Ludwig van Beethoven
Ludwig van Beethoven (/ludvig van betÉvĆn/[alpha 1] ; en allemand : /ËluËtvÉȘç fan ËbeËtËhoËfnÌ©/[alpha 2] ) est un compositeur, pianiste et chef d'orchestre allemand, nĂ© Ă Bonn le 15 ou le et mort Ă Vienne le Ă 56 ans.
Naissance |
ou Bonn Ălectorat de Cologne Saint-Empire |
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DĂ©cĂšs |
Vienne Empire d'Autriche |
Activité principale | Compositeur |
Style | Classique et romantique |
Années d'activité | 1778-1826 |
MaĂźtres | Luchesi, Neefe, Haydn et Salieri |
ĂlĂšves | Czerny et Ries |
Ascendants | Johann van Beethoven |
Ćuvres principales
- Symphonie no 3 « Eroica » (1803-1804)
- Symphonie no 4 (1806-1807)
- Symphonie no 5 (1806-1808)
- Symphonie no 6 « Pastorale » (1805-1808)
- Symphonie no 7 (1811-1812)
- Symphonie no 9 avec chĆurs (1822-1824)
- Concerto pour violon (1806)
- Concerto pour piano no 5 « LâEmpereur » (1809)
- Sonate pour piano no 8 « Pathétique » (1799)
- Sonate pour piano no 14 « Clair de lune » (1801)
- Sonate pour piano no 23 « Appassionata » (1804-1805)
- Sonate pour piano no 32, opus 111 (1820-1822)
- Sonate pour violon no 9 « à Kreutzer » (1802-1803)
- Sonates pour violoncelle et piano no 4 & 5 (1815)
- Trio avec piano no 7 « L'Archiduc » (1811)
- Quatuor Ă cordes no 7, opus 59 no 1 (1806)
- Quatuor Ă cordes no 15, opus 132 (1823-1825)
- Grande Fugue pour quatuor Ă cordes, opus 133 (1824-1825)
- Fidelio, opéra (1805-1814)
- Missa solemnis (1818-1822)
Dernier grand reprĂ©sentant du classicisme viennois (aprĂšs Gluck, Haydn et Mozart), Beethoven a prĂ©parĂ© lâĂ©volution vers le romantisme en musique et influencĂ© la musique occidentale pendant une grande partie du XIXe siĂšcle. Inclassable (« Vous me faites lâimpression dâun homme qui a plusieurs tĂȘtes, plusieurs cĆurs, plusieurs Ăąmes » lui dit Haydn vers 1793[alpha 3]), son art sâest exprimĂ© Ă travers diffĂ©rents genres musicaux, et bien que sa musique symphonique soit la principale source de sa popularitĂ©, il a eu un impact Ă©galement considĂ©rable dans lâĂ©criture pianistique et dans la musique de chambre.
Surmontant Ă force de volontĂ© les Ă©preuves dâune vie marquĂ©e par la surditĂ© qui le frappe Ă l'Ăąge de 27 ans, cĂ©lĂ©brant dans sa musique le triomphe de lâhĂ©roĂŻsme et de la joie quand le destin lui imposait lâisolement et la misĂšre, il sera rĂ©compensĂ© post mortem par cette affirmation de Romain Rolland : « Il est bien davantage que le premier des musiciens. Il est la force la plus hĂ©roĂŻque de lâart moderne[2] ». Expression dâune inaltĂ©rable foi en lâhomme et dâun optimisme volontaire, affirmation dâun artiste libre et indĂ©pendant, lâĆuvre de Beethoven a fait de lui une des figures les plus marquantes de lâhistoire de la musique.
Biographie
Origines et enfance
Ludwig van Beethoven est né à Bonn en Rhénanie le 15 ou le [alpha 4] dans une famille modeste qui perpétue une tradition musicale depuis au moins deux générations.
Son grand-pĂšre paternel, Ludwig van Beethoven lâancien (1712-1773), descendait dâune famille flamande roturiĂšre originaire de Malines[5] (la prĂ©position van, « de », dans les patronymes nĂ©erlandais n'est pas une particule nobiliaire, contrairement au von allemand, Ă©quivalent du « de » français). Homme respectĂ© et bon musicien, il sâest installĂ© Ă Bonn en 1732 et est devenu maĂźtre de chapelle du prince-Ă©lecteur de Cologne, ClĂ©ment-Auguste de BaviĂšre.
Son pĂšre, Johann van Beethoven (1740-1792), est musicien et tĂ©nor Ă la Cour de lâĂlecteur. Homme mĂ©diocre, brutal et alcoolique, il Ă©lĂšve ses enfants dans la plus grande rigueur. Sa mĂšre, Maria-Magdalena van Beethoven, nĂ©e Keverich (1746-1787), est la fille dâun cuisinier de lâArchevĂȘque-Ălecteur de TrĂšves. DĂ©peinte comme effacĂ©e, douce et dĂ©pressive, elle est aimĂ©e de ses enfants. Ludwig est le deuxiĂšme de sept enfants, dont trois seulement atteignent lâĂąge adulte : lui-mĂȘme, Kaspar-Karl (1774-1815) et Johann (1776-1848)[6].
Il ne faut pas longtemps Ă Johann van Beethoven pĂšre pour dĂ©tecter le don musical de son fils et rĂ©aliser le parti exceptionnel quâil peut en tirer. Songeant Ă lâenfant Wolfgang Amadeus Mozart, exhibĂ© en concert Ă travers toute lâEurope une quinzaine dâannĂ©es plus tĂŽt, il entreprend dĂšs 1775 lâĂ©ducation musicale de Ludwig et, devant ses exceptionnelles dispositions, tente en 1778 de le prĂ©senter au piano Ă travers la RhĂ©nanie, de Bonn Ă Cologne. Mais lĂ oĂč Leopold Mozart avait su faire preuve dâune subtile pĂ©dagogie auprĂšs de son fils, Johann van Beethoven ne semble capable que dâautoritarisme et de brutalitĂ©[7], et cette expĂ©rience demeure infructueuse, Ă lâexception dâune tournĂ©e aux Pays-Bas en 1781 oĂč le jeune Beethoven fut apprĂ©ciĂ©, mais toujours sans les retours financiers qu'espĂ©rait son pĂšre[Or 1].
Il nâexiste aucune image reprĂ©sentant les parents de Beethoven, Bettina Mosler ayant dĂ©montrĂ© que les deux portraits publiĂ©s au dĂ©but du vingtiĂšme siĂšcle sous forme de cartes postales par la Beethoven-Haus Ă Bonn nâĂ©taient pas ceux de ses parents[8].
Ludwig quitte l'Ă©cole Ă la fin du primaire, Ă 11 ans. Son Ă©ducation gĂ©nĂ©rale doit pour beaucoup Ă la bienveillance de la famille von Breuning (chez qui il passe dĂ©sormais presque toutes ses journĂ©es et parfois quelques nuits) et Ă son amitiĂ© avec le mĂ©decin Franz-Gerhard Wegeler, personnes auxquelles il fut attachĂ© toute sa vie. Le jeune Ludwig devient lâĂ©lĂšve de Christian Gottlob Neefe[9] (piano, orgue, composition) qui lui transmet le goĂ»t de la polyphonie en lui faisant dĂ©couvrir Le Clavier bien tempĂ©rĂ© de Bach. Il compose pour le piano, entre 1782 et 1783, les 9 variations sur une marche de Dressler[10] et les trois Sonatines dites « Ă lâĂlecteur » qui marquent symboliquement le dĂ©but de sa production musicale. Enfant, son teint basanĂ© lui vaut le surnom de « l'Espagnol » : cette mĂ©lanodermie fait suspecter une hĂ©mochromatose Ă l'origine de sa cirrhose chronique qui se dĂ©veloppera Ă partir de 1821 et sera la cause de sa mort[11].
Le mécénat de Waldstein et la rencontre de Haydn
Au moment oĂč son pĂšre boit de plus en plus et oĂč sa mĂšre est atteinte de tuberculose, Beethoven devient vers 14 ans en 1784 organiste adjoint Ă la cour du nouvel Ă©lecteur Max-Franz, qui devient son protecteur. Devenu soutien de famille, en plus de cette charge, il est obligĂ© de multiplier les leçons de piano[Or 2].
Beethoven est remarquĂ© par le comte Ferdinand von Waldstein dont le rĂŽle sâavĂšre dĂ©terminant pour le jeune musicien. Il emmĂšne Beethoven une premiĂšre fois Ă Vienne en , sĂ©jour au cours duquel a eu lieu une rencontre furtive avec Wolfgang Amadeus Mozart : « Ă la demande de Mozart, Beethoven lui joua quelque chose que Mozart, le prenant pour un morceau d'apparat appris par cĆur, approuva assez froidement. Beethoven, s'en Ă©tant aperçu, le pria alors de lui donner un thĂšme sur lequel improviser, et, comme il avait l'habitude de jouer admirablement quand il Ă©tait excitĂ©, inspirĂ© d'ailleurs par la prĂ©sence du maĂźtre pour lequel il professait un respect si grand, il joua de telle façon que Mozart, se glissant dans la piĂšce voisine oĂč se tenaient quelques amis, leur dit vivement : Faites attention Ă celui-lĂ , il fera parler de lui dans le monde »[12].
En , la mĂšre de Ludwig dĂ©cĂšde, ce qui le plonge dans le dĂ©sespoir. Il reste comme famille Ă Beethoven ses frĂšres Kaspar Karl (13 ans) et Nicolas (11 ans), ainsi que sa sĆur Maria Margarita qui dĂ©cĂšde en novembre, tandis que son pĂšre sombre dans l'alcoolisme et la misĂšre[Or 3]. Il sera mis Ă la retraite en 1789.
En , Beethoven â conscient de ses lacunes culturelles â s'inscrit Ă l'universitĂ© de Bonn pour y suivre des cours de littĂ©rature allemande. Son professeur Euloge Schneider est enthousiasmĂ© par la RĂ©volution française et en parle ardemment Ă ses Ă©lĂšves[Or 4]. En 1791, Ă l'occasion d'un voyage de l'Ă©lecteur Max-Franz au chĂąteau de Mergentheim, Beethoven rencontre le pianiste et compositeur Johann Franz Xaver Sterkel, qui influence profondĂ©ment le jeu de Beethoven au piano et dĂ©veloppe son goĂ»t pour cet instrument[Or 5].
En , le comte Waldstein prĂ©sente le jeune Ludwig Ă Joseph Haydn qui, revenant dâune tournĂ©e en Angleterre, sâĂ©tait arrĂȘtĂ© Ă Bonn. ImpressionnĂ© par la lecture dâune cantate composĂ©e par Beethoven (celle sur la mort de Joseph II ou celle sur lâavĂšnement de LĂ©opold II) et tout en Ă©tant lucide sur les carences de son instruction, Haydn lâinvite Ă faire des Ă©tudes suivies Ă Vienne sous sa direction. Conscient de lâopportunitĂ© que reprĂ©sente, Ă Vienne, lâenseignement dâun musicien du renom de Haydn, et quasiment privĂ© de ses attaches familiales Ă Bonn, Beethoven accepte. Le il quitte les rives du Rhin pour ne jamais y revenir, emportant avec lui cette recommandation de Waldstein : « Cher Beethoven, vous allez Ă Vienne pour rĂ©aliser un souhait depuis longtemps exprimĂ© : le gĂ©nie de Mozart est encore en deuil et pleure la mort de son disciple. En lâinĂ©puisable Haydn, il trouve un refuge, mais non une occupation ; par lui, il dĂ©sire encore sâunir Ă quelquâun. Par une application incessante, recevez des mains de Haydn lâesprit de Mozart[alpha 5]. »
Le pĂšre de Beethoven meurt en , plus rien ne rattache alors Beethoven Ă Bonn.
PremiÚres années viennoises
Portrait de T. Hardy, 1791.
Ă la fin du XVIIIe siĂšcle, Vienne est la capitale de la musique occidentale et reprĂ©sente la meilleure chance de rĂ©ussir pour un musicien dĂ©sireux de faire carriĂšre. ĂgĂ© de vingt-deux ans Ă son arrivĂ©e, Beethoven a dĂ©jĂ beaucoup composĂ©, mais pour ainsi dire rien dâimportant. Bien quâil soit arrivĂ© Ă Vienne moins dâun an aprĂšs la disparition de Mozart, le mythe du « passage du flambeau » entre les deux artistes est infondĂ© : encore trĂšs loin de sa maturitĂ© artistique, ce nâest pas comme compositeur, mais comme pianiste virtuose que Beethoven forge sa rĂ©putation Ă Vienne.
Quant Ă lâenseignement de Haydn, si prestigieux quâil soit, il sâavĂšre dĂ©cevant Ă bien des Ă©gards. Dâun cĂŽtĂ©, Beethoven se met rapidement en tĂȘte que son maĂźtre le jalouse[alpha 6] et il niera son influence[alpha 7] ; de lâautre cĂŽtĂ©, Haydn ne tarde pas Ă sâirriter devant lâindiscipline et lâaudace musicale de son Ă©lĂšve qu'il appelle le « Grand Mogol[alpha 8] ». MalgrĂ© lâinfluence profonde et durable de Haydn sur lâĆuvre de Beethoven et une estime rĂ©ciproque plusieurs fois rappelĂ©e par ce dernier, le « pĂšre de la symphonie » nâa jamais eu avec Beethoven les rapports de profonde amitiĂ© quâil avait eus avec Mozart et qui avaient Ă©tĂ© Ă lâorigine dâune si fĂ©conde Ă©mulation.
« Vous avez beaucoup de talent et vous en acquerrez encore plus, Ă©normĂ©ment plus. Vous avez une abondance inĂ©puisable dâinspiration, vous aurez des pensĂ©es que personne nâa encore eues, vous ne sacrifierez jamais votre pensĂ©e Ă une rĂšgle tyrannique, mais vous sacrifierez les rĂšgles Ă vos fantaisies ; car vous me faites lâimpression dâun homme qui a plusieurs tĂȘtes, plusieurs cĆurs, plusieurs Ăąmes[alpha 9]. »
â Haydn, vers 1793.
En , aprĂšs le nouveau dĂ©part de Haydn pour Londres, Beethoven poursuit des Ă©tudes Ă©pisodiques jusquâau dĂ©but de 1795 avec divers autres professeurs, dont le compositeur Johann Schenk[18], avec qui il devient ami et deux autres tĂ©moins de lâĂ©poque mozartienne : Johann Georg Albrechtsberger et Antonio Salieri. Son apprentissage terminĂ©, Beethoven se fixe dĂ©finitivement dans la capitale autrichienne. Ses talents de pianiste et ses dons dâimprovisateur le font connaĂźtre et apprĂ©cier des personnalitĂ©s mĂ©lomanes de lâaristocratie viennoise, dont les noms restent aujourdâhui encore attachĂ©s aux dĂ©dicaces de plusieurs de ses chefs-dâĆuvre : le baron Nikolaus Zmeskall, le prince Carl Lichnowsky, le comte AndreĂŻ Razoumovski, le prince Joseph Franz von Lobkowitz, et plus tard lâarchiduc Rodolphe dâAutriche, pour ne citer quâeux.
AprĂšs avoir publiĂ© ses trois premiers Trios pour piano, violon et violoncelle sous le numĂ©ro dâopus 1, puis ses premiĂšres Sonates pour piano, Beethoven donne son premier concert public le pour la crĂ©ation de son Concerto pour piano no 2 (qui fut en fait composĂ© le premier, Ă lâĂ©poque de Bonn).
Le premier virtuose de Vienne et premiers chefs-d'Ćuvre (Le Grand MaĂźtre)
1796. Beethoven entreprend une tournĂ©e de concerts qui le mĂšne de Vienne Ă Berlin en passant notamment par Dresde, Leipzig, Nuremberg et Prague. Si le public loue sa virtuositĂ© et son inspiration au piano, sa fougue lui vaut le scepticisme des critiques des plus conservateurs. Un critique musical du Journal patriotique des Ătats impĂ©riaux et royaux rapporte ainsi en : « Il saisit nos oreilles, non pas nos cĆurs ; câest pourquoi il ne sera jamais pour nous un Mozart. »[19].
La lecture des classiques grecs, de Shakespeare et des chefs de file du courant Sturm und Drang quâĂ©taient Goethe et Schiller, influence durablement dans le sens de lâidĂ©alisme le tempĂ©rament du musicien, acquis par ailleurs aux idĂ©aux dĂ©mocratiques des LumiĂšres et de la RĂ©volution française qui se rĂ©pandent alors en Europe : en 1798, Beethoven frĂ©quente assidĂ»ment lâambassade de France Ă Vienne oĂč il rencontre Bernadotte et le violoniste Rodolphe Kreutzer auquel il dĂ©die, en 1803, la Sonate pour violon no 9 qui porte son nom.
Tandis que son activitĂ© crĂ©atrice sâintensifie (composition des Sonates pour piano no 5 Ă no 7, des premiĂšres Sonates pour violon et piano), le compositeur participe jusquâaux environs de 1800 Ă des joutes musicales dont raffole la sociĂ©tĂ© viennoise et qui le consacrent plus grand virtuose de Vienne au dĂ©triment de pianistes rĂ©putĂ©s comme Clementi, Cramer, Gelinek, Hummel et Steibelt[20].
La fin des annĂ©es 1790 est aussi lâĂ©poque des premiers chefs-dâĆuvre, qui sâincarnent dans les Romance pour violon et orchestre no 2 (1798), Concerto pour piano no 1 (1798), les six premiers Quatuors Ă cordes (1798-1800), le Septuor pour cordes et vents (1799-1800) et dans les deux Ćuvres qui affirment le plus clairement le caractĂšre naissant du musicien : la Grande Sonate pathĂ©tique (1798-1799) et la PremiĂšre Symphonie (1800). Bien que lâinfluence des derniĂšres symphonies de Haydn y soit apparente, cette derniĂšre est dĂ©jĂ empreinte du caractĂšre beethovĂ©nien (en particulier dans le scherzo du troisiĂšme mouvement). Le Premier Concerto et la PremiĂšre symphonie sont jouĂ©s avec un grand succĂšs le , date de la premiĂšre acadĂ©mie de Beethoven (concert que le musicien consacre entiĂšrement Ă ses Ćuvres). ConfortĂ© par les rentes que lui versent ses protecteurs, Beethoven, dont la renommĂ©e grandissante commence Ă dĂ©passer les frontiĂšres de lâAutriche, semble Ă ce moment de sa vie promis Ă une carriĂšre de compositeur et dâinterprĂšte glorieuse et aisĂ©e.
