Protoxyde d'azote
Le protoxyde d'azote, ou monoxyde de diazote, oxyde nitreux, hémioxyde d'azote ou gaz hilarant, est un composé chimique de formule N2O.
Protoxyde d'azote | |
Structure du protoxyde d'azote. |
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Identification | |
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Nom UICPA | protoxyde d'azote |
Synonymes |
oxyde nitreux |
No CAS | |
No ECHA | 100.030.017 |
No CE | 233-032-0 |
No RTECS | QX1350000 |
Code ATC | N01 |
PubChem | |
ChEBI | 17045 |
No E | E942 |
FEMA | 2779 |
SMILES | |
InChI | |
Apparence | gaz comprimé liquéfié incolore, d'odeur caractéristique[2]. |
Propriétés chimiques | |
Formule | N2O [IsomĂšres] |
Masse molaire[3] | 44,012 8 ± 0,000 7 g/mol N 63,65 %, O 36,35 %, |
Moment dipolaire | 0,160 83 D[4] |
Propriétés physiques | |
T° fusion | â90,8 °C[2] |
T° Ă©bullition | â88,5 °C[2] DĂ©composition Ă 300 °C |
SolubilitĂ© | 1,5 g lâ1 (eau, 15 °C)[2]. Soluble aussi dans l'acide sulfurique, l'Ă©thanol, l'Ă©ther, les huiles. |
Masse volumique | 1,23 g cmâ3 (liquide, â89 °C)[2] 0,001 80 g cmâ3 (gaz, 25 °C)[5] |
Pression de vapeur saturante | 51,7 bar à 21 °C
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Point critique | 72,7 bar, 36,55 °C[7] |
Vitesse du son | 263 m sâ1 (0 °C, 1 atm)[8] |
Thermochimie | |
S0gaz, 1 bar | 219,96 J molâ1 Kâ1 |
ÎfH0gaz | 82,05 kJ molâ1 |
ÎvapH° | 16,53 kJ molâ1 (1 atm, â88,48 °C)[9] |
Cp | |
PCS | 82,1 kJ molâ1 (25 °C, gaz)[10] |
Propriétés électroniques | |
1re Ă©nergie d'ionisation | 12,886 eV (gaz)[11] |
Précautions | |
SGH[12] | |
Danger |
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SIMDUT[13] | |
A, C, D2A, |
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NFPA 704 | |
Transport[12] | |
Inhalation | Asphyxiant si inhalé pur |
Peau | Toxique si cryogénique ou compressé |
Yeux | Toxique si cryogénique ou compressé |
Données pharmacocinétiques | |
CAM | 105 %vol |
MĂ©tabolisme | Nul |
Considérations thérapeutiques | |
Classe thérapeutique | Anesthésique général, analgésique |
Voie dâadministration | Inhalatoire |
CaractĂšre psychotrope | |
Catégorie | HallucinogÚne dissociatif |
Mode de consommation |
Inhalatoire |
Autres dénominations |
Gaz hilarant |
Risque de dĂ©pendance | ĂlevĂ© |
Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire. | |
Ce gaz incolore a une odeur et un goĂ»t lĂ©gĂšrement sucrĂ©s. Il est utilisĂ© en anesthĂ©sie, en chirurgie, en odontologie, en pĂ©diatrie comme adjuvant (en mĂ©lange Ă©quimolaire avec de l'oxygĂšne) pour ses propriĂ©tĂ©s anesthĂ©siques et antalgiques. Il est dit « gaz hilarant » car euphorisant Ă l'inhalation, d'oĂč son usage comme drogue rĂ©crĂ©ative hallucinogĂšne[14] - [15]. Comme comburant, il accroĂźt la puissance des moteurs en compĂ©tition automobile. Avec l'acĂ©tylĂšne H-CâĄC-H, il est utilisĂ© dans certains appareils d'analyse (spectromĂ©trie d'absorption atomique[16]).
Ses Ă©missions sont d'origine naturelle et humaine (plus de 20 % d'augmentation dans l'air depuis l'Ă©poque prĂ©-industrielle). PrĂ©sent Ă l'Ă©tat de traces dans l'air sec (330 parties par milliard[5]), c'est un puissant gaz Ă effet de serre (298 fois plus puissant que le CO2) et il est devenu le 1er contributeur Ă la destruction de la couche d'ozone[17]. Des analyses amĂ©ricaines publiĂ©es en 2021 (commandĂ©es par le prĂ©sident Joe Biden) concluent que son coĂ»t social a Ă©tĂ© sous-estimĂ©, car ne tenant pas compte de l'appauvrissement de la couche d'ozone stratosphĂ©rique, effet qui Ă lui seul pourrait augmenter de 20 % sa valeur de nuisibilitĂ© sociale. Selon la mĂȘme Ă©tude, ses liens avec d'autres effets de la pollution azotĂ©e pourraient rendre son « attĂ©nuation encore plus impĂ©rieuse » dans l'atmosphĂšre[18].
Production et synthĂšse
Le protoxyde d'azote est préparé par décomposition du nitrate d'ammonium fondu entre 250 °C et 260 °C selon l'équation de réaction suivante[19] :
Il se forme toujours 1 Ă 2 % de l'azote N2 et du monoxyde d'azote NO. Ce dernier est Ă©liminĂ© par passage dans du sulfate de fer(II). Le nitrate d'ammonium utilisĂ© doit ĂȘtre exempt d'ions chlorures Clâ qui catalysent la formation de N2. Cependant, le chauffage de solutions de nitrate d'ammonium dans l'acide nitrique ou dans l'acide sulfurique conduit Ă du protoxyde d'azote pur, mĂȘme en prĂ©sence de petites quantitĂ©s d'ions chlorures.
Propriétés chimiques
TrĂšs stable dans l'atmosphĂšre, trĂšs peu soluble dans l'eau, il est hautement soluble dans les huiles et dans les corps gras.
Réactivité
Ce gaz ne réagit pas à température ambiante avec les dihalogÚnes (Cl2, Br2 ou I2), ni avec les métaux alcalins (Li, Na, K).
Il peut néanmoins se fixer sur certains cations métalliques en tant que ligand et forme des complexes comme [Ru(NH3)5(N2O)]2+.
Il peut aussi oxyder des métaux de transition à basse valence dans les complexes.
Il n'est pas modifié par l'ozone O3, mais contribue à la dégradation de l'ozone stratosphérique (couche d'ozone protectrice de la biosphÚre contre les UV solaires).
à haute température, il se décompose en azote et oxygÚne :
Il réagit avec de nombreux composés organiques et il dope les combustions grùce à son fort pouvoir oxydant[2].
Il a ainsi servi de comburant pour doper les moteurs d'avions de chasse à haute altitude durant la seconde guerre mondiale et ceux de voitures de compétition (tuning automobile et dragsters). Il peut aussi occasionner de violentes explosions accidentelles et de gros dégùts dans les fours d'incinérateur de déchets municipaux quand des cartouches de grande capacité de gaz euphorisant y aboutissent malencontreusement.
