂ©e au 32e Corps d'ArmĂ©e du gĂ©nĂ©ral Caron.

Il privilégie l'encerclement du territoire et l'occupation des principaux axes de communications à une coûteuse et fragile occupation totale. Il défend également la présence de troupes coloniales en Rhénanie contre les critiques racistes des Allemands et le scepticisme de l'état-major parisien. Toutefois, il montre au maréchal Pétain le bien-fondé de la présence des spahis et tirailleurs en Allemagne[65].

Le gĂ©nĂ©ral Mordacq s'inquiĂšte en de l'inertie de l'État-major gĂ©nĂ©ral : « Le lendemain de cette cĂ©rĂ©monie [du ], je reçus la visite d’un membre du Conseil supĂ©rieur de la guerre qui m’apporta des nouvelles plutĂŽt pĂ©nibles. Ce que j’avais prĂ©vu Ă©tait arrivĂ©. L’État-major gĂ©nĂ©ral de l’ArmĂ©e se bornait Ă  assurer le service courant : la plupart des officiers qui Ă©taient Ă  sa tĂȘte, heureux de se retrouver Ă  Paris, aprĂšs cette longue guerre, profitaient largement de cette existence de la capitale, Ă©videmment trĂšs agrĂ©able, mais que l’on ne peut mener impunĂ©ment et simultanĂ©ment, quand on a Ă  assumer une tĂąche aussi Ă©crasante que celle de la crĂ©ation d’une armĂ©e nouvelle. (
) Personne Ă  l’état-major gĂ©nĂ©ral n’avait eu le bon sens de vouloir comprendre qu’il Ă©tait impossible de faire du service courant et en mĂȘme temps d’élaborer toutes ces nouvelles lois qui exigeaient un temps considĂ©rable et surtout des cerveaux qui s’y consacraient exclusivement[66]. »

Le , le général Degoutte commandant l'armée d'occupation du Rhin note Mordacq : « Commande le 30e CA à l'Armée du Rhin depuis sept mois. A obtenu de son corps d'armée un trÚs bon rendement : discipline, tenue, instruction, préparation à la guerre. Officier général que son intelligence, ses connaissances étendues, ses qualités militaires et sa personnalité trÚs accusée mettent au premier plan. »

Selon Mordacq, la politique de concessions et de faiblesses face Ă  l'Allemagne fragilise la paix prĂ©caire inaugurĂ©e depuis la signature des traitĂ©s. Il manifeste son soutien Ă  la social-dĂ©mocratie allemande mais constate la montĂ©e des partis nationalistes, notamment en BaviĂšre, oĂč naĂźt le Parti nazi en . Il s'oppose Ă  la politique religieuse du gouvernement en RhĂ©nanie, prĂ©fĂ©rant la neutralitĂ© de l'État[67], et continue de critiquer l'Ă©tat-major gĂ©nĂ©ral qui veut faire les lois militaires tout en faisant le service courant[68] - [69] et rĂ©duit grandement le poids de l'infanterie dans l'ArmĂ©e[70], l'organisation du conseil supĂ©rieur de la guerre, ses trop nombreux membres, trop ĂągĂ©s et cumulant d'autres responsabilitĂ©s, qui ne dĂ©libĂ©rait pas suffisamment, sous le contrĂŽle prĂ©pondĂ©rant du marĂ©chal PĂ©tain[71] et l'organisation de l'armĂ©e du Rhin, oĂč le gĂ©nĂ©ral Degoutte commandait l'armĂ©e française, l'armĂ©e alliĂ©e en RhĂ©nanie, et qui siĂ©geait aussi au Conseil de guerre Ă  Paris, tĂąche Ă©crasante selon Mordacq[72].

Lors des événements de l'occupation de la Ruhr, il commande en addition de Wiesbaden, les territoires dépendants de Mayence aprÚs les émeutes du et l'ensemble de ceux au sud de Cologne à la suite de la demande de Degoutte de bien vouloir le remplacer provisoirement[73] - [74].

En , une bombe explose Ă  l'intĂ©rieur de la gare de Wiesbaden. Si aucune perte n'est Ă  dĂ©plorer, les dĂ©gĂąts matĂ©riels sont considĂ©rables. Le gouvernement français rĂ©clame de la ville de Wiesbaden le paiement d'une amende de dix millions de Rentenmark. L'enquĂȘte Ă©tablissant que l'auteur de l'attentat n'est probablement pas un habitant de la ville, le gĂ©nĂ©ral Mordacq dĂ©cide de s'opposer Ă  cette punition : « C'Ă©tait lĂ , Ă  mon avis, une sanction absolument indigne de nous et injuste ; je le fis remarquer, et comme l'on ne semblait pas vouloir tenir compte de mon observation, je menaçai d'abandonner mon commandement si la dĂ©cision gouvernementale Ă©tait maintenue. Une fois de plus, Paris cĂ©da et la ville de Wiesbaden ne fut pas frappĂ©e de l'amende prĂ©citĂ©e. (...) Il eĂ»t Ă©tĂ© monstrueux que nous qui passions notre temps Ă  nous rĂ©clamer des hommes de la RĂ©volution, et Ă  rappeler que, comme eux, nous apportions la justice et le droit, nous en arrivions Ă  commettre une semblable injustice[75]. »

Au cours de l'Ă©tĂ© 1923, le gĂ©nĂ©ral Mordacq est chargĂ© d'organiser et de conduire une nouvelle occupation de Francfort. Finalement, les Anglais dĂ©sapprouvant, au contraire des Belges. Il n'est plus question que d'occuper les tĂȘtes de pont de Mannheim et Carlsruhe. Il regrette dans son livre Clemenceau - Au soir de sa vie (1920-1929) cette « petite opĂ©ration » et la « politique de demi-mesures » du gouvernement, caractĂ©ristique selon lui du gouvernement PoincarĂ©[76].

Le gĂ©nĂ©ral Mordacq commande l'armĂ©e d'occupation du Rhin tout au long de l'Ă©tĂ© 1924 en remplacement du gĂ©nĂ©ral Degoutte. Le plus ancien commandant aprĂšs Degoutte en Allemagne, il reçoit logiquement ce commandement intĂ©rimaire de l'armĂ©e du Rhin en son absence. Cependant, presque quatre ans auparavant, AndrĂ© LefĂšvre, ministre de la Guerre sous Millerand, avait annoncĂ© au gĂ©nĂ©ral Buat son plan pour Ă©loigner Mordacq de cette Ă©ventualitĂ© : « Le but du ministre, en choisissant le gĂ©nĂ©ral Duport, Ă©tait d’avoir Ă  l’armĂ©e du Rhin, en cas de dĂ©part, d’absence ou d’accession de Degoutte Ă  un commandement supĂ©rieur, un officier gĂ©nĂ©ral plus ancien que le gĂ©nĂ©ral Mordacq, commandant le 30e corps, dont il ne veut pas pour commander l’armĂ©e le cas Ă©chĂ©ant. Il a alors dĂ©cidĂ© que Pouydraguin serait muni d’une lettre de service spĂ©ciale lui accordant le commandement de l’armĂ©e en l’absence du gĂ©nĂ©ral Degoutte. »

Le gĂ©nĂ©ral Degoutte donne encore son apprĂ©ciation : « Le gĂ©nĂ©ral Mordacq a toujours les mĂȘmes belles qualitĂ©s de commandement. L'instruction et la prĂ©paration Ă  la guerre sont activement poussĂ©es au 30e. Les sports et les tirs y sont l'objet d'une attention toute spĂ©ciale. De trĂšs bons rĂ©sultats ont Ă©tĂ© obtenus dans les concours. Tout cela est dĂ» Ă  l'action personnelle du gĂ©nĂ©ral. Cette personnalitĂ© le rend parfois un peu dur pour les autres mais il l'est pour lui-mĂȘme. Son activitĂ© le porte Ă  dĂ©border sa force d'action, mais son esprit de discipline et la droiture de son caractĂšre permettent au Commandement de tirer parti de ses tendances qui sont parfois la caractĂ©ristique du vrai chef. »[77]

Début 1923, son unité s'illustre aux épreuves sportives organisées, particuliÚrement le championnat de cross militaire. Le miroir des sports écrit en : « Tout derniÚrement, le championnat de cross militaire a été une victoire complÚte pour le 2e régiments de Tirailleurs et le 30e corps d'armée dont il fait partie. Tous les autres corps d'armée avaient des représentants : ils ont dû s'incliner, dans le classement par équipes, devant les Tirailleurs. Si nous doutions de la valeur de ces Africains, le général Mordacq, qui est le général le plus sportif de l'armée française, aurait raison de notre scepticisme. »[78]

Des rumeurs signalent qu'il est parmi les candidats au remplacement du gĂ©nĂ©ral Buat Ă  la tĂȘte de l'Ă©tat-major de l'armĂ©e lorsque celui-ci meurt subitement Ă  son poste fin 1923. C'est, plus logiquement, le gĂ©nĂ©ral Debeney qui est nommĂ© Ă  la suite de son passage Ă  la tĂȘte de l'École de Guerre. Mordacq avait souhaitĂ© commander le Centre des hautes Ă©tudes militaires depuis de longues annĂ©es : « On m'avait fait espĂ©rer, et le gĂ©nĂ©ral Nollet lui-mĂȘme (ministre de la Guerre), que j'avais des chances de remplir ces intĂ©ressantes fonctions. C'Ă©tait d'ailleurs assez naturel : beaucoup d'officiers disaient mĂȘme que cela s'imposait. C'Ă©tait moi, en effet, qui en 1908, avec le gĂ©nĂ©ral Foch, alors commandant de l'École de guerre, avait fondĂ© ces cours et professĂ©, pour la premiĂšre fois en France, un cours de stratĂ©gie. »[79] Finalement, le gouvernement nomme Ă  la place le gĂ©nĂ©ral Weygand. Mordacq avait reprochĂ© Ă  Weygand de devoir sa carriĂšre Ă  Foch, sans avoir eu Ă  commander une unitĂ© sur le front pendant toute la durĂ©e de la guerre, et le gĂ©nĂ©ral Buat Ă©crit dans son journal Ă  ce propos : « Le grand malheur est que le marĂ©chal Foch n'ait auprĂšs de lui aucun homme ayant exercĂ© un commandement de grande unitĂ© ; faute de voir les possibilitĂ©s, tout ce monde vit dans des opĂ©rations imaginaires, dĂ©pourvues de tout obstacle et de tout adversaire. C'est dangereux. »[80] - [81].

Le , le gĂ©nĂ©ral Mordacq quitte Ă  sa demande son commandement en Allemagne et marque ainsi son dĂ©saccord avec la politique d'Édouard Herriot, d'Aristide Briand, d'Alexandre Millerand et de Raymond PoincarĂ©, qu'il qualifiait de « politique d'abandon. » Mordacq croit que les acquis du TraitĂ© de Versailles Ă©taient bradĂ©s, au mĂ©pris de l'influence militaire et diplomatique de la France et au dĂ©triment de ses garanties stratĂ©giques de sĂ©curitĂ© et que les efforts portĂ©s Ă  l'entretien de la dĂ©fense militaire Ă©taient nĂ©gligents et imprudents et significativement insuffisants dans un contexte de remilitarisation de l'Allemagne. LefĂšvre, Barthou et Maginot au MinistĂšre de la guerre n'avaient pas su mettre en Ɠuvre les lois militaires nĂ©cessaires, l'Ă©tat-major de l'armĂ©e Ă©tait tout puissant mais inefficace et le gouvernement manquait de cohĂ©rence et de force en RhĂ©nanie[82] - [83].

C'est aussi une protestation personnelle Ă  l'Ă©gard du gouvernement : « Tout rĂ©cemment j'ai demandĂ© carrĂ©ment Ă  un trĂšs grand chef de l'armĂ©e française les motifs pour lesquels les politiciens faisaient tout pour m'empĂȘcher de rentrer en France. Il m'a fait cette rĂ©ponse caractĂ©ristique : "On ne veut pas de vous en France, dans une haute situation oĂč vous pourriez exercer une certaine influence, parce que l'on craint que vous ne chambardiez tout" raconte le gĂ©nĂ©ral Ă  Clemenceau en 1924 ». Le gĂ©nĂ©ral Mordacq avait voulu siĂ©ger au Conseil supĂ©rieur de la Guerre depuis plusieurs annĂ©es. Il n'avait pas pu en 1919 Ă  cause du critĂšre d'anciennetĂ© appliquĂ© strictement, un an de commandement de corps d'armĂ©e, mais n'avait pas perdu l'ambition d'y ĂȘtre nommĂ©. Tandis que les gĂ©nĂ©raux Buat, Weygand, Niessel et Ragueneau intĂ©graient progressivement ses rangs, le gĂ©nĂ©ral constate qu'il en demeure Ă  l'Ă©cart.

