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Giacomo Meyerbeer

Giacomo Meyerbeer, de son vrai nom Jakob Liebmann Meyer Beer, est un compositeur allemand de confession juive né le à Tasdorf, prÚs de Berlin[1], et mort le dans le 8e arrondissement de Paris[2].

Giacomo Meyerbeer
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Portrait de Giacomo Meyerbeer commandé à Carl Joseph Begas par le roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV pour sa galerie des Prussiens illustres. L'original a été détruit par les nazis.
Nom de naissance Jakob Liebmann Meyer Beer
Naissance
Tasdorf, Drapeau de la Prusse Royaume de Prusse
DĂ©cĂšs (Ă  72 ans)
8e arrondissement de Paris, Second Empire
Activité principale Compositeur
Style Grand opéra
Activités annexes Pianiste, Directeur d'Opéra
Lieux d'activité Paris, Berlin
Années d'activité 1810-1864
Collaborations EugĂšne Scribe
Maßtres Muzio Clementi, Carl Friedrich Zelter, abbé Vogler
Famille Wilhelm, Michael (frĂšres)
Distinctions honorifiques LĂ©gion d'honneur

ƒuvres principales

Compositeur d’opĂ©ras le plus cĂ©lĂšbre et le plus jouĂ© au XIXe siĂšcle (avant mĂȘme Mozart, Verdi ou Wagner), il rencontre un succĂšs croissant en Italie en Ă©crivant des opĂ©ras dans le style de Rossini qu’il considĂšre comme son maĂźtre mĂȘme si le compositeur italien est de six mois son cadet. Mais c’est en s’établissant Ă  Paris qu’il remporte ses plus grands triomphes avec seulement trois Ɠuvres, Robert le Diable (1831), Les Huguenots (1836) et Le ProphĂšte (1849), considĂ©rĂ©es comme fondatrices du « Grand opĂ©ra français » (son quatriĂšme grand opĂ©ra, L'Africaine, a Ă©tĂ© crĂ©Ă© de façon posthume en 1865). RĂ©ussissant la dĂ©licate synthĂšse entre la technique orchestrale allemande, l’art du bel canto rossinien et le souci de la dĂ©clamation française, cet Ă©clectisme et cet « internationalisme » lui seront bientĂŽt reprochĂ©s par les tenants des Ă©coles musicales nationales.

L’originalitĂ© de l’Ɠuvre de Meyerbeer est multiple : outre la fusion de diffĂ©rents Ă©lĂ©ments nationaux en un tout inĂ©dit et cohĂ©rent, Meyerbeer a Ă©galement contribuĂ© au dĂ©veloppement du leitmotiv, de la « mĂ©lodie continue » et de l’Ɠuvre d'art totale. En raison de leur succĂšs, les apports de Meyerbeer ont Ă©tĂ© abondamment repris par les compositeurs qui ont Ă©crit des opĂ©ras Ă  sa suite, y compris ceux qui le critiquaient le plus farouchement. Ce faisant, l’originalitĂ© de la musique de Meyerbeer n'apparaĂźt plus guĂšre comme telle. Les trĂšs sĂ©vĂšres critiques relatives Ă  la musique et Ă  la personnalitĂ© du compositeur, la montĂ©e des nationalismes et de l’antisĂ©mitisme dans la deuxiĂšme moitiĂ© du XIXe siĂšcle ont contribuĂ© Ă  l’effacement progressif des opĂ©ras de Meyerbeer qui ont Ă©tĂ© jouĂ©s de moins en moins souvent aprĂšs la PremiĂšre Guerre mondiale. Ils furent mĂȘme purement et simplement interdits par les nazis. La renaissance du bel canto italien aprĂšs la Seconde Guerre mondiale n’a guĂšre profitĂ© Ă  Meyerbeer dont les opĂ©ras restent reprĂ©sentĂ©s avec parcimonie, mĂȘme si de grands interprĂštes (comme Joan Sutherland, Marilyn Horne ou PlĂĄcido Domingo) ont tenu Ă  ressusciter ses Ɠuvres.

Biographie

1791-1815 : Les débuts en Allemagne et à Vienne

Portrait de la mĂšre de Meyerbeer vers 1803 par Carl Johann von Kretschmar (de)

Jakob Liebmann Meyer Beer naĂźt le dans une riche famille juive berlinoise. Son pĂšre, Juda Herz Beer (1769-1825), s’est installĂ© dans la capitale du royaume de Prusse autour de 1785 et a Ă©pousĂ© Amalia Liebmann Meyer Wulff (1767-1854) en 1788. Elle est la fille aĂźnĂ©e du « CrĂ©sus de Berlin », Liebmann Meyer Wulff, ashkĂ©naze qui a fait fortune en assurant l’approvisionnement des troupes prussiennes et en dirigeant la loterie du royaume. Le pĂšre du futur compositeur fait fructifier la dot de son Ă©pouse en dirigeant une raffinerie de sucre. En 1815, il est considĂ©rĂ© comme Ă©tant la premiĂšre fortune de Berlin. TrĂšs cultivĂ©, il Ɠuvre Ă©galement pour amĂ©liorer le sort des juifs de Prusse en Ă©tant actif au Conseil des Anciens de la communautĂ© juive berlinoise et en soutenant le mouvement d’émancipation des juifs[3]. À cette Ă©poque, les juifs, considĂ©rĂ©s comme allogĂšnes, ne bĂ©nĂ©ficient toujours pas de la citoyennetĂ© prussienne ; l’entrĂ©e dans la fonction publique leur est interdite et ils sont trĂšs peu impliquĂ©s dans les carriĂšres artistiques en gĂ©nĂ©ral et musicales en particulier.

Le futur compositeur est l’aĂźnĂ© de quatre frĂšres, ses trois cadets Ă©tant Heinrich (nĂ© en 1794), Wilhelm (nĂ© le ) et Michael (nĂ© le ). Ces deux derniers deviendront Ă©galement cĂ©lĂšbres : Wilhelm sera un banquier et un conseiller en affaires, mais il consacrera surtout une grande partie de son temps libre Ă  effectuer des Ă©tudes astronomiques depuis son observatoire installĂ© sur le toit de la maison familiale dans le quartier du Tiergarten de Berlin : il sera le premier Ă  publier en 1824, en collaboration avec Johann Heinrich von MĂ€dler, une cartographie de la lune[3]. Michael, qui mourra prĂ©maturĂ©ment Ă  l’ñge de 32 ans, connaĂźtra un certain succĂšs avec ses piĂšces de thĂ©Ăątre Clytemnestre (1819), Le Paria (1823) et surtout Struensee (1829), considĂ©rĂ© comme son chef-d’Ɠuvre[4].

Portrait de Meyerbeer Ă  l'Ăąge de 11 ans par Friedrich Georg Weitsch

Amalia s’attache Ă  ce que sa maison soit rĂ©gie selon les principes Ă©tablis dans la haute sociĂ©tĂ© de l’époque, en attirant l’élite intellectuelle, des membres de la Cour et des artistes. C’est ainsi que, dĂšs l’enfance, le petit Jakob est en contact avec les plus grands musiciens de son temps. ConformĂ©ment aux usages de la sociĂ©tĂ© aisĂ©e, il est instruit par des professeurs particuliers. En matiĂšre de musique, il reçoit les enseignements de Franz Lauska (en) (1764-1825), le professeur de piano de la Cour qui commence Ă  lui donner des leçons dĂšs 1798, mais aussi de Muzio Clementi (1752-1832) ou de l’abbĂ© Vogler lorsque ces derniers sĂ©journent chez les Beer[3]. Il joue pour la premiĂšre fois en public le le concerto pour piano en rĂ© mineur de Mozart, ainsi que des variations de son maĂźtre Lauska ; il acquiert trĂšs vite une rĂ©putation de pianiste brillant. De 1803 Ă  1807, il Ă©tudie la composition de façon irrĂ©guliĂšre avec Carl Friedrich Zelter (professeur de Felix Mendelssohn) et achĂšve le sa premiĂšre sonate pour piano[3]. DĂ©jĂ  attirĂ© par l’opĂ©ra, il devient ensuite l’élĂšve de Bernhard Anselm Weber (1766-1821) qui est alors le chef d’orchestre de l’OpĂ©ra royal de Berlin. C’est Ă  cette Ă©poque qu’il compose sa premiĂšre Ɠuvre scĂ©nique, le ballet-pantomime Der Fischer und das MilchmĂ€dchen, qui est crĂ©Ă© au ThĂ©Ăątre royal de Berlin le .

Le , il se rend Ă  Darmstadt pour recevoir l’enseignement (jusqu’en 1811) de l’abbĂ© Vogler[5] chez lequel il a pour compagnon d’étude Carl Maria von Weber, avec lequel il nouera une profonde et durable amitiĂ©. C’est lĂ  que le jeune Jakob fait son vĂ©ritable apprentissage artistique, approfondissant ses connaissances en matiĂšre de contrepoint et de composition dramatique. Il continue de cultiver ses talents de pianiste, son condisciple Carl Maria von Weber n’hĂ©sitant pas Ă  dire de lui en 1815 que ses talents l’ont « mis au rang de l’un des premiers, sinon mĂȘme du premier pianiste de [son] temps »[6]. Vogler encourage Ă©galement son Ă©lĂšve Ă  devenir organiste, espĂ©rant mĂȘme pour lui une carriĂšre de virtuose sur cet instrument. Il l’initie enfin aux aspects extra-musicaux de la carriĂšre de compositeur : il fait ainsi Ă©tudier Ă  ses Ă©lĂšves les courriers qu’il Ă©change avec son propre Ă©diteur afin de leur recommander les pratiques les plus avantageuses en la matiĂšre. Enfin, il incite ses disciples (au nombre desquels, outre Meyerbeer, on compte Carl Maria von Weber, Gottfried Weber, Johann Baptist GĂ€nsbacher et Alexander von Dusch) Ă  fonder une « Harmonischer Verein » (sociĂ©tĂ© harmonique) oĂč chaque membre a pour but de faire connaĂźtre et de propager la musique composĂ©e par ses condisciples[3].

À Darmstadt, il compose en 1811 un oratorio Gott und die Natur (crĂ©Ă© Ă  Berlin le ), suivi d’un opĂ©ra Jephthas GelĂŒbde (Munich, )[7]. À la suite du dĂ©cĂšs de son grand-pĂšre maternel survenu le , il accole Ă  son nom « Beer » son troisiĂšme prĂ©nom « Meyer » qui lui avait Ă©tĂ© donnĂ© en l’honneur de son aĂŻeul, et se fait dĂ©sormais appeler Meyer-Beer, puis Meyerbeer (en un seul mot). C’est Ă©galement Ă  cette Ă©poque que le jeune compositeur fait le serment solennel Ă  sa mĂšre de ne jamais se convertir et de rester fidĂšle Ă  la religion de ses parents[3].

Beethoven en 1814, peu aprĂšs sa rencontre avec Meyerbeer.

Son singspiel, Wirt und Gast, oder Aus Scherz Ernst (crĂ©Ă© Ă  Stuttgart le ) essuie un Ă©chec. Il le rĂ©vise pour ĂȘtre reprĂ©sentĂ© Ă  Vienne () sous le titre Die beiden Kalifen, mais l’ouvrage ne rĂ©ussit pas mieux en raison d’un nombre de rĂ©pĂ©titions insuffisant. Becker[3] attribue Ă  cette expĂ©rience malheureuse le souci maniaque qu’aura par la suite le compositeur de superviser de façon trĂšs Ă©troite toutes les rĂ©pĂ©titions de ses futures crĂ©ations. Meyerbeer tente de se faire remarquer Ă  Vienne comme pianiste dans les cercles privĂ©s. Le soir de son arrivĂ©e cependant, il assiste Ă  un concert de Hummel ; il est tellement subjuguĂ© par l’exceptionnel talent de pianiste de ce dernier qu’il dĂ©cide de se retirer pendant dix mois afin de revoir entiĂšrement sa technique de jeu. Il compose Ă©galement Ă  cette Ă©poque de trĂšs nombreuses piĂšces pour pianoforte, qui ne seront pas publiĂ©es. Estimant qu’il est dĂ©sormais prĂȘt Ă  affronter le public, il donne son premier concert Ă  Vienne, qui fait sensation. FĂ©tis rapporte le sentiment de Moscheles, selon lequel peu de pianistes auraient pu rivaliser avec Meyerbeer si ce dernier avait dĂ©cidĂ© d’embrasser une carriĂšre de virtuose[8]. Il participe Ă©galement, en tant que percussionniste, Ă  la crĂ©ation, le , de La Bataille de Vittoria de Beethoven sous la direction du compositeur ; selon des tĂ©moignages indirects, ce dernier n’aurait d’ailleurs pas Ă©tĂ© satisfait de la prestation par trop hĂ©sitante de Meyerbeer[3]. Il rencontre Ă©galement le compositeur Louis Spohr qui travaille sur son Faust et qui lui demande de jouer au piano les morceaux au fur et Ă  mesure de leur composition, en raison de l’excellence de sa technique pianistique[3].

En , il se rend pour la premiĂšre fois Ă  Paris oĂč il Ă©cume, Ă©merveillĂ©, thĂ©Ăątres, salles de concerts, musĂ©es et bibliothĂšques. AprĂšs avoir sĂ©journĂ© prĂšs d’un an dans la capitale française, il visite Londres avec le mĂȘme enthousiasme et assiste aux concerts des plus fameux pianistes de l’époque : Ferdinand Ries, August Alexander Klengel, Johann Baptist Cramer ou Friedrich Kalkbrenner.

1816-1824 : Les premiers succĂšs en Italie

Portrait de Rossini vers 1815 par Vincenzo Camuccini.

En 1816, il se rend en Italie (sans doute sur les conseils d'Antonio Salieri) oĂč il assiste Ă  une reprĂ©sentation du Tancredi de Gioachino Rossini. Ce spectacle est une vĂ©ritable rĂ©vĂ©lation, comme en tĂ©moigne une lettre Ă©crite en 1856 (citĂ© par Henri de Curzon[6]) :

« L’Italie entiĂšre se plongeait alors avec dĂ©lices en une sorte de douce extase ; il semblait que toute cette race eĂ»t enfin trouvĂ© son paradis longtemps espĂ©rĂ©, et qu’il ne lui manquĂąt plus, pour atteindre au bonheur, que la musique de Rossini. Pour moi, j’étais attirĂ© comme les autres, tout Ă  fait indĂ©pendamment de ma volontĂ©, dans ces fins rets sonores ; j’étais comme ensorcelĂ© dans un parc magique dont je ne voulais pas, dont je ne pouvais pas m’évader. Toutes mes facultĂ©s, toutes mes pensĂ©es devenaient italiennes : quand j’eus vĂ©cu une annĂ©e lĂ -bas, il me semblait ĂȘtre italien de naissance. Je m’étais si complĂštement acclimatĂ© Ă  cette magnifique splendeur de la nature, Ă  cet art italien, Ă  cette vie gaie et facile, que je ne pouvais, par une suite naturelle, penser qu’en italien, sentir et Ă©prouver qu’en italien. Qu’une transformation aussi totale de ma vie intĂ©rieure dĂ»t avoir la plus essentielle influence sur mon genre de compositions, on le comprend assez. Je ne voulais pas, comme on se l’imagine, imiter Rossini ni Ă©crire Ă  l’italienne, mais il me fallait composer dans le style que j’ai adoptĂ©, parce que mon Ă©tat d’ñme m’y contraignait. »

Il parcourt toute l’Italie et recueille des chants populaires en Sicile. Il rencontre Ă©galement le librettiste Gaetano Rossi qui Ă©crit le texte de sa cantate pastorale, Gli amori di Teolinda, et avec lequel il collaborera souvent par la suite.

Gravure colorĂ©e d'Alessandro Sanquirico reprĂ©sentant l'arrivĂ©e du bateau des croisĂ©s dans le port de Damiette Ă  la scĂšne 3 de l’Acte I du Crociato lors de la crĂ©ation de l’opĂ©ra Ă  La Fenice de Venise en 1824.

Les opĂ©ras qu'il compose Ă  cette Ă©poque lui assurent une notoriĂ©tĂ© croissante : Romilda e Costanza (Padoue, ) ; Semiramide riconosciuta (Turin, ) ; Emma di Resburgo (Venise, ) qui sera par la suite traduit en allemand et reprĂ©sentĂ© Ă  Dresde, Berlin, Francfort, Munich, Stuttgart, Vienne, Barcelone et Varsovie ; Margherita d'Anjou (Milan, ) qui gagne bientĂŽt, soit dans sa version originale, soit dans des traductions en allemand ou en français, Munich, Barcelone, Paris, Bruxelles, Londres, Graz, Berlin, Budapest, Prague, Ljubljana, Amsterdam, Madrid, Lisbonne et La Haye ; L'esule di Granata (Milan, ) et enfin Il crociato in Egitto () qui est crĂ©Ă© Ă  Venise. Ce dernier ouvrage recueille un immense succĂšs, Meyerbeer Ă©tant placĂ© par le public italien Ă  un niveau d’égalitĂ© avec Rossini. Il Crociato est reprĂ©sentĂ© de façon triomphale au King’s Theater de Londres () et au ThĂ©Ăątre italien de Paris (). Le succĂšs parisien est tel que le roi de Prusse FrĂ©dĂ©ric-Guillaume III, arrivĂ© le lendemain de la premiĂšre, dĂ©cide d’assister Ă  la deuxiĂšme reprĂ©sentation afin d’apprĂ©cier par lui-mĂȘme l’Ɠuvre qui fait courir toute la capitale française[3].

C’est en l’honneur du pays oĂč il a remportĂ© ses premiers succĂšs que le compositeur italianise son prĂ©nom, se prĂ©sentant dĂ©sormais sous le nom de Giacomo Meyerbeer.

1825-1841 : Les triomphes parisiens

Si Meyerbeer dĂ©cide de ne pas se rendre Ă  Londres pour la premiĂšre de son Crociato, il arrive dĂšs le Ă  Paris pour superviser les rĂ©pĂ©titions de ce mĂȘme ouvrage. Il profite de l'occasion pour s’installer dans la capitale française oĂč il prĂ©fĂšre suivre Rossini plutĂŽt que de rester en Italie sans celui qu'il considĂšre comme son maĂźtre (alors que Rossini est de six mois son cadet).

En fait, Meyerbeer songeait depuis quelques annĂ©es dĂ©jĂ  Ă  poursuivre sa carriĂšre Ă  Paris comme en tĂ©moigne l’extrait d’une lettre datĂ©e du et adressĂ©e Ă  la basse Nicolas-Prosper Levasseur qui avait participĂ© Ă  la crĂ©ation italienne de Margherita d'Anjou et qui sera le seul interprĂšte Ă  chanter aux premiĂšres de Robert le Diable, Les Huguenots et Le ProphĂšte (citĂ© par Henri de Curzon[6]) :

« Vous me demandez s’il serait sans attrait pour moi de travailler pour la scĂšne française. Je vous assure que je serais bien plus glorieux de pouvoir avoir l’honneur d’écrire pour l’OpĂ©ra français, que pour tous les thĂ©Ăątres italiens (sur les principaux desquels, d’ailleurs, j’ai dĂ©jĂ  donnĂ© de mes ouvrages).

OĂč trouver ailleurs qu’à Paris les moyens immenses qu’offre l’OpĂ©ra français Ă  un artiste qui dĂ©sire Ă©crire de la musique vĂ©ritablement dramatique? Ici, nous manquons absolument de bons poĂšmes d’opĂ©ra, et le public ne goĂ»te qu’un seul genre de musique. À Paris, il y a d’excellents poĂšmes, et je sais que votre public accueille indistinctement tous les genres de musique, s’ils sont traitĂ©s avec gĂ©nie. Il y a donc un champ bien plus vaste pour le compositeur qu’en Italie. »

Cet intĂ©rĂȘt pour la scĂšne lyrique parisienne semble en fait s’ĂȘtre manifestĂ© trĂšs tĂŽt. Jackson[9] cite une lettre adressĂ©e par Meyerbeer Ă  son pĂšre en et dans laquelle il indique que « depuis des annĂ©es, vous savez que je considĂšre Paris comme l’arĂšne idĂ©ale pour mon apprentissage dans la musique dramatique et que j’ai toujours eu une grande passion pour l’opĂ©ra français. »

EugĂšne Scribe, vers 1834 : lithographie de Bernard-Romain Julien.

Son dĂ©sir de rĂ©sider Ă  Paris est tel qu’il n’hĂ©site pas Ă  abandonner le projet d’un nouvel opĂ©ra italien Ines di Castro, sur un livret de son ami Gaetano Rossi[3]. Il prĂ©fĂšre adapter pour la scĂšne française son opĂ©ra Margherita d'Anjou, qui est reprĂ©sentĂ© le , et travaille quelque temps sur une Ă©bauche de pasticcio de ses opĂ©ras italiens intitulĂ©e La Nymphe du Danube.

AprĂšs la mort de son pĂšre survenue le , il se doit, selon la tradition juive, de crĂ©er un foyer dĂšs que possible en tant que fils aĂźnĂ© de la famille. Il Ă©pouse Ă  Berlin le sa cousine Minna Mosson (1804-1886), qui est la fille de l’une des sƓurs cadettes de sa mĂšre. Les deux premiers bĂ©bĂ©s du couple, EugĂ©nie et Alfred, meurent en bas Ăąge, contrairement Ă  leur troisiĂšme enfant, Blanca, qui naĂźt le Ă  Baden-Baden, oĂč Minna a pris l’habitude de passer la pĂ©riode estivale[3].

