Henri Labroue
Henri Labroue est un universitaire, un avocat et un homme politique français né le à Bergerac (Dordogne) et mort le à Nice (Alpes-Maritimes).
Député de la Gironde | |
---|---|
- |
Naissance | |
---|---|
Décès |
(Ă 84 ans) Nice |
Nationalité | |
Activités |
Homme politique, professeur d'histoire, professeur d'université |
Père |
Émile Labroue (d) |
Condamné pour |
---|
Biographie
Fils d'Émile Labroue, professeur d'histoire au lycée de Bergerac, devenu proviseur à Foix, à Périgueux et au lycée Lakanal de Sceaux, et de Marie Joséphine Jeanne Ursule Brugère.
Henri Labroue est admissible à l'École normale supérieure mais finalement non admis. Il suit des études supérieures à la Sorbonne et à l'école pratique des hautes études. Il est agrégé d'histoire et géographie (1905)[1] et docteur ès lettres (~1911/12). Il parcourt de nombreux pays de 1907 à 1909, lauréat d'une bourse « Autour du monde » délivrée par l'Université de Paris grâce au mécénat du banquier Albert Kahn.
Professeur en classe préparatoire à Limoges, Toulouse puis Bordeaux, il tient une chaire libre à la faculté des lettres de Bordeaux de 1909 à 1914. Franc-maçon depuis 1904 et membre de la Ligue des droits de l'homme[2], il est député de la Gironde de 1914 à 1919, siégeant à gauche sur les bancs radicaux. Battu en 1919, il devient avocat à la cour d'Appel de Paris. Il retrouve un siège de député de 1928 à 1932. Il s'est alors éloigné de la gauche et a rompu avec la franc-maçonnerie[2]. Battu en 1932, il est avocat à Bordeaux.
Sous l'Occupation, il dirige l'institut aux questions juives de Bordeaux, fondé en [3] - [2]. Cette année-là , il participe activement à l'organisation de l'exposition antisémite « Le Juif et la France » à Bordeaux.
Il sollicite sans succès le ministre Jérôme Carcopino pour que soit créée une chaire d'Histoire du judaïsme à la Sorbonne. Henri Labroue est un familier de Pierre Laval. Quand ce dernier devient chef du gouvernement, le , il lui demande la création d'une chaire d'histoire du judaïsme à la Sorbonne. Il va obtenir l'appui d'un autre de ses amis, Pierre Cathala, secrétaire d'État aux finances, pour obtenir de Pierre Laval la signature du décret no 3247, le , créant la chaire d'histoire du judaïsme de la Sorbonne et Abel Bonnard l'attribue à Henri Labroue le [2]. Louis Darquier de Pellepoix lui envoie un télégramme : « Particulièrement heureux de vous féliciter de votre nomination et d'avoir pu y participer. Stop. Suis également heureux d'avoir pu ainsi combler grave lacune de notre éducation nationale[4] ». Cette création a été imposée par le gouvernement contre l'avis des universitaires. Le , le doyen Joseph Vendryes exprime sa surprise et son regret de ne pas avoir été consulté sur cette innovation qu'il a apprise par le Journal officiel du . Le , les Alliés ont débarqué en Afrique du Nord et le 11 la zone libre est occupée. Le 11 décembre la mention « Juif » est obligatoire sur les pièces d'identité. Le , Pierre Laval déclare à la presse que « seule la victoire allemande permettra à la France d'échapper aux juifs et aux communistes ». Lors du premier cours du , où l'immense majorité du corps professoral est absent, il est rapidement sifflé et chahuté par les étudiants - dont le futur historien Jacques Dupâquier, qui sera l'initiateur de la célébration du cinquantenaire de la réaction des étudiants contre ce cours en 1992[5] - et doit s'éclipser discrètement[6] - [2]. Son cours n'est suivi que par une poignée d'étudiants par la suite. Parallèlement, il collabore à la presse antisémite comme Au Pilori et tient des conférences, en Allemagne et en France, par exemple devant l'Association des journalistes antijuifs en 1943[7].
Grâce au commissariat général aux questions juives, il a acquis une magnifique villa située sur le mont Boron, à Nice, qui a été spoliée à un propriétaire juif. Il a alors adhéré à l'Association française des propriétaires de biens aryanisés (AFPBA) constituée le et présidée par le comte Marcel de Font-Réaulx[8].