Historique
En 1772, Joseph Priestley découvre le protoxyde d'azote[20] et le décrit dans Experiments and Observations on Different Kinds of Air.
En 1798, Humphry Davy découvre entre autres ses propriétés euphorisantes. Le protoxyde d'azote est utilisé dÚs la fin du XVIIIe siÚcle comme « gaz hilarant » dans les foires.
En 1844, le dentiste Horace Wells dĂ©couvre ses effets anesthĂ©siants, qu'il expĂ©rimente sur lui-mĂȘme. Malheureusement, impatient de faire connaĂźtre sa dĂ©couverte, Wells se lance sans expĂ©rimentation approfondie prĂ©alable, dans des dĂ©monstrations devant un public mĂ©dical Ă Hartford (Connecticut) et Ă Harvard, qui sont des Ă©checs retentissants. DĂ©pitĂ©, Wells abandonne dĂ©finitivement la dentisterie. Il faudra attendre les recherches et dĂ©monstrations rĂ©ussies de William Thomas Green Morton avec l'Ă©ther (octobre et novembre 1846 Ă Boston) pour que l'anesthĂ©sie soit utilisĂ©e par les chirurgiens, ce qui a permis Ă la chirurgie de faire un bond en avant (la douleur Ă©tait l'une des deux grandes limites de la chirurgie, avec l'infection). Le protoxyde d'azote est remis Ă l'honneur par un dĂ©nommĂ© Colton, montreur de spectacles au gaz hilarant, qui, associĂ© au dentiste J.H. Smith, installent une clinique Ă New York puis exportent leur procĂ©dĂ© en Europe.
En 1961, des mĂ©decins anglais lâutilisent pour la premiĂšre fois en obstĂ©trique oĂč il attĂ©nue la douleur et a un rĂŽle d'anxiolyse.
Dans les annĂ©es 1980, son usage est grandement amĂ©liorĂ© par l'association avec de lâoxygĂšne car le premier risque Ă son utilisation reste l'asphyxie par manque d'oxygĂšne. La mĂ©decine l'utilise donc en mĂ©lange Ă©quimolaire avec de l'oxygĂšne (MEOPA). Le protoxyde d'azote remplace alors progressivement lâĂ©ther et le chloroforme en obstĂ©trique[21].
En 1998, il reçoit un statut de médicament antalgique.
En , il obtient en France l'autorisation de mise sur le marché (AMM), alors qu'il est déjà réguliÚrement utilisé sous cette forme durant le XXe siÚcle. Auparavant, il était distribué (hors de la classification médicament comme les autres gaz médicaux) dans la majorité des blocs opératoires et a constitué l'un des agents de l'anesthésie générale durant le XXe siÚcle ; sa faible puissance anesthésique restreignant son usage à des actes assez peu douloureux, et au rÎle d'adjuvant de médicaments plus puissants dont il permet de réduire les doses en diminuant certains effets indésirables.
Fin 2009, en France, lâAfssaps modifie la rĂ©glementation afin que le MEOPA puisse ĂȘtre utilisĂ© hors des Ă©tablissements hospitaliers[22], rĂ©gularisant la situation de ceux qui l'utilisaient (en France au moins depuis 1996 « Ă domicile » chez des patients adultes sidĂ©ens pour soulager la douleur d'ulcĂ©rations cutanĂ©es associĂ©es au syndrome de Kaposi et chez certains malades ĂągĂ©s porteurs dâulcĂšres cutanĂ©s ou dâescarres rendus trop somnolents par un traitement antĂ©rieur, ou sporadiquement en pĂ©diatrie Ă domicile, pour soulager des douleurs majeures quand les produits morphiniques ne suffisaient plus chez des enfants en soins palliatifs[22]. Il Ă©tait en outre utilisĂ© ponctuellement par des mĂ©decins, par exemple en dermatologie ou en ORL au domicile de patients adultes, puis trĂšs rĂ©guliĂšrement chez les enfants (annexe 2) sans remboursement par la SĂ©curitĂ© sociale car ce moyen antalgique Ă©tait hors nomenclature).
Des mĂ©decins signalent que « la reproductibilitĂ© de l'effet nâest pas complĂšte, avec un manque dâefficacitĂ© chez certains » ; les principaux effets indĂ©sirables sont des nausĂ©es et vomissements, « gĂ©nĂ©ralement rĂ©versibles en quelques minutes Ă lâarrĂȘt du traitement »[23] (un groupe d'experts[24] rĂ©unis par l'Afssaps considĂšre dans son rapport[25] que « Le MEOPA ne permet pas de couvrir tous les actes et soins douloureux. Selon les indications, lâĂąge de lâenfant et lâexpĂ©rience de lâĂ©quipe, 10 Ă 30 % dâĂ©checs sont observĂ©s. Les enfants de moins de deux ans ont des effets beaucoup moins marquĂ©s »[23]).
LâAfssaps prĂ©cise que
« tout mĂ©susage ou abus doit ĂȘtre prĂ©venu. Dans ce contexte, un reclassement dans la catĂ©gorie des mĂ©dicaments rĂ©servĂ©s Ă lâusage professionnel a Ă©tĂ© retenu ; ce mĂ©lange gazeux ne peut donc ĂȘtre distribuĂ© quâaux professionnels de santĂ© concernĂ©s et non directement aux patients[21]. La modification des conditions de prescription et de dĂ©livrance a entraĂźnĂ© la rĂ©vision complĂšte des RCP des spĂ©cialitĂ©s concernĂ©es. En outre, compte-tenu de lâensemble des risques liĂ©s Ă lâutilisation des spĂ©cialitĂ©s Ă base de MEOPA, lâAfssaps conditionne leur mise Ă disposition en dehors des Ă©tablissements de santĂ© Ă la mise en application dâun plan de gestion des risques (PGR) national commun. Il repose sur un engagement des laboratoires Ă la mise en place des mesures de gestion et de minimisation des risques suivantes[21] :
- la rĂ©alisation dâune surveillance de pharmacovigilance et de pharmacodĂ©pendance renforcĂ©e[26] avec
- lâincitation des professionnels de santĂ© Ă notifier les effets indĂ©sirables, les cas dâabus, de pharmaco dĂ©pendance, dâusage dĂ©tournĂ© et de mĂ©susages liĂ©s Ă lâutilisation du MEOPA ;
- pendant les deux premiĂšres annĂ©es, la transmission semestrielle Ă lâAfssaps des rapports pĂ©riodiques actualisĂ©s de Pharmacovigilance accompagnĂ©s de la synthĂšse française des cas rapportĂ©s, du bilan des consommations et des conditions dâutilisation du produit ;
- la sécurisation et la traçabilité de la distribution et de la récupération, avec notamment la vérification à la commande de la qualité et de la formation du demandeur ;
- la sĂ©curisation et traçabilitĂ© de lâutilisation : volumes des bouteilles limitĂ© Ă cinq litres et sĂ©curisation des bouteilles ;
- la rĂ©alisation dâun plan de formation des professionnels : mĂ©decins, pharmaciens et personnel soignant ;
- la mise Ă disposition dâun document dâinformation destinĂ© aux patients (en cas de stockage Ă domicile.). »
L'annĂ©e suivante (2010), la rĂ©serve hospitaliĂšre s'ouvre Ă la dentisterie. LâAfssaps lance un suivi national de pharmacovigilance et de pharmacodĂ©pendance du N2O ; en particulier, les vols de N2O doivent lui ĂȘtre dĂ©clarĂ©s[21].
