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Ludwig van Beethoven

Ludwig van Beethoven (/ludvig van betɔvƓn/[alpha 1] ; en allemand : /ˈluːtvÉȘç fan ˈbeːtˌhoːfnÌ©/[alpha 2] ) est un compositeur, pianiste et chef d'orchestre allemand, nĂ© Ă  Bonn le 15 ou le et mort Ă  Vienne le Ă  56 ans.

Dernier grand reprĂ©sentant du classicisme viennois (aprĂšs Gluck, Haydn et Mozart), Beethoven a prĂ©parĂ© l’évolution vers le romantisme en musique et influencĂ© la musique occidentale pendant une grande partie du XIXe siĂšcle. Inclassable (« Vous me faites l’impression d’un homme qui a plusieurs tĂȘtes, plusieurs cƓurs, plusieurs Ăąmes » lui dit Haydn vers 1793[alpha 3]), son art s’est exprimĂ© Ă  travers diffĂ©rents genres musicaux, et bien que sa musique symphonique soit la principale source de sa popularitĂ©, il a eu un impact Ă©galement considĂ©rable dans l’écriture pianistique et dans la musique de chambre.

Surmontant Ă  force de volontĂ© les Ă©preuves d’une vie marquĂ©e par la surditĂ© qui le frappe Ă  l'Ăąge de 27 ans, cĂ©lĂ©brant dans sa musique le triomphe de l’hĂ©roĂŻsme et de la joie quand le destin lui imposait l’isolement et la misĂšre, il sera rĂ©compensĂ© post mortem par cette affirmation de Romain Rolland : « Il est bien davantage que le premier des musiciens. Il est la force la plus hĂ©roĂŻque de l’art moderne[2] ». Expression d’une inaltĂ©rable foi en l’homme et d’un optimisme volontaire, affirmation d’un artiste libre et indĂ©pendant, l’Ɠuvre de Beethoven a fait de lui une des figures les plus marquantes de l’histoire de la musique.

Biographie

Origines et enfance

Inscription sur la maison natale Ă  Bonn.
Inscription sur la maison natale Ă  Bonn.

Ludwig van Beethoven est né à Bonn en Rhénanie le 15 ou le [alpha 4] dans une famille modeste qui perpétue une tradition musicale depuis au moins deux générations.

Son grand-pĂšre paternel, Ludwig van Beethoven l’ancien (1712-1773), descendait d’une famille flamande roturiĂšre originaire de Malines[5] (la prĂ©position van, « de », dans les patronymes nĂ©erlandais n'est pas une particule nobiliaire, contrairement au von allemand, Ă©quivalent du « de » français). Homme respectĂ© et bon musicien, il s’est installĂ© Ă  Bonn en 1732 et est devenu maĂźtre de chapelle du prince-Ă©lecteur de Cologne, ClĂ©ment-Auguste de BaviĂšre.

Portrait de Beethoven enfant
Beethoven enfant. Portrait non attribué.

Son pĂšre, Johann van Beethoven (1740-1792), est musicien et tĂ©nor Ă  la Cour de l’Électeur. Homme mĂ©diocre, brutal et alcoolique, il Ă©lĂšve ses enfants dans la plus grande rigueur. Sa mĂšre, Maria-Magdalena van Beethoven, nĂ©e Keverich (1746-1787), est la fille d’un cuisinier de l’ArchevĂȘque-Électeur de TrĂšves. DĂ©peinte comme effacĂ©e, douce et dĂ©pressive, elle est aimĂ©e de ses enfants. Ludwig est le deuxiĂšme de sept enfants, dont trois seulement atteignent l’ñge adulte : lui-mĂȘme, Kaspar-Karl (1774-1815) et Johann (1776-1848)[6].

Il ne faut pas longtemps Ă  Johann van Beethoven pĂšre pour dĂ©tecter le don musical de son fils et rĂ©aliser le parti exceptionnel qu’il peut en tirer. Songeant Ă  l’enfant Wolfgang Amadeus Mozart, exhibĂ© en concert Ă  travers toute l’Europe une quinzaine d’annĂ©es plus tĂŽt, il entreprend dĂšs 1775 l’éducation musicale de Ludwig et, devant ses exceptionnelles dispositions, tente en 1778 de le prĂ©senter au piano Ă  travers la RhĂ©nanie, de Bonn Ă  Cologne. Mais lĂ  oĂč Leopold Mozart avait su faire preuve d’une subtile pĂ©dagogie auprĂšs de son fils, Johann van Beethoven ne semble capable que d’autoritarisme et de brutalitĂ©[7], et cette expĂ©rience demeure infructueuse, Ă  l’exception d’une tournĂ©e aux Pays-Bas en 1781 oĂč le jeune Beethoven fut apprĂ©ciĂ©, mais toujours sans les retours financiers qu'espĂ©rait son pĂšre[Or 1].

Il n’existe aucune image reprĂ©sentant les parents de Beethoven, Bettina Mosler ayant dĂ©montrĂ© que les deux portraits publiĂ©s au dĂ©but du vingtiĂšme siĂšcle sous forme de cartes postales par la Beethoven-Haus Ă  Bonn n’étaient pas ceux de ses parents[8].

Ludwig quitte l'Ă©cole Ă  la fin du primaire, Ă  11 ans. Son Ă©ducation gĂ©nĂ©rale doit pour beaucoup Ă  la bienveillance de la famille von Breuning (chez qui il passe dĂ©sormais presque toutes ses journĂ©es et parfois quelques nuits) et Ă  son amitiĂ© avec le mĂ©decin Franz-Gerhard Wegeler, personnes auxquelles il fut attachĂ© toute sa vie. Le jeune Ludwig devient l’élĂšve de Christian Gottlob Neefe[9] (piano, orgue, composition) qui lui transmet le goĂ»t de la polyphonie en lui faisant dĂ©couvrir Le Clavier bien tempĂ©rĂ© de Bach. Il compose pour le piano, entre 1782 et 1783, les 9 variations sur une marche de Dressler[10] et les trois Sonatines dites « Ă  l’Électeur » qui marquent symboliquement le dĂ©but de sa production musicale. Enfant, son teint basanĂ© lui vaut le surnom de « l'Espagnol » : cette mĂ©lanodermie fait suspecter une hĂ©mochromatose Ă  l'origine de sa cirrhose chronique qui se dĂ©veloppera Ă  partir de 1821 et sera la cause de sa mort[11].

Le mécénat de Waldstein et la rencontre de Haydn

Portrait du Comte Waldstein
Ferdinand von Waldstein, premier mécÚne du compositeur et dédicataire de la Sonate pour piano no 21.

Au moment oĂč son pĂšre boit de plus en plus et oĂč sa mĂšre est atteinte de tuberculose, Beethoven devient vers 14 ans en 1784 organiste adjoint Ă  la cour du nouvel Ă©lecteur Max-Franz, qui devient son protecteur. Devenu soutien de famille, en plus de cette charge, il est obligĂ© de multiplier les leçons de piano[Or 2].

