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Droit au Québec

Le droit au Québec est l'ensemble des rÚgles de droit qui s'appliquent sur le territoire du Québec. Le droit québécois est caractérisé par deux spécificités importantes. D'une part, il tombe sous la responsabilité partagée du Parlement fédéral et du Parlement du Québec. Conformément à la Constitution du Canada, chacun des gouvernements est responsable du droit relativement à ses sphÚres de compétences. D'autre part, pour des raisons historiques, le droit québécois s'identifie à deux traditions juridiques : la tradition civiliste et la common law. De façon générale, le droit privé québécois correspond à la tradition civiliste, tandis que le droit public est davantage influencé par la common law. Toutefois, les nombreuses influences que les deux traditions ont eues les unes à travers les autres amÚnent le Québec à avoir un systÚme juridique mixte.

L'histoire du droit québécois explique la mixité des traditions juridiques au Québec. D'abord une colonie française, le territoire québécois a été conquis par la Grande-Bretagne en 1760. AprÚs avoir tenté d'imposer le droit anglais, la Grande-Bretagne a permis, par l'Acte de Québec de 1774, l'utilisation du droit civil dans les affaires privées. La distinction entre le droit privé de tradition française et le droit public de tradition anglaise perdure jusqu'à aujourd'hui. Le Québec possÚde ainsi son Code civil, adopté en 1994.

Le droit québécois se divise traditionnellement entre le droit privé et le droit public. Sur le plan privé, la plupart des rÚgles qui régissent les relations entre individus sont prévues au Code civil du Québec. On y trouve les rÚgles touchant le droit de la famille, la responsabilité civile, le droit des biens, etc. Sur le plan public, le Québec n'a pas de constitution formelle. Plusieurs des rÚgles publiques émanent de la common law, comme le droit administratif et le droit pénal. Enfin, le Québec a une Charte des droits et libertés de la personne qui protÚge les droits et libertés des personnes tant dans la sphÚre privée que publique.

Le plus haut tribunal ayant compĂ©tence sur le droit quĂ©bĂ©cois est la Cour suprĂȘme du Canada ; viennent ensuite la Cour d'appel du QuĂ©bec, puis la Cour supĂ©rieure du QuĂ©bec. De plus, le systĂšme judiciaire du QuĂ©bec comporte plusieurs autres cours et tribunaux administratifs. La gestion des tribunaux, et des organismes juridiques en gĂ©nĂ©ral, est sous la responsabilitĂ© du ministĂšre de la Justice. De mĂȘme, la pratique du droit au QuĂ©bec est encadrĂ©e par deux ordres professionnels : le Barreau du QuĂ©bec et la Chambre des notaires. Un peu plus de 600 juges sont responsables de trancher les litiges au QuĂ©bec.

Principes généraux

Sources formelles

Le droit québécois provient des quatre sources classiques en droit : la loi, la jurisprudence, la doctrine et la coutume[1].

L'identification du domaine de droit est fondamentale pour dĂ©terminer les sources du droit quĂ©bĂ©cois. Comme le droit quĂ©bĂ©cois est un systĂšme mixte (voir « Bijuridisme » ci-dessous), les sources sont diffĂ©rentes selon les domaines de droit[2]. À titre d'exemple, gĂ©nĂ©ralement, le droit privĂ© s'inspire de la tradition de droit civil et la place de la lĂ©gislation et de la doctrine est donc importante. À l'opposĂ©, la place de la jurisprudence est capitale dans le droit public, inspirĂ© de la common law.

La loi est la principale source du droit québécois[3]. Elle comprend la Constitution, les lois du Parlement du Québec et les rÚglements associés aux lois[note 1]. L'une des lois majeures du Québec est le Code civil du Québec, qui vise non seulement à établir les rÚgles majeures du droit privé, mais aussi à organiser les idées juridiques et à former le droit commun québécois[4]. Le Québec compte aussi quelques lois quasi constitutionnelles, comme la Charte des droits et libertés de la personne.

En droit privĂ©, le QuĂ©bec Ă©tant de tradition civiliste, la jurisprudence y occupe une place thĂ©orique modĂ©rĂ©e, mais en pratique trĂšs importante[5] - [6] - [7]. MĂȘme si normalement, les interprĂ©tations prĂ©cĂ©dentes des tribunaux n'obligent pas les juges Ă  les suivre, dans la pratique, les dĂ©cisions de la Cour d'appel du QuĂ©bec et de la Cour suprĂȘme du Canada bĂ©nĂ©ficient de l'autoritĂ© du prĂ©cĂ©dent[8]. En droit public, le droit quĂ©bĂ©cois s'inscrit dans une tradition de common law, oĂč le rĂŽle des juges dans la crĂ©ation des rĂšgles juridiques est plus grand.

La doctrine quĂ©bĂ©coise en droit privĂ© a Ă©mergĂ© avec l'adoption du Code civil du Bas-Canada, mais c'est au milieu du XXe siĂšcle que davantage d'universitaires se sont mis Ă  analyser le droit quĂ©bĂ©cois[9]. Tout comme la jurisprudence, la doctrine joue un important rĂŽle persuasif auprĂšs des tribunaux[10] - [11] - [7]. MĂȘme s'il est certain que, dans ses dĂ©buts, le droit quĂ©bĂ©cois se rĂ©fĂ©rait tantĂŽt aux penseurs français et tantĂŽt Ă  la jurisprudence anglaise[12], il possĂšde aujourd'hui sa propre doctrine et sa propre jurisprudence, bien souvent distinctes du reste du Canada.

La place de la coutume est faible en droit québécois. Beaucoup de coutumes ont été codifiées au sein du Code civil du Québec et hors de cette loi, les autres coutumes servent surtout à l'interprétation des contrats[13].

Bijuridisme

Le droit quĂ©bĂ©cois est un systĂšme mixte (ou bijuridique), c'est-Ă -dire que deux traditions juridiques coexistent au sein de la province[14]. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, le droit public au QuĂ©bec correspond Ă  la tradition de la common law, tandis que le droit privĂ© s'inspire de la tradition romano-germanique (tradition civiliste)[15]. Toutefois, ces deux systĂšmes se sont mutuellement influencĂ©s au cours de l'histoire du droit quĂ©bĂ©cois. De mĂȘme, l'existence de la Cour suprĂȘme Ă  la tĂȘte de tous les tribunaux du pays a jouĂ© un rĂŽle important dans le mĂ©tissage des deux traditions juridiques. Les juges appelĂ©s Ă  trancher des causes autant quĂ©bĂ©coises que canadiennes ont parfois empruntĂ© des concepts de common law en matiĂšre de droit privĂ© quĂ©bĂ©cois[16].

Le caractĂšre mixte du droit quĂ©bĂ©cois vient d'une concession historique de la Grande-Bretagne dans les annĂ©es suivant la ConquĂȘte. Soucieux de s'assurer de la loyautĂ© des Canadiens français, le conquĂ©rant britannique a adoptĂ© l'Acte de QuĂ©bec (1774) et a permis aux habitants de la Province de QuĂ©bec d'utiliser le droit civil français dans leurs relations privĂ©es[17]. Cette concession historique s'est reflĂ©tĂ©e partiellement dans la Loi constitutionnelle de 1867 lors de la fondation du Canada, puisque le Parlement fĂ©dĂ©ral s'est vu attribuer plusieurs domaines du droit public, tandis que les parlements provinciaux Ă©taient responsables en grande partie du droit privĂ©.

En matiĂšre de droit privĂ©, le QuĂ©bec est dotĂ©, Ă  l’image des pays civilistes, d'un Code civil qui rĂ©git en grande partie les relations entre les individus (famille, successions, propriĂ©tĂ©, responsabilitĂ©, etc.). Toutefois, comme l’affirme l’ancien doyen Jean-Guy Cardinal, il a Ă©tĂ© grandement influencĂ© par la prĂ©sence de la tradition de common law dans les provinces entourant le QuĂ©bec :

« le Code civil s'est normalement acclimatĂ© Ă  un pays oĂč se rencontrent deux langues, deux religions, deux cultures. La province de QuĂ©bec, isolĂ©e aprĂšs la conquĂȘte a dĂ» lutter pour conserver son particularisme tant sur les plans culturel et Ă©conomique que politique et juridique[18]. »

À titre d'exemple, lors de l’adoption du Code civil du QuĂ©bec en 1991, les rĂ©dacteurs ont ajoutĂ© des notions de common law, comme la fiducie et l'hypothĂšque mobiliĂšre[19].

La tradition de common law se retrouve davantage dans le droit public et dans l'organisation judiciaire. La procĂ©dure civile quĂ©bĂ©coise est grandement inspirĂ©e du systĂšme accusatoire prĂ©sent en Angleterre. Le systĂšme judiciaire quĂ©bĂ©cois est unifiĂ© (et non dualiste comme en France) et les juges, comme en Angleterre, sont d'anciens avocats nommĂ©s aprĂšs plusieurs annĂ©es de carriĂšre[20]. De mĂȘme, les jugements au QuĂ©bec ont Ă©tĂ© fortement inspirĂ©s de la tradition anglo-saxonne : ceux-ci sont gĂ©nĂ©ralement assez long et lorsque la cause est entendue par plusieurs juges, qui peuvent exprimer par Ă©crit des motifs individuels s'ils le souhaitent[21] - [22].