Sous la protection de Luigi Cherubini, il entame le une fructueuse collaboration avec le librettiste EugĂšne Scribe. Leur premiĂšre Ɠuvre commune, Robert le Diable, est crĂ©Ă©e Ă  l'OpĂ©ra le oĂč il est l'« un des plus grands triomphes de tous les temps[10] ». Meyerbeer devient membre Ă©tranger de l’AcadĂ©mie des beaux-arts de Paris et est Ă©levĂ© Ă  la dignitĂ© de Chevalier de la LĂ©gion d’honneur le . AprĂšs La Muette de Portici de Daniel-François-Esprit Auber (1828) et Guillaume Tell, le dernier opĂ©ra de Rossini (1829), Robert pose les bases de ce qui deviendra le « Grand opĂ©ra », nouveau genre (dont les principales caractĂ©ristiques sont celles d’ĂȘtre un drame sur fond historique, aux situations tragiques, avec des dĂ©cors et des ballets fastueux) dans lequel nombre de compositeurs se sentent dĂ©sormais obligĂ©s de faire leurs preuves. La consĂ©cration passe en effet dĂ©sormais par Paris oĂč Donizetti, Verdi et mĂȘme Wagner chercheront Ă  briller Ă  l'Ă©gal de Meyerbeer.

Trio de l'Acte V de Robert le Diable peint par François-Gabriel Lépaulle vers 1835

Robert est reprĂ©sentĂ© sur les plus grandes scĂšnes d’Europe : la crĂ©ation londonienne officielle est prĂ©vue le au King’s Theatre, mais la rĂ©putation de l’ouvrage et l’impatience du public sont telles que trois autres thĂ©Ăątres vont programmer avant cette date des versions non autorisĂ©es : ainsi, The Devil’s Son est crĂ©Ă© Ă  l’Adelphi Theatre le , The Daemon au Drury Lane Theatre le et The Fiend Father of Robert of Normandie Ă  Covent Garden le .

Meyerbeer retourne Ă  Berlin le pour superviser la premiĂšre qui a lieu le : l’accueil y est beaucoup plus rĂ©servĂ© qu’à Londres, le critique musical Ludwig Rellstab Ă©crivant mĂȘme qu’à sa connaissance, Meyerbeer « n’a jamais composĂ© de musique qui soit bonne, sans mĂȘme parler de musique qui soit belle ». Il rejoint au dĂ©but du mois de juillet son Ă©pouse Ă  Baden-Baden, puis part se reposer Ă  Bad Schwalbach, une station thermale allemande.

À cette Ă©poque, il entreprend une collaboration avec Alexandre Dumas sur deux projets : un grand-opĂ©ra pour Paris intitulĂ© Les Brigands et un opĂ©ra pour Berlin qui a pour titre La Branche d’if ; malheureusement, aucun de ces deux projets n’aboutira, et dĂšs le , Meyerbeer a fixĂ© son choix de prochain opĂ©ra sur Les Huguenots dont le livret est Ă  nouveau signĂ© par EugĂšne Scribe[3].

Duo de l'Acte IV des Huguenots peint par Camille Roqueplan

Meyerbeer quitte Paris le pour passer l’essentiel de l’hiver avec son Ă©pouse Ă  Francfort. Puis la famille se rend Ă  Baden-Baden dĂ©but mars. C’est lĂ  qu’il apprend la mort de son plus jeune frĂšre Michael Beer, survenue Ă  Munich, le .

La composition des Huguenots est totalement interrompue lorsque la santĂ© de Minna se dĂ©grade brutalement. Les mĂ©decins recommandent au couple de s’établir quelque temps dans des contrĂ©es plus chaudes et Meyerbeer dĂ©cide de gagner l’Italie oĂč il arrive le . Louis VĂ©ron, le directeur de l’OpĂ©ra de Paris, furieux de constater que l’opĂ©ra ne sera pas prĂȘt Ă  la date prĂ©vue, menace Meyerbeer de lui faire payer la pĂ©nalitĂ© de 30 000 francs pour cause de rupture de contrat s’il ne tient pas ses engagements. Le compositeur refuse de cĂ©der et fait envoyer les 30 000 francs. MalgrĂ© son dĂ©part, Meyerbeer reprend le travail de composition et adapte certaines scĂšnes en s’inspirant de Norma de Bellini qui lui a fait une forte impression. Il renoue Ă©galement avec Gaetano Rossi qui lui avait fourni les livrets de trois de ses opĂ©ras italiens. Ils dĂ©veloppent ensemble le personnage de Marcel, le vieux serviteur protestant, qui prend une ampleur qu’il n’avait pas dans le livret initial.

AprĂšs le dĂ©part de VĂ©ron, les contacts avec l’OpĂ©ra de Paris sont renouĂ©s et les rĂ©pĂ©titions des Huguenots commencent en . Sans se lasser, Meyerbeer fait rĂ©pĂ©ter les chanteurs individuellement, mais aussi les chƓurs et les morceaux d’ensemble. En outre, de nombreuses modifications sont effectuĂ©es dans la partition pour rĂ©pondre aux exigences de la censure, mais aussi Ă  des demandes de Scribe qui souhaite corriger certaines scĂšnes afin de les rendre plus efficaces ou du tĂ©nor Adolphe Nourrit qui rĂ©clame un duo d’amour Ă  la fin du quatriĂšme acte entre Valentine et Raoul, le personnage qu’il interprĂšte : ce rajout, non prĂ©vu dans le livret initial, va devenir le morceau le plus cĂ©lĂšbre de tout l’opĂ©ra. La crĂ©ation a lieu le et remporte un triomphe encore plus absolu que celui de Robert. Le , la recette atteint, pour la premiĂšre fois de l’histoire de l’OpĂ©ra de Paris, le montant record de 11 300 francs. Entre 1836 et 1900, Les Huguenots est la premiĂšre Ɠuvre Ă  atteindre le nombre de 1 000 reprĂ©sentations Ă  l’OpĂ©ra[3].

Portrait de Cornélie Falcon en 1837 par Louis EugÚne CordÚs.

En 1836, Meyerbeer et Scribe commencent Ă  travailler sur un nouvel opĂ©ra Le ProphĂšte. Ils Ă©laborent aussi Ă  partir d’ les premiĂšres esquisses de L'Africaine, opĂ©ra destinĂ© Ă  la cĂ©lĂšbre CornĂ©lie Falcon. NĂ©anmoins, cette derniĂšre a perdu sa voix lors d’une reprĂ©sentation de Stradella (en) de Louis Niedermeyer le et Meyerbeer doit abandonner (provisoirement) la partition. Il reprend alors Le ProphĂšte tout en parcourant l’Allemagne (Gotha, Francfort, Karlsruhe, Cassel, Berlin, Schlangenbad, Schwalbach, Baden-Baden, Heidelberg, Dresde, Alexisbad, Leipzig) afin de veiller Ă  la qualitĂ© des reprĂ©sentations de Robert le Diable et des Huguenots[4].

Il retourne finalement à Berlin afin de se consacrer davantage à sa famille aprÚs la naissance de ses deux derniÚres filles CÀcilie (le ) et Cornelie (le ) alors que la mauvaise santé de son épouse Minna ne cesse de le préoccuper.

MalgrĂ© les triomphes qu’il y a remportĂ©s, plusieurs Ă©vĂ©nements vont en effet inciter Meyerbeer Ă  quitter Paris[4]. En premier lieu, Minna n’a jamais pu s’habituer Ă  la vie parisienne et elle obtient de son Ă©poux l’autorisation de s’installer dĂ©finitivement Ă  Berlin avec ses filles. En outre, le changement de direction Ă  la tĂȘte de l’OpĂ©ra de Paris avec l’arrivĂ©e de LĂ©on Pillet en 1840 va distendre les liens tissĂ©s depuis la crĂ©ation de Robert. MĂȘme si le contact n’a jamais Ă©tĂ© vraiment rompu avec Pillet, le compositeur a beaucoup de mal Ă  supporter les caprices de la cantatrice Rosine Stoltz qui profite de sa liaison avec le directeur pour imposer ses vues en matiĂšre de distribution et pour faire rĂ©gner un climat dĂ©lĂ©tĂšre. Bien que Le ProphĂšte soit terminĂ© dĂšs le mois de , Meyerbeer n’autorisera jamais sa production Ă  l’OpĂ©ra avant la dĂ©mission de Pillet en 1847. À l’exception des six derniers mois des annĂ©es 1842 et 1843 qu’il passe Ă  Paris, Meyerbeer rĂ©side dĂ©sormais principalement Ă  Berlin.

1842-1848 : Fonctions officielles en Allemagne

Portrait du roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV, vers 1842-1844.

La mort en 1840 du roi de Prusse FrĂ©dĂ©ric-Guillaume III et l’accession au trĂŽne de son fils aĂźnĂ© FrĂ©dĂ©ric-Guillaume IV va se rĂ©vĂ©ler bĂ©nĂ©fique pour Meyerbeer. Suivant les conseils du naturaliste Alexander von Humboldt, le nouveau roi va en effet adopter des mesures beaucoup plus libĂ©rales et encourager l’émancipation des juifs de Prusse. Il commande la premiĂšre des Huguenots Ă  Berlin le (l’Ɠuvre Ă©tait jusque-lĂ  interdite par la censure pour des raisons religieuses) et honore le compositeur de la distinction nouvellement crĂ©Ă©e Pour le mĂ©rite des arts et des sciences, le .

Au dĂ©part de Spontini, il nomme Meyerbeer Generalmusikdirektor (directeur gĂ©nĂ©ral de la musique) de l’OpĂ©ra royal de Prusse et superviseur de la musique de la Cour royale le . La direction de la musique sacrĂ©e est quant Ă  elle confiĂ©e Ă  un autre compositeur d’origine juive, mais converti au protestantisme, Felix Mendelssohn. La nomination de Meyerbeer est particuliĂšrement importante puisque c’est la premiĂšre fois qu’un Juif occupe une fonction officielle en Prusse : il s’agit pour la famille Beer, et pour l’ensemble des Juifs prussiens, d’une Ă©minente reconnaissance sur le plan social et d’un signe clair d’ouverture[4].

Meyerbeer compose un certain nombre d’Ɠuvres pour des circonstances officielles, notamment l’opĂ©ra Ein Feldlager in Schlesien (« Le camp de SilĂ©sie ») crĂ©Ă© le pour la rĂ©ouverture de l’OpĂ©ra aprĂšs sa destruction dans un incendie et qui ne sera couronnĂ© de succĂšs que lorsque Jenny Lind sera appelĂ©e par Meyerbeer pour chanter le premier rĂŽle. Parmi les autres Ɠuvres commandĂ©es par le roi, il faut citer la musique de scĂšne pour la piĂšce de thĂ©Ăątre Struensee Ă©crite par le frĂšre dĂ©funt du compositeur Michael Beer ().

Jenny Lind, interprĂšte du rĂŽle principal du Feldlager in Schlesien.

L’essentiel des activitĂ©s officielles de Meyerbeer consiste Ă  diriger l’OpĂ©ra royal pour lequel il monte notamment Armide et IphigĂ©nie en Tauride de Gluck, Don Giovanni et La FlĂ»te enchantĂ©e de Mozart, Fidelio de Beethoven, Le Roi d'Yvetot d’Adam, Faust de Spohr, Der FreischĂŒtz et Euryanthe de Carl Maria von Weber, La sonnambula de Bellini, mais aussi Le Vaisseau fantĂŽme (en 1844) et Rienzi (Ă  l’occasion de l’anniversaire du roi en 1847) de Wagner.

En tant que directeur, il cherche Ă  amĂ©liorer la rĂ©munĂ©ration des membres de l’orchestre et du chƓur en soutenant leurs demandes d’augmentations salariales[3], en redistribuant son salaire et ses droits d’auteur lorsque ses opĂ©ras sont reprĂ©sentĂ©s. Il soutient la crĂ©ation en Ă©tablissant que les compositeurs reçoivent 10 % des recettes sur leurs Ɠuvres et en faisant en sorte qu’il y ait au moins trois opĂ©ras composĂ©s par des musiciens allemands vivants Ă  chaque saison. Il est Ă©galement trĂšs pris par l’organisation des concerts de la Cour pour laquelle il compose ponctuellement quelques Ɠuvres de circonstance (comme Das Hoffest von Ferrara pour un bal masquĂ© le )[4].

La tĂąche va cependant s’avĂ©rer de plus en plus lourde et pĂ©nible pour Meyerbeer. Il est en effet en butte aux intrigues incessantes de l’intendant de l’OpĂ©ra, Karl Theodor von KĂŒstner, qui remet en cause ses qualitĂ©s de chef d’orchestre[11] et souligne son « Ă©loignement du goĂ»t allemand ». LassĂ©, le compositeur obtient des autorisations d’absence de plus en plus longues, puis demande de ne plus s’occuper que de l'organisation des concerts de la Cour (fonction qu’il assumera jusqu’à sa mort). Il quitte officiellement ses fonctions de Generalmusikdirektor le et part pour Vienne pour superviser les reprĂ©sentations d’une version modifiĂ©e du Feldlager dont la premiĂšre, qui a lieu le sous le titre de Vielka, est un nouveau succĂšs pour Meyerbeer et son interprĂšte principale, le « rossignol suĂ©dois » Jenny Lind[4].

Il retourne Ă  Berlin afin d’organiser un long sĂ©jour rĂ©parateur Ă  Franzensbad. C’est dans cette ville thermale de BohĂȘme qu’il apprend le le changement de direction Ă  l’OpĂ©ra de Paris. LĂ©on Pillet est remplacĂ© par Nestor Roqueplan et Henri Duponchel qui reprennent immĂ©diatement contact avec Meyerbeer dans le but de monter Le ProphĂšte dĂšs que possible. AssurĂ© de pouvoir choisir les interprĂštes qu’il souhaite, Meyerbeer rentre Ă  Paris et engage Pauline Viardot et, aprĂšs quelques hĂ©sitations, Gustave-Hippolyte Roger pour tenir les rĂŽles principaux. Il rĂ©vise entiĂšrement sa partition, ainsi que le livret, afin de les adapter au mieux aux capacitĂ©s de ses chanteurs tandis qu’éclate la rĂ©volution de 1848 Ă  laquelle il assiste en tĂ©moin fascinĂ©[4].

1849-1864 : Les derniÚres années

Scùne de l’exorcisme du Prophùte : tableau d’Edward Henry Corbould (1815-1905).

Les rĂ©pĂ©titions du ProphĂšte s’étalent d’ Ă  . Au cours d’innombrables sĂ©ances, Meyerbeer prĂ©pare d’abord les chanteurs principaux, puis le chƓur ; il obtient Ă©galement 33 rĂ©pĂ©titions avec l’orchestre. Ces efforts sont couronnĂ©s par un nouveau triomphe lors de la crĂ©ation le qui marque selon R. I. Letellier[4] le point culminant de la carriĂšre artistique du compositeur. Jamais plus en effet il ne connaĂźtra un succĂšs d’une telle ampleur. Les dix premiĂšres reprĂ©sentations dĂ©gagent des recettes record, comprises entre 9 000 et 10 000 francs chacune. Meyerbeer reçoit un total de 44 000 francs pour la publication de sa partition, soit un montant encore jamais atteint jusqu’alors[3]. Le lever de soleil Ă  l'acte III Ă©tait spectaculaire : il Ă©tait dĂ» Ă  une lampe Ă  arc Ă©lectrique que l'ingĂ©nieur Jules Dubosq, chef Ă©clairagiste de l'OpĂ©ra, venait de mettre au point.

Peu aprĂšs la crĂ©ation, Meyerbeer retourne Ă  Berlin. Mais, il reprend vite son bĂąton de pĂšlerin afin de pouvoir superviser les premiĂšres de son opĂ©ra, d’abord Ă  Dresde le , puis Ă  Vienne le (L'archiduchesse Sophie, mĂšre de l'empereur, assistera Ă  plusieurs reprĂ©sentations et parlera de musique "divine") et enfin Ă  Berlin le de la mĂȘme annĂ©e. Entre-temps (le ), il a la douleur de perdre son frĂšre Wilhelm auquel il Ă©tait trĂšs attachĂ©. Il retourne ensuite Ă  Paris pour assister Ă  une reprise Ă  l’OpĂ©ra avec Marietta Alboni qui interprĂšte pour la premiĂšre fois le rĂŽle de FidĂšs, la mĂšre du ProphĂšte. À la fin de 1850, Meyerbeer note dans son journal que son opĂ©ra a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ© dans une quarantaine de thĂ©Ăątres dans le monde entier.

Les dĂ©corations pleuvent : aprĂšs avoir Ă©tĂ© le premier sujet prussien Ă  ĂȘtre honorĂ© du titre de Commandeur de la LĂ©gion d’honneur (le ), Meyerbeer reçoit de l’universitĂ© d’IĂ©na le titre de docteur honoris causa (le ). Il est Ă©galement distinguĂ© par le royaume de Saxe (la Croix de Chevalier de l’Ordre royal saxon du MĂ©rite lui est remise le ), l'empire d’Autriche (il reçoit le grade de chevalier de l’ordre autrichien de François-Joseph le ) et le royaume de BaviĂšre (1853). Le roi de Prusse FrĂ©dĂ©ric-Guillaume IV commande au peintre Carl Joseph Begas un portrait du compositeur pour sa galerie des Prussiens contemporains cĂ©lĂšbres (1851) et la reine Victoria lui envoie un cadeau prĂ©cieux en gage de son estime et de son admiration (1852)[4].

Buste de Giacomo Meyerbeer à Spa. Meyerbeer a séjourné plusieurs fois dans cette mondaine ville d'eau belge.

À partir de 1851, Meyerbeer va rĂ©sider la plupart du temps Ă  Berlin avec sa famille, en participant Ă  la vie artistique particuliĂšrement riche de la citĂ©. Le matin, il travaille ; il reçoit et tient sa correspondance l’aprĂšs-midi et sort presque chaque soir pour aller au concert ou au thĂ©Ăątre. Sa santĂ© commence cependant Ă  se dĂ©tĂ©riorer et il passe dĂ©sormais chaque Ă©tĂ© des annĂ©es 1850 Ă  1856 Ă  Spa, ville thermale Belge qu’il affectionne tout particuliĂšrement, comme en tĂ©moignent les nombreuses rĂ©fĂ©rences dans son journal (seule l’annĂ©e 1853 fait exception, Meyerbeer ayant prĂ©fĂ©rĂ© se rendre en France Ă  Dieppe). La ville de Spa lui Ă©rigera un monument, honneur que ne lui rĂ©servera jamais Berlin, sa ville natale.

En tant que compositeur officiel de la Cour, il ne peut se dĂ©rober Ă  certaines obligations telles que la participation aux sĂ©ances de l’AcadĂ©mie des Arts de Berlin (Ă  laquelle il a Ă©tĂ© nommĂ© le ), Ă  la rĂ©daction de rapports sur la vie musicale et Ă  la supervision des concerts de la Cour : c’est en effet lui qui choisit le programme et les artistes de ces concerts.

Meyerbeer reçoit Ă©galement chaque annĂ©e des commandes : en 1850, il compose sa deuxiĂšme Marche aux flambeaux pour le mariage de la princesse Charlotte de Prusse, niĂšce du roi avec le prince hĂ©ritier de Saxe-Meiningen. En 1851, il Ă©crit le chƓur Fredericus Magnus qui doit ĂȘtre insĂ©rĂ© dans une reprĂ©sentation spĂ©ciale de son Feldlager in Schlesien ainsi qu’une Ode Ă  Rauch Ă  l’occasion de l’inauguration du monument sculptĂ© par Christian Daniel Rauch et dĂ©diĂ© Ă  FrĂ©dĂ©ric "le Grand". En 1852, la cantate Maria und ihr Genius cĂ©lĂšbre les noces d’argent du prince Charles de Prusse et de la princesse Marie de Saxe-Weimar-Eisenach. En 1853, le mariage de la princesse Anne de Prusse, niĂšce du roi avec le prince FrĂ©dĂ©ric de Hesse-Cassel fournit l’occasion de composer la troisiĂšme Marche aux flambeaux. Mais l’Ɠuvre de circonstance la plus significative est sans doute le Psaume XCI Ă©crit Ă  la demande du roi de Prusse pour le chƓur de la cathĂ©drale et qui est restĂ© l’Ɠuvre religieuse la plus cĂ©lĂšbre composĂ©e par Meyerbeer.

De 1849 Ă  1853, Meyerbeer se consacre Ă©galement Ă  la composition d’un opĂ©ra-comique pour Paris intitulĂ© L'Étoile du Nord, rĂ©utilisant une partie de la musique de son Feldlager. Il fait appel Ă  Scribe pour composer un livret qui situe l’action en Russie du temps de Pierre le Grand. Les rĂ©pĂ©titions commencent en dans un contexte de plus en plus tendu compte tenu de la montĂ©e des tensions liĂ©es Ă  la guerre de CrimĂ©e. Certains voient en effet d’un assez mauvais Ɠil la crĂ©ation d’une Ɠuvre dont les hĂ©ros sont russes alors que les relations avec la Russie se dĂ©gradent rapidement et il est nĂ©cessaire que l’Empereur intervienne personnellement afin d’autoriser la premiĂšre de l’opĂ©ra le [4].