Beethoven est remarquĂ© par le comte Ferdinand von Waldstein dont le rĂŽle s’avĂšre dĂ©terminant pour le jeune musicien. Il emmĂšne Beethoven une premiĂšre fois Ă  Vienne en , sĂ©jour au cours duquel a eu lieu une rencontre furtive avec Wolfgang Amadeus Mozart : « À la demande de Mozart, Beethoven lui joua quelque chose que Mozart, le prenant pour un morceau d'apparat appris par cƓur, approuva assez froidement. Beethoven, s'en Ă©tant aperçu, le pria alors de lui donner un thĂšme sur lequel improviser, et, comme il avait l'habitude de jouer admirablement quand il Ă©tait excitĂ©, inspirĂ© d'ailleurs par la prĂ©sence du maĂźtre pour lequel il professait un respect si grand, il joua de telle façon que Mozart, se glissant dans la piĂšce voisine oĂč se tenaient quelques amis, leur dit vivement : Faites attention Ă  celui-lĂ , il fera parler de lui dans le monde »[12].

En , la mĂšre de Ludwig dĂ©cĂšde, ce qui le plonge dans le dĂ©sespoir. Il reste comme famille Ă  Beethoven ses frĂšres Kaspar Karl (13 ans) et Nicolas (11 ans), ainsi que sa sƓur Maria Margarita qui dĂ©cĂšde en novembre, tandis que son pĂšre sombre dans l'alcoolisme et la misĂšre[Or 3]. Il sera mis Ă  la retraite en 1789.

En , Beethoven — conscient de ses lacunes culturelles — s'inscrit Ă  l'universitĂ© de Bonn pour y suivre des cours de littĂ©rature allemande. Son professeur Euloge Schneider est enthousiasmĂ© par la RĂ©volution française et en parle ardemment Ă  ses Ă©lĂšves[Or 4]. En 1791, Ă  l'occasion d'un voyage de l'Ă©lecteur Max-Franz au chĂąteau de Mergentheim, Beethoven rencontre le pianiste et compositeur Johann Franz Xaver Sterkel, qui influence profondĂ©ment le jeu de Beethoven au piano et dĂ©veloppe son goĂ»t pour cet instrument[Or 5].

Lettre de Waldstein Ă  Beethoven, 29 octobre 1792 : « Recevez des mains de Haydn l’esprit de Mozart ».
Lettre de Waldstein Ă  Beethoven, : « Recevez des mains de Haydn l’esprit de Mozart ».

En , le comte Waldstein prĂ©sente le jeune Ludwig Ă  Joseph Haydn qui, revenant d’une tournĂ©e en Angleterre, s’était arrĂȘtĂ© Ă  Bonn. ImpressionnĂ© par la lecture d’une cantate composĂ©e par Beethoven (celle sur la mort de Joseph II ou celle sur l’avĂšnement de LĂ©opold II) et tout en Ă©tant lucide sur les carences de son instruction, Haydn l’invite Ă  faire des Ă©tudes suivies Ă  Vienne sous sa direction. Conscient de l’opportunitĂ© que reprĂ©sente, Ă  Vienne, l’enseignement d’un musicien du renom de Haydn, et quasiment privĂ© de ses attaches familiales Ă  Bonn, Beethoven accepte. Le il quitte les rives du Rhin pour ne jamais y revenir, emportant avec lui cette recommandation de Waldstein : « Cher Beethoven, vous allez Ă  Vienne pour rĂ©aliser un souhait depuis longtemps exprimĂ© : le gĂ©nie de Mozart est encore en deuil et pleure la mort de son disciple. En l’inĂ©puisable Haydn, il trouve un refuge, mais non une occupation ; par lui, il dĂ©sire encore s’unir Ă  quelqu’un. Par une application incessante, recevez des mains de Haydn l’esprit de Mozart[alpha 5]. »

Le pĂšre de Beethoven meurt en , plus rien ne rattache alors Beethoven Ă  Bonn.

PremiÚres années viennoises

Portrait de J. Haydn
Joseph Haydn (1732-1809) fut le professeur de Beethoven de 1792 à 1794. Malgré une véritable estime réciproque, les relations furent souvent difficiles entre les deux artistes.
Portrait de T. Hardy, 1791.

À la fin du XVIIIe siĂšcle, Vienne est la capitale de la musique occidentale et reprĂ©sente la meilleure chance de rĂ©ussir pour un musicien dĂ©sireux de faire carriĂšre. ÂgĂ© de vingt-deux ans Ă  son arrivĂ©e, Beethoven a dĂ©jĂ  beaucoup composĂ©, mais pour ainsi dire rien d’important. Bien qu’il soit arrivĂ© Ă  Vienne moins d’un an aprĂšs la disparition de Mozart, le mythe du « passage du flambeau » entre les deux artistes est infondĂ© : encore trĂšs loin de sa maturitĂ© artistique, ce n’est pas comme compositeur, mais comme pianiste virtuose que Beethoven forge sa rĂ©putation Ă  Vienne.

Quant Ă  l’enseignement de Haydn, si prestigieux qu’il soit, il s’avĂšre dĂ©cevant Ă  bien des Ă©gards. D’un cĂŽtĂ©, Beethoven se met rapidement en tĂȘte que son maĂźtre le jalouse[alpha 6] et il niera son influence[alpha 7] ; de l’autre cĂŽtĂ©, Haydn ne tarde pas Ă  s’irriter devant l’indiscipline et l’audace musicale de son Ă©lĂšve qu'il appelle le « Grand Mogol[alpha 8] ». MalgrĂ© l’influence profonde et durable de Haydn sur l’Ɠuvre de Beethoven et une estime rĂ©ciproque plusieurs fois rappelĂ©e par ce dernier, le « pĂšre de la symphonie » n’a jamais eu avec Beethoven les rapports de profonde amitiĂ© qu’il avait eus avec Mozart et qui avaient Ă©tĂ© Ă  l’origine d’une si fĂ©conde Ă©mulation.

« Vous avez beaucoup de talent et vous en acquerrez encore plus, Ă©normĂ©ment plus. Vous avez une abondance inĂ©puisable d’inspiration, vous aurez des pensĂ©es que personne n’a encore eues, vous ne sacrifierez jamais votre pensĂ©e Ă  une rĂšgle tyrannique, mais vous sacrifierez les rĂšgles Ă  vos fantaisies ; car vous me faites l’impression d’un homme qui a plusieurs tĂȘtes, plusieurs cƓurs, plusieurs Ăąmes[alpha 9]. »

— Haydn, vers 1793.

En , aprĂšs le nouveau dĂ©part de Haydn pour Londres, Beethoven poursuit des Ă©tudes Ă©pisodiques jusqu’au dĂ©but de 1795 avec divers autres professeurs, dont le compositeur Johann Schenk[18], avec qui il devient ami et deux autres tĂ©moins de l’époque mozartienne : Johann Georg Albrechtsberger et Antonio Salieri. Son apprentissage terminĂ©, Beethoven se fixe dĂ©finitivement dans la capitale autrichienne. Ses talents de pianiste et ses dons d’improvisateur le font connaĂźtre et apprĂ©cier des personnalitĂ©s mĂ©lomanes de l’aristocratie viennoise, dont les noms restent aujourd’hui encore attachĂ©s aux dĂ©dicaces de plusieurs de ses chefs-d’Ɠuvre : le baron Nikolaus Zmeskall, le prince Carl Lichnowsky, le comte AndreĂŻ Razoumovski, le prince Joseph Franz von Lobkowitz, et plus tard l’archiduc Rodolphe d’Autriche, pour ne citer qu’eux.

