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Affaire Roncarelli

L'affaire Roncarelli Duplessis est une affaire judiciaire qui dura de 1946 à 1959 et opposa Maurice Duplessis, premier ministre et procureur général du Québec, à Frank Roncarelli, restaurateur et Témoin de Jéhovah. Elle fit jurisprudence en matière de liberté de religion au Canada. En droit constitutionnel, il s'agit d'une décision importante pour comprendre la notion d'État de droit au Canada.

Roncarelli c. Duplessis
Description de l'image Supreme Court of Canada.jpg.
Informations
Références [1959] S.C.R. 121
Date 27 janvier 1959
Juges et motifs
Majorité Martland (appuyé par : Locke)
Concurrence Kerwin
Concurrence Rand (appuyé par : Judson)
Concurrence Abbott
Dissidence Taschereau
Dissidence Cartwright
Dissidence Fauteux

Jugement complet

texte intégral

L’origine

En 1946, l’organisation des Témoins de Jéhovah publie une brochure intitulée La haine ardente du Québec pour Dieu, pour le Christ et pour la liberté est un sujet de honte pour tout le Canada. Sa distribution fait scandale, et des centaines de Témoins de Jéhovah sont arrêtés.

Frank Roncarelli, restaurateur à Montréal, paye les cautionnements de nombreux d’entre eux.

Maurice Duplessis, premier ministre et procureur général du Québec, ordonne alors de révoquer le permis de vente d'alcool de Roncarelli, entraînant la ruine de son restaurant.

C’est en que, pour contrer la propagande des Témoins de Jéhovah, le gouvernement Duplessis dépose une loi permettant aux municipalités de règlementer la distribution de tracts.

Le procès

Frank Roncarelli poursuit Maurice Duplessis lui rĂ©clamant 118 741 $. C'est le dĂ©but d'une longue affaire qui ne se terminera qu'en 1959, date Ă  laquelle la Cour suprĂŞme, ayant jugĂ© que le premier ministre a commis un dĂ©lit civil, lui ordonne, en sa qualitĂ© personnelle, de verser des dommages-intĂ©rĂŞts.

Ratio du jugement

Le ratio decidendi du jugement a Ă©tĂ© Ă©crite par le juge Ivan Rand : «  (p. 123) Refuser ou rĂ©voquer un permis parce qu'un citoyen exerce un droit incontestable qui n'a aucun rapport avec la vente d'alcool dans un restaurant dĂ©passe le pouvoir discrĂ©tionnaire confĂ©rĂ© Ă  la Commission par la Loi sur les Liqueurs. Ce qui a Ă©tĂ© fait ici Ă©tait hors du champ de compĂ©tences de la Commission et a fortiori du gouvernement ou de la partie dĂ©fenderesse. L'acte du dĂ©fendeur, par l'entremise de la Commission, a entraĂ®nĂ© la violation d'une obligation lĂ©gale publique implicite Ă  l'Ă©gard du demandeur. La partie dĂ©fenderesse n'avait pas d'immunitĂ© Ă  l'Ă©gard d'une action en dommages-intĂ©rĂŞts. Il n'avait aucune obligation Ă  l'Ă©gard du demandeur et son acte constituait une intrusion dans les fonctions d'un organe statutaire. Sa responsabilitĂ© Ă©tait donc engagĂ©e. Il ne peut ĂŞtre question de bonne foi lorsqu'un acte est commis avec une intention rĂ©prĂ©hensible et dans un but Ă©tranger Ă  la loi mĂŞme en vertu de laquelle l'acte est censĂ© avoir Ă©tĂ© commis. Il n'Ă©tait pas nĂ©cessaire de donner un avis d'action comme l'exige l'art. 88 du Code de procĂ©dure civile, Ă©tant donnĂ© que l'acte commis par le dĂ©fendeur dĂ©passait largement le cadre de toute fonction ou obligation qui lui avait Ă©tĂ© confiĂ©e jusqu'alors, au point qu'il s'agissait d'un acte accompli exclusivement Ă  titre privĂ©, mĂŞme si, en fait, l'influence de la fonction publique et du pouvoir a pu lui ĂŞtre transfĂ©rĂ©e. Â»

[...]

« (p. 142) Face Ă  une rĂ©glementation administrative croissante des activitĂ©s Ă©conomiques, qu'une telle mesure et ses consĂ©quences doivent ĂŞtre subies par la victime sans recours ni rĂ©paration, qu'une administration selon la loi doive ĂŞtre remplacĂ©e par une action dictĂ©e par et selon les goĂ»ts, aversions et objectifs arbitraires des fonctionnaires agissant au-delĂ  de leur devoir, signalerait le dĂ©but de la dĂ©sintĂ©gration de l'État de droit comme un postulat fondamental de notre structure constitutionnelle.  Â»

Dissidence du juge Cartwright

Le juge John Robert Cartwright a Ă©mis un avis dissident ; il dit que les tribunaux administratifs ont un pouvoir discrĂ©tionnaire de prendre certaines dĂ©cisions et que la dĂ©cision de la Commission des liqueurs entre dans le pouvoir qui lui a Ă©tĂ© confĂ©rĂ© par l'AssemblĂ©e lĂ©gislative. Il utilise le concept de « dommage sans atteinte » (damnum sine injuria) pour qualifier la situation vĂ©cue par M. Roncarelli.

Le dossier de la Cour supérieure du Québec Frank Roncarelli contre l'honorable Maurice Duplessis est conservé au centre d'archives de Montréal de Bibliothèque et Archives nationales du Québec[1].

Bibliographie

  • (fr + en) Cour suprĂŞme du Canada, Roncarelli v. Duplessis (lire en ligne), [1959] S.C.R. 121
  • Michel Sarra-Bournet, Affaire Roncarelli : Duplessis contre les TĂ©moins de JĂ©hovah, Saint-Laurent (QuĂ©bec), Institut quĂ©bĂ©cois de recherche sur la culture, coll. « Edmond-de-Nevers » (no 5), , 196 p.
  • Jacques Lacoursière, Histoire populaire du QuĂ©bec, t. 4, Septentrion.

Notes et références

  1. Fonds Cour supérieure (TP11,S2,SS2,SSS2,D253124) [archive] - Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).
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