MalgrĂ© la mort de sa mĂšre bien-aimĂ©e le , Meyerbeer entreprend une grande tournĂ©e pendant les annĂ©es 1854-1855 pour superviser les premiĂšres de L’Étoile du Nord Ă  Stuttgart[12] (le ), Dresde (le ), Londres (le ) et Vienne (le ). TĂ©moin du succĂšs de ce nouvel opus, la centiĂšme reprĂ©sentation Ă  l’OpĂ©ra-Comique a lieu pour le premier anniversaire de la crĂ©ation, le [3], et l’on compte 164 reprĂ©sentations de l’Ɠuvre pendant les deux premiĂšres annĂ©es[6].

Affiche de la création du Pardon de Ploërmel.

AprĂšs L’Étoile du Nord, il dĂ©cide de composer pour la soprano colorature Marie Cabel un nouvel opĂ©ra-comique intitulĂ© Le Pardon de PloĂ«rmel qui sera popularisĂ© Ă  l’étranger sous le nom de Dinorah. Cette fois, le livret est signĂ© par Barbier et CarrĂ©. Cette Ɠuvre mobilise ses capacitĂ©s crĂ©atrices pendant cinq ans, de 1854 Ă  1859, et met en pĂ©ril sa collaboration avec Scribe qui accepte difficilement de ne pas avoir Ă©tĂ© choisi. Afin d’apaiser son ami, Meyerbeer s’engage Ă  reprendre le travail sur L’Africaine dont Scribe lui a fourni une nouvelle version dĂ©finitive le : l’histoire qui narrait initialement les tribulations du conquistador espagnol Hernando de Soto en Afrique s’attache maintenant aux voyages du navigateur portugais Vasco de Gama jusqu’en Inde via le Cap de Bonne EspĂ©rance.

Le compositeur passe les quatre premiers mois de 1856 en Italie pour ce qui est son sĂ©jour le plus long dans le pays depuis qu’il y a connu ses premiers succĂšs. RĂ©sidant Ă  Venise, il voyage dans tout le nord et le centre de l’Italie, assistant Ă  des spectacles et des concerts, Ă©tudiant avec intĂ©rĂȘt les performances des diffĂ©rents artistes, et plus particuliĂšrement des chanteurs, et revoyant d’anciens amis rencontrĂ©s il y a plus de trente ans. Il s’intĂ©resse tout particuliĂšrement aux opĂ©ras de Verdi et se rend Ă  des reprĂ©sentations de La Traviata Ă  Venise (), I masnadieri Ă  Brescia (), Rigoletto et Il Trovatore Ă  Venise (), La Traviata Ă  Sienne (), I due Foscari Ă  Florence (), Macbeth Ă  GĂȘnes () et Nabucco Ă  GĂȘnes () et Venise ()[3].

NĂ©anmoins, les disparitions de proches affectent de plus en plus un Meyerbeer malade et vieillissant : il est ainsi particuliĂšrement touchĂ© par la mort, le , de son attachĂ© Ă  Paris, le trĂšs fidĂšle Louis Gouin, puis par celle de son librettiste EugĂšne Scribe, le . Il sombre peu Ă  peu dans la dĂ©pression, encore aggravĂ©e par des attaques de plus en plus acerbes de certains critiques. Sa famille lui offre un certain rĂ©confort : son Ă©pouse Minna accepte davantage que par le passĂ© de l’accompagner au concert ou dans ses voyages et ses filles sont rĂ©guliĂšrement Ă  ses cĂŽtĂ©s lors des soirĂ©es passĂ©es au thĂ©Ăątre ou Ă  l’opĂ©ra. En outre, la naissance de son petit-fils Fritz le comble de joie. Dans le mĂȘme temps, le mariage de sa fille aĂźnĂ©e Blanca avec un aristocrate prussien, Emanuel von Korff, n’est guĂšre heureux et le compositeur doit rĂ©guliĂšrement Ă©ponger les dettes de jeu considĂ©rables de son gendre. Par ailleurs, la santĂ© fragile de sa deuxiĂšme fille CĂ€cilie demeure un sujet permanent de prĂ©occupation.

Meyerbeer sur son lit de mort, dessin d’Émile Alfred Rousseaux.

Meyerbeer n’en continue pas moins le travail de composition sur Le Pardon de PloĂ«rmel. La partition est terminĂ©e en 1858 et le compositeur part pour Paris pour assister aux rĂ©pĂ©titions qui commencent Ă  la fin de la mĂȘme annĂ©e, la crĂ©ation ayant lieu le . MalgrĂ© son Ăąge et ses soucis de santĂ©, il repart dans un cycle de voyages tout au long de l’annĂ©e 1859 pour promouvoir son dernier opus, notamment Ă  Londres (le ) et Stuttgart (le ).

Entre-temps, il a repris dĂšs le le travail sur L’Africaine, conformĂ©ment Ă  sa promesse. Cela ne l’empĂȘche pas de composer, entre juillet et , la musique de scĂšne pour la piĂšce La Jeunesse de Goethe de son ami Henri Blaze de Bury : l'Ɠuvre ne sera cependant jamais jouĂ©e et la partition semble avoir Ă©tĂ© perdue, comme beaucoup d’autres, au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il compose Ă©galement la Schiller-Marsch et une Festkantate pour cĂ©lĂ©brer le centenaire de la naissance de Schiller le , la marche du couronnement pour le sacre du roi de Prusse Guillaume Ier en 1861 et la Fest-OuvertĂŒre im Marschstyl pour l'Exposition universelle de Londres de 1862 ; il se rend en Angleterre Ă  cette occasion. NĂ©anmoins, Meyerbeer consacre l’essentiel de ses derniĂšres annĂ©es Ă  L’Africaine (qui porte dĂ©sormais le titre de Vasco de Gama), mettant un point final Ă  la partition le [4].

Pierre tombale de Meyerbeer dans le cimetiĂšre juif de Berlin

ArrivĂ© Ă  Paris le , les rĂ©pĂ©titions commencent sous sa supervision. Le , il tient Ă  assister, malgrĂ© les conseils de son mĂ©decin, Ă  la crĂ©ation de la Petite messe solennelle de Rossini dans la chapelle privĂ©e de l’hĂŽtel particulier du comte Alexis Pillet-Will. ParticuliĂšrement Ă©mu durant l’audition, il est tellement enthousiaste qu’il dĂ©cide de retourner Ă  la seconde exĂ©cution qui a lieu le lendemain. DĂ©jĂ  trĂšs fatiguĂ©, les rĂ©pĂ©titions de L’Africaine l’extĂ©nuent littĂ©ralement et il est victime de nombreux Ă©tourdissements au cours du mois d’avril. PrĂ©venues de la dĂ©gradation de son Ă©tat de santĂ©, ses deux filles cadettes, CĂ€cilie et Cornelie, arrivent Ă  Paris pour veiller sur lui. Meyerbeer meurt soudainement le Ă  5 heures 40 du matin au 2, Rue Montaigne[13]. Rossini apprend le dĂ©cĂšs de son ami en se rendant Ă  son domicile pour prendre de ses nouvelles ; trĂšs choquĂ©, il s’évanouit et reste inconscient une dizaine de minutes. AussitĂŽt rentrĂ© chez lui, il compose le Chant funĂšbre « Pleure ! Pleure ! Muse sublime » en hommage Ă  son « pauvre ami Meyerbeer ». Berlioz Ă©crit Ă  son fils un ou deux jours plus tard :

« Je suis plus triste qu’à l’ordinaire, la mort de Meyerbeer est venue m’achever. Une intelligence pareille ne disparaĂźt pas du monde sans que les survivants remarquent l’obscurcissement qui se fait. Je viens de chez sa femme qui est ici avec ses deux filles et son gendre. Vendredi prochain, nous le conduirons au chemin de fer du nord qui le portera Ă  Berlin. »

Le monde musical est sous le choc et les rĂ©pĂ©titions de L’Africaine sont interrompues. FĂ©tis est alors chargĂ© de la prĂ©paration finale de la crĂ©ation le Ă  l'OpĂ©ra de Paris, en prĂ©sence de l’Empereur et de l’ImpĂ©ratrice[14].

L'apport musical de Meyerbeer

L’une des principales caractĂ©ristiques du style musical de Meyerbeer est d’avoir combinĂ© les apports de plusieurs Ă©coles musicales nationales : Ă  la technique orchestrale allemande apprise auprĂšs de l’abbĂ© Vogler, il concilie l’art du bel canto rossinien et le souci de la dĂ©clamation française[15].

L’accent mis sur l’efficacitĂ© de l’action dramatique

Pour Becker[3], l’un des principaux soucis de Meyerbeer est de crĂ©er des scĂšnes d’une grande intensitĂ© dramatique (tels le couronnement et l’exorcisme dans Le ProphĂšte) et des personnages d’une vĂ©ritĂ© et d’une profondeur psychologiques inĂ©dites Ă  l’époque (voir par exemple Marcel dans Les Huguenots, FidĂšs dans Le ProphĂšte, SĂ©lika et Nelusko dans L’Africaine).

Il est particuliĂšrement attentif lors de l’écriture des livrets, processus dans lequel il s’implique de façon trĂšs profonde. Il analyse Ă©galement chaque roman ou piĂšce de thĂ©Ăątre sous l’angle d’une adaptation opĂ©ratique potentielle. Letellier[4] indique qu’il a toujours souhaitĂ© disposer d’un livret dans sa totalitĂ© afin d’en avoir une impression d’ensemble, refusant que ne lui soient envoyĂ©s que des fragments. Il n’accepte le livret qu’aprĂšs l’avoir soumis Ă  une analyse critique serrĂ©e : il demande souvent plusieurs versions successives et propose toujours des modifications. Parfois mĂȘme, il modifie lui-mĂȘme le texte, comme dans le cas de la mort de SĂ©lika Ă  la fin de L’Africaine.

Cette vigilance conduit souvent Ă  des rapports houleux avec ses librettistes. Demandant sans cesse des modifications, Meyerbeer se heurte Ă  plusieurs reprises avec EugĂšne Scribe qui, se lassant de toujours devoir rĂ©Ă©crire les mĂȘmes scĂšnes, finit par lui opposer un refus catĂ©gorique. Afin de dĂ©bloquer la situation, il faut recourir, souvent Ă  l’insu de Scribe, Ă  un second librettiste, acceptant de rĂ©diger les modifications demandĂ©es par Meyerbeer. Dans ses Nouveaux MĂ©moires[16], Alexandre Dumas raconte que le directeur de l’opĂ©ra de Paris lui avait commandĂ© en 1832 la rĂ©daction du livret du prochain opĂ©ra de Meyerbeer. Le projet avorta Ă  la suite des exigences devenues rapidement inacceptables pour l’écrivain. Il prĂ©cise ironiquement : « On m’avait prĂ©venu que Scribe dans les clauses de sa collaboration avec Meyerbeer avait introduit un article qui lui accordait cinquante centimes d’indemnitĂ© pour chaque vers qu’il lui faisait retoucher ou refaire, et que lĂ  Ă©taient les principaux droits d’auteur de Scribe. Je me reprochai bientĂŽt amĂšrement de ne pas avoir prĂ©vu le cas.»

Durant toute sa vie, Meyerbeer aura une vraie passion pour la scĂšne en gĂ©nĂ©ral et l’opĂ©ra en particulier : il n’aura de cesse d’assister Ă  autant de reprĂ©sentations qu’il est possible. Toujours prĂȘt Ă  dĂ©couvrir des Ɠuvres qu’il ne connaĂźt pas (aucune n’est nĂ©gligeable a priori et ne mĂ©rite son dĂ©sintĂ©rĂȘt), il n’hĂ©site jamais non plus Ă  aller revoir des opĂ©ras qu’il apprĂ©cie tout particuliĂšrement. Letellier[4] indique ainsi que les deux opĂ©ras que Meyerbeer aura vu le plus souvent sont Don Giovanni de Mozart (39 fois entre 1812 et 1862) et Il trovatore de Verdi (34 fois entre 1855 et 1864). Il parcourt mĂȘme souvent de longues distances, y compris pour assister Ă  des opĂ©ras de compositeurs qui l’ont sĂ©vĂšrement critiquĂ©, comme Wagner (pour TannhĂ€user Ă  Hambourg en 1855) ou Schumann (pour Genoveva Ă  Weimar, toujours en 1855). Dans les derniers mois de son existence, et alors qu’il est extrĂȘmement fatiguĂ©, il n’assiste pas Ă  moins de huit reprĂ©sentations des Troyens Ă  Carthage de Berlioz (du au ).

FĂ©tis[8] rapporte que, tout au long du processus de composition, et longtemps aprĂšs que la partition a Ă©tĂ© achevĂ©e, il ne cesse d’effectuer des modifications, n’étant jamais satisfait et sĂ»r de son art. Pendant la correction des parties, le recrutement et la prĂ©paration des chanteurs, il semble toujours prĂȘt Ă  remettre en cause la moindre dĂ©cision si l’intensitĂ© dramatique de l’ensemble peut s’en trouver amĂ©liorĂ©e. Lors de rĂ©pĂ©titions interminables, il fournit Ă  l’orchestre des passages avec deux instrumentations diffĂ©rentes, chacune Ă©tant identifiĂ©e par une couleur d’encre qui lui est propre, et fait jouer alternativement chaque version avant de dĂ©cider quelle est la plus satisfaisante.

C’est Ă©galement dans un souci d’efficacitĂ© dramatique que Meyerbeer a contribuĂ© au dĂ©veloppement du leitmotiv et de la mĂ©lodie continue : ainsi, dans Les Huguenots, le choral luthĂ©rien « Ein feste Burg » est traitĂ© comme un vĂ©ritable leitmotiv dĂ©veloppĂ© et variĂ© tout au long de l’opĂ©ra. Le thĂšme est prĂ©sent dĂšs l’ouverture oĂč il est soumis Ă  une sĂ©rie de variations qui symboliserait selon Letellier[17] les sentiments inspirĂ©s par la religion : recueillement, amour, consolation, exaltation, mais aussi intolĂ©rance et fanatisme. Dans le chant de Marcel, le vieux serviteur protestant, au premier acte, il correspond Ă  une expression recueillie de la foi, pleine de conviction et d’aspiration Ă  la transcendance. Dans le finale du deuxiĂšme acte, il est utilisĂ© comme cantus firmus pour affirmer la rĂ©solution et la force des protestants en cas de danger. Au troisiĂšme acte, c’est un appel aux armes pour Ă©chapper aux piĂšges et aux trahisons. Enfin, au dernier acte, il devient la priĂšre Ă©touffĂ©e et lointaine des protestants qui cherchent Ă  Ă©chapper au massacre pour se transformer en un ultime cri de dĂ©fi face aux bourreaux catholiques.

Dans Le ProphĂšte, l’unitĂ© musicale de l’Ɠuvre est Ă©galement assurĂ©e par l’existence de quelques thĂšmes rĂ©currents : le principal est l’hymne anabaptiste « Ad nos, ad salutarem undam, iterum venite miseri », que l’on entend dĂšs le premier acte avec l’apparition sinistre des trois anabaptistes. Il rĂ©apparaĂźt au troisiĂšme acte lorsque Jean, le ProphĂšte, calme ses troupes qui viennent de subir une dĂ©faite, tout en les prĂ©parant Ă  de nouveaux combats. Enfin, il accompagne au dĂ©but du dernier acte les projets de trahison des trois anabaptistes. Deux autres thĂšmes sont utilisĂ©s comme des motifs rĂ©currents : l’un est relatif au rĂŽle de prophĂšte endossĂ© par Jean. Il est entendu pour la premiĂšre fois sous une forme dĂ©formĂ©e au deuxiĂšme acte lorsque Jean raconte le rĂȘve qui le hante. Puis il s’affirme en tant que tel, avec une tonalitĂ© et un rythme diffĂ©rents, pour introduire la marche du couronnement du quatriĂšme acte. Le dernier thĂšme rĂ©current est de nature plus intime : il s’agit de la pastorale de Jean entendue pour la premiĂšre fois au deuxiĂšme acte et qui sera reprise au troisiĂšme acte lorsque le jeune homme dĂ©clare sa lassitude de mener une troupe d’anabaptistes voleurs et meurtriers, puis au cinquiĂšme acte quand les trois personnages principaux, Jean, sa mĂšre FidĂšs et sa fiancĂ©e Berthe, rĂ©unis pour la premiĂšre fois de l’opĂ©ra, rĂȘvent au bonheur qui pourrait ĂȘtre le leur.

Dans sa recherche de la plus grande efficacitĂ© dramatique possible, Meyerbeer n’a nĂ©gligĂ© aucun Ă©lĂ©ment, tels que la beautĂ© des dĂ©cors, la splendeur des costumes ou la qualitĂ© de la mise en scĂšne, anticipant de ce fait sur le concept wagnĂ©rien d’Ɠuvre d’art totale. De nombreux effets spĂ©ciaux destinĂ©s Ă  impressionner les spectateurs sont utilisĂ©s Ă  maintes reprises : ainsi, dans Robert le Diable, les fantĂŽmes des nonnes damnĂ©es qui se transforment sur scĂšne en esprits diaboliques impressionnent durablement. Dans Le ProphĂšte, les patins Ă  roulettes permettent de simuler les glissades sur la glace et le lever de soleil qui constitue l’apothĂ©ose du troisiĂšme acte est obtenu pour la premiĂšre fois sur une scĂšne par l’utilisation de la lumiĂšre Ă©lectrique.

Meyerbeer soigne Ă©galement tout particuliĂšrement l’intĂ©gration des ballets dans ses grands opĂ©ras : ces moments dansĂ©s ne sont plus conçus comme constituant une parenthĂšse dans l’action mais au contraire comme un Ă©lĂ©ment constitutif de la progression dramatique. La rĂ©ussite la plus marquante en la matiĂšre[18] est sans doute le ballet des nonnes damnĂ©es de Robert le Diable : il marque non seulement la naissance du ballet romantique, mais il est aussi Ă  l’origine de toutes les mĂ©tamorphoses nocturnes et magiques que l’on retrouvera par la suite dans La Sylphide (1832), Giselle (1841), Le Lac des cygnes (1877) ou La BayadĂšre (1877).

L’amour de la voix et du bel canto

C’est en Italie que Meyerbeer est tombĂ© amoureux de la voix et du bel canto. Dans une lettre Ă  son Ă©pouse datĂ©e du , il formule trĂšs clairement les raisons pour lesquelles, selon lui, tout compositeur d’opĂ©ras se doit de faire un sĂ©jour en Italie :

« De temps en temps, tout compositeur de musique vocale doit aller en Italie, non pour la musique mais pour les chanteurs. Ce n’est qu’au contact de grands chanteurs que l’on peut apprendre Ă  faire de la musique qui soit chantable et qui mette en valeur la voix humaine. »

Parmi les traits dominants du grand opĂ©ra conçu par Meyerbeer, le plus remarquable est sans doute la place faite aux interprĂštes. Dans toute son Ɠuvre, le choix de ces derniers est capital et mĂȘme dĂ©terminant pour l’élaboration du livret. Le compositeur consacre la plupart de ses voyages Ă  l’audition de nouveaux chanteurs, et si l’un de ceux qu’il a engagĂ©s rompt son contrat, il n’hĂ©site pas Ă  remanier le rĂŽle concernĂ© pour l’adapter au nouvel interprĂšte, voire Ă  interrompre son travail sur un opĂ©ra si personne ne lui paraĂźt convenir.

Ainsi, les crĂ©ations du ProphĂšte et de L’Africaine ont Ă©tĂ© longtemps diffĂ©rĂ©es en raison de l’absence de chanteurs adĂ©quats. L’Africaine, opĂ©ra destinĂ© Ă  la cĂ©lĂšbre CornĂ©lie Falcon, est mis en chantier dĂšs le mois d’. Malheureusement, aprĂšs que la cantatrice a perdu sa voix, Meyerbeer doit abandonner (provisoirement) la partition ; il ne la reprendra que vingt ans plus tard, l’opĂ©ra Ă©tant crĂ©Ă© en 1865, aprĂšs la mort du librettiste et du compositeur.

Pour Le ProphĂšte, Meyerbeer dĂ©cide d’adapter son Ă©criture pour les moyens spĂ©cifiques du nouveau tĂ©nor vedette de l’OpĂ©ra de Paris, Gilbert Duprez. Il refuse cependant de confier le rĂŽle de FidĂšs, la mĂšre du hĂ©ros, Ă  Rosine Stoltz alors toute puissante en raison de sa liaison avec le directeur LĂ©on Pillet et dont les moyens lui semblent inadaptĂ©s. Alors que la composition est achevĂ©e dĂšs 1841, il faudra attendre 1849 pour que l’opĂ©ra soit enfin crĂ©Ă©. Malheureusement, les moyens de Duprez ont alors beaucoup faibli et Meyerbeer devra se rĂ©soudre Ă  reprendre sa partition pour l’adapter Ă  la voix plus lĂ©gĂšre de Gustave-Hippolyte Roger.

Meyerbeer compose Ă©galement Ă  de nombreuses reprises de nouveaux morceaux pour la prise de rĂŽle de chanteurs rĂ©putĂ©s : ainsi, il Ă©crit en 1838 pour Mario un air supplĂ©mentaire au dĂ©but du deuxiĂšme acte de Robert le Diable (« OĂč me cacher ? – Ô, ma mĂšre »). En 1848, Marietta Alboni se voit confier la crĂ©ation du rondeau du page Urbain dans Les Huguenots. Lorsque le crĂ©ateur de TannhĂ€user, Josef Tichatschek reprend le rĂŽle de Danilowitz de L’Étoile du Nord Ă  Dresde en 1855, Meyerbeer lui offre deux airs supplĂ©mentaires (la Polonaise du premier acte et un arioso au troisiĂšme), dĂ©sormais indissociables de la partition.