De la mĂȘme maniĂšre que le QuĂ©bec, le droit canadien est aussi qualifiĂ© de mixte, puisque dans ses relations privĂ©es, le gouvernement fĂ©dĂ©ral obĂ©it parfois Ă  la tradition civiliste (lorsqu'il s'applique au QuĂ©bec) et parfois Ă  la common law (dans les autres provinces et territoires)[23].

Compétences législatives

Photographie de la page couverture de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867.
L'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 fondant le Canada et la province de Québec.

En raison du fĂ©dĂ©ralisme canadien, le Parlement du QuĂ©bec ne possĂšde pas le pouvoir d'adopter des lois dans n'importe quel domaine de droit. Les compĂ©tences sont partagĂ©es avec le Parlement fĂ©dĂ©ral. Ce partage vise autant la sphĂšre lĂ©gislative que la sphĂšre exĂ©cutive, c'est-Ă -dire qu'il limite autant les pouvoirs du Parlement que du gouvernement[24] - [25]. En comparaison avec d'autres fĂ©dĂ©rations (par exemple les États-Unis ou l'Australie), le partage des compĂ©tences au Canada attribue des pouvoirs plus importants au Parlement fĂ©dĂ©ral qu'aux provinces[26].

Comme toutes les provinces, le Québec est responsable des affaires sociales, des questions locales[loi 1] et plus généralement des relations entre les individus. Ainsi, une partie importante du droit privé applicable au Québec est régi par le droit québécois[loi 2] ; le reste relÚve du droit canadien[27].

Parmi les affaires purement locales, on peut citer :

  • Les affaires municipales[loi 3] ;
  • Le transport terrestre dans la province[28] ;
  • Les diffĂ©rents permis de commerce[loi 4].

Au titre des affaires sociales, le Québec a les pouvoirs dans les domaines de :

Au niveau économique, le Québec a les pouvoirs sur :

  • L'impĂŽt sur le revenu et les taxes directes (tout comme le Parlement fĂ©dĂ©ral)[29] ;
  • La propriĂ©tĂ© et l'exploitation des ressources naturelles[30] ;
  • L'incorporation d'entreprises[loi 8] ;
  • Toute question Ă©conomique purement locale.

Le Québec est aussi responsable :

  • De l'administration de la justice (palais de justice, fonctionnement des tribunaux, etc.)[loi 9] ;
  • Des peines touchant les lois provinciales[loi 10] ;
  • Des prisons provinciales (moins de 2 ans d'emprisonnement)[loi 11] ;
  • De la gestion des forĂȘts[loi 12].

Le Québec peut emprunter[loi 13] et régit la fonction publique du Québec[loi 14].

Histoire

Le droit quĂ©bĂ©cois apparaĂźt au XVIIe siĂšcle avec l'implantation, sur le territoire canadien, d'un systĂšme juridique calquĂ© sur l'ancien rĂ©gime français. Il subira un bouleversement majeur lors de la ConquĂȘte britannique en 1759-1760 lorsque la Grande-Bretagne tentera d'implanter son systĂšme juridique. À partir de ce moment et pour le reste de son histoire, le droit quĂ©bĂ©cois sera gravĂ© par la mixitĂ© entre les sources françaises et anglaises.

Sur le plan du droit privé, le Québec se dotera, en 1866, de son propre code civil, le Code civil du Bas-Canada, qui restera en vigueur jusqu'à ce qu'il soit remplacé par le Code civil du Québec en 1994. Sur le plan du droit public, l'histoire du droit québécois est ponctuée de nombreux débats sur le statut politique du Québec, sans qu'aucune grande réforme ne fasse véritablement progresser la question.

Avant la conquĂȘte (1760)

On peut faire remonter l'histoire du droit quĂ©bĂ©cois Ă  l'arrivĂ©e du navigateur Jacques Cartier prĂšs de GaspĂ© en 1534 lorsqu'il dĂ©clare prendre possession du territoire au nom de la France. À l'Ă©poque, les puissances europĂ©ennes considĂšrent qu'une terre inconnue appartient Ă  la premiĂšre personne qui en fait la dĂ©couverte[31] - [32]. Toutefois, c'est lors de la fondation de QuĂ©bec par Samuel de Champlain que la prĂ©sence française en AmĂ©rique prend une forme plus permanente. Le systĂšme juridique de l'Ă©poque est le mĂȘme que celui en vigueur en France Ă  ce moment. Toutefois, l'absence d'institutions semblables Ă  la France obligera l'adaptation des rĂšgles, ce qui donnera une grande discrĂ©tion aux reprĂ©sentants du roi sur le territoire de la Nouvelle-France[33]. Ainsi, dans les dĂ©buts de la colonie, Champlain dĂ©tient les pouvoirs exĂ©cutifs, lĂ©gislatifs et judiciaires[34]. Le droit « importĂ© » comprend autant la lĂ©gislation (Ă©dits royaux, ordonnances et arrĂȘts du Conseil du Roi) que le droit coutumier privĂ©[35]. En l'absence de droit coutumier local et d'indication de l'autoritĂ© souveraine, c'est gĂ©nĂ©ralement la Coutume de Paris qui est la rĂ©fĂ©rence en matiĂšre de droit privĂ©[36].

En 1627 est créée la Compagnie des Cent-Associés. La Nouvelle-France passe donc d'un régime royal à un régime commercial[37]. Le développement est assuré par la compagnie en échange de la colonisation des terres. Elle possÚde des droits seigneuriaux et est propriétaire de vastes portions du territoire[38].

L'annĂ©e 1663 marque un changement important dans le systĂšme juridique du Canada. La France, incapable de rĂ©gler promptement les affaires de la colonie, crĂ©e le Conseil souverain de la Nouvelle-France, une institution qui vise Ă  reprendre la propriĂ©tĂ© de la colonie (jusqu'alors propriĂ©tĂ© de la Compagnie des Cent-AssociĂ©s)[39] - [40]. Le Conseil est alors dotĂ©, au nom du roi, des pouvoirs des lĂ©gislatifs, exĂ©cutifs et judiciaires[41]. On peut considĂ©rer qu'il s'agit du premier gouvernement civil au Canada[42]. À partir de 1665, avec l'arrivĂ©e de Jean Talon, le Conseil partage toutefois son pouvoir avec l'intendant de la Nouvelle-France. Ce dernier possĂšde plusieurs pouvoirs exĂ©cutifs, lĂ©gislatifs et judiciaires[41]. Le Conseil est responsable de gĂ©rer les deniers publics, traiter des affaires commerciales et nommer des officiers chargĂ©s de prononcer la justice[43]. Sur le plan du droit en vigueur, le roi Louis XIV adopte un Ă©dit qui fait appliquer officiellement la Coutume de Paris au Canada[44]. La Coutume rĂ©git « les droits des individus, en particulier leur statut personnel, leur rĂ©gime matrimonial, ainsi que la propriĂ©tĂ© et la transmission de leurs biens[45]. » Elle restera, avec l'Ordonnance de 1667, la fondement du droit en vigueur au QuĂ©bec, et ce, jusqu'Ă  la codification du droit quĂ©bĂ©cois au XIXe siĂšcle[46].

Contrairement au droit civil qui s'est adapté aux conditions locales[47], le droit criminel en vigueur durant la période coloniale française reste purement français[45]. Il est, comme en métropole, particuliÚrement rigoureux (torture occasionnelle, exécutions sordides, etc.)[48].

Ce systĂšme juridique restera en vigueur jusqu'Ă  la ConquĂȘte du Canada par la Grande-Bretagne en 1759-1760.

De la conquĂȘte (1760) Ă  la confĂ©dĂ©ration (1867)

En 1760, le Canada capitule face aux armées anglaises. S'installe alors un régime militaire britannique en Nouvelle-France (1760-1763). Les années qui suivent marquent une profonde incertitude sur le droit en vigueur[49]. Malgré les demandes contraires, les Britanniques décident d'appliquer dans la mesure du possible les lois anglaises, mais dans les faits, plusieurs tribunaux continuent d'utiliser le droit français[50].

Par le Traité de Paris de 1763, la colonie devient définitivement anglaise. Le roi George III édicte la Proclamation royale de 1763 qui crée un nouveau territoire nommé Province de Québec[note 2]. Sur le plan politique, aucune assemblée n'est élue pour représenter les citoyens et le pouvoir est exercé par le gouverneur et ses conseillers[51]. Les catholiques sont exclus de la plupart des fonctions publiques par l'instauration du serment du test[50]. La Proclamation royale instaure le droit anglais dans la Province, mais l'incertitude subsiste malgré tout quant au droit en vigueur[52] et les habitants, peu familiers avec le systÚme de justice anglais, réussissent à poursuivre l'utilisation du droit français devant certains tribunaux[51]. Le recours à l'arbitrage est d'ailleurs fréquent à l'époque[53].