AprĂšs avoir publiĂ© ses trois premiers Trios pour piano, violon et violoncelle sous le numĂ©ro d’opus 1, puis ses premiĂšres Sonates pour piano, Beethoven donne son premier concert public le pour la crĂ©ation de son Concerto pour piano no 2 (qui fut en fait composĂ© le premier, Ă  l’époque de Bonn).

Le premier virtuose de Vienne et premiers chefs-d'Ɠuvre (Le Grand Maütre)

Portrait de Beethoven vers 1800
Beethoven en 1801. Ses talents d’improvisateur et sa virtuositĂ© au piano le rĂ©vĂšlent au public viennois. Portrait de C.T. Riedel, 1801.

1796. Beethoven entreprend une tournĂ©e de concerts qui le mĂšne de Vienne Ă  Berlin en passant notamment par Dresde, Leipzig, Nuremberg et Prague. Si le public loue sa virtuositĂ© et son inspiration au piano, sa fougue lui vaut le scepticisme des critiques des plus conservateurs. Un critique musical du Journal patriotique des États impĂ©riaux et royaux rapporte ainsi en : « Il saisit nos oreilles, non pas nos cƓurs ; c’est pourquoi il ne sera jamais pour nous un Mozart. »[19].

La lecture des classiques grecs, de Shakespeare et des chefs de file du courant Sturm und Drang qu’étaient Goethe et Schiller, influence durablement dans le sens de l’idĂ©alisme le tempĂ©rament du musicien, acquis par ailleurs aux idĂ©aux dĂ©mocratiques des LumiĂšres et de la RĂ©volution française qui se rĂ©pandent alors en Europe : en 1798, Beethoven frĂ©quente assidĂ»ment l’ambassade de France Ă  Vienne oĂč il rencontre Bernadotte et le violoniste Rodolphe Kreutzer auquel il dĂ©die, en 1803, la Sonate pour violon no 9 qui porte son nom.

Tandis que son activitĂ© crĂ©atrice s’intensifie (composition des Sonates pour piano no 5 Ă  no 7, des premiĂšres Sonates pour violon et piano), le compositeur participe jusqu’aux environs de 1800 Ă  des joutes musicales dont raffole la sociĂ©tĂ© viennoise et qui le consacrent plus grand virtuose de Vienne au dĂ©triment de pianistes rĂ©putĂ©s comme Clementi, Cramer, Gelinek, Hummel et Steibelt[20].

La fin des annĂ©es 1790 est aussi l’époque des premiers chefs-d’Ɠuvre, qui s’incarnent dans les Romance pour violon et orchestre no 2 (1798), Concerto pour piano no 1 (1798), les six premiers Quatuors Ă  cordes (1798-1800), le Septuor pour cordes et vents (1799-1800) et dans les deux Ɠuvres qui affirment le plus clairement le caractĂšre naissant du musicien : la Grande Sonate pathĂ©tique (1798-1799) et la PremiĂšre Symphonie (1800). Bien que l’influence des derniĂšres symphonies de Haydn y soit apparente, cette derniĂšre est dĂ©jĂ  empreinte du caractĂšre beethovĂ©nien (en particulier dans le scherzo du troisiĂšme mouvement). Le Premier Concerto et la PremiĂšre symphonie sont jouĂ©s avec un grand succĂšs le , date de la premiĂšre acadĂ©mie de Beethoven (concert que le musicien consacre entiĂšrement Ă  ses Ɠuvres). ConfortĂ© par les rentes que lui versent ses protecteurs, Beethoven, dont la renommĂ©e grandissante commence Ă  dĂ©passer les frontiĂšres de l’Autriche, semble Ă  ce moment de sa vie promis Ă  une carriĂšre de compositeur et d’interprĂšte glorieuse et aisĂ©e.

« Son improvisation Ă©tait on ne peut plus brillante et Ă©tonnante ; dans quelque sociĂ©tĂ© qu’il se trouvĂąt, il parvenait Ă  produire une telle impression sur chacun de ses auditeurs qu’il arrivait frĂ©quemment que les yeux se mouillaient de larmes, et que plusieurs Ă©clataient en sanglots. Il y avait dans son expression quelque chose de merveilleux, indĂ©pendamment de la beautĂ© et de l’originalitĂ© de ses idĂ©es et de la maniĂšre ingĂ©nieuse dont il les rendait[alpha 10]. »

— Carl Czerny

Le tournant du siĂšcle

Sonate pour piano no 14 (op. 27 no 2)
I. Adagio sostenuto
Interprété par Paul Pitman.
II. Allegretto
Interprété par Paul Pitman.
III. Presto agitato
Interprété par Muriel Nguyen Xuan.
Reproduction du Testament d'Heiligenstadt
PremiÚre page autographe du testament de Heiligenstadt, rédigé par Beethoven le . Désemparé par sa surdité débutante, il y expose à la fois son désespoir et sa volonté de continuer.

L’annĂ©e 1802 marque un premier grand tournant dans la vie du compositeur. Souffrant d'acouphĂšnes, il commence en effet depuis 1796 Ă  prendre conscience d’une surditĂ© qui devait irrĂ©mĂ©diablement progresser jusqu’à devenir totale avant 1820[alpha 11]. Se contraignant Ă  l’isolement par peur de devoir assumer en public cette terrible vĂ©ritĂ©, Beethoven gagne dĂšs lors une rĂ©putation de misanthrope dont il souffrira en silence jusqu’à la fin de sa vie[alpha 12]. Conscient que son infirmitĂ© lui interdirait tĂŽt ou tard de se produire comme pianiste et peut-ĂȘtre de composer, il songe un moment au suicide, puis exprime Ă  la fois sa tristesse et sa foi en son art dans une lettre qui nous est restĂ©e sous le nom de « Testament de Heiligenstadt », qui ne fut jamais envoyĂ©e et retrouvĂ©e seulement aprĂšs sa mort :

Beethoven, le . « Ô vous, hommes qui pensez que je suis un ĂȘtre haineux, obstinĂ©, misanthrope, ou qui me faites passer pour tel, comme vous ĂȘtes injustes ! Vous ignorez la raison secrĂšte de ce qui vous paraĂźt ainsi. [
] Songez que depuis six ans je suis frappĂ© d’un mal terrible, que des mĂ©decins incompĂ©tents ont aggravĂ©. D’annĂ©e en annĂ©e, déçu par l’espoir d’une amĂ©lioration, [
] j’ai dĂ» m’isoler de bonne heure, vivre en solitaire, loin du monde. [
] Si jamais vous lisez ceci un jour, alors pensez que vous n’avez pas Ă©tĂ© justes avec moi, et que le malheureux se console en trouvant quelqu’un qui lui ressemble et qui, malgrĂ© tous les obstacles de la Nature, a tout fait cependant pour ĂȘtre admis au rang des artistes et des hommes de valeur[22]. »

Heureusement, sa vitalitĂ© crĂ©atrice ne s’en ressent pas. AprĂšs la composition de la tendre Sonate pour violon no 5 dite Le Printemps (FrĂŒhlings, 1800) et de la Sonate pour piano no 14 dite Clair de Lune (1801), c’est dans cette pĂ©riode de crise morale qu’il compose la joyeuse et mĂ©connue DeuxiĂšme Symphonie (1801-1802) et le plus sombre Concerto pour piano no 3 (1800-1802) oĂč s’annonce nettement, dans la tonalitĂ© d’ut mineur, la personnalitĂ© caractĂ©ristique du compositeur. Ces deux Ɠuvres sont accueillies trĂšs favorablement le , mais pour Beethoven une page se tourne. DĂšs lors sa carriĂšre s’inflĂ©chit.