En 2001 (en France), les indications en hospitalisation au domicile pédiatrique ont intégré les trois cas suivants :
- actes mĂ©dicaux invasifs et rĂ©pĂ©tĂ©s, insuffisamment calmĂ©s par dâautres moyens antalgiques faibles (Emla, antalgiques palier 1) tels que des injections intramusculaires pour une chimiothĂ©rapie, la rĂ©fection de pansements sur peau lĂ©sĂ©e[21] ;
- soins mĂ©dicaux jugĂ©s normalement peu douloureux par les mĂ©decins, mais source dâangoisse ou dâanxiĂ©tĂ© marquĂ©s pour un enfant particulier (tels que des pansements de cathĂ©ter veineux central, des prĂ©lĂšvements sanguins veineux pĂ©riphĂ©riques itĂ©ratifs)[21] ;
- soins rĂ©itĂ©rĂ©s durant des mois devenant source de difficultĂ©s marquĂ©es dâacceptation[21].
Sources
Selon l'OMM (2017), ses émissions sont d'origine naturelle pour environ 60 % et humaine pour environ 40 %[27] alors qu'une estimation antérieure (2009) concluait à 30 % d'origine humaine[28].
Sources naturelles
Certains micro-organismes du sol et des ocĂ©ans en sont les principales sources naturelles mais il est Ă©galement produit par la combustion de matiĂšres organiques et de combustibles fossiles, lâindustrie ou les stations d'Ă©puration des eaux usĂ©es[29], etc. Sa production dans les sols et dans l'air Ă partir des sols est fortement augmentĂ©e par la fertilisation azotĂ©e (usage des engrais, y compris d'origine « organique » naturelle, et amendements azotĂ©s)[30]. Une partie des Ă©missions des sols cultivĂ©s ou prairiaux ayant fait l'objet d'Ă©pandages de fumiers et lisiers, de boues d'Ă©puration ou de certains engrais est ainsi d'origine humaine[31].
Les bactĂ©ries vivant dans certaines fourmiliĂšres en sont une source importante ; les gaz exhalĂ©s par vingt-deux nids de fourmis coupeuses de feuilles (du sud-ouest du Costa Rica) a montrĂ© qu'en contexte humide et pauvre en oxygĂšne, ces bactĂ©ries produisent des quantitĂ©s trĂšs importantes de mĂ©thane et d'oxyde nitreux[32]. Ces grandeurs sont comparables Ă celles observĂ©es dans les stations d'Ă©puration d'eaux usĂ©es et des fosses Ă lisier[32]. Ces fourmis contribuent nĂ©anmoins aussi aux fonctions de puits de carbone du sol ; le bilan de leurs effets globaux sur le climat n'est pas encore Ă©valuĂ©, faute de donnĂ©es suffisantes[32], mais cette production explique pourquoi les Ă©tudes prĂ©cĂ©dentes avaient mesurĂ© des niveaux trĂšs variables de mĂ©thane et dâoxyde nitreux dans les forĂȘts et rĂ©gions oĂč ces fourmis construisent leurs nids souterrains[32].
Sources humaines
Un tiers du N2O de l'atmosphĂšre provient de l'Ă©pandage de lisier et d'engrais azotĂ©s[33] - [34]. Une autre contribution importante est la synthĂšse d'acide adipique, HO2C(CH2)4CO2H, un prĂ©curseur de nombreux polymĂšres de nylon et qui dĂ©gage un N2O pour chaque molĂ©cule d'acide adipique[35] - [36]. En France, lâagriculture contribue Ă hauteur de 86 % aux Ă©missions de N2O provenant essentiellement de la transformation des produits azotĂ©s (engrais, fumier, lisier, rĂ©sidus de rĂ©colte) Ă©pandus sur les terres agricoles. Une petite partie des Ă©missions provient de la pollution routiĂšre, en particulier des vĂ©hicules Ă©quipĂ©s de pots catalytiques et de quelques procĂ©dĂ©s industriels[37] - [38].
Contribution Ă l'effet de serre
Les sources de moindre importance (ex. : eaux usées et aquaculture) figurent dans la barre du bas intitulée « Autres ». Les barres rouges correspondent aux marges d'erreur (rouge)[39]. En 2005, le total (dominé par les émissions agricoles) correspond à 30-40 % environ de tout le N2O introduit annuellement par l'humain dans l'atmosphÚre.
Ce gaz est stable (121 ans de durée de vie moyenne dans l'atmosphÚre[40]), à effet de serre et destructeur de la couche d'ozone ; avec 329 ppb en 2016, soit +22 % par rapport au niveau préindustriel, il est responsable de 6 % au forçage radiatif induit par les gaz à effet de serre persistants.
Le protoxyde d'azote est aussi un puissant gaz à effet de serre[42]. Sa teneur augmente dans l'air au moins depuis le milieu du XVIIIe siÚcle avec une accélération au début du XXe siÚcle et une forte accélération depuis les années 1970[43].
Selon le GIEC[44], son potentiel de rĂ©chauffement global Ă cent ans est Ă©gal Ă 298, c'est-Ă -dire qu'il contribue 298 fois plus au rĂ©chauffement climatique qu'une mĂȘme masse de CO2 Ă©mise en mĂȘme temps pendant les cent ans qui suivent leur Ă©mission.
En 2009, dans un article de la revue Science intitulĂ© « Protoxyde d'azote : pas de quoi rire »[45], Donald J. Wuebbles (DĂ©partement Atmospheric Sciences, School of Earth, Society, and Environment de l'universitĂ© de l'Illinois) s'Ă©tonne qu'en dĂ©pit de son importance reconnue depuis longtemps comme gaz Ă effet de serre et destructeur de la couche d'ozone, l'oxyde nitreux semble parfois encore rester le gaz oubliĂ© dans les questions de protection de l'atmosphĂšre, du climat ou de la couche d'ozone. On continue Ă principalement se concentrer sur les Ă©missions de dioxyde de carbone (CO2) et de mĂ©thane (CH4) provenant notamment des combustibles fossiles en oubliant que « les changements futurs du climat et de la rĂ©partition de l'ozone stratosphĂ©rique dĂ©pendent des Ă©missions et de la concentration changeante de N2O dans l'atmosphĂšre [âŠ] l'oxyde nitreux mĂ©rite beaucoup plus d'attention et de considĂ©ration pour une action politique visant Ă contrĂŽler les futures Ă©missions anthropiques »[45].