En 1774, en raison de la rĂ©sistance des Canadiens français Ă  l'introduction du droit anglais, le Parlement britannique adopte l'Acte de QuĂ©bec (1774) qui rĂ©instaure le droit français dans les affaires privĂ©es (c'est-Ă -dire la propriĂ©tĂ© et les droits civils)[54]. Cette loi majeure dans l'histoire du droit quĂ©bĂ©cois fera de la tradition du droit civil, la tradition juridique du droit privĂ© au QuĂ©bec jusqu'Ă  nos jours[55]. L'Acte de QuĂ©bec abolit du mĂȘme coup le serment du test et autorise la poursuite du rĂ©gime seigneurial pour les terres dĂ©jĂ  occupĂ©es[56]. Le droit criminel demeure toutefois le mĂȘme qu'en Angleterre[57]. Sur le plan du pouvoir lĂ©gislatif, l'Acte crĂ©e le Conseil pour les affaires de la province de QuĂ©bec composĂ© d'une vingtaine de personnes chargĂ©es de conseiller le gouverneur de la province[loi 15].

En 1791, afin de réagir à l'arrivée des Loyalistes américains, la Grande-Bretagne adopte l'Acte constitutionnel et divise la Province de Québec en deux colonies : l'une principalement anglophone, le Haut-Canada (le sud de l'Ontario actuel), et l'autre principalement francophone, le Bas-Canada (le sud du Québec actuel). Les deux colonies se voient dotées d'un parlement et en 1792 ont lieu les premiÚres élections du Parlement du Bas-Canada. Le Conseil exécutif du Bas-Canada reste nommé par le roi qui conserve le pouvoir de ne pas entériner les lois en provenance du Parlement[58]. Le Conseil fait aussi office de tribunal d'appel dans certains cas[59]. Les débuts de la démocratie sur le territoire sont difficiles. Le Conseil exécutif n'est pas responsable devant le Parlement. La présence de francophones majoritaires à l'Assemblée législative, mais minoritaires au Conseil législatif et au Conseil exécutif occasionne de nombreux débats, notamment sur la question de la langue[60] - [61].

Les nombreux griefs face au rĂ©gime politique mĂšnent aux RĂ©bellions de 1837. En rĂ©action, les institutions dĂ©mocratiques du Bas-Canada sont suspendues. Le Parlement du Royaume-Uni suspend l'Acte constitutionnel et confĂšre les pouvoirs du Parlement du Bas-Canada au Conseil spĂ©cial du Bas-Canada nommĂ© par le gouverneur. C'est tout de mĂȘme Ă  cette Ă©poque que seront crĂ©Ă©es les institutions municipales au QuĂ©bec[62]. Le rĂ©gime d'exception prendra fin quelques annĂ©es plus tard, lorsqu'en 1840, le Parlement du Royaume-Uni adopte l'Acte d'Union qui unira, en 1841, le Haut-Canada et le Bas-Canada dans une seule colonie : la Province du Canada (ou Canada-Uni)[63]. Cette dĂ©cision faisait suite au Rapport Durham qui constatait que le rĂ©gime constitutionnel prĂ©cĂ©dent n'assimilait pas suffisamment les Canadiens français au peuple anglais[64].

Photographie noir et blanc de cinq hommes en complet assis autour d'une table de réunion.
Commission ayant pour mandat de codifier les lois du Bas-Canada (vers 1865).

L'union législative faite en 1841 entre le Bas-Canada et le Haut-Canada se traduira néanmoins en un régime protofédératif qui permettait aux deux composantes (nommées Canada-Est et Canada-Ouest) d'avoir des rÚgles qui leur sont propres. Le Canada-Est conserve son droit coutumier issu de la Nouvelle-France dans les affaires civiles et commerciales, et les institutions judiciaires, scolaires et municipales sont distinctes[65]. Vers 1847, le Parlement de la province du Canada obtiendra le principe du gouvernement responsable[66].

Le milieu du XIXe siĂšcle marque une effervescence sur le plan des changements juridiques au Canada-Est. La Cour du banc de la Reine (ancĂȘtre de l'actuelle Cour d'appel du QuĂ©bec) est crĂ©Ă©e en 1849. En 1854, le rĂ©gime seigneurial de la Nouvelle-France, toujours en vigueur, est aboli[67]. C'est aussi au milieu du XIXe siĂšcle que commence Ă  apparaĂźtre une doctrine juridique vĂ©ritablement quĂ©bĂ©coise[68] - [69] et que les premiers cours de droit dĂ©butent Ă  la nouvelle facultĂ© de droit de l'UniversitĂ© Laval[70]. En 1857 est crĂ©Ă©e la Commission de codification des lois civiles du Bas-Canada[loi 16] - [71]. La commission met six ans pour aboutir au Code civil du Bas-Canada, un travail de codification complexe visant Ă  intĂ©grer la variĂ©tĂ© des sources du droit quĂ©bĂ©cois (françaises, anglaises, impĂ©riales, locales, coutumiĂšres, lĂ©gislatives et jurisprudentielles)[72]. Le Code civil du Bas-Canada restera la loi principale du droit civil quĂ©bĂ©cois jusque dans les annĂ©es 1980. En 1867, le premier Code de procĂ©dure civile du QuĂ©bec entrera en vigueur[loi 17].

De la confédération (1867) jusqu'à la Révolution tranquille

Photographie noir et blanc d'un homme portant une toge de juge.
Pierre-Basile Mignault, ancien juge et professeur de droit québécois.

Le , l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 (une loi du Parlement du Royaume-Uni) fusionne différentes colonies britanniques pour former le Canada. La Province du Canada est alors divisée en deux provinces dans le nouveau pays : l'Ontario et le Québec. Le Canada est créé sous une forme fédérale. Les compétences législatives sont partagées entre les parlements des provinces et un Parlement fédéral. Le Québec conserve ainsi le pouvoir sur une bonne partie du droit civil[loi 18].

Les premiĂšres annĂ©es de la fĂ©dĂ©ration canadienne sont marquĂ©es par de nombreux dĂ©bats judiciaires sur le partage des compĂ©tences entre les provinces et le Parlement fĂ©dĂ©ral. Contrairement Ă  la Cour suprĂȘme du Canada, le ComitĂ© judiciaire du Conseil privĂ©, plus haut tribunal Ă  l'Ă©poque, interprĂšte la Constitution de maniĂšre Ă  protĂ©ger les pouvoirs des provinces et promouvoir une relation d'Ă©galitĂ© entre ces derniĂšres et le palier fĂ©dĂ©ral[73]. En 1898 et 1912, les frontiĂšres du QuĂ©bec sont Ă©tendues pour comprendre l'entiĂšretĂ© du Nord quĂ©bĂ©cois[74], mais une dĂ©cision du Conseil privĂ© viendra retrancher le Labrador du territoire quĂ©bĂ©cois[75].

MĂȘme si l'adoption du Code civil du Bas-Canada en avait dĂ©jĂ  marquĂ© un jalon, les annĂ©es 1920 rĂ©vĂšlent le vrai dĂ©but d'un mouvement d'affirmation du droit civil dans les affaires juridiques quĂ©bĂ©coises[76]. Cet essor est notamment associĂ© au professeur et juge Pierre-Basile Mignault, auteur du premier traitĂ© complet sur le droit quĂ©bĂ©cois et dĂ©fenseur important du droit civil au QuĂ©bec[69]. Quelques progrĂšs sociojuridiques sont effectuĂ©s Ă  cette Ă©poque, comme l'abolition de la mort civile en 1906. En 1914, Annie MacDonald Langstaff devient la premiĂšre femme Ă  obtenir un diplĂŽme d'une facultĂ© de droit, mais il faudra attendre trente ans de lutte pour que la premiĂšre femme soit, en 1942, admise au Barreau du QuĂ©bec[77].

L'arrivĂ©e au pouvoir de Maurice Duplessis en 1936 amorce le dĂ©but d'importantes saga judiciaires entre le pouvoir politique au QuĂ©bec et les tribunaux. En 1937, le gouvernement Duplessis fait adopter la Loi du cadenas visant Ă  mettre un terme aux activitĂ©s communistes au QuĂ©bec. La Cour suprĂȘme du Canada invalidera cette loi en 1957[78]. C'est toutefois l'affaire Roncarelli qui marque cette Ă©poque. La Cour suprĂȘme condamne le premier ministre Duplessis pour avoir retirĂ© volontairement un permis d'alcool Ă  Frank Roncarelli en raison de son adhĂ©sion aux tĂ©moins de JĂ©hovah. Il s'agit d'une des dĂ©cisions les plus importantes du droit canadien, non seulement parce qu'elle illustre cette pĂ©riode sombre de l'histoire du QuĂ©bec qu'est la Grande Noirceur, mais aussi parce qu'il s'agit de la premiĂšre grande dĂ©cision canadienne sur la primautĂ© du droit et la libertĂ© de religion[79] - [80].