« Son improvisation Ă©tait on ne peut plus brillante et Ă©tonnante ; dans quelque sociĂ©tĂ© quâil se trouvĂąt, il parvenait Ă produire une telle impression sur chacun de ses auditeurs quâil arrivait frĂ©quemment que les yeux se mouillaient de larmes, et que plusieurs Ă©clataient en sanglots. Il y avait dans son expression quelque chose de merveilleux, indĂ©pendamment de la beautĂ© et de lâoriginalitĂ© de ses idĂ©es et de la maniĂšre ingĂ©nieuse dont il les rendait[alpha 10]. »
â Carl Czerny
Le tournant du siĂšcle
Sonate pour piano no 14 (op. 27 no 2) | |
I. Adagio sostenuto | |
Interprété par Paul Pitman. | |
II. Allegretto | |
Interprété par Paul Pitman. | |
III. Presto agitato | |
Interprété par Muriel Nguyen Xuan. | |
LâannĂ©e 1802 marque un premier grand tournant dans la vie du compositeur. Souffrant d'acouphĂšnes, il commence en effet depuis 1796 Ă prendre conscience dâune surditĂ© qui devait irrĂ©mĂ©diablement progresser jusquâĂ devenir totale avant 1820[alpha 11]. Se contraignant Ă lâisolement par peur de devoir assumer en public cette terrible vĂ©ritĂ©, Beethoven gagne dĂšs lors une rĂ©putation de misanthrope dont il souffrira en silence jusquâĂ la fin de sa vie[alpha 12]. Conscient que son infirmitĂ© lui interdirait tĂŽt ou tard de se produire comme pianiste et peut-ĂȘtre de composer, il songe un moment au suicide, puis exprime Ă la fois sa tristesse et sa foi en son art dans une lettre qui nous est restĂ©e sous le nom de « Testament de Heiligenstadt », qui ne fut jamais envoyĂ©e et retrouvĂ©e seulement aprĂšs sa mort :
Beethoven, le . « Ă vous, hommes qui pensez que je suis un ĂȘtre haineux, obstinĂ©, misanthrope, ou qui me faites passer pour tel, comme vous ĂȘtes injustes ! Vous ignorez la raison secrĂšte de ce qui vous paraĂźt ainsi. [âŠ] Songez que depuis six ans je suis frappĂ© dâun mal terrible, que des mĂ©decins incompĂ©tents ont aggravĂ©. DâannĂ©e en annĂ©e, déçu par lâespoir dâune amĂ©lioration, [âŠ] jâai dĂ» mâisoler de bonne heure, vivre en solitaire, loin du monde. [âŠ] Si jamais vous lisez ceci un jour, alors pensez que vous nâavez pas Ă©tĂ© justes avec moi, et que le malheureux se console en trouvant quelquâun qui lui ressemble et qui, malgrĂ© tous les obstacles de la Nature, a tout fait cependant pour ĂȘtre admis au rang des artistes et des hommes de valeur[22]. »
Heureusement, sa vitalitĂ© crĂ©atrice ne sâen ressent pas. AprĂšs la composition de la tendre Sonate pour violon no 5 dite Le Printemps (FrĂŒhlings, 1800) et de la Sonate pour piano no 14 dite Clair de Lune (1801), câest dans cette pĂ©riode de crise morale quâil compose la joyeuse et mĂ©connue DeuxiĂšme Symphonie (1801-1802) et le plus sombre Concerto pour piano no 3 (1800-1802) oĂč sâannonce nettement, dans la tonalitĂ© dâut mineur, la personnalitĂ© caractĂ©ristique du compositeur. Ces deux Ćuvres sont accueillies trĂšs favorablement le , mais pour Beethoven une page se tourne. DĂšs lors sa carriĂšre sâinflĂ©chit.
« Je suis peu satisfait de mes travaux jusquâĂ prĂ©sent. Ă dater dâaujourdâhui, je veux ouvrir un nouveau chemin[23]. »
â Beethoven Ă Krumpholz, en 1802.
PrivĂ© de la possibilitĂ© dâexprimer tout son talent et de gagner sa vie en tant quâinterprĂšte, il va se consacrer Ă la composition avec une grande force de caractĂšre. Au sortir de la crise de 1802 sâannonce lâhĂ©roĂŻsme triomphant de la TroisiĂšme Symphonie dite « HĂ©roĂŻque ».
De lâHĂ©roĂŻque Ă Fidelio
La TroisiĂšme Symphonie, « HĂ©roĂŻque », marque une Ă©tape capitale dans lâĆuvre de Beethoven, non seulement en raison de sa puissance expressive et de sa longueur jusquâalors inusitĂ©e, mais aussi parce qu'elle inaugure une sĂ©rie dâĆuvres brillantes, remarquables dans leur durĂ©e et dans leur Ă©nergie, caractĂ©ristiques du style de la pĂ©riode mĂ©diane de Beethoven dit « style hĂ©roĂŻque ». Le compositeur entend initialement dĂ©dier cette symphonie au gĂ©nĂ©ral NapolĂ©on Bonaparte, Premier consul de la RĂ©publique française en qui il voit le sauveur des idĂ©aux de la RĂ©volution[24]. Mais en apprenant la proclamation de l'Empire français (mai 1804), il entre en fureur et rature fĂ©rocement la dĂ©dicace[alpha 13], remplaçant lâintitulĂ© Buonaparte par la phrase « Grande symphonie HĂ©roĂŻque pour cĂ©lĂ©brer le souvenir dâun grand homme ». La genĂšse de la symphonie sâĂ©tend de 1802 Ă 1804 et la crĂ©ation publique, le , dĂ©chaĂźne les passions, tous ou presque la jugeant beaucoup trop longue. Beethoven ne sâen soucie guĂšre, dĂ©clarant quâon trouverait cette symphonie trĂšs courte quand il en aurait composĂ© une de plus dâune heure[26], et devant considĂ©rer â jusquâĂ la composition de la NeuviĂšme â lâHĂ©roĂŻque comme la meilleure de ses symphonies[alpha 14].
Dans lâĂ©criture pianistique aussi, le style Ă©volue : câest en 1804 la Sonate pour piano no 21 dĂ©diĂ©e au comte Waldstein dont elle porte le nom, qui frappe ses exĂ©cutants par sa grande virtuositĂ© et par les capacitĂ©s quâelle exige de la part de lâinstrument. Dâun moule similaire naĂźt la sombre et grandiose Sonate pour piano no 23 dite Appassionata (1805), qui suit de peu le Triple Concerto pour piano, violon, violoncelle et orchestre (1804). En juillet 1805, le compositeur fait la rencontre du compositeur Luigi Cherubini, pour qui il ne cache pas son admiration[27].
Ă trente-cinq ans, Beethoven sâattaque au genre dans lequel Mozart sâĂ©tait le plus illustrĂ© : lâopĂ©ra. Il sâĂ©tait enthousiasmĂ© en 1801 pour le livret LĂ©onore ou lâAmour conjugal de Jean-Nicolas Bouilly, et lâopĂ©ra Fidelio, qui porte primitivement le titre-nom de son hĂ©roĂŻne LĂ©onore, est Ă©bauchĂ© dĂšs 1803. Mais lâĆuvre donne Ă son auteur des difficultĂ©s imprĂ©vues. Mal accueilli au dĂ©part (trois reprĂ©sentations seulement en 1805), Beethoven sâestimant victime dâune cabale, Fidelio ne connaĂźt pas moins de trois versions remaniĂ©es (1805, 1806 et 1814) et il faut attendre la derniĂšre pour quâenfin lâopĂ©ra reçoive un accueil Ă sa mesure. Bien quâil ait composĂ© une piĂšce majeure du rĂ©pertoire lyrique, cette expĂ©rience provoque lâamertume du compositeur et il ne devait jamais se remettre Ă ce genre, mĂȘme sâil Ă©tudia plusieurs autres projets dont un Macbeth inspirĂ© de lâĆuvre de Shakespeare[alpha 15] et surtout un Faust dâaprĂšs Goethe, Ă la fin de sa vie.
LâindĂ©pendance affirmĂ©e
AprĂšs 1805, malgrĂ© lâĂ©chec retentissant de Fidelio, la situation de Beethoven est redevenue favorable. En pleine possession de sa vitalitĂ© crĂ©atrice, il semble sâaccommoder de son audition dĂ©faillante et retrouver, pour un temps au moins, une vie sociale satisfaisante. Si lâĂ©chec dâune relation intime avec JosĂ©phine von Brunsvik (de)[7] est une nouvelle dĂ©sillusion sentimentale pour le musicien, les annĂ©es 1806 Ă 1808 sont les plus fertiles de sa vie crĂ©atrice : la seule annĂ©e 1806 voit la composition du Concerto pour piano no 4, des trois Quatuors Ă cordes no 7, no 8 et no 9 dĂ©diĂ©s au comte AndreĂŻ Razoumovski, de la QuatriĂšme Symphonie et du Concerto pour violon. Ă lâautomne de cette annĂ©e, Beethoven accompagne son mĂ©cĂšne le prince Carl Lichnowsky dans son chĂąteau de SilĂ©sie occupĂ©e par lâarmĂ©e napolĂ©onienne depuis Austerlitz et fait Ă lâoccasion de ce sĂ©jour la plus Ă©clatante dĂ©monstration de sa volontĂ© dâindĂ©pendance. Lichnowsky ayant menacĂ© de mettre Beethoven aux arrĂȘts sâil sâobstinait Ă refuser de jouer du piano pour des officiers français stationnĂ©s dans son chĂąteau, le compositeur quitte son hĂŽte aprĂšs une violente querelle et lui envoie le billet :
« Prince, ce que vous ĂȘtes, vous lâĂȘtes par le hasard de la naissance. Ce que je suis, je le suis par moi.
Des princes, il y en a eu et il y en aura encore des milliers. Il nây a quâun Beethoven[30]. »
â Beethoven Ă Lichnowsky, octobre 1806.
Sâil se met en difficultĂ© en perdant la rente de son principal mĂ©cĂšne, Beethoven est parvenu Ă sâaffirmer comme artiste indĂ©pendant et Ă sâaffranchir symboliquement du mĂ©cĂ©nat aristocratique. DĂ©sormais le style hĂ©roĂŻque peut atteindre son paroxysme. Donnant suite Ă son souhait de « saisir le destin Ă la gorge«_je_veux_saisir_le_destin_Ă _la_gueule._»_p._[https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k992519v/f29.image_23]_51-0">[31] », exprimĂ© Ă Wegeler[28] en [32], Beethoven met en chantier la CinquiĂšme Symphonie. Ă travers son cĂ©lĂšbre motif rythmique de quatre notes prĂ©cĂ©dĂ©es d'un silence, exposĂ© dĂšs la premiĂšre mesure et qui irradie toute lâĆuvre, le musicien entend exprimer la lutte de lâhomme avec son destin, et son triomphe final. Lâouverture Coriolan, avec laquelle elle partage la tonalitĂ© dâut mineur, date de cette mĂȘme Ă©poque. ComposĂ©e en mĂȘme temps que la CinquiĂšme, la Symphonie pastorale paraĂźt dâautant plus contrastĂ©e. DĂ©crite par Michel Lecompte comme « la plus sereine, la plus dĂ©tendue, la plus mĂ©lodique des neuf symphonies » en mĂȘme temps que la plus atypique[33], elle est lâhommage Ă la nature dâun compositeur profondĂ©ment amoureux de la campagne, dans laquelle il trouve depuis toujours le calme et la sĂ©rĂ©nitĂ© propices Ă son inspiration. VĂ©ritablement annonciatrice du romantisme en musique, la Pastorale porte en sous-titre cette phrase de Beethoven : « Expression du sentiment plutĂŽt que peinture » et chacun de ses mouvements porte une indication descriptive : la symphonie Ă programme Ă©tait nĂ©e.
Le concert donnĂ© par Beethoven le est sans doute une des plus grandes « acadĂ©mies » de lâhistoire avec celle du . Y sont jouĂ©s en premiĂšre audition la CinquiĂšme Symphonie, la Symphonie pastorale, le Concerto pour piano no 4, la Fantaisie chorale pour piano et orchestre et deux hymnes de la Messe en ut majeur composĂ©e pour le prince EsterhĂĄzy en 1807[alpha 16]. Ce fut la derniĂšre apparition de Beethoven comme soliste. Ne parvenant pas Ă obtenir un poste officiel Ă Vienne, il avait dĂ©cidĂ© de quitter la ville et voulait ainsi lui montrer l'ampleur de ce qu'elle perdait. Ă la suite de ce concert, des mĂ©cĂšnes lui assurĂšrent une rente lui permettant de demeurer dans la capitale[34]. AprĂšs la mort de Haydn en mai 1809[alpha 17], bien quâil lui restĂąt des adversaires dĂ©terminĂ©s, il ne se trouve plus guĂšre de monde pour contester la place de Beethoven dans le panthĂ©on des musiciens.
La maturité artistique
Portrait de J.H.W. Tischbein, 1787.
En 1808, Beethoven reçoit de JĂ©rĂŽme Bonaparte, alors roi de Westphalie, la proposition du poste de maĂźtre de chapelle Ă sa Cour de Kassel. Il semble que, pendant un moment, le compositeur ait songĂ© Ă accepter ce poste prestigieux qui, sâil remettait en cause son indĂ©pendance si chĂšrement dĂ©fendue, lui eĂ»t assurĂ© une situation sociale confortable. Câest alors quâun sursaut patriotique sâempare de lâaristocratie viennoise (1809). Refusant de laisser partir leur musicien national, lâarchiduc Rodolphe, le prince Kinsky et le prince Lobkowitz sâallient pour assurer Ă Beethoven, sâil reste Ă Vienne, une rente viagĂšre de 4 000 florins annuels, somme considĂ©rable pour lâĂ©poque[35]. Beethoven accepte, voyant son espoir dâĂȘtre dĂ©finitivement Ă lâabri du besoin aboutir, mais la reprise de la guerre entre lâAutriche et la France au printemps 1809 remet tout en cause. La famille impĂ©riale est contrainte de quitter Vienne occupĂ©e, la grave crise Ă©conomique qui sâempare de lâAutriche aprĂšs Wagram et le traitĂ© de Schönbrunn imposĂ© par NapolĂ©on ruine lâaristocratie et provoque la dĂ©valuation de la monnaie autrichienne. Beethoven aura de la difficultĂ© Ă se faire payer, sauf par l'archiduc Rodolphe, qui le soutiendra pendant de longues annĂ©es[36] - [37].
Dans l'immĂ©diat, le catalogue continue de sâenrichir : les annĂ©es 1809 et 1810 voient la composition du Concerto pour piano no 5, Ćuvre virtuose que crĂ©e Carl Czerny, de la musique de scĂšne pour la piĂšce Egmont de Goethe et du Quatuor Ă cordes no 10 dit « Les Harpes ». Câest pour le dĂ©part imposĂ© de son Ă©lĂšve et ami lâarchiduc Rodolphe, plus jeune fils de la famille impĂ©riale, que Beethoven compose la Sonate « Les Adieux ». Les annĂ©es 1811 et 1812 voient le compositeur atteindre lâapogĂ©e de sa vie crĂ©atrice. Le Trio Ă lâArchiduc puis les SeptiĂšme et HuitiĂšme symphonies sont le point dâorgue de la pĂ©riode hĂ©roĂŻque.
Sur le plan personnel, Beethoven est profondĂ©ment affectĂ© en 1810 par lâĂ©chec dâun projet de mariage avec Therese Malfatti, potentielle dĂ©dicataire de la cĂ©lĂšbre La Lettre Ă Ălise. La vie sentimentale de Beethoven a suscitĂ© dâabondants commentaires de la part de ses biographes. Le compositeur sâĂ©prit Ă de nombreuses reprises de jolies femmes, le plus souvent mariĂ©es, mais jamais ne connut ce bonheur conjugal quâil appelait de ses vĆux et dont il faisait lâapologie dans Fidelio. Ses amitiĂ©s amoureuses avec Giulietta Guicciardi (inspiratrice de la Sonate « Clair de lune »), ThĂ©rĂšse von Brunsvik (dĂ©dicataire de la Sonate pour piano no 24), Maria von Erdödy (qui reçut les deux Sonates pour violoncelle opus 102) ou encore Amalie Sebald restĂšrent dâĂ©phĂ©mĂšres expĂ©riences. Outre lâĂ©chec de ce projet de mariage, lâautre Ă©vĂ©nement majeur de la vie amoureuse du musicien fut la rĂ©daction, en 1812, de la bouleversante Lettre Ă lâimmortelle Bien-aimĂ©e dont la dĂ©dicataire reste inconnue, mĂȘme si les noms de JosĂ©phine von Brunsvik et surtout dâAntonia Brentano[38] - [7] sont ceux qui ressortent le plus nettement de lâĂ©tude de Jean et Brigitte Massin[39] et de Maynard Solomon[40].
1813-1817 : les années sombres
Le mois de juillet 1812, abondamment commentĂ© par les biographes du musicien, marque un nouveau tournant dans la vie de Beethoven. SĂ©journant en cure thermale dans la rĂ©gion de Teplitz et de Carlsbad, il rĂ©dige lâĂ©nigmatique Lettre Ă l'immortelle Bien-aimĂ©e et fait la rencontre infructueuse de Goethe par lâentremise de Bettina Brentano. Pour des raisons qui demeurent mal prĂ©cisĂ©es, câest aussi le dĂ©but dâune longue pĂ©riode de stĂ©rilitĂ© dans la vie crĂ©atrice du musicien. On sait que les annĂ©es qui suivirent 1812 coĂŻncidĂšrent avec plusieurs Ă©vĂ©nements dramatiques dans la vie de Beethoven, Ă©vĂ©nements quâil dut surmonter seul, tous ses amis ou presque ayant quittĂ© Vienne pendant la guerre de 1809, mais rien nâexplique entiĂšrement cette rupture aprĂšs dix annĂ©es dâune telle fĂ©conditĂ©.
MalgrĂ© lâaccueil trĂšs favorable rĂ©servĂ© par le public Ă la SeptiĂšme symphonie et Ă la Victoire de Wellington (dĂ©cembre 1813), malgrĂ© la reprise enfin triomphale de Fidelio dans sa version dĂ©finitive (mai 1814), Beethoven perd peu Ă peu les faveurs de Vienne toujours nostalgique de Mozart et acquise Ă la musique plus lĂ©gĂšre de Rossini. Le tapage fait autour du CongrĂšs de Vienne, oĂč Beethoven est encensĂ© comme musicien national[41], ne masque pas longtemps la condescendance grandissante des Viennois Ă son Ă©gard. En outre, le durcissement du rĂ©gime imposĂ© par Metternich le place dans une situation dĂ©licate, la police viennoise Ă©tant depuis longtemps au fait des convictions dĂ©mocratiques et rĂ©volutionnaires dont le compositeur se cache de moins en moins. Sur le plan personnel, lâĂ©vĂ©nement majeur vient de la mort de son frĂšre Kaspar-Karl le [42]. Beethoven, qui lui avait promis de diriger lâĂ©ducation de son fils Karl, doit faire face Ă une interminable sĂ©rie de procĂšs contre sa belle-sĆur pour obtenir la tutelle exclusive de son neveu, finalement gagnĂ©e en 1820[2]. MalgrĂ© toute la bonne volontĂ© et lâattachement du compositeur, ce neveu allait devenir pour lui, et jusquâĂ la veille de sa mort, une source inĂ©puisable de tourment. De ces annĂ©es sombres, oĂč sa surditĂ© devient totale, seuls Ă©mergent quelques rares chefs-dâĆuvre : les Sonates pour violoncelle no 4 et 5 dĂ©diĂ©es Ă sa confidente Maria von Erdödy (1815), la Sonate pour piano no 28 (1816) et le cycle de lieder Ă la Bien-aimĂ©e lointaine (An die ferne Geliebte, 1815-1816), sur des poĂšmes dâAlois Jeitteles (de).