« Je suis peu satisfait de mes travaux jusqu’à prĂ©sent. À dater d’aujourd’hui, je veux ouvrir un nouveau chemin[23]. »

— Beethoven à Krumpholz, en 1802.

PrivĂ© de la possibilitĂ© d’exprimer tout son talent et de gagner sa vie en tant qu’interprĂšte, il va se consacrer Ă  la composition avec une grande force de caractĂšre. Au sortir de la crise de 1802 s’annonce l’hĂ©roĂŻsme triomphant de la TroisiĂšme Symphonie dite « HĂ©roĂŻque ».

De l’HĂ©roĂŻque Ă  Fidelio

Peinture représentant Bonaparte
Bonaparte au pont d’Arcole par A.-J. Gros, 1801.

La TroisiĂšme Symphonie, « HĂ©roĂŻque », marque une Ă©tape capitale dans l’Ɠuvre de Beethoven, non seulement en raison de sa puissance expressive et de sa longueur jusqu’alors inusitĂ©e, mais aussi parce qu'elle inaugure une sĂ©rie d’Ɠuvres brillantes, remarquables dans leur durĂ©e et dans leur Ă©nergie, caractĂ©ristiques du style de la pĂ©riode mĂ©diane de Beethoven dit « style hĂ©roĂŻque ». Le compositeur entend initialement dĂ©dier cette symphonie au gĂ©nĂ©ral NapolĂ©on Bonaparte, Premier consul de la RĂ©publique française en qui il voit le sauveur des idĂ©aux de la RĂ©volution[24]. Mais en apprenant la proclamation de l'Empire français (mai 1804), il entre en fureur et rature fĂ©rocement la dĂ©dicace[alpha 13], remplaçant l’intitulĂ© Buonaparte par la phrase « Grande symphonie HĂ©roĂŻque pour cĂ©lĂ©brer le souvenir d’un grand homme ». La genĂšse de la symphonie s’étend de 1802 Ă  1804 et la crĂ©ation publique, le , dĂ©chaĂźne les passions, tous ou presque la jugeant beaucoup trop longue. Beethoven ne s’en soucie guĂšre, dĂ©clarant qu’on trouverait cette symphonie trĂšs courte quand il en aurait composĂ© une de plus d’une heure[26], et devant considĂ©rer — jusqu’à la composition de la NeuviĂšme — l’HĂ©roĂŻque comme la meilleure de ses symphonies[alpha 14].

Le Theater an der Wien
Le Theater an der Wien, haut lieu de la vie musicale Ă  Vienne au dĂ©but du XIXe siĂšcle, voit la crĂ©ation de plusieurs Ɠuvres majeures de Beethoven dont Fidelio et la CinquiĂšme symphonie.

Dans l’écriture pianistique aussi, le style Ă©volue : c’est en 1804 la Sonate pour piano no 21 dĂ©diĂ©e au comte Waldstein dont elle porte le nom, qui frappe ses exĂ©cutants par sa grande virtuositĂ© et par les capacitĂ©s qu’elle exige de la part de l’instrument. D’un moule similaire naĂźt la sombre et grandiose Sonate pour piano no 23 dite Appassionata (1805), qui suit de peu le Triple Concerto pour piano, violon, violoncelle et orchestre (1804). En juillet 1805, le compositeur fait la rencontre du compositeur Luigi Cherubini, pour qui il ne cache pas son admiration[27].

À trente-cinq ans, Beethoven s’attaque au genre dans lequel Mozart s’était le plus illustrĂ© : l’opĂ©ra. Il s’était enthousiasmĂ© en 1801 pour le livret LĂ©onore ou l’Amour conjugal de Jean-Nicolas Bouilly, et l’opĂ©ra Fidelio, qui porte primitivement le titre-nom de son hĂ©roĂŻne LĂ©onore, est Ă©bauchĂ© dĂšs 1803. Mais l’Ɠuvre donne Ă  son auteur des difficultĂ©s imprĂ©vues. Mal accueilli au dĂ©part (trois reprĂ©sentations seulement en 1805), Beethoven s’estimant victime d’une cabale, Fidelio ne connaĂźt pas moins de trois versions remaniĂ©es (1805, 1806 et 1814) et il faut attendre la derniĂšre pour qu’enfin l’opĂ©ra reçoive un accueil Ă  sa mesure. Bien qu’il ait composĂ© une piĂšce majeure du rĂ©pertoire lyrique, cette expĂ©rience provoque l’amertume du compositeur et il ne devait jamais se remettre Ă  ce genre, mĂȘme s’il Ă©tudia plusieurs autres projets dont un Macbeth inspirĂ© de l’Ɠuvre de Shakespeare[alpha 15] et surtout un Faust d’aprĂšs Goethe, Ă  la fin de sa vie.

L’indĂ©pendance affirmĂ©e

Portrait de Beethoven vers 1804
Beethoven vers 1804 par J.W. MĂ€hler, Ă  l’époque de la Sonate Appassionata et de Fidelio. RĂ©solu Ă  « saisir le destin Ă  la gorge »[28], il compose entre 1802 et 1812 des Ɠuvres brillantes et Ă©nergiques caractĂ©ristiques de son style « hĂ©roĂŻque ».

AprĂšs 1805, malgrĂ© l’échec retentissant de Fidelio, la situation de Beethoven est redevenue favorable. En pleine possession de sa vitalitĂ© crĂ©atrice, il semble s’accommoder de son audition dĂ©faillante et retrouver, pour un temps au moins, une vie sociale satisfaisante. Si l’échec d’une relation intime avec JosĂ©phine von Brunsvik (de)[7] est une nouvelle dĂ©sillusion sentimentale pour le musicien, les annĂ©es 1806 Ă  1808 sont les plus fertiles de sa vie crĂ©atrice : la seule annĂ©e 1806 voit la composition du Concerto pour piano no 4, des trois Quatuors Ă  cordes no 7, no 8 et no 9 dĂ©diĂ©s au comte AndreĂŻ Razoumovski, de la QuatriĂšme Symphonie et du Concerto pour violon. À l’automne de cette annĂ©e, Beethoven accompagne son mĂ©cĂšne le prince Carl Lichnowsky dans son chĂąteau de SilĂ©sie occupĂ©e par l’armĂ©e napolĂ©onienne depuis Austerlitz et fait Ă  l’occasion de ce sĂ©jour la plus Ă©clatante dĂ©monstration de sa volontĂ© d’indĂ©pendance. Lichnowsky ayant menacĂ© de mettre Beethoven aux arrĂȘts s’il s’obstinait Ă  refuser de jouer du piano pour des officiers français stationnĂ©s dans son chĂąteau, le compositeur quitte son hĂŽte aprĂšs une violente querelle et lui envoie le billet :

« Prince, ce que vous ĂȘtes, vous l’ĂȘtes par le hasard de la naissance. Ce que je suis, je le suis par moi.
Des princes, il y en a eu et il y en aura encore des milliers. Il n’y a qu’un Beethoven[30]. »

— Beethoven à Lichnowsky, octobre 1806.