Alors que le gĂ©nĂ©ral Nollet lui promet sa nomination au dĂ©part du gĂ©nĂ©ral Graziani, il dĂ©couvre celle du gĂ©nĂ©ral Duport : « Quelques jours aprĂšs, j'apprenais que la place vacante du gĂ©nĂ©ral Graziani au Conseil SupĂ©rieur de la Guerre qui me revenait et m'avait Ă©tĂ© formellement promise par le gĂ©nĂ©ral Nollet venait d'ĂȘtre donnĂ©e au gĂ©nĂ©ral D. uniquement comme je l'ai su plus tard pour ne pas me nommer. Le gĂ©nĂ©ral D., en effet allait ĂȘtre atteint par la limite d'Ăąge quelques mois aprĂšs. C'Ă©tait la premiĂšre fois depuis la crĂ©ation du CSG que l'on y voit entrer un gĂ©nĂ©ral n'ayant pas encore devant lui trois annĂ©es d'activitĂ©. »[84] ; la nomination ensuite du gĂ©nĂ©ral Targe le convainc Ă  l'idĂ©e que le gouvernement souhaite le tenir Ă  l'Ă©cart. Pourtant, le marĂ©chal PĂ©tain, dans une lettre datĂ©e du , lui Ă©crivait que « l'Ă©poque oĂč vous pourrez entrer au Conseil SupĂ©rieur de Guerre se rapproche. » La direction de l'Inspection des Écoles Militaires est confiĂ©e Ă  un autre gĂ©nĂ©ral, sous prĂ©texte que Mordacq ne siĂšge pas encore au Conseil supĂ©rieur de Guerre. Le gĂ©nĂ©ral s'explique : « J'Ă©tais bien obligĂ© de m'en aller, puisque je savais de source certaine que l'on ne me confierait aucune fonction me permettant d'exercer une rĂ©elle influence. »[85]

Le nouveau commandant de l'ArmĂ©e du Rhin, le gĂ©nĂ©ral Guillaumat, Ă©crit dans l'Ordre 244 de l'ArmĂ©e du Rhin : « [
] En lui faisant ses adieux et en lui souhaitant Ă  l'expiration de son congĂ© un poste Ă©minent en rapport avec son activitĂ© et sa grande expĂ©rience, le gĂ©nĂ©ral commandant lui adresse ses fĂ©licitations pour le haut degrĂ© d'instruction et la belle tenue morale dans lesquels il a su maintenir son corps d'armĂ©e. Pendant son sĂ©jour au palais impĂ©rial de Wiesbaden le gĂ©nĂ©ral Mordacq a su allier vis-Ă -vis des Allemands la fermetĂ© et l'Ă©nergie Ă  la courtoisie et Ă  l'impartialitĂ©. Il a donnĂ© en mĂȘme temps qu'Ă  ceux-ci, Ă  tous les Français et Ă  tous les Ă©trangers qui ont visitĂ© sa rĂ©sidence une grande idĂ©e du prestige de notre drapeau. Ce faisant, il s'est inspirĂ© de la tradition des grands soldats et des grands serviteurs de la RĂ©publique. Lors du dĂ©jeuner de dĂ©part du gĂ©nĂ©ral Mordacq organisĂ© Ă  Mayence par le Guillaumat, ce dernier tient un discours d'adieu qui marque le commandant du 30e corps au crĂ©puscule de sa vie militaire : « Pour la premiĂšre fois depuis que j'Ă©tais en RhĂ©nanie, j'entendis un de mes chefs rendre justice Ă  la tĂąche si pĂ©nible, si Ă©crasante mĂȘme et aussi si dĂ©licate que j'avais eu Ă  remplir pendant cette longue pĂ©riode. On voyait d'ailleurs que le gĂ©nĂ©ral Guillaumat Ă©tait trĂšs documentĂ©, car il cita quelques faits qui n'Ă©taient connus que de moi et de quelques officiers de l'armĂ©e du Rhin. Il fit, enfin, allusion Ă  certain rĂŽle que j'avais jouĂ©, dans la derniĂšre partie de la guerre, et cela avec une vigueur et une conviction qui montraient que, si le gĂ©nĂ©ral Guillaumat avait le courage militaire, il avait aussi le courage civique. Peu de grands chefs auraient osĂ© Ă  cette Ă©poque tenir un pareil langage : je ne pourrai jamais l'oublier. »[86]. »

La publication en 2006 des correspondances de guerre du gĂ©nĂ©ral Guillaumat donne lieu Ă  un tĂ©moignage sans Ă©quivoque du rĂŽle jouĂ© par Mordacq. Il Ă©crit le 27 novemebre 1918 Ă  sa femme : « Quant aux histoires de marĂ©chalat, il n'y a que Castelnau qui s'agite autour du bĂąton. Ils auront beau faire, on Ă©crira un jour que la victoire est l’Ɠuvre de trois hommes, Clemenceau, Mordacq et un autre, et aucun d'eux n'a besoin de bĂąton pour marcher. »[87]

Dans ce livre publiĂ© lors de son retour en France pour tĂ©moigner de son expĂ©rience de outre-Rhin, il dresse le bilan des dangers et des dĂ©sillusions Ă  la suite de la passivitĂ© et de la faiblesse des gouvernements français successifs. MĂȘme l'Action française recommande cet ouvrage du gĂ©nĂ©ral : « On devine que l’auteur a voulu que son expĂ©rience ne fĂ»t pas perdue et il a dit ce que lui avait enseignĂ© le contact des Allemands. Le gĂ©nĂ©ral Mordacq et l’Action française n’ayant pas de sympathies rĂ©ciproques (il ne le cache pas), nous sommes tout Ă  fait Ă  l’aise pour citer son tĂ©moignage instructif. »

En 1925, sa fille, Edmée (1904-1966), épouse le docteur André Raiga (1893-1979), petit-neveu de Clemenceau, ultérieurement Raiga-Clemenceau par décret du , à la demande de Michel Clemenceau, son cousin, fils du président[88] - [89] - [90].

Mordacq raconte dans La MentalitĂ© Allemande, Cinq annĂ©es de Commandement sur le Rhin : « Personnellement, je n'avais aucun espoir de recevoir un commandement ou des fonctions intĂ©ressantes en France. Je savais, et j'en eus la confirmation Ă  Paris, que le gouvernement actuel tenait essentiellement Ă  me maintenir loin de la France. D'autre part les deux derniĂšres nominations au Conseil supĂ©rieur de guerre montraient que l'on Ă©tait trĂšs rĂ©solu Ă  ne pas m'y appeler. Je m'Ă©tais nĂ©anmoins inclinĂ© parce que les gĂ©nĂ©raux qui en bĂ©nĂ©ficiĂšrent avaient l'estime de l'armĂ©e. Toutefois, j'avais prĂ©venu le marĂ©chal PĂ©tain que si l'on venait Ă  nommer avant moi un certain gĂ©nĂ©ral T., je considĂ©rerais cette nomination comme un soufflet Ă  l'armĂ©e et donnerais aussitĂŽt ma dĂ©mission. Un trĂšs grand chef de l'armĂ©e avait fait, d'ailleurs la mĂȘme dĂ©claration que moi. Le gĂ©nĂ©ral Mangin Ă©tant venu Ă  mourir, il fut remplacĂ© par le gĂ©nĂ©ral T. le lendemain de cette nomination je demandai Ă  passer au cadre de rĂ©serve. »

De 1925 Ă  1943

Le gĂ©nĂ©ral Mordacq quitte l'armĂ©e dĂ©finitivement en . À partir de cette date, il a une activitĂ© politique et associative trĂšs dense. Il Ă©crit aussi tout au long de cette pĂ©riode des dizaines d'articles et publie plus d'une quinzaine d'ouvrages politiques et militaires ou biographiques.

Il fonde et préside le Comité national contre l'évacuation de la Rhénanie et de la Sarre en 1929. Il devient président d'honneur de l'Association Amicale des Anciens Combattants des 25e, 65e et 106 BVP [91] et de l'Association des Anciens Combattants du 1er Tirailleurs algériens. Il préside à nouveau la Société d'escrime militaire, qu'il avait fondée en 1904. Elle adhÚre en 1921 à la Fédération nationale d'escrime, dont Mordacq est le vice-président d'honneur, qui englobe dÚs ce moment toute l'activité militaire de la Fédération. Il est également vice-président d'honneur de la Ligue française des escrimeurs anciens combattants. Le général Mordacq est président de l'Association des Anciens Officiers du 30e corps d'Armée et du Comité national du monument à la gloire des groupes cyclistes de chasseurs à pied et alpins. Il est au Comité de patronage de la Revue Militaire Générale et de la Société de la Sabretache et du groupement des volontaires techniciens du service des chiens de guerre en cas de mobilisation générale en 1937. Mordacq est membre fondateur de l'Académie septentrionale (1935).

En pour le ComitĂ© contre l'Ă©vacuation de la RhĂ©nanie et de la Sarre, il invite Ă  Paris dans la Salle Wagram des dĂ©lĂ©guĂ©s venus d'Autriche, de Pologne et de RhĂ©nanie pour s'exprimer devant plusieurs milliers de citoyens et d'anciens combattants la nĂ©cessitĂ© d'ĂȘtre ferme Ă  l'Ă©gard de l'Allemagne, de ne pas abandonner les peuples polonais et tchĂ©coslovaque Ă  la volontĂ© allemande d'hĂ©gĂ©monie et de continuer Ă  moderniser l'ArmĂ©e française afin de se prĂ©munir d'additionnelles mises en pĂ©ril des garanties de sĂ©curitĂ© de la Nation[92]. Il fait des confĂ©rences remarquĂ©es sur l'Allemagne, sur Clemenceau, et sur l'ArmĂ©e en France, notamment au Club du Faubourg mais aussi au ComitĂ© Dupleix-Bonvalot, Ă  la salle Pleyel, devant de nombreuses assemblĂ©es.

Dans son ouvrage de 1930, Pouvait-on signer l'armistice Ă  Berlin ?, il regrette que l'armistice n'ait pas Ă©tĂ© retardĂ© pour permettre le dĂ©clenchement de la grande offensive prĂ©vue en Lorraine pour le [93] : « Étant donnĂ© la situation stratĂ©gique et la situation politique presque dĂ©sespĂ©rĂ©e dans lesquelles ils se trouvaient, il est probable que [les Allemands] auraient, de nouveau, demandĂ© un armistice et acceptĂ© toutes les conditions imposĂ©es par les AlliĂ©s, donc la signature de cet armistice Ă  Berlin mĂȘme, avec toutes les consĂ©quences qu'il entraĂźnait et en particulier l'occupation de la plus grande partie de l'Allemagne ».

Il succĂšde Ă  son beau-pĂšre comme administrateur de L'Énergie industrielle fondĂ©e par l'entrepreneur Pierre-Marie Durand en 1926, rĂ©Ă©lu en mars 1937. Il est Ă©galement administrateur d'une de ses filiales, la sociĂ©tĂ© ÉlectricitĂ© et Eaux de Madagascar entre 1928 et 1933, et siĂ©gera au conseil d'administration des Forces motrices de la Loue (Jura), qu'il prĂ©sidera au cours des annĂ©es 30.