Tandis que sa situation matĂ©rielle devient de plus en plus prĂ©occupante, Beethoven tombe gravement malade entre 1816 et 1817 et semble une nouvelle fois proche du suicide. Pourtant, sa force morale et sa volontĂ© reprennent encore une fois leurs droits, avec le soutien et l'amitiĂ© que lui apporte la factrice de pianos Nannette Streicher. TournĂ© vers lâintrospection et la spiritualitĂ©, pressentant lâimportance de ce quâil lui reste Ă Ă©crire pour « les temps Ă venir », il trouve la force de surmonter ces Ă©preuves pour entamer une derniĂšre pĂ©riode crĂ©atrice qui lui apportera probablement ses plus grandes rĂ©vĂ©lations. Neuf ans avant la crĂ©ation de la NeuviĂšme Symphonie, Beethoven rĂ©sume en une phrase ce qui va devenir Ă bien des Ă©gards lâĆuvre de toute sa vie (1815) :
« Nous, ĂȘtres limitĂ©s Ă lâesprit infini, sommes uniquement nĂ©s pour la joie et pour la souffrance. Et on pourrait presque dire que les plus Ă©minents sâemparent de la joie en traversant la souffrance (Durch Leiden, Freude)[alpha 18]. »
La Messe en rĂ© et lâadieu au piano
Les forces de Beethoven reviennent Ă la fin de 1817, Ă©poque Ă laquelle il Ă©bauche une nouvelle sonate quâil destine au piano-forte le plus rĂ©cent (Hammerklavier en allemand), et quâil envisage comme la plus vaste de toutes celles quâil a composĂ©es jusque-lĂ . Exploitant jusquâaux limites les possibilitĂ©s de lâinstrument, durant prĂšs de cinquante minutes, la Grande Sonate pour « Hammerklavier » opus 106 laisse indiffĂ©rents les contemporains de Beethoven qui la jugent injouable et estiment que, dĂ©sormais, la surditĂ© du musicien lui rend impossible lâapprĂ©ciation correcte des possibilitĂ©s sonores. Ă lâexception de la NeuviĂšme Symphonie, il en est de mĂȘme pour lâensemble des derniĂšres Ćuvres du maĂźtre, dont lui-mĂȘme a conscience quâelles sont trĂšs en avance sur leur temps. Se souciant peu des dolĂ©ances des interprĂštes, il dĂ©clare Ă son Ă©diteur en 1819 : « VoilĂ une sonate qui donnera de la besogne aux pianistes, quand on la jouera dans cinquante ans[44] ». Ă partir de cette Ă©poque, enfermĂ© dans sa surditĂ©, il doit se rĂ©soudre Ă communiquer avec son entourage par lâintermĂ©diaire de cahiers de conversation qui, si une grande partie en a Ă©tĂ© dĂ©truite ou perdue, constituent aujourdâhui un tĂ©moignage irremplaçable sur cette derniĂšre pĂ©riode. S'il est avĂ©rĂ© qu'il utilisait une baguette en bois entre les dents, appuyĂ©e sur la caisse du piano pour sentir les vibrations, l'anecdote des pieds de piano sciĂ©s est historiquement moins certaine : le compositeur aurait sciĂ© ces pieds afin de pouvoir jouer assis par terre pour percevoir les vibrations des sons transmises par le sol[45].
Beethoven a toujours Ă©tĂ© croyant, sans ĂȘtre un pratiquant assidu, mais sa ferveur chrĂ©tienne sâaccroĂźt notablement au sortir de ces annĂ©es difficiles, ainsi quâen tĂ©moignent les nombreuses citations de caractĂšre religieux quâil recopie dans ses cahiers Ă partir de 1817[alpha 19]. Aucune preuve dĂ©terminante nâa jamais Ă©tĂ© apportĂ©e aux rumeurs selon lesquelles il aurait appartenu Ă la franc-maçonnerie.
Au printemps de 1818 lui vient lâidĂ©e dâune grande Ćuvre religieuse quâil envisage dâabord comme une messe dâintronisation pour lâarchiduc Rodolphe, qui doit ĂȘtre Ă©levĂ© au rang dâarchevĂȘque dâOlmĂŒtz quelques mois plus tard. Mais la colossale Missa solemnis en rĂ© majeur rĂ©clame au musicien quatre annĂ©es de travail opiniĂątre (1818-1822) et la messe nâest remise Ă son dĂ©dicataire quâen 1823. Beethoven Ă©tudie longuement les messes de Bach et Le Messie de Haendel durant la composition de la Missa solemnis quâil dĂ©clarera Ă plusieurs reprises ĂȘtre « sa meilleure Ćuvre, son plus grand ouvrage ». ParallĂšlement Ă ce travail sont composĂ©es les trois derniĂšres Sonates pour piano (no 30, no 31 et no 32) dont la derniĂšre, lâopus 111, sâachĂšve sur une arietta Ă variations dâune haute spiritualitĂ© qui aurait pu ĂȘtre sa derniĂšre page pour piano. Mais il lui reste Ă composer un ultime chef-dâĆuvre pianistique : lâĂ©diteur Anton Diabelli invite en 1822 lâensemble des compositeurs de son temps Ă Ă©crire une variation sur une valse trĂšs simple de sa composition. AprĂšs sâĂȘtre dâabord moquĂ©[47] de cette valse, Beethoven dĂ©passe le but proposĂ© et en tire un recueil de 33 Variations que Diabelli lui-mĂȘme estime comparable aux cĂ©lĂšbres Variations Goldberg de Bach[48], composĂ©es quatre-vingts ans plus tĂŽt.
La NeuviĂšme Symphonie et les derniers quatuors
Portrait de F.G. WaldmĂŒller (1823).
La composition de la NeuviĂšme Symphonie dĂ©bute au lendemain de lâachĂšvement de la Missa solemnis, mais cette Ćuvre a une genĂšse extrĂȘmement complexe dont la comprĂ©hension nĂ©cessite de remonter Ă la jeunesse de Beethoven, qui dĂšs avant son dĂ©part de Bonn, envisageait de mettre en musique lâOde Ă la joie de Schiller[49]. Ă travers son inoubliable finale oĂč sont introduits des chĆurs, innovation dans lâĂ©criture symphonique, la NeuviĂšme symphonie apparaĂźt, dans la lignĂ©e de la CinquiĂšme, comme une Ă©vocation musicale du triomphe de la joie et de la fraternitĂ© sur le dĂ©sespoir, et prend la dimension dâun message humaniste et universel. La symphonie est crĂ©Ă©e devant un public enthousiaste le , Beethoven renouant un temps avec le succĂšs. Câest en Prusse et en Angleterre, oĂč la renommĂ©e du musicien est depuis longtemps Ă la mesure de son gĂ©nie, que la symphonie connaĂźt le succĂšs le plus fulgurant. Plusieurs fois invitĂ© Ă Londres comme lâavait Ă©tĂ© Joseph Haydn, Beethoven a Ă©tĂ© tentĂ© vers la fin de sa vie de voyager en Angleterre, pays quâil admire pour sa vie culturelle et pour sa dĂ©mocratie et quâil oppose systĂ©matiquement Ă la frivolitĂ© de la vie viennoise[alpha 20], mais ce projet ne se rĂ©alisera pas et Beethoven ne connaĂźtra jamais le pays de son idole Haendel, dont lâinfluence est particuliĂšrement sensible dans la pĂ©riode tardive de Beethoven, qui compose dans son style, entre 1822 et 1823, lâouverture La ConsĂ©cration de la maison.
Les cinq derniers Quatuors Ă cordes (no 12, no 13, no 14, no 15, no 16) mettent le point final Ă la production musicale de Beethoven. Par leur caractĂšre visionnaire, renouant avec des formes anciennes (utilisation du mode lydien dans le Quatuor no 15), ils marquent lâaboutissement des recherches de Beethoven dans la musique de chambre. Les grands mouvements lents Ă teneur dramatique (Cavatine du Quatuor no 13, Chant dâaction de grĂące sacrĂ©e dâun convalescent Ă la DivinitĂ© du Quatuor no 15) annoncent le romantisme tout proche. Ă ces cinq quatuors, composĂ©s dans la pĂ©riode 1824-1826, il faut encore ajouter la Grande Fugue en si bĂ©mol majeur, opus 133, qui est au dĂ©part le mouvement conclusif du Quatuor no 13, mais que Beethoven sĂ©parera Ă la demande de son Ă©diteur. Ă la fin de lâĂ©tĂ© 1826, alors quâil achĂšve son Quatuor no 16, Beethoven projette encore de nombreuses Ćuvres[51] : une DixiĂšme Symphonie, dont il existe quelques esquisses ; une ouverture sur le nom de Bach ; un Faust inspirĂ© de la piĂšce de Goethe ; un oratorio sur le thĂšme de SaĂŒl et David, un autre sur le thĂšme des ĂlĂ©ments ; un Requiem. Mais le , son neveu Karl fait une tentative de suicide[52]. Lâaffaire fait scandale, et Beethoven bouleversĂ© part se reposer chez son frĂšre Johann Ă Gneixendorf dans la rĂ©gion de Krems-sur-le-Danube, en compagnie de son neveu convalescent. Câest lĂ quâil Ă©crit sa derniĂšre Ćuvre, un allegro pour remplacer la Grande Fugue comme finale du Quatuor no 13.
La fin
Tableau de F. Stober (1827).
De retour à Vienne en décembre 1826, Beethoven contracte une double pneumonie dont il ne peut se relever : les quatre derniers mois de sa vie sont marqués par des douleurs permanentes et une terrible détérioration physique.
La cause directe de la mort du musicien, selon les observations de son dernier mĂ©decin le docteur Wawruch, semble ĂȘtre une dĂ©compensation de cirrhose hĂ©patique[alpha 21]. DiffĂ©rentes causes ont depuis Ă©tĂ© proposĂ©es : cirrhose alcoolique, syphilis, hĂ©patite aiguĂ«, sarcoĂŻdose, maladie de Whipple, maladie de Crohn[53] - [54], prĂ©disposition gĂ©nĂ©tique[55], infection par le virus de l'hĂ©patite B[55].
Une autre hypothĂšse, controversĂ©e[56], est que Beethoven pourrait aussi avoir Ă©tĂ© atteint de la maladie osseuse de Paget (selon une autopsie faite Ă Vienne le par Karl Rokitansky qui Ă©voque une voĂ»te crĂąnienne uniformĂ©ment dense et Ă©paisse et des nerfs auditifs dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s[57]). Le musicien souffrait de dĂ©formations compatibles avec la maladie osseuse de Paget ; sa tĂȘte semble avoir continuĂ© Ă grandir Ă l'Ăąge adulte (Ă la fin de sa vie, il ne rentrait plus dans son chapeau ni dans ses chaussures) ; son front est devenu proĂ©minent, sa mĂąchoire Ă©tait grande et son menton saillant. Il est possible qu'une compression de certains nerfs crĂąniens, notamment le nerf auditif (huitiĂšme nerf crĂąnien) ait affectĂ© son ouĂŻe[alpha 22] ; c'est l'une des hypothĂšses rĂ©trospectivement apportĂ©es pour expliquer son humeur et sa surditĂ© (qui a dĂ©butĂ© vers vingt-sept ans et Ă©tait totale Ă quarante-quatre ans)[57].
Zentralfriedhof de Vienne.
Une explication rĂ©cente, appuyĂ©e sur des analyses de cheveux et de fragments osseux, est quâil aurait souffert toute la fin de sa vie (indĂ©pendamment de sa surditĂ©, le compositeur se plaignait rĂ©guliĂšrement de douleurs abdominales et de troubles de la vision) dâun saturnisme chronique[58] combinĂ© avec une dĂ©ficience gĂ©nĂ©tique lâempĂȘchant dâĂ©liminer le plomb absorbĂ© par son organisme. Cependant, l'authenticitĂ© de la boucle de cheveux a Ă©tĂ© invalidĂ©e en 2023 par une analyse gĂ©nĂ©tique[55]. Lâorigine la plus probable de cette intoxication au plomb est la consommation de vin. Beethoven, grand amateur de vin du Rhin et de « vin de Hongrie[59] » bon marchĂ©, avait lâhabitude de boire dans une coupe en cristal de plomb ces vins « sucrĂ©s » Ă lâĂ©poque au sel de plomb[60].
JusquâĂ la fin, le compositeur reste entourĂ© de ses proches amis, notamment Karl Holz, Anton Schindler et Stephan von Breuning. Quelques semaines avant sa mort, il aurait reçu la visite de Franz Schubert[alpha 23], quâil ne connaissait pas et regrettait de dĂ©couvrir si tardivement. Câest Ă son ami le compositeur Ignaz Moscheles, promoteur de sa musique Ă Londres, quâil envoie sa derniĂšre lettre dans laquelle il promet encore aux Anglais de leur composer une nouvelle symphonie pour les remercier de leur soutien[61]. Mais le , Ludwig van Beethoven meurt Ă lâĂąge de cinquante-six ans. Alors que Vienne ne se souciait plus guĂšre de son sort depuis des mois, ses funĂ©railles, le , rĂ©unissent un cortĂšge impressionnant de plusieurs milliers dâanonymes. Beethoven repose au cimetiĂšre central de Vienne.
« Il sait tout, mais nous ne pouvons pas tout comprendre encore, et il coulera beaucoup dâeau dans le Danube avant que tout ce que cet homme a crĂ©Ă© soit universellement compris[alpha 24]. »
â Schubert, en 1827.
Le mythe beethovénien
De son vivant, Beethoven Ă©tait dĂ©jĂ un mythe, ce que l'on appellerait aujourd'hui un compositeur « culte ». Traversant les genres artistiques, dĂ©passant les frontiĂšres culturelles et gĂ©ographiques, il devient en mĂȘme temps le signe d'une tradition et le symbole d'une modernitĂ© sans cesse renouvelĂ©e.
« La lĂ©gende finit toujours par avoir raison contre l'histoire, et la crĂ©ation du mythe est la victoire suprĂȘme de l'art. »
â Emmanuel Buenzod, Pouvoir de Beethoven ; Les lettres et la musique. Ădition A. CorrĂ©a, 1936.
Le musicien du peuple allemand
Tandis qu'en France, le mythe Beethoven se situait seulement sur le plan musical et Ă©thique, dĂ©veloppant l'image d'un musicien rĂ©publicain pour le peuple, ou animĂ© d'une exigence esthĂ©tique absolue â avec ses quatuors notamment â pour les belles Ăąmes, il en allait diffĂ©remment en Allemagne pour d'Ă©videntes raisons politiques.
AprÚs la constitution du Reich allemand du , Beethoven fut désigné comme un des éléments fondamentaux du patrimoine national et du Kulturkampf national. Bismarck avouait d'ailleurs sa prédilection pour un compositeur qui lui procurait une saine énergie. DÚs lors, on entendit la musique de Beethoven à cÎté du chant nationaliste Die Wacht am Rhein.
Richard Wagner avait Ă©crit en 1840 une intĂ©ressante nouvelle, Une visite Ă Beethoven. Ăpisode de la vie dâun musicien allemand, dans laquelle il se mettait dans la peau d'un jeune compositeur rencontrant Beethoven au lendemain de la crĂ©ation de Fidelio et faisait dĂ©velopper par le « grand sourd » des idĂ©es trĂšs wagnĂ©riennes sur l'opĂ©ra. Wagner, donc, contribua Ă installer Beethoven dans sa position de grand musicien du peuple allemand.
En 1871, l'annĂ©e de la fondation du Reich, il publia son rĂ©cit. On sait qu'en 1872 il fĂȘta la pose de la premiĂšre pierre du Bayreuther Festspielhaus, Palais des festivals de Bayreuth, par un concert donnĂ© Ă l'opĂ©ra des Margraves Ă Bayreuth, au cours duquel il dirigea la NeuviĂšme Symphonie. Tout un programme, toute une filiation.
Paradoxalement l'hĂ©ritage beethovĂ©nien tomba alors dans des mains qui n'Ă©taient pas forcĂ©ment les plus aptes Ă le recevoir. Les compositeurs de premier plan de la gĂ©nĂ©ration post-beethovĂ©nienne, Robert Schumann, Felix Mendelssohn, ne pouvaient pas constituer de vĂ©ritables hĂ©ritiers. Leurs orientations esthĂ©tiques Ă©taient trop Ă©loignĂ©es du modĂšle. D'une certaine maniĂšre, il en allait de mĂȘme pour Johannes Brahms, mais celui-ci fut sommĂ© par lâinstitution musicale allemande d'assumer l'hĂ©ritage. Il lui revenait de prolonger le patrimoine symphonique. Il hĂ©sita longtemps avant de parachever sa PremiĂšre Symphonie en 1876 aprĂšs deux dĂ©cennies de tĂątonnement devant la grande ombre. Quand elle fut crĂ©Ă©e, on la qualifia de « DixiĂšme Symphonie » de Beethoven. Sept ans plus tard, lorsque fut connue sa TroisiĂšme Symphonie, elle fut dĂ©signĂ©e comme lâ« HĂ©roĂŻque ».
Une sorte de nationalisme musical créa une fausse filiation entre les trois B :
- Bach, le pĂšre Ă©ternel ;
- Beethoven, le héros ;
- Brahms, le brillant héritier.
Ce n'était pas un cadeau pour ce dernier, que son tempérament portait plutÎt vers le lyrisme intime et le clair-obscur. Il fut donc quelque peu condamné par l'air du temps politique et culturel à faire revivre un compositeur qu'il admirait profondément et redoutait à la fois.
Gustav Mahler, en un sens, marqua l'ultime Ă©tape de l'influence beethovĂ©nienne en Autriche. Si son langage est trĂšs Ă©loignĂ© de celui de son lointain prĂ©dĂ©cesseur, la nature mĂȘme de ses symphonies en prolongeait le message personnel. Beethoven Ă©crivait en marge du manuscrit de la Missa solemnis ; « Venu du cĆur, puisse-t-il retourner au cĆur. » Mahler notait aussi ses Ă©tats d'Ăąme en marge de ses partitions. Dans les deux cas, la musique embrasse le monde et la condition humaine. Sa DeuxiĂšme Symphonie avec son chĆur final est fille de la NeuviĂšme de Beethoven. Sa TroisiĂšme est un hymne Ă la nature comme la Pastorale. Et enfin, sa SixiĂšme Ă©voque Ă trois reprises les coups du Destin[62].
Une aura universelle et humaniste
AprĂšs le nazisme, le mythe Beethoven ne pouvait plus ĂȘtre le mĂȘme pour revenir au Beethoven universel et humaniste. Les quatre premiĂšres notes de la CinquiĂšme Symphonie avaient Ă©tĂ© associĂ©es par les AlliĂ©s Ă la victoire selon l'analogie trois brĂšves et une longue du code Morse de la lettre V, signe cinq en chiffre romain du V victorieux de Winston Churchill. AprĂšs la fin des hostilitĂ©s, le thĂšme de l'Ode Ă la joie fut choisi comme hymne europĂ©en[63] et enregistrĂ© par l'Orchestre philharmonique de Berlin et Herbert von Karajan, qui dans sa jeunesse avait souvent dirigĂ© Beethoven dans un tout autre contexte. Mais, depuis longtemps, les Ă©coliers de nombreux pays chantaient la jolie chanson idĂ©aliste : « Oh, quel magnifique rĂȘve vient illuminer mes yeux/Quel brillant soleil se lĂšve dans les purs et larges cieux », disait la version française pour les Ă©coles, signĂ©e Maurice Bouchor. En 1955, pour la rĂ©ouverture du Wiener Staatsoper de Vienne, aprĂšs les rĂ©parations consĂ©cutives aux graves dommages des bombardements alliĂ©s, fut montĂ© Fidelio, hymne Ă la rĂ©sistance Ă la barbarie et Ă la libertĂ© retrouvĂ©e, ce qui, tout de mĂȘme, n'allait pas sans quelques ambiguĂŻtĂ©s dans un pays qui s'Ă©tait enthousiasmĂ© pour l'Anschluss, sans parler du chef d'orchestre Karl Böhm, qui avait eu quelques regrettables complaisances Ă l'Ă©gard du rĂ©gime dĂ©chu.
La seconde moitiĂ© du XXe siĂšcle ne cesse de cĂ©lĂ©brer Beethoven, qui reste longtemps le compositeur phare de la musique classique. Il apparaĂźt souvent dans la bande-son des films, et de maniĂšre particuliĂšrement impressionnante dans Orange mĂ©canique de Stanley Kubrick (1971) oĂč le Scherzo[alpha 25] dĂ©formĂ© de la NeuviĂšme Symphonie figure l'Ă©nergie dĂ©voyĂ©e d'Alex, le hĂ©ros psychopathe. Cependant, durant les derniĂšres dĂ©cennies, la vague du retour aux musiques anciennes et une certaine dĂ©fiance Ă l'Ă©gard du sentiment et de toute exaltation emphatique font baisser la cote beethovĂ©nienne. Le recours aux instruments d'Ă©poque et Ă des pratiques d'exĂ©cution diffĂ©rentes permet de produire une nouvelle image sonore.