Révolution tranquille (années 1960 et 1970)

À partir de la RĂ©volution tranquille, le droit quĂ©bĂ©cois se modernise. DĂšs 1955, le gouvernement prĂ©voit rĂ©former le Code civil du Bas-Canada[81]. Pendant ce travail de longue haleine, le droit Ă©volue parallĂšlement avec l'adoption en 1964 de la Loi sur la capacitĂ© juridique de la femme mariĂ©e, qui permet notamment Ă  la femme d'agir civilement, d'ester en justice et supprime le devoir d'obĂ©issance envers le mari[82]. En 1965, un nouveau Code de procĂ©dure civile est adoptĂ© et abolit l'emprisonnement en matiĂšre civile[note 3]. D'autres droits de la personne progressent de façon importante Ă  cette Ă©poque. Le mariage civil est permis en 1969[83] et l'Ăąge de la majoritĂ© passe, en 1972, de 21 Ă  18 ans[84]. Cette Ă©volution culmine par l'adoption, en 1975, de la Charte des droits et libertĂ©s de la personne, qui donne aux QuĂ©bĂ©cois plusieurs droits civiques dans leurs relations entre eux et avec le gouvernement (comme le droit Ă  la libertĂ©, le droit Ă  ne pas ĂȘtre discriminĂ©, etc.)[85] - [86]. Le droit de la famille est aussi complĂštement rĂ©formĂ© en 1980 par l'adoption d'un code civil partiel, le Code civil du QuĂ©bec de 1980.

Le Québec crée aussi durant cette période plusieurs régimes à caractÚre social visant à protéger les citoyens et à augmenter l'accÚs à la justice. En 1978, la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) est créée[87]. Ainsi, il n'est plus possible pour une victime d'un accident de la route de poursuivre une autre personne pour des dommages corporels. Toutes les réclamations sont faites à la SAAQ qui est l'assureur public obligatoire pour les automobilistes. La Loi sur la protection du consommateur, adoptée dans les années 1970, créé de nombreuses obligations aux commerçants (obligation de fournir une garantie, obligations lors de la publicité, etc.)[88]. Finalement, le gouvernement instaure en 1977 une procédure d'action collective au Québec permettant à une personne d'intenter une poursuite au nom de plusieurs autres afin d'obliger une entreprise ou un gouvernement à indemniser toutes les personnes auxquelles il a porté préjudice[89].

Au niveau constitutionnel, dĂšs les annĂ©es 1960, des nĂ©gociations se tiennent Ă  de nombreuses reprises entre le Canada et le QuĂ©bec sur une rĂ©forme de la Constitution du Canada. MalgrĂ© de nombreuses nĂ©gociations jusqu'en 1982, aucune des rĂ©formes n’aboutira Ă  la satisfaction des parties et la Constitution sera rapatriĂ©e sans l'accord du QuĂ©bec par la Loi constitutionnelle de 1982. ParallĂšlement, les annĂ©es 1970 marquent la venue de lĂ©gislations linguistiques. La Charte de la langue française remplace, en 1978, la Loi sur la langue officielle, et consacre ainsi le français comme langue commune, notamment en matiĂšre de travail et d'Ă©ducation.

Depuis 1982

Les dĂ©bats constitutionnels se poursuivent aprĂšs l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982. Durant la dĂ©cennie suivante, deux projets de rĂ©forme importante de la Constitution canadienne Ă©chouent : l'Accord du lac Meech (1987-1990) et l'Accord de Charlottetown (1992). Ces Ă©checs mĂšnent Ă  la tenue d'un deuxiĂšme rĂ©fĂ©rendum quĂ©bĂ©cois sur la souverainetĂ© (1995), confirmant le statu quo. En 1997, le QuĂ©bec rĂ©ussit tout de mĂȘme Ă  faire modifier un article de la Constitution pour lui permettre, avec la loi 118, d'organiser ses Ă©coles publiques de maniĂšre linguistique plutĂŽt que religieuse[90]. La Loi constitutionnelle de 1982, plus particuliĂšrement la Charte canadienne des droits et libertĂ©s, a toutefois eu un impact important sur le droit quĂ©bĂ©cois. La Charte a amenĂ© la Cour suprĂȘme du Canada Ă  invalider plusieurs lois quĂ©bĂ©coises, notamment sur la question linguistique[note 4].

Durant les derniÚres décennies, la réforme majeure au niveau du droit québécois a été le remplacement du Code civil du Bas-Canada par le Code civil du Québec. Cette modernisation du droit québécois débute plus formellement dans les années 1970 par la création de l'Office de révision du Code civil. Le processus se conclut le par l'entrée en vigueur du Code civil du Québec et l'abrogation définitive du Code civil du Bas-Canada. Le nouveau Code civil place la personne au centre du droit québécois et elle consolide la tradition de droit civil comme étant la ius commune[91], c'est-à-dire le fondement des principes du droit québécois.

Quelques rĂ©formes lĂ©gislatives d'importances moyennes ont eu lieu durant les derniĂšres annĂ©es. Le Parlement du QuĂ©bec adopte en 2014, un nouveau Code de procĂ©dure civile visant Ă  favoriser les modes alternatifs de rĂ©solution des conflits[92]. De mĂȘme, la prise en compte du nombre important de conjoints de fait au QuĂ©bec est un dĂ©bat important des annĂ©es 2010. AprĂšs que la Cour suprĂȘme eut refusĂ© de leur appliquer les protections issues du mariage[93], le gouvernement a lancĂ© une consultation pour rĂ©former le droit quĂ©bĂ©cois Ă  cet Ă©gard[94].

Branches du droit

Schéma illustrant les différentes branches du droit québécois. On retrouve les deux grandes divisions : droit procédural et substantif, celle derniÚre était divisée en droit public, mixte et privée qui ont chacune leur subdivisions.
Schéma des différentes branches du droit québécois[note 5]

Bien qu'il existe plusieurs maniÚres de diviser les branches du droit québécois, celles-ci se regroupent généralement en deux sphÚres : le droit privé et le droit public. Le droit privé touche les relations entre les personnes, alors que le droit public traite des rÚgles qui régissent le gouvernement[95]. Certaines portions du droit québécois sont considérées comme mixtes. C'est le cas par exemple des droits et libertés de la personne et du droit du travail. Enfin, le droit judiciaire regroupe l'ensemble des rÚgles touchant l'administration de la justice et la procédure.

Le droit quĂ©bĂ©cois est influencĂ© par deux traditions juridiques (voir « Bijuridisme » ci-dessus). De façon gĂ©nĂ©rale, le droit privĂ© rĂ©pond Ă  la tradition civiliste, tandis que le droit public et le droit judiciaire sont davantage influencĂ©s par la common law. Toutefois, l'Ă©volution historique amĂšne chacun des domaines du droit Ă  ĂȘtre influencĂ© par l'une et l'autre des traditions[96].

Droit privé

Le droit privĂ© au QuĂ©bec touche l’ensemble des relations entre les individus (personnes physiques ou morales). Il est en grande partie sous la juridiction du Parlement du QuĂ©bec. En effet, la Constitution donne aux gouvernements provinciaux l'autoritĂ© de lĂ©gifĂ©rer sur « [l]a propriĂ©tĂ© et les droits civils dans la province[loi 19] ». Toutefois, le Parlement du Canada influence aussi le droit privĂ© quĂ©bĂ©cois, notamment par son pouvoir sur les banques, la faillite, le mariage, le divorce et le droit maritime[97].

Le droit privĂ© est principalement codifiĂ© au sein du Code civil du QuĂ©bec, adoptĂ© en 1991. Son prĂ©dĂ©cesseur, le Code civil du Bas-Canada, avait Ă©tĂ© adoptĂ© en 1866 en s'inspirant largement de l'exemple français, le Code NapolĂ©on[98]. Le Code civil du QuĂ©bec comprend ainsi les principes rĂšgles de droit rĂ©gissant la personnalitĂ© juridique, le droit des biens, la famille, les obligations, le droit international privĂ©, etc. Il constitue ainsi le principal texte rĂ©gissant le droit commun du QuĂ©bec. Cela n'empĂȘche pas le droit privĂ© quĂ©bĂ©cois d'ĂȘtre rĂ©gi par un grand nombre d'autres lois spĂ©cifiques.

Pour des raisons historiques, le droit privé québécois a été grandement influencé par le droit privé français[98].

Le droit privé se compose de trois grands domaines : le droit civil[note 6], le droit commercial et le droit international privé[99].

Droit civil

Le droit civil[note 6] du QuĂ©bec comprend l'ensemble des rĂšgles qui rĂ©gissent les rapports entre individus. Il est grandement inspirĂ© du droit civil français, mĂȘme si l'Ă©volution historique et les influences canadiennes et amĂ©ricaines ont amenĂ© plusieurs diffĂ©rences entre le droit civil français et le droit civil quĂ©bĂ©cois.

Au niveau du droit des personnes, le droit civil quĂ©bĂ©cois accorde le plein exercice des droits Ă  la personne de 18 ans ou plus[loi 20]. Le mineur peut tout de mĂȘme effectuer des actes juridiques de faible importante et consentir seul Ă  des soins dĂšs l'Ăąge de 14 ans[loi 21]. Le Code civil prĂ©voit aussi des rĂšgles pour que la famille puisse prendre des dĂ©cisions pour une personne en cas de perte de la capacitĂ© juridique.