Parmi les chanteurs qui ont le plus inspiré Meyerbeer, il faut citer Adolphe Nourrit, Cornélie Falcon, Nicolas-Prosper Levasseur, Jenny Lind, Pauline Viardot.

Une orchestration inventive

Meyerbeer est aussi l’un des premiers compositeurs d’opĂ©ras Ă  porter une attention particuliĂšre Ă  la couleur de l’orchestre. Dans son Grand traitĂ© d’instrumentation et d’orchestration modernes (1843-1844), Berlioz donne en exemple plusieurs passages tirĂ©s de Robert le Diable ou des Huguenots.

Meyerbeer, toujours Ă  l’affĂ»t des derniĂšres inventions ou des perfectionnements les plus rĂ©cents de la facture instrumentale, n’hĂ©site jamais Ă  expĂ©rimenter en matiĂšre d’orchestration. Il est l’un des premiers Ă  utiliser Ă  l’opĂ©ra des instruments tels que la clarinette basse, le tuba ou les saxhorns afin de crĂ©er des combinaisons sonores inĂ©dites, contribuant largement Ă  l’évolution vers la conception moderne du coloris orchestral[3].

Meyerbeer innove Ă©galement en s’attachant Ă  personnaliser ses personnages principaux par des combinaisons instrumentales spĂ©cifiques : ainsi, Marcel des Huguenots est identifiĂ© par les sons du cor, du basson et du violoncelle ; Bertram de Robert le Diable par des sonneries de cuivres, trombones et trompettes. Ces signatures instrumentales ne sont pas figĂ©es et Ă©voluent avec l’action dramatique : Alice de Robert est le plus souvent accompagnĂ©e par les bois et la flute ; cependant, quand elle s’oppose au dĂ©mon Bertram, le cor ou la trompette viennent renforcer le petit orchestre qui l’accompagne. FidĂšs, la mĂšre du ProphĂšte, est le plus souvent reprĂ©sentĂ©e par le violoncelle ; l’intervention des bassons permettra de souligner la douleur Ă©prouvĂ©e par le personnage dans certaines scĂšnes.

ScĂšne du couronnement du ProphĂšte au deuxiĂšme tableau du quatriĂšme acte lors de la crĂ©ation de l’Ɠuvre en 1849 et dont les effets scĂ©niques spectaculaires sont renforcĂ©s par un dĂ©ploiement orchestral inĂ©dit Ă  l'Ă©poque.

À d’autres moments, Meyerbeer utilise l’orchestration Ă  des fins descriptives : dans la chanson huguenote de Marcel, le sifflement des balles et le grondement du canon sont rendus par la grosse caisse et les cymbales qui frappent sur le troisiĂšme temps de la mesure. Au deuxiĂšme acte du ProphĂšte, FĂ©tis[19] note « un effet absolument neuf dans les rythmes croisĂ©s de deux bassons imitant des pas prĂ©cipitĂ©s et le galop des chevaux, sur un temps de marche moderato exĂ©cutĂ© par les clarinettes, cors, violons, alto et basses. Cet effet est destinĂ© Ă  indiquer la fuite prĂ©cipitĂ©e de Berthe et la course des soldats qui sont Ă  sa poursuite ; il produit une vĂ©ritable illusion. »

À plusieurs reprises, Meyerbeer fait preuve d’une vĂ©ritable recherche en termes de spatialisation sonore. Ainsi, dans le finale du premier acte du Crociato in Egitto, les vents sont divisĂ©s en quatre sections, Ă  l’orchestre et sur scĂšne, avec quatre caisses claires placĂ©es Ă  quatre endroits diffĂ©rents. L’orchestre de vents associĂ©s aux chrĂ©tiens est composĂ© de deux trompettes Ă  clĂ© (ce qui constitue l’une des premiĂšres utilisations Ă  l’opĂ©ra de cet instrument qui vient d’ĂȘtre inventĂ©), quatre trompettes naturelles, deux cors et deux trombones, instruments « nobles » et associĂ©s aux orchestres royaux en occident, alors que celui des Égyptiens est constituĂ© d’un quartino, deux hautbois, six clarinettes, deux bassons, deux cors, deux trompettes, un trombone, un serpent, une grosse caisse, une caisse claire et de cymbales, caractĂ©ristiques des « musiques Ă  la turque ». Dans la scĂšne du couronnement du ProphĂšte, sans doute la plus impressionnante de l’opĂ©ra, Meyerbeer combine l’orchestre dans la fosse, un chƓur sur scĂšne, et, derriĂšre la scĂšne, une fanfare de saxhorns, des chƓurs mixtes, un chƓur d’enfant et un orgue.

Meyerbeer sous le feu croisé des critiques

Meyerbeer est sans doute un cas unique dans l’histoire de la musique : bĂ©nĂ©ficiant d’une renommĂ©e extraordinaire de son vivant (il est mis sur le mĂȘme plan que Mozart ou Beethoven), il va, aprĂšs sa mort, voir son Ă©toile pĂąlir progressivement, son image s’inversant mĂȘme pour devenir l’archĂ©type du musicien sans gĂ©nie, voire sans talent, et dont le succĂšs a Ă©tĂ© obtenu au prix de compromissions anti-artistiques. J. Jackson[9] a consacrĂ© une Ă©tude trĂšs dĂ©taillĂ©e Ă  la dĂ©gradation de la rĂ©putation musicale de Meyerbeer, montrant que celle-ci est le rĂ©sultat d’une concentration de critiques d’origines diverses qui vont culminer aprĂšs la PremiĂšre Guerre mondiale.

Les critiques de l’Ɠuvre de Meyerbeer

Le premier type de critiques concerne l’Ɠuvre de Meyerbeer : elles sont le fait essentiellement de Mendelssohn et Schumann qui lui reprochent de composer des opĂ©ras immoraux et vulgaires. Berlioz critique quant Ă  lui les vocalises que Meyerbeer ne peut s’empĂȘcher d’introduire et qui viennent rompre l’action dramatique. Enfin, Wagner reproche l’abus « d’effets sans cause. »

Les critiques de Schumann et Mendelssohn : des opéras vulgaires et immoraux

Felix Mendelssohn, vers 1839.

Comme le note Letellier[4], les relations entre Meyerbeer et Felix Mendelssohn semblent avoir toujours Ă©tĂ© exĂ©crables, sans que l’on en sache exactement la raison. Dans son journal, Meyerbeer Ă©crit mĂȘme (en date du ) que Mendelssohn est « le plus dangereux et le plus comploteur de tous [ses] ennemis (
) qui [le] hait mortellement[20]. » Curieusement, les critiques exprimĂ©es par Mendelssohn sur la musique de Meyerbeer sont peu nombreuses : ainsi, dans une lettre datĂ©e du , Mendelssohn se dĂ©clare choquĂ© par le ballet des nonnes damnĂ©es de Robert le Diable qu’il trouve « ignoble » et dont il rĂ©prouve la sensualitĂ©, la musique de l’ensemble « manquant de cƓur ». Plus prĂ©cisĂ©ment :

« À l’AcadĂ©mie royale, on donne continuellement et avec grand succĂšs le Robert le Diable de Meyerbeer. La salle est toujours comble et la musique gĂ©nĂ©ralement a plu. Il y a dans cette piĂšce un luxe inouĂŻ de mise en scĂšne, jamais on n’a rien vu de pareil. (
) Le sujet est romantique, c’est-Ă -dire que le Diable y joue un rĂŽle, cela suffit aux Parisiens pour constituer le romantique, la fantaisie. C’est cependant trĂšs mauvais et sans deux brillantes scĂšnes de sĂ©duction, cela ne ferait aucun effet ! »

Segalini[21] observe que Mendelssohn critique beaucoup plus le livret que la musique. Afin de mieux comprendre le rejet par ce dernier de la musique de Meyerbeer, il est sans doute intĂ©ressant de rappeler les critiques qu’il porte au mĂȘme moment sur la musique de Berlioz. À propos de la Symphonie fantastique, Mendelssohn Ă©crit en 1831 :

« Combien cela m’est parfaitement rĂ©pugnant, je n’ai pas besoin de vous le dire. Voir ses idĂ©aux les plus chers avilis et dĂ©formĂ©s en caricatures grotesques ferait enrager n’importe qui. Et encore ne s’agit-il que du programme. L’exĂ©cution est encore plus mĂ©diocre : nulle part une Ă©tincelle, pas de chaleur, une dĂ©mence absolue, des passions artificielles reprĂ©sentĂ©es par tous les moyens orchestraux possibles et imaginables : quatre timbales, deux pianos Ă  quatre mains qui sont censĂ©s imiter des cloches, deux harpes, de nombreux grands tambours, des violons divisĂ©s en huit parties, deux parties pour les contrebasses qui jouent des passages en solo, et tous ces moyens (contre lesquels je n’aurais rien Ă  redire s’ils Ă©taient correctement utilisĂ©s) requis pour n’exprimer rien d’autre qu’un radotage sans intĂ©rĂȘt, proche du grognement, du cri, d’un hurlement qui va et vient. »

— Lettre de Mendelssohn Ă  sa mĂšre datĂ©e du 15 mars 1831

Comme le suggĂšre Letellier[4], Mendelssohn rejette la musique de Meyerbeer (et Berlioz) comme Ă©tant vulgaire et de mauvais goĂ»t. Il s’agit ici d’un conflit irrĂ©conciliable d’esthĂ©tiques musicales, mĂȘme si de leur cĂŽtĂ©, Meyerbeer et Berlioz, semblent avoir apprĂ©ciĂ© la musique de Mendelssohn.

Pourtant et bien qu’il n’en ait jamais fait Ă©tat, Mendelssohn semble avoir repris Ă  son compte certains Ă©lĂ©ments de la musique de Meyerbeer, notamment en matiĂšre d’orchestration. H. Lacombe[22] observe ainsi que pour la seconde exĂ©cution de la Passion selon saint Matthieu de Jean-SĂ©bastien Bach qui a lieu en 1841 Ă  Leipzig (la premiĂšre ayant Ă©tĂ© donnĂ©e Ă  Berlin en 1829), « Mendelssohn (influencĂ© par Meyerbeer ?) remplaça l’accompagnement du recitativo secco confiĂ© au piano en 1829 par deux violoncelles jouant des doubles cordes et une contrebasse », ce qui correspond trĂšs exactement Ă  la caractĂ©risation instrumentale du personnage de Marcel des Huguenots.

Robert Schumann vers 1839.

Il est possible de mieux comprendre le rejet par Mendelssohn de la musique de Meyerbeer en Ă©tudiant l’opinion d’un autre compositeur qui lui Ă©tait proche : Schumann. Sa trĂšs sĂ©vĂšre critique des Huguenots est restĂ©e cĂ©lĂšbre[23] bien qu’elle soit totalement dĂ©pourvue de subtilitĂ© selon Becker[3]. C’est en effet dans ce texte que Schumann exprime le plus clairement ses griefs vis-Ă -vis de la musique de Meyerbeer dont l’ensemble n’est Ă  ses yeux que « du vulgaire, du contournĂ©, de l’antinaturel, de l’immoral, de l’antimusical »[24].

Schumann exprime plusieurs rĂ©serves sur la musique des Huguenots : en premier lieu, « elle est fade au-delĂ  de tout » et « elle est froidement superficielle ». Elle est Ă©galement vulgaire en faisant appel aux plus bas instincts du public : « stupĂ©fier ou chatouiller, voilĂ  la devise suprĂȘme de Meyerbeer ». Quant Ă  l’orchestration si souvent louĂ©e, elle est surtout bruyante :

« Et puis est-ce donc un art de produire de l’effet par de pareils moyens et une telle place ? Je ne blĂąme pas qu’on fasse appel Ă  tous les moyens possibles Ă  une place convenable ; mais il n’y a pas de quoi crier au chef-d’Ɠuvre parce qu’une douzaine de trombones, de trompettes et d’ophiclĂ©ides, avec cent voix d’hommes Ă  l’unisson, sont capables de se faire entendre Ă  une certaine distance. »

Tout comme Mendelssohn, Schumann critique Meyerbeer pour son « immoralité »[25] :

« Je ne suis pas un moraliste, mais cela rĂ©volte un bon protestant d’entendre son plus prĂ©cieux chant sacrĂ© criĂ© sur les planches, cela le rĂ©volte de voir le drame le plus sanglant de l’histoire de sa religion ravalĂ© Ă  une farce de foire pour servir Ă  gagner de l’argent et des applaudissements ; oui, l’opĂ©ra le rĂ©volte, depuis l’ouverture au style sacrĂ© ridiculement vulgaire jusqu’au finale, aprĂšs lequel il ne nous reste qu’à ĂȘtre brĂ»lĂ©s vifs au plus tĂŽt. Que demeure-t-il en fin de compte des Huguenots sinon qu’on s’y borne Ă  exĂ©cuter des criminels sur le thĂ©Ăątre et qu’on y expose en spectacle de faciles prostituĂ©es ? »

Sur ce point, la critique est quelque peu confuse : les protestants, bien moins que les catholiques, ont Ă  se plaindre du traitement que leur rĂ©serve le livret et les seuls personnages fĂ©minins significatifs de l’opĂ©ra (susceptibles Ă  ce titre d’ĂȘtre qualifiĂ©s « de faciles prostituĂ©es ») sont catholiques
 En outre, comme l’observe D. Conway[26], cette condamnation de Meyerbeer n’est pas sans comporter une pointe d’antisĂ©mitisme, avec l’accusation, qui sera reprise ad nauseam par la suite, que Meyerbeer recherche le succĂšs pour « gagner de l’argent ». Conway rappelle que Schumann a Ă©crit dans le journal qu’il tenait avec son Ă©pouse Clara Ă  propos de Mendelssohn, un compositeur que pourtant il tenait en haute estime et qu’il a toujours dĂ©fendu publiquement :

« Pendant des annĂ©es, j’ai fait beaucoup pour sa promotion, bien plus que pour n’importe qui d’autre. En mĂȘme temps, ne nous nĂ©gligeons pas trop nous-mĂȘmes. Les Juifs restent des Juifs : ils s’assoient dix fois dans un fauteuil avant que de le laisser aux chrĂ©tiens. Et ils nous jettent parfois les pierres que nous avons rassemblĂ©es pour les aider Ă  bĂątir un temple Ă  leur gloire. Aussi, je suis de l’avis de ne pas en faire trop [pour Mendelssohn]. »

Si Schumann Ă©tait dans un tel Ă©tat d’esprit pour un compositeur d’origine juive (mais converti au protestantisme) dont il apprĂ©ciait la musique, il est facile de comprendre la virulence de sa critique pour un compositeur juif (non converti) qui dĂ©fendait une autre esthĂ©tique musicale.

La critique de Berlioz : les exécrables « contorsions de gosier »

Hector Berlioz, vers 1851 : lithographie de Charles Baugniet.

Si Berlioz accueille avec enthousiasme Robert le Diable et Les Huguenots, s’il donne en exemple Ă  plusieurs reprises l’orchestration de Meyerbeer, il va formuler, Ă  partir de la crĂ©ation du ProphĂšte, quelques critiques dont l’intensitĂ© semble aller croissant avec le temps. Le compositeur français semble de moins en moins supporter la prĂ©sence d’airs virtuoses et de vocalises, qu’il qualifie de « contorsions de gosier ». Faisant mine de s’adresser directement Ă  Meyerbeer, Berlioz conclut ainsi un article consacrĂ© Ă  une reprise du ProphĂšte en :

« Quant Ă  moi, je vous avouerai que ces contorsions de gosier me font un mal Ă©pouvantable, abstraction faite mĂȘme des atteintes portĂ©es Ă  l’expression et aux convenances dramatiques. Leur bruit m’attaque douloureusement toutes les fibres nerveuses ; je crois entendre passer la pointe d’un diamant sur une vitre ou dĂ©chirer du calicot. Vous savez si je vous aime et vous admire ; eh bien, j’ose affirmer que dans ces moments-lĂ , si vous Ă©tiez prĂšs de moi, si la puissante main qui a Ă©crit tant de grandes, de magnifiques et de sublimes choses Ă©tait Ă  ma portĂ©e, je serais capable de la mordre jusqu’au sang
 »

— Le Journal des DĂ©bats, 27 octobre 1849

Dans une lettre Ă©crite Ă  sa sƓur Nanci en , Berlioz se fait plus prĂ©cis :

« Meyerbeer a le bon esprit de ne pas trop mal prendre les quatre ou cinq restrictions que j’ai introduites dans mes dix colonnes d’éloges. J’aurais voulu lui Ă©pargner la pĂ©nible impression que ces critiques exprimĂ©es avec une certaine Ă©nergie, lui ont fait Ă©prouver; mais il y a des choses qui doivent absolument ĂȘtre dites; je ne puis laisser croire que j’approuve ou que je tolĂšre seulement ces transactions d’un grand maĂźtre avec le mauvais goĂ»t d’un certain public. J’ai passĂ© ma vie Ă  incriminer ces mauvaises actions et je les trouve aujourd’hui plus mauvaises et plus plates que jamais. (
) La partition nĂ©anmoins contient de trĂšs belles choses Ă  cĂŽtĂ© de choses trĂšs faibles et de fragments dĂ©testables. »

— Lettre à Nanci du 25 avril 1849

La critique devient trĂšs sĂ©vĂšre Ă  propos de L’Africaine : il indique ainsi dans une lettre adressĂ©e Ă  la princesse Sayn-Wittgenstein :

« Oui, j’ai vu la rĂ©pĂ©tition gĂ©nĂ©rale de L’Africaine, mais je n’y suis pas retournĂ©. J’ai lu la partition. Ce ne sont pas des ficelles qu’on y trouve, mais bien des cĂąbles et des cĂąbles tissus de paille et de chiffons. J’ai le bonheur de n’ĂȘtre pas obligĂ© d’en parler
 »

— Lettre à la princesse Sayn-Wittgenstein du 28 juin 1865

,Plus d’un an aprĂšs, la sĂ©vĂ©ritĂ© devient hargneuse :

« J’étais derniĂšrement Ă  l’OpĂ©ra, on jouait L’Africaine. Un critique de mes amis me retint aprĂšs le premier acte, et me força d’entendre les deux actes suivants: « Écoutez, lui dis-je, si vous ne me laissez pas partir, je sens que je deviens furieux, je vais vous mordre. » Oh! l’abominable non-sens, l’exĂ©crable monceau de notes! »

— Lettre à Nanci du 28 septembre 1866

Amoureux de la voix humaine, Meyerbeer ne pourra en effet jamais se dĂ©partir d’écrire des airs virtuoses, cĂ©dant (bien volontiers) aux demandes de ses chanteurs. En cela, il restera fidĂšle toute sa vie Ă  sa passion du bel canto, passion dĂ©clarĂ©e lors de son sĂ©jour en Italie aprĂšs avoir assistĂ© Ă  une reprĂ©sentation du TancrĂšde de Rossini, et ce alors mĂȘme que les goĂ»ts du public vont peu Ă  peu se dĂ©tacher de ce style musical. Cette irruption de vĂ©ritables feux d’artifice vocaux au milieu d’une action dramatique que Meyerbeer s’est pourtant attachĂ© Ă  rendre la plus rĂ©aliste possible constitue sans doute la principale contradiction interne de l’Ɠuvre du compositeur. Bien loin d’ĂȘtre une concession au mauvais goĂ»t (supposĂ©) du public (comme l’en accuse Berlioz), cet Ă©clectisme musical est en fait l’une des caractĂ©ristiques de la musique de Meyerbeer, qui n’a jamais pu se rĂ©soudre Ă  sacrifier la virtuositĂ© vocale au rĂ©alisme dramatique.

La critique wagnérienne des « effets sans cause »

MĂȘme si l’attaque par Wagner de Meyerbeer dans le tristement cĂ©lĂšbre pamphlet antisĂ©mite Das Judenthum in der Musik (1850) est bien connue, elle ne constitue pas la seule critique formulĂ©e par le compositeur de Tristan.