Clemenceau dit de lui dans Grandeurs et misÚres d'une victoire, publié en 1930 en réponse au Mémorial de Foch (1929) : « On sait que le général Mordacq, l'un de nos meilleurs divisionnaires, était le chef de mon cabinet militaire. J'en connais qui ne lui ont pas encore pardonné.... Ci-dessous ce que je puis extraire des carnets du général, dont l'inlassable dévouement ne connut pas une heure de relùche. »

Le gĂ©nĂ©ral Mordacq devient membre du ComitĂ© de patronage de l'Association nationale des officiers combattants en 1930. Selon le Rapport fait au nom de la commission d'enquĂȘte chargĂ©e de rechercher les causes et les origines des Ă©vĂ©nements du 6 fĂ©vrier 1934, les mille membres de l'ANOC n'ont pas le droit d'appartenir Ă  d'autres types de groupements, contrairement Ă  d'autres associations d'anciens combattants. Le rapport cite son prĂ©sident, le colonel et conseiller municipal Ferrandi : « Cette association est dans le genre de celle des Croix de Feu : elle ne comprend que des officiers de rĂ©serve ou des anciens officiers de l’active, anciens combattants ayant eu des citations au front. Nous sommes trĂšs stricts sur le recrutement de cette association. Nous exigeons des citations caractĂ©ristiques. Il y a lĂ  aussi des gens appartenant Ă  toutes les opinions. »

L'organe de l'ANOC est le journal Par l'effort. Dans son numĂ©ro de , sous le titre « Faudra-t-il en arriver lĂ  ? », un dessin reprĂ©sentant le palais Bourbon en flammes et des parlementaires pendus aux rĂ©verbĂšres du pont de la Concorde est reproduit. Dans son numĂ©ro de , sous le titre « À suivre », la commission d'enquĂȘte relĂšve Ă©galement ce passage : « Le rĂ©gime actuel est un vĂ©ritable palais des mirages, on vous en flanque plein la vue et eux plein les poches.... D'un Ă©lan sublime le peuple prit la Bastille et guillotina, au nom de la libertĂ©, pas mal de â€č ci-devants â€ș . De barricades en barricades, nous sommes arrivĂ©s au sommet de la civilisation.... On prĂ©tend que l’histoire est un Ă©ternel recommencement. Alors, bon peuple de France, il paraĂźt que tu en as â€č marre â€ș ; qu’est-ce que tu attends pour remettre cela ? » Le colonel Ferrandi doit rĂ©pondre aux questions du dĂ©putĂ© Catalan dans sa dĂ©position devant la commission d’enquĂȘte : « Avez-vous dans votre programme la rĂ©volution Ă  main armĂ©e ? - Non ! Mais cela ne veut pas dire qu’on ne le fera pas. - Les prĂ©sidents d’honneur de votre groupement sont MM. Les gĂ©nĂ©raux BrĂ©mond, Niessel et Mordacq. (
) À ces gĂ©nĂ©raux, membres de votre comitĂ© de patronage, et au gĂ©nĂ©ral Niessel, votre prĂ©sident d’honneur, est ce que vous faites le service du journal Par l’effort ? - Oui - Aucun d’eux n’a jamais manifestĂ© sa dĂ©sapprobation Ă  l’égard des articles publiĂ©s dans ce journal que je viens de lire ? - Nous sommes des patriotes tellement orthodoxes, comment voulez-vous qu’ils dĂ©sapprouvent ! » Le rapport conclut finalement que les membres de l'ANOC n'ont pas Ă©tĂ© appelĂ©s Ă  manifester par leur comitĂ© directeur ou par les gĂ©nĂ©raux du comitĂ© de patronage[94].

Le , il fait partie des intimes au chevet de Clemenceau qui accompagnent son cercueil jusqu'à sa tombe en terre natale de Vendée. Le général Mordacq est administrateur de la Société des amis de Clemenceau à partir de cette date. Son gendre, André Raiga-Clemenceau, poursuivra cette mission aprÚs lui.

Mordacq publie Clemenceau au soir de sa vie 1920-1929 chez Plon en 1933 pour le tome 1er) et Clemenceau (1939).

Au cours d'une conférence en 1930, il énumÚre les infractions allemandes aux clauses militaires du Traité de Versailles, en termes d'armement de toutes sortes, d'avions, d'usines à l'étranger, de groupes de jeunesse paramilitaires, tout en mettant en garde contre l'abandon de l'occupation de la rive gauche du Rhin jusqu'en 1935, la léthargie de l'armée française et le bellicisme revanchard affiché par une large catégorie de la population à l'est du Rhin[95].

En 1933, il est l'un des membres fondateurs de l'Union pour la Nation, au cĂŽtĂ© du dĂ©putĂ© de gauche Henry Franklin-Bouillon, et de l'ancien ministre de la Marine, l'amiral Lacaze. Ils militent pour la vigilance contre la remilitarisation allemande et Ă  la stricte observation des clauses du TraitĂ©. Dans Cahiers de la fondation Charles De Gaulle, Gilles Le Beguec et Jean-Paul Thomas situent cette structure dans la lignĂ©e du Parti social français et du futur Rassemblement du peuple français du gĂ©nĂ©ral de Gaulle en termes d'organisation : ce sont des rassemblements d'objectifs, des « instruments de mobilisation de l’opinion publique autour d’un petit nombre de thĂšmes qui sont Ă  la fois des thĂšmes de portĂ©e gĂ©nĂ©rale (la "rĂ©novation", le "redressement", le "salut public", etc.) et des objectifs d’ordre pratique (la rĂ©forme constitutionnelle, par exemple) », avec une volontĂ© de dĂ©passer les clivages politiques traditionnels, en place des personnalitĂ©s extĂ©rieures au monde politique traditionnel, avec droit Ă  la double appartenance.

Le général demeure au comité directeur jusqu'en 1936 et cÎtoie en son sein des personnalités telles que le diplomate Jules Cambon, le sénateur martiniquais Henry Lémery et ancien collÚgue du gouvernement Clemenceau, l'historien Marcel Marion,l'explorateur Gabriel Bonvalot, l'ancien communard et diplomate Camille BarrÚre, le chirurgien Jean-Louis Faure, le professeur Arnold Netter et le pasteur Raoul Allier.

En , il écrit dans Les Leçons de 1914 et la prochaine guerre, publié chez Flammarion :

« Il fallut l’avĂšnement d'Hitler, ses appels continuels au Deutschland ĂŒber alles pour ouvrir enfin les yeux des Français. L'heure est venue de rappeler que la guerre est en effet fort possible et que par consĂ©quent il faut suivant l'euphĂ©misme mĂȘme des Allemands, non pas la prĂ©parer, mais s'y prĂ©parer. Il faudra donc Ă  l'Allemagne un dĂ©lai d'un certain nombre d'annĂ©es pour endormir Ă  nouveau ses anciens prĂȘteurs et rĂ©tablir la confiance. Combien d'annĂ©es? Ce n'est pas prĂ©parer la guerre mais crĂ©er au contraire une sorte d'assurance de garantie presque certaine contre cette folie, contre cette calamitĂ© qu'elle reprĂ©sente et qui malheureusement peut surgir d'un jour Ă  l'autre, si l'on ne prend pas les mesures nĂ©cessaires pour s'en prĂ©server. Et nous posons enfin cette question : les vĂ©ritables pacifistes sont-ils ceux qui se consacrent Ă  cette tĂąche ou bien ceux qui se contentent de bĂȘler la paix ? »

Il reçoit en 1936 les lauriers d'or polonais. Il avait Ă©crit La Bataille de Varsovie mais s'Ă©tait intĂ©ressĂ© aussi depuis trente ans aux questions slaves et avait mĂȘme appris le russe lorsque, jeune commandant, il se rendait prendre des cours rue de Bellechasse, Ă  la caserne des Cent Gardes.

L'Association de la reconnaissance nationale française est fondée le avec le général Mordacq au comité d'honneur. Cette association décernera une Croix des Services Civiques, dite Croix Mordacq, avec comme devise » Devoir, France, Dévouement »[96].

Le , le président de la Fédération des sociétés d'anciens de la Légion étrangÚre « le désigne pour ranimer la flamme de la Légion lors de la traditionnelle cérémonie de la Fédération des Amicales Régimentaires et d'Anciens Combattants[97]. »

Dans La DĂ©fense nationale en danger en 1938, il Ă©crit :

« Notre frontiĂšre nord-est n'est plus couverte par l'armĂ©e belge. Les Allemands, gens mĂ©thodiques et prudents, ne commettront certainement pas la faute stratĂ©gique de se lancer contre la Ligne Maginot actuelle, ou contre nos fortifications de Lorraine. Il n'y a pas de doute que dans le Nord, ils Ă©tendraient cette fois certainement leur aile droite jusqu'Ă  la mer. Que l'on ne vienne pas parler d'une rĂ©sistance hollandaise ou belge. Actuellement on ne saurait y croire. Si la guerre Ă©clatait demain, elle serait encore plus terrible que la derniĂšre. Il ne faut pas se faire d'illusions : par guerre totale, les grands chefs allemands entendent l'emploi de tous les moyens imaginables pour arriver Ă  vaincre l'adversaire : emploi de gaz asphyxiants, guerre sous-marine sans restriction, massacre de non-combattants soit par bombes ou mĂȘme par de simples fusillades. »

Le 1940, Le Petit Parisien réalise son portrait pour son numéro d'anniversaire de l'armistice : « Le général Mordacq n'est pas homme à s'attarder sur des souvenirs. Bouillant, actif, plein de fougue, passionnément épris de la patrie, il ne voit dans l'évocation du passé que prétexte pour mieux préparer le lendemain. »[98] Une partie de cet article fut censuré, certaines des critiques envers le gouvernement, le parlement ou la stratégie de l'armée ayant dû déplaire.

Maurice Constantin-Weyer écrit en 1940 dans l'Officier de Troupe : « J'ai souvent admiré, au cours de la derniÚre guerre le parfait maintien de la Division Mordacq, l'une des meilleures de l'armée. Le général Mordacq avait la réputation d'avoir la main dure. C'est un souvenir qu'ont probablement conservé certains des généraux et colonels d'aujourd'hui qui ont été sous ses ordres à Saint-Cyr. Mais le général Mordacq, dont par ailleurs le livre La Guerre au XXe SiÚcle, était une étude assez prophétique des conditions de guerre moderne, était le premier à se soumettre à la discipline qu'il exigeait des autres. La vertu de l'exemple est primordiale. »[99]

Alors que les Allemands occupent Paris à compter du , ils se rendent à sa résidence au 95, boulevard Raspail, afin que le général aille chez son éditeur briser les marbres de ses parutions. Il s'expliquera pourquoi le tome V de ses Grandes Heures de la Guerre ne put paraßtre : les Allemands ne l'avaient pas autorisé. Il est inscrit par la suite sur la liste Otto du , qui recense les auteurs et les ouvrages interdits par l'occupant allemand.

Georges Wormser, dans sa biographie de Georges Mandel, rapporte que Mordacq, apprenant la future promulgation des lois raciales (loi du statut relative aux les Juifs du et celle de ), avait dĂ©clarĂ© au chef de l’État : « Monsieur le MarĂ©chal, vous allez dĂ©shonorer notre uniforme. » PĂ©tain lui rĂ©pond « je m'en f... ! » ; Wormser ajoute : « Ce fut un des premiers coups portĂ©s Ă  la popularitĂ© du MarĂ©chal (...) Un de ceux qui se montrĂšrent le plus indignĂ©s de la rĂ©ponse du MarĂ©chal fut le colonel de La Rocque. »

Wormser Ă©crit dans le mĂȘme ouvrage qu'en mi-, alors que la France peinait sous l'assaut allemand dans un contexte d'exode et de dĂ©bĂącle, le ministre de l'IntĂ©rieur intervint auprĂšs du marĂ©chal PĂ©tain, alors vice-prĂ©sident du Conseil, pour lui faire une proposition de crise : « Elle consisterait Ă  confier la responsabilitĂ© de l'ordre Ă  un homme de confiance sachant commander. Pour gagner l'assentiment et obtenir l'obĂ©issance des commandants de rĂ©gions, il faut que ce soit un militaire. Le gĂ©nĂ©ral Mordacq, chef de cabinet militaire de Clemenceau, restĂ© l'ami intime du marĂ©chal PĂ©tain, nous parait indiquĂ©. » Toutefois, Mandel se heurte Ă  un mur, et PĂ©tain Ă©lude la proposition : « Mordacq est Ă  la retraite, qu'on l'y laisse. » Le mĂȘme jour, Mordacq arrive de Gannat pour rencontrer PĂ©tain et lui proposer un plan stratĂ©gique : « S'appuyer sur la ligne Maginot, et par Langres, la basse Seine puis la Loire, Ă©tablir la possibilitĂ© d'une grande attaque latĂ©rale. PĂ©tain se montre intĂ©ressĂ©, il demande Ă  Mordacq de revenir l'aprĂšs-midi pour en traiter devant le gĂ©nĂ©ral Bineau (son directeur de cabinet militaire). Ce dernier dĂ©montre que l'on n'a ni le temps ni les moyens pour une manƓuvre de telle envergure. Mordacq repart le soir mĂȘme, accablĂ© de ce qu'il a vu. Il a vu Mandel avant et aprĂšs ces entrevues. Le ministre ne lui propose rien puisque le MarĂ©chal n'est pas d'accord. » Le 16 juillet et le 21 octobre 1940, il rencontre Jules Jeanneney, qui prĂ©sidait le SĂ©nat jusqu'au 10 juillet 1940, vote des pleins pouvoirs pour Philippe PĂ©tain[100], ce dernier indique qu'il dĂ©jeunait avec PĂ©tain le 21 octobre mais "s'affirme pourtant trĂšs fidĂšle Ă  Mandel".