S’il se met en difficultĂ© en perdant la rente de son principal mĂ©cĂšne, Beethoven est parvenu Ă  s’affirmer comme artiste indĂ©pendant et Ă  s’affranchir symboliquement du mĂ©cĂ©nat aristocratique. DĂ©sormais le style hĂ©roĂŻque peut atteindre son paroxysme. Donnant suite Ă  son souhait de « saisir le destin Ă  la gorge«_je_veux_saisir_le_destin_Ă _la_gueule._»_p._[https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k992519v/f29.image_23]_51-0">[31] », exprimĂ© Ă  Wegeler[28] en [32], Beethoven met en chantier la CinquiĂšme Symphonie. À travers son cĂ©lĂšbre motif rythmique de quatre notes prĂ©cĂ©dĂ©es d'un silence, exposĂ© dĂšs la premiĂšre mesure et qui irradie toute l’Ɠuvre, le musicien entend exprimer la lutte de l’homme avec son destin, et son triomphe final. L’ouverture Coriolan, avec laquelle elle partage la tonalitĂ© d’ut mineur, date de cette mĂȘme Ă©poque. ComposĂ©e en mĂȘme temps que la CinquiĂšme, la Symphonie pastorale paraĂźt d’autant plus contrastĂ©e. DĂ©crite par Michel Lecompte comme « la plus sereine, la plus dĂ©tendue, la plus mĂ©lodique des neuf symphonies » en mĂȘme temps que la plus atypique[33], elle est l’hommage Ă  la nature d’un compositeur profondĂ©ment amoureux de la campagne, dans laquelle il trouve depuis toujours le calme et la sĂ©rĂ©nitĂ© propices Ă  son inspiration. VĂ©ritablement annonciatrice du romantisme en musique, la Pastorale porte en sous-titre cette phrase de Beethoven : « Expression du sentiment plutĂŽt que peinture » et chacun de ses mouvements porte une indication descriptive : la symphonie Ă  programme Ă©tait nĂ©e.

Le concert donnĂ© par Beethoven le est sans doute une des plus grandes « acadĂ©mies » de l’histoire avec celle du . Y sont jouĂ©s en premiĂšre audition la CinquiĂšme Symphonie, la Symphonie pastorale, le Concerto pour piano no 4, la Fantaisie chorale pour piano et orchestre et deux hymnes de la Messe en ut majeur composĂ©e pour le prince EsterhĂĄzy en 1807[alpha 16]. Ce fut la derniĂšre apparition de Beethoven comme soliste. Ne parvenant pas Ă  obtenir un poste officiel Ă  Vienne, il avait dĂ©cidĂ© de quitter la ville et voulait ainsi lui montrer l'ampleur de ce qu'elle perdait. À la suite de ce concert, des mĂ©cĂšnes lui assurĂšrent une rente lui permettant de demeurer dans la capitale[34]. AprĂšs la mort de Haydn en mai 1809[alpha 17], bien qu’il lui restĂąt des adversaires dĂ©terminĂ©s, il ne se trouve plus guĂšre de monde pour contester la place de Beethoven dans le panthĂ©on des musiciens.

La maturité artistique

Portrait de Goethe
Goethe juge Beethoven : « Je n’ai encore jamais vu un artiste plus puissamment concentrĂ©, plus Ă©nergique, plus intĂ©rieur. (
) C’est malheureusement une personnalitĂ© tout Ă  fait indomptĂ©e[2] ». Beethoven espĂ©rait beaucoup de sa rencontre en 1812 avec le poĂšte, mais il n’y trouva qu’une indiffĂ©rence calculĂ©e.
Portrait de J.H.W. Tischbein, 1787.

En 1808, Beethoven reçoit de JĂ©rĂŽme Bonaparte, alors roi de Westphalie, la proposition du poste de maĂźtre de chapelle Ă  sa Cour de Kassel. Il semble que, pendant un moment, le compositeur ait songĂ© Ă  accepter ce poste prestigieux qui, s’il remettait en cause son indĂ©pendance si chĂšrement dĂ©fendue, lui eĂ»t assurĂ© une situation sociale confortable. C’est alors qu’un sursaut patriotique s’empare de l’aristocratie viennoise (1809). Refusant de laisser partir leur musicien national, l’archiduc Rodolphe, le prince Kinsky et le prince Lobkowitz s’allient pour assurer Ă  Beethoven, s’il reste Ă  Vienne, une rente viagĂšre de 4 000 florins annuels, somme considĂ©rable pour l’époque[35]. Beethoven accepte, voyant son espoir d’ĂȘtre dĂ©finitivement Ă  l’abri du besoin aboutir, mais la reprise de la guerre entre l’Autriche et la France au printemps 1809 remet tout en cause. La famille impĂ©riale est contrainte de quitter Vienne occupĂ©e, la grave crise Ă©conomique qui s’empare de l’Autriche aprĂšs Wagram et le traitĂ© de Schönbrunn imposĂ© par NapolĂ©on ruine l’aristocratie et provoque la dĂ©valuation de la monnaie autrichienne. Beethoven aura de la difficultĂ© Ă  se faire payer, sauf par l'archiduc Rodolphe, qui le soutiendra pendant de longues annĂ©es[36] - [37].

Dans l'immĂ©diat, le catalogue continue de s’enrichir : les annĂ©es 1809 et 1810 voient la composition du Concerto pour piano no 5, Ɠuvre virtuose que crĂ©e Carl Czerny, de la musique de scĂšne pour la piĂšce Egmont de Goethe et du Quatuor Ă  cordes no 10 dit « Les Harpes ». C’est pour le dĂ©part imposĂ© de son Ă©lĂšve et ami l’archiduc Rodolphe, plus jeune fils de la famille impĂ©riale, que Beethoven compose la Sonate « Les Adieux ». Les annĂ©es 1811 et 1812 voient le compositeur atteindre l’apogĂ©e de sa vie crĂ©atrice. Le Trio Ă  l’Archiduc puis les SeptiĂšme et HuitiĂšme symphonies sont le point d’orgue de la pĂ©riode hĂ©roĂŻque.

Sur le plan personnel, Beethoven est profondĂ©ment affectĂ© en 1810 par l’échec d’un projet de mariage avec Therese Malfatti, potentielle dĂ©dicataire de la cĂ©lĂšbre La Lettre Ă  Élise. La vie sentimentale de Beethoven a suscitĂ© d’abondants commentaires de la part de ses biographes. Le compositeur s’éprit Ă  de nombreuses reprises de jolies femmes, le plus souvent mariĂ©es, mais jamais ne connut ce bonheur conjugal qu’il appelait de ses vƓux et dont il faisait l’apologie dans Fidelio. Ses amitiĂ©s amoureuses avec Giulietta Guicciardi (inspiratrice de la Sonate « Clair de lune »), ThĂ©rĂšse von Brunsvik (dĂ©dicataire de la Sonate pour piano no 24), Maria von Erdödy (qui reçut les deux Sonates pour violoncelle opus 102) ou encore Amalie Sebald restĂšrent d’éphĂ©mĂšres expĂ©riences. Outre l’échec de ce projet de mariage, l’autre Ă©vĂ©nement majeur de la vie amoureuse du musicien fut la rĂ©daction, en 1812, de la bouleversante Lettre Ă  l’immortelle Bien-aimĂ©e dont la dĂ©dicataire reste inconnue, mĂȘme si les noms de JosĂ©phine von Brunsvik et surtout d’Antonia Brentano[38] - [7] sont ceux qui ressortent le plus nettement de l’étude de Jean et Brigitte Massin[39] et de Maynard Solomon[40].