Emil Cioran suggĂšre que cette façon intime et grandiose d'aborder la musique â qui est surtout le fait de commentateurs postĂ©rieurs Ă Beethoven â en avait « viciĂ©[64] » l'Ă©volution. Yehudi Menuhin considĂšre qu'avec Beethoven la musique commence Ă changer de nature pour aller vers une sorte de mainmise morale sur l'auditeur. Un pouvoir totalitaire en quelque sorte. C'Ă©tait un siĂšcle auparavant le point de vue d'un LĂ©on TolstoĂŻ dans sa nouvelle La Sonate Ă Kreutzer, qui associe l'amour de la musique Ă une passion maladive[65].
L'icÎne de la liberté
Quoi qu'il en soit, globalement, l'image, affadie, qui subsiste est celle d'un militant pour la liberté, les droits de l'homme, le progrÚs social.
Le , Leonard Bernstein conduit la NeuviÚme Symphonie devant le mur de Berlin éventré et remplacé le mot « Freude » (joie) de l'Ode par celui de « Freiheit » (liberté). Deutsche Grammophon commercialise l'enregistrement du concert en insérant dans le boßtier, comme une anti-relique, un morceau du vrai mur.
Le sens de ces manifestations est cependant plutĂŽt flottant. En 1981, lors de la cĂ©rĂ©monie d'investiture de François Mitterrand, Daniel Barenboim, avec les chĆurs et l'Orchestre de Paris, exĂ©cutent le dernier mouvement de la NeuviĂšme devant le PanthĂ©on[66].
En 1995, Jean-Marie Le Pen ouvre le meeting dans lequel il annonce sa candidature Ă l'Ă©lection prĂ©sidentielle, par l'Ode Ă la joie. En , pour couvrir une manifestation d'un mouvement d'extrĂȘme droite protestant contre l'immigration, les chĆurs de l'OpĂ©ra de Mayence entonnent cet hymne[66].
Des flash mobs sur L'Ode Ă la joie â pratique moderne, assez lĂ©gĂšre et consensuelle, mais tout de mĂȘme significative â, place Sant Roc Ă Sabadell[67], parvis de l'Ă©glise Saint-Laurent de Nuremberg[68], Tokushima[69] - [70], Fukushima[71], Hong Kong, Odessa ou Tunis, expriment le dĂ©sir de libertĂ© d'une foule jeune. Dans ces contextes, Beethoven est recherchĂ©.
En introduction à ses Mythologies, Roland Barthes écrit cette phrase célÚbre autant qu'énigmatique : « Un mythe est une parole. » Polysémique, polyvalente, flexible, cette parole vit avec le temps, vit avec son temps. Le Beethoven actuel des flashmobs est bien éloigné du feu intérieur qui anime les bustes d'Antoine Bourdelle, de l'humanisme quelque peu emphatique de Romain Rolland ou des revendications nationalistes des deux Reich. C'est bien la preuve, par le mouvement, que le mythe court encore[72].
Style musical et innovations
Jeunesse Ă Bonn
Contrairement Ă une croyance rĂ©pandue, les premiĂšres influences musicales qui se sont exercĂ©es sur le jeune Beethoven ne sont pas tant celles de Haydn ou de Mozart â dont, Ă lâexception de quelques partitions[73], il ne dĂ©couvrit vĂ©ritablement la musique quâune fois arrivĂ© Ă Vienne â que du style galant de la seconde moitiĂ© du XVIIIe siĂšcle et des compositeurs de lâĂcole de Mannheim dont il pouvait entendre les Ćuvres Ă Bonn, Ă la cour du Prince-Ă©lecteur Maximilien François d'Autriche.
Les Ćuvres de cette pĂ©riode nâapparaissent pas dans le catalogue des opus. Elles sont composĂ©es entre 1782 et 1792 et tĂ©moignent dĂ©jĂ dâune remarquable maĂźtrise de la composition ; mais sa personnalitĂ© ne sây manifeste pas encore comme elle le fera dans la pĂ©riode viennoise.
Les Sonates Ă lâĂlecteur WoO 47 (1783), le Concerto pour piano WoO 4 (1784) ou encore les Quatuors avec piano WoO 36 (1785) sont fortement influencĂ©s par le style galant de compositeurs tels que Johann Christian Bach.
Deux autres reprĂ©sentants de la famille Bach constituent dâailleurs le socle de la culture musicale du jeune Beethoven :
- Carl Philipp Emanuel Bach, dont il joue les sonates ;
- Jean-SĂ©bastien Bach, dont il apprend par cĆur les deux livres du Clavier bien tempĂ©rĂ©.
Dans les deux cas, il sâagit plutĂŽt dâĂ©tudes destinĂ©es Ă la maĂźtrise de son instrument quâĂ la composition proprement dite.
Lâinfluence dĂ©cisive de Haydn
La particularitĂ© de lâinfluence exercĂ©e par Haydn â par rapport, notamment, Ă celle exercĂ©e par Clementi â tient au fait quâelle dĂ©passe littĂ©ralement le simple domaine esthĂ©tique (auquel elle ne sâapplique que momentanĂ©ment et superficiellement) pour imprĂ©gner bien davantage le fond mĂȘme de la conception beethovĂ©nienne de la musique. En effet, le modĂšle du maĂźtre viennois ne se manifeste pas tant, comme on le croit trop souvent, dans les Ćuvres dites « de la premiĂšre pĂ©riode », que dans celles des annĂ©es suivantes : la Symphonie HĂ©roĂŻque, dans son esprit et ses proportions, a ainsi bien plus Ă voir avec Haydn que les deux prĂ©cĂ©dentes ; de mĂȘme, Beethoven se rapproche davantage de son aĂźnĂ© dans son dernier quatuor, achevĂ© en 1826, que dans son premier, composĂ© une trentaine dâannĂ©es plus tĂŽt. On distingue ainsi, dans le style de Haydn, les aspects qui deviendront essentiels de lâesprit beethovĂ©nien.
Plus que tout, câest le sens haydnien du motif qui influence profondĂ©ment et durablement lâĆuvre de Beethoven. Jamais celle-ci ne connaĂźtra de principe plus fondateur et plus immuable que celui, hĂ©ritĂ© de son maĂźtre, de bĂątir un mouvement entier Ă partir dâune cellule thĂ©matique â rĂ©duite parfois jusquâĂ lâextrĂȘme â et les chefs-dâĆuvre les plus cĂ©lĂšbres en tĂ©moignent, Ă lâexemple du premier mouvement de la CinquiĂšme Symphonie. Ă la rĂ©duction quantitative du matĂ©riau de dĂ©part doit correspondre une extension du dĂ©veloppement ; et si la portĂ©e de lâinnovation apportĂ©e par Haydn sâest rĂ©vĂ©lĂ©e si grande, sur Beethoven et donc indirectement sur toute lâhistoire de la musique, câest justement parce que le motif haydnien a eu vocation Ă engendrer un dĂ©veloppement thĂ©matique dâune ampleur jusquâalors inĂ©dite.
Cette influence de Haydn ne se limite pas toujours au thĂšme ou mĂȘme au dĂ©veloppement de celui-ci, mais sâĂ©tend parfois jusquâĂ lâorganisation interne de tout un mouvement de sonate. Pour le maĂźtre du classicisme viennois, câest le matĂ©riau thĂ©matique qui dĂ©termine la forme de lâĆuvre. LĂ aussi, plus que dâune influence, on peut parler dâun principe qui deviendra vĂ©ritablement substantiel de lâesprit beethovĂ©nien ; et que le compositeur dĂ©veloppera dâailleurs encore bien davantage que son aĂźnĂ© dans ses productions les plus abouties. Ainsi en est-il par exemple, comme lâexplique Charles Rosen[74], du premier mouvement de la Sonate « Hammerklavier » : câest la tierce descendante du thĂšme principal qui en dĂ©termine toute la structure (on voit par exemple tout au long du morceau les tonalitĂ©s se succĂ©der dans un ordre de tierces descendantes : si bĂ©mol majeur, sol majeur, mi bĂ©mol majeur, si majeurâŠ).
En dehors de ces aspects essentiels, dâautres caractĂ©ristiques moins fondamentales de lâĆuvre de Haydn ont parfois influencĂ© Beethoven. On pourrait citer quelques rares exemples antĂ©rieurs mais Haydn est le premier compositeur Ă avoir vĂ©ritablement fait usage dâune technique consistant Ă commencer un morceau dans une fausse tonalitĂ© â câest-Ă -dire une tonalitĂ© autre que la tonique. Ce principe illustre bien la propension typiquement haydnienne Ă susciter la surprise de lâauditeur, tendance que lâon retrouve largement chez Beethoven : le dernier mouvement du QuatriĂšme concerto pour piano, par exemple, semble commencer en ut majeur le temps de quelques mesures avant que ne sâĂ©tablisse clairement la tonique (sol majeur). Haydn est Ă©galement le premier Ă sâĂȘtre penchĂ© sur la question de lâintĂ©gration de la fugue dans la forme sonate, Ă laquelle il rĂ©pond principalement en employant la fugue comme dĂ©veloppement. Dans ce domaine, avant de mettre au point de nouvelles mĂ©thodes (qui nâinterviendront que dans la Sonate pour piano no 32 et le Quatuor Ă cordes no 14) Beethoven reprendra plusieurs fois les trouvailles de son maĂźtre : le dernier mouvement de la Sonate pour piano no 28 et le premier de la Sonate « Hammerklavier » en fournissent probablement les meilleurs exemples.
Et pourtant, malgré les liens relevés par les musicologues entre les deux compositeurs, Beethoven, qui admirait Cherubini et vénérait Haendel (« j'aurais aimé m'agenouiller devant le grand Haendel»), et semblait avoir plus apprécié les leçons de Salieri, ne l'entendait pas ainsi et ne reconnaissait pas l'influence de Haydn. Il déclarera n'avoir « jamais rien appris de Haydn » selon Ferdinand Ries, ami et élÚve de Beethoven.
Lâinfluence de Mozart
Davantage encore que prĂ©cĂ©demment, il faut bien distinguer dans lâinfluence de Mozart sur Beethoven un aspect esthĂ©tique et un aspect formel. LâesthĂ©tique mozartienne se manifeste principalement dans les Ćuvres dites de la « premiĂšre pĂ©riode » ; et ce de maniĂšre plutĂŽt superficielle, puisque lâinfluence du maĂźtre sây rĂ©sume le plus souvent Ă des emprunts de formules toutes faites. Jusquâaux alentours de 1800 la musique de Beethoven sâinscrit surtout dans le style tantĂŽt post-classique, tantĂŽt prĂ©-romantique alors reprĂ©sentĂ© par des compositeurs tels que Clementi ou Hummel ; un style qui nâimite Mozart quâen surface, et que lâon pourrait qualifier davantage de « classicisant » que de vĂ©ritablement classique (selon lâexpression de Rosen).
Lâaspect formel â et plus profond â de lâinfluence de Mozart se manifeste plutĂŽt Ă partir des Ćuvres dites de la « deuxiĂšme pĂ©riode ». Câest dans le concerto, genre que Mozart a portĂ© Ă son plus haut niveau, que le modĂšle du maĂźtre semble ĂȘtre demeurĂ© le plus prĂ©sent. Ainsi, dans le premier mouvement du Concerto pour piano no 4, lâabandon de la double exposition de sonate (successivement orchestre et soliste) au profit dâune exposition unique (simultanĂ©ment orchestre et soliste) reprend en quelque sorte lâidĂ©e mozartienne consistant Ă fondre la prĂ©sentation statique du thĂšme (orchestre) dans sa prĂ©sentation dynamique (soliste). Plus gĂ©nĂ©ralement, Beethoven, dans sa propension Ă amplifier les codas jusquâĂ les transformer en Ă©lĂ©ments thĂ©matiques Ă part entiĂšre, se pose bien plus en hĂ©ritier de Mozart que de Haydn â chez qui les codas se distinguent bien moins de la rĂ©exposition.
Certains morceaux de Mozart nous rappellent de grandes pages de l'Ćuvre de Beethoven, les deux plus marquants sont : lâoffertoire K 222 composĂ© en 1775 (violons commençant Ă environ 1 minute) qui rappelle fortement le thĂšme de l'ode Ă la joie, les 4 coups de timbales du 1er mouvement du concerto pour piano n°25 Ă©crit en 1786 rappelant la cĂ©lĂšbre introduction de la 5e symphonie.
Les sonates pour piano de Clementi
Dans le domaine de la musique pour piano, câest surtout lâinfluence de Muzio Clementi qui sâexerce rapidement sur Beethoven Ă partir de 1795 et permet Ă sa personnalitĂ© de sâaffirmer et sâĂ©panouir vĂ©ritablement. Si elle nâa pas Ă©tĂ© aussi profonde que celle des Ćuvres de Haydn, la portĂ©e des sonates pour piano du cĂ©lĂšbre Ă©diteur nâen a pas moins Ă©tĂ© immense dans lâĂ©volution stylistique de Beethoven, qui les jugeait dâailleurs supĂ©rieures Ă celles de Mozart. Certaines dâentre elles, par leur audace, leur puissance Ă©motionnelle et le caractĂšre novateur de leur traitement de lâinstrument, inspirent quelques-uns des premiers chefs-dâĆuvre de Beethoven ; et les Ă©lĂ©ments qui, les premiers, permettent au style pianistique du compositeur de se distinguer proviennent pour une bonne part de Clementi.
Ainsi, dĂšs les annĂ©es 1780, Clementi fait un emploi nouveau dâaccords peu usitĂ©s jusquâalors : les octaves, principalement, mais aussi les sixtes et les tierces parallĂšles. Il Ă©toffe ainsi sensiblement lâĂ©criture pianistique, dotant lâinstrument dâune puissance sonore inĂ©dite, qui impressionne certainement le jeune Beethoven ; lequel va rapidement intĂ©grer, dĂšs ses trois premiĂšres sonates, ces procĂ©dĂ©s dans son propre style. Lâusage des indications dynamiques sâĂ©largit dans les sonates de Clementi : pianissimo et fortissimo y deviennent frĂ©quents et leur fonction expressive prend une importance considĂ©rable. LĂ aussi, Beethoven saisit les possibilitĂ©s ouvertes par ces innovations ; et dĂšs la Sonate « PathĂ©tique », ces principes se voient dĂ©finitivement intĂ©grĂ©s au style beethovĂ©nien.
Un autre point commun entre les premiĂšres sonates de Beethoven et celles â contemporaines ou antĂ©rieures â de Clementi est leur longueur, relativement importante pour lâĂ©poque : les sonates de Clementi dont sâinspire le jeune Beethoven sont en effet des Ćuvres dâenvergure, souvent constituĂ©es de vastes mouvements. On y trouve les prĂ©mices dâune nouvelle vision de lâĆuvre musicale, conçue dĂ©sormais pour ĂȘtre unique. Les sonates pour piano de Beethoven sont connues pour avoir Ă©tĂ© en quelque sorte son « laboratoire expĂ©rimental », celui duquel il tirait les idĂ©es nouvelles quâil Ă©tendait ensuite Ă dâautres formes â comme la symphonie. Par elles, lâinfluence de Clementi sâest donc exercĂ©e sur lâensemble de la production beethovĂ©nienne. Ainsi, comme le fait remarquer Marc Vignal[75], on trouve par exemple des influences importantes des sonates op. 13 no 6 et op. 34 no 2 de Clementi dans la Symphonie hĂ©roĂŻque.
Haendel et les anciens
Portrait de B. Denner, 1733.
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Sonate pour piano en do mineur, Opus 111 | |
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Une fois les influences « hĂ©roĂŻques » assimilĂ©es, aprĂšs avoir vĂ©ritablement pris le « nouveau chemin »[23] sur lequel il souhaitait sâengager, et aprĂšs avoir dĂ©finitivement affirmĂ© sa personnalitĂ© Ă travers les rĂ©alisations dâune pĂ©riode crĂ©atrice allant de la Symphonie HĂ©roĂŻque jusquâĂ la SeptiĂšme Symphonie, Beethoven cesse de sâintĂ©resser aux Ćuvres de ses contemporains, et par consĂ©quent dâĂȘtre influencĂ© par elles. Parmi ses contemporains, seuls Cherubini et Schubert lâenchantent encore ; mais en aucune maniĂšre il ne songe Ă les imiter. MĂ©prisant par-dessus tout lâopĂ©ra italien, et dĂ©sapprouvant fermement le romantisme naissant, Beethoven sent alors le besoin de se tourner vers les « piliers » historiques de la musique : J.S. Bach et G.F. Haendel, ainsi que les grands maĂźtres de la renaissance, tels Palestrina. Parmi ces influences, la place de Haendel est plus que privilĂ©giĂ©e : jamais sans doute nâeut-il de plus fervent admirateur que Beethoven ; qui (dĂ©signant ses Ćuvres complĂštes, quâil vient de recevoir) sâĂ©crie : « VoilĂ la vĂ©ritĂ© ! » ; ou encore Beethoven qui, au soir de sa vie, dit vouloir sâ« agenouiller sur sa tombe ».
De lâĆuvre de Haendel, la musique du dernier Beethoven prend souvent lâaspect grandiose et gĂ©nĂ©reux, par lâemploi de rythmes pointĂ©s â comme câest le cas dans lâintroduction de la Sonate pour piano no 32, dans le premier mouvement de la NeuviĂšme symphonie ou encore dans la seconde Variation Diabelli â ou mĂȘme par un certain sens de lâharmonie, ainsi que le montrent les premiĂšres mesures du deuxiĂšme mouvement de la Sonate pour piano no 30, entiĂšrement harmonisĂ©es dans le plus pur style haendelien.
Câest Ă©galement lâinĂ©puisable vitalitĂ© caractĂ©ristique de la musique de Haendel qui fascine Beethoven, et que lâon retrouve par exemple dans le fugato choral sur « Freude, schöner Götterfunken » qui suit le cĂ©lĂšbre « Seid umschlungen, Millionen », dans le finale de la NeuviĂšme symphonie : le thĂšme qui y apparaĂźt, balancĂ© par un puissant rythme ternaire, relĂšve dâune simplicitĂ© et dâune vivacitĂ© typiquement haendeliennes jusque dans ses moindres contours mĂ©lodiques. Un nouveau pas est franchi avec la Missa solemnis, oĂč la marque des grandes Ćuvres chorales de Haendel se fait plus que jamais sentir. Beethoven est mĂȘme tellement absorbĂ© dans lâunivers du Messie quâil en retranscrit note pour note lâun des plus cĂ©lĂšbres motifs de lâHalleluja dans le Gloria. Dans dâautres Ćuvres, on retrouve la nervositĂ© que peuvent revĂȘtir les rythmes pointĂ©s de Haendel parfaitement intĂ©grĂ©e au style beethovĂ©nien, comme dans lâeffervescente Grande Fugue ou encore dans le second mouvement de la Sonate pour piano no 32, oĂč cette influence se voit peu Ă peu littĂ©ralement transfigurĂ©e.
Enfin, câest Ă©galement dans le domaine de la fugue que lâĆuvre de Haendel imprĂšgne Beethoven. Si les exemples du genre Ă©crits par lâauteur du Messie reposent sur une parfaite maĂźtrise des techniques contrapuntiques, elles se fondent gĂ©nĂ©ralement sur des thĂšmes simples et suivent un cheminement qui ne prĂ©tend pas Ă lâextrĂȘme Ă©laboration de fugues de Bach. Câest ce qui a dĂ» satisfaire Beethoven, qui dâune part partage avec Haendel le souci de construire des Ćuvres entiĂšres Ă partir dâun matĂ©riau aussi simple et rĂ©duit que possible, et qui dâautre part ne possĂšde pas les prĂ©dispositions pour le contrepoint qui lui permettraient dây chercher une excessive sophistication.
La théorie des trois périodes et ses limites
Les trois « maniÚres » sont une progression de l'enfant[76] qui apprend, devient adulte et est déifié :
- 1793-1801 : la période d'imitation[76] dans la forme : le style pianistique de Carl P. E. Bach selon l'idée créatrice de Friedrich Wilhelm Rust dans une architecture d'Haydn ;
- 1801-1815 : la pĂ©riode de transition[77] : l'amour de la femme â Juliette Guicciardi[78] â, de la nature et de la patrie ;
- 1815-1827 : la période de réflexion[79].