En matiĂšre de droit de la famille, mĂȘme si le Parlement fĂ©dĂ©ral est responsable des conditions pour se marier et se divorcer[loi 22], le QuĂ©bec a juridiction sur toutes les consĂ©quences de ces actes. Cela a amenĂ© un certain mĂ©tissage du droit familial quĂ©bĂ©cois entre le droit français et le droit anglais[100]. Ainsi, lors de leur divorce, les Ă©poux doivent diviser Ă  parts Ă©gales une grande partie de leurs biens (ceux compris dans le patrimoine familial) et se doivent une pension alimentaire. Toutes les dĂ©cisions des tribunaux touchant les enfants doivent ĂȘtre prises selon leur intĂ©rĂȘt supĂ©rieur et il n'y a aucune diffĂ©rence pour les enfants s'ils sont des enfants naturels ou adoptĂ©s ou si leurs parents sont mariĂ©s ou non[loi 23]. Depuis 2002, le QuĂ©bec a mis sur pied l'union civile, dont les effets sont quasi identiques au mariage. Toutefois, les conjoints qui ne sont ni mariĂ©s ni unis civilement (appelĂ©s conjoints de fait au QuĂ©bec) sont Ă  peu prĂšs absents du droit familial quĂ©bĂ©cois[101].

En matiÚre de droit des successions, le Québec reconnaßt la liberté complÚte du défunt de léguer ses biens à qui que ce soit[loi 24] - [102].

En matiĂšre de droit des obligations, le droit civil quĂ©bĂ©cois est trĂšs semblable au droit français. On retrouve, dans le Code civil du QuĂ©bec, deux sources principales des obligations : les contrats et la loi[103]. Lorsqu'une personne contrevient Ă  une obligation qui Ă©mane d'un contrat ou de la loi, elle est susceptible d'engager sa responsabilitĂ© civile[loi 25]. Il existe trois grandes conditions pour ĂȘtre condamnĂ© en responsabilitĂ© civile : la personne doit avoir commis une faute (qui peut ĂȘtre le non-respect d'un contrat) ; une victime doit avoir subi un dommage ; le dommage doit avoir Ă©tĂ© causĂ© par la faute.

Le droit des biens au Québec est inspiré, de maniÚre générale, de deux grandes sources historiques : le droit romain et le droit coutumier en France[104]. Les rÚgles touchant le droit des biens sont contenues au Code civil du Québec. Le droit des biens québécois adopte une vision trÚs libérale : le droit de propriété est fortement reconnu[loi 26] et les personnes sont généralement libres de prévoir la maniÚre dont ils utilisent, disposent ou transfÚrent leurs biens[105]. Le droit des biens comprend aussi plusieurs rÚgles pour faciliter le bon voisinage entre propriétaires[106].

Droit commercial

Le droit privĂ© quĂ©bĂ©cois comprenait jadis une deuxiĂšme branche, le droit commercial. Le Code civil du Bas-Canada (de 1866 Ă  1993) prĂ©voyait des rĂšgles distinctes pour ce type de relations. Toutefois, depuis l'entrĂ©e en vigueur du Code civil du QuĂ©bec en 1994, le droit commercial s'est en grande partie fondu avec le droit civil[107]. En effet, les rĂšgles applicables aux individus s'appliquent maintenant en grande partie aux relations entre les entreprises commerciales. Toutefois, le droit commercial persiste Ă  ĂȘtre un domaine de pratique distinct (souvent appelĂ© « droit des affaires »)[107]. Il existe tout de mĂȘme un grand nombre de lois quĂ©bĂ©coises particuliĂšres aux entreprises afin, notamment, de rĂ©gir les sociĂ©tĂ©s par actions et les transactions de valeurs mobiliĂšres.

Droit international privé

Le droit international privé québécois comprend l'ensemble des rÚgles qui permettent de résoudre les problÚmes de conflits entre les lois domestiques et les lois étrangÚres. Il détermine aussi la reconnaissance du droit étranger au Québec. Les rÚgles qui touchent le droit international privé québécois sont contenues en majeure partie au Code civil du Québec[108]. Lors de l'adoption du Code civil, le Québec s'est grandement inspiré du droit international privé en Suisse[108].

Droit public

À l'inverse du droit privĂ©, le droit public quĂ©bĂ©cois est grandement issu de la tradition de la common law[109]. Il peut ĂȘtre divisĂ© en droit constitutionnel, droit administratif, droit pĂ©nal, droit fiscal et droit international public.

Droit constitutionnel

Photographie en faible plongée du salon bleu de l'Assemblée nationale au style Second Empire.
La salle de l'Assemblée nationale du Québec (2010).

Le droit constitutionnel quĂ©bĂ©cois rĂ©git les rĂšgles entourant le gouvernement quĂ©bĂ©cois, le Parlement du QuĂ©bec et les tribunaux. Le QuĂ©bec ne dispose pas de constitution unique rassemblĂ©e dans un mĂȘme document. Ainsi, le droit constitutionnel quĂ©bĂ©cois est rĂ©gi en grande partie par la Constitution du Canada, notamment par la Loi constitutionnelle de 1867, mais aussi par diverses lois du Parlement du QuĂ©bec[110].

L'Assemblée nationale possÚde néanmoins le pouvoir de modifier la « constitution de [la] province »[loi 27]. Ainsi, le Québec peut modifier ce qui « porte essentiellement sur l'organisation et le fonctionnement des institutions de la province[111]. » Cela peut porter, par exemple, sur le fonctionnement de l'Assemblée nationale, les rÚgles électorales ou les institutions importantes de la société.

De plus, considérant que le droit constitutionnel québécois appartient à la tradition de common law, les précédents judiciaires et la tradition constitutionnelle britannique y ont une place importante[112].

Droit administratif

Le droit administratif quĂ©bĂ©cois rĂ©git les relations entre les individus et l'administration publique quĂ©bĂ©coise. De la mĂȘme maniĂšre que le droit constitutionnel, le droit administratif quĂ©bĂ©cois est grandement influencĂ© par les principes de la common law[113]. Toutefois, le QuĂ©bec a adoptĂ© plusieurs lois spĂ©cifiques qui dĂ©finissent les relations entre l'administration et les citoyens.

Le contrÎle des pouvoirs publics se fait de maniÚre similaire au reste du Canada. La Cour supérieure du Québec et le Tribunal administratif du Québec sont les deux principaux tribunaux responsables d'entendre les litiges des citoyens avec l'administration publique. La responsabilité civile des organisations publiques est, quant à elle, régie par des principes similaires à la responsabilité civile générale québécoise[loi 28].

Le Québec, tout comme le gouvernement fédéral, possÚde un pouvoir de droit fiscal. Il l'utilise en prélevant entre autres un impÎt sur le revenu, la taxe de vente du Québec et des impÎts fonciers[114].

Droit pénal

Le QuĂ©bec a aussi juridiction sur le droit pĂ©nal, mais de façon restreinte, puisque le Parlement du Canada est responsable du droit criminel[note 7]. Le Parlement fĂ©dĂ©ral peut adopter toute mesure visant Ă  interdire un comportement pour des raisons purement morales ou d'ordre public[note 8]. À l'opposĂ©, le QuĂ©bec peut crĂ©er des peines pour faire appliquer ses lois[loi 10]. Le droit pĂ©nal quĂ©bĂ©cois se rattache donc aux autres sphĂšres de compĂ©tences du QuĂ©bec[115].

Le droit pénal québécois comprend donc un vaste éventail d'infractions. Par exemple, le Québec a un Code de la sécurité routiÚre qui concerne l'utilisation de véhicules et la circulation des piétons sur les chemins publics. En matiÚre de droit du travail, plusieurs lois prévoient des peines à ceux qui enfreignent ces dispositions (Code du travail, Loi sur les normes du travail, Loi sur la santé et la sécurité du travail). Le Québec a ainsi des infractions pénales dans un grand nombre d'autres domaines, comme le droit de la consommation (Loi sur la protection du consommateur), la protection de la jeunesse, la santé, etc.[116]. Les poursuites pénales sont faites par les avocats du Directeur des poursuites criminelles et pénales ou de certaines municipalités. Les poursuites se déroulent généralement devant la Cour du Québec ou les cours municipales. Il n'y aucun procÚs devant jury pour les infractions aux lois québécoises[117].

De plus, le QuĂ©bec est responsable de l'administration de prisons (voir « SystĂšme carcĂ©ral » ci-dessous), de mĂȘme que l'administration des tribunaux qui ont un pouvoir sur les questions pĂ©nales et criminelles (Cour d'appel du QuĂ©bec, Cour supĂ©rieure du QuĂ©bec, Cour du QuĂ©bec et les cours municipales)[118].

Droit international public

Photographie de Paul Gérin-Lajoie accoudé sur une table devant une banniÚre du Forum mondial de la langue française.
Paul Gérin-Lajoie en 2012 (ancien ministre québécois ayant énoncé la doctrine Gérin-Lajoie en 1965).

Le QuĂ©bec est responsable de la mise en Ɠuvre des engagements internationaux du Canada qui tombe dans son champ de compĂ©tence[119]. Ainsi, les traitĂ©s internationaux touchant, par exemple, le droit de la famille, la reconnaissance des jugements Ă©trangers ou la culture, doivent ĂȘtre adoptĂ©s par une loi quĂ©bĂ©coise (le Canada fonctionnant avec un systĂšme dualiste en droit international, les traitĂ©s doivent ĂȘtre adoptĂ©s par les parlements pour avoir force lĂ©gale)[120].

L'existence d'un droit international public quĂ©bĂ©cois est l'objet de quelques dĂ©bats en droit canadien[121]. Bien que la conclusion des traitĂ©s internationaux relĂšve normalement du gouvernement fĂ©dĂ©ral[122], le QuĂ©bec a conclu par le passĂ© plusieurs centaines d'ententes internationales avec des pays ou des États fĂ©dĂ©rĂ©s en vertu de la doctrine GĂ©rin-Lajoie[121]. Ces ententes pourraient n'ĂȘtre que des ententes administratives plutĂŽt que des traitĂ©s [123].