Sa concentration dans l'atmosphÚre terrestre a atteint 329 ppb en 2016, soit +22 % par rapport au niveau préindustriel, contribuant pour 6 % au forçage radiatif induit par les gaz à effet de serre persistants (voir graphique ci-contre)[27].
Contribution Ă la destruction de la couche d'ozone
Le protoxyde dâazote (N2O) en excĂšs contribue Ă la destruction de la couche d'ozone, en interaction avec d'autres gaz[46]. Il est considĂ©rĂ© comme ayant une longue durĂ©e de vie dans la haute atmosphĂšre (comme le CO2 et le mĂ©thane responsable en excĂšs, Ă lâeffet de serre[47]. Or, le rĂ©chauffement peut exacerber le trou de la couche d'ozone et inversement[47]).
DÚs le début des années 1970, des météorologues et scientifiques s'inquiÚtent de l'augmentation du taux de N2O dans la haute atmosphÚre[48], mais il n'a pas été inclus dans le Protocole de Montréal. Au début du XXIe siÚcle, à la suite du recul des émissions des gaz soumis au Protocole de Montréal, le N2O devient le premier ennemi de la couche d'ozone[17] - [28] - [39]. Le GIEC prévoit qu'il devrait continuer à s'accumuler dans l'atmosphÚre[47], tendance confirmée par un article publié prÚs de dix ans plus tard, en 2018 dans Science, et il devrait le rester durant tout le XXIe siÚcle[28] car la part de protéines animales dans l'alimentation humaine ne cesse de croßtre, associée à une production de fumier et de soja également source croissante d'oxyde nitreux. Selon un article de la revue Nature Geoscience, le lisier et le fumier libÚrent ainsi dans l'air 2 % environ de l'azote qu'ils contenaient et les engrais azotés 2,5 % ; ces deux sources introduisent dans l'atmosphÚre 2,8 Mt de N2O pour les lisiers et 2,2 Mt pour les engrais synthétiques (dont la production et le transport et l'épandage produisent aussi par ailleurs du CO2 qui aggrave l'effet de serre. L'industrie rejette bien moins de N2O (0,8 Mt/an environ) et la combustion de la biomasse (0,5 Mt/an). De 1860 à 2005, le taux de N2O dans l'air serait passé de 270 à 319 ppb (parties par milliard, un taux de croissance assez comparable à celui du CO2).
Diverses stratĂ©gies d'attĂ©nuation des Ă©missions de N2O sont possibles, dont en agriculture, oĂč des changements techniques et de comportements pourraient considĂ©rablement rĂ©duire les Ă©missions de N2O (et d'autres formes d'azote rĂ©actif), mais elles sont peu soutenues par l'industrie et les Ătats[39]. Les parties signataires du rĂ©gime de l'ozone qui doivent appliquer la Convention de Vienne (1985) au travers de son Protocole de MontrĂ©al de 1987 pourraient aussi prendre des mesures pour gĂ©rer le N2O Ă l'avenir[39]. En 2017, par un amendement au protocole, elles ont intĂ©grĂ© les HFC mais n'Ă©voquent toujours pas le N2O. Des voies rĂ©glementaires claires permettraient pourtant de l'inclure dans le rĂ©gime de protection de la couche d'ozone en partageant l'autoritĂ© sur le N2O avec les traitĂ©s internationaux (actuels et futurs) sur le climat. Selon Kanter et al. (2012), ce serait un moyen supplĂ©mentaire et prĂ©cieux dans la gouvernance et diplomatie du dĂ©veloppement durable[39].
Polluant de l'air intérieur
Dans certains contextes (certains locaux industriels, salle d'opération dans les hÎpitaux, usage « récréatif » dans des locaux ou habitacles mal aérés), il est un polluant de l'air intérieur[49].
Utilisations
Il est utilisé dans le cadre d'anesthésies locales, généralement lors d'opérations hors hÎpitaux (cas d'urgence) ou en cas de contre-indications.
Ce gaz est aussi prisĂ© de certaines soirĂ©es oĂč ses effets sont dĂ©tournĂ©s pour provoquer chez l'inhaleur des sensations de fous rires incontrĂŽlĂ©s.
Usage médical
Le protoxyde d'azote exerce un effet antalgique (apaise la douleur) et potentialise (augmente) l'effet des mĂ©dicaments anesthĂ©siques administrĂ©s en mĂȘme temps. On l'utilise donc :
- en anesthésie, comme composante courante de l'anesthésie générale combinée, en association avec des anesthésiques injectables (hypnotiques, morphiniques, curares) ou inhalés ;
- en médecine d'urgence (réductions de fractures ou luxations), pédiatrie ou en salle d'accouchement, sous forme de mélange équimoléculaire avec du dioxygÚne (MEOPA) ;
- pour la pratique de gestes douloureux (MEOPA), en particulier chez l'enfant : prĂ©lĂšvement sanguin difficile, myĂ©logramme, ponction lombaire, etc. Il a ici l'avantage d'induire souvent une amnĂ©sie du geste, utile quand celui-ci doit ĂȘtre rĂ©pĂ©tĂ©. Pour une efficacitĂ© accrue, le protoxyde d'azote est ici associĂ© Ă la prise prĂ©ventive d'antalgiques, de type morphinique le plus souvent.
Le protoxyde d'azote (MEOPA) est classĂ© dans la liste modĂšle des mĂ©dicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santĂ© (liste mise Ă jour en )[50], mais il fait en milieu hospitalier « lâobjet dâun suivi renforcĂ© de pharmacovigilance et dâaddictovigilance »[26].
MĂ©canisme d'action
Le mĂ©canisme pharmacologique dâaction du N2O en mĂ©decine n'est pas encore complĂštement compris.
Le N2O interfĂšre avec des voies de signalisation en modulant directement une large gamme de canaux ioniques commandĂ©s par des ligands (rĂ©cepteurs ionotropes), ce qui jouerait un rĂŽle majeur dans bon nombre de ses effets. Il bloque modĂ©rĂ©ment les canaux du rĂ©cepteur nicotinique de l'acĂ©tylcholine contenant les sous-unitĂ©s NMDA et la sous-unitĂ© ÎČ2 (dite « CHRNB2 » pour neuronal acetylcholine receptor subunit beta-2). Il inhibe faiblement les rĂ©cepteurs AMPA, et kaĂŻnate, GABAA-rho (anciennement nommĂ© « rĂ©cepteur GABAC ») et le rĂ©cepteur 5-HT3. Et il potentialise lĂ©gĂšrement les rĂ©cepteurs GABAA et glycine[51] - [52].
Il active le domaine K+ (canal potassique) Ă deux pores[53].