LâhĂ©ritage au XIXe siĂšcle
Dernier grand reprĂ©sentant du classicisme viennois (aprĂšs Gluck, Haydn et Mozart), Beethoven a prĂ©parĂ© lâĂ©volution vers le romantisme en musique et influencĂ© la musique occidentale pendant une grande partie du XIXe siĂšcle. Inclassable (« Vous me faites lâimpression dâun homme qui a plusieurs tĂȘtes, plusieurs cĆurs, plusieurs Ăąmes » lui dit Haydn vers 1793)[80], son art sâest exprimĂ© Ă travers diffĂ©rents genres musicaux, et bien que sa musique symphonique soit la principale source de sa popularitĂ©, il a eu un impact Ă©galement considĂ©rable dans lâĂ©criture pianistique et dans la musique de chambre[81].
Beethoven au XXe siĂšcle
C'est au XXe siĂšcle que la musique de Beethoven trouve ses plus grands interprĂštes. Elle occupe une place centrale dans le rĂ©pertoire de la plupart des pianistes et concertistes du siĂšcle (Kempff, Richter, Nat, Arrau, Ney, RubinsteinâŠ) et un certain nombre d'entre eux, Ă la suite d'Artur Schnabel, enregistrent l'intĂ©grale des sonates pour piano. L'Ćuvre orchestrale, dĂ©jĂ reconnue depuis le XIXe siĂšcle, connaĂźt son apogĂ©e avec les interprĂ©tations d'Herbert von Karajan et de Wilhelm FurtwĂ€ngler.
« [Dans la musique,] derriĂšre les rythmes non-rationnels, il y a l'« ivresse » primitive dĂ©finitivement rebelle Ă toute articulation ; derriĂšre l'articulation rationnelle, il y a la « forme » qui, de son cĂŽtĂ©, a la volontĂ© et la force d'absorber et d'ordonner toute vie, et donc finalement l'ivresse elle-mĂȘme ! C'est Nietzsche qui a, pour la premiĂšre fois, formulĂ© de façon grandiose cette dualitĂ© grĂące aux concepts de Dionysiaque et d'Apollinien. Mais pour nous, aujourd'hui, qui considĂ©rons la musique de Beethoven, il s'agit de nous rendre compte que ces deux Ă©lĂ©ments ne sont pas contradictoires - ou, plutĂŽt, qu'ils ne doivent pas l'ĂȘtre nĂ©cessairement. Cela semble ĂȘtre la tĂąche de l'art, de l'art au sens de Beethoven, de les concilier[82]. »
â Wilhelm FurtwĂ€ngler, 1951.
Et en 1942 :
« Beethoven renferme en lui-mĂȘme toute la nature de l'homme. Il n'est pas essentiellement chantant comme Mozart, il n'a pas l'Ă©lan architectural de Bach ni le sensualisme dramatique de Wagner. Il unit tout cela en lui, chaque chose Ă©tant Ă sa place : lĂ est l'essence de son originalitĂ©. [âŠ] Jamais un musicien n'a mieux ressenti et exprimĂ© l'harmonie des sphĂšres, le chant de la Nature Divine. Par lui seulement, les vers de Schiller : « FrĂšres, au-dessus de la voĂ»te des Ă©toiles / Doit rĂ©gner un pĂšre aimant » ont trouvĂ© leur rĂ©alitĂ© vivante, qui va bien au-delĂ de ce que peuvent exprimer les mots[82]. »
Il conclut en 1951 :
« Ainsi, la musique de Beethoven reste pour nous un grand exemple d'accord unanime oĂč se rejoignent toutes les tendances, un exemple d'harmonie entre la langue de l'Ăąme, entre l'architecture musicale et le dĂ©roulement d'un drame enracinĂ© dans la vie psychique, mais surtout entre le Moi et l'HumanitĂ©, entre l'Ăąme anxieuse de l'individu isolĂ©, et la communautĂ© dans son universalitĂ©. Les paroles de Schiller : « FrĂšres, au-dessus de la voĂ»te des Ă©toiles / Doit rĂ©gner un pĂšre aimant », que Beethoven a proclamĂ© avec une clartĂ© divinatoire dans le message de sa derniĂšre symphonie, n'Ă©taient pas dans sa bouche paroles de prĂ©dicateur ou de dĂ©magogue ; c'est ce que lui-mĂȘme a vĂ©cu concrĂštement tout au long de sa vie, depuis le dĂ©but de son activitĂ© artistique. Et c'est aussi la raison pour laquelle nous-mĂȘmes, hommes d'aujourd'hui, sommes encore si profondĂ©ment touchĂ©s par un tel message[82]. »
Il faut également attendre le XXe siÚcle pour que certaines partitions comme les Variations Diabelli ou la 9e symphonie soit réétudiées et reconsidérées par le monde musical.
Instruments
L'un des pianos de Beethoven était un instrument fabriqué par la société viennoise Geschwister Stein. Le 19 novembre 1796, Beethoven écrit une lettre à Andreas Streicher, le mari de Nannette Streicher : "J'ai reçu votre pianoforte avant-hier. Il est vraiment merveilleux, n'importe qui voudrait l'avoir pour lui..." [83]
Comme le rappelle Carl Czerny, en 1801 Beethoven avait un piano Walter dans sa maison[84]. En 1802 il demandait Ă©galement Ă son ami Zmeskall de demander Ă Walter de lui fabriquer un pianoforte Ă une corde[85].
Puis, en 1803, Beethoven reçoit son piano à queue Erard. Mais, comme l'écrit Newman : "Beethoven n'était pas satisfait de cet instrument dÚs le départ, en partie parce que le compositeur trouvait que sa mécanique anglaise était incurablement lourde".[86]
Un autre piano de Beethoven, le Broadwood 1817, qui était un cadeau de Thomas Broadwood. Beethoven l'a gardé chez lui à la Schwarzspanierhaus jusqu'à sa mort en 1827[87].
Le dernier instrument de Beethoven Ă©tait un piano Graf Ă quatre cordes. Conrad Graf lui-mĂȘme a confirmĂ© avoir prĂȘtĂ© Ă Beethoven un piano de 6 Âœ octaves, puis l'avoir vendu, aprĂšs la mort du compositeur, Ă la famille Wimmer[88]. En 1889, l'instrument a Ă©tĂ© acquis par la Beethovenhaus de Bonn[89].
LâĆuvre de Beethoven
Dans lâhistoire musicale, lâĆuvre de Beethoven reprĂ©sente une transition entre lâĂšre classique (approximativement 1750-1810) et lâĂšre romantique (approximativement 1810-1900). Si ses premiĂšres Ćuvres sont influencĂ©es par Haydn ou Mozart, ses Ćuvres de maturitĂ© sont riches dâinnovations et ont ouvert la voie aux musiciens au romantisme exacerbĂ©, tels Brahms (dont la PremiĂšre Symphonie Ă©voque « la DixiĂšme » de Beethoven selon Hans von Bulow probablement Ă cause de son finale oĂč Brahms introduit volontairement un thĂšme proche de celui de lâHymne Ă la Joie en hommage au MaĂźtre), Schubert, Wagner ou encore Bruckner :
- lâouverture de sa CinquiĂšme Symphonie (1807), expose un motif violent â motif omniprĂ©sent dĂšs ses Ćuvres de jeunesse â, qui est rĂ©utilisĂ© tout au long des quatre mouvements ; la transition du troisiĂšme au dernier mouvement se fait attacca (sans interruption) ;
- la NeuviĂšme Symphonie (1824) est la premiĂšre symphonie Ă introduire un chĆur, au quatriĂšme mouvement. Lâensemble de ce traitement orchestral reprĂ©sente une vĂ©ritable innovation ; ajoutons que la mystĂ©rieuse introduction de 16 mesures, Ă incertitude tonale (seules les trois notes la, rĂ©, mi sont utilisĂ©es, on ne connaĂźt donc ni la tonalitĂ© ni le mode, majeur ou mineur) qui ouvre la symphonie, inspirera Bruckner dont la HuitiĂšme symphonie comporte une interversion des places du Scherzo et de lâAdagio comme dans la NeuviĂšme de Beethoven ;
- son opéra, Fidelio, utilise les voix comme des instruments symphoniques, cela sans se soucier des limitations techniques des choristes.
Sur le plan de la technique musicale, lâemploi de motifs qui nourrissent des mouvements entiers est considĂ©rĂ© comme un apport majeur. Dâessence essentiellement rythmique â ce qui constitue une grande nouveautĂ© â ces motifs se modifient et se multiplient pour constituer des dĂ©veloppements. Il en va ainsi des trĂšs fameux :
- premier mouvement du QuatriÚme Concerto pour piano (donné dÚs les premiÚres mesures) ;
- premier mouvement de la CinquiĂšme Symphonie (idem) ;
- deuxiĂšme mouvement de la SeptiĂšme Symphonie (au rythme dactylique) : le tourbillonnement toujours renouvelĂ© qui en rĂ©sulte est extrĂȘmement saisissant, Ă lâorigine de cette grande vĂ©hĂ©mence qui « vient », sans cesse, chercher lâauditeur.
Beethoven est aussi lâun des tout premiers Ă se pencher sur lâorchestration avec autant de soin. Dans les dĂ©veloppements, des associations changeantes, notamment au niveau des pupitres de bois, permettent dâĂ©clairer de façon singuliĂšre les retours thĂ©matiques, eux aussi lĂ©gĂšrement modifiĂ©s sur le plan harmonique. Les variations de ton et couleur qui sâensuivent renouvellent le discours tout en lui conservant les repĂšres de la mĂ©moire.
Si les Ćuvres de Beethoven sont aussi apprĂ©ciĂ©es, câest Ă©galement grĂące Ă leur force Ă©motionnelle, caractĂ©ristique du romantisme.
Le grand public connaĂźt surtout ses Ćuvres symphoniques, souvent novatrices, en particulier la sixiĂšme, dite Pastorale, et les symphonies « impaires » : 3, 5, 7 et 9. Ses Ćuvres concertantes les plus connues sont le Concerto pour violon et surtout le CinquiĂšme Concerto pour piano, dit LâEmpereur. Sa musique instrumentale est apprĂ©ciĂ©e au travers de quelques magnifiques sonates pour piano, parmi les trente-deux quâil a Ă©crites. Dâaspect plus classique, sa musique de chambre, comportant notamment 16 quatuors Ă cordes, est moins connue.
Il nous reste de Beethoven 398 Ćuvres.
Ćuvres symphoniques
Haydn a composĂ© plus de cent symphonies et Mozart plus de quarante. De ses prĂ©dĂ©cesseurs, Beethoven nâa pas hĂ©ritĂ© de la productivitĂ©, car il nâa composĂ© que neuf symphonies, et en a Ă©bauchĂ© une dixiĂšme. Mais les neuf symphonies de Beethoven sont bien plus monumentales et ont toutes une identitĂ© propre. Curieusement, plusieurs compositeurs romantiques ou post-romantiques sont morts aprĂšs leur neuviĂšme (achevĂ©e ou non), dâoĂč une lĂ©gende de malĂ©diction attachĂ©e Ă ce nombre : Schubert, Bruckner, DvoĆĂĄk, Mahler, mais aussi Ralph Vaughan Williams.
Les deux premiĂšres symphonies de Beethoven sont dâinspiration et de facture classiques. Or, la 3e symphonie, dite « HĂ©roĂŻque », va marquer un grand tournant dans la composition dâorchestre. Beaucoup plus ambitieuse que les prĂ©cĂ©dentes, lâHĂ©roĂŻque se dĂ©marque par lâampleur de ses mouvements et le traitement de lâorchestre. Le premier mouvement, Ă lui seul, est plus long que la plupart des symphonies Ă©crites Ă cette date. Cette Ćuvre monumentale, Ă©crite au dĂ©part en hommage Ă NapolĂ©on Bonaparte avant quâil soit sacrĂ© empereur, rĂ©vĂšle Beethoven comme un grand architecte musical et est considĂ©rĂ©e comme le premier exemple avĂ©rĂ© de romantisme en musique.
Bien qu'elle soit plus courte et souvent considĂ©rĂ©e comme plus classique que la prĂ©cĂ©dente, les tensions dramatiques qui la parsĂšment font de la 4e symphonie une Ă©tape logique du cheminement stylistique de Beethoven. Puis viennent deux monuments crĂ©Ă©s le mĂȘme soir, la 5e symphonie et la 6e symphonie. La cinquiĂšme et son fameux motif Ă quatre notes, souvent dit « du destin » (le compositeur aurait dit, en parlant de ce cĂ©lĂšbre thĂšme, quâil reprĂ©sente « le destin qui frappe Ă la porte ») peut se rapprocher de la troisiĂšme par son aspect monumental. Un autre aspect novateur est lâutilisation rĂ©pĂ©tĂ©e du motif de quatre notes sur lequel repose presque toute la symphonie. La 6e symphonie, dite « Pastorale », Ă©voque Ă merveille la nature que Beethoven aimait tant. En plus de moments paisibles et rĂȘveurs, la symphonie possĂšde un mouvement oĂč la musique peint un orage des plus rĂ©alistes.
La 7e symphonie est, malgrĂ© un deuxiĂšme mouvement en forme de marche funĂšbre, marquĂ©e par son aspect joyeux et le rythme frĂ©nĂ©tique de son final, qualifiĂ© par Richard Wagner dâ« ApothĂ©ose de la danse ». La symphonie suivante, brillante et spirituelle, revient Ă une facture plus classique. Enfin, la NeuviĂšme symphonie est la derniĂšre symphonie achevĂ©e et le joyau de lâensemble. Durant plus dâune heure, câest une symphonie en quatre mouvements qui ne respecte pas la forme sonate. Chacun dâeux est un chef-dâĆuvre de composition qui montre que Beethoven sâest totalement affranchi des conventions classiques et fait dĂ©couvrir de nouvelles perspectives dans le traitement de lâorchestre. Câest Ă son dernier mouvement que Beethoven ajoute un chĆur et un quatuor vocal qui chantent lâHymne Ă la joie, un poĂšme de Friedrich von Schiller. Cette Ćuvre appelle Ă lâamour et Ă la fraternitĂ© entre tous les hommes, et la partition fait maintenant partie du patrimoine mondial de lâUnesco. LâHymne Ă la joie a Ă©tĂ© choisi comme hymne europĂ©en[63].
Concertos et Ćuvres concertantes
Ă lâĂąge de 14 ans, Beethoven avait dĂ©jĂ Ă©crit un modeste Concerto pour piano en mi bĂ©mol majeur (WoO 4), restĂ© inĂ©dit de son vivant. Seule subsiste la partie de piano avec des rĂ©pliques dâorchestre assez rudimentaires. Sept ans plus tard, en 1791, il semble que deux autres concertos aient figurĂ© parmi ses rĂ©alisations les plus impressionnantes, mais malheureusement rien ne subsiste qui puisse ĂȘtre attribuĂ© avec certitude Ă la version originale hormis un fragment du deuxiĂšme concerto pour violon. Vers 1800, il composa deux romances pour violon et orchestre (op. 40 et op. 50). Mais Beethoven reste avant tout un compositeur de concertos pour piano, Ćuvres dont il se rĂ©servait lâexĂ©cution en concert â sauf pour le dernier oĂč, sa surditĂ© Ă©tant devenue complĂšte, il dut laisser son Ă©lĂšve Czerny le jouer le Ă Vienne. De tous les genres, le concerto est celui le plus marquĂ© par sa surditĂ© : en effet, il nâen composa plus une fois devenu sourd.
Les concertos les plus importants sont donc les cinq pour piano. Contrairement aux concertos de Mozart, ce sont des Ćuvres spĂ©cifiquement Ă©crites pour le piano alors que Mozart laissait la possibilitĂ© dâutiliser le clavecin. Il fut lâun des premiers Ă composer exclusivement pour le piano-forte et imposa ainsi une nouvelle esthĂ©tique sonore du concerto de soliste.
La numĂ©rotation des concertos respecte lâordre de crĂ©ation hormis pour les deux premiers. En effet, le premier concerto fut composĂ© en 1795 et publiĂ© en 1801 alors que le deuxiĂšme concerto prĂ©sente une composition antĂ©rieure (commencĂ©e vers 1788), mais une publication seulement en . Toutefois, la chronologie en reste imprĂ©cise : lors du premier grand concert public de Beethoven, au Hofburgtheater de Vienne, le , un concerto fut crĂ©Ă©, mais on ignore sâil sâagissait de son premier ou de son deuxiĂšme. La composition du TroisiĂšme Concerto a lieu pendant la pĂ©riode oĂč il achĂšve ses premiers quatuors et ses deux premiĂšres symphonies, ainsi que quelques grandes sonates pour piano. Il dĂ©clare savoir dĂ©sormais Ă©crire des quatuors et va maintenant savoir Ă©crire des concertos. Sa crĂ©ation a eu lieu lors du grand concert public Ă Vienne le . Le QuatriĂšme Concerto prend naissance au moment oĂč le compositeur sâaffirme dans tous les genres, des quatuors Razoumovski Ă la Sonate « Appassionata », de la Symphonie hĂ©roĂŻque Ă son opĂ©ra LĂ©onore. De ces cinq concertos, le cinquiĂšme est le plus typique du style beethovĂ©nien. Sous-titrĂ© « Lâempereur » mais pas par le compositeur, il est composĂ© Ă partir de 1808, pĂ©riode de troubles politiques dont on retrouve les traces sur son manuscrit avec des annotations comme « Auf die Schlacht Jubelgesang » (« Chant de triomphe pour le combat »), « Angriff » (« Attaque »), « Sieg » (« Victoire »).
Lâunique Concerto pour violon (op. 61) de Beethoven date de 1806 et rĂ©pond Ă une commande de son ami Franz Clement. Il en fit une transcription pour piano, parfois dĂ©signĂ©e SixiĂšme concerto pour piano (op. 61a). Beethoven composa Ă©galement un Triple Concerto pour violon, violoncelle et piano (op. 56) en 1803-1804.
Beethoven Ă©crit en 1808 une Fantaisie chorale pour piano, chĆurs et orchestre, op. 80, qui tient de la sonate, du concerto et de l'Ćuvre chorale, dont lâun des thĂšmes sera Ă lâorigine de lâHymne Ă la Joie.
Musique de scĂšne
Beethoven a Ă©crit trois musiques de scĂšne : Egmont, op. 84 (1810), Les Ruines d'AthĂšnes, op. 113 (1811) et Le Roi Ătienne, op. 117 (1811) et Ă©crit un ballet : Les CrĂ©atures de PromĂ©thĂ©e, op. 43 (1801).
Il a encore composĂ© plusieurs ouvertures : LĂ©onore I, op. 138 (1805), LĂ©onore II, op. 72 (1805), LĂ©onore III, op. 72a (1806), Coriolan, op. 62 (1807), Le Roi Ătienne, op. 117 (1811), Fidelio, op. 72b (1814), Jour de fĂȘte, op. 115 (1815) et La ConsĂ©cration de la maison, op. 124 (1822)
Enfin Beethoven sera lâauteur dâun unique opĂ©ra, Fidelio, Ćuvre Ă laquelle il tiendra le plus, et certainement celle qui lui a coĂ»tĂ© le plus dâefforts. En effet cet opĂ©ra est construit sur la base dâun premier essai qui a pour titre LĂ©onore, opĂ©ra qui nâa pas reçu un accueil favorable du public. Il reste nĂ©anmoins les trois versions dâouverture de LĂ©onore, la derniĂšre Ă©tant souvent interprĂ©tĂ©e avant le finale de Fidelio.
Musique pour piano
Bien que les symphonies soient ses Ćuvres les plus populaires et celles par qui le nom de Beethoven est connu du grand public, câest certainement dans sa musique pour le piano (ainsi que pour le quatuor Ă cordes) que se distingue le plus le gĂ©nie de Beethoven.