Le fils de Georges Wormser, Marcel, se souvient de cette anecdote durant l'Occupation, le général expliquant à son frÚre et lui « comment trois ou quatre hommes décidés pouvaient s'emparer d'une gendarmerie et des armes qu'elle contenait ». Mordacq se retire en 1942 dans sa propriété du Castel de la Serre prÚs de Gannat. L'histoire raconte que des Allemands, venus réquisitionner les lieux, le voyant sortir en grand uniforme, repartent intimidés aprÚs lui avoir rendu les honneurs militaires[101].

Il est mentionnĂ© et accusĂ© dans un des pamphlets de Louis-Ferdinand CĂ©line, Bagatelles pour un massacre. Cette mention le dĂ©signe Ă  toutes sortes de rumeurs auxquelles il aimait rĂ©pondre en riant : « Prouvez-le, que je suis juif ! »[102] C'est Ă  cette mĂȘme Ă©poque que les occurrences de son nom disparaissent des rĂ©Ă©ditions d'une biographie du Tigre par le germanophile Georges Suarez. En 1939, il est mentionnĂ© au cƓur d'accusations antisĂ©mites du journaliste et militant d'extrĂȘme-droite Paul Ferdonnet dans son livre La Guerre Juive : « Le chef du Grand Quartier gĂ©nĂ©ral Ă©tait un gĂ©nĂ©ral bien nĂ©, français de cƓur et de courage, qui fut l'excellent second du PĂšre la Victoire et qui s'appelait quand mĂȘme Mordacq. Entre parenthĂšses, le ministre de la Justice s'appelait Ignace et le ministre des Finances Klotz. Eh bien ! Rheims, Abrami, IsraĂ«l, Mandel, Mordacq, Ignace et Klotz, ce sont des noms juifs, les noms des Juifs qui tenaient tous les leviers de commande de l'Etat pendant la guerre. »

BaptisĂ© mais rĂ©publicain et laĂŻc, proche du Tigre mais aussi des milieux militaires patriotes, la consonance Ă©trangĂšre de son nom de famille et son Ă©tiquette « progressiste » lui ont valu une rĂ©currente suspicion raciste de la part de certains de ses dĂ©tracteurs et ennemis, ce trĂšs tĂŽt dans son parcours militaire. Cette suspicion raciste contamine mĂȘme des observateurs de l'autre bord politique. Dans son Ă©dition du , l'Action française se sent mĂȘme obligĂ©e de publier un rectificatif, ayant publiĂ© un passage d'un article oĂč le journaliste Albert CrĂ©mieux mentionnait Mordacq parmi les "Juifs patriotes ayant Ă©tĂ© pour le Clemenceau de la guerre et de la victoire d'utiles collaborateurs": « M. le gĂ©nĂ©ral Mordacq nous Ă©crit "qu'il n'est pas IsraĂ©lite et qu'aucun membre de sa nombreuse famille ne l'est" ».

Le , le corps du gĂ©nĂ©ral Mordacq est retrouvĂ© dans la Seine Ă  Paris vers 10h30. Le rapport de police du 13 avril note qu'il a chutĂ© depuis le pont des Arts, qu'il n'avait aucun papier d'identitĂ© sur lui, qu'il est encore vivant lorsqu'il est repĂȘchĂ© par un marinier, et conduit Ă  HĂŽtel-Dieu oĂč il dĂ©cĂšde quelques heures plus tard, avant d'ĂȘtre reconnu dans la soirĂ©e par son gendre. Le lendemain, l'agence de presse nazie, le Deutsches NachrichtenbĂŒro, annonce son « suicide », reprise par d'autres journaux collaborationnistes ; l'autopsie pratiquĂ©e est aussi censurĂ©e[103].

De l'autre cÎté de l'Atlantique, le New York Times se distancie de ce récit : "Un conseiller de Clemenceau se suicide, selon les Nazis. Berlin annonce qu'il s'est jeté dans la Seine. Ce commandant de la Grande Guerre, confident et biographe de Clemenceau, est connu pour avoir de nombreux ennemis politiques[104].

Selon un message interne de l'ArmĂ©e secrĂšte du , une des consignes donnĂ©es Ă  la presse par le gouvernement est de diffĂ©rer les nouvelles liĂ©es Ă  la « mort du gĂ©nĂ©ral Mordacq[105]». RĂ©sistance - le nouveau journal de Paris Ă©crit le 23 juin 1943 : "Le GĂ©nĂ©ral Mordacq vient d'ĂȘtre assassinĂ© Ă  Paris par la Gestapo. Son corps a Ă©tĂ© retrouvĂ© sur les berges de la Seine" ; le Bulletin d'informations gĂ©nĂ©rales du Bureau de presse de la France Combattante Ă©crit le 25 mai 1943 : "Officiellement "suicidĂ©" par la propagande nazie. Personne ne s'y est trompĂ© ; le vieux gĂ©nĂ©ral, connu pour son Ă©nergie, n'Ă©tait pas de ceux qui mettent ainsi fin Ă  leurs jours, et l'explication par le "suicide" est si classique qu'elle Ă©quivaut Ă  la signature des tueurs de la Gestapo" ; en juin 1943, Henri Drouot Ă©crit dans ses Notes d'un Dijonnais pendant l'occupation allemande - 1940-1944 : "Assassinat de Mordacq par la Gestapo, annoncent les radios libres."

Les obsÚques ont lieu le en l'église Notre-Dame-des-Champs. Il est enterré au cimetiÚre du Montparnasse à l'emplacement DIV 17-Ligne 28, Est - Tombe 20. L'extérieur de la tombe sera vandalisé dans les années 2000.

La République française attendra le pour lui rendre hommage avec le dévoilement d'une vitrine dédiée au centre des hautes études militaires, puis le , dans le cadre du centenaire, avec la pose d'une plaque sur sa maison natale à Clermont-Ferrand, 22 rue Georges-Clemenceau, à l'initiative de la mairie et de la préfecture du Puy-de-DÎme sollicitées par la présidente de l'association Les Amis du vieux Clermont. Le directeur général du centre des hautes études militaires écrira [106] :

« Quand Clemenceau vient le solliciter, dĂ©but , Mordacq s’apprĂȘte Ă  prendre le commandement d’un corps d’armĂ©e et ce n’est pas sans regrets qu’il rejoint le Tigre Ă  Paris. Mais il le fait sans hĂ©siter car ce combattant est aussi un intellectuel, l’un des rares en France Ă  l’époque Ă  avoir compris Clausewitz. Il saisit immĂ©diatement les enjeux qui s’attachent Ă  sa nomination pour que soit fructueux le dialogue des armes et de la toge. Dans l’ombre du Tigre, l’Ours – comme on surnomme son chef de cabinet – va pendant plus de deux ans ĂȘtre au cƓur des relations politico-militaires de gouvernement. À son niveau, il apportera lui aussi une contribution majeure Ă  la victoire. »

Parcours militaire

Campagnes militaires

  • Sud-Oranais 1889-1893 2e Zouaves
  • Tonkin-Cochinchine-Cambodge 1893-1896 1er REI
  • AlgĂ©rie 1896-1897 130e RI
  • Front Ouest-commandement 1914-1917 159e RIA, 88e "Brigade d'Arras", 90e Brigade d'Afrique, 24e DI
  • Occupation de la RhĂ©nanie-commandement 1920-1925 30e CA

Études militaires

  • École SpĂ©ciale Militaire de Saint-Cyr 1887-1889 47e/446
  • École de Tir 1892 21e/90
  • École supĂ©rieure de Guerre 1898-1900 60e /80
  • Centre des hautes Ă©tudes militaires 1911

Parcours hors commandement

Grade

DĂ©corations militaire

Décorations françaises

DĂ©corations Ă©trangĂšres

Écrits

  • Pourquoi Arras ne fut pas pris, prĂ©face du marĂ©chal PĂ©tain, 1934[115]
  • Les lĂ©gendes de la Grande guerre, Flammarion, 1935
  • Les Responsables de la Guerre, (Marches de France),
  • Faut-il changer le RĂ©gime ?, A.Michel, 1935
  • La prĂ©pondĂ©rance de l'aviation dans la prochaine guerre, (Marches de France),
  • Les 25e, 65e, 106e bataillons de chasseurs Ă  pied pendant la grande guerre, du 2 aoĂ»t 1914 au 11 novembre 1918, prĂ©face du gĂ©nĂ©ral Mordacq, 1936
  • Pour Ă©viter la guerre, la leçon de 1914, (Marches de France),
  • Testament politique de Bismarck, Traduction de M.V. KubiĂ©, prĂ©face du GĂ©nĂ©ral Mordacq. Éditions R.A CorrĂ©a, Paris, 1937
  • L’Armistice du ; rĂ©cit d’un tĂ©moin, 1937
  • La DĂ©fense Nationale en danger, Éd. de France, 1938
  • Les grandes heures de la guerre : 1914, la guerre de mouvement, Plon, 1938
  • Les grandes heures de la guerre : 1915, la guerre des tranchĂ©es, Plon 1938
  • Les grandes heures de la guerre : 1916, Verdun, Plon, 1938
  • Les grandes heures de la guerre : 1917, L’annĂ©e d’angoisse, Plon, 1938
  • Clemenceau
 : l'homme politique, l'orateur, le journaliste, l'Ă©crivain aux armĂ©es, le mĂ©decin, l'acadĂ©micien, l'homme privĂ© : ses dĂ©fauts et ses erreurs, Éd. de France, 1939
  • Les Cahiers d'un Officier sous la TroisiĂšme RĂ©publique, (, inachevĂ©)