De plus, le Québec assure sa représentation au sein des organisations liées à la culture francophone[124], comme l'Organisation internationale de la francophonie et l'UNESCO. Il possÚde aussi plusieurs bureaux de représentations diplomatiques à travers le monde[125]. Enfin, les rÚgles régissant l'immigration au Québec relÚvent d'une compétence partagée entre le gouvernement fédéral et le Québec[loi 29]. Afin de s'entendre sur les rÚgles applicables, le gouvernement fédéral et le Québec ont signé l'Accord Canada-Québec relatif à l'immigration et à l'admission temporaire des aubains qui prévoit le droit du Québec de choisir certains immigrants et leur nombre[126]. Le gouvernement fédéral est toutefois le seul à pouvoir octroyer la citoyenneté canadienne.

Droit mixte

Certaines portions du droit québécois sont difficilement classables parmi le droit privé ou le droit public[127]. C'est le cas notamment des droits et libertés de la personne et du droit du travail.

Les droits et libertĂ©s au QuĂ©bec sont en grande partie dĂ©finis dans la Charte des droits et libertĂ©s de la personne. Cette loi quasi constitutionnelle, adoptĂ©e en 1975, Ă©dicte plusieurs droits et libertĂ©s fondamentaux (libertĂ© l'expression, libertĂ© de conscience, libertĂ© de religion, interdiction de la discrimination, droits Ă©conomiques et sociaux, etc.[loi 30]). Elle s'applique Ă  tous les citoyens entre eux et dans leur relation avec le gouvernement du QuĂ©bec[128]. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse est responsable d'enquĂȘter et de dĂ©fendre les citoyens sur les cas de discrimination et le Tribunal des droits de la personne est chargĂ© de trancher les litiges dans ce domaine[129]. Cela n'empĂȘche pas les lois quĂ©bĂ©coises d'ĂȘtre aussi soumises Ă  la Charte canadienne des droits et libertĂ©s.

Le droit du travail est aussi considéré un domaine mixte du droit québécois[127]. Dans les domaines de compétences fédérales, le droit du travail fédéral s'applique, tandis que dans les domaines provinciaux, il s'agit du droit québécois. Environ 90 % des travailleurs québécois sont soumis aux lois provinciales[130]. Le droit du travail comprend des rÚgles qui s'appliquent à l'ensemble des employés (qu'ils soient syndiqués ou non). Par exemple, le Québec s'est doté de la Loi sur les normes du travail qui fixe les conditions minimales du travail sur Québec (salaire minimum, durée de la semaine de travail, vacances obligatoires, etc.). Il existe aussi un régime de cotisation obligatoire, géré par la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), pour indemniser tous les accidents du travail, peu importe la faute du travailleur ou de l'employeur. Pour les employés syndiqués, les rÚgles touchant les relations avec leur employeur sont prévues au Code du travail. Les syndicats québécois fonctionnent de façon générale selon la formule Rand, c'est-à-dire que la présence d'un syndicat est facultative dans un milieu de travail, mais que s'il est formé, il ne peut en exister qu'un seul par groupe de travailleurs effectuant des tùches semblables. Tous ces travailleurs sont alors obligés de cotiser à cet unique syndicat[131]. De plus, le syndicat et l'employeur peuvent effectuer une grÚve ou un lock-out uniquement lorsque la convention collective est échue[132] - [loi 31].

Finalement, le droit applicable aux ordres professionnels est aussi une sphÚre de droit mixte. Le Code des professions encadre plus d'une cinquantaine de professions, régissant ainsi les conditions d'exercice des professions et leur procédure disciplinaire[133].

Droit judiciaire

Le droit judiciaire désigne les rÚgles de procédures et de preuve applicables à un litige. Beaucoup plus que les domaines de droit substantiel, le droit judiciaire québécois est issu d'un métissage entre la tradition civiliste et la common law[134].

La procĂ©dure quĂ©bĂ©coise est de type accusatoire, c'est-Ă -dire que les parties sont responsables elles-mĂȘmes de prĂ©senter au juge les faits pour soutenir leur cause[135]. Les rĂšgles de preuve sont basĂ©es sur un systĂšme de preuve lĂ©gale, c'est-Ă -dire que la preuve qui peut ĂȘtre prĂ©sentĂ©e devant un tribunal est trĂšs encadrĂ©e de façon Ă  garantir l'Ă©galitĂ© entre les parties[136]. Toutefois, depuis plusieurs dĂ©cennies, les tribunaux n'ont pas hĂ©sitĂ© Ă  restreindre la libertĂ© des plaideurs et Ă  limiter les restrictions Ă  l'administration de la preuve[137].

En matiÚre civile, la procédure est contenue au Code de procédure civile. Le droit québécois oblige les avocats à ce que l'importance des procédures utilisées soit proportionnelle à l'importance du litige[loi 32]. De plus, la procédure ne vise pas à ajouter, ni à combler le droit substantiel, mais plutÎt à faire « apparaßtre le droit »[loi 33]. Le Québec a été la premiÚre province à se doter d'une procédure d'action collective. Elle permet à une personne d'en représenter plusieurs autres sans leur autorisation[138]. Depuis 1976, il n'y a plus de jury en matiÚre civile au Québec. Les rÚgles de preuve, quant à elles, sont contenues principalement au Code civil du Québec. Elles s'inspirent des rÚgles de preuve en droit civil français, mais ont été grandement influencées par les rÚgles de preuve anglaise en vigueur en matiÚre commerciale avant 1866[139].

En matiĂšre de droit pĂ©nal quĂ©bĂ©cois, les rĂšgles de procĂ©dures sont codifiĂ©es au Code de procĂ©dure pĂ©nale. Toutefois, il existe trĂšs peu de rĂšgles propres au droit pĂ©nal quĂ©bĂ©cois et il s'agit donc de la common law canadienne qui s'applique[140]. L'accusĂ© bĂ©nĂ©ficie de la prĂ©somption d'innocence et sa culpabilitĂ© doit ĂȘtre dĂ©montrĂ©e hors de tout doute raisonnable.

Tribunaux

Schéma illustrant les différents tribunaux qui ont juridiction au Québec
Schéma de l'organisation judiciaire au Québec.
  • Fonctionnement et nomination des juges sous juridiction du gouvernement fĂ©dĂ©ral.
  • Fonctionnement sous juridiction du QuĂ©bec, mais nomination des juges par le gouvernement fĂ©dĂ©ral.
  • Fonctionnement et nomination des juges sous juridiction du gouvernement du QuĂ©bec.

Les tribunaux qui ont un pouvoir sur le droit quĂ©bĂ©cois sont organisĂ©s en une pyramide dont le sommet est occupĂ© par la Cour suprĂȘme du Canada. Il est important de savoir qu'au Canada, il n'existe pas de division du systĂšme judiciaire comme dans plusieurs autres pays. À quelques exceptions prĂšs, les tribunaux peuvent entendre autant des recours basĂ©s sur le droit provincial que sur le droit fĂ©dĂ©ral, de mĂȘme des recours de droit civil, pĂ©nal ou constitutionnel [note 9]. MalgrĂ© le caractĂšre fĂ©dĂ©ratif du Canada, les tribunaux sont organisĂ©s de façon assez unitaire[141].

Le Parlement du QuĂ©bec est responsable de l’administration des tribunaux quĂ©bĂ©cois (Cour d'appel du QuĂ©bec, Cour supĂ©rieure du QuĂ©bec, Cour du QuĂ©bec, etc.). Le Parlement du Canada a autoritĂ© sur les tribunaux qu’il a lui-mĂȘme crĂ©Ă©s (Cour suprĂȘme du Canada, Cour fĂ©dĂ©rale, etc.). Toutefois, bien que le QuĂ©bec en ait la gestion, le gouvernement fĂ©dĂ©ral nomme et rĂ©munĂšre les juges Ă  la Cour supĂ©rieure et Ă  la Cour d'appel[loi 34].

Les actions au QuĂ©bec doivent donc premiĂšrement ĂȘtre dĂ©posĂ©es devant un tribunal de premiĂšre instance. Selon le montant en litige et le type de recours, le tribunal de premiĂšre instance peut ĂȘtre la Cour supĂ©rieure, la Cour du QuĂ©bec, une cour municipale, un tribunal administratif, etc. Ensuite, la dĂ©cision pourrait ĂȘtre portĂ©e en appel, selon le cas, Ă  la Cour d'appel du QuĂ©bec et finalement, si la cause est d’une grande importance, Ă  la Cour suprĂȘme du Canada.

Tribunaux fédéraux

Le seul tribunal fĂ©dĂ©ral ayant directement autoritĂ© sur le droit quĂ©bĂ©cois est la Cour suprĂȘme du Canada. Toutes les dĂ©cisions de la Cour d'appel du QuĂ©bec peuvent ĂȘtre portĂ©es en appel devant ce tribunal. Toutefois, la Cour suprĂȘme n'accepte d'entendre qu'une douzaine de causes provenant du QuĂ©bec chaque annĂ©e[142].