1813-1817 : les années sombres

Goethe s’incline devant la famille impĂ©riale mais pas Beethoven qui passe son chemin. C'est l’incident de Teplitz en juillet 1812 par Carl Rohling (1887).
Goethe s’incline devant la famille impĂ©riale mais pas Beethoven qui passe son chemin. C'est l’incident de Teplitz en juillet 1812 par Carl Rohling (1887).

Le mois de juillet 1812, abondamment commentĂ© par les biographes du musicien, marque un nouveau tournant dans la vie de Beethoven. SĂ©journant en cure thermale dans la rĂ©gion de Teplitz et de Carlsbad, il rĂ©dige l’énigmatique Lettre Ă  l'immortelle Bien-aimĂ©e et fait la rencontre infructueuse de Goethe par l’entremise de Bettina Brentano. Pour des raisons qui demeurent mal prĂ©cisĂ©es, c’est aussi le dĂ©but d’une longue pĂ©riode de stĂ©rilitĂ© dans la vie crĂ©atrice du musicien. On sait que les annĂ©es qui suivirent 1812 coĂŻncidĂšrent avec plusieurs Ă©vĂ©nements dramatiques dans la vie de Beethoven, Ă©vĂ©nements qu’il dut surmonter seul, tous ses amis ou presque ayant quittĂ© Vienne pendant la guerre de 1809, mais rien n’explique entiĂšrement cette rupture aprĂšs dix annĂ©es d’une telle fĂ©conditĂ©.

MalgrĂ© l’accueil trĂšs favorable rĂ©servĂ© par le public Ă  la SeptiĂšme symphonie et Ă  la Victoire de Wellington (dĂ©cembre 1813), malgrĂ© la reprise enfin triomphale de Fidelio dans sa version dĂ©finitive (mai 1814), Beethoven perd peu Ă  peu les faveurs de Vienne toujours nostalgique de Mozart et acquise Ă  la musique plus lĂ©gĂšre de Rossini. Le tapage fait autour du CongrĂšs de Vienne, oĂč Beethoven est encensĂ© comme musicien national[41], ne masque pas longtemps la condescendance grandissante des Viennois Ă  son Ă©gard. En outre, le durcissement du rĂ©gime imposĂ© par Metternich le place dans une situation dĂ©licate, la police viennoise Ă©tant depuis longtemps au fait des convictions dĂ©mocratiques et rĂ©volutionnaires dont le compositeur se cache de moins en moins. Sur le plan personnel, l’évĂ©nement majeur vient de la mort de son frĂšre Kaspar-Karl le [42]. Beethoven, qui lui avait promis de diriger l’éducation de son fils Karl, doit faire face Ă  une interminable sĂ©rie de procĂšs contre sa belle-sƓur pour obtenir la tutelle exclusive de son neveu, finalement gagnĂ©e en 1820[2]. MalgrĂ© toute la bonne volontĂ© et l’attachement du compositeur, ce neveu allait devenir pour lui, et jusqu’à la veille de sa mort, une source inĂ©puisable de tourment. De ces annĂ©es sombres, oĂč sa surditĂ© devient totale, seuls Ă©mergent quelques rares chefs-d’Ɠuvre : les Sonates pour violoncelle no 4 et 5 dĂ©diĂ©es Ă  sa confidente Maria von Erdödy (1815), la Sonate pour piano no 28 (1816) et le cycle de lieder À la Bien-aimĂ©e lointaine (An die ferne Geliebte, 1815-1816), sur des poĂšmes d’Alois Jeitteles (de).

Tandis que sa situation matĂ©rielle devient de plus en plus prĂ©occupante, Beethoven tombe gravement malade entre 1816 et 1817 et semble une nouvelle fois proche du suicide. Pourtant, sa force morale et sa volontĂ© reprennent encore une fois leurs droits, avec le soutien et l'amitiĂ© que lui apporte la factrice de pianos Nannette Streicher. TournĂ© vers l’introspection et la spiritualitĂ©, pressentant l’importance de ce qu’il lui reste Ă  Ă©crire pour « les temps Ă  venir », il trouve la force de surmonter ces Ă©preuves pour entamer une derniĂšre pĂ©riode crĂ©atrice qui lui apportera probablement ses plus grandes rĂ©vĂ©lations. Neuf ans avant la crĂ©ation de la NeuviĂšme Symphonie, Beethoven rĂ©sume en une phrase ce qui va devenir Ă  bien des Ă©gards l’Ɠuvre de toute sa vie (1815) :

« Nous, ĂȘtres limitĂ©s Ă  l’esprit infini, sommes uniquement nĂ©s pour la joie et pour la souffrance. Et on pourrait presque dire que les plus Ă©minents s’emparent de la joie en traversant la souffrance (Durch Leiden, Freude)[alpha 18]. »

La Messe en rĂ© et l’adieu au piano

Page manuscrite de la trentiĂšme Sonate (1820)
Une page manuscrite de la Sonate pour piano no 30 (1820).

Les forces de Beethoven reviennent Ă  la fin de 1817, Ă©poque Ă  laquelle il Ă©bauche une nouvelle sonate qu’il destine au piano-forte le plus rĂ©cent (Hammerklavier en allemand), et qu’il envisage comme la plus vaste de toutes celles qu’il a composĂ©es jusque-lĂ . Exploitant jusqu’aux limites les possibilitĂ©s de l’instrument, durant prĂšs de cinquante minutes, la Grande Sonate pour « Hammerklavier » opus 106 laisse indiffĂ©rents les contemporains de Beethoven qui la jugent injouable et estiment que, dĂ©sormais, la surditĂ© du musicien lui rend impossible l’apprĂ©ciation correcte des possibilitĂ©s sonores. À l’exception de la NeuviĂšme Symphonie, il en est de mĂȘme pour l’ensemble des derniĂšres Ɠuvres du maĂźtre, dont lui-mĂȘme a conscience qu’elles sont trĂšs en avance sur leur temps. Se souciant peu des dolĂ©ances des interprĂštes, il dĂ©clare Ă  son Ă©diteur en 1819 : « VoilĂ  une sonate qui donnera de la besogne aux pianistes, quand on la jouera dans cinquante ans[44] ». À partir de cette Ă©poque, enfermĂ© dans sa surditĂ©, il doit se rĂ©soudre Ă  communiquer avec son entourage par l’intermĂ©diaire de cahiers de conversation qui, si une grande partie en a Ă©tĂ© dĂ©truite ou perdue, constituent aujourd’hui un tĂ©moignage irremplaçable sur cette derniĂšre pĂ©riode. S'il est avĂ©rĂ© qu'il utilisait une baguette en bois entre les dents, appuyĂ©e sur la caisse du piano pour sentir les vibrations, l'anecdote des pieds de piano sciĂ©s est historiquement moins certaine : le compositeur aurait sciĂ© ces pieds afin de pouvoir jouer assis par terre pour percevoir les vibrations des sons transmises par le sol[45].