Notes

  1. Entrée "Général Henri Mordacq", Dictionnaire Clemenceau, Sylvie Brodziak, Samuel Tomeï, Jean-Noël Jeanneney, Editions Robert Laffont, 2018
  2. Le lieutenant-colonel Reboul Ă©crit en 1925 dans son livre Mobilisation Industrielle : « Les avertissements mĂ©ritaient d'autant plus d'ĂȘtre pris en considĂ©ration, qu'ils venaient, pour la plupart, de personnes compĂ©tentes et estimĂ©es. Parmi elles, il faut citer notamment le gĂ©nĂ©ral Langlois, l'ancien commandant de l'École de Guerre, le pĂšre de l'artillerie Ă  tir rapide. Dans la Revue Militaire GĂ©nĂ©rale d'octobre 1911, il prenait nettement parti pour le gĂ©nĂ©ral Mordacq, alors commandant, celui-ci soutenant, contre l'opinion gĂ©nĂ©rale, que la prochaine guerre serait de longue durĂ©e. »
  3. Acte de naissance no 36 du .
  4. La promotion Tombouctou est un hommage aux avancĂ©es du colonel Archinard au Soudan Occidental entre les fleuves SĂ©nĂ©gal et Niger, alors mĂȘme qu'il fallut attendre 1894 et la prise de la ville par la colonne commandĂ©e par le commandant Joffre pour que cette revendication fĂ»t effective.
  5. Cette promotion comprend, entre autres, les généraux Andlauer, Lacapelle, Mangin, Gassouin, Sérot-Alméras, Messimy.
  6. Cette opĂ©ration comprend plus de 4 000 personnes en tout et couvre le 2e et le 3e territoire du Tonkin (dont prĂšs de 600 lĂ©gionnaires et 1100 tirailleurs).
  7. Lettres du Tonkin et de Madagascar : 1894-1899, page 299, 1920
  8. Galliéni au Tonkin 1892-1896, page 71.
  9. Selon mention marginale de l'acte de naissance.
  10. Historique de l'entreprise Moisant-Laurent-Savey
  11. Discours funĂšbre de Edmond Laurent
  12. Le jeune capitaine se projette dĂ©jĂ  dans l'avenir et comprend ce Ă  quoi ressemblerait un conflit europĂ©en moderne : - « À l’époque oĂč nous vivons, la guerre devient de plus en plus scientifique »; - «...la bataille actuelle, Ă©tant donnĂ© les effectifs en prĂ©sence, ne doit pas seulement durer une journĂ©e mais bien plusieurs journĂ©es consĂ©cutives »; - «...dans la prochaine guerre », « des journĂ©es entiĂšres seront employĂ©es Ă  combattre de simples avant-lignes masquant le gros des forces »; - «...rien ne dit que l’infanterie, aprĂšs avoir vu de telles tueries [canonnage d’une troupe Ă  dĂ©couvert], ne serait pas dĂ©moralisĂ©e, au point de perdre le sentiment de l’offensive » -« Ayons donc Ă  la tĂȘte de nos armĂ©es des chefs encore jeunes, au tempĂ©rament vraiment français, c’est-Ă -dire ne connaissant qu’une tactique : l’offensive ». (Ă  l'image de Gouraud, Mangin, Buat et Weygand, et les jeunes divisionnaires de 1917).
  13. "Il me paraĂźt que beaucoup d'officiers, mĂȘme parmi les meilleurs, mĂȘme parmi ceux qui s'efforcent le mieux de comprendre notre temps, ne portent qu'un jugement superficiel sur le mouvement d'idĂ©es, sur le drame de conscience qui se dĂ©veloppe dans le prolĂ©tariat. Ainsi M. le capitaine JibĂ©, dans le livre d'ailleurs utile et attachant qu'il a publiĂ© sur l'ArmĂ©e nouvelle, rĂ©pĂšte sans cesse que l'armĂ©e, comme tout organisme, doit se prĂȘter Ă  la loi supĂ©rieure, Ă  la loi « Ă©ternelle » de l'Ă©volution. Il constate mĂȘme que « le monde et surtout la vieille Europe sont travaillĂ©s par un mouvement social des plus puissants » et il veut que l'armĂ©e n'y reste pas Ă©trangĂšre et doit s'y intĂ©resser «...Ă©tant donnĂ© le rĂŽle d'Ă©ducateur que l'on exige d'elle. » Mais il ne saisit pas le sens et la noblesse de ce mouvement social et l'observe avec mĂ©fiance, surtout pour le surveiller et le contenir. Il y voit pour l'armĂ©e non un principe de renouvellement, mais un pĂ©ril. « Elle a, dit-il, tout intĂ©rĂȘt Ă  s'y intĂ©resser, car il ne faut pas se le dissimuler, c'est seulement en se mĂȘlant Ă  ce mouvement social, surtout en y participant, qu'elle arrivera Ă  endiguer le torrent qui, laissĂ© Ă  lui-mĂȘme, pourrait fort bien compromettre l'existence de l'armĂ©e. » Le suprĂȘme recours sera, au jour de la dĂ©claration de guerre, de supprimer par la force les mauvais Ă©lĂ©ments, les quelques rĂ©servistes infectĂ©s d'indiscipline et d'antimilitarisme. Ce mouvement social que M. le capitaine JibĂ© ne veut pas ignorer et dont il s'Ă©pouvante pour l'armĂ©e, qu'est-ce donc ? C'est l'effort des prolĂ©taires pour conquĂ©rir non-seulement plus de bien-ĂȘtre, mais plus d'autonomie. Ils veulent cesser d'ĂȘtre des prolĂ©taires, des salariĂ©s, c'est-Ă -dire des hommes Ă  la fois exploitĂ©s et asservis.L'ArmĂ©e nouvelle, chapitre 1, Force militaire et force morale.
  14. « Le Sport universel illustré », sur Gallica, (consulté le ).
  15. "Et toutes les fines lames de l’armĂ©e se sont trouvĂ©es rĂ©unies au Jardin des Tuileries, oĂč les attendait les dĂ©vouĂ©s membres du ComitĂ© d’organisation, dont le commandant Mordacq est l’ñme agissante, en mĂȘme temps qu’il est le guide infatigable et sympathique de tous ceux qui ont recours Ă  son obligeance souriante". ArmĂ©e Marine, 1907/05/15
  16. « Dans le championnat individuel, c’est le capitaine Mordacq qui a Ă©tĂ© vainqueur. Le capitaine Mordacq est un tireur de premier ordre, qui aime passionnĂ©ment les armes, et dont les efforts incessants tendent Ă  dĂ©velopper le plus possible le goĂ»t de l’escrime Ă  l’épĂ©e parmi les officiers. »Le Sport universel illustrĂ©, no 494.
  17. Au cÎté de deux autres officiers aux parcours exceptionnels : le commandant Mangin, et le commandant Gouraud.
  18. « Le Sport universel illustré », sur Gallica, (consulté le ).
  19. « Le Sport universel illustré », sur Gallica, (consulté le )
  20. « En 1908, il obtenait que fut formĂ© aux manƓuvres d'armĂ©es un bataillon cycliste, dont il recevait le commandement. On se rappelle que ce bataillon immobilisa pendant toutes les manƓuvres les deux divisions de cavalerie du gĂ©nĂ©ral Trumeau, oĂč l'on peut dire qu'Ă  partir de ce moment la cause des cyclistes Ă©tait gagnĂ©e. » Le Temps, 15 aout 1911, numĂ©ro 18306
  21. « Ce n'Ă©tait pas la manƓuvre stratĂ©gique [le plan XVII] telle que je la concevais. J'avais donc demandĂ© Ă  quitter le ministĂšre et avais Ă©tĂ© nommĂ© commandant en second de l’École de Saint-Cyr. Une fois-lĂ , j'avais recouru au seul moyen qui me restait pour soutenir mes idĂ©es : au livre, et j'avais Ă©crit le volume intitulĂ© La Guerre au vingtiĂšme siĂšcle oĂč je prĂ©conisais la concentration principale de nos forces sur le front belge. » Le ministĂšre Clemenceau, Journal d'un tĂ©moin, tome IV, page 71
  22. Loustaunau-Lacau, rĂ©sistant nationaliste pendant la Seconde Guerre mondiale, dĂ©putĂ©, gĂ©nĂ©ral et Ă©lĂšve de la promotion de Montmirail (1912-1914), raconte son expĂ©rience Ă  l'issue de sa formation : « Premier bataillon de France, garde Ă  vous ! DĂ©jĂ  nos casoars flottent au vent du et, sur le terre-plein oĂč KlĂ©ber poursuit sa chevauchĂ©e immobile, mille crosses n’en font plus qu’une au commandement. Nous savons qu’à cette heure les Saint-cyriens reprĂ©sentent un pur ferment d’hĂ©roĂŻsme aux yeux des Français angoissĂ©s, et nous ne trahirons pas cette attente. Le gĂ©nĂ©ral Mordacq, qui nous a trempĂ©s comme des larmes, n’a plus besoin de parler. Notre pensĂ©e est une et claire comme l’eau des gaves Ă  leur source : dussions-nous tous passer sous la terre, nous reprendrons l’Alsace, et nous la reprendrons en gants blancs. BientĂŽt, six-cents d’entre nous, un par kilomĂštre, jalonneront le front de leurs corps. [
] Le clairon qui nous disperse le 1er aoĂ»t au soir et nous envoie, mascottes bleues, blanches et rouges, dans tous les rĂ©giments, est dĂ©jĂ  celui de Rethondes. Nous n’en avons jamais doutĂ© et jamais, dans une vie qui zigzaguera entre des trajectoires de projectiles, nous ne jouirons d’une aussi grande minute de ferveur. »
  23. Historique du 159e régiment d'infanterie, Chapelot
  24. " « HĂątez-vous, lui cria le colonel, il faut faire sauter immĂ©diatement les ponts. » « Mais, je n'ai pas d'ordres, rĂ©pondit-il; le capitaine Durand, mon chef, les sollicite depuis plus d'une heure et, en attendant, il m'envoie sur le canal pour tout prĂ©parer. » « Il ne s'agit pas de prĂ©parer, rĂ©pliqua le commandant de la brigade, mais d'exĂ©cuter, nous en sommes Ă  quelques minutes prĂšs ; d'un moment Ă  l'autre, les Allemands essayeront de traverser le canal ; il faut les en empĂȘcher Ă  tout prix ; donc, faire immĂ©diatement sauter les ponts. En tout cas, je commande le secteur et vous donne l'ordre de les faire sauter. J'en prends toute la responsabilitĂ©. HĂątez-vous, hĂątez-vous ! » Un autre eĂ»t objectĂ© que d'aprĂšs les rĂšglements et les instructions en cours, seul le commandant en chef de l'armĂ©e Ă©tait qualifiĂ© pour donner un tel ordre. Le lieutenant Hardelay n'hĂ©sita pas et rĂ©pondit : « Mon colonel, dans quelques heures et, en tout cas, dĂšs qu'on le pourra, votre ordre sera exĂ©cutĂ©. » - « Voulez-vous un ordre Ă©crit, je vais le rĂ©diger ici mĂȘme et vous l'envoyer. » « Inutile, mon colonel, votre parole me suffit. »
  25. Lettre du colonel Mordacq à Clemenceau, Musée Clemenceau.
  26. Constituée surtout des 50e, 108e, 126e, 320e et 326e régiments d'infanterie.
  27. « Commotion cérébrale, contusions violentes temporales et orbitales gauche, déchirure du tympan gauche, mùchoire brisée avec lésions de quatre dents du haut et trois du bas. »
  28. « Quitter le front Ă©tait pour moi presque un dĂ©shonneur. Et pourtant, pouvais-je faire autrement ? Était-il possible de laisser cet homme, si patriote, si Ă©nergique, si confiant dans les destinĂ©es de son pays, se lancer seul dans la lutte ? Certes, j'Ă©tais loin de me croire indispensable : il aurait trouvĂ© un autre chef de cabinet qui mĂȘme, au point de vue des relations avec les parlementaires aurait Ă©tĂ© plus souple, plus adroit. Mais celui-lĂ  aurait-il eu sa confiance ? » Le MinistĂšre Clemenceau I, page 16
  29. « L'ai-je regretté depuis ? Personnellement oui ; pour le pays, non. Car moi aussi jusqu'à la fin de la guerre j'ai pu remplir le programme que je m'étais tracé. Ce ne fut pas sans peine. » Le MinistÚre Clemenceau I, page 17
  30. Jean Jules Henri Mordacq, Le ministÚre Clemenceau : journal d'un témoin, t. 1, Plon, , 322 p.
  31. « Le moment Ă©tait grave ; j’avais la conviction absolue que si ces trois hommes : Clemenceau, Foch et PĂ©tain pouvaient s’atteler au mĂȘme brancard et tirer tous ensemble, franchement, loyalement, alors victoire Ă©tait assurĂ©e. À ce point de vue, grĂące Ă  l’affection profonde et sincĂšre que j’avais pour chacun d’eux, grĂące aussi Ă  la confiance qu’ils me tĂ©moignaient, j’étais peut-ĂȘtre le seul gĂ©nĂ©ral capable d’éviter les heurts entre les fortes personnalitĂ©s qui composaient cet attelage et de lui permettre d’atteindre le but commun. Connaissant ces hommes bien et depuis longtemps, Ă  la premiĂšre incartade de l’un d’eux, je me faisais fort de le ramener dans la bonne voie, auprĂšs de ses compagnons. » Le ministĂšre Clemenceau, tome I