TrĂšs tĂŽt reconnu comme un maĂźtre dans lâart de toucher le piano-forte, le compositeur va, au cours de son existence, sâintĂ©resser de prĂšs Ă tous les dĂ©veloppements techniques de lâinstrument afin dâexploiter toutes ses possibilitĂ©s.
Sonates pour piano
Traditionnellement, on dit que Beethoven a Ă©crit 32 sonates pour piano, mais en rĂ©alitĂ© il existe 35 sonates pour piano totalement achevĂ©es. Les trois premiĂšres Ă©tant les sonates pour piano WoO 47, composĂ©es en 1783 et dites Sonates Ă lâĂlecteur. Pour ce qui est des 32 sonates traditionnelles, Ćuvres dâimportance majeure pour Beethoven puisquâil a donnĂ© un numĂ©ro dâopus Ă chacune dâelles, leur composition sâĂ©chelonne sur une vingtaine dâannĂ©es. Cet ensemble, aujourdâhui considĂ©rĂ© comme lâun des monuments dĂ©diĂ©s Ă lâinstrument, tĂ©moigne, encore plus que les symphonies, du cheminement stylistique du compositeur au cours des annĂ©es. Les sonates, de forme classique au dĂ©but, vont peu Ă peu sâaffranchir de cette forme et ne plus en garder que le nom, Beethoven se plaisant Ă commencer ou Ă terminer une composition par un mouvement lent, par exemple comme dans la cĂ©lĂšbre sonate dite « au Clair de Lune », Ă y inscrire une fugue (voir le dernier mouvement de la Sonate no 31 en la bĂ©mol majeur, op. 110), ou Ă nommer sonate une composition Ă deux mouvements (voir les Sonates no 19 et 20, op. 49, 1-2).
Au fur et Ă mesure, les compositions gagnent en libertĂ© dâĂ©criture, sont de plus en plus architecturĂ©es, et de plus en plus complexes. On peut citer parmi les plus cĂ©lĂšbres lâAppassionata (1804), la Waldstein de la mĂȘme annĂ©e, ou Les Adieux (1810). Dans la cĂ©lĂšbre Hammerklavier (1819), longueur et difficultĂ©s techniques atteignent des proportions telles quâelles mettent en jeu les possibilitĂ©s physiques de lâinterprĂšte comme celles de lâinstrument, et exigent une attention soutenue de la part de lâauditeur. Elle fait partie des cinq derniĂšres sonates, qui forment un groupe Ă part dit de la « derniĂšre maniĂšre ». Ce terme dĂ©signe un aboutissement stylistique de Beethoven, dans lequel le compositeur, dĂ©sormais totalement sourd et possĂ©dant toutes les difficultĂ©s techniques de la composition, dĂ©laisse toutes considĂ©rations formelles pour ne sâattacher quâĂ lâinvention et Ă la dĂ©couverte de nouveaux territoires sonores. Les cinq derniĂšres sonates constituent un point culminant de la littĂ©rature pianistique. La « derniĂšre maniĂšre » de Beethoven, associĂ©e Ă la derniĂšre pĂ©riode de la vie du maĂźtre, dĂ©signe la manifestation la plus aiguĂ« de son gĂ©nie et nâaura pas de descendance, si ce n'est, peut-ĂȘtre, le ragtime (arrietta, sonate n°32).
Ă cĂŽtĂ© des 32 sonates, on trouve les Bagatelles, les nombreuses sĂ©ries de variations, diverses Ćuvres, notamment les rondos op. 51, ainsi que quelques piĂšces pour piano Ă quatre mains.
Bagatelles
Les bagatelles sont des piĂšces brĂšves, fortement contrastĂ©es, souvent publiĂ©es en recueils. Le premier recueil opus 33, rassemblĂ© en 1802 et Ă©ditĂ© en 1803 Ă Vienne, consiste en sept bagatelles dâune centaine de mesures chacune, toutes dans des tonalitĂ©s majeures. Lâaccent est mis sur le lyrisme comme on peut notamment le voir dans lâindication pour la bagatelle no 6 : con una certa espressione parlante (« avec une certaine expression parlĂ©e »).
Le recueil suivant opus 119 comporte onze bagatelles, mais se compose en fait de deux recueils (bagatelles 1 Ă 6 dâun cĂŽtĂ© et 7 Ă 11 de lâautre). Le second fut le premier constituĂ©, en 1820, Ă la demande de son ami Friedrich Starke afin de contribuer Ă une mĂ©thode pour piano. En 1822, lâĂ©diteur Peters demanda des Ćuvres Ă Beethoven. Il rassembla cinq premiĂšres piĂšces qui avaient Ă©tĂ© composĂ©es de nombreuses annĂ©es plus tĂŽt et les retoucha de diffĂ©rentes maniĂšres. Cependant, aucune de ces cinq piĂšces ne prĂ©sentait une conclusion satisfaisante pour Beethoven et il composa donc une sixiĂšme bagatelle. Peters refusa de publier la sĂ©rie de six et câest Clementi qui la fit paraĂźtre en ajoutant les piĂšces Ă©crites pour Starke afin de constituer le recueil de onze piĂšces tel quâon le connaĂźt aujourdâhui.
Son dernier recueil opus 126 est uniquement composĂ© Ă partir de bases nouvelles. Il est formĂ© de six bagatelles composĂ©es en 1824. Lorsque Beethoven travaillait Ă ce recueil, il y avait cinq autres bagatelles achevĂ©es qui sont aujourdâhui restĂ©es seules Ă cĂŽtĂ© des trois recueils. La plus connue, datant de 1810, est la Lettre Ă Ălise (WoO 59). Les quatre autres sont : WoO 52, 56, l'allemande 81 et Hess 69. Dâautres petites piĂšces peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme bagatelle en tant que telle, mais elles nâont jamais fait partie dâun projet quelconque de Beethoven de les publier dans un recueil.
Variations
Les sĂ©ries de variations peuvent ĂȘtre vues pĂ©riode par pĂ©riode. Il composa vingt sĂ©ries au total dâimportance trĂšs diverse. Celles dâimportance majeure pour Beethoven sont celles pour lesquelles il attribua un numĂ©ro d'Opus, Ă savoir : les six Variations sur un thĂšme original en rĂ© majeur op. 76, les six Variations sur un thĂšme original en fa majeur op. 34 (variations sur Les Ruines d'AthĂšnes), les 15 Variations sur le thĂšme des CrĂ©atures de PromĂ©thĂ©e en mi bĂ©mol majeur, op. 35 (appelĂ©es Ă tort Variations hĂ©roĂŻques du fait que le thĂšme des CrĂ©atures de PromĂ©thĂ©e (op. 43) ait Ă©tĂ© repris par Beethoven pour le dernier mouvement de sa Symphonie no 3, « hĂ©roĂŻque ». Mais le thĂšme a bien initialement Ă©tĂ© composĂ© pour le ballet) et enfin le monument du genre, les Variations Diabelli opus 120.
La premiĂšre pĂ©riode est celle oĂč Beethoven se trouve Ă Vienne. La premiĂšre Ćuvre jamais publiĂ©e par Beethoven est les variations en ut mineur WoO 63. Elles furent composĂ©es en 1782 (Beethoven avait 11 ans). Avant son dĂ©part pour Vienne en 1792, Beethoven composa trois autres sĂ©ries (WoO 64 Ă 66).
Viennent ensuite les annĂ©es 1795-1800, au cours desquelles Beethoven ne composa pas moins de neuf sĂ©ries (WoO 68 Ă 73 et 75 Ă 77). La plupart sont fondĂ©es sur des airs dâopĂ©ras et de Singspiels Ă succĂšs et presque toutes comportent une longue coda dans laquelle le thĂšme est dĂ©veloppĂ© au lieu dâĂȘtre simplement variĂ©. Câest Ă©galement Ă cette Ă©poque que Beethoven commença Ă utiliser des thĂšmes originaux pour ses sĂ©ries de variations.
Arrive ensuite lâannĂ©e 1802 oĂč Beethoven composa deux sĂ©ries plus importantes et inhabituelles. Il s'agit des six variations en fa majeur op. 34 et des quinze variations et fugue en mi bĂ©mol majeur op. 35. Comme il s'agit dâĆuvres majeures, il leur attribua un numĂ©ro dâopus (aucune des sĂ©ries antĂ©rieures n'a de numĂ©ro d'opus). LâidĂ©e de dĂ©part dans l'opus 34 Ă©tait d'Ă©crire un thĂšme variĂ© dans lequel chaque variation aurait une mesure et un tempo propres. Il dĂ©cida Ă©galement dâĂ©crire chacune des variations dans une tonalitĂ© particuliĂšre. Le thĂšme Ă©tait ainsi non seulement soumis Ă la variation, mais subissait aussi une transformation complĂšte de caractĂšre. Par la suite, des compositeurs comme Liszt feront grand usage de la transformation thĂ©matique, mais elle Ă©tait Ă©tonnante en 1802. Les variations op. 35 sont encore plus novatrices. Beethoven utilise ici un thĂšme du finale de son ballet Les CrĂ©atures de PromĂ©thĂ©e, thĂšme quâil utilisa Ă©galement dans le finale de la Symphonie « hĂ©roĂŻque », ce qui donna son nom aux variations (« eroica »). La premiĂšre innovation se trouve dĂšs le dĂ©part oĂč, au lieu dâĂ©noncer son thĂšme, Beethoven en prĂ©sente uniquement la ligne de basse en octaves, sans accompagnement. Viennent ensuite trois variations dans lesquelles cette ligne de basse est accompagnĂ©e par un, deux puis trois contre-chants, tandis que la ligne de basse apparaĂźt Ă la basse, dans le mĂ©dium, puis dans lâaigu. Le thĂšme vĂ©ritable apparaĂźt enfin suivi de 15 variations. La sĂ©rie se finit sur une longue fugue fondĂ©e sur les quatre premiĂšres notes de la ligne de basse de dĂ©part. Puis viennent deux nouvelles doubles variations avant une brĂšve section finale qui conclut lâĆuvre.
La derniĂšre pĂ©riode va de 1802 Ă 1809 oĂč Beethoven composa quatre sĂ©ries (WoO 78 Ă 80 et op. 76). Ă partir de 1803, il eut tendance Ă se concentrer sur des Ćuvres plus vastes (Symphonies, quatuors Ă cordes, musique de scĂšnes). Les deux premiĂšres des quatre sĂ©ries Ă©noncĂ©es, composĂ©es en 1803, se basent sur des mĂ©lodies anglaises : God Save the Queen et Rule, Britannia! de Thomas Arne. La 3e fut Ă©crite en ut mineur sur un thĂšme original en 1806. Le thĂšme se distingue par sa concentration extrĂȘme : huit mesures seulement. La mesure reste inchangĂ©e dans les 32 variations. Mis Ă part dans la section centrale de cinq variations (nos 12 Ă 16) en ut majeur, c'est la tonalitĂ© d'ut mineur qui dĂ©finit le climat de lâĆuvre. Contrairement Ă ce que certains pourraient attendre, voulant voir cette sĂ©rie parmi les plus grandes Ćuvres de Beethoven, le compositeur la publia sans numĂ©ro dâopus et sans dĂ©dicataire. Ses origines restent obscures. Puis viennent les six variations en rĂ© majeur op. 76, composĂ©es en 1809 et dĂ©diĂ©es Ă Franz Oliva, un ami de Beethoven. Il rĂ©utilisa plus tard le thĂšme de cette sĂ©rie en 1811 pour le Singspiel en un acte Les Ruines dâAthĂšnes. Dix annĂ©es sâĂ©coulĂšrent avant que Beethoven n'aborde sa derniĂšre sĂ©rie de variations.
Finalement, en 1822, lâĂ©diteur et compositeur Anton Diabelli eut l'idĂ©e de rĂ©unir en un recueil des piĂšces des compositeurs majeurs de son Ă©poque autour dâun unique thĂšme musical de sa propre composition. L'ensemble de ces variations â nommĂ© « Variations Diabelli » â devait servir de panorama musical de lâĂ©poque. Beethoven, sollicitĂ©, et qui nâavait pas Ă©crit pour le piano depuis longtemps, se prit au jeu, et au lieu de fournir une variation, en Ă©crivit 33, qui furent publiĂ©es dans un fascicule Ă part. Les Variations Diabelli, de par leur invention, constituent le vĂ©ritable testament de Beethoven pianiste.
PiÚces « mineures »
Beaucoup dâautres petites piĂšces auraient pu prendre place dans les recueils de bagatelles. Lâune dâelles est le rondo a capriccio op. 129, quâil composa en 1795 et quâon trouva dans ses papiers aprĂšs sa mort, pas tout Ă fait achevĂ©. Câest Diabelli qui fit les additions nĂ©cessaires et le publia peu de temps aprĂšs sous le titre La colĂšre pour un sou perdu. Ce titre figurait sur le manuscrit original, mais nâĂ©tait pas de la main de Beethoven et on ne sait pas si celui-ci avait lâapprobation du compositeur. Les autres piĂšces brĂšves dans le style de la bagatelle vont de lâallegretto en ut mineur (WoO 53) au minuscule Allegretto quasi andante de 13 mesures en sol mineur (WoO 61a).
Autres piĂšces substantielles, lâAndante Favori en fa majeur (WoO 57) et la fantaisie en sol mineur (op. 77). Lâandante fut Ă©crit pour servir de mouvement lent Ă la sonate « LâAurore », mais Beethoven le remplaça par un mouvement beaucoup plus court. La fantaisie est trĂšs peu connue et est pourtant une composition assez extraordinaire. Elle est dâun caractĂšre sinueux et improvisĂ© : elle commence par des gammes en sol mineur et aprĂšs une sĂ©rie dâinterruptions se conclut par un thĂšme et des variations dans la tonalitĂ© de si majeur.
Enfin, les deux rondos op. 51, composĂ©s indĂ©pendamment lâun de lâautre et publiĂ©s en 1797 et 1802, sont de proportions comparables Ă lâandante et Ă la fantaisie. Il existe deux autres rondos (WoO 48 & 49) que Beethoven composa Ă lâĂąge de 12 ans environ.
Beethoven composa Ă©galement des danses pour piano. Il sâagit des Ăcossaises et Valses WoO 83 Ă 86, des six menuets WoO 10, des sept lĂ€ndler WoO 11 et des douze allemandes WoO 12. Il existe toutefois une piĂšce dâimportance en la Polonaise en ut majeur op. 89 qui fut composĂ©e en 1814 et dĂ©diĂ©e Ă lâimpĂ©ratrice de Russie.
PiĂšces pour piano Ă 4 mains
Il existe trĂšs peu dâĆuvres pour piano Ă quatre mains. Elles se rĂ©sument Ă deux sĂ©ries de variations, une sonate et trois marches. La premiĂšre sĂ©rie de variations (WoO 67) qui en compte huit est basĂ©e sur un thĂšme du mĂ©cĂšne Waldstein. La seconde sĂ©rie sur son propre lied « Ich denke dein » (WoO 74) fut commencĂ©e en 1799, oĂč Beethoven composa le lied et quatre variations, puis publiĂ©e en 1805 aprĂšs lâajout de deux autres variations. La sonate op. 6 est en deux mouvements et fut composĂ©e autour de 1797. Les marches (op. 45) sont une commande du comte Browne et furent Ă©crites vers 1803. Enfin, Beethoven rĂ©alisa la transcription de sa « Grande Fugue » opus 133 (op. 134) pour duo de pianistes. Il sâagissait Ă lâorigine du finale du quatuor Ă cordes op. 130, mais les critiques furent tellement mauvaises que Beethoven se trouva contraint de rĂ©Ă©crire un autre finale et lâĂ©diteur eut lâidĂ©e de transcrire le final original pour piano Ă quatre mains.
PiĂšces pour orgue
Beethoven a peu Ă©crit pour lâorgue dont une fugue Ă deux voix en rĂ© majeur (WoO 31) composĂ©e en 1783, deux prĂ©ludes pour piano ou orgue (op. 39) composĂ©s en 1789, des piĂšces pour un orgue mĂ©canique (WoO 33) composĂ©es en 1799[90]. Il existe aussi des Ćuvres composĂ©es par Beethoven dans le cadre de sa formation avec Neefe, Haydn et Albrechtsberger.
Musique de chambre
Quatuors Ă cordes
Le grand monument de la musique de chambre de Beethoven est formĂ© par les 16 quatuors Ă cordes. Câest sans doute pour cette formation que Beethoven a confiĂ© ses plus profondes inspirations. Le quatuor Ă cordes a Ă©tĂ© popularisĂ© par Boccherini, Haydn puis Mozart, mais câest Beethoven qui a le premier utilisĂ© au maximum les possibilitĂ©s de cette formation. Les six derniers quatuors et la « Grande Fugue » en particulier, constituent le sommet insurpassĂ© du genre. Depuis Beethoven, le quatuor Ă cordes nâa cessĂ© dâĂȘtre un passage obligĂ© des compositeurs et un des plus hauts sommets fut sans doute atteint par Schubert. Câest nĂ©anmoins dans les quatuors de BartĂłk que lâon trouve lâinfluence la plus profonde, mais aussi la plus assimilĂ©e des quatuors de Beethoven ; on peut alors parler dâune lignĂ©e « Haydn-Beethoven-BartĂłk » â trois compositeurs partageant Ă bien des Ă©gards une mĂȘme conception de la forme, du motif et de son usage, et tout particuliĂšrement dans ce genre prĂ©cis.
Sonates pour violon
Ă cĂŽtĂ© des quatuors, Beethoven a Ă©crit de belles sonates pour violon et piano, les premiĂšres Ă©tant lâhĂ©ritage direct de Mozart, alors que les derniĂšres, notamment la Sonate « Ă Kreutzer » sâen Ă©loignent pour ĂȘtre du pur Beethoven, cette derniĂšre sonate Ă©tant quasiment un concerto pour piano et violon. La derniĂšre sonate (no 10) revĂȘt un caractĂšre plus introspectif que les prĂ©cĂ©dentes, prĂ©figurant Ă cet Ă©gard les derniers quatuors Ă cordes.
Sonates pour violoncelle
Cycle moins connu que ses sonates pour violon ou ses quatuors, ses sonates pour violoncelle et piano, au nombre de cinq, font partie des Ćuvres rĂ©ellement novatrices de Beethoven. Il y dĂ©veloppe des formes trĂšs personnelles, Ă©loignĂ©es du schĂ©ma classique qui perdure dans ses sonates pour violon. Avec des virtuoses tels que Luigi Boccherini ou Jean-Baptiste BrĂ©val, le violoncelle a acquis de la notoriĂ©tĂ© en tant quâinstrument soliste Ă la fin du XVIIIe siĂšcle. Cependant, aprĂšs les concertos de Vivaldi et lâimportance du violoncelle dans la musique de chambre de Mozart, câest avec Beethoven que pour la premiĂšre fois, le violoncelle est traitĂ© dans le genre de la sonate classique.
Les deux premiĂšres sonates (op. 5 no 1 et op. 5 no 2) sont composĂ©es en 1796 et dĂ©diĂ©es au roi FrĂ©dĂ©ric-Guillaume II de Prusse. Ce sont des Ćuvres de jeunesse (Beethoven avait 26 ans), qui prĂ©sentent pourtant une certaine fantaisie et libertĂ© dâĂ©criture. Toutes deux ont la mĂȘme construction, Ă savoir une large introduction en guise de mouvement lent puis deux mouvements rapides de tempo diffĂ©rents. Ces sonates sâĂ©loignent donc du modĂšle classique, dont on peut trouver un parfait exemple dans les sonates pour piano opus 2. La premiĂšre de ces sonates, en fa majeur, comporte en fait une forme sonate en son sein. En effet, aprĂšs lâintroduction, sâenchaĂźne une partie prĂ©sentant cette forme : un allegro, un adagio, un presto et un retour Ă lâallegro. Le rondo final prĂ©sente une mĂ©trique ternaire, contrastant avec le binaire du mouvement prĂ©cĂ©dent. La seconde sonate, en sol mineur, a un caractĂšre tout diffĂ©rent. Le dĂ©veloppement et les passages contrapuntiques y sont bien davantage prĂ©sents. Dans le rondo final, une polyphonie distribuant un rĂŽle diffĂ©rent aux deux solistes prend la place Ă lâimitation et la rĂ©partition Ă©gale des thĂšmes entre les deux instruments telle quâelle Ă©tait pratiquĂ©e Ă lâĂ©poque, notamment dans les sonates pour violon de Mozart.