Beethoven a toujours Ă©tĂ© croyant, sans ĂȘtre un pratiquant assidu, mais sa ferveur chrĂ©tienne s’accroĂźt notablement au sortir de ces annĂ©es difficiles, ainsi qu’en tĂ©moignent les nombreuses citations de caractĂšre religieux qu’il recopie dans ses cahiers Ă  partir de 1817[alpha 19]. Aucune preuve dĂ©terminante n’a jamais Ă©tĂ© apportĂ©e aux rumeurs selon lesquelles il aurait appartenu Ă  la franc-maçonnerie.

Au printemps de 1818 lui vient l’idĂ©e d’une grande Ɠuvre religieuse qu’il envisage d’abord comme une messe d’intronisation pour l’archiduc Rodolphe, qui doit ĂȘtre Ă©levĂ© au rang d’archevĂȘque d’OlmĂŒtz quelques mois plus tard. Mais la colossale Missa solemnis en rĂ© majeur rĂ©clame au musicien quatre annĂ©es de travail opiniĂątre (1818-1822) et la messe n’est remise Ă  son dĂ©dicataire qu’en 1823. Beethoven Ă©tudie longuement les messes de Bach et Le Messie de Haendel durant la composition de la Missa solemnis qu’il dĂ©clarera Ă  plusieurs reprises ĂȘtre « sa meilleure Ɠuvre, son plus grand ouvrage ». ParallĂšlement Ă  ce travail sont composĂ©es les trois derniĂšres Sonates pour piano (no 30, no 31 et no 32) dont la derniĂšre, l’opus 111, s’achĂšve sur une arietta Ă  variations d’une haute spiritualitĂ© qui aurait pu ĂȘtre sa derniĂšre page pour piano. Mais il lui reste Ă  composer un ultime chef-d’Ɠuvre pianistique : l’éditeur Anton Diabelli invite en 1822 l’ensemble des compositeurs de son temps Ă  Ă©crire une variation sur une valse trĂšs simple de sa composition. AprĂšs s’ĂȘtre d’abord moquĂ©[47] de cette valse, Beethoven dĂ©passe le but proposĂ© et en tire un recueil de 33 Variations que Diabelli lui-mĂȘme estime comparable aux cĂ©lĂšbres Variations Goldberg de Bach[48], composĂ©es quatre-vingts ans plus tĂŽt.

La NeuviĂšme Symphonie et les derniers quatuors

Beethoven en 1823, Ă  l’époque de la composition des Variations Diabelli et de la NeuviĂšme symphonie. MurĂ© dans sa surditĂ© devenue totale, il ne communique plus avec son entourage que par l’intermĂ©diaire de cahiers de conversation.Portrait de F.G. WaldmĂŒller (1823).
Beethoven en 1823, Ă  l’époque de la composition des Variations Diabelli et de la NeuviĂšme symphonie. MurĂ© dans sa surditĂ© devenue totale, il ne communique plus avec son entourage que par l’intermĂ©diaire de cahiers de conversation.
Portrait de F.G. WaldmĂŒller (1823).

La composition de la NeuviĂšme Symphonie dĂ©bute au lendemain de l’achĂšvement de la Missa solemnis, mais cette Ɠuvre a une genĂšse extrĂȘmement complexe dont la comprĂ©hension nĂ©cessite de remonter Ă  la jeunesse de Beethoven, qui dĂšs avant son dĂ©part de Bonn, envisageait de mettre en musique l’Ode Ă  la joie de Schiller[49]. À travers son inoubliable finale oĂč sont introduits des chƓurs, innovation dans l’écriture symphonique, la NeuviĂšme symphonie apparaĂźt, dans la lignĂ©e de la CinquiĂšme, comme une Ă©vocation musicale du triomphe de la joie et de la fraternitĂ© sur le dĂ©sespoir, et prend la dimension d’un message humaniste et universel. La symphonie est crĂ©Ă©e devant un public enthousiaste le , Beethoven renouant un temps avec le succĂšs. C’est en Prusse et en Angleterre, oĂč la renommĂ©e du musicien est depuis longtemps Ă  la mesure de son gĂ©nie, que la symphonie connaĂźt le succĂšs le plus fulgurant. Plusieurs fois invitĂ© Ă  Londres comme l’avait Ă©tĂ© Joseph Haydn, Beethoven a Ă©tĂ© tentĂ© vers la fin de sa vie de voyager en Angleterre, pays qu’il admire pour sa vie culturelle et pour sa dĂ©mocratie et qu’il oppose systĂ©matiquement Ă  la frivolitĂ© de la vie viennoise[alpha 20], mais ce projet ne se rĂ©alisera pas et Beethoven ne connaĂźtra jamais le pays de son idole Haendel, dont l’influence est particuliĂšrement sensible dans la pĂ©riode tardive de Beethoven, qui compose dans son style, entre 1822 et 1823, l’ouverture La ConsĂ©cration de la maison.

Les cinq derniers Quatuors Ă  cordes (no 12, no 13, no 14, no 15, no 16) mettent le point final Ă  la production musicale de Beethoven. Par leur caractĂšre visionnaire, renouant avec des formes anciennes (utilisation du mode lydien dans le Quatuor no 15), ils marquent l’aboutissement des recherches de Beethoven dans la musique de chambre. Les grands mouvements lents Ă  teneur dramatique (Cavatine du Quatuor no 13, Chant d’action de grĂące sacrĂ©e d’un convalescent Ă  la DivinitĂ© du Quatuor no 15) annoncent le romantisme tout proche. À ces cinq quatuors, composĂ©s dans la pĂ©riode 1824-1826, il faut encore ajouter la Grande Fugue en si bĂ©mol majeur, opus 133, qui est au dĂ©part le mouvement conclusif du Quatuor no 13, mais que Beethoven sĂ©parera Ă  la demande de son Ă©diteur. À la fin de l’étĂ© 1826, alors qu’il achĂšve son Quatuor no 16, Beethoven projette encore de nombreuses Ɠuvres[51] : une DixiĂšme Symphonie, dont il existe quelques esquisses ; une ouverture sur le nom de Bach ; un Faust inspirĂ© de la piĂšce de Goethe ; un oratorio sur le thĂšme de SaĂŒl et David, un autre sur le thĂšme des ÉlĂ©ments ; un Requiem. Mais le , son neveu Karl fait une tentative de suicide[52]. L’affaire fait scandale, et Beethoven bouleversĂ© part se reposer chez son frĂšre Johann Ă  Gneixendorf dans la rĂ©gion de Krems-sur-le-Danube, en compagnie de son neveu convalescent. C’est lĂ  qu’il Ă©crit sa derniĂšre Ɠuvre, un allegro pour remplacer la Grande Fugue comme finale du Quatuor no 13.

La fin

Peinture représentant les funérailles de Beethoven (1827)
Les funérailles de Beethoven le à Vienne.
Tableau de F. Stober (1827).

De retour à Vienne en décembre 1826, Beethoven contracte une double pneumonie dont il ne peut se relever : les quatre derniers mois de sa vie sont marqués par des douleurs permanentes et une terrible détérioration physique.