  32. Le général Buat écrit en mars 1919 dans son journal : « Le général Mordacq, qui faute de ministre - notre Tigre national ayant bien d'autres occupations - est en fait ministre. »
  33. « Il ne fit non plus aucune difficultĂ© pour me laisser toute latitude dans le choix des officiers du cabinet. Responsable devant lui, j’estimai naturel et juste de ne pas me voir imposer un collaborateur parce qu’il Ă©tait cousin ou ami d’un ministre, d’un dĂ©putĂ© ou d’un sĂ©nateur. Nous n’étions plus en temps de paix, mais ces errements, malheureusement, s’étaient perpĂ©tuĂ©s depuis le jour de la mobilisation. Cette conversation fut longue, elle dura presque tout l’aprĂšs-midi, mais elle aboutit Ă  une situation nette, tellement nette que lui ni M. Clemenceau, ni moi, pendant les deux annĂ©es que nous passĂąmes cĂŽte Ă  cĂŽte, n’eĂ»mes Ă  y revenir, mĂȘme une seule fois. » Le ministĂšre Clemenceau, tome I
  34. « Il fallait dĂ©gager les missions et les ministĂšres de tous les officiers qui les encombraient, lors qu’à l’avant on manquait de cadres. La tĂąche devait ĂȘtre rude, car toutes ces catĂ©gories de gens avaient de hauts et puissants protecteurs, mais ces exĂ©cutions Ă©taient indispensables, le moral de l’armĂ©e en dĂ©pendait. Au front Ă©galement, un assainissement s’imposait, surtout dans les grands Ă©tats-majors, oĂč de trop nombreux officiers s’éternisaient depuis le dĂ©but des hostilitĂ©s, souvent malgrĂ© eux, par pur Ă©goĂŻsme des gĂ©nĂ©raux qui tenaient Ă  garder, auprĂšs d’eux, des gens ‘trĂšs au courant’. À certains grands chefs qui vinrent soumettre leurs dolĂ©ances pour leur entourage, je rĂ©pondis que M. Clemenceau Ă©tait bien dĂ©cidĂ© Ă  ne donner aucun avancement aux officiers qui s’éternisaient dans les Ă©tats-majors et qui n’allaient pas, de temps en temps, respirer l’air si rĂ©confortant des tranchĂ©es. » Le ministĂšre Clemenceau, tome I
  35. « Il fallait en finir avec l’esprit de camaraderie et la faiblesse des officiers qui, avant de prendre des commandements, avaient surtout le mĂ©rite d’avoir fait partie d’états-majors de grands chef. On ne peut s’imaginer les ressources d’un cerveau d’embusquĂ© quand il s’agit de mettre Ă  l’abri sa douce existence. »
  36. « Je n'ai pas besoin de dire les luttes Ă©piques que j'eus Ă  soutenir avec le GQG. Je n'eus d'ailleurs pas la derniĂšre manche car au moment mĂȘme de mon dĂ©part du ministĂšre l'entourage du marĂ©chal PĂ©tain me fit payer trĂšs cher (Ă  son avis peut-ĂȘtre mais pas au mien) les quelques galons ou croix que je l'avais empĂȘchĂ© d'obtenir. » Le MinistĂšre Clemenceau, Journal d'un tĂ©moin, Tome I, page 59
  37. « J’entretins M. Clemenceau de la question des dĂ©corations et lui exposai trĂšs nettement mes idĂ©es Ă  ce sujet. Depuis le dĂ©but de la guerre, j’avais vu tomber autour de moi tant de braves gens pour gagner LĂ©gion d’honneur, mĂ©daille militaire ou croix de guerre, que jamais je ne pourrais consentir Ă  faire accorder ces rĂ©compenses Ă  des officiers ou soldats qui ne les mĂ©ritaient pas. J’étais de ceux qui Ă©taient Ă©cƓurĂ©s de voir comment, Ă  l’intĂ©rieur, on commençait Ă  prostituer ces emblĂšmes ; le mĂ©contentement aux armĂ©es, Ă  ce sujet, Ă©tait grand. Et les ministres qui, Ă  Paris, s’étaient livrĂ©s Ă  ce passe-temps, qui leur paraissait d’ailleurs parfaitement inoffensif, Ă©taient profondĂ©ment coupables vis-Ă -vis du pays. [...] D’ailleurs en fin dĂ©cembre quand parurent les nominations et les dĂ©corations, l’armĂ©e fut fixĂ©e. Seuls furent nommĂ©s ou dĂ©corĂ©s les officiers qui ont vĂ©ritablement des titres de guerre, qu’ils fussent dans la troupe ou dans les Ă©tats-majors. Dans les grands Ă©tats-majors, ce fut la fureur et je fus averti que l’on Ă©tait dĂ©cidĂ© Ă  tout pour me faire quitter le ministĂšre. Une telle tactique me parut trĂšs maladroite puisque l’on savait que ce si jour-lĂ  Ă©tait arrivĂ©, il aurait Ă©tĂ© le plus beau de ma carriĂšre militaire rien ne pouvant m’ĂȘtre plus agrĂ©able, personnellement, que mon retour au front. » Le ministĂšre Clemenceau, tome II
  38. Le ministĂšre Clemenceau (tome 1)
  39. Cette circulaire assez moderne impliquait « que toute affaire ne nĂ©cessitant pas des recherches spĂ©ciales devait ĂȘtre traitĂ©e en trois jours. Elle fut le prĂ©texte de violentes protestations mais fut appliquĂ©e non sans nĂ©cessiter de nombreux rappels. » Le ministĂšre Clemenceau, Journal d'un tĂ©moin, Tome I, page 29
  40. D'aprĂšs l'article Clemenceau, manager ou la modernisation de l’administration, par MichaĂ«l Bourlet, enseignant-chercheur en histoire et Gwladys Longeard, archiviste-palĂ©ographe et conservatrice du patrimoine. 1
  41. Georges Wormser, Clemenceau vu de prÚs : documents inédits, épisodes oubliés, précisions nouvelles (présentation en ligne)
  42. « Il y eut de la part de nos alliĂ©s, un certain Ă©tonnement, ou plutĂŽt une certaine mĂ©fiance ; ils crĂ»rent tout d’abord Ă  un traquenard, Ă©tant donnĂ© que cette terminologie mĂ©nageait complĂštement leur amour-propre et rĂ©pondait trĂšs bien d’autre part, Ă  la situation. Le gĂ©nĂ©ral Wilson fit remarquer que l’on ne savait jamais oĂč commençait la stratĂ©gie et oĂč elle finissait exactement. Ce Ă  quoi le gĂ©nĂ©ral Foch rĂ©pliqua â€č qu’en France on le savait parfaitement et qu’on ne demandait qu’à l’indiquer Ă  nos camarades anglais â€ș. La leçon porta et, en fin de compte, la formule fut adoptĂ©e, aussi bien par les Anglais que par les AmĂ©ricains. » Le MinistĂšre Clemenceau
  43. « Le gĂ©nĂ©ral Foch est chargĂ©, par les gouvernements britannique, français et amĂ©ricain, de coordonner l’action des armĂ©es alliĂ©es sur le front occidental ; il lui est confĂ©rĂ©, Ă  cet effet, les pouvoirs nĂ©cessaires en vue d’une rĂ©alisation effective. Dans ce but, les gouvernements britannique, français et amĂ©ricain confient au gĂ©nĂ©ral Foch la direction stratĂ©gique des opĂ©rations militaires. Les commandants en chef des armĂ©es britannique, française et amĂ©ricaine exercent dans la plĂ©nitude la conduite tactique de leurs armĂ©es. Chaque commandant en chef a le droit d’en appeler Ă  son gouvernement si, dans son opinion son armĂ©e se trouve en danger par toute instruction du gĂ©nĂ©ral Foch.» Le ministĂšre Clemenceau, tome II
  44. il y aura dĂ©sormais pour la gendarmerie cinq secteurs par dĂ©partement, la constitution d'un corps d'officiers gĂ©nĂ©raux, des « Ă©toilĂ©s » dans les rangs des gendarmes, le grade de sous-officiers a minima en Ă©quivalence pour le gendarme et la promesse de l'État de fournir Ă  chaque gendarme un cheval s'il en fait la demande.
  45. Jean Jules Henri Mordacq, Le ministÚre Clemenceau : journal d'un témoin, t. 2, Plon, , 374 p.
  46. Jean Jules Henri Mordacq, Le ministÚre Clemenceau : journal d'un témoin, t. 1, Plon, , 322 p. « organisateur remarquable, travailleur acharné, technicien de premier ordre [...] adresse, finesse et doigté »
  47. En ancien zouave et lĂ©gionnaire, commandant de troupes alpines, il trouve l'activitĂ© canine trĂšs utile Ă  la 24e division oĂč plus de cent-cinquante chiens Ă©taient rassemblĂ©s. Il voulut encourager cette pratique en coordonnant ses efforts au ministĂšre de la guerre. Le ministĂšre Clemenceau tome I
  48. Le MinistĂšre Clemenceau I, page 23
  49. « Mais ce qu’il y avait surtout de trĂšs urgent Ă  rĂ©aliser, c’était le rajeunissement des cadres. Cette guerre, longue et dure, usait terriblement les hommes et surtout les chefs ; ils devaient ĂȘtre vĂ©ritablement taillĂ©s Ă  chaux et Ă  sable pour rĂ©sister Ă  la fois physiquement et intellectuellement. Beaucoup de nos commandants de grandes unitĂ©s, et mĂȘme d’unitĂ©s plus faibles, Ă©taient fatiguĂ©s, et cependant, on hĂ©sitait Ă  les remplacer ! Il Ă©tait dur, en effet, de renvoyer Ă  l’arriĂšre tous ces braves gens qui, depuis le dĂ©but de la lutte, s’étaient couverts de gloire. On les gardait donc, et c’était naturellement, ensuite, le poilu qui, ‘sur le champ de bataille’, subissait les consĂ©quences de cette faiblesse du haut commandement. Cependant, le salut de la patrie demandait ces sacrifices : on ne pouvait que s’y rĂ©signer. J’exposai, Ă  ce point de vue, mes idĂ©es. Clemenceau me promit de les appliquer, et c’est ainsi que, dĂšs le mois de dĂ©cembre suivant, on vit cet homme de soixante-dix-huit ans imposer le rajeunissement des cadres. Nous aurions Ă©tĂ© d’ailleurs d’autant coupables de ne pas le faire que nous avions, parmi les gĂ©nĂ©raux de brigade et les colonels, des hommes jeunes et de tout premier ordre, qui, certainement, pouvaient commander corps d’armĂ©s, divisions et brigades d’une façon tout Ă  fait brillante. Ils le prouvĂšrent d’ailleurs par la suite. » Le ministĂšre Clemenceau, tome I
  50. À la date du 12 juin, le colonel Herbillon inscrit dans ces notes : « Le gĂ©nĂ©ral Mordacq me dit avoir Ă©tĂ© l’instigateur de la contre-attaque lancĂ©e hier soir. Je l’en fĂ©licite car elle a eu d’excellents rĂ©sultats. »
  51. Le MinistĂšre Clemenceau
  52. Wormser dĂ©crit cette scĂšne dĂ©terminante dans Clemenceau, vu de prĂšs; au lendemain de la rĂ©union de Provins en juin 1918, Mordacq plaide pour le maintien du gĂ©nĂ©ral PĂ©tain contre Clemenceau, qui hĂ©site Ă  le limoger, devant le dĂ©fendre Ă  chaque nouvelle attaque de l'AssemblĂ©e : « Dans la voiture, du retour au lieu de somnoler comme Ă  l’accoutumĂ©e ou d’invectiver le conducteur pour qu’il aille plus vite, il est plongĂ© dans ses rĂ©flexions. Mais son silence se prolongeant, Mordacq se dĂ©cide Ă  l’interrompre pour lui dire que s’il limoge PĂ©tain, il quittera, lui, Clemenceau et retournera Ă  un commandement de son grade. Clemenceau ne rĂ©pond pas, il parait ne pas avoir entendu et il reste impĂ©nĂ©trable (je tiens ces indications du gĂ©nĂ©ral qui n’en a pas fait Ă©tat par Ă©crit), mais il ne parlera plus d’enlever Ă  PĂ©tain son commandement. J’ai cru deviner Ă  l’époque que de retour Ă  son cabinet Mordacq lui avait tĂ©lĂ©phonĂ© pour le lui conseiller, Clemenceau Ă©tant restĂ© muet, ce qui n’avait pas manquĂ© de frapper son chef de cabinet. Pourquoi cette connivence ? Pourquoi Clemenceau a-t-il cĂ©dĂ© ? La rĂ©ponse Ă  la deuxiĂšme question est Ă©vidente : il ne pouvait se passer d’avoir auprĂšs de lui un gĂ©nĂ©ral de toute confiance et d’esprit toujours en Ă©veil. Mordacq Ă©tait un battant, comme on dirait aujourd’hui, plein d’idĂ©es, d’un dĂ©vouement Ă  toute Ă©preuve. Il restait indispensable tout au moins, puisque personne ne l’est, dans ces moments difficiles. Pour la premiĂšre question il y a un fait : l’amitiĂ©, la confiance rĂ©ciproque nĂ©e il y a longtemps dĂ©jĂ , du cĂŽtĂ© d’Arras, je crois, lorsque Mordacq avait Ă©tĂ© divisionnaire sous PĂ©tain et, je crois, grĂące Ă  PĂ©tain. Mordacq est un homme de reconnaissance et, il faut le dire, de satisfaction d’ĂȘtre toujours Ă©coutĂ© de PĂ©tain, et mĂȘme gĂ©nĂ©ralement suivi. Quelque chose d’autre les rapprochait, leur aversion pour le gĂ©nĂ©ral Weygand, bras droit et conseiller de Foch, avec qui ni l’un ni l’autre ne se sont jamais entendus, c’est lĂ  qu’est la supposition. »