Bien que le N2O affecte (trÚs rapidement) de nombreux canaux ioniques, ses effets anesthésiques, hallucinogÚnes et euphorisants sont probablement principalement ou totalement induits par une inhibition des courants médiés par les récepteurs NMDA[51] - [54].
Outre ses effets sur les canaux ioniques, le N2O pourrait agir en « mimant » l'oxyde nitrique (NO) dans le systÚme nerveux central ; ceci pourrait expliquer une partie au moins de son caractÚre analgésique et anxiolytique[54] (remarque : l'oxyde nitreux est trente à quarante fois plus soluble que l'azote).
Les effets de l'inhalation de doses sous-anesthésiques d'oxyde nitreux varient selon plusieurs facteurs, et avec des différences individuelles[55] - [56], cependant selon Jay (2008), il est reconnu pour induire les états et sensations suivants[57] :
- intoxication ;
- euphorie/dysphorie ;
- désorientation spatiale ;
- désorientation temporelle ;
- réduction de la douleur.
AprÚs inhalation de N2O, une minorité de personnes présenteront également des vocalisations incontrÎlées et des spasmes musculaires. Ces effets disparaissent généralement quelques minutes aprÚs l'élimination de la source d'oxyde nitreux[57].
Effet euphorisant
Chez le rat de laboratoire, le N2O stimule la voie méso-limbique de récompense, en induisant la libération de dopamine et en activant dans le cerveau les neurones dopaminergiques de l'aire tegmentale ventrale et du noyau accumbens, vraisemblablement par antagonisation des récepteurs NMDA localisés dans le systÚme[58] - [59] - [60] - [61]. Cette action expliquerait les effets euphorisants du N2O et semble aussi notamment augmenter ses propriétés analgésiques[58] - [59] - [60] - [61].
Il est remarquable cependant que chez la souris de laboratoire, le N2O bloque la libĂ©ration de dopamine induite par les transporteurs liĂ©s aux amphĂ©tamines dans le noyau accumbens et quâil bloque lâaddiction, supprime le conditionnement pavlovien de type PPC (PrĂ©fĂ©rence de place conditionnĂ©e/Conditioned place preference) induit par la cocaĂŻne ou la morphine, sans produire dâeffet de renforcement ni d'aversion[62] - [63].
Les effets du N2O sur le PPC chez les rats sont plus complexes et « mélangés », consistant en un renforcement, une aversion et aucun changement[64].
En revanche, le N2O est un facteur de renforcement positif chez le singe-Ă©cureuil[65]. Et il est bien connu pour ĂȘtre addictif chez l'humain[66].
Ces divergences de rĂ©ponse selon lâespĂšce Ă N2O sont mal comprises : elles pourraient reflĂ©ter de rĂ©elles variation entre espĂšces proches, voire au sein dâune espĂšce (ou reflĂ©ter des diffĂ©rences mĂ©thodologiques entre Ă©tudes ?)[63]. Des Ă©tudes cliniques humaines ont conclu que N2O induit chez lâhumain des rĂ©ponses mixtes, similaires Ă celles dĂ©crites chez les rats, reflĂ©tant une variabilitĂ© subjective qui semble Ă©levĂ©e[67] - [68].
Effet anxiolytique
Les tests comportementaux d'anxiĂ©tĂ© montrent quâune faible dose de N2O est efficacement anxiolytique. Cet effet « anti-anxiĂ©tĂ© » a Ă©tĂ© associĂ© Ă une activitĂ© accrue des rĂ©cepteurs GABAA, car il est partiellement inversĂ© par les antagonistes de ces rĂ©cepteurs.
Inversement, les animaux qui ont développé une tolérance aux effets anxiolytiques des benzodiazépines sont alors aussi partiellement tolérants au N2O[69]
Des Ă©tudes cliniques ont montrĂ© quâun humain recevant 30 % de N2O dans lâair inhalĂ©, les antagonistes des rĂ©cepteurs aux benzodiazĂ©pines (GABAA) rĂ©duisent le nombre de rapports subjectifs de sensation de « sensations fortes », sans toutefois altĂ©rer les performances psychomotrices[70].
Effets analgésiques
Ces effets semblent liés à l'interaction entre le « systÚme opioïde endogÚne » et le « systÚme noradrénergique descendant ». En effet :
- quand des animaux reçoivent de la morphine de façon chronique, ils développent une tolérance à ses effets antidouleur, et ils se montrent alors également tolérants aux effets analgésiques du N2O[71] ;
- l'administration d'anticorps qui lient et bloquent l'activitĂ© de certains opioĂŻdes endogĂšnes (mais non la ÎČ-endorphine) bloque Ă©galement les effets antinociceptifs (antidouleur) du N2O[72] ;
- les médicaments qui inhibent la dégradation des opioïdes endogÚnes potentialisent également les effets antinociceptifs du N2O[72] ;
- plusieurs expĂ©riences ont montrĂ© que les mĂ©dicaments antagonistes des rĂ©cepteurs opioĂŻdes appliquĂ©s directement au cerveau bloquent les effets antinociceptifs du N2O, mais que ces mĂȘmes mĂ©dicaments nâont aucun effet sâils sont injectĂ©s dans la moelle Ă©piniĂšre. Ă l'inverse, les antagonistes des rĂ©cepteurs α2-adrĂ©nergiques (adrĂ©norĂ©cepteurs) suppriment les effets de rĂ©duction de la douleur induits par le N2O sâils sont administrĂ©s directement dans la moelle Ă©piniĂšre, mais pas lorsqu'ils sont appliquĂ©s directement au cerveau[73].
- les souris ou les animaux « knock-out » pour l'α2B-adrénocepteurs (ou « récepteur adrénergique alpha-2B ») ne produisant pas de noradrénaline sont rendus presque complÚtement résistants aux effets antinociceptifs du N2O[74].
Apparemment, la libĂ©ration d'opioĂŻdes endogĂšnes induite par le N2O provoque la dĂ©sinhibition des neurones noradrĂ©nergiques du tronc cĂ©rĂ©bral, laquelle libĂšre de la noradrĂ©naline dans la moelle Ă©piniĂšre et inhibe le signal de douleur[75]. En 2019, la maniĂšre dont le N2O provoque la libĂ©ration de peptides opioĂŻdes endogĂšnes nâest pas encore comprise. Les progrĂšs de la neurophysiologie et de la cartographie du cerveau et de ses fonctions sensorimotrices, cognitives et langagiĂšres pourraient Ă lâavenir permettre de mieux comprendre ces phĂ©nomĂšnes (pour les effets « hilarants » du N2O y compris).
Principe
Du fait de sa teneur en oxygÚne plus élevée que l'air, le protoxyde d'azote est parfois utilisé comme appoint ou en substitution à ce dernier dans les moteurs à combustion interne[76]. Il permet d'augmenter la charge comburant/carburant dans le cylindre, de favoriser la combustion, et ainsi d'augmenter fortement la puissance du moteur (de 30 % à 100 % environ). C'est le moteur à protoxyde d'azote.
