Proprioception
La proprioception (formé de proprio-, tiré du latin proprius, « propre », et de [ré]ception), ou sensibilité profonde, désigne la perception, consciente ou non, de la position des différentes parties du corps.
Elle fonctionne grùce à de nombreux récepteurs musculaires et ligamentaires et aux voies et centres nerveux impliqués. La proprioception fait partie de la somesthésie.
Le propriocepteur est le récepteur sensoriel qui assure la proprioception.
La proprioception a été d'abord caractérisée chez les humains. Le terme fut proposé par Charles Scott Sherrington en 1900 et 1906. La proprioception paraßt s'observer aussi avec de nombreux animaux. Plus récemment, une proprioception a été découverte chez les plantes[1] - [2] - [3].
Conscience et inconscience
Muscles, tendons, os, articulations (organes rĂ©actionnels de la vie de relation) possĂšdent une innervation sensitive propre. Les rĂ©cepteurs (notamment fuseaux neuromusculaires et organes neurotendineux) sont appelĂ©s « Ă©lĂ©ments proprioceptifs », car ils rĂ©agissent non pas Ă une excitation venant de l'extĂ©rieur (comme les Ă©lĂ©ments extĂ©rocepteurs des cinq sens), mais Ă une excitation provenant de l'organe lui-mĂȘme. Câest donc une sensibilitĂ© trĂšs profonde du corps Ă lui-mĂȘme[4].
Les influx nerveux qui y naissent apportent aux centres du névraxe (systÚme nerveux central) des renseignements perçus ou non par la conscience, sur le degré de tonus ou de contraction des muscles ou sur les positions relatives des différents segments du corps (sens des attitudes).
Le problĂšme de la conduction des influx sensitifs a Ă©tĂ© particuliĂšrement difficile Ă Ă©lucider, pour plusieurs raisons : si les influx d'origine profonde ou superficielle (proprioceptifs ou extĂ©roceptifs) sont conduits en bloc Ă la moelle par les nerfs spinaux, il n'en est plus de mĂȘme dans la moelle : les diffĂ©rents influx y sont vĂ©hiculĂ©s par des faisceaux diffĂ©rents selon la qualitĂ© de sensation. La transmission des influx proprioceptifs est Ă l'origine de sensations conscientes et d'une rĂ©gulation motrice inconsciente.
Sensibilité proprioceptive consciente
Les faisceaux graciles (ou de Goll) et cunéiformes (ou de Burdach) sont formés par les fibres longues de cellules en T qui montent sans relais sur toute la hauteur de la moelle jusqu'aux noyaux de Goll et Burdach. Ils transportent les messages qui viennent des gaines, des tendons et des enveloppes musculaires ainsi que des capsules articulaires, messages qui sont à l'origine de la sensibilité proprioceptive consciente. La sensibilité tactile discriminative emprunte aussi ces voies.
Les fibres de ces faisceaux ne se croisent pas dans la moelle mais dans le bulbe : si les extrémités nerveuses à gauche sont coupées, il y aura perte de sensibilité à gauche. Les voies de la proprioception consciente projettent sur le cortex somesthésique primaire.
Sensibilité proprioceptive inconsciente
Les faisceaux cérébelleux direct et croisé transportent les influx issus des fuseaux neuromusculaires et des organes neurotendineux de Golgi qui ne donnent pas lieu à des sensations conscientes. Les deux faisceaux se projettent au niveau du cervelet et permettent à cet organe d'exercer un rÎle de régulation du tonus musculaire des réactions motrices, de coordination des mouvements automatiques et d'équilibration.
Proprioception et kinesthésie
Kinesthésie (du grec kinesis, « mouvement », et aisthesis, « sensibilité ») est un autre terme parfois utilisé à la place de proprioception. La kinesthésie est une perception consciente des mouvements des différentes parties du corps[5].
Proprioception végétale
Les vĂ©gĂ©taux terrestres contrĂŽlent l'orientation de leur croissance primaire grĂące Ă plusieurs stimuli environnementaux orientĂ©s, comme la lumiĂšre ou la gravitĂ©. On parle de tropisme. Lors d'une Ă©tude du gravitropisme (l'orientation par la gravitĂ©), il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que les plantes ne peuvent pas maintenir leur port Ă©rigĂ© seulement par la perception de l'inclinaison de la gravitĂ©. Il faut lui adjoindre une perception continue de la propre courbure de leurs tiges et une tendance Ă la rectification de celleâci. Il sâagit ainsi de la perception par la plante de la position relative de ses diffĂ©rentes parties. Il s'agit donc d'un phĂ©nomĂšne de proprioception[1] - [2]. GrĂące Ă cette dĂ©couverte, des chercheurs ont proposĂ© et validĂ© un modĂšle mathĂ©matique universel reproduisant le contrĂŽle complet des mouvements de redressement sur onze espĂšces de plantes Ă fleurs terrestres, et sur des organes allant de la minuscule germination du blĂ© Ă des troncs de peupliers[2] - [6]. Ce modĂšle montre que le caractĂšre contrĂŽlant la dynamique du mouvement et la forme finale de la plante est un ratio entre sa sensibilitĂ© Ă l'inclinaison par rapport Ă la gravitĂ© et sa sensibilitĂ© proprioceptive, et que ce ratio doit ĂȘtre ajustĂ© Ă la taille de la plante. Des Ă©tudes ultĂ©rieures ont montrĂ© que les mĂ©canismes proprioceptifs chez les plantes impliquaient des interactions entre myosine et actine, probablement dans des cellules spĂ©cialisĂ©es[7].