  53. « Dans mon train, Dubost, Deschanel, lord Derby, le comte Bonin, Sharp, Clemenceau, le gĂ©nĂ©ral Mordacq, Mandel, Andrieux et Renoult, invitĂ©s par Clemenceau. Mandel : figure glabre, hĂąve, yeux perçants, paupiĂšres rouges, peau boutonneuse, c’est un ĂȘtre troublant et singulier qui, avec Mordacq, tient les ficelles de Clemenceau. » Au service de la France - Victoire et Armistices, T10, Plon-Nourrit et Cie, 1933
  54. Clemenceau vu de prÚs de Georges Wormser, Le journal du général Buat
  55. « Avec le gĂ©nĂ©ral Foch ma tĂąche fut plus difficile. Autant en personne pendant la derniĂšre annĂ©e de la guerre, il eut Ă  cƓur d'aider de toutes ses forces M. Clemenceau dans la tache formidable Ă  accomplir, autant son entourage ne sembla pas toujours comprendre la nĂ©cessitĂ© oĂč nous Ă©tions, dans ses circonstances exceptionnelles, de marcher main dans la main. J'ai toujours cherchĂ© les raisons de cette sourde hostilitĂ© et j'avoue ne pas les avoir encore trouvĂ©es. En tout cas cette opposition discrĂšte, voilĂ©e, de l'Ă©tat-major du gĂ©nĂ©ral Foch, tout en rendant les relations plus dĂ©licates, n'eut aucune rĂ©percussion sur la conduite des opĂ©rations. » Le ministĂšre Clemenceau, Journal d'un tĂ©moin, tome I, page 51
  56. Jean Jules Henri Mordacq, Le ministÚre Clemenceau : journal d'un témoin, t. 4, Plon, , 348 p.
  57. La Mentalité allemande
  58. Le gĂ©nĂ©ral Buat, bras droit de PĂ©tain, attend du ministĂšre de la Guerre d'ĂȘtre nommĂ© gouverneur de Strasbourg ou encore Ă  Metz. Cependant Foch et Mordacq le verrait davantage Inspecteur gĂ©nĂ©ral de l'Artillerie. Gouraud est nommĂ© Ă  Strasbourg, ensuite remplacĂ© par Humbert, Berthelot est nommĂ© Ă  Metz. Commence alors un long bras de fer entre Buat et Mordacq, le premier souhaitant une grande unitĂ© en Alsace-Lorraine, le second souhaitant, aux dires de Buat, intĂ©grer le Conseil supĂ©rieur de Guerre. Seulement, Mordacq ne remplit les critĂšres (un an d'anciennetĂ© aux commandes d'un corps d'armĂ©e) et donc aimerait que Buat soit aussi au CSG, celui-ci Ă©tant plus jeune et moins ancien en grade. Buat campe sur ses positions, avec l'appui de PĂ©tain ; Mordacq fait de mĂȘme, avec le blanc-seing manifeste de Clemenceau. Le 25 octobre 1919, le GQG dissous, Buat reçoit un titre de congĂ© de repos ; s'il a perdu cette manche, il sortira du placard de l'inspection de la 11e rĂ©gion militaire pour ĂȘtre nommĂ© chef d'Ă©tat-major gĂ©nĂ©ral en juin 1920, oĂč il exercera une influence considĂ©rable jusque son dĂ©cĂšs prĂ©maturĂ© en 1923.
  59. Le ministĂšre Clemenceau (Tome 4), page 170.
  60. Il présente à Clemenceau un plan de réorganisation avec le général Alby, pour trier et utiliser à des fins historiques et historiographiques l'ensemble des documents qui s'entassaient à la caserne Babylone.
  61. Le gĂ©nĂ©ral Nivelle lui Ă©crit le 26 janvier 1920 : « Je veux vous exprimer, du fond du cƓur, toute ma gratitude pour la bonne camaraderie, l'affectueuse obligeance que vous n'avez pas cessĂ© de me tĂ©moigner pendant les deux annĂ©es qui viennent de s'Ă©couler. Quoi qu'il arrive, je n'oublierai jamais. »
  62. Jean Jules Henri Mordacq, Le ministÚre Clemenceau : journal d'un témoin, t. 2, 3 et 4, Plon,
  63. Le 30e CA dispose de la 37e DI (gĂ©nĂ©ral Demetz, Mayence), de la 4e DC (gĂ©nĂ©ral Hennocque, Mayence), des 19e et 28e BCA, d’un bataillon de chars, de trois escadrilles, et de la flottille du Rhin.
  64. Trois bataillons de chasseurs et de tirailleurs marocains infiltrent par voie ferrée l'intérieur de la ville tandis que le reste de l'infanterie doublé par une division de cavalerie et des batteries d'artillerie encerclent la ville et avancent vers le centre pour étouffer toute résistance. Pendant ce temps, l'aviation survole la ville et la flottille du Rhin occupe les ponts de la ville et y installe des mitrailleuses. La police est désarmée sur le champ. Le lendemain, Darmstadt et Hanau sont occupés également pour obtenir gain de cause dans les plus brefs délais. Cependant, le gouvernement ne prend pas la peine de prévenir les Britanniques, ce qui jette un froid.
  65. Lors d'un exercice devant le marĂ©chal PĂ©tain, il plaide la cause des troupes coloniales du 63e rĂ©giment de tirailleurs : « Je lui [PĂ©tain] expliquai ce que je dĂ©sirais c’est-Ă -dire faire de ces magnifiques troupes qui ne connaissaient que l'Afrique, des unitĂ©s ayant toute la souplesse et la science manƓuvriĂšre qu'exigeait maintenant la guerre europĂ©enne. Les rĂ©sultats dĂ©passĂšrent toutes les espĂ©rances; le rĂ©giment exĂ©cuta en prĂ©sence du marĂ©chal PĂ©tain, dans les environs du camp de Griesheim, une attaque particuliĂšrement dĂ©licate qui fut menĂ©e avec maestria et une utilisation du terrain qui stupĂ©fiĂšrent le marĂ©chal, et cela d'autant plus qu'Ă  Paris il avait entendu fort critiquer l'envoi de ces Marocains sur le Rhin. Cette fois, comme il nous le dĂ©clara, il Ă©tait fixĂ©. Depuis il obtient l'envoi sur le Rhin non pas d'un rĂ©giment, mais de trois ou quatre qui vinrent y passer dix-huit mois Ă  deux ans et repartirent ensuite au Maroc complĂštement instruits. C'est grĂące Ă  eux qu'en 1925 lors de la guerre du Riff, le marĂ©chal Lyautey put arrĂȘter les contingents d'Abd-el-Krim et sauver Fez et Taza. L'expĂ©rience faite, elle valait la peine comme on le voit d'avoir Ă©tĂ© tentĂ©e. » La mentalitĂ© allemande, page 115.
  66. La Mentalité allemande, Cinq ans de commandement sur le Rhin.
  67. Il critique la dĂ©cision de nommer un inspecteur gĂ©nĂ©ral des aumĂŽniers de l'armĂ©e de l'occupation du Rhin. Pourquoi en crĂ©er un pour 12 divisions alors qu'il n'y en avait pas eu pour 150 lors de la guerre ? « Quelle devait ĂȘtre notre attitude ? La neutralitĂ© la plus complĂšte. Que de fois, moi-mĂȘme en causant avec des Allemands, je leur rappelai que nous Ă©tions les descendants des rĂ©publicains de 1793, des Hoche, des Marceau, des Jean Bon Saint AndrĂ© et que comme eux nous leur apportions les idĂ©es de libertĂ©, donc de libertĂ© de conscience. Nous n'avions pas par consĂ©quent Ă  nous occuper des questions religieuses. » La mentalitĂ© allemande, pages 117-118.
  68. « Au ministĂšre de la guerre on sommeille plus que jamais et l’on n’a pas l’air de se douter qu’il s’agit de mettre sur pied une armĂ©e, une tactique et une stratĂ©gie complĂštement nouvelles
 J'en ai parlĂ© au marĂ©chal PĂ©tain lors de son voyage rĂ©cent en RhĂ©nanie, et cela Ă  propos de l’armĂ©e du Rhin qui, elle aussi, est bien mal organisĂ©e. À mon grand Ă©tonnement, lui qui, d’habitude s’intĂ©resse tout particuliĂšrement Ă  ces questions, m’a paru cette fois assez indiffĂ©rent. Il m’a conseillĂ© d’ĂȘtre patient, que tout cela arriverait Ă  son heure
 Bref j’ai eu l’impression que le gĂ©nĂ©ral Buat et les officiers de l’ancien GQG de la guerre ont repris sur le MarĂ©chal une trĂšs grosse influence
 et, eux, Ă©videmment, ne sont pas trĂšs pressĂ©s. » Clemenceau – au soir de sa vie (1920-1929), Tome 1, page 182.
  69. Son projet de loi visait à créer des commissions, de trois à quatre officiers ayant servi dans le rang pendant la guerre, sous le commandement du général Giraud, qui travailleraient exclusivement à la confection des futures lois militaires, plutÎt que de confier le tout à l'état-major du général Buat.
  70. Lors d'un exercice Ă  Niederbronn avec le gĂ©nĂ©ral Humbert, Mordacq recueille l'assentiment de son collĂšgue : « Humbert voit avec peine en sa qualitĂ© de vieux fantassin, la tendance trĂšs nette du gĂ©nĂ©ral Buat Ă  rĂ©duire le nombre de nos rĂ©giments d'infanterie, vainement le gĂ©nĂ©ral Maistre, inspecteur gĂ©nĂ©ral de l'infanterie, faisait entendre sa voix vĂ©hĂ©mente, on ne l'Ă©coutait pas. Tout derniĂšrement il avait un envoyĂ© au marĂ©chal PĂ©tain, pour ĂȘtre transmis au ministre de la guerre, un rapport trĂšs dur, trĂšs violent contre les tendances nĂ©fastes de l'Ă©tat-major gĂ©nĂ©ral. Il n'avait pas eu plus de succĂšs. » La MentalitĂ© allemande, page 105.
  71. Son projet de loi de 1919 visant à donner davantage de pouvoir à un CSG rajeuni, avec moins de généraux qui cumulaient moins, ne fut pas retenu. Le MinistÚre Clemenceau, La Mentalité allemande
  72. Le maréchal Pétain put en convenir lors d'une visite en 1922 alors qu'il comparait la tenue du 30e corps d'Armée et celle des éléments d'Armée sous le contrÎle du général Degoutte. L'organisation de l'armée ne changea pas pour autant.
  73. Jean Jules Henri Mordacq, La mentalité allemande, Plon, , 284 p.
  74. Jean Jules Henri Mordacq, , Plon, , 284 p.
  75. La Mentalité allemande, Cinq ans de commandement sur le Rhin, page 173.
  76. Clemenceau au soir de sa vie, Tome 1, page 271.
  77. Mordacq présente son centre d'entraßnement à Pétain en Rhénanie : « En tout cas en 1925, le camp de Griesheim était devenu un camp d'arme tout à fait modÚle : le maréchal Pétain dans son inspection en Rhénanie fut le premier à reconnaßtre qu'il n'en connaissait aucun comparable, soit en France, soit en Rhénanie. » La mentalité allemande, cinq ans de commandement sur le Rhin
  78. Le Miroir des sports, page 194, 29 mars 1923
  79. La mentalité allemande, page 251.
  80. Le gĂ©nĂ©ral de Gaulle, dans le premier tome de ses MĂ©moires de guerre, dressera le mĂȘme constat, plus durement encore.
  81. Mordacq Ă©crit : « Dans cette guerre il y a deux catĂ©gories d’officiers et de Poilus : ceux qui se sont battus et ceux qui ne se sont pas battus. Évidemment aprĂšs la guerre ce seront sĂ»rement ceux qui ne se seront pas battus qui l’auront gagnĂ©e. »
  82. La Mentalité allemande, Cinq ans de commandement sur le Rhin, 1930
  83. « Pour Ă©viter cette nouvelle guerre, il n'y a qu'un seul moyen : Ă©couter les deux hommes qui ont dĂ©jĂ  sauvĂ© le pays : le marĂ©chal Foch et Clemenceau, entendre les voix qui nous viennent d'Allemagne et qui, dans l'intĂ©rĂȘt mĂȘme de la paix, adjurent la France de ne pas Ă©vacuer la RhĂ©nanie, mais d'y rester au moins jusqu'en 1935. » Article de la Revue des Deux-Mondes, « L'Évacuation de la RhĂ©nanie »
  84. La mentalité allemande - Cinq ans de commandement sur le Rhin, page 254.
  85. La mentalité allemande, page 261.
  86. La mentalité allemande, page 267.
  87. Correspondances de Guerre du Général Guillaumat: 1914-1918, L'Harmattan- septembre 2006