Aviation
L'injection de protoxyde d'azote est utilisée durant la Seconde Guerre mondiale dans certains avions de combat allemands. Un dispositif, nommé « GM-1 », visait à compenser la diminution du dioxygÚne de l'air en altitude (gaz prélevé dans l'air, utilisé comme comburant par les moteurs à pistons), ce qui avait comme conséquence de réduire le niveau de comburant dans le moteur par rapport au carburant, et entraßnait ainsi la baisse de la puissance délivrée par le moteur ainsi que l'augmentation de la consommation[77]. L'injection de protoxyde d'azote visait donc à pallier le manque de comburant dans le moteur de maniÚre à permettre à celui-ci de fonctionner à haute altitude avec un rendement identique à celui de basse ou de moyenne altitude. Le pilote disposait ainsi d'une réserve de puissance qu'il pouvait utiliser jusqu'à l'épuisement de la bonbonne contenant le protoxyde d'azote sous forme liquide, soit une dizaine de minutes.
Ă l'Ă©poque, ces systĂšmes Ă©taient mal maĂźtrisĂ©s et requĂ©raient une grande prĂ©caution d'emploi, surtout pour les moteurs compliquĂ©s des appareils allemands. Un pilote souhaitant utiliser le GM-1 devait le faire Ă une altitude oĂč l'air Ă©tait dĂ©jĂ rarĂ©fiĂ© (Ă partir d'environ 6 000 m d'altitude) et devait rĂ©duire les gaz avant de relancer ceux-ci une fois le dispositif mis en route, sous peine de casser le moteur ou, pire, de faire exploser l'avion.
Compétition automobile
Plus tard, et Ă l'instar des autres procĂ©dĂ©s de suralimentation tels que le compresseur et le turbo, le principe de l'injection de protoxyde d'azote fut repris en compĂ©tition automobile, puis par le particulier puisque l'on trouve sur le marchĂ© des kits NOS (nitrous oxide systems) que l'on peut adapter sur Ă peu prĂšs n'importe quelle automobile. Bien que ces kits soient trĂšs prisĂ©s des amateurs de tuning automobile, leur installation sur des vĂ©hicules de sĂ©rie reste illĂ©gale dans de nombreux pays. L'utilisation en France reste autorisĂ©e du moment que la vanne de sĂ©curitĂ© (obligatoire) de la bonbonne est verrouillĂ©e et qu'il n'en est pas fait usage lorsque le vĂ©hicule Ă©quipĂ© circule sur une voie publique ; cependant les assurances sont en droit de refuser de prendre en charge de tels vĂ©hicules. La prĂ©sence d'un kit nitro lors d'un accident provoque une augmentation significative des risques. En cas de choc, de changement de tempĂ©rature, d'usures, de l'utilisation d'un kit de mauvaise qualitĂ©, ou du non renouvellement des connexions et changement de bouteille conformĂ©ment aux normes rĂ©gissant les conditions gĂ©nĂ©rales liĂ©es au gaz, que l'installation du kit ne soit pas faite pas un professionnel habituĂ© Ă ces systĂšmes, il y a un risque de fuites de gaz ou d'explosion des contenants et de leur consĂ©quence (fuite : risque d'incendie augmentĂ©, incendie spontanĂ© (auto-ignition, rĂ©action chimique dangereuse), brĂ»lures par le froid, asphyxie, perte de connaissance, dĂ©gradation/dĂ©gradation des piĂšces mĂ©caniques de la voiture. Dans le cas oĂč il y aurait une rupture des bouteilles de nitro, s'ajoute au risque liĂ© aux fuites de gaz, les risques explosion du vĂ©hicule, la dĂ©flagration/explosion Ă©tant dĂ©multipliĂ©e par rapport Ă une dĂ©flagration sans kit nitro. Le carburant (essence, diesel, etc.) brĂ»le et dĂ©tonne plus rapidement, la tempĂ©rature des flammes est environ deux fois plus Ă©levĂ©e.
Usage comme drogue dite « récréative »
Le protoxyde d'azote, lĂ©galement vendu dans les commerces de proximitĂ© â thĂ©oriquement pour des siphons Ă chantilly â conditionnĂ© en bonbonnes ou cartouches d'acier de forme ovale, est, depuis 2000 au moins, dĂ©tournĂ© Ă titre rĂ©crĂ©atif pour ses propriĂ©tĂ©s psychodysleptiques[78].
Selon Garbaz, la toxicomanie au protoxyde dâazote est restĂ©e longtemps (bien que dĂšs le XVIIIe siĂšcle, il avait des fĂȘtes souvent organisĂ©es aux domiciles et par de riches bourgeois (l'obtention du gaz se faisait par rĂ©action chimique directement sur place) dont le but principal Ă©tait l'inhalation du protoxyde d'azote) rare, ne touchant d'abord que des employĂ©s du monde hospitalier ou mĂ©dical, puis un nombre croissant de jeunes adultes et adolescents, voire d'enfants. En sâĂ©tendant ainsi au grand public (via la grande disponibilitĂ© de cartouches Ă bas prix), « elle expose Ă la survenue dâaccidents et dâeffets indĂ©sirables non connus »[79]. Ce dĂ©tournement du protoxyde d'azote est avĂ©rĂ© aux Ătats-Unis et au Royaume-Uni depuis le dĂ©but des annĂ©es 1980 et en France depuis 1996/1998 (premiers cas signalĂ©s par le centre antipoison de Marseille), dans les milieux Ă©tudiant notamment[20]. Il est souvent partagĂ© ou vendu Ă l'occasion de soirĂ©es techno, ou dans les free parties, les technivals, les soirĂ©es trance, etc.[80].
S'il est pris seul et Ă©pisodiquement, le protoxyde dâazote ne reprĂ©sente pas un risque d'addiction : le N2O fait rire (mĂȘme si en rĂ©alitĂ©, bien que surnommĂ© « gaz hilarant », il induit moins souvent le rire que les boissons alcoolisĂ©es ou le cannabis), son effet est de relativement courte durĂ©e et certaines personnes ne ressentent peu ou pas d'effets anesthĂ©siants, ni d'effet agrĂ©able, et il n'induit gĂ©nĂ©ralement pas de dĂ©pendance. Ce n'est cependant pas un produit anodin. Il peut induire des lĂ©sions irrĂ©versibles ou des pathologies graves telles qu'une forme d'anĂ©mie particuliĂšre, d'atteintes neurologiques (poly-neuropathies, d'ataxies, c'est-Ă -dire troubles de l'Ă©quilibre, problĂšmes de coordination motrice), note William Lowenstein, spĂ©cialiste en mĂ©decine interne et addictologie, prĂ©sident de SOS Addictions[80]. Et selon les statistiques anglaises collectĂ©es par un rapport de l'universitĂ© de Londres (citĂ© par le quotidien The Independent), en six ans, de 2006 Ă 2012, dix-sept jeunes Britanniques sont morts aprĂšs avoir consommĂ© du gaz hilarant, dont six par asphyxie (hypoxie)[80].