Dans OpĂ©ra et Drame (1851), Wagner met en valeur ce qu’il appelle le drame au dĂ©triment de l’opĂ©ra, ce dernier se caractĂ©risant par le fait qu'il a « fait d’un moyen d’expression (la musique) le but, et rĂ©ciproquement, du but de l’expression (le drame), le moyen ». De ce point de vue, Meyerbeer constitue un repoussoir absolu, dont le « tableau ne pourrait que nous remplir de dĂ©goĂ»t », dans la mesure oĂč il a rabaissĂ© totalement la part faite au livret, « le musicien [Ă©tant] couronnĂ© comme le vĂ©ritable poĂšte ». Wagner reproche en effet Ă  Meyerbeer :

  • D’ĂȘtre insensible Ă  la beautĂ© de la langue dans laquelle le livret est Ă©crit : reprenant certains des arguments antisĂ©mites qu’il avait dĂ©jĂ  dĂ©veloppĂ©s (sous couvert de l’anonymat) dans Das Judenthum in der Musik, Wagner attribue cette incapacitĂ© aux origines juives du compositeur. Plus prĂ©cisĂ©ment :

« Étant Juif, il ne possĂ©dait pas de langue maternelle qui eut grandi en force avec son ĂȘtre intime : il parlait avec le mĂȘme intĂ©rĂȘt toutes les langues modernes et les mettait indiffĂ©remment en musique, sans aucune autre sympathie pour leur gĂ©nie que celle qui rĂ©sultait de leur docilitĂ© Ă  se soumettre Ă  volontĂ© Ă  la musique absolue. »

  • D’imposer Ă  ses librettistes (et notamment Scribe) des modifications dictĂ©es dans un souci strictement musical et non pas dramatique. Ce faisant, Meyerbeer aurait fait avec le livret d’opĂ©ra ce que Berlioz aurait accompli avec l’orchestre, privilĂ©giant le plaisir de la nouveautĂ© et de l’inouĂŻ, Ă  la cohĂ©rence dramatique et Ă  la poĂ©sie :

« Meyerbeer (
) ne voulait qu’un pot-pourri dramatique monstrueusement dĂ©rangĂ©, historico-romantique, diabolico-religieux, libertino-bigot, frivole et pieux, mystĂ©rieux et impudent, sentimental et gredin, afin d’y trouver matiĂšre Ă  une musique extrĂȘmement curieuse (...). Il sentait qu’on arriverait Ă  produire ce qui n’avait jamais encore Ă©tĂ© fait, avec toute la provision emmagasinĂ©e d’effets musicaux ramassĂ©s dans tous les coins en les entassant pĂȘle-mĂȘle, mĂ©langĂ©s de poudre et de colophane, et en les projetant en l’air avec une effroyable dĂ©tonation. Ce qu’il demandait donc Ă  son poĂšte Ă©tait, dans une certaine mesure, la mise en scĂšne de l’orchestre de Berlioz. »

Gravure représentant le finale du troisiÚme acte du ProphÚte lors de la création en 1849.

Afin d’illustrer cette soumission du texte Ă  la musique, Wagner prend pour exemple la fin du troisiĂšme acte du ProphĂšte oĂč Jean de Leyde, le personnage principal, galvanise ses troupes qui s’apprĂȘtent Ă  attaquer MĂŒnster alors que le soleil se lĂšve. Cette scĂšne serait caractĂ©ristique des opĂ©ras de Meyerbeer dans la mesure oĂč elle constitue un « effet sans cause ». Pour Wagner, le lever du soleil n’a de sens poĂ©tique que s’il correspond Ă  une Ă©motion rĂ©elle du personnage, au « ravissement intĂ©rieur » d’un « hĂ©ros enthousiaste ». Or, il n’en est rien puisque Jean de Leyde n’est qu’un usurpateur conscient de son insincĂ©ritĂ© et du caractĂšre faux de la situation. DĂšs lors, le lever du soleil n’est pas la sublimation de l’état intĂ©rieur du hĂ©ros, mais un effet, sans lĂ©gitimitĂ© artistique, qui n’a d’autre intĂ©rĂȘt que la prouesse technique qu’il constitue Ă  ĂȘtre reprĂ©sentĂ© de façon crĂ©dible sur une scĂšne de thĂ©Ăątre.

Sans doute conscient du caractÚre simpliste de sa critique, Wagner y oppose immédiatement une objection à laquelle il répond de la façon suivante :

« On peut m’objecter : « Nous n’avons pas voulu de ton hĂ©ros populaire : celui-ci n’est surtout qu’un produit ajoutĂ© par ton imagination personnelle de rĂ©volutionnaire ; nous avons voulu reprĂ©senter au contraire un jeune homme infortunĂ©, qui, aigri par le malheur, et Ă©garĂ© par de fallacieux agitateurs populaires, a Ă©tĂ© entraĂźnĂ© Ă  des crimes qu’il expiera plus tard par un repentir sincĂšre. » Je demanderai alors ce que signifie l’effet de soleil, et l’on pourra me rĂ©pondre : « Cela est dessinĂ© absolument d’aprĂšs nature ; pourquoi le soleil ne se lĂšverait-il pas le matin ? » Ce ne serait pas une excuse trĂšs plausible Ă  un indispensable lever de soleil ; toutefois, je persiste Ă  croire que vous n’auriez pas eu Ă  l’improviste l’idĂ©e de ce soleil, si vous n’aviez inventĂ© une situation comme celle que j’ai indiquĂ©e ci-dessus ; la situation elle-mĂȘme ne vous plaisait pas, mais vous aviez en vue son effet. »

Wagner ne critique pas ici (contrairement Ă  ceux qui se rĂ©clameront de lui par la suite) l’existence d’effets dramatiques en tant que telle dans l’Ɠuvre de Meyerbeer ; cela lui serait d’ailleurs difficile dans la mesure oĂč l’on trouve dans nombre de ses opĂ©ras (Ă  commencer par sa TĂ©tralogie) des effets tout aussi spectaculaires. Wagner ne reproche donc pas tant la recherche de l’effet pour l’effet que l’absence de correspondance entre ces effets scĂ©niques et l’état psychologique des personnages principaux. Avec l’évolution des goĂ»ts cependant, cette critique des « effets sans cause » ne paraĂźt plus guĂšre convaincante, une telle redondance entre le sentiment intime des personnages et sa manifestation dans la nature environnante Ă©tant considĂ©rĂ©e Ă  la fois comme naĂŻve et dĂ©pourvue de subtilitĂ©[27].

C’est sans doute en raison de la faiblesse de cet argument que la critique d’origine wagnĂ©rienne a prĂ©fĂ©rĂ© transformer la pensĂ©e de leur chef de file (quitte Ă  lui ĂȘtre infidĂšle) : la condamnation des « effets sans cause » a Ă©tĂ© rapidement assimilĂ©e Ă  une dĂ©nonciation des effets scĂ©niques spectaculaires relevant du style pompier le plus ridicule, en feignant d’ignorer que Wagner n’était pas loin d’encourir un tel reproche.

Les critiques extra-musicales d’Heinrich Heine : Meyerbeer en grand orchestrateur de sa propre gloire

Heinrich Heine, vers 1838.

Les relations de Meyerbeer avec le cĂ©lĂšbre poĂšte allemand Heinrich Heine, installĂ© Ă  Paris Ă  partir de 1831, se sont fortement dĂ©gradĂ©es avec le temps et les critiques de Heine, ainsi que certains de ses poĂšmes, ont contribuĂ© Ă  entacher fortement la rĂ©putation de Meyerbeer jusqu’à aujourd’hui.

Au dĂ©part, Heine et Meyerbeer entretiennent des liens d’amitiĂ©, les deux hommes Ă©prouvant une certaine solidaritĂ© vis-Ă -vis des attaques antisĂ©mites dont ils font tous les deux l’objet. Le poĂšte semble mĂȘme adhĂ©rer aux idĂ©aux artistiques du compositeur alors que ses connaissances musicales sont extrĂȘmement limitĂ©es et que son intĂ©rĂȘt pour la musique n’a jamais Ă©tĂ© trĂšs profond[4]. En fait, Heine semble n’avoir entretenu de bonnes relations avec Meyerbeer que tant que ce dernier lui accordait gĂ©nĂ©reusement des prĂȘts (jamais remboursĂ©s). DĂšs que Meyerbeer a dĂ©cidĂ© de rĂ©duire son soutien financier, les Ă©crits de Heine, dont les talents de satiriste Ă©taient aussi remarquables que redoutĂ©s, sont devenus nettement plus acerbes et malveillants comme en tĂ©moigne le poĂšme TĂ©lĂ©ologie (fragment) :

« Nous avons reçu deux oreilles du Seigneur. Ce qui est beau surtout, c’est leur symĂ©trie.
Elles ne sont pas tout Ă  fait aussi longues que celles dont il a pourvu nos braves camarades Ă  poil gris.
Dieu nous a donnĂ© nos deux oreilles pour Ă©couter les chefs-d’Ɠuvre de Gluck, de Mozart et de Haydn.
S’il n’existait que la colique lyrique et la musique hĂ©morroĂŻdale de Meyerbeer, une seule oreille suffirait amplement. »

Dans des articles destinĂ©s Ă  la Gazette d’Augsbourg, qui seront rĂ©unis par la suite dans LutĂšce : Lettres sur la vie politique, artistique et sociale de la France, Heine va dresser un portrait particuliĂšrement fielleux du compositeur, accusĂ© d’ĂȘtre Ă©goĂŻste, manipulateur et de payer les journalistes afin de rĂ©diger de bonnes critiques. Il colporte ainsi avec complaisance la rumeur (dont il attribue la paternitĂ© Ă  Spontini) que Meyerbeer n’a pas Ă©crit une seule note de musique de sa vie :

« (
) À mon grand Ă©tonnement, j’appris que Meyerbeer avait achetĂ© en Italie les compositions de quelques musiciens nĂ©cessiteux, et qu’il en avait fabriquĂ© des opĂ©ras qui Ă©taient tombĂ©s, parce que le fatras qu’on lui avait vendu s’était trouvĂ© trop misĂ©rable. Plus tard, (
) Meyerbeer a acquis d’un abbate de talent Ă  Venise quelque chose de meilleur qu’il a incorporĂ© Ă  son Crociato ; depuis il a encore su se procurer les manuscrits inĂ©dits de Weber, que la veuve du dĂ©funt lui cĂ©da Ă  vil prix, et dans lesquels il puisera prochainement de bonnes inspirations. Quant Ă  Robert le Diable et Les Huguenots (
), ces deux ouvrages sont pour la plus grande partie la production d’un Français nommĂ© Gouin (
). Quand signor Spontini me communiqua cette hypothĂšse, je fus forcĂ© de convenir qu’elle Ă©tait bien ingĂ©nieuse, et ne manquait pas complĂštement de probabilitĂ©. »

— Lutùce, lettre du 12 juin 1840

Portrait de Gaspare Spontini Ă  qui Heine attribue une partie des propos fielleux qu'il colporte sur Meyerbeer.

Dans le mĂȘme texte, Heine suggĂšre que Gouin serait tenu au silence sur la vĂ©ritable paternitĂ© de ses ouvrages parisiens par la menace exprimĂ©e par Meyerbeer de le faire enfermer Ă  Charenton. Il va jusqu’à prĂ©tendre que Meyerbeer serait responsable de la mort prĂ©maturĂ©e de Weber et de Bellini, en qui il voyait des rivaux trop dangereux.

Surtout, Heine affirme que pour assurer la postĂ©ritĂ© de ses opĂ©ras (pour lesquels « [il] sen[t] naĂźtre (
) des doutes inquiĂ©tants sur l’immortalitĂ© (
) aprĂšs le dĂ©cĂšs de l’auteur »), Meyerbeer aurait « fondĂ© par testament une sorte de fidĂ©i-commis en faveur de ses enfants musicaux, en lĂ©guant Ă  chacun d’eux un capital dont la rente est destinĂ©e Ă  assurer l’avenir des pauvres orphelins, de maniĂšre que, mĂȘme aprĂšs le trĂ©pas de monsieur leur pĂšre, on puisse faire face aux indispensables dĂ©penses de popularitĂ©, aux frais Ă©ventuels de beaux dĂ©cors, d’éclairage extraordinaire, de claque, de louanges de journaux, d’ovations de chanteuses, etc., etc. »

Dans un autre passage, Heine dĂ©veloppe l’image d’un Meyerbeer manipulateur, orchestrateur de sa propre gloire :

« (
) Que deviendra sa gloire si lui-mĂȘme, l’illustre maestro, avait le malheur (
) d’ĂȘtre arrachĂ© subitement par la mort au thĂ©Ăątre de ses triomphes ? Lui seul, le grand Giacomo, le directeur gĂ©nĂ©ral de toutes les institutions de sa majestĂ© le roi de Prusse, et en mĂȘme temps le maĂźtre de chapelle de la gloire meyerbeerienne, lui seul peut diriger l’immense orchestre de cette gloire (
). Oui, aucun compositeur ne s’est encore entendu, Ă  un degrĂ© aussi Ă©levĂ© que notre Meyerbeer, Ă  l’art de l’instrumentation, c’est-Ă -dire l’art d’employer toute sorte d’hommes comme instruments. Il sait se servir des plus grands et des plus petits, et comme par enchantement, au moyen de leur action simultanĂ©e, il produit un accord presque fabuleux dans l’approbation publique. (
)

Tel est le rĂ©sultat opĂ©rĂ© par le concours harmonieux des instruments ; pour la mĂ©lodie, Meyerbeer doit cĂ©der la palme aux deux maĂźtres Mozart et Rossini ; mais il les surpasse, comme je viens de le dire, par l’instrumentation. Dieu sait qu’il se sert souvent des instruments les plus abjects, les plus ignobles, les plus puants ; mais justement avec cette sorte il produit les plus grands effets sur la grande masse du public, qui l’admire, l’adore, le vĂ©nĂšre et mĂȘme l’estime. »

— Lutùce, lettre du 20 avril 1841

Alexandre Dumas reprend ce thĂšme de l’homme habile Ă  « mettre une immense fortune au profit d’une immense rĂ©putation », qui « jamais [...] n’est distrait un instant de son but, et son but, c’est le succĂšs. » Seulement, ajoute-t-il « Meyerber se donne plus de mal Ă  faire ses succĂšs qu’à faire ses partitions »[28].

La rumeur selon laquelle Meyerbeer aurait corrompu les critiques musicaux de l’époque va rencontrer un trĂšs grand succĂšs et va d’ailleurs nourrir en partie le ressentiment de Berlioz comme l’atteste l’extrait suivant d’une lettre adressĂ©e Ă  son fils et datĂ©e du :

« La banque Meyerbeer travaille comme un seul homme. Il a laissĂ© des pensions Ă  des Ă©crivains chargĂ©s de le louer Ă  tant par mois, Ă  faire valoir sa musique ; il y aura ainsi bien plus d’intĂ©rĂȘt qu’à louer celle qui est seulement belle et qui ne rapporte rien. Le moyen de lutter contre de tels moyens. Heine avait raison. »

DĂšs la crĂ©ation du ProphĂšte en 1849, Berlioz avait Ă©crit Ă  sa sƓur Nanci (lettre du ) :

« Quelle tĂąche aujourd’hui que celle de faire rĂ©ussir un opĂ©ra ! Que d’intrigues ! Que de sĂ©duction Ă  opĂ©rer, que d’argent Ă  dĂ©penser, que de dĂźners Ă  donner !
 Cela me fait mal au cƓur. C’est Meyerbeer qui a amenĂ© tout cela et qui a ainsi forcĂ© Rossini d’abandonner la partie. »

Depuis, il a Ă©tĂ© Ă©tabli par Letellier[4] que Meyerbeer n’a versĂ© de l’argent qu’à deux journalistes relativement secondaires, sans que l’on sache de façon certaine si c’était pour s’assurer la rĂ©daction de critiques favorables. Letellier note d’ailleurs que si tel Ă©tait l’objectif du compositeur, il aurait Ă©tĂ© prĂ©fĂ©rable qu’il essaie de corrompre des personnalitĂ©s plus influentes.

De mĂȘme, si Meyerbeer organisait effectivement de nombreux dĂźners, il apparaĂźt que trĂšs peu d’entre eux, voire aucun, ne peuvent ĂȘtre assimilĂ©s Ă  une tentative de corruption[4]. Le plus souvent, il s’agit de cĂ©lĂ©brer l’arrivĂ©e en ville d’amis du compositeur (tels que Paganini Ă  Paris le ou Scribe Ă  Berlin le ), ou de rassembler un groupe d’amis ou de collaborateurs, ou d’exprimer des remerciements pour services rendus (les membres de l’orchestre furent ainsi invitĂ©s peu aprĂšs les premiĂšres de L’Étoile du Nord et du Pardon de PloĂ«rmel). Sur la pĂ©riode de temps comprise entre 1846 et 1864, Letellier[4] n’a retrouvĂ© la trace que de cinq dĂźners organisĂ©s en l’honneur de la critique musicale, et aucun d’entre eux ne prĂ©cĂšde immĂ©diatement la crĂ©ation de l’un de ses opĂ©ras.

Les attaques antisémites

Comme en tĂ©moigne son journal, Meyerbeer aura souffert tout au long de sa vie de prĂ©jugĂ©s antisĂ©mites. En 1812, il rapporte avoir Ă©tĂ© extrĂȘmement blessĂ© par les moqueries de deux jeunes filles dans une auberge. PrĂšs de trente ans plus tard, en 1841, il Ă©voque les insultes antisĂ©mites dont il est la victime dans un restaurant Ă  Heidelberg. En 1847, le gĂ©nĂ©ral von Hannecken invite Ă  un repas, pour cĂ©lĂ©brer l’anniversaire du roi de Prusse, tous les Prussiens prĂ©sents Ă  Franzensbad, Ă  l’exception de Meyerbeer (ce dernier se limitant Ă  commenter cette vexation par la phrase sibylline « À ajouter au reste
 »)[27].

Le , le Courrier des Théùtres fait paraßtre un article dans lequel on peut lire :

« La Juiverie nous enveloppe de tous cĂŽtĂ©s, elle cerne tous les lieux oĂč l’échat des Beaux-arts permet une exploitation qui puisse se traduire par de l’argent. (
) Aussi voyons-nous Ă  prĂ©sent des Juifs dans presque toutes entreprises dramatiques. (
) La musique est principalement l’objet de leur ambition. Ces messieurs se sont imaginĂ© qu’à l’aide de leurs compositeurs sans gĂ©nie, plagiaires et remuants, ils dĂ©trĂŽneraient les nĂŽtres et s’empareraient de tout le domaine. »

— Courrier des ThĂ©Ăątres, 22Ăšme annĂ©e, n° 7503, 8 juillet 1839

Dans une lettre adressĂ©e Ă  Heinrich Heine le , Meyerbeer Ă©voque ces attaques antisĂ©mites (qu’il a pris l’habitude de rĂ©sumer par le mot judĂ©o-allemand de « richess » de l'hĂ©breu ŚšŚ©Śą-racha ou mĂ©crĂ©ant, dĂ©signant de façon gĂ©nĂ©rale l'antisĂ©mitisme) et dresse un constat Ă  la fois dĂ©sabusĂ© et prĂ©monitoire :

« Je ne suis pas de votre avis, cher ami, sur le fait que la « richesse » est une arme usĂ©e avec laquelle mes ennemis ne peuvent pas m’atteindre. Je crois que l’antisĂ©mitisme est comme l’amour dans les romans ou les piĂšces de thĂ©Ăątre : on peut le rencontrer d’une façon ou d’une autre dans autant d’histoires qu'il est possible, on ne rate jamais sa cible en s’en servant Ă  nouveau si on l’utilise correctement. (
) Que peut-on faire ? Ni la pommade de lion, ni la graisse d’ours, pas mĂȘme le baptĂȘme, ne peuvent faire repousser le petit morceau de chair qui nous a Ă©tĂ© retirĂ© le huitiĂšme jour de notre vie ; et ceux qui ne sont pas morts de cette opĂ©ration le neuviĂšme jour auront Ă  en supporter les sĂ©quelles toute leur vie durant, et mĂȘme aprĂšs leur mort. »

Les attaques antisĂ©mites vont devenir dĂ©terminantes dans le rejet de la musique de Meyerbeer aprĂšs la publication, en 1850, du pamphlet Das Judenthum in der Musik. Écrit par Wagner sous couvert d’un pseudonyme, ses deux principales victimes en sont Mendelssohn (mort en 1847) et Meyerbeer, ce dernier n’ayant d’ailleurs pas l’honneur d’ĂȘtre citĂ©, comme si le fait d’écrire son nom Ă©tait Ă  lui seul un acte dĂ©gradant[29].

L’impossibilitĂ© pour un juif d’ĂȘtre un artiste selon Wagner

Si Wagner recycle sans souci d’originalitĂ© particulier les prĂ©jugĂ©s antisĂ©mites classiques, il a l’ambition de dĂ©velopper un semblant de raisonnement logique et structurĂ© afin de « dĂ©montrer » d’une façon quasi-scientifique qu’un Juif ne peut pas ĂȘtre un artiste du fait mĂȘme qu’il est juif.

PremiĂšre Ă©tape : les juifs n’ont pas de langue propre

Le point de dĂ©part du « raisonnement » de Wagner est que les Juifs seraient par nature des « Ă©trangers » dĂ©pourvus d’une langue qui leur est propre.