Les autres tribunaux fédéraux (Cour fédérale, Cour d'appel fédérale et tribunaux militaires) se limitent à juger du droit qui relÚve de la compétence législative du palier fédéral[143].

Tribunaux mixtes

Les tribunaux « mixtes » désignent les deux tribunaux dont le Québec est responsable de la gestion, mais dont les juges sont nommés par le gouvernement fédéral. Il s'agit de la Cour supérieure et de la Cour d'appel.

La Cour supĂ©rieure du QuĂ©bec possĂšde le pouvoir inhĂ©rent de statuer sur toutes causes qui n'ont pas Ă©tĂ© assignĂ©es Ă  une autre instance[loi 35]. De par cette compĂ©tence, la Cour supĂ©rieure possĂšde le pouvoir notamment de trancher tout litige de plus de 85 000 $, prononcer les divorces, surveiller la lĂ©gitimitĂ© des dĂ©cisions des tribunaux administratifs, prononcer des injonctions, entendre des actions collectives, etc.[144].

La Cour d'appel du QuĂ©bec a deux mandats. Elle est d'abord le tribunal gĂ©nĂ©ral d'appel sur tous les jugements de premiĂšre instance au QuĂ©bec[loi 36]. C'est-Ă -dire qu'elle entend des appels provenant de la Cour supĂ©rieure, de la Cour du QuĂ©bec et de plusieurs tribunaux administratifs. De plus, la Cour d'appel possĂšde le pouvoir de rĂ©pondre Ă  des renvois formulĂ©s par le gouvernement du QuĂ©bec. La Cour d'appel rend plus de 1 500 jugements par annĂ©e[145].

Tribunaux provinciaux

En plus des tribunaux ci-dessus, le Québec a créé plusieurs tribunaux provinciaux. Dans tous les cas, il s'agit de tribunaux dont leurs pouvoirs sont limités à ce que la loi prévoit.

La Cour du QuĂ©bec est le tribunal de premiĂšre instance pour un grand nombre de recours civils et criminels. Elle est responsable d'entendre les recours civils dont le montant en litige est de moins de 85 000 $[loi 37]. Au niveau criminel, elle entend la majoritĂ© des causes lorsqu'elles ne nĂ©cessitent pas la prĂ©sence d'un jury. La Cour du QuĂ©bec est constituĂ©e de trois chambres : la Chambre de la jeunesse, la Chambre criminelle et pĂ©nale ainsi que la Chambre civile. Cette derniĂšre chambre comprend la division des petites crĂ©ances (pour les litiges de moins de 15 000 $[loi 38]).

Il existe aussi quelques autres tribunaux de premiÚre instance. Les cours municipales entendent certaines causes criminelles et les litiges sur le droit municipal. Le Tribunal des droits de la personne juge des poursuites pour discrimination selon la Charte des droits et libertés de la personne[146].

Finalement, le QuĂ©bec compte un grand nombre de tribunaux administratifs chargĂ©s de voir Ă  l'application d'une ou plusieurs lois[147]. Le plus important d'entre eux est le Tribunal administratif du QuĂ©bec qui entend les contestations des citoyens sur les dĂ©cisions administratives du gouvernement (dĂ©livrance de permis, admissibilitĂ© Ă  un programme social, etc.). Il existe aussi un Tribunal des professions chargĂ© d'entendre les appels des dĂ©cisions disciplinaires des ordres professionnels[148]. De mĂȘme, plusieurs tribunaux administratifs ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©s pour trancher des litiges dans des domaines spĂ©cialisĂ©s, comme le Tribunal administratif du travail, la RĂ©gie du logement, la Commission municipale du QuĂ©bec, la Commission d'accĂšs Ă  l'information, etc.

Sécurité publique et systÚme pénal

Corps policiers

Photographie de deux auto-patrouilles de la Sûreté du Québec en déplacement
Auto-patrouilles de la Sûreté du Québec.

Il existe quatre types de corps policiers ayant le pouvoir de maintenir la paix et de prĂ©venir le crime au QuĂ©bec : la Gendarmerie royale canadienne (GRC), la SuretĂ© du QuĂ©bec (SQ), les polices municipales et les polices autochtones[149]. La police au Canada est responsable de mener les enquĂȘtes et de dĂ©poser les accusations qui seront menĂ©es par les procureurs de la Couronne[150].

De façon gĂ©nĂ©rale, la SĂ»retĂ© du QuĂ©bec est responsable de l’application de la loi sur l’ensemble du territoire quĂ©bĂ©cois[loi 39] - [151]. Elle offre son soutien aux corps policiers municipaux[152] et agit aussi dans les municipalitĂ©s qui n’en ont pas[loi 40] - [149].

Les corps de police municipaux, tels le Service de police de la ville de MontrĂ©al et le Service de police de la Ville de QuĂ©bec, sont, quant Ă  eux, les premiers responsables de l’application de la loi dans leur municipalitĂ©. Toutefois, dans plus d'un millier de municipalitĂ©s[153], ce rĂŽle est confiĂ© directement Ă  la SĂ»retĂ© du QuĂ©bec, vu la difficultĂ© de maintenir un corps policier dans des municipalitĂ©s de plus petite taille.

Pour l’application de certaines lois fĂ©dĂ©rales, la Gendarmerie royale du Canada conserve un pouvoir sur le territoire du QuĂ©bec. Elle s'occupe notamment de la sĂ©curitĂ© nationale et de la criminalitĂ© interprovinciale[152]. Toutefois, vu l'existence de la SĂ»retĂ© du QuĂ©bec, son rĂŽle est plus restreint que dans les autres provinces[154].

Finalement, il existe des corps policiers sur les territoires des communautés autochtones[155].

Procureurs de la Couronne

Lors d’infractions aux lois provinciales ou fĂ©dĂ©rales (dont le Code criminel), le Directeur des poursuites criminelles et pĂ©nales est responsable, par le biais des procureurs de la Couronne, d’engager des poursuites devant les tribunaux. Lors d’infractions Ă  certaines lois fĂ©dĂ©rales spĂ©cifiques (par exemple dans les affaires de stupĂ©fiants), le ministĂšre de la Justice du Canada conserve le pouvoir de poursuivre les contrevenants.

SystÚme carcéral

Photographie du toit de la prison de Bordeaux.
La prison de Bordeaux, plus grande prison au Québec.

Le Québec est responsable de la tenue d'établissements de détention, c'est-à-dire des prisons provinciales pour des personnes ayant à purger une peine de moins de deux ans. Ces prisons sont gérées par le MinistÚre de la Sécurité publique. Il y a 18 prisons provinciales au Québec[156].

Les prisons du Québec se distinguent des pénitenciers fédéraux qui eux, sont gérés par le gouvernement fédéral[157]. Il s'agit du Code criminel qui détermine que les personnes ayant moins de deux ans à purger doivent le faire dans une prison provinciale[158].

En 2013-2014, il y avait 4 802 places d'emprisonnement dans les prisons quĂ©bĂ©coises. Il y a eu 43 561 admissions dans les prisons[159].

Professions et Ă©ducation juridiques

Professions juridiques

On retrouve au Québec, comme plusieurs autres juridictions de tradition civiliste, deux grandes professions juridiques : les avocats et les notaires. Le Barreau du Québec et la Chambre des notaires sont les deux ordres professionnels responsables de l'accÚs à ces professions. Personne ne peut s'identifier comme avocat, ni comme notaire sans entre membre de l'ordre professionnel correspondant. De plus, chacune des professions a le droit exclusif de poser certains actes (comme celui de fournir des conseils juridiques).

Il y a environ 25 000 avocats au QuĂ©bec[160]. Plus de la moitiĂ© d'entre eux travaillent en pratique privĂ©e (pour un cabinet d'avocats ou Ă  leur propre compte) et 39 % travaillent pour la fonction publique ou une entreprise publique[160]. Les avocats sont les seuls autorisĂ©s Ă  reprĂ©senter et assister au nom d'un justiciable devant les tribunaux (sauf si la personne se reprĂ©sente seule)[loi 41]. L'accĂšs Ă  la profession d'avocat se fait gĂ©nĂ©ralement par l'obtention du baccalaurĂ©at en droit, suivie d'une formation professionnelle de 4 ou 8 mois Ă  l'École du Barreau[161]. Le candidat Ă  la profession doit par la suite suivre un stage de 6 mois auprĂšs d'un avocat[161]. En 2015, le salaire mĂ©dian d'un avocat au QuĂ©bec variait de 90 000 $ Ă  130 000 $ canadiens[160].

Les notaires quant Ă  eux sont responsables des dossiers non litigieux. Ils donnent des conseils juridiques et instrumentent des actes juridiques en la forme authentique (testaments, contrat de mariage, etc.). Ils ne peuvent toutefois pas reprĂ©senter leurs clients devant les tribunaux. Il y a environ 3 900 notaires au QuĂ©bec[162].

De plus, il y a au QuĂ©bec environ 400 juges nommĂ©s par le gouvernement du QuĂ©bec (la Cour du QuĂ©bec, le Tribunal des droits de la personne, etc.)[163] et 223 par le gouvernement fĂ©dĂ©ral (la Cour d'appel et la Cour supĂ©rieure)[164]. Ils siĂšgent dans l'un ou l'autre des tribunaux quĂ©bĂ©cois.