Le protoxyde d'azote semble faire l'objet de modes ; en France, un premier pic de consommation est apparu vers l'an 2000[80] et un regain constaté en 2017-2018, notamment dans les régions proches du Royaume-Uni[81]. Il est le plus souvent inhalé par la bouche via des ballons gonflables de caoutchouc ou des préservatifs gonflés de gaz (vendus à l'unité), selon un rapport français de 2007 commandé par la direction générale de la Santé[82]. Le conditionnement en ballons permet d'éviter des gelures et des embolies pulmonaires ou cérébrales causées par le froid dues à la détente du gaz s'il est « directement aspiré à la cartouche », tels une bombe de gaz dépoussiérant ou un siphon à chantilly, note Drogues info service, qui ajoute que « les effets fugaces du protoxyde d'azote incitent parfois l'usager à des inhalations répétées pouvant conduire à la mort par asphyxie »[80].
« Contrairement aux autres drogues, il nây a pas de dĂ©pendance au protoxyde dâazote », indique Drogues info service.
Les cas de dépendance sont exceptionnels. Les personnes atteintes d'une réelle dépendance (au sens pharmacologique) au protoxyde d'azote, présentent souvent initialement une maladie qui n'est pas soulagée par les traitements habituels et dans ces situations le N2O présente davantage de bénéfices que de risques (cancer en phase terminale chez l'enfant, lésions et ulcérations chroniques chez des patients ùgés ou chez des personnes victimes du HIV ou encore, lors de syndromes douloureux chroniques).
Dans de rares cas oĂč la dĂ©pendance dĂ©bute Ă la suite de la consommation dite « rĂ©crĂ©ative », les consommateurs se retrouvent rapidement dans une situation d'isolement social qui s'accompagne bien souvent de difficultĂ©s Ă©conomiques, sources de malnutrition (carences).
« MĂȘme si cela peut faire peur, il faut relativiser. Le gaz hilarant nâest quâune petite mode, chez les jeunes, dans une recherche dâivresse qui est intemporelle », selon William Lowenstein.
En France
En 2011, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a mis en garde contre l'usage récréatif des substances volatiles en général et du protoxyde d'azote notamment (5,5 % d'entre eux disaient l'avoir déjà expérimenté en 2011)[80].
En 2014, Drogues info service avait reçu trÚs peu de demandes d'aide ou d'information (quinze demandes sur 44 000 appels)[80].
Ă la suite d'une forte recrudescence en 2017, 2018 et 2019 dans le Nord[83] - [84], puis en Ăle-de-France[85] et au reste du territoire[86] - [87], une proposition de loi[88] tendant Ă protĂ©ger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d'azote est adoptĂ©e Ă l'unanimitĂ© le 11 dĂ©cembre 2019 au SĂ©nat[89]. La mesure phare est lâinterdiction de la vente aux mineurs, y compris sur les sites de commerce en ligne. Le texte propose aussi de pĂ©naliser lâincitation dâun mineur Ă faire un usage dĂ©tournĂ© dâun produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs. Il prĂ©voit encore dâaccompagner la politique de prĂ©vention menĂ©e Ă lâĂ©cole. Le texte devrait ĂȘtre soumis Ă lâAssemblĂ©e nationale en 2020.
Par le biais d'un arrĂȘtĂ©, la commune de Toulouse interdit, le , l'usage rĂ©crĂ©atif des gaz hilarants sur le domaine public et la vente aux mineurs[90].
Nuisances et dégùts occasionnés aux incinérateurs municipaux
Les cartouches de N2O abandonnées dans la nature et dans les rues constituent une source de nuisances et de pollution non négligeable. En Belgique, rien qu'en trois semaines au mois de janvier 2023, Bruxelles propreté en a récolté plus de deux tonnes le long des voiries régionales auxquelles il convient également d'ajouter les collectes communales et celles des déchets ménagers habituels[91]. On les trouvent surtout aux abords des bars et des dancings.
Les cartouches de grande capacitĂ© non complĂštement vidĂ©es, si elles sont collectĂ©es et incinĂ©rĂ©es, donnent lieu Ă de violentes explosions endommageant sĂ©rieusement les fours des incinĂ©rateurs de dĂ©chets mĂ©nagers[92]. Les barreaux des grilles des fours se brisent et les cendres s'agglomĂšrent dans l'espace de rĂ©ception situĂ© en dessous des grilles, ce qui bouche les systĂšmes d'Ă©vacuation des cendres (cendres de plancher (en))[93] - [94]. C'est ainsi que de nombreux incinĂ©rateurs doivent frĂ©quemment mettre Ă l'arrĂȘt certains de leurs fours afin de pouvoir rĂ©parer les dĂ©gĂąts souvent considĂ©rables. Les agences responsables de la propretĂ© publique et du traitement des dĂ©chets mĂ©nagers sont obligĂ©es de trier attentivement les poubelles situĂ©es sur la voie publique afin de protĂ©ger les fours des incinĂ©rateurs et de limiter leur indisponibilitĂ© liĂ©e au temps nĂ©cessaire Ă la rĂ©paration des dĂ©gĂąts causĂ©s par ces explosions. Le problĂšme affecte Ă©galement de nombreuses municipalitĂ©s en France[93] - [94].
Autres usages
Le protoxyde d'azote est utilisé comme gaz propulseur, notamment dans les bonbonnes de crÚme chantilly. Il est également utilisé dans les bombes d'air sec pour l'électronique et les ordinateurs. Son code européen est le E942[95].
Dissous dans l'eau, le protoxyde d'azote a un goût sucré[96].
Il a été utilisé pour la conservation de la viande.
Toxicologie
Les effets d'une exposition chronique à de faibles doses sont mal connus, mais ont été étudiés pour certains métiers exposés (anesthésistes en salles de chirurgie, par exemple[97]).
Ă forte dose, il provoque des effets neurologiques (polynĂ©vrite avec spasticitĂ©) et une anĂ©mie macrocytaire, avec rĂ©duction du taux de vitamine B12 circulante. Smith, dans une revue des risques sanitaires chez le personnel hospitalier, rappelle qu'il s'agit d'un poison mitotique, qui a Ă©tĂ© rendu responsable de tumeurs du systĂšme lymphoĂŻde et du systĂšme rĂ©ticulo-endothĂ©lial chez le personnel intervenant en salle d'opĂ©ration (avec Ă©changes entre chromatides sĆurs selon Saras et al. 1992, Eroglu et al.) chez lequel on a dĂ©crit diverses atteintes cytogĂ©nĂ©tiques (problĂšmes Ă©galement posĂ©s par l'exposition Ă d'autres anesthĂ©siques).