« Le Juif parle la langue de la nation oĂč il vit de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration, mais il la parle comme un Ă©tranger. (
) Par le fait que le Juif parle les langues europĂ©ennes, non comme un indigĂšne, mais comme des langues apprises, il est dans l’incapacitĂ© de s’exprimer suivant l’originalitĂ© et le gĂ©nie propres Ă  chaque langue. »

Wagner prend alors la peine de prĂ©ciser qu’en fait, le Juif ne parle mĂȘme pas correctement la langue du pays dans lequel il est nĂ©, faisant des fautes de syntaxe grossiĂšres et Ă©tant affublĂ© d’un accent « Ă  la fois zĂ©zayant, criard et traĂźnard ». Ce faisant, cette impossibilitĂ© de s’exprimer dans une langue qui lui est propre serait lourde de consĂ©quences pour un Juif qui aurait la prĂ©tention de vouloir composer des opĂ©ras :

« Il est donc notoire que si le Juif, ainsi que nous l’avons dĂ©montrĂ©, est incapable d’exprimer par son langage des sentiments et des idĂ©es au moyen du discours, il pourra encore moins les manifester au moyen du chant, le chant Ă©tant Ă  proprement parler le discours portĂ© Ă  son paroxysme, car la musique est par excellence le langage de la passion. Si d’aventure, le Juif cherche Ă  Ă©lever l’animation de son verbiage jusqu’au chant, il lui sera impossible de nous Ă©mouvoir par une excitation feinte et fonciĂšrement ridicule et il se rendra ainsi d’autant plus insupportable. Et tout ce qui nous froissait dĂ©jĂ  dans son langage et son physique ne rĂ©ussirait, alors qu’il chante, qu’à nous mettre en fuite, si la bouffonnerie de ce spectacle ne nous retenait. »

DeuxiÚme étape : la création artistique est impossible dans une autre langue que la sienne

Selon Wagner, la crĂ©ation artistique ne serait possible qu’à ceux s’exprimant dans leur langue maternelle. Les Juifs en Ă©tant dĂ©pourvus, ils ne peuvent donc accĂ©der Ă  un tel processus et ne pourront jamais faire preuve d’originalitĂ© :

« Jusqu’à prĂ©sent, il a Ă©tĂ© impossible aux plus grands gĂ©nies de s’exprimer en poĂšte dans une autre langue que leur langue maternelle (
). Le Juif ne peut donc, dans cette langue, faire Ɠuvre de poĂšte ou d’artiste : il devra se contenter d’imiter, de rĂ©pĂ©ter. (
) Il n’existe pas d’art juif, par consĂ©quent point non plus de vie crĂ©atrice d’art. »

De tous les arts, la musique serait alors le plus susceptible d’ĂȘtre pratiquĂ© par les Juifs dans la mesure oĂč c’est celui oĂč il serait le plus facile « d’imiter » et « de rĂ©pĂ©ter » ce qui a Ă©tĂ© fait par le passĂ©. En effet :

« Comme en musique, en tant qu’art absolu, les plus grands gĂ©nies ont dit tout ce qu’elle pouvait exprimer, il n’est pas un art oĂč il soit aussi facile de parler pour ne rien dire. Les principes fondamentaux une fois exprimĂ©s, on n’arrive plus qu’à faire rabĂącher Ă  la façon des perroquets qui rĂ©pĂštent les phrases humaines (
). Et c’est Ă  cette interprĂ©tation d’art qu’a abouti en musique le Juif cultivĂ© ; la seule chose qui fasse remarquer plus spĂ©cialement son imitation simiesque Ă©tant cette Ă©locution juive dont nous avons parlĂ© plus haut. »

De la mĂȘme façon que le Juif ne parlerait pas de façon correcte la langue du pays oĂč il est nĂ©, il ne serait pas capable de faire une synthĂšse satisfaisante des tendances musicales passĂ©es ; en bref, pour Wagner, non seulement le Juif copie (et mĂȘme singe pour reprendre son image animaliĂšre), mais il copie mal.

« De mĂȘme que dans ce jargon on observe une Ă©norme indigence d’expressions Ă  laquelle on supplĂ©e par un tohu-bohu de constructions bizarres et jetĂ©es pĂȘle-mĂȘle, de mĂȘme le musicien juif mĂȘle toutes les formes et tous les styles de tous les maĂźtres et de toute Ă©poque. Les particularitĂ©s spĂ©ciales Ă  chaque Ă©cole y ont leur place dans un chaos extrĂȘmement confus. »

Une circonstance aggravante : l’appñt du gain

Sa « dĂ©monstration » terminĂ©e, Wagner illustre l’inaptitude des Juifs Ă  la crĂ©ation artistique en considĂ©rant les exemples de Mendelssohn et Meyerbeer (en usant de pĂ©riphrases pour ce dernier afin de ne pas avoir Ă  le nommer). S’il exprime sa « sympathie » Ă  l’égard du sort tragique de Mendelssohn qui souhaitait ĂȘtre un artiste sans jamais pouvoir y parvenir, il se refuse Ă  faire de mĂȘme pour Meyerbeer qui ne serait mĂ» que par l’appĂąt du gain :

« Pourtant, Mendelssohn reste le seul compositeur juif Ă©veillant en nous une pareille sympathie. Il s’est trouvĂ© un autre compositeur juif contemporain, et qui est universellement connu, mais il n’a en vue que de crĂ©er ses productions musicales afin d’exploiter – puisqu’on ne pouvait plus le corrompre – le goĂ»t public. (
) Nous croyons rĂ©ellement qu’il voudrait crĂ©er des Ɠuvres d’art, mais qu’il a conscience de son impuissance. Pour sortir de ce dilemme entre vouloir et pouvoir, il Ă©crit des opĂ©ras Ă  l’intention de Paris, et les fait alors reprĂ©senter dans le monde entier. C’est le plus sĂ»r moyen de se faire passer Ă  prĂ©sent pour un artiste, sans avoir le moins du monde le sens artistique. Cette auto-illusion qui doit certainement ĂȘtre plus pĂ©nible qu’on ne le suppose, nous le ferait Ă©galement apparaĂźtre sous un cĂŽtĂ© tragique ; mais le rĂŽle jouĂ© par l’intĂ©rĂȘt au point de vue personnel fait plutĂŽt de ce personnage quelque chose de tragi-comique. L’impression de froideur et de profond ridicule qu’il nous produit rĂ©vĂšle en somme les caractĂšres distinctifs du judaĂŻsme dans la musique. »

Wagner et Meyerbeer

La violence des attaques de Wagner vis-Ă -vis de Meyerbeer est inĂ©dite dans l’histoire de la musique[27] et n’a jamais vraiment Ă©tĂ© expliquĂ©e. Les relations entre les deux hommes ont fait l’objet de plusieurs Ă©tudes spĂ©cifiques afin de tenter d’en percer les mystĂšres. Pour J. L. Thomson[27], il faut distinguer deux phases.

ScĂšne du quatriĂšme acte de Rienzi.

De 1839 Ă  1849, Wagner admire (sincĂšrement ?) Meyerbeer avec lequel il entretient une correspondance pleine de respect (voire d’obsĂ©quiositĂ©), lui demandant une aide tant financiĂšre qu’artistique. En retour, Meyerbeer considĂšre avec bienveillance le jeune compositeur, l’encourage et intervient en sa faveur Ă  plusieurs reprises. Ils se rencontrent pour la premiĂšre fois Ă  Boulogne-sur-Mer en , Wagner se rendant Ă  Paris alors que Meyerbeer se dirige vers Londres en compagnie de son Ă©pouse. Au cours de cette premiĂšre entrevue, Wagner lit le livret de Rienzi Ă  Meyerbeer qui Ă©coute avec intĂ©rĂȘt la musique de la fin du troisiĂšme acte et accepte d’emporter les deux premiers actes achevĂ©s afin de les Ă©tudier.

Lorsque Meyerbeer retourne Ă  Paris quelques semaines plus tard, il retrouve un Wagner dĂ©sargentĂ© et qui n’arrive pas Ă  s’intĂ©grer au monde musical de la capitale. Il intervient alors auprĂšs de l’éditeur de musique Maurice Schlesinger afin que ce dernier confie Ă  Wagner quelques travaux littĂ©raires et musicaux et lui fait rencontrer plusieurs personnalitĂ©s de la vie musicale parisienne. Souhaitant Ă©crire pour l’OpĂ©ra de Paris, Wagner commence Ă  travailler au cours du printemps 1840 Ă  son Vaisseau fantĂŽme. Meyerbeer, qui est retournĂ© Ă  Berlin, est Ă  nouveau sollicitĂ© par Wagner dans une longue lettre[30] oĂč on peut lire des expressions telles que « Vous, mon cher MaĂźtre, qui ĂȘtes la bontĂ© et la bienveillance mĂȘmes », « Vous, le MaĂźtre vĂ©nĂ©rĂ© de tous les sons », « Je n’attends en ce monde aucune aide que de vous » et qui se conclut par le passage suivant :

« Quand Meyerbeer a quitté Paris, un temps de souffrances a commencé pour moi, tel que, si je devenais célÚbre, ce dont je ne doute pas, un grand poÚte emploierait de vingt-quatre à quarante-huit strophes pour les chanter. »

GrĂące Ă  l’entremise de Meyerbeer, Wagner rencontre LĂ©on Pillet, alors directeur de l’OpĂ©ra de Paris, mais il n’arrivera pas Ă  convaincre ce dernier de la qualitĂ© de sa musique. Pillet se contentera d’acquĂ©rir les droits sur le livret du Vaisseau fantĂŽme pour confier la composition musicale Ă  Louis Dietsch. C’est encore Meyerbeer qui intervient auprĂšs de la direction de l’OpĂ©ra royal de Dresde afin que puissent ĂȘtre crĂ©Ă©s Rienzi (le ), puis Le Vaisseau fantĂŽme (le ), permettant Ă  Wagner de remporter ses deux premiers succĂšs incontestables. Avant mĂȘme d’ĂȘtre certain du rĂ©sultat positif de l’intervention de Meyerbeer, Wagner lui Ă©crit une lettre de remerciements dans laquelle il est possible de lire : « si vous pouviez sentir vers quelle reconnaissance infinie vous m’avez poussĂ© par ce tĂ©moignage si simple et si flatteur de votre intĂ©rĂȘt pour moi : je ne puis que vous dire Ă©ternellement : merci ! merci ! »[30].

En tant que Generalmusikdirektor de l’OpĂ©ra royal de Berlin, Meyerbeer montera ces deux mĂȘmes Ɠuvres en 1844 (pour Le Vaisseau fantĂŽme) et 1847 (pour Rienzi). OrganisĂ©es en l’honneur de l’anniversaire du roi de Prusse, les reprĂ©sentations berlinoises de Rienzi sont particuliĂšrement mises en valeur, Meyerbeer acceptant de reprendre pour l’occasion la baguette de chef d’orchestre, ce qu’il n’avait plus coutume de faire Ă  cette Ă©poque. Malheureusement, cet Ă©vĂ©nement ne sera pas aussi glorieux que Wagner l’espĂ©rait : ce dernier sera mĂȘme profondĂ©ment humiliĂ© par le fait que le roi n’assiste Ă  aucune des trois reprĂ©sentations donnĂ©es en son honneur[31].

Wagner, vers 1853.

Les annĂ©es 1850-1851 marquent le tournant dans la relation entre les deux hommes, avec la publication, en 1851, de l’essai de Wagner OpĂ©ra et Drame dans lequel il reprend les attaques dĂ©jĂ  exprimĂ©es contre Meyerbeer (mais sous le couvert d’un pseudonyme) dans Das Judenthum in der Musik (1850). Les raisons de ce retournement restent inconnues : Becker[32] suggĂšre que Wagner aurait souhaitĂ© se venger de Meyerbeer qui avait refusĂ© de lui prĂȘter une importante somme d’argent en . Pour Thomson[27], cela traduirait plutĂŽt la prĂ©caritĂ© de la situation de Wagner Ă  l’époque : ce dernier a dĂ» fuir Dresde pour avoir participĂ© aux insurrections rĂ©volutionnaires de 1849. Il se rĂ©fugie Ă  Zurich, sans revenu fixe et avec peu d’espoir de pouvoir faire reprĂ©senter ses opĂ©ras en Allemagne compte tenu du mandat d’arrĂȘt lancĂ© contre lui. Le succĂšs triomphal remportĂ© par Le ProphĂšte au mĂȘme moment aurait alors accru son dĂ©pit et sa jalousie vis-Ă -vis de Meyerbeer.

Par la suite, Wagner et Meyerbeer se croiseront par hasard Ă  Londres en 1855 dans la maison d’une connaissance commune. Surpris de se trouver en prĂ©sence l’un de l’autre, ils n’échangeront pas un mot. Dans Ma vie[33], Wagner imputera Ă  Meyerbeer le fiasco de la premiĂšre de TannhĂ€user Ă  l’OpĂ©ra de Paris en 1861 : Meyerbeer se serait ainsi acquis l’animositĂ© de Berlioz vis-Ă -vis de Wagner pour le prix d’un bracelet offert Ă  son Ă©pouse. Meyerbeer aurait Ă©galement usĂ© de ses relations au plus haut niveau de l’État afin d’empĂȘcher l’organisation de concerts programmant la musique de Wagner. Tous les comptes-rendus nĂ©gatifs publiĂ©s dans la presse aprĂšs la premiĂšre reprĂ©sentation de TannhĂ€user seraient le rĂ©sultat d’une corruption Ă  grande Ă©chelle de l’ensemble de la critique musicale parisienne. Letellier[4] a Ă©tabli que toutes ces accusations relevaient du fantasme.

En 1892, deux musicologues français, Albert Soubies et Charles Malherbe[30] publient des documents inĂ©dits Ă©clairant d’une façon nouvelle les relations entre Meyerbeer et Wagner. Le plus important d’entre eux est le brouillon d’un long article rĂ©digĂ© en 1842 par Wagner Ă  la gloire de Meyerbeer. Thomson[27] observe que ce texte est particuliĂšrement intĂ©ressant dans la mesure oĂč il prĂ©sente des arguments exactement opposĂ©s Ă  ceux que dĂ©veloppera Wagner dans Das Judenthum in der Musik. Meyerbeer n’est pas prĂ©sentĂ© comme un Ă©tranger ; Wagner s’attache mĂȘme au contraire Ă  affirmer avec force et Ă  de nombreuses reprises sa nationalitĂ© allemande. Il est ainsi indiquĂ© que « Meyerbeer Ă©tait si allemand qu’il ne tarda pas Ă  s’engager dans la voie de ses ancĂȘtres allemands » ou encore que « le sang allemand, un sang pur et chaste, coule en ses veines »[30] ; l’idĂ©e selon laquelle la crĂ©ation artistique ne pourrait se produire qu’en utilisant sa langue maternelle est explicitement battue en brĂšche : « Meyerbeer (
) a brisĂ© les barriĂšres des prĂ©jugĂ©s nationaux, dĂ©truit les bornes qui resserraient le langage, Ă©crit les exploits de la musique telle que la pratiquaient Haendel, Gluck et Mozart ; ceux-lĂ  Ă©taient des Allemands, et Meyerbeer aussi est un Allemand. »[30]. Pour Wagner en 1842, non seulement il est incontestable que Meyerbeer est un artiste, mais il s’agit encore d’un « gĂ©nie » dont l’une des caractĂ©ristiques est le bon ordonnancement de la matiĂšre musicale (alors qu’il condamnera le « chaos extrĂȘmement confus » de ses compositions dans Das Judenthum). Les derniĂšres lignes du texte sont Ă©difiantes Ă  plus d’un titre :

« En ce sens, on ne peut plus rien concevoir de plus Ă©levĂ©. Nous comprenons que le point culminant, dans toute l’acception du mot, a Ă©tĂ© atteint et, de mĂȘme que le plus grand gĂ©nie Ă©claterait s’il voulait, dans l’ordre d’idĂ©es de Beethoven, non pas mĂȘme enchĂ©rir sur sa derniĂšre symphonie mais seulement essayer de partir de lĂ  pour aller plus loin, de mĂȘme il paraĂźt impossible que, dans cet ordre d’idĂ©es oĂč Meyerbeer a touchĂ© la limite extrĂȘme, on veuille encore s’avancer au-delĂ . Il nous faut nous arrĂȘter Ă  l’opinion que cette derniĂšre Ă©poque de la musique dramatique s’est fermĂ©e avec Meyerbeer, et qu’aprĂšs lui comme aprĂšs Haendel, Gluck, Mozart et Beethoven, l’idĂ©al pour cette pĂ©riode doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme atteint et impossible Ă  dĂ©passer ; mais aussi que, dans sa puissance infatigable de crĂ©ation, le temps apportera une nouvelle direction qui permettra de faire ce que ces hĂ©ros ont fait. »

La sincĂ©ritĂ© de Wagner lorsqu’il Ă©crit ce dithyrambe peut bien sĂ»r ĂȘtre mise en doute. Il est cependant problĂ©matique qu’un mĂȘme auteur puisse adopter des points de vue argumentĂ©s aussi opposĂ©s sur les mĂȘmes sujets Ă  aussi peu d’annĂ©es d’intervalle. De mĂȘme que peut sembler exagĂ©rĂ©e la volontĂ© de faire de Meyerbeer un archĂ©type du gĂ©nie musical allemand en 1842, de mĂȘme aussi paraĂźt forcĂ© le souci de nier sa qualitĂ© d’artiste en 1850. Ce passage d’une opinion extrĂȘme Ă  une autre conduit Ă  une certaine circonspection sur le sentiment rĂ©el Ă©prouvĂ© par Wagner vis-Ă -vis de la musique de Meyerbeer. Letellier[4] se demande mĂȘme si Wagner dĂ©testait Meyerbeer parce que Wagner Ă©tait antisĂ©mite, ou si c’est parce que Wagner dĂ©testait Meyerbeer qu’il est devenu antisĂ©mite. Finalement, la clĂ© de l’attitude de Wagner vis-Ă -vis de Meyerbeer rĂ©side peut-ĂȘtre dans le fait, identifiĂ© dĂšs 1910 par le musicologue Richard Rote, que « Wagner Ă©tait forcĂ© de tuer Meyerbeer, tout comme Zeus l’était de tuer Cronos : parce qu’il Ă©tait son pĂšre[34]. »

Le succÚs et la résilience des critiques antisémites

La « dĂ©monstration » de Wagner dans son Judenthum in der Musik est tellement peu convaincante qu’elle n’a jamais Ă©tĂ© reprise par la suite. Si le premier point (« les Juifs n’ont pas de langue maternelle ») relĂšve de la confusion antisĂ©mite classique entre religion et nationalitĂ©, le deuxiĂšme point (« on ne peut s’exprimer en artiste que dans sa langue maternelle ») est particuliĂšrement saugrenu : outre qu’il est difficile de voir ce qu’il signifie pour la peinture, la sculpture ou la musique instrumentale, il reviendrait Ă  prĂ©tendre que Don Giovanni n’est pas une Ɠuvre d’art parce que Mozart a utilisĂ© un livret Ă©crit en italien. En rĂ©digeant OpĂ©ra et Drame, Wagner a tentĂ© de rĂ©pondre Ă  cette derniĂšre objection en opposant Meyerbeer Ă  Gluck qui, bien que nĂ© en Allemagne, a Ă©galement composĂ© des opĂ©ras sur des livrets en italien et en français. Si malgrĂ© cela, Gluck est un artiste, contrairement Ă  Meyerbeer, c’est parce que, pour Gluck, seul le discours (opposĂ© Ă  la langue) importe. Malheureusement, au moment oĂč Wagner va expliciter ce nouvel argument, il s’empresse de changer de sujet :

« Il me faut, pour ne pas interrompre ici la suite de mon exposĂ©, rĂ©server ce sujet extrĂȘmement important pour un examen approfondi Ă  l’endroit opportun de mon Ă©crit ; qu’il suffise ici d’attirer l’attention sur cette circonstance que Gluck s’intĂ©ressait surtout Ă  la parole vivante — en n’importe quelle langue — parce qu’il trouvait en elle seule une justification de la mĂ©lodie. »

Il est regrettable que dans les centaines de pages qui suivent, Wagner n’ait pas su trouver « l’endroit opportun » pour clarifier ce point[27].

Le reproche selon lequel Meyerbeer n’aurait Ă©tĂ© intĂ©ressĂ© que par l’argent est bien plus conforme Ă  la vulgate antisĂ©mite. Or, l’amour prĂ©sumĂ© de Meyerbeer pour l’argent n'est rien moins qu’évident. Comme l’a Ă©tabli Letellier[4], ses goĂ»ts sont simples : il mange peu et est toujours vĂȘtu de costumes sombres et discrets. Quand il vient Ă  Paris, il loue de modestes logements Ă  proximitĂ© de l’OpĂ©ra. S’il mentionne dans son journal les recettes record de ses opĂ©ras ou ses droits d’auteur, c’est uniquement en tant qu’indicateurs objectifs du succĂšs qu’il remporte. Il est par ailleurs extrĂȘmement gĂ©nĂ©reux et n’hĂ©site jamais Ă  aider financiĂšrement des connaissances plus ou moins Ă©loignĂ©es (et notamment Heine et Wagner) en ayant le bon goĂ»t de ne jamais exiger le remboursement des sommes prĂȘtĂ©es.

Si les raisonnements wagnĂ©riens ne rencontrent pas un trĂšs grand succĂšs, il n’en va pas de mĂȘme de ses conclusions, d’autant que l’antisĂ©mitisme gangrĂšne de plus en plus les sociĂ©tĂ©s europĂ©ennes Ă  partir de la deuxiĂšme moitiĂ© du XIXe siĂšcle. Le refus de considĂ©rer Meyerbeer comme un « vĂ©ritable artiste » et son assimilation Ă  un banquier[35] dont le seul but est d’accumuler de l’argent seront des critiques rĂ©pĂ©tĂ©es ad nauseam par la suite. Ainsi, juste avant que n’éclate l’affaire Dreyfus, le musicographe nantais Étienne Destranges[36] Ă©crit un violent pamphlet contre Meyerbeer dans lequel on lit des phrases telles que :

« [Meyerbeer], vouĂ©, en quelque sorte, au cosmopolitisme artistique par la fatalitĂ© de sa race, sacrifiera Ă  toutes les idoles. (
)

Rampant, obsĂ©quieux, rempli, au fond d’un immense orgueil, mais se faisant petit pour arriver plus sĂ»rement Ă  son but, (
) faux dans ses relations comme il l’était dans sa musique, rompu Ă  toutes les roueries de la rĂ©clame et sachant payer sa gloire, tel Ă©tait Jacob ou plutĂŽt Giacomo Meyerbeer. (
)

Peu lui importait le sort dĂ©finitif de ses Ɠuvres, pourvu que de son vivant, elles lui rapportassent toutes sortes de bĂ©nĂ©fices. En lui le Juif allemand de basse classe perçait toujours. Le pon bedit gommerce !