Ces rĂ©sultats modifient lâimage que nous avions de la sensibilitĂ© des vĂ©gĂ©taux, en montrant lâimportance de la proprioception, Ă lâinstar de ce qui a cours chez les animaux et les humains[8]. Par ailleurs, ils fournissent de nouveaux concepts et outils pour lâamĂ©lioration gĂ©nĂ©tique de la capacitĂ© des cultures Ă ĂȘtre plus rĂ©silientes Ă la verse, et des arbres Ă produire des fĂ»ts rectilignes et des bois de bonne qualitĂ©.
Proprioception et conscience de soi
La dĂ©couverte de la proprioception vĂ©gĂ©tale a engendrĂ© un intĂ©rĂȘt assez large dans la presse de culture scientifique et la presse gĂ©nĂ©raliste[1] - [3] - [9] - [10] car elle rĂ©vĂšle que les plantes sont plus complexes (ou « Ă©voluĂ©es ») que certains l'Ă©tablissent a priori. Elle suscite notamment des discussions sur la conscience et la sensibilitĂ© en raison de la proximitĂ© sĂ©mantique entre proprioception et conscience de soi[9] - [10].
Notes et références
- David Larousserie, « Les plantes ont un penchant pour la droiture », Le Monde.fr,â (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consultĂ© le ).
- (en) Renaud Bastien, Tomas Bohr, Bruno Moulia et StĂ©phane Douady, « Unifying model of shoot gravitropism reveals proprioception as a central feature of posture control in plants », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 110, no 2,â , p. 755â760 (ISSN 0027-8424 et 1091-6490, PMID 23236182, PMCID PMC3545775, DOI 10.1073/pnas.1214301109, lire en ligne, consultĂ© le ).
- Jean-Luc Nothias, « Comment les plantes restent-elles debout ? », Le Figaro,â (ISSN 0182-5852, lire en ligne, consultĂ© le ).
- sources Morphologie et Physiologie de Georges Bresse, Larousse page 340.
- « Kinesthésie », sur Larousse (consulté le ).
- (en) Renaud Bastien, StĂ©phane Douady et Bruno Moulia, « A Unifying Modeling of Plant Shoot Gravitropism With an Explicit Account of the Effects of Growth », Frontiers in Plant Science, vol. 5,â (ISSN 1664-462X, PMID 24782876, PMCID PMC3995075, DOI 10.3389/fpls.2014.00136, lire en ligne, consultĂ© le ).
- (en) Olivier Hamant et Bruno Moulia, « How do plants read their own shapes? », New Phytologist, vol. 212, no 2,â , p. 333â337 (ISSN 1469-8137, DOI 10.1111/nph.14143, lire en ligne, consultĂ© le ).
- Catherine Lenne, Olivier Bodeau et Bruno Moulia, « Percevoir et bouger : les plantes aussi ! », Pour la science, no 438,â (ISSN 0153-4092, lire en ligne, consultĂ© le ).
- L Chauveau, « Les plantes ont conscience de filer droit », Sciences et avenir,â , p. 28 (ISSN 0036-8636).
- « Les plantes communiquent-elles ? - Collab' Livre du Café des Sciences », sur goana, .
Voir aussi
Bibliographie
- (en) C. S. Sherrington (1906) The integrative action of the nervous system. New Haven, Yale University Press
- Charles S. Sherrington (1900) the musclar sense. In Edward A. shafer Ed. Textbook of physiology (Edimbourg-London, 1900) t. II, 1006.
- Charles Bell (1826),. On the nervous circle which connects the volontary muscles with the brain, Philosophical transactions. 116 (1826), 163-173.
- A. Delmas (1981) Voies et centres nerveux. Masson, Paris (10e Ă©dition)
- J. Paillard (1976) Tonus, posture et mouvements. In Kayser C. (Ed) Physiologie, tome II, Flammarion (Paris): 521-728.
- P.M. Gagey, B. Weber (2004) Posturologie ; Régulation et dérÚglements de la station debout. TroisiÚme édition, préface du professeur Henrique Martins da Cunha, Elsevier Masson, Paris
- (en) O. Hamant and B. Moulia (2016). How do plants read their own shapes ? New Phytologist. 212 (2)/ : 333-337 doi: 10.1111/nph.14143
Articles connexes
Lien externe
- Ressources relatives à la santé :
- (en) Medical Subject Headings
- (cs + sk) WikiSkripta
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Arte TV