Le protoxyde d'azote à haute concentration peut tuer par asphyxie (due à un manque d'oxygÚne) ; le mélange anesthésique contient toujours au moins 21 % d'oxygÚne (soit la proportion d'oxygÚne de l'air ambiant, et jusqu'à 50 % dans le cas du MEOPA).
L'usage détourné et prolongé de protoxyde d'azote présente, outre des risques d'asphyxie, des risques de complications médicales pour le nouveau-né en cas d'usage durant une grossesse[98].
Effets et conséquences, toxicité
Les effets de court terme sont rapides et fugaces. Ils commencent de quinze Ă trente secondes aprĂšs l'absorption et se terminent au bout de deux Ă trois minutes.
Ă forte dose, le protoxyde d'azote devient narcotique avec, comme effets possibles :
- euphorie, sensation de bien-ĂȘtre et fous rires ;
- désinhibition ;
- effet de flottement ;
- distorsions visuelles et auditives ;
- sensation d'alourdissement des membres ;
- modification de la voix, qui devient trÚs grave (effet inverse de l'hélium) ;
- pertes de mémoire ;
- spasmes ;
- hypersalivation.
Effets de doses importantes Ă court terme
- nausées, vomissements
- hypoxie
- vertiges
- risques de brûlures irréversibles causées par le froid si le gaz est inhalé ou mis en bouche au moment de sa décompression et de sa détente adiabatique
- hallucinations[99]
Effets de doses importantes ou répétées à long terme
Les effets toxiques ou indĂ©sirables connus Ă long terme d'une exposition rĂ©pĂ©tĂ©e au protoxyde dâazote sont de plusieurs ordres : hĂ©matologiques, neurologiques (cf. dĂ©myĂ©linisation), psychiatriques et tĂ©ratogĂšnes[79].
Les professionnels ne sont pas les seuls concernés. Un usage récréatif intense et/ou régulier du protoxyde d'azote peut provoquer des symptÎmes et maladies que les médecins ne sont pas accoutumés à suspecter ou diagnostiquer :
- une carence en vitamine B12 (cobalamine)[100] car le N2O oxyde les ions cobalt de cet oligoélément essentiel[101] - [102] ;
- une réduction du taux de vitamine B12 circulante[103] par inhibition de la méthionine synthase hépatique[104], entraßnant chez les gros consommateurs de N2O des neuropathies (troubles neurologiques) telles que des tremblements ou des difficultés à coordonner ses mouvements ;
- des complications neurologiques sont possibles et mĂ©connues (mĂȘme des mĂ©decins[102]), dont atteintes de la moelle osseuse et de la moelle Ă©piniĂšre se traduisant par une faiblesse symĂ©trique et progressive des membres infĂ©rieurs, des troubles de lâĂ©quilibre et une difficultĂ© croissante Ă marcher, soulignĂ©e par plusieurs Ă©tudes rĂ©centes[105] - [106] - [107] - [108] - [109] chez des personnes habituĂ©s Ă inhaler de fortes doses de N2O. C'est le dĂ©ficit en vitamine B12 qui entraĂźne la neurotoxicitĂ© du N2O Ă forte dose ou en cas d'usage rĂ©crĂ©atif chronique[110] : une dĂ©myĂ©linisation des fibres nerveuses, ce qui finit par interrompre la transmission nerveuse (en l'absence de B12, le recyclage de lâhomocystĂ©ine en mĂ©thionine est interrompu, empĂȘchant la mĂ©thylation des protĂ©ines de la gaine de myĂ©line, ce qui entraine une dĂ©myĂ©linisation)[1]. Une sclĂ©rose de la moelle se combine Ă une atteinte dĂ©gĂ©nĂ©rative de la moelle Ă©piniĂšre (visibles sur l'imagerie par rĂ©sonance magnĂ©tique (IRM), oĂč une coupe sagittale montre comme consĂ©quence d'une dĂ©gĂ©nĂ©rescence subaiguĂ« de la moelle un hypersignal en sĂ©quence pondĂ©rĂ©e T2 localisĂ© prĂ©fĂ©rentiellement au niveau des cordons postĂ©rieurs de la moelle cervicale ou dorsale[1]). Cette dĂ©myĂ©linisation dĂ©grade la sensibilitĂ© profonde[1]. En , Ă Londres des urgentistes et neurologues de divers hĂŽpitaux ont rapportĂ© dix cas de « sclĂ©rose combinĂ©e de la moelle » (SCM) chez des jeunes de 17 Ă 26 ans dont la plupart ne consommaient pas dâautres drogues (et pas d'alcool)[1] - [111]. La concentration sanguine en vitamine B12 peut ĂȘtre normale, mais la vitamine non fonctionnelle. Une augmentation anormale du taux d'acide mĂ©thylmalonique (AMM) et dâhomocystĂ©ine peuvent alors orienter le diagnostic[1] ;
- la supplĂ©mentation rapide en vitamine B12 inverse la dĂ©gĂ©nĂ©rescence, mais la rĂ©cupĂ©ration neurologique peut ĂȘtre incomplĂšte, surtout si la personne continue Ă inhaler du N2O[112] ;
- un pneumothorax. Les cas liĂ©s au protoxyde d'azote ont d'abord Ă©tĂ© dĂ©crits en tant qu'accidents dâanesthĂ©sie ou de cĆlioscopie (diffusion du N2O dans la cavitĂ© pĂ©ritonĂ©ale, puis vers la cavitĂ© pleurale)[79]. L'inhalation de N2O peut rĂ©vĂ©ler un pneumothorax asymptomatique et l'aggraver (« Les consĂ©quences peuvent ĂȘtre dramatiques lors de son utilisation frauduleuse en milieu extra-hospitalier par mĂ©connaissance de ses effets secondaires ») ;
- une anémie, dite mégaloblastique, car associée à des globules rouges anormalement grands[1] ;
- une dépendance psychologique.
Notes et références
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- Groupe prĂ©sidĂ© par le Dr Annequin, avec le Pr Corinne Lejus, les Dr Barbara Tourniaire, Elisabeth Fournier CharriĂšre, Nada Sabourdin qui ont coordonnĂ© les sous-groupes de travail ; le Dr Nathalie Dumarcet de l'Afssaps assurant la coordination gĂ©nĂ©rale. LâAssociation Pediadol (pediadol.org) a contribuĂ© Ă la facilitation logistique de ces recommandations.
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Voir aussi
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Articles connexes
Liens externes
- Ressources relatives à la santé :
- ChEMBL
- DrugBank
- (en) Medical Subject Headings
- (en) National Drug File
- (no + nn + nb) Store medisinske leksikon
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Fiche renseignement, Gas Encyclopedia, Air liquide.
- Fiche internationale de sécurité du protoxyde d'azote [PDF] sur le site de l'INRS.
- Fiche protoxyde d'azote sur le site de l'Ademe.
- Fiche protoxyde d'azote sur le site de l'INRA.
- (en) Nitrous Oxide [PDF] sur NIOSH Resources.
- Fiche protoxyde d'azote sur le site de Drogues info service.