Ce qui lui a manquĂ©, c’est la conscience artistique. N’ayant ni style personnel ni idĂ©es originales, mais seulement une grande facilitĂ© d’assimilation, il prit de droite et de gauche une foule d’élĂ©ments divers qu’il tritura et assaisonna avec une habiletĂ© prodigieuse et indiscutable. »

La musique de Meyerbeer souffre du mĂȘme interdit que celle de Mendelssohn et des autres compositeurs juifs Ă  partir de l’accession d’Hitler au pouvoir. Son rĂŽle dans l’histoire de la musique est constamment dĂ©prĂ©ciĂ© dans les ouvrages Ă©crits Ă  cette Ă©poque (voir par exemple le pamphlet de Karl Blessinger paru en 1939 et intitulĂ© Mendelssohn, Meyerbeer, Mahler : trois chapitres du judaĂŻsme dans la musique comme clĂ© pour l’histoire de la musique du XIXe siĂšcle[37]). Letellier[4] observe que Meyerbeer va continuer Ă  ĂȘtre prĂ©sentĂ© de façon largement nĂ©gative dans les ouvrages parus aprĂšs la Seconde Guerre mondiale, dans lesquels sont recopiĂ©s, sans la moindre distance critique, les attaques wagnĂ©riennes de nature antisĂ©mite. Il fait souvent l’objet de jugements pĂ©remptoires contestant (sans justification particuliĂšre) sa qualitĂ© d’artiste et l’accusant (sans Ă©lĂ©ment probant) de n’ĂȘtre intĂ©ressĂ© que par l’argent.

Ainsi, dans La musique des origines à nos jours, ouvrage collectif dirigé par Norbert Dufourcq paru pour la premiÚre fois en 1946 aux éditions Larousse, les quelques paragraphes consacrés à Meyerbeer se concluent de la maniÚre suivante[38] :

« Excellent homme d’affaires, mais artiste sans grand idĂ©al, Meyerbeer a jouĂ© un rĂŽle Ă©vident dans l’évolution du thĂ©Ăątre lyrique, mais ne peut prĂ©tendre Ă  un rang trĂšs Ă©levĂ© parmi les compositeurs dramatiques de la premiĂšre moitiĂ© du XIXe siĂšcle. »

Lucien Rebatet, auteur en 1969 d'Une histoire de la musique qui relaie complaisamment les préjugés antisémites à l'encontre de Meyerbeer.

Dans le Tome 2 de l’Histoire de la musique paru en 1963 sous la direction de Roland-Manuel, dans l’EncyclopĂ©die de la PlĂ©iade, RenĂ© Dumesnil[39] Ă©crit quant Ă  lui Ă  propos de Meyerbeer :

« Il lui a manquĂ© une conscience artistique qui l’eĂ»t gardĂ© de montrer dans ses ouvrages ce que Berlioz a pu nommer « des ficelles grosses comme des cĂąbles ». On le dĂ©plore d’autant plus qu’il a quelquefois oubliĂ© de prendre ces prĂ©cautions intĂ©ressĂ©es, et qu’alors il a laissĂ© voir le musicien qu’il aurait pu ĂȘtre. »

Lucien Rebatet, collaborateur condamné à mort à la Libération mais finalement gracié, peut encore écrire dans Une histoire de la musique[40] parue en 1969 :

« Mais bien vite on comprend de nouveau le mĂ©pris que vouaient Ă  ce faiseur toujours triomphant les vĂ©ritables artistes qui payaient d’une vie prĂ©caire, harassante, leur intransigeance et leur sincĂ©ritĂ©, Wagner, Schumann, qui pour tout compte-rendu du ProphĂšte Ă©crivait une date, 1849, celle de la reprĂ©sentation, et traçait dessous une croix mortuaire.

Commerçant richissime, Meyerbeer est un pauvre musicien. (
)

Il n’y a pas l’ombre d’originalitĂ© chez ce cosmopolite que l’on ne peut rattacher Ă  aucune Ă©cole nationale. (
) Mais tout est chez lui d’un tissu plus gros, plus vulgaire que chez ses contemporains. On ne lui connait pas d’autre marque personnelle. (
)

Meyerbeer, pour avoir consommĂ© l’avilissement du goĂ»t public, nageait dans l’or. »

Un maillon essentiel dans l’histoire de l’opĂ©ra

Bien que cĂ©lĂšbre dans toute l'Europe dĂšs les annĂ©es 1830, sa renommĂ©e, aprĂšs sa mort, fut trĂšs rapidement Ă©clipsĂ©e, en particulier par Wagner, et ses Ɠuvres ont peu Ă  peu disparu du rĂ©pertoire. Le disque et quelques rares reprises ont cependant Ă©vitĂ© Ă  ses Ɠuvres de tomber dans l'oubli, et permis au public moderne de mieux prendre la mesure de son importance dans l’évolution des procĂ©dĂ©s dramatiques et dans l’histoire de l’opĂ©ra.

Un compositeur en (trop ?) parfaite adéquation avec son époque

Les triomphes remportĂ©s par Meyerbeer tiennent beaucoup Ă  sa capacitĂ© de « coller » Ă  son Ă©poque. Cette adĂ©quation parfaite aux prĂ©occupations du moment explique peut-ĂȘtre Ă©galement en partie que ses Ɠuvres aient Ă©tĂ© moins reprĂ©sentĂ©es aprĂšs sa mort. Les thĂšmes choisis rencontrent un Ă©cho profond parmi les spectateurs du XIXe siĂšcle comme le relate ThĂ©ophile Gautier lors de la crĂ©ation du ProphĂšte[41] qui note ainsi que les personnages de l’opĂ©ra « ont des dialogues qu’on pourrait croire taillĂ©s dans la prose des journaux communistes ».

Pour T. Gautier, Robert le Diable, Les Huguenots et Le ProphĂšte « composent une immense trilogie symbolique pleine de sens profonds et mystĂ©rieux ». Il observe plus prĂ©cisĂ©ment que « par une coĂŻncidence bizarre, chacun de ces opĂ©ras se rapporte exactement au sens historique de l’époque oĂč il a Ă©tĂ© fait ou jouĂ©. Robert le Diable, composĂ© dans les derniĂšres annĂ©es de la Restauration, quoique jouĂ© plus tard, reprĂ©sente assez bien l’esprit chevaleresque, catholique et plein de retours au Moyen Âge de cette pĂ©riode. Les Huguenots, oĂč les protestants ont le beau rĂŽle, ne peignent-ils pas les tendances sceptiques, bourgeoises et constitutionnelles du rĂšgne qui vient de s’écouler ? Le ProphĂšte semble fait Ă  souhait pour les prĂ©occupations du moment. »

Une autre façon pour Meyerbeer de coller Ă  son Ă©poque est son souci de composer pour des interprĂštes prĂ©cis et connus Ă  l’avance. Ce « sur-mesure » est peut-ĂȘtre mĂȘme la caractĂ©ristique principale du style d’écriture du compositeur. Ainsi, Les Huguenots ont Ă©tĂ© composĂ©s spĂ©cialement pour mettre en valeur les qualitĂ©s vocales des chanteurs d’exception qui composaient alors la troupe de l’OpĂ©ra de Paris au premier rang desquels il faut citer le tĂ©nor Adolphe Nourrit, la soprano CornĂ©lie Falcon et la basse Nicolas-Prosper Levasseur. Meyerbeer regrettera toujours par la suite de ne pas retrouver des talents aussi exceptionnels : « Il faut en prendre notre parti ! Ce trio de Robert et des Huguenots, nous ne le verrons plus ! » (citĂ© par de Curzon[6]).

Pour de Curzon[6], l’effacement de Nourrit au profit de Gilbert Duprez a Ă©tĂ© particuliĂšrement prĂ©judiciable pour la postĂ©ritĂ© des opĂ©ras de Meyerbeer, et en particulier pour Robert le Diable et Les Huguenots :

« Bien que pour lui on eĂ»t baissĂ© et Ă©largi plus d’un passage, Duprez, dont les effets n’agissaient qu'Ă  dĂ©couvert et hors du feu de l’action, ralentissait constamment le mouvement et prenait le contrepied des nuances. Dans le septuor, alors que la voix de Nourrit dominait tout sans effort, et semblait scintiller, fouetter l'air comme sa « bonne Ă©pĂ©e », celle de Duprez disparaissait complĂštement. En revanche, le « Tu l'as dit» (qui doit ĂȘtre une caresse) Ă©tait lancĂ© Ă  toute force... comme on l'a toujours entendu depuis. C'est oĂč son exemple fut nĂ©faste. Duprez Ă©tait un « fort tĂ©nor » ; ces effets d'Ă©clat et de puissance Ă©taient d'un fort tĂ©nor, qui ne se tirait des notes hautes qu'en poitrine et Ă  force de cri. Mais justement, Meyerbeer n'avait pas du tout Ă©crit ses rĂŽles pour « fort tĂ©nor ». InterprĂ©tĂ©s par cette voix, et ce style appuyĂ©, dĂ©clamatoire, qui est devenu dĂšs lors comme traditionnel, ils perdent presque tout le style que le musicien leur avait donnĂ©. »

Des influences multiples

Presque tous les compositeurs d’opĂ©ras du XIXe siĂšcle ont Ă©tĂ© influencĂ©s par Meyerbeer : le jeune Wagner l’imitera dans Rienzi avant de s’en affranchir et Verdi devra se soumettre aux rĂšgles dramatiques qu’il avait fixĂ©es lorsqu’il Ă©crira pour Paris.

Sur l’opĂ©ra français : Gounod, Bizet, Saint-SaĂ«ns, Massenet

Charles Gounod en 1859, année de la création de Faust.

C’est sans doute en France que l’art de Meyerbeer a fait le plus Ă©cole : il constitue le modĂšle incontestable de tous les « grands opĂ©ras » Ă©crits pour l’OpĂ©ra de Paris, de la crĂ©ation de Robert le Diable jusqu’à la fin XIXe siĂšcle. HalĂ©vy, avec La Juive (1835) ou Guido et Ginevra (1838), s’inspire explicitement de Robert. Le Mephisto de Faust (1859) de Gounod descend en droite ligne du Bertram de Robert le Diable et la scĂšne de la dispute du quatriĂšme acte de RomĂ©o et Juliette (1867) fait Ă©cho aux scĂšnes similaires des Huguenots. L'antĂ©pĂ©nultiĂšme opĂ©ra de Gounod, Cinq-Mars (1877), est une tentative de synthĂšse entre l'opĂ©ra-comique et le grand-opĂ©ra meyerbeerien. Tout comme une marche commence le quatriĂšme acte de L’Africaine, une marche conclut le quatriĂšme acte du Roi de Lahore (1877) de Massenet.

Dans La Damnation de Faust, Berlioz reproduit les dĂ©gringolades de piccolo et de flĂ»tes que l’on entend dans le trio du menuet des Huguenots sur lequel se fait l’entrĂ©e de la cour ; quant au chƓur des Ă©tudiants et des soldats, il est construit sur le modĂšle de la litanie des jeunes filles catholiques et du « Ra-ta-plan » des soldats huguenots.

Segalini[21] observe que, dans Les Huguenots, « Marguerite de Valois, Valentine et Urbain vont devenir les trois prototypes de voix fĂ©minines au XIXe siĂšcle. ». Le personnage de Marguerite de Valois annonce les futures Philine de Mignon (1866) et OphĂ©lie de Hamlet (1868) d’Ambroise Thomas, Olympia des Contes d’Hoffmann (1881) d’Offenbach ou LakmĂ© (1883) de Delibes. Le Siebel du Faust de Gounod n’aurait pas existĂ© sans Urbain ; quant Ă  Valentine, elle est le modĂšle d’un trĂšs grand nombre d’hĂ©roĂŻnes d’opĂ©ra qui suivront.

On retrouve Ă©galement des Ă©chos de Robert le Diable dans Carmen (1875) de Bizet (avec le personnage de MicaĂ«la notamment, directement inspirĂ© de celui d’Alice). Pour Segalini[21], le premier chƓur des paysans du ProphĂšte aurait Ă©galement inspirĂ© Ă  Bizet la scĂšne des cigariĂšres de Carmen.

Saint-SaĂ«ns, qui admirait sincĂšrement Meyerbeer, lui rendra hommage dans nombre de ses crĂ©ations lyriques qu’il s’agisse de son grand opĂ©ra Henry VIII ou de son chef-d’Ɠuvre Samson et Dalila oĂč se multiplient les rĂ©fĂ©rences au ProphĂšte.

Massenet, qui admirait lui aussi sincÚrement Meyerbeer, écrira dans sa jeunesse une fantaisie sur le Pardon de Ploërmel. L'influence de Meyerbeer est également évidente dans toute la partition du Cid (1885) et notamment le deuxiÚme tableau du premier acte, au cours duquel Rodrigue est armé chevalier. On retrouvera encore des échos du style meyerbeerien dans une des derniÚres partitions de Massenet, Bacchus (1909); le final du ballet intitulé Les MystÚres Dionysiaques, comporte des échos de Robert le Diable.

Sur l’opĂ©ra allemand : Wagner

Outre Rienzi (1842), qu’Hans von BĂŒlow qualifiait un peu mĂ©chamment de « meilleur opĂ©ra composĂ© par Meyerbeer », Kaminski[42] dĂ©cĂšle des rĂ©miniscences de Meyerbeer dans de nombreux opĂ©ras de Wagner. Ainsi, des Ă©chos de Robert le Diable sont entendus dans Le Vaisseau fantĂŽme (1843) (avec la ballade d’introduction par exemple), TannhĂ€user (1845) et mĂȘme Parsifal (1882).

Le thĂšme de Bertram sera repris dans la TĂ©tralogie comme le motif symbolisant « la lance de Wotan ». Pour Kaminski[42], le personnage mĂȘme de Wotan est inspirĂ© de Bertram et le duo d’amour du quatriĂšme acte des Huguenots annonce celui de Tristan et Isolde. Le traitement harmonique et instrumental dans un style archaĂŻsant du choral luthĂ©rien « Ein feste Burg » dans Les Huguenots aurait influencĂ© Wagner pour l’ouverture des MaĂźtres-chanteurs de Nuremberg et le prĂ©lude de Parsifal. La clarinette basse utilisĂ©e pour la premiĂšre fois par Meyerbeer pour le grand trio des Huguenots sera adoptĂ©e par Wagner pour caractĂ©riser des atmosphĂšres similaires dans Lohengrin, La Walkyrie et Tristan (rĂ©cit du roi Marke Ă  la fin du deuxiĂšme acte). Quant au chant de heldentenor de Jean de Leyde dans Le ProphĂšte, il va servir de modĂšle Ă  celui de tous les grands hĂ©ros wagnĂ©riens, Ă  commencer par Tristan ou Siegfried.

Sur l’opĂ©ra italien : Bellini, Donizetti, Verdi

Pour Kaminski[42], le trio du premier acte du Crociato in Egitto sera « transfiguré » par Bellini dans la scÚne finale du premier acte de Norma (1831).

Donizetti qui, pour reprendre les termes de Segalini[21], a compris « plus vite que les autres la rĂ©volution de Meyerbeer » initiĂ©e avec Robert le Diable et Les Huguenots, fait Ă©voluer son propre style pour crĂ©er Ă  Paris Les Martyrs (1840), La Favorite (1840) et Dom SĂ©bastien, roi de Portugal (1843), dernier opĂ©ra achevĂ© par le compositeur avant qu’il ne sombre dans la folie.

Verdi a Ă©tĂ© influencĂ© par Meyerbeer, notamment pour les opĂ©ras commandĂ©s par l’OpĂ©ra de Paris : Les VĂȘpres siciliennes et Don Carlos.

Verdi s’est inspirĂ© Ă  de trĂšs nombreuses reprises de Meyerbeer et ne cachera jamais son admiration pour ses Ɠuvres : lors de la composition des VĂȘpres siciliennes, il Ă©crira (en français) Ă  son librettiste (qui se trouve ĂȘtre EugĂšne Scribe) : « J’ai toujours dans mes yeux plusieurs [scĂšnes], entre autres le couronnement de Le ProphĂšte ! Dans cette scĂšne, aucun autre compositeur n’aurait mieux fait que Meyerbeer ! »[43]. Les influences les plus Ă©videntes sont celles qui ont trait aux Ɠuvres composĂ©es (ou adaptĂ©es) pour l’OpĂ©ra de Paris dans le genre du « grand opĂ©ra » : remaniement d’I Lombardi alla prima crociata en JĂ©rusalem (1847), Ă©criture des VĂȘpres siciliennes (1855) et de Don Carlos (1867) dans lequel le personnage de Philippe II retrouve les accents tragiques et torturĂ©s du Bertram de Robert le Diable.

Mais l’influence de Meyerbeer sur Verdi ne se limite pas aux « grands opĂ©ras » composĂ©s par ce dernier : la priĂšre d’Adriano du Crociato in Egitto a servi de modĂšle Ă  la priĂšre de Zaccaria dans Nabucco (1842) tandis que le personnage de Zaccaria dans son ensemble fait Ă©cho Ă  celui de Marcel des Huguenots ; renouveler la rĂ©ussite du duo entre Raoul et Valentine des Huguenots semble avoir Ă©tĂ© Ă  l’origine d’un trĂšs grand nombre des duos d’amour Ă©crits par Verdi, jusqu’à celui d’Otello (1887). La scĂšne de beuverie qui ouvre Robert le Diable se retrouve au deuxiĂšme acte du Bal masquĂ©, pour introduire la scĂšne d’Ulrica. Oscar, de ce mĂȘme Bal MasquĂ©, est trĂšs proche de l’Urbain des Huguenots. Le « Ra-ta-plan » du troisiĂšme acte de La Force du destin est un Ă©cho Ă©vident du « Ra-ta-plan » des Huguenots. Le personnage de FidĂšs du ProphĂšte est le modĂšle de tous ses grands mezzo-sopranos dramatiques : Azucena, Eboli ou encore Amneris. La scĂšne spectaculaire du couronnement du ProphĂšte aura de nombreux Ă©chos dont les plus cĂ©lĂšbres sont sans doute la scĂšne de l’autodafĂ© dans Don Carlos ou la marche triomphale d’Aida.

Si Meyerbeer a été influencé par Rossini, ce dernier a également subi l'influence du compositeur allemand. La derniÚre montée chromatique du final du premier acte du Crociatto in Egitto se retrouve dans l'"AnathÚme à Gessler" qui clÎt le final du troisiÚme acte de Guillaume Tell.

Sur l’opĂ©ra russe : Moussorgski, TchaĂŻkovski

Selon Kaminski[42], « les deux chefs-d’Ɠuvre de Moussorgski lui doivent beaucoup » : le personnage de Boris Godounov (1874) est trĂšs proche du Bertram de Robert le Diable et celui de DossifeĂŻ dans La Khovanchtchina (1886) renvoie au Marcel des Huguenots. La chanson de Varlaam dans Boris Godounov fait Ă©cho Ă  la chanson huguenote de Marcel.

TchaĂŻkovski s’inspire de Meyerbeer Ă  de nombreuses reprises, et notamment dans son « grand opĂ©ra » La Pucelle d'OrlĂ©ans inspirĂ© de la vie de Jeanne d’Arc : mais les rĂ©fĂ©rences aux Huguenots abondent Ă©galement dans l’un de ses premiers opĂ©ras L'Opritchnik. Le cĂ©lĂšbre critique viennois Eduard Hanslick assure que le compositeur russe s’est directement inspirĂ© du duo des Huguenots pour composer le duo final d’EugĂšne OnĂ©guine. Quant au credo nihiliste du ProphĂšte dans la derniĂšre scĂšne du dernier acte, il sera repris par le hĂ©ros de La Dame de Pique Ă  la fin de l’Ɠuvre.

ƒuvre

Giacomo Meyerbeer laisse environ 285 partitions.