  88. Le , Michel DebrĂ© signe le dĂ©cret qui autorise AndrĂ© Raiga Ă  porter le nom de Raiga-Clemenceau, sur proposition de Michel Clemenceau, seul fils du prĂ©sident : « J'ai dĂ©cidĂ©, et tu as acceptĂ©, qu'aprĂšs ma mort tu prennes ma place et les charges qui en rĂ©sultent, pour l'accomplissement de mes devoirs Ă  la mĂ©moire de mon pĂšre. Assurer la pĂ©rennitĂ© du souvenir, et des ripostes Ă  toutes atteintes Ă  son honorabilitĂ©. Tu seras prĂ©sent Ă  toutes les cĂ©rĂ©monies officielles, et si tu le juges utile tu prendras la parole. Aucune autre personne que toi dans la famille n'est mieux qualifiĂ©, car tu es le petit-fils de la sƓur ainĂ©e de mon pĂšre, et au moment de ma mort je partirai tranquille. »
  89. AndrĂ© Raiga, arriĂšre-petit-fils de Benjamin Clemenceau, est officier de la LĂ©gion d'Honneur, croix de guerre 1914-1918, mĂ©daille de Charleroi, de l'Argonne, de la Marne, de l'Artois, de Verdun, du Chemin des Dames, de la Somme, de Champagne. Il devient un Ă©minent chercheur, notamment au cĂŽtĂ© de son ami FĂ©lix d'HĂ©relle. Ancien interne, laurĂ©at des hĂŽpitaux de Paris, chef clinique chirurgicale Ă  la SalpĂȘtriĂšre, et rĂ©dacteur en chef des Archives HospitaliĂšres, il fonde la SociĂ©tĂ© des amis de FĂ©lix d'HĂ©relle dont il sera le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral. Il Ă©tait prĂ©sident d'honneur de la Fondation du MusĂ©e Clemenceau et administrateur de la SociĂ©tĂ© des amis de Clemenceau.
  90. Mordacq Ă©crit Ă  ce sujet dans Le ministĂšre Clemenceau : « DĂšs les premiers jours de dĂ©cembre, je me rendis Ă  Paris pour une question de famille des plus importantes : le mariage Ă©ventuel de l’une de mes filles avec le neveu de M. Clemenceau, le docteur Raiga. J’en parlai naturellement au PrĂ©sident qui Ă©tait loin de s’en douter, et qui en conçut une trĂšs grande joie. Il ne tarit pas en Ă©loges sur son neveu pour lequel il avait une trĂšs grande affection : "Votre fille, me dit-il, ne pouvait mieux choisir Ă  tous points de vue. C’est un garçon de trĂšs grand avenir et l’homme de cƓur par excellence. En ce qui me concerne, j’y applaudis des deux mains. Ne serons-nous pas ainsi tous les deux un peu parents
 du moins Ă  ma mode de VendĂ©e ?" »
  91. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62257911/f15.image.r
  92. http://www.memoireetactualite.org/presse/38JOURVIENNE/PDF/1929/38JOURVIENNE-19291228-P-0001.pdf
  93. « Novembre 1918 : armistice prématuré, offensive annulée, victoire perdue ? », sur sam40.fr (consulté le ).
  94. Rapport fait au nom de la commission d'enquĂȘte chargĂ©e de rechercher les causes et les origines des Ă©vĂ©nements du 6 fĂ©vrier 1934
  95. « La Revue hebdomadaire : romans, histoire, voyages », sur Gallica, (consulté le ).
  96. « France - Services Civiques », sur medailles1914-1918.fr (consulté le ).
  97. « L'Écho de la FARAC : organe officiel et exclusif de la FĂ©dĂ©ration des amicales rĂ©gimentaires & d'anciens combattants », sur Gallica, (consultĂ© le ).
  98. Suite : « DÚs ma premiÚre question quant à ses souvenirs de novembre 1918, il exprime ce sentiment avec cette dure netteté, cette vivacité ardente qui devait tant plaire, jadis, à Clemenceau. Le général Mordacq martÚle ses paroles avec une sorte de fureur patriotique : "Puissent ces erreurs commises en novembre 1918 et par la suite, nous servir de leçon quand le moment sera venu d'un nouvel armistice. Il faudra ne le signer qu'en Allemagne, sur la rive droite du Rhin, et seulement aprÚs la destruction complÚte des armées allemandes auxquelles on aura imposé la démobilisation immédiate et le désarmement total. Enfin il conviendra de se rappeler les paroles si sages du maréchal Foch sur la nécessité de tenir le Rhin." J'ai reproduit fidÚlement les paroles du général Mordacq, mais ce que je ne peux reproduire, c'est la vigueur, la conviction, la certitude de son accent. - L.G » S'il ne s'illusionne pas en cas d'un nouveau conflit avec l'Allemagne, il avait décrit là quinze années plus tÎt le schéma de capitulation totale du Reich en 1945.
  99. « Les ƒuvres libres : recueil littĂ©raire mensuel ne publiant que de l'inĂ©dit », sur Gallica, (consultĂ© le ).
  100. Journal politique, septembre 1939 - juillet 1942, Jules Jeanneney
  101. Correspondance Sociétés des Amis de Georges Clemenceau, Marcel Wormser
  102. On lit dans Voltaire antijuif d’Henri Labroue (Les documents contemporains, Paris, 1942, p. 191) : « TantĂŽt les Juifs coupent leur nom par les deux bouts : Haguenauer devient Nau, collaborateur de Mandel. TantĂŽt ils le camouflent lĂ©gĂšrement : MardochĂ©e devient le gĂ©nĂ©ral Mordacq, collaborateur de Clemenceau. »
  103. Gérard Courtois, « 11 novembre 1918 : les larmes du « Tigre » », sur lemonde.fr, (consulté le )
  104. Clemenceau Aide, a suicide nazis say, New York Times, 14 avril 1943
  105. Archives de l'Armée secrÚte
  106. Mot du directeur, mis en ligne en mars 2018, site du CHEM
  107. « Cote LH/1926/25 », base Léonore, ministÚre français de la Culture
  108. « Revue d'artillerie : paraissant le 15 de chaque mois », sur Gallica, (consulté le ).
  109. Un article dans Armée et Marine fait la critique de ce livre : "Il faut lui savoir gré d'avoir abordé de front ce sujet d'essence si militaire, avec l'ardeur et l'audace qui le caractérise.";"Son livre que trÚs modestement, il nous présente comme une série de simples études constitue au contraire un tout trÚs complet, qui pourra et devra servir de base à l'enseignement de la stratégie tel qu'il est indispensable de l'instaurer."; "TrÚs latin de tempérament, et humaniste distingué, le commandant Mordacq ne peut tolérer l'imprécision"; "Moderne, en effet, le commandant Mordacq l'est dans toute l'étendue audacieuse et vaste du mot; Aussi bien le livre du commandant Mordacq a-t-il déjà acquis droit de cité dans les milieux civils qui s'intéressent à l'armée, dont il a trÚs vite évéillé et retenu l'attention".
  110. "En France avant la premiĂšre guerre mondiale, comme en Allemagne, la plupart des lecteurs militaires de Clausewitz n’ont pas remarquĂ© la formule de la relation entre la guerre et la politique, Ă  l’exception d’un Henri Mordacq." Rapport de soutenance de la thĂšse pour le doctorat en histoire de Bruno Durieux “Clausewitz et la rĂ©flexion sur la guerre en France, 1807-2007”.
  111. Une critique dans ‘’ ArmĂ©e et Marine’’ Ă©voque cet ouvrage : « Le lieutenant-colonel Mordacq dans une sĂ©rie d’études trĂšs pĂ©nĂ©trantes, tire, des campagnes rĂ©centes, d’intĂ©ressantes conclusions et les plus utiles enseignements. La guerre russo-japonaise lui fournit des exemples particuliĂšrement significatifs. La question des places fortes, celle de la cavalerie, dans leurs relations avec la stratĂ©gie, attireront particuliĂšrement le lecteur. [
] Une Ă©tude de grande envergure sur la durĂ©e de la prochaine guerre termine le volume. Les opinions des Ă©crivains militaires les plus autorisĂ©s sont rapportĂ©es et confrontĂ©es ; l’auteur les appuie d’exemples empruntĂ©s Ă  l’histoire et conclut sur une belle note d’espĂ©rance : la guerre durera longtemps et la victoire sera au plus tenace ; Ă  nous de prĂ©parer en consĂ©quence. »
  112. « La Revue de Paris », sur Gallica, (consulté le ).
  113. Dans une lettre datĂ©e du 25 mai 1931, le MarĂ©chal PĂ©tain lui adresse ses remerciements pour l'envoi du dernier tome : "Mon cher Mordacq, VoilĂ  votre Ɠuvre terminĂ©e. Vous pouvez en ĂȘtre fier : vous avez parlĂ© de Clemenceau comme il le fallait. Aucun autre n'a retracĂ© avec autant de force et de vĂ©ritĂ© les services rendus par lui Ă  la France."
  114. Jacques Bainville Ă©crit dans l'Action française du 24 octobre 1934 : « Quels sont les desseins militaires de l'Allemagne ? Quelle est la nature de notre accord avec l'U. R. S. S. ? Est-ce une alliance dĂ©fensive ? Quels cas prĂ©voit-elle ? Les prĂ©voit-elle tous ? » Il en est un qui est tenu pour vraisemblable. Militaires et politiques allemands ont beaucoup rĂ©flĂ©chi depuis 1918. Ils ont cherchĂ© les causes de leur dĂ©faite. Ils les connaissent. On trouvera dans le livre rĂ©cent du gĂ©nĂ©ral Mordacq, les Leçons de 1914 et la prochaine guerre, l'essentiel de ces rĂ©flexions. Il y a des raisons de penser qu'une autre fois l'Allemagne Ă©vitera de tomber dans les mĂȘmes fautes, qu'elle ne cherchera pas la guerre sur deux fronts et qu'elle rĂ©servera toutes ses forces pour le principal adversaire. DĂšs lors, il est tout naturel que, dĂ©cidĂ©e Ă  porter ses coups du cĂŽtĂ© de la France, elle neutralise la Pologne qui a repoussĂ© le pacte oriental et se contenterait sans doute de monter la garde devant la Russie, si nous pouvons attendre de la Russie rouge des services Ă©gaux Ă  ceux que la Russie blanche, en 1914, nous a rendus. En dĂ©finitive, l'attitude de la Pologne renforce la prĂ©somption qu'un autre Schlieffen est Ă  l'Ɠuvre et prĂ©pare une attaque Ă  l'Ouest et peut-ĂȘtre contre la France seule. À cette fin, Hitler continue et doit continuer Stresemann, selon la maxime du gĂ©nĂ©ral Krauss citĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Mordacq : « Si l'on peut Ă©taler les apparences d'une politique de paix, ce ne doit ĂȘtre que comme un stratagĂšme trompeur pour endormir le peuple sur qui on a des vues et le surprendre endormi dans l'imprĂ©voyance. » Il est Ă  croire que la Pologne elle-mĂȘme aurait quelque chose Ă  tirer de cet avis. Mais il n'est dĂ©jĂ  pas sĂ»r qu'en France on en saisisse l'utilitĂ©."
  115. Le MarĂ©chal PĂ©tain Ă©crit en prĂ©face de ce livre : "Le gĂ©nĂ©ral Mordacq parle avec tendresse, Ă©motion et vĂ©ritĂ© de ses Alpins; ils nous les montre tour Ă  tour gais, dĂ©brouillards, ardents, tenaces. Donc Arras n'a pas Ă©tĂ© pris et cela malgrĂ© les efforts surhumains des Allemands. C'est bien lui en effet qui malgrĂ© les ordres primitifs de l'autoritĂ© supĂ©rieure a maintenu ses troupes dans la ville, assumĂ© toutes les responsabilitĂ©s de la dĂ©fense, sauvĂ© ainsi la vieille ville artĂ©sienne et, par suite, empĂȘchĂ© trĂšs probablement les Allemands d'atteindre leur but : les cĂŽtes de la mer du Nord et de la Manche."

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • « Le gĂ©nĂ©ral Mordacq », in Le Pays de France, no 177, , p. 3. Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • « Dictionnaire Clemenceau », sous la direction de Sylvie Brodziak et SamuĂ«l Tomei, Robert Laffont, 2017 (ISBN 978-2-221-12859-6).
  • « La LĂ©gion Ă©trangĂšre : histoire et dictionnaire », sous la direction d'AndrĂ©-Paul Comor (ISBN 978-2-221-11496-4).
  • « L'AnnĂ©e Clemenceau », n°1, n°2, sous la direction de Sylvie Brodziak, Matthieu SĂ©guĂ©la et Samuel TomeĂŻ (ISBN 978-2-271-12260-5).
  • CĂŽte SHD : 9 Yd 787.

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