Beethoven ne recompose une autre sonate que bien plus tard, en 1807. Il sâagit de la sonate en la majeur op. 69, composĂ©e Ă la mĂȘme pĂ©riode que les symphonies no 5 et 6, que les quatuors Razoumovski et que du concerto pour piano no 4. Le violoncelle entame seul le premier mouvement au cours duquel on dĂ©couvre un thĂšme quâil rĂ©utilisera dans lâarioso dolente de la sonate pour piano opus 110. Le second mouvement est un scherzo prĂ©sentant un rythme syncopĂ© trĂšs marquĂ©, pouvant faire penser au mouvement correspondant de la symphonie no 7. Suit un mouvement lent trĂšs court, faisant figure dâintroduction au finale comme dans la sonate lâ« Aurore », lequel prĂ©sente un tempo sĂ©ant Ă un mouvement conclusif.
Beethoven achĂšve son parcours dans les sonates pour violoncelle en 1815, dans les deux sonates opus 102. LâAllgemaine Musikalische Zeitung en dira : « Ces deux sonates reprĂ©sentent Ă coup sĂ»r ce quâil y a de plus inhabituel et de plus singulier parmi ce qui a Ă©tĂ© Ă©crit depuis longtemps, non seulement dans ce genre, mais pour le piano en gĂ©nĂ©ral. Tout y est diffĂ©rent, complĂštement diffĂ©rent de ce que lâon a lâhabitude dâentendre, mĂȘme de la part du maĂźtre lui-mĂȘme. » Cette dĂ©claration sonne comme un Ă©cho lorsque lâon sait que le manuscrit de la sonate en ut majeur opus 102 no 1 porte le titre « sonate libre pour piano et violoncelle ». Cette Ćuvre a en effet une Ă©trange construction : un andante mĂšne sans interruption Ă un vivace en la mineur de forme sonate dont le thĂšme est quelque peu apparentĂ© Ă celui de lâandante. Un adagio conduit Ă une reprise variĂ©e de lâandante puis au finale allegro vivace, lui aussi de forme sonate, dont le dĂ©veloppement et la coda font apparaĂźtre une Ă©criture fuguĂ©e, une premiĂšre pour Beethoven dans la forme sonate. La seconde sonate du groupe, en rĂ© majeur, est tout aussi libre. Le deuxiĂšme mouvement, un adagio, est lâunique grand mouvement lent des cinq sonates pour violoncelle. LâĆuvre se conclut par une fugue Ă quatre voix dont la derniĂšre partie prĂ©sente une ĂąpretĂ© harmonique caractĂ©ristique des fugues de Beethoven.
De ces sonates se dégage la liberté avec laquelle Beethoven se détache des formules mélodiques et harmoniques traditionnelles.
Trios avec piano
Au cours de ses premiĂšres annĂ©es Ă Vienne, Beethoven avait dĂ©jĂ une formidable rĂ©putation de pianiste. La premiĂšre composition qu'il fit publier ne fut cependant pas une Ćuvre pour piano seul, mais un recueil de trois trios pour piano, violon et violoncelle composĂ© entre 1793 et 1795 et publiĂ© en . Ces trois trios, no 1 en mi bĂ©mol majeur op. 1 no 1, no 2 en sol majeur op. 1 no 2, no 3 en ut mineur op. 1 no 3, furent dĂ©diĂ©s au prince Karl von Lichnowsky, un des premiers mĂ©cĂšnes du compositeur Ă Vienne.
DĂ©jĂ dans cette premiĂšre publication, Beethoven se dĂ©marque de ses illustres prĂ©dĂ©cesseurs dans cette forme musicale que sont Joseph Haydn et Mozart dont les trios ne comportent que trois mouvements. Beethoven dĂ©cida de placer les trois instruments sur un pied d'Ă©galitĂ©, tandis qu'il donnait une forme plus symphonique Ă la structure de l'Ćuvre en ajoutant un quatriĂšme mouvement. Il n'hĂ©sita pas non plus Ă fouiller l'Ă©criture, afin de crĂ©er une musique vĂ©ritablement complexe et exigeante, plutĂŽt qu'une sorte de divertissement de salon.
Le Trio no 4 en si bĂ©mol majeur, op. 11, surnommĂ© « Gassenhauer » est un trio pour piano, clarinette et violoncelle dans lequel la clarinette peut ĂȘtre remplacĂ©e par un violon. Il fut composĂ© en 1797 et publiĂ© en 1798, et dĂ©diĂ© Ă la comtesse Maria Whilhelmine von Thun, protectrice de Beethoven Ă Vienne. Le trio comporte trois mouvements. Le thĂšme des variations du dernier mouvement provient d'un air populaire extrait de l'opĂ©ra L'amor marinaro de Joseph Weigl.
Portrait de J.B. Lampi.
Beethoven commença la composition des deux Trios pour piano et cordes, op. 70 en aoĂ»t 1808, juste aprĂšs avoir achevĂ© la SixiĂšme symphonie ; peut-ĂȘtre le rĂŽle prĂ©pondĂ©rant accordĂ© au violoncelle est-il liĂ© Ă la composition, peu avant, de la Sonate pour violoncelle op. 69.
Le Trio no 5 op. 70 no 1 en ré majeur comporte trois mouvements ; son appellation courante « Les Esprits » (Geister-Trio en allemand) provient assurément du mystérieux Largo introductif, chargé de trémolos et trilles inquiétants. Fort à propos, l'une des idées musicales du mouvement provient d'esquisses pour la scÚne des sorciÚres d'un opéra Macbeth qui n'a jamais vu le jour[91].
Le Trio no 6 op. 70 no 2, en mi bémol majeur, reprend la forme en quatre mouvements ; on notera le lyrisme presque schubertien du troisiÚme mouvement, un Allegretto dans le style du menuet. Ces deux trios furent dédiés à la comtesse Maria von Erdödy, proche amie du compositeur.
Le dernier Trio avec piano, l'op. 97 en si bémol majeur, composé en 1811 et publié en 1816, est connu sous le nom de « L'Archiduc », en l'honneur de l'archiduc Rodolphe, élÚve et mécÚne de Beethoven, à qui il est d'ailleurs dédié. Fait inhabituel, le Scherzo et Trio précÚdent le mouvement lent Andante cantabile, dont la structure en thÚme et variations suit le modÚle classique, à savoir une difficulté et une complexité d'écriture croissantes à mesure que se déroulent les variations. AprÚs une longue coda, le discours s'efface dans le silence jusqu'à ce qu'un motif guilleret vienne emmener l'auditeur droit dans le rondo final.
Ă cĂŽtĂ© des sept grands trios avec numĂ©ro d'opus, Beethoven Ă©crira, pour la mĂȘme formation, deux grandes sĂ©ries de variations (op. 44 et op. 121a), deux autres trios publiĂ©s aprĂšs sa mort (WoO 38 et WoO 39)[92] ainsi qu'un Allegretto en mi-bĂ©mol Hess 48[92].
Trios Ă cordes
Les trios Ă cordes ont Ă©tĂ© composĂ©s entre 1792 et 1798. Ils ont prĂ©cĂ©dĂ© la gĂ©nĂ©ration des quatuors et constituent les premiĂšres Ćuvres de Beethoven pour cordes seules. Le genre du trio est issu de la sonate en trio baroque oĂč la basse constituĂ©e ici dâun clavecin et dâun violoncelle va voir disparaĂźtre le clavecin avec lâindĂ©pendance prise par le violoncelle qui ne faisait jusquâici que renforcer les harmoniques de ce dernier.
Lâopus 3 a Ă©tĂ© composĂ© avant 1794 et publiĂ© en 1796. Il sâagit dâun trio en six mouvements en mi bĂ©mol majeur. Il reste proche de lâesprit de divertissement. Les trois cordes sont traitĂ©es ici de façon complĂ©mentaire avec une rĂ©partition des rĂŽles mĂ©lodiques homogĂšne. La sĂ©rĂ©nade en rĂ© majeur opus 8 date de 1796-1797. Cette Ćuvre en cinq mouvements est construite de maniĂšre symĂ©trique et sâarticule autour dâun adagio central encadrĂ© par deux mouvements lents lyriques le tout Ă©tant introduit et conclu par la mĂȘme marche. Enfin, les trios opus 9 no 1, no 2 et no 3 voient leur composition remonter Ă 1797 et leur publication avoir lieu en juillet 1798. Cet opus est dĂ©diĂ© au comte von Browne officier de lâarmĂ©e du tsar. Ces trios sont construits en quatre mouvements selon le modĂšle classique du quatuor et de la symphonie. Dans le premier (en sol majeur) et le troisiĂšme (en ut mineur), le scherzo remplace le menuet tandis que le deuxiĂšme (en rĂ© majeur) reste parfaitement classique.
Contrairement à la plupart des compositions de musique de chambre, on ne sait pas pour quels interprÚtes ont été écrits ces trios. AprÚs Schubert, le trio à cordes sera pratiquement délaissé.
Ensemble divers
Bien quâayant Ă©crit des sonates pour piano et violon, piano et violoncelle, des quintettes ou des quatuors Ă cordes, Beethoven a aussi composĂ© pour des ensembles moins conventionnels. Il y a mĂȘme certaines formations pour lesquelles il ne composa quâune seule fois. La majoritĂ© de ces Ćuvres ont Ă©tĂ© composĂ©es pendant ses jeunes annĂ©es, pĂ©riode oĂč Beethoven Ă©tait toujours Ă la recherche de son style propre. Ceci ne lâempĂȘcha pas dâessayer de nouvelles formations plus tard dans sa vie, comme des variations pour piano et flĂ»te autour de 1819. Le piano reste lâinstrument de prĂ©dilection de Beethoven, et cela se ressent dans sa production de musique de chambre, oĂč lâon trouve de maniĂšre quasi systĂ©matique un piano.
On retrouve dans un ordre chronologique les trois quatuors pour piano, violon, alto et violoncelle WoO 36 en 1785, le trio pour piano, flûte et basson WoO 37 en 1786, le sextuor pour deux cors, deux violons, alto et violoncelle op. 81b en 1795, le quintette pour piano, hautbois, clarinette, cor et basson op. 16 en 1796, quatre piÚces pour mandoline et piano WoO 43/44 en 1796, le trio pour piano, clarinette et violoncelle op. 11 entre 1797 et 1798, le septuor pour violon, alto, clarinette, cor, basson, violoncelle et contrebasse op. 20 en 1799, la sonate pour piano et cor op. 17 en 1800, la sérénade pour flûte, violon et alto op. 25 en 1801, le quintette pour deux violons, deux altos et violoncelle op. 29 en 1801 et les thÚmes et variations pour piano et flûte op. 105 et 107 de 1818 à 1820.
Musique sacrée
Beethoven a composĂ© un oratorio : Le Christ au Mont des Oliviers (1801) pour soli, chĆurs et orchestre op. 85, et deux messes : la Messe en ut majeur, op. 86 (1807), et surtout la Missa solemnis en rĂ© majeur, op. 123 (1818-1822), lâun des Ă©difices de musique vocale religieuse les plus importants jamais crĂ©Ă©s.
Musique profane
Enfin, il est lâauteur de plusieurs cycles de Lieder â dont celui titrĂ© Ă la bien-aimĂ©e lointaine â qui, sâils nâatteignent pas la profondeur de ceux de Franz Schubert (quâil dĂ©couvrira peu avant de mourir), nâen sont pas moins de grande qualitĂ©.
Liste classĂ©e par genre des Ćuvres principales
Musique symphonique
- Symphonies
- 1800 : no 1 en ut majeur, op. 21
- 1802 : no 2 en ré majeur, op. 36
- 1804 : no 3 en mi bémol majeur « Eroica », op. 55
- 1806 : no 4 en si bémol majeur, op. 60
- 1808 : no 5 en ut mineur, op. 67
- 1808 : no 6 en fa majeur « Pastorale », op. 68
- 1812 : no 7 en la majeur, op. 92
- 1813 : no 8 en fa majeur, op. 93
- 1824 : no 9 en ré mineur, op. 125
- Ouvertures
- 1801 : Les Créatures de Prométhée, op. 43
- 1805 : LĂ©onore I, op. 138
- 1805 : LĂ©onore II, op. 72a
- 1806 : LĂ©onore III, op. 72a
- 1807 : Coriolan, op. 62
- 1810 : Egmont, op. 84
- 1811 : Les Ruines d'AthĂšnes, op. 113
- 1811 : Le Roi Ătienne, op. 117
- 1814 : Fidelio, op. 72b
- 1815 : Jour de fĂȘte, op. 115
- 1822 : La Consécration de la maison, op. 124
- Ćuvres diverses
- 1808 : Fantaisie chorale pour piano, chĆurs et orchestre, op. 80
- 1813 : La Victoire de Wellington, op. 91
Concertos et Ćuvres concertantes
- Concertos pour piano
- 1784 : no 0 en mi bémol majeur, WoO 4
- 1798 : no 1 en ut majeur, op. 15
- 1795 : no 2 en si bémol majeur, op. 19
- 1802 : no 3 en ut mineur, op. 37
- 1806 : no 4 en sol majeur, op. 58
- 1809 : no 5 en mi bĂ©mol majeur dit « lâEmpereur », op. 73
Beethoven a Ă©galement adaptĂ© lui-mĂȘme une version pour piano et orchestre de son propre concerto pour violon et orchestre en rĂ© majeur, opus 61.
- Autres concertos
- 1804 : Triple concerto pour piano, violon et violoncelle en ut majeur, op. 56
- 1806 : Concerto pour violon en ré majeur, op. 61
- Ćuvres concertantes
- 1802 : Romance pour violon no 1 en sol majeur, op. 40
- 1805 : Romance pour violon no 2 en fa majeur, op. 50 composé en 1798
Musique pour piano
- Sonates pour piano
- 1783 : Trois sonates dites « Ă l'Ălecteur », WoO 47
- 1795 : no 1 en fa mineur, op. 2 no 1
- 1795 : no 2 en la majeur, op. 2 no 2
- 1795 : no 3 en ut majeur, op. 2 no 3
- 1797 : no 4 en mi bémol majeur, op. 7 Grande Sonate pour le Clavecin ou Piano-Forte
- 1798 : no 5 en ut mineur, op. 10 no 1 pour le Clavecin ou Piano-Forte
- 1798 : no 6 en fa majeur, op. 10 no 2 pour le Clavecin ou Piano-Forte
- 1798 : no 7 en ré majeur, op. 10 no 3 pour le Clavecin ou Piano-Forte
- 1799 : no 8 en ut mineur « Pathétique », op. 13 Grande Sonate pathétique pour le Clavecin ou Piano-Forte
- 1799 : no 9 en mi majeur, op. 14 no 1
- 1799 : no 10 en sol majeur, op. 14 no 2
- 1800 : no 11 en si bémol majeur, op. 22
- 1801 : no 12 en la bémol majeur, op. 26 Grande Sonate pour le Clavecin ou Forte-Piano
- 1801 : no 13 en mi bémol majeur « Quasi una fantasia », op. 27 no 1 Sonata quasi una Fantasia per il Clavicembalo o Piano-Forte
- 1801 : no 14 en ut diÚse mineur « Quasi una fantasia » ou « Clair de lune », op. 27 no 2 Sonata quasi una Fantasia per il Clavicembalo o Piano-Forte
- 1801 : no 15 en ré majeur « Pastorale », op. 28
- 1802 : no 16 en sol majeur, op. 31 no 1
- 1802 : no 17, en rĂ© mineur « la TempĂȘte », op. 31 no 2
- 1802 : no 18 en mi bémol majeur dite « la Chasse », op. 31 no 3
- 1798 : no 19 en sol mineur, op. 49 no 1
- 1796 : no 20 en sol majeur, op. 49 no 2Page de titre de lâĂ©dition originale de la Sonate pour piano no 32 op. 111 (1822) dĂ©diĂ©e Ă lâarchiduc Rodolphe.
- 1803 : no 21 en ut majeur « Waldstein », op. 53
- 1804 : no 22 en fa majeur, op. 54
- 1805 : no 23 en fa mineur « Appassionata », op. 57
- 1809 : no 24 en fa diÚse majeur « à ThérÚse », op. 78
- 1808 : no 25 en sol majeur « le Coucou », op. 79
- 1810 : no 26, en mi bémol majeur « les Adieux », op. 81a
- 1814 : no 27 en mi mineur, op. 90
- 1816 : no 28 en la majeur, op. 101
- 1818 : no 29 en si bémol majeur « Hammerklavier », op. 106
- 1820 : no 30 en mi majeur, op. 109
- 1821 : no 31 en la bémol majeur, op. 110
- 1822 : no 32 en ut mineur, op. 111
- Variations pour piano
- 1802 : Six variations en fa majeur, op. 34
- 1802 : Quinze variations héroïques en mi bémol majeur, op. 35
- 1802 : Six variations en sol majeur sur « Nel cor piĂč non mi sento », WoO 70
- 1803 : Sept variations en ut majeur sur « God save the King », WoO 78
- 1803 : Cinq variations en ré majeur sur « Rule Britannia », WoO 79
- 1806 : Trente-deux variations en ut mineur sur un thĂšme original, WoO 80
- 1823 : Trente-trois variations en ut majeur sur une valse de Diabelli, op. 120
- Bagatelles pour piano
- 1802 : Sept bagatelles, op. 33
- 1810 : Bagatelle en la mineur « pour Ălise », WoO 59
- 1818 : Bagatelle en si bémol majeur, WoO 60
- 1822 : Onze bagatelles, op. 119
- 1824 : Six bagatelles, op. 126
- Fantaisie pour piano
- 1809 : Fantaisie pour piano en sol mineur, op. 77
Musique de chambre
- Quatuors Ă cordes
- 1801 : no 1 en fa majeur, op. 18 no 1 composé en 1799
- 1801 : no 2 en sol majeur, op. 18 no 2 composé en 1799
- 1801 : no 3 en ré majeur, op. 18 no 3 composé en 1798
- 1801 : no 4 en ut mineur, op. 18 no 4 composé en 1799
- 1801 : no 5 en la majeur, op. 18 no 5 composé en 1799
- 1801 : no 6 en si bémol majeur, op. 18 no 6 composé en 1799
- 1806 : no 7 en fa majeur « Razumovsky », op. 59 no 1
- 1806 : no 8 en mi mineur « Razumovsky », op. 59 no 2
- 1806 : no 9 en ut majeur « Razumovsky », op. 59 no 3
- 1809 : no 10 en mi bémol majeur « les Harpes », op. 74
- 1810 : no 11 en fa mineur « Serioso », op. 95
- 1824 : no 12 en mi bémol majeur, op. 127
- 1825 : no 13 en si bémol majeur, op. 130
- 1826 : no 14 en ut diĂšse mineur, op. 131Le violoniste Ignaz Schuppanzigh surnommĂ© « lâobĂšse » fut un des plus fidĂšles interprĂštes de la musique de chambre de Beethoven. Il crĂ©a la plupart de ses quatuors Ă cordes, dont les cinq derniers.