Opéras

TitreGenreDate de créationLieu de créationNotes
Jephthas GelĂŒbdeOpĂ©raHofoper de MunichLivret de Aloys Schreiber (de)
Wirt und Gast, oder Aus Scherz ErnstLustspielStuttgartLivret de Johann Gottlieb WohlbrĂŒck. RĂ©visĂ© sous le titre Die beiden Kalifen et reprĂ©sentĂ© Ă  Vienne le , puis connu sous le nom d’Alimelek
Das Brandenburger TorSingspielLivret de Johann Emanuel Veith. ComposĂ© en 1814 afin de cĂ©lĂ©brer le retour Ă  Berlin des troupes prussiennes victorieuses des armĂ©es napolĂ©oniennes, cet opĂ©ra ne fut pas crĂ©Ă© du vivant de Meyerbeer, mais plus de 170 plus tard, en 1991, Ă  l’occasion du bicentenaire de la naissance du compositeur.
Romilda e CostanzaMelodramma semiserioTeatro nuovo de PadoueLivret de Gaetano Rossi
Semiramide riconosciutaDramma per musicaTeatro Regio de TurinLivret de Pietro Metastasio revu par le comte Feys
Emma di ResburgoMelodramma eroicoThéùtre San Benedetto de VeniseLivret de Gaetano Rossi. Joué en Allemagne sous le titre de Emma von Leicester
Margherita d'AnjouMelodramma semiserioScala de MilanLivret de Felice Romani. RĂ©visĂ© pour ĂȘtre reprĂ©sentĂ© au ThĂ©Ăątre de l’OdĂ©on Ă  Paris Ă  partir du
L'AlmanzoreComposĂ© en 1821 pour Rome mais jamais reprĂ©sentĂ©. GĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ© comme inachevĂ©, il est Ă©galement possible qu’il s’agisse d’une premiĂšre version de L'esule di Granata
L'esule di GranataMelodramma serioScala de MilanLivret de Felice Romani
Il crociato in EgittoMelodramma eroicoLa Fenice de VeniseLivret de Gaetano Rossi d'aprÚs une piÚce de Monperlier. Fréquemment révisé par Meyerbeer
Robert le DiableOpéraOpéra de Paris, Salle Le PeletierLivret d'EugÚne Scribe et Germain Delavigne
Les HuguenotsOpéraOpéra de Paris, Salle Le PeletierLivret d'EugÚne Scribe et Emile Deschamps
Ein Feldlager in SchlesienSingspielHofoper, BerlinLivret de Ludwig Rellstab d’aprĂšs EugĂšne Scribe. RĂ©visĂ© et reprĂ©sentĂ© Ă  Vienne le sous le titre de Vielka
Le ProphĂšteOpĂ©raOpĂ©ra de Paris, Salle Le PeletierLivret d'EugĂšne Scribe et Émile Deschamps
L'Étoile du NordOpĂ©ra-comiqueOpĂ©ra-Comique, ParisLivret d'EugĂšne Scribe, en partie basĂ© sur Ein Feldlager in Schlesien. RĂ©visĂ© et traduit en italien pour ĂȘtre reprĂ©sentĂ© au Covent Garden de Londres le
Le Pardon de PloĂ«rmel (Dinorah)OpĂ©ra-comiqueOpĂ©ra-Comique, ParisLivret de Jules Barbier et Michel CarrĂ©. RĂ©visĂ© et traduit en italien pour ĂȘtre reprĂ©sentĂ© au Covent Garden de Londres le
L'AfricaineOpéraOpéra de Paris, Salle Le PeletierLivret d'EugÚne Scribe complété par François-Joseph Fétis. Posthume

Autres Ɠuvres pour la scùne

TitreGenreDate de créationLieu de créationNotes
Der Fischer und das MilchmĂ€dchen, oder Viel LĂ€rm um einen Kuss (Le PĂȘcheur et la laitiĂšre, ou Beaucoup de bruit autour d'un baiser)Ballet-pantomimeBerlin
Gli amori di TeolindaMonodrame1816GĂȘnes
Das Hoffest zu FerraraMasqueBerlin
StruenseeMusique de scÚneBerlinComposée pour un drame de Michael Beer, le frÚre de Meyerbeer

Musique sacrée

TitreGenreDate de créationLieu de création
Gott und die NaturOratorioBerlin
Geistliche GesĂ€nge7 Odes d’aprĂšs Klopstock, pour soprano, alto, tĂ©nor et basse1817 ou 1818Leipzig
An GottHymne pour soprano, alto, ténor et basse1817Leipzig
Psaume XCIPour soprano, alto, tĂ©nor, basse et double chƓur mixte a cappella1853Berlin
Priùre du MatinPour 2 chƓurs et piano ad libitum1864Paris
- Cantique, tirĂ© de l’imitation de JĂ©sus Christ, paroles de Pierre Corneille[44]. Pour solo et chƓurs sd Paris

ƒuvres chorales de circonstance et profanes

TitreType de voixDate de créationLieu de créationNotes
Festgesang zur Errichtung des Guttenbergischen Denkmals in MainzPour 2 tĂ©nors, 2 basses, voix d’hommes et piano ad libitum1835Mayence
Dem VaterlandPour voix d’hommes1842Berlin
Le Voyageur au tombeau de BeethovenPour basse et voix de femmes a cappella1845
FesthymnePour voix solistes, chƓur et piano ad libitum1848ComposĂ© pour les noces d’argent du roi et de la reine de Prusse
Ode an RauchPour voix solistes, chƓur et orchestre1851BerlinComposĂ©e en l’honneur du sculpteur Christian Daniel Rauch
Maria und ihr GeniusCantate pour soprano, tĂ©nor, chƓur et piano1852ComposĂ©e pour les noces d’argent du prince Charles de Prusse et de la princesse Marie
Brautgeleite aus der HeimatSĂ©rĂ©nade pour chƓur a cappella1856ComposĂ©e pour les noces de la princesse Louise
Festgesang zur Feier des 100 jĂ€hrigen Geburstfestes von Friedrich SchillerPour soprano, alto, tĂ©nor, basse, chƓur et orchestre1859
FesthymnusPour voix solistes, chƓur et piano ad libitum1861ComposĂ© pour le couronnement de Guillaume Ier

Musique pour orchestre

TitreDate de créationNotes
Symphonie en mi bémol majeur1811
Concerto pour piano1811
Concerto pour piano et violon1812
Quatre FackeltĂ€nze1844, 1850, 1856 et 1858ComposĂ©e pour musique militaire ou orchestre Ă  l’occasion des noces de la famille royale de Prusse
Festmarch1859Composée pour le centenaire de la naissance de Schiller
Krönungsmarch pour 2 orchestres1861Composée pour le couronnement de Guillaume Ier
Fest-Ouverture im Marschstyl1862ComposĂ©e pour l’ouverture de l’Exposition universelle de Londres

Discographie

ƒuvres composĂ©es en Allemagne

  • Alimelek, oder Wirt und Gast (2021), Jan Kobow, Lars Woldt, Britta Stallmeister, Timophy Oliver, Wurttembergische Philh Reutlingen, Olda Rudner (dir) – Sterling CDO 1125-1126-2 (2CD)

ƒuvres composĂ©es en Italie

Opéras composés en France

  • Meyerbeer in France, extraits des six opĂ©ras composĂ©s par Meyerbeer pour des scĂšnes parisiennes, interprĂ©tĂ©s par Hjördis ThĂ©bault, Pierre-Yves Pruvot, l'Orchestre philharmonique de Sofia sous la direction de Didier Talpain – Brilliant Classics 94732 (1CD)
  • Grand OpĂ©ra, airs virtuoses pour soprano extraits des six opĂ©ras parisiens (ainsi que de Wirt und Gast, Emma di Resburgo et Il crociato in Egitto) interprĂ©tĂ©s par Diana Damrau, le chƓur et l'orchestre de l'opĂ©ra national de Lyon sous la direction d'Emmanuel Villaume - Erato 0 190295 848996 (1CD)

Robert le Diable

Les Huguenots

Le ProphĂšte

L’Étoile du Nord

  • 1975 - Janet Price (en), Malcolm King, Deborah Cook (en), Alexander Oliver, Alan Watt, Bonaventura Bottone (en), Lissa Gray - New Symphony Orchestra (en) - Roderick Brydon (dir.) - MRF Records MRF-119-S (3 disques vinyls jamais rĂ©Ă©ditĂ©s en CD) – chantĂ© en français
  • 1996 – Elizabeth Futral (en), Vladimir Ognev, Darina Takova (en), Aled Hall (en), Christopher Maltman (en), Juan Diego Florez, Agnete Munk Rasmussen – ChƓur du Festival lyrique de Wexford (en), Orchestre symphonique national d'Irlande – Vladimir Jurowski (dir.) - Marco Polo 8.223829-31 (3CD) – chantĂ© en français

Le Pardon de Ploërmel (Dinorah)

L’Africaine

ƒuvres pour orchestre

ƒuvres chorales

MĂ©lodies

  • 1996 – Alain Vanzo (tĂ©nor), JosĂ©e Fabre (piano) – Gilles Perny Productions GPP 000 016 (1CD)
  • 2009-2015 – Sivian Rotem (soprano), Jonathan Zak (he) (piano) – Naxos 8.572367 et 8-573696 (2CD)

Vidéographie

  • Margherita d’Anjou (2017) – mise en scĂšne d'Alessandro Talevi – Giulia De Blasis, Anton Rositskiy, Gaia Petrone, Laurence Meikle, Marco Filippo Romano, Bastian Thomas Kohl – Orchestra Internazionale d’Italia, Fabio Luisi – Dynamic 37802 (2 DVD) – chantĂ© en italien
  • Il crociato in Egitto (2007) – mise en scĂšne de Pier Luigi Pizzi – Patrizia Ciofi, Michael Maniaci (en), Fernando Portari (pt), Laura Polverelli (it), Marco Vinco (it), Iorio Zennaro, Silvia Pasini – Orchestre de La Fenice de Venise – Emmanuel Villaume - Dynamic 33549 (2 DVD) – chantĂ© en italien
  • Robert le Diable (2012) – mise en scĂšne de Laurent Pelly – Bryan Hymel (en), John Relyea (en), Patrizia Ciofi, Marina Poplavskaya (en), chƓur et orchestre du Royal Opera House, Daniel Oren – Opus Arte OA 1106 D (2DVD) – chantĂ© en français
  • Les Huguenots (1990) – mise en scĂšne de Lofti Mansouri – Joan Sutherland, Amanda Thane (en), Suzanne Johnston (en), Anson Austin, Clifford Grant (en), John Wegner (en), John Pringle (en), chƓur et orchestre de l’OpĂ©ra de Sydney, Richard Bonynge – Opus Arte OA F4024 D (2DVD) – chantĂ© en français
  • Les Huguenots (1991) – mise en scĂšne de John Dew – Angela Denning, Lucy Peacock, Camille Capasso, Richard Leech (en), Martin Blasius, Hartmut Welcker, Lenus Carlson, chƓur et orchestre du Deutsche Oper de Berlin, Stefan Soltesz (en) – Arthaus Musik 100 156 (1DVD) – chantĂ© en allemand
  • Dinorah ou Le Pardon de PloĂ«rmel (2002) – mise en scĂšne de Pierre Jourdan – Isabelle Philippe, Armand Arapian, FrĂ©dĂ©ric Mazotta, chƓurs Cori Spezzatti, orchestre de l’OpĂ©ra d'État hongrois Failoni, Olivier Opdebeeck – Cascavelle VELD 7000 (1 DVD) – chantĂ© en français
  • L’Africaine (1988) – mise en scĂšne de Lofti Mansouri] – Shirley Verrett, PlĂĄcido Domingo, Ruth Ann Swenson (en), Justino DĂ­az, chƓur et orchestre de l’opĂ©ra de San Francisco, Maurizio Arena – Arthaus Musik 100216 (2 DVD) – chantĂ© en français

Filmographie

Cinéma

Documentaire

Court métrage

Télévision

Autour de Meyerbeer

  • FascinĂ© par Robert le Diable, HonorĂ© de Balzac en a fait le pĂ©ristyle d’une nouvelle, Gambara, parue en 1837. La nouvelle propose une analyse de l'Ɠuvre sous forme de tension entre celui qui la trouve sublime (Gambara) et celui qui l'attaque (le comte Andrea) : « Je conviens avec vous que la science est grande dans l'opĂ©ra de Meyerbeer, mais cette science devient un dĂ©faut lorsqu'elle s'isole de l'inspiration, et je crois avoir aperçu dans cette Ɠuvre le pĂ©nible travail d'un esprit fin qui a triĂ© sa musique dans des milliers de motifs des opĂ©ras tombĂ©s ou oubliĂ©s, pour se les approprier en les Ă©tendant, les modifiant ou les concentrant[45]. »
  • En 1937, Constant Lambert a arrangĂ© le ballet du troisiĂšme acte du ProphĂšte et lui a ajoutĂ© quelques pages de L'Étoile du Nord pour constituer le ballet Les Patineurs Ă  l’intention du grand chorĂ©graphe britannique Frederick Ashton.
  • Plusieurs rues d'Europe portent son nom, comme Ă  BĂ©ziers, Bruxelles, Dijon, Nice ou Paris.

Bibliographie

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Notes et références

  1. Il est nĂ© en fait dans un relais de poste entre Berlin et Francfort-sur-Oder, sa mĂšre n'ayant pu atteindre Ă  temps la maison familiale oĂč elle espĂ©rait accoucher (Robert Pourvoyeur dans l'Avant ScĂšne OpĂ©ra de )
  2. Acte de décÚs à Paris 8e, n° 699, vue 2/31.
  3. Heinz et Gudrun Becker, Giacomo Meyerbeer, A life in letters, traduit en anglais par Mark Violette, Amadeus Press, Portland, Oregon, 1983 (ISBN 0-931340-19-5)
  4. Giacomo Meyerbeer et Robert Ignatius Letellier, The Diaries of Giacomo Meyerbeer, journal intime du compositeur traduit, édité et annoté par Robert Ignatius Letellier, 4 volumes, Fairleigh Dickinson University Press
  5. L’invitation faite Ă  Meyerbeer de suivre l’enseignement de l’abbĂ© Vogler fait l'objet d'une anecdote restĂ©e cĂ©lĂšbre et qui reflĂšte bien les caractĂšres des deux protagonistes. Le jeune Meyerbeer remet un jour Ă  Bernhard Anselm Weber une fugue Ă  laquelle il a consacrĂ© beaucoup de temps et d’énergie et dont il est trĂšs fier. Weber, enthousiasmĂ© par ce travail, dĂ©cide de l’adresser Ă  son ancien maĂźtre, l’abbĂ© Vogler, afin de recueillir son avis. Les jours passent, pas de rĂ©ponse. Enfin, Weber reçoit un jour, non pas une lettre, mais un volumineux paquet. Il contient un long traitĂ© sur la Fugue, en trois parties. La premiĂšre est d’ordre thĂ©orique et expose toutes les rĂšgles que doit respecter un compositeur de fugue. La deuxiĂšme, intitulĂ©e « Fugue de l’élĂšve », reprend le travail du jeune Meyerbeer, dissĂ©quĂ© et critiquĂ© mesure par mesure, et se concluant par un avis trĂšs nĂ©gatif sur la qualitĂ© de la fugue du jeune homme. La troisiĂšme expose la « Fugue du MaĂźtre », Ă  savoir la fugue composĂ©e par Vogler sur le mĂȘme sujet que celui de Meyerbeer, selon les principes dĂ©veloppĂ©s dans la premiĂšre partie. Weber est anĂ©anti. Meyerbeer, quant Ă  lui, Ă©tudie le traitĂ© reçu et compose une fugue en huit parties respectant les rĂšgles exposĂ©es par Vogler. Quelques jours aprĂšs avoir envoyĂ© cette nouvelle fugue Ă  Vogler, il reçoit une invitation enthousiaste Ă  venir le rejoindre Ă  Darmstadt.
  6. Henri de Curzon, Meyerbeer, Paris : Henri Laurens Ă©diteur, 1910, 128 p.
  7. Il est parfois mentionnĂ© que le premier opĂ©ra composĂ© par Meyerbeer est intitulĂ© Der Admiral. En fait, Der Admiral est le dernier opĂ©ra de son maĂźtre, l’abbĂ© Vogler ; il s’agit d’une Ɠuvre collective Ă  laquelle Meyerbeer, Carl Maria von Weber et d’autres Ă©lĂšves encore ont contribuĂ©.
  8. François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens et biographie générale de la musique, Paris : Firmin Didot FrÚres, 1863
  9. Jennifer Jackson, Giacomo Meyerbeer, Reputation without cause? A composer and his critics, Newcastle upon Tyne, Cambridge Scholars Publishing, 2011 (ISBN 978-1-443-82968-7)
  10. Piotr Kaminski, Mille et Un Opéras, p. 939
  11. Denis Arnold, Dictionnaire encyclopédique de la musique, tome II, p. 131
  12. Il reçoit Ă  cette occasion la Croix de Commandeur de l’Ordre de la Couronne du Wurtemberg qui lui permet d’accĂ©der Ă  la noblesse ; bien qu’il puisse ajouter dĂ©sormais la particule « von » devant son nom, il n’en fera jamais usage.
  13. Violaine Anger, Giacomo Meyerbeer, Paris, bleu nuit Ă©diteur, 2017, 176 p. (ISBN 978-2-3588-4069-9)
  14. L'Avant ScÚne Opéra -
  15. Marie-HĂ©lĂšne Coudroy-Saghai, « Giacomo Meyerbeer », Dictionnaire de la musique en France au XIXe siĂšcle, JoĂ«l-Marie Fauquet (dir.), Paris : Fayard, 2003, p. 799–801
  16. Alexandre Dumas, Sur GĂ©rard de Nerval. Nouveaux MĂ©moires, texte Ă©tabli par Claude Schopp, Bruxelles, Éditions Complexe, 1990
  17. Robert Ignatius Letellier, The Operas of Giacomo Meyerbeer, Fairleigh Dickinson University Press, 2006, 363 p. (ISBN 978-0-8386-4093-7)
  18. Edgar Degas en fera le sujet de pas moins de deux tableaux.
  19. François-Joseph Fétis, « Le ProphÚte », Revue et gazette musicale de Paris, 16e année, no 20,
  20. Il est vrai que ces lignes ont Ă©tĂ© Ă©crites avant que Wagner ne s’en prenne trĂšs violemment Ă  Meyerbeer.
  21. Sergio Segalini, Meyerbeer, diable ou prophùte ?, Éditions Beba, Paris, 1985, 157 p. (ISBN 2-865-97029-9)
  22. HervĂ© Lacombe, Les Voies de l’opĂ©ra français au XIXe siĂšcle, Fayard, Les chemins de la musique, 1997, 392 p. (ISBN 2-213-59877-0)
  23. Dans le numĂ©ro de de La Revue hebdomadaire, le compositeur Paul Dukas indique qu’il est « difficile de juger Les Huguenots avec plus de rigueur que ne l’a fait Schumann dĂšs 1837 ».
  24. L’avis de Schumann sur Le ProphĂšte se rĂ©sume quant Ă  lui Ă  une seule croix mortuaire !
  25. Il est curieux de noter que, chez Mendelssohn et Schumann, cette « immoralitĂ© » revĂȘt une connotation sexuelle, Meyerbeer Ă©tant condamnĂ© pour avoir, selon eux, exhibĂ© la sexualitĂ© sur scĂšne. Mendelssohn rĂ©prouve la danse de sĂ©duction par trop sensuelle de la grande abbesse Helena dans Robert le Diable ; Schumann dĂ©nonce les « faciles prostituĂ©es » des Huguenots dont la musique se joue « alternativement dans une maison de joie et dans une Ă©glise ». D’autres, comme le musicographe nantais Étienne Destranges en 1893, reprocheront Ă  Meyerbeer d’avoir voulu mettre le public de L’Africaine « en rut » afin de « le dominer plus complĂštement » en exhibant sur scĂšne « une svelte et jolie femme, admirablement dĂ©couplĂ©e, se cuivrant la peau d’une teinte de bistre ».
  26. David Conway, Jewry in Music : Entry to the Profession from the Enlightenment to Richard Wagner, Cambridge University Press, 2012, 356 p. (ISBN 1-107-01538-3)
  27. Joan L. Thomson, « Giacomo Meyerbeer : The Jew and his Relationship with Richard Wagner », Musica Judaica, vol. 1, 1975-1976, p. 55-86
  28. Alexandre Dumas, Mes mémoires, Tome 2, 1830-1833, Paris, Robert Laffont, , 1175 p. (ISBN 2-221-09768-8), p. 614
  29. Cité par Roland Mancini et Jean-Jacques Rouveroux dans Guide de l'opéra, p. 531.
  30. Albert Soubies et Charles Malherbe, « Wagner et Meyerbeer », Mélanges sur Richard Wagner, Paris, Librairie Fischbacher, 1892, p. 99-144
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  32. Heinz Becker, « Giacomo Meyerbeer : On the Centenary of His Death », Leo Baeck Yearbook, vol. 9, p. 178-201
  33. Richard Wagner, Ma vie, traduit par Dorian Astor, Perrin, 2012, 825 p. (ISBN 2-262-03579-2)
  34. Richard Rote, Der Merkur. Österreichische Zeitschrift fĂŒr Musik und Theater, 1910, vol. 13, 568
  35. C’est dans OpĂ©ra et Drame que Wagner Ă©crit la formule cruelle selon laquelle Rossini « ne savait pas encore (
) que les banquiers pour lesquels il avait jusque-lĂ  Ă©crit de la musique allaient se mettre eux-mĂȘmes Ă  composer. »
  36. Étienne Destranges, L’Ɠuvre thĂ©Ăątral de Meyerbeer, Paris, Librairie Fischbacher, 1893, 71 p.
  37. Karl Blessinger, Mendelssohn-Meyerbeer-Mahler : Drei Kapitel Judentum in der Musik als SchlĂŒssel zur Musikgeschichte des 19. Jahrhunderts, Berlin, 1939
  38. Georges Favre, « L’art dramatique en Europe depuis la fin du XVIIIe siĂšcle jusqu’à Wagner », dans La musique des origines Ă  nos jours dirigĂ© par Norbert Dufourcq, Paris, Librairie Larousse, 1946, 608 p.
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  40. Lucien Rebatet, Une histoire de la musique, Paris, Robert Laffont, 1969
  41. ThĂ©ophile Gautier, « Le ProphĂšte », La Presse, , reproduit dans Histoire de l’art dramatique en France depuis vingt-cinq ans, Tome 6, Bruxelles : Hetzel, 1858-1859, p. 80-92
  42. Piotr Kaminski, Mille et un opéras, Paris : Fayard, Collection Les Indispensables de la Musique, 2005, (ISBN 2-213-60017-1)
  43. Lettre de Verdi à Scribe datée du citée par R.I. Letellier.
  44. Paris, « Au ménestrel », chez Heugel et Cie.
  45. Gambara, édition Charles Furne de 1845, vol. 15, p.114, voir aussi p.113 et 115 pour de plus longs développements de musicologie

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