Éducation juridique

Au niveau universitaire, le droit quĂ©bĂ©cois s'enseigne dans six universitĂ©s[note 10]. Celles-ci offrent un baccalaurĂ©at de 3 ans, Ă  l'exception de l'UniversitĂ© McGill oĂč le programme est de 3 ans et demi. Les universitĂ©s de MontrĂ©al et d'Ottawa offrent toutefois un programme d'un an supplĂ©mentaire pour permettre de suivre une formation en common law pour complĂ©ter celle en droit quĂ©bĂ©cois. L'UniversitĂ© McGill enseigne d'emblĂ©e, au sein du programme de droit, la common law canadienne et le droit quĂ©bĂ©cois. Le baccalaurĂ©at en droit permet d'accĂ©der Ă  l'École du Barreau afin de devenir avocat.

Au niveau des études supérieures, toutes les universités offrant le baccalauréat en droit offrent aussi des programmes de maßtrise et de doctorat en droit. Les universités de Montréal, de Sherbrooke, d'Ottawa et Laval offrent aussi le programme de maitrise en droit notarial permettant l'accÚs à la Chambre des notaires du Québec.

Il n'existe pas de formation universitaire pour devenir juge au QuĂ©bec. Les juges sont nommĂ©s par le gouvernement du QuĂ©bec et par le gouvernement fĂ©dĂ©ral parmi des avocats exerçant leur mĂ©tier depuis au moins 10 ans[loi 42] - [loi 43].

Schéma montrant les deux cheminements classiques dans le domaine juridique au Québec : le notaire et l'avocat.
Schéma sur la formation pour devenir notaire, avocat ou juge au Québec.

Au niveau collégial, le droit s'enseigne dans plusieurs programmes techniques, notamment les programmes de techniques policiÚres, techniques juridiques ou techniques d'intervention en délinquance.

Organismes

Photographie d'un immeuble gris d'une dizaine d'Ă©tage composĂ© de deux tours contigĂŒes
L'Édifice Louis-Philippe-Pigeon Ă  QuĂ©bec, siĂšge du MinistĂšre de la Justice du QuĂ©bec.

Le ministÚre de la Justice est le ministÚre québécois responsable de l'administration de la justice au Québec. Créé en 1965[165], le ministÚre remplit plusieurs mandats dont « (1°) la représentation en matiÚre pénale (assurée par les substituts du Procureur général), (2°) la représentation en matiÚre civile, (3°) le conseil juridique et (4°) la rédaction législative et réglementaire[166]. »

Les poursuites en matiĂšres pĂ©nales s'effectuent par le biais du Directeur des poursuites criminelles et pĂ©nales. Cet organisme, crĂ©Ă© en 2007, regroupe les 500 procureurs quĂ©bĂ©cois responsables des poursuites pĂ©nales et criminelles[167]. Il bĂ©nĂ©ficie d'une certaine indĂ©pendance et autonomie par rapport au ministre de la Justice afin de limiter les possibilitĂ©s d'ingĂ©rence du gouvernement dans les poursuites[168].

L'aide juridique au QuĂ©bec est un programme, gĂ©rĂ© par la Commission des services juridiques et par plusieurs centres rĂ©gionaux[169], visant Ă  couvrir les frais d'avocats pour les personnes ayant peu de moyens. En 2014, pour avoir accĂšs Ă  l'aide juridique, une personne habitant seule sans enfant devait avoir un revenu annuel maximal de 16 306 $ CA[170].

Les Publications du QuĂ©bec est une maison d'Ă©dition crĂ©Ă©e par le gouvernement du QuĂ©bec. Elle publie, Ă  titre d'Ă©diteur officiel, la Gazette officielle du QuĂ©bec et les lois et rĂšglements du QuĂ©bec, mais aussi un grand nombre de publications gouvernementales[171]. Elle publie notamment le Recueil des lois et rĂšglements du QuĂ©bec (RLRQ). La SociĂ©tĂ© quĂ©bĂ©coise d'information juridique (SOQUIJ) est un autre organisme public qui vise Ă  faciliter l'accĂšs Ă  la justice. Il est responsable de faciliter l'accĂšs aux dĂ©cisions des tribunaux quĂ©bĂ©cois, notamment en les rendant disponibles en ligne et en les indexant afin de favoriser la recherche[172] - [loi 44]. En plus, des marques locales de Thomson Reuters (Éditions Yvon Blais, La rĂ©fĂ©rence, Carswell, Westlaw), Reed Elsevier (LexisNexis, Quicklaw, Butterworths) et Wolters Kluwer (CCH), il existe aussi quelques maisons d'Ă©dition quĂ©bĂ©coises privĂ©es spĂ©cialisĂ©es dans les publications juridiques, les plus importantes Ă©tant Wilson & Lafleur, Les Éditions ThĂ©mis et Les Éditions Juridiques FD[173].

Finalement, il existe des ordres professionnels responsables d'encadrer les professions juridiques, c'est-à-dire le Barreau du Québec, pour les avocats, et la Chambre des notaires du Québec, pour les notaires. Ces deux ordres professionnels ont pour mission de protéger le public en s'assurant de la formation de leur membre, de l'inspection professionnelle et si nécessaire, de la discipline. En cas de besoin, les conseils de discipline des ordres peuvent imposer des sanctions aux membres pouvant aller jusqu'à la radiation[174]. Pour les juges nommés par le gouvernement du Québec, ceux-ci sont supervisés par le Conseil de la magistrature du Québec.

Notes et références

Notes

  1. La Constitution a Ă©videmment prĂ©sĂ©ance sur les lois, qui elles ont prĂ©sĂ©ance sur les rĂšglements (Émond et LauziĂšre 2005, p. 54-55). Voir : HiĂ©rarchie des normes.
  2. Le reste des territoires conquis à la France sont divisés en trois autres colonies : la Floride occidentale, la Floride orientale et la Grenade (Lareau 1889, p. 81).
  3. Sauf en cas d'outrage au tribunal
  4. Parmi les décisions les plus importantes, on peut noter, en matiÚre linguistique, l'invalidation de l'obligation d'affichage extérieure en français (Ford c. Québec) et l'obligation d'ouverture des écoles publiques anglaises à plusieurs enfants qui n'y avaient pas accÚs (voir : Langue de l'éducation au Québec).
  5. Il existe de multiples façons de reprĂ©senter les diffĂ©rentes branches du droit quĂ©bĂ©cois. Ce diagramme est inspirĂ© de la classification d'AndrĂ© Émond et Lucie LauziĂšre (Émond et LauziĂšre 2005, p. 37-43, 52) et Guy Tremblay et Denis Le May (Tremblay et Le May 2009, p. 105).
  6. Attention, au Québec, l'appellation « droit civil » désigne à la fois la branche du droit privé (voir Droit civil), étudiée dans cette section, et la grande tradition juridique à laquelle adhÚre le droit privé québécois (voir : Droits de tradition civiliste).
  7. Au Canada, le terme « droit criminel » est rĂ©servĂ© aux infractions plus graves qui sont contenues dans le Code criminel et dans certaines autres lois fĂ©dĂ©rales. Le « droit pĂ©nal » touche donc Ă  toutes pĂ©nalitĂ©s nĂ©cessaires pour l'application d'une loi provinciale ou fĂ©dĂ©rale. Cela peut impliquer une peine de prison lĂ©gĂšre, mais la grande majoritĂ© des infractions pĂ©nales n'occasionne qu'une amende. Le droit criminel touche donc les comportements immoraux et dangereux en gĂ©nĂ©ral, tandis que le droit pĂ©nal n'est que l'aspect rĂ©pressif d'une loi sur un autre sujet. Seules les infractions criminelles peuvent occasionner un casier judiciaire. Les pouvoirs du Parlement du QuĂ©bec se limitent au droit pĂ©nal en lien avec des lois provinciales (« Droit pĂ©nal et droit criminel », Juricourriel, Institut Joseph-Dubuc, (consultĂ© le ). Voir aussi : « Introduction au droit criminel et pĂ©nal : Quelle est la diffĂ©rence entre le droit criminel et le droit pĂ©nal? », Éducaloi (consultĂ© le ).).
  8. Le Parlement fĂ©dĂ©ral a la compĂ©tence pour Ă©dicter des lois visant Ă  interdire un comportement en lien, notamment, avec « [l]a paix publique, l’ordre, la sĂ©curitĂ©, la santĂ©, la moralitĂ© [...] » ((en) Cour suprĂȘme du Canada, Reference re Validity of Section 5 (a) Dairy Industry Act, (lire en ligne), [1949] R.C.S. 1, p. 50).
  9. Il existe toutefois quelques tribunaux spécialisés en droit fédéral : la Cour fédérale et la Cour canadienne de l'impÎt. De plus, il ne faut pas oublier que les tribunaux administratifs sont limités par le mandat qui leur a été confié dans leur loi constitutive.
  10. L'Université de Montréal, l'Université de Sherbrooke, l'Université du Québec à Montréal, l'Université d'Ottawa, l'Université Laval et l'Université McGill.

Lois citées

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  2. Loi constitutionnelle de 1867, art. 92(13).
  3. Loi constitutionnelle de 1867, art. 92(8).
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  5. Loi constitutionnelle de 1867, art. 9.
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