Après le débarquement du , il quitte Paris pour se réfugier dans les Pyrénées. Il est arrêté, amené à Bordeaux, puis à Paris et à la prison de Fresnes. Une ordonnance du gouvernement provisoire du annule tous les actes « qui établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif ». Henri Labroue est suspendu le . Il est révoqué de l'Éducation nationale le , sans pension et sans possibilité d'enseigner. En , la chaire d'histoire du judaïsme est transformée en chaire d'histoire du christianisme[9].
Il est inculpé pour atteinte à la sécurité extérieure de l'État en . Il est condamné par la Cour de justice de la Seine en à 20 ans de prison; son âge (en 1948, il a 68 ans) lui permet d'éviter les travaux forcés[10]. Il est libéré au bout de 7 ans[2] après avoir été amnistié par le président Vincent Auriol, le . Il demande sans succès le paiement d'une pension d'ancien professeur de la Sorbonne. Veuf, il se remarie à Nice, le , avec Marie Girard, de près de 50 ans sa cadette.
Il meurt Ă Nice, le ., le jour de ses 84 ans.
Publications (aperçu)
- Le Japon au XIXe siècle; in: Édouard Petit (dir.), Histoire universelle des pays et des peuples; t. VII; Paris (Éd. Quillet), 1923 (?).
- L'impérialisme japonais; Paris (éd. Delagrave Ch.), 1911; 332 pages.
- Le Conventionnel Pinet d'après ses mémoires inédits; 1907.
- L'esprit public en Dordogne pendant la Révolution, avec une préface de Gabriel Monod, de l'Institut; Paris (Librairie Félix Alcan), 1911; 211 pages.
- Les origines maçonniques du club jacobin de Bergerac en l'an II; in: La Révolution française, n° du ; publié par la Librairie Félix Alcan, à Paris; 31 pages.
- La mission du Conventionnel Lakanal dans la Dordogne en l'An II (-); thèse de doctorat ès lettres; Paris (Librairie ancienne Honoré Champion), s. d. [1912]; XXII + 704 pages.
- Les membres de la société populaire de Bergerac pendant la Révolution; Paris (Librairie Félix Alcan), 1913.
- La société populaire de Bergerac pendant la révolution; thèse complémentaire de doctorat; Paris (Rieder), 1915.
- (édité par H. Labroue): Voltaire, Lettres philosophiques; introduction et commentaires d'Henri Labroue; Paris (Delagrave), 1929.
- Voltaire antijuif, avec une préface d'Alain Rouet; éditions Déterna, 2011; 252 pages. L'édition originale est parue à Paris (éd. 'Les Documents contemporains'), en .
Notes et références
- « Les agrégés de l'enseignement secondaire. Répertoire 1809-1960 », sur cnrs.fr (consulté le ).
- Singer 1993
- Le Monde, 6 décembre 1948
- B. et G. Delluc, p. 390.
- Le Monde, 15 décembre 1992
- Béatrice Philippe, Être juif dans la société française du Moyen Âge à nos jours, éditions Montalba, 2e éd. 1989, (ISBN 2-85870-017-6), p. 269
- Le Matin, 25 février 1943
- Renaud de Rochebrune, Jean-Claude Hazera, Les patrons sous l'Occupation, Ă©ditions Odile Jacob, Paris, 1995, p. 642, (ISBN 2-7381-0328-6) (lire en ligne)
- B. et G. Delluc, p. 401.
- Le Monde, 7 décembre 1948, Le Monde, 6 décembre 1948, "J'étais un judéologue, explique le professeur Labroue". Il est défendu par Me Albert Naud
Annexes
Bibliographie et sources
- « Henri Labroue », dans le Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), sous la direction de Jean Jolly, PUF, 1960
- Brigitte Delluc, Gilles Delluc, « Henri Labroue. De Bergerac à la Sorbonne. De la Révolution à l'antisémitisme », dans Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgoprd, 2010, tome 137, 3e livraison, p. 379-404 (lire en ligne)
- Claude Singer, « L'échec du cours antisémite d'Henri Labroue à la Sorbonne (1942-1944) », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, no 39,‎ , pp. 3-9 (lire en ligne)
- Claude Singer, Vichy, l'université et les juifs, Hachette Pluriel, 1996.
- Claude Singer, « Henri Labroue ou l'apprentissage de l'antisémitisme », dans L'antisémitisme de Plume. 1940-1944 études et documents, sous la direction de Pierre-André Taguieff, Berg International Éditeurs, 1999.
- Max Weinreich, Hitler et les professeurs, Belles Lettres, , 396 p. (ISBN 978-2-251-44469-7 et 2-251-44469-6).
Liens externes
- Ressource relative Ă la recherche :
- Ressource relative Ă la vie publique :