Portrait de J. Danhauser. - 1825 : no 15 en la mineur, op. 132
- 1826 : no 16 en fa majeur, op. 135
- 1825 : Grande Fugue en si bémol majeur, op. 133
- Sonates pour violon et piano
- 1798 : no 1 en ré majeur, op. 12 no 1
- 1798 : no 2 en la majeur, op. 12 no 2
- 1798 : no 3 en mi bémol majeur, op. 12 no 3
- 1801 : no 4 en la mineur, op. 23
- 1801 : no 5 en fa majeur « le Printemps », op. 24
- 1802 : no 6 en la majeur, op. 30 no 1
- 1802 : no 7 en ut mineur, op. 30 no 2
- 1802 : no 8 en sol majeur, op. 30 no 3
- 1803 : no 9 en la majeur « à Kreutzer », op. 47
- 1812 : no 10 en sol majeur, op. 96
- Sonates pour violoncelle et piano
- 1796 : no 1 en fa majeur, op. 5 no 1
- 1796 : no 2 en sol mineur, op. 5 no 2
- 1808 : no 3 en la majeur, op. 69
- 1815 : no 4 en ut majeur, op. 102 no 1
- 1815 : no 5 en ré majeur, op. 102 no 2
- Trios pour piano, violon et violoncelle
- 1794 : no 1 en mi bémol majeur, op. 1 no 1
- 1794 : no 2 en sol majeur, op. 1 no 2
- 1794 : no 3 en ut mineur, op. 1 no 3
- 1798 : no 4 en si bémol majeur, op. 11
- 1808 : no 5 en ré majeur dite « des Esprits », op. 70 no 1
- 1808 : no 6 en mi bémol majeur, op. 70 no 2
- 1811 : no 7 en si bĂ©mol majeur « Ă lâArchiduc », op. 97
- Ćuvres diverses
- 1792 : Octuor à vent en mi bémol majeur, op. 103
- 1792 : Trio à cordes no 1 en mi bémol majeur, op. 3
- 1796 : Trio à cordes no 2 en ré majeur, op. 8
- 1798 : Trio Ă cordes no 3 en sol majeur, op. 9 no 1
- 1798 : Trio à cordes no 4 en ré majeur, op. 9 no 2
- 1798 : Trio Ă cordes no 5 en ut mineur, op. 9 no 3
- 1796 : Quintette à cordes no 1 en mi bémol majeur, op. 4
- 1801 : Quintette Ă cordes no 2 en ut majeur, op. 29
- 1817 : Quintette Ă cordes no 3 en ut mineur, op. 104
- 1800 : Sonate pour cor et piano en fa majeur, op. 17
- 1800 : Septuor pour cordes et vents en mi bémol majeur, op. 20
Musique vocale
- Opéra
- Musique sacrée
- 1801 : Le Christ au Mont des Oliviers, oratorio, op. 85
- 1807 : Messe en ut majeur, op. 86
- 1827 : Missa solemnis en ré majeur, op. 123 composé en 1818
- Cantate
- 1790 : Cantate funĂšbre sur la mort de lâempereur Joseph II, pour solistes, chĆur et orchestre WoO87
- 1790 : Cantate sur l'accession de l'empereur Leopold II, pour solistes, chĆur et orchestre WoO88
- 1814 : Der glorreiche Augenblick, cantate pour solistes, chĆur et orchestre, op. 136
- 1815 : Meeresstille und glĂŒckliche Fahrt, cantate pour chĆur et orchestre, op. 112
- 1822 : Opferlied ("Die Flamme lodert"), pour soprano, chĆur et orchestre, op. 121b
- MĂ©lodies
- 1796 : Adélaïde, cantate pour une voix, op. 46
- 1796 : Ah ! Perfido, scĂšne et air op. 65 pour soprano et orchestre sur un texte de MĂ©tastase
- 1803 : Six lieder sur des poĂšmes de Christian FĂŒrchtegott Gellert, op. 48
- 1809 : Six lieder sur des poĂšmes de Goethe, op. 75
- 1810 : Trois lieder sur des poĂšmes de Goethe, op. 83
- 1813 : Ă lâespĂ©rance, lied, op. 94
- 1816 : à la Bien-aimée lointaine, cycle de six lieder, op. 98
Utilisation contemporaine
Aujourdâhui, son Ćuvre est reprise dans de nombreux films, gĂ©nĂ©riques dâĂ©missions radiodiffusĂ©es et publicitĂ©s. On peut citer notamment :
- 1971 : dans Orange mécanique de Stanley Kubrick, Alex De Large écoute le second mouvement de 9e symphonie ainsi que l'Ode à la joie ;
- 1985 : lâhymne de lâUnion europĂ©enne est tirĂ© de la Symphonie no 9[63] ;
La vie de Beethoven a aussi inspiré plusieurs films, entre autres :
- 1909 : Beethoven de Victorin Jasset avec Harry Baur ;
- 1936 : Un grand amour de Beethoven d'Abel Gance avec Harry Baur ;
- 1942 : Aimé des dieux de Karl Hartl avec René Deltgen ;
- 1949 : Eroïca de Walter Kolm-Veltée avec Ewald Balser dans le rÎle de Beethoven ;
- 1994 : Ludwig van B. de Bernard Rose avec Gary Oldman dans le rĂŽle de Beethoven ;
- 2005 : Copying Beethoven de Agnieszka Holland met en scÚne le compositeur joué par Ed Harris amoureux de son assistante, Anna Holtz, incarnée par Diane Kruger ;
- 2020 : Louis van Beethoven est un film biographique qui est venu en commémoration du 250e anniversaire de la naissance de Beethoven.
Des enregistrements faits avec des instruments de l'Ă©poque de Beethoven
- Malcolm Bilson, Tom Beghin, David Breitman, Ursula DĂŒtschler, Zvi Meniker, Bart van Oort, Andrew Willis. Ludwig van Beethoven. The complete Piano Sonatas on Period Instruments
- AndrĂĄs Schiff. Ludwig van Beethoven. Beethovenâs Broadwood Piano
- Robert Levin, John Eliot Gardiner. Ludwig van Beethoven. Piano Concertos. Walter (Paul McNulty)
- Ronald Brautigam. Ludwig van Beethoven. Complete Works for Solo Piano. Walter, Stein, Graf (Paul McNulty)
Hommages
Astronomie
En astronomie, sont nommés en son honneur (1815) Beethoven, un astéroïde de la ceinture principale d'astéroïdes[93], et Beethoven, un cratÚre de la planÚte Mercure[94].
Filmographie
- 1909 : Beethoven de Victorin Jasset avec Harry Baur ;
- 1912 : La Gloire et la douleur de Ludwig Van Beethoven de Georges André Lacroix avec Ewald Balser ;
- 1918 : Martyr of His Heart d'Emil Justitz avec Fritz Kortner ;
- 1926 : Franz Schuberts letzte Liebe dâAlfred Deutsch-German avec Theodor Weiser ;
- 1927 :
- La chasse sauvage de LĂŒtzow. Le destin hĂ©roĂŻque de Theodor Körner et son dernier amour de Richard Oswald avec Albert SteinrĂŒck,
- Beethoven (Das Leben des Beethoven) de Hans Otto avec Fritz Kortner ;
- 1936 : Un grand amour de Beethoven d'Abel Gance avec Harry Baur ;
- 1940 : Sérénade de Jean Boyer avec Auguste Boverio ;
- 1941 : The Great Awakening de Reinhold SchĂŒnzel avec Alan Curtis ;
- 1942 :
- Rossini de Mario Bonnard avec Memo Benassi,
- Aimé des dieux de Karl Hartl avec René Deltgen ;
- 1943 : Heavenly Music de Josef Berne avec Steven Geray ;
- 1948 : The Mozart Story de Karl Hartl et Frank Wisbar avec René Deltgen ;
- 1949 : Eroïca de Walter Kolm-Veltée avec Ewald Balser ;
- 1955 : Napoléon de Sacha Guitry avec Erich von Stroheim ;
- 1958 : La Maison des trois jeunes filles d'Ernst Marischka avec Ewald Balser ;
- 1962 : The Magnificent Rebel de Georg Tressler avec Carl Boehm ;
- 1969 : Ludwig van de Mauricio Kagel, Beethoven est mentionné ;
- 1976 : Beethoven â Days in a Life de Horst Seemann avec Donatas Banionis ;
- 1977 : I cuaderni di conversazione di Ludwig van Beethoven de Silverio Blasi avec Maurice Mariaud ;
- 1985 : Le Neveu de Beethoven de Paul Morrissey avec Wolfgang Reichmann ;
- 1989 : L'Excellente Aventure de Bill de Stephen Herek avec Clifford David ;
- 1991 :
- Rossini ! de Mario Monicelli avec Vittorio Gassman,
- Not Mozartâ: Letters, Riddles and Writs de Jeremy Newson avec Tony Rohr ;
- 1992 : Beethoven Lives Upstairs de David Devine avec Neil Munro ;
- 1994 : Ludwig van B. de Bernard Rose avec Gary Oldman ;
- 2003 : Eroica de Simon Cellan Jones avec Ian Hart ;
- 2005 : Copying Beethoven d'Agnieszka Holland met en scÚne le compositeur joué par Ed Harris amoureux de son assistante, Anna Holtz, incarnée par Diane Kruger.
- 2020 : Louis van Beethoven de Niki Stein avec Colin PĂŒtz (enfant), Anselm Bresgott (jeune) et Tobias Moretti (adutle).
Anecdotes
Le , un manuscrit original comportant 80 pages de la Grande Fugue[95] (une version pour piano Ă quatre mains du final du Quatuor Ă cordes op. 133) a Ă©tĂ© vendu Ă Londres par la maison Sotheby's pour 1,6 million dâeuros. Le manuscrit avait Ă©tĂ© retrouvĂ© dans les caves du SĂ©minaire thĂ©ologique Palmer Ă Philadelphie en .
Expositions
- 2017 : « Ludwig van. Le mythe Beethoven » à la Philharmonie de Paris[96], commissariat Marie-Pauline Martin et Colin Lemoine.
- 2018 : « Beethoven Loves the Brentanos[38] », centre Beethoven de l'universitĂ© d'Ătat de San JosĂ©.
Publications
- Ludwig van Beethoven (trad. de l'allemand par Jean Chuzeville, préf. René Koering), Les Lettres de Beethoven : L'intégrale de la correspondance 1787-1827, Arles, Actes Sud, coll. « Beaux Arts », , 1920 p. (ISBN 978-2-7427-9192-7, OCLC 742951160)
- En 1833, un prĂ©tendu TraitĂ© dâharmonie et de composition de Beethoven a Ă©tĂ© publĂ© dans une traduction française par François-Joseph FĂ©tis. En fait, Beethoven n'a jamais voulu rĂ©diger de traitĂ© d'harmonie et de composition. Voici l'histoire de l'ouvrage que François-Joseph FĂ©tis a traduit:
Lâarchiduc Rodolphe, frĂšre cadet de l'empereur d'Autriche, dĂ©cida de prendre des cours de composition avec Beethoven. Celui-ci « ne pouvait pas refuser ce souhait Ă une personnalitĂ© aussi haut placĂ©e, bien quâil ait eu peu envie de donner des cours de composition Ă qui que ce soit et nâavait pas dâexpĂ©rience en la matiĂšre. »[97] « En Ă©tĂ© 1809, il copia les passages choisis des livres de compositions les plus importants de ce temps-lĂ , de Carl Philipp Emanuel Bach, Daniel Gottlob TĂŒrk, Johann Philipp Kirnberger, Fux et Albrechtsberger, pour en tirer lâessence dâun cours propre[98]. » Ce matĂ©riel constituait la base thĂ©orique. Pour la pratique, Beethoven utilisa la mĂ©thode de lâenseignement concret : Il fit transcrire et arranger Ă son Ă©lĂšve les chefs-dâĆuvre les plus divers. Comme Rodolphe de Habsbourg collectionnait les partitions, il avait beaucoup de musique Ă disposition.
« En 1832, ce « cours » fut publiĂ© par le chef dâorchestre Ignaz Seyfried sous le titre « Ludwig van Beethovenâs Studien im Generalbasse, Contrapuncte und in der Compositions-Lehre ». Seyfried donna ainsi la fausse impression que Beethoven avait lui-mĂȘme rĂ©digĂ© un traitĂ© de composition[99]. »
Notes et références
Notes
- Prononciation en français de France retranscrite selon la norme API. Cette prononciation usuelle française se rapproche de la prononciation nĂ©erlandaise, d'oĂč le nom est originaire.
- Prononciation en allemand standard retranscrite selon la norme API.
- Extrait dâune conversation de Haydn avec Beethoven rapportĂ©e par le flĂ»tiste Louis Drouet[1].
- Seule la date du 17[3] dĂ©cembre 1770, inscrite sur le registre des baptĂȘmes de lâĂ©glise Saint Remigius (de) Ă Bonn, est connue avec certitude, ce sacrement se faisant le plus souvent le lendemain[4] de la naissance.
- Note de Waldstein sur lâalbum de Beethoven, novembre 1792[13].
- [AprÚs que Haydn ait recommandé à Beethoven de ne pas publier son 3e Trio à clavier] « Aussi ce langage de Haydn fit sur Beethoven une mauvaise impression et lui laissa cette idée que Haydn était envieux, jaloux[14], et ne lui voulait pas de bien. »
- « Haydn avait dĂ©sirĂ© que Beethoven mĂźt sur le titre de ses ouvrages: âĂlĂšve de Haydn.â Beethoven ne le voulut pas, parce que, disait-il, il avait pris quelques leçons auprĂšs de Haydn, mais n'avait jamais rien appris de lui[14].
Par ailleurs, Jean et Brigitte Massin font remarquer dans leur Beethoven que Haydn n'a corrigé qu'environ 40 des prÚs de 300 devoirs remis par Beethoven et en y laissant des fautes[15]. » - « Haydn, choqué des grands airs de son élÚve, le surnommait en riant le Grand Mogol[16], et Beethoven, alléguant des griefs plus sérieux, accusait le pÚre Haydn de négligence dans son enseignement. »[17]
- Extrait dâune conversation de Haydn avec Beethoven rapportĂ©e par le flĂ»tiste Louis Drouet[1].
- Karl Czerny était le meilleur élÚve de Beethoven. Il créa notamment le CinquiÚme concerto pour piano.
- Les hypothĂšses dâune labyrinthite chronique, dâune sclĂ©rose tympano-labyrinthique, dâune otospongiose et dâune maladie de Paget osseuse ont Ă©tĂ© discutĂ©es sans quâaucune puisse ĂȘtre confirmĂ©e a posteriori[21]
- Sâil est juste de dire que le musicien Ă©tait par nature impulsif et caractĂ©riel, que sa farouche volontĂ© dâindĂ©pendance le rendait indocile voire dĂ©testable en public, il est tout aussi juste dâaffirmer quâil Ă©tait gĂ©nĂ©reux, loyal et souvent tendre, comme lâattestent sa correspondance et les tĂ©moignages de son Ă©poque.
- « Ce nâest donc rien de plus quâun homme ordinaire ! Maintenant il va fouler aux pieds tous les droits humains, il nâobĂ©ira plus quâĂ son ambition ; il voudra sâĂ©lever au-dessus de tous les autres, il deviendra un tyran[25] !
â RĂ©action de Beethoven apprenant que NapolĂ©on sâĂ©tait proclamĂ© empereur, rapportĂ©e par Ferdinand Ries. » - Au poĂšte Christophe Kuffner qui lui demandait laquelle de ses symphonies il prĂ©fĂ©rait, Beethoven rĂ©pondit : « LâHĂ©roĂŻque ! â Jâaurais cru lâut mineur â Non, non ! LâHĂ©roĂŻque ! »
- Beethoven avait esquissĂ© une ouverture pour cet hypothĂ©tique opĂ©ra. Willem Holsbergen a tentĂ© de reconstituer lâĆuvre qui est publiĂ©e sous le numĂ©ro 454 du catalogue Biamonti.
- MalgrĂ© son affiche ce concert semble avoir Ă©tĂ© un dĂ©sastre artistique, lâorchestre nâayant pas eu le temps nĂ©cessaire pour rĂ©pĂ©ter et Beethoven insultant copieusement les musiciens.
Beethoven aurait également improvisé au piano durant ce concert sur ce qui deviendra l'année suivante sa Fantaisie pour piano opus 77. - Joseph Haydn meurt dans sa maison de Gumpendorf le .
- « Wir Endliche mit dem unendlichen Geist sind nur zu Leiden und Freuden geboren, und beinahe könnte man sagen, die Ausgezeichneten erhalten durch Leiden Freude. » Extrait dâune lettre de Beethoven Ă Maria von Erdödy[43].
- « Je veux donc mâabandonner patiemment Ă toutes les vicissitudes et placer mon entiĂšre confiance uniquement en ton immuable bontĂ©, ĂŽ Dieu ! Tienne, immuablement tienne doit se rĂ©jouir dâĂȘtre mon Ăąme. Sois mon rocher, ĂŽ Dieu, sois ma lumiĂšre, sois Ă©ternellement mon assurance ! » â Christian Sturm, recopiĂ© par Beethoven, 1818[46].
- « LâAngleterre tient une haute situation par sa civilisation. Ă Londres, tout le monde sait quelque chose et le sait bien, mais le Viennois, lui, sait parler seulement de manger et de boire ; il chante et il racle de la musique insignifiante, ou en fabrique lui-mĂȘme. » â Beethoven Ă Johann Stumpff[50].
- Beethoven prĂ©sentait une hĂ©patomĂ©galie, un ictĂšre, une ascite (on disait alors « hydropisie abdominale ») et des ĆdĂšmes des membres infĂ©rieurs, Ă©lĂ©ments dâun syndrome cirrhotique avec hypertension portale.
- Les historiens de la mĂ©decine ont d'abord Ă©voquĂ© une otosclĂ©rose pour expliquer sa surditĂ©, mais les descriptions anatomiques post-mortem ne mentionnent pas ce genre dâatteinte.
- Cette hypothÚse, largement répandue, est contestée par certains biographes du compositeur dont Maynard Solomon.
- Phrase attribuée à Schubert par le témoignage de Karl Johann Braun von Braunthal, 1827. La citation entiÚre : « Il sait tout, mais nous ne pouvons pas encore tout comprendre, et il coulera beaucoup d'eau dans le Danube avant que tout ce que cet homme a créé soit universellement compris. Non seulement parce qu'il est le plus sublime et le plus fécond de tous les musiciens : il est encore le plus fort. Il est aussi fort dans la musique dramatique que dans la musique épique, dans la lyrique que dans la prosaïque ; en un mot il peut tout. Tout le monde comprend Mozart, personne ne comprend bien Beethoven. »
- Scherzo Ă mettre en correspondance avec le deuxiĂšme mouvement Allegretto scherzando de la HuitiĂšme symphonie.
Références
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Câest la thĂšse proposĂ©e en 2000 par le docteur William J. Walsh, directeur du projet de recherche sur Beethoven (Beethoven Research Project), sur la base dâanalyse de cheveux conservĂ©s aprĂšs sa mort. Lâanalyse en 2000 de ses cheveux avait rĂ©vĂ©lĂ© des quantitĂ©s de plomb importantes, ensuite confirmĂ©es par le Laboratoire national d'Argonne (Chicago) dans ses os, par lâanalyse de fragments crĂąniens, lesdits fragments ayant Ă©tĂ© eux-mĂȘmes identifiĂ©s par lâADN. Le plomb ingĂ©rĂ© est chez lâhomme stockĂ© Ă 80 % dans lâos. Et les quantitĂ©s de plomb relevĂ©es sont effectivement le signe dâune exposition prolongĂ©e (cf. Science et Vie, no 1061 fĂ©vrier 2006, p. 20), qui explique les perpĂ©tuels maux de ventre qui marquĂšrent la vie de Beethoven, son humeur instable et peut-ĂȘtre sa surditĂ© (il nây a pas de lien prouvĂ© entre la surditĂ© de Beethoven et lâintoxication au plomb), ainsi que lâĂ©tat de son foie. - Sandrine Cabut, « Beethoven, une vie plombĂ©e par l'alcool », sur Le Monde, (consultĂ© le ).
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Voir aussi
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Articles connexes
Liens externes
- Partitions libres de Ludwig van Beethoven dans Choral Public Domain Library (ChoralWiki)
- Association Beethoven France
- Beethoven Ludwig van sur Musicologie
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