La cause directe de la mort du musicien, selon les observations de son dernier mĂ©decin le docteur Wawruch, semble ĂȘtre une dĂ©compensation de cirrhose hĂ©patique[alpha 21]. DiffĂ©rentes causes ont depuis Ă©tĂ© proposĂ©es : cirrhose alcoolique, syphilis, hĂ©patite aiguĂ«, sarcoĂŻdose, maladie de Whipple, maladie de Crohn[53] - [54], prĂ©disposition gĂ©nĂ©tique[55], infection par le virus de l'hĂ©patite B[55].

Une autre hypothĂšse, controversĂ©e[56], est que Beethoven pourrait aussi avoir Ă©tĂ© atteint de la maladie osseuse de Paget (selon une autopsie faite Ă  Vienne le par Karl Rokitansky qui Ă©voque une voĂ»te crĂąnienne uniformĂ©ment dense et Ă©paisse et des nerfs auditifs dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s[57]). Le musicien souffrait de dĂ©formations compatibles avec la maladie osseuse de Paget ; sa tĂȘte semble avoir continuĂ© Ă  grandir Ă  l'Ăąge adulte (Ă  la fin de sa vie, il ne rentrait plus dans son chapeau ni dans ses chaussures) ; son front est devenu proĂ©minent, sa mĂąchoire Ă©tait grande et son menton saillant. Il est possible qu'une compression de certains nerfs crĂąniens, notamment le nerf auditif (huitiĂšme nerf crĂąnien) ait affectĂ© son ouĂŻe[alpha 22] ; c'est l'une des hypothĂšses rĂ©trospectivement apportĂ©es pour expliquer son humeur et sa surditĂ© (qui a dĂ©butĂ© vers vingt-sept ans et Ă©tait totale Ă  quarante-quatre ans)[57].

Tombe de Beethoven.Zentralfriedhof de Vienne.
Tombe de Beethoven.
Zentralfriedhof de Vienne.

Une explication rĂ©cente, appuyĂ©e sur des analyses de cheveux et de fragments osseux, est qu’il aurait souffert toute la fin de sa vie (indĂ©pendamment de sa surditĂ©, le compositeur se plaignait rĂ©guliĂšrement de douleurs abdominales et de troubles de la vision) d’un saturnisme chronique[58] combinĂ© avec une dĂ©ficience gĂ©nĂ©tique l’empĂȘchant d’éliminer le plomb absorbĂ© par son organisme. Cependant, l'authenticitĂ© de la boucle de cheveux a Ă©tĂ© invalidĂ©e en 2023 par une analyse gĂ©nĂ©tique[55]. L’origine la plus probable de cette intoxication au plomb est la consommation de vin. Beethoven, grand amateur de vin du Rhin et de « vin de Hongrie[59] » bon marchĂ©, avait l’habitude de boire dans une coupe en cristal de plomb ces vins « sucrĂ©s » Ă  l’époque au sel de plomb[60].

Jusqu’à la fin, le compositeur reste entourĂ© de ses proches amis, notamment Karl Holz, Anton Schindler et Stephan von Breuning. Quelques semaines avant sa mort, il aurait reçu la visite de Franz Schubert[alpha 23], qu’il ne connaissait pas et regrettait de dĂ©couvrir si tardivement. C’est Ă  son ami le compositeur Ignaz Moscheles, promoteur de sa musique Ă  Londres, qu’il envoie sa derniĂšre lettre dans laquelle il promet encore aux Anglais de leur composer une nouvelle symphonie pour les remercier de leur soutien[61]. Mais le , Ludwig van Beethoven meurt Ă  l’ñge de cinquante-six ans. Alors que Vienne ne se souciait plus guĂšre de son sort depuis des mois, ses funĂ©railles, le , rĂ©unissent un cortĂšge impressionnant de plusieurs milliers d’anonymes. Beethoven repose au cimetiĂšre central de Vienne.

« Il sait tout, mais nous ne pouvons pas tout comprendre encore, et il coulera beaucoup d’eau dans le Danube avant que tout ce que cet homme a crĂ©Ă© soit universellement compris[alpha 24]. »

— Schubert, en 1827.

Le mythe beethovénien

De son vivant, Beethoven Ă©tait dĂ©jĂ  un mythe, ce que l'on appellerait aujourd'hui un compositeur « culte ». Traversant les genres artistiques, dĂ©passant les frontiĂšres culturelles et gĂ©ographiques, il devient en mĂȘme temps le signe d'une tradition et le symbole d'une modernitĂ© sans cesse renouvelĂ©e.

« La lĂ©gende finit toujours par avoir raison contre l'histoire, et la crĂ©ation du mythe est la victoire suprĂȘme de l'art. »

— Emmanuel Buenzod, Pouvoir de Beethoven ; Les lettres et la musique. Édition A. CorrĂ©a, 1936.

Le musicien du peuple allemand

Buste en bronze de Beethoven, 1902, d'Antoine Bourdelle. Musée d'art moderne Malraux du Havre.
Buste en bronze de Beethoven, 1902, d'Antoine Bourdelle. Musée d'art moderne Malraux du Havre.

Tandis qu'en France, le mythe Beethoven se situait seulement sur le plan musical et Ă©thique, dĂ©veloppant l'image d'un musicien rĂ©publicain pour le peuple, ou animĂ© d'une exigence esthĂ©tique absolue — avec ses quatuors notamment — pour les belles Ăąmes, il en allait diffĂ©remment en Allemagne pour d'Ă©videntes raisons politiques.

AprÚs la constitution du Reich allemand du , Beethoven fut désigné comme un des éléments fondamentaux du patrimoine national et du Kulturkampf national. Bismarck avouait d'ailleurs sa prédilection pour un compositeur qui lui procurait une saine énergie. DÚs lors, on entendit la musique de Beethoven à cÎté du chant nationaliste Die Wacht am Rhein.

Richard Wagner avait Ă©crit en 1840 une intĂ©ressante nouvelle, Une visite Ă  Beethoven. Épisode de la vie d’un musicien allemand, dans laquelle il se mettait dans la peau d'un jeune compositeur rencontrant Beethoven au lendemain de la crĂ©ation de Fidelio et faisait dĂ©velopper par le « grand sourd » des idĂ©es trĂšs wagnĂ©riennes sur l'opĂ©ra. Wagner, donc, contribua Ă  installer Beethoven dans sa position de grand musicien du peuple allemand.

En 1871, l'annĂ©e de la fondation du Reich, il publia son rĂ©cit. On sait qu'en 1872 il fĂȘta la pose de la premiĂšre pierre du Bayreuther Festspielhaus, Palais des festivals de Bayreuth, par un concert donnĂ© Ă  l'opĂ©ra des Margraves Ă  Bayreuth, au cours duquel il dirigea la NeuviĂšme Symphonie. Tout un programme, toute une filiation.

Paradoxalement l'hĂ©ritage beethovĂ©nien tomba alors dans des mains qui n'Ă©taient pas forcĂ©ment les plus aptes Ă  le recevoir. Les compositeurs de premier plan de la gĂ©nĂ©ration post-beethovĂ©nienne, Robert Schumann, Felix Mendelssohn, ne pouvaient pas constituer de vĂ©ritables hĂ©ritiers. Leurs orientations esthĂ©tiques Ă©taient trop Ă©loignĂ©es du modĂšle. D'une certaine maniĂšre, il en allait de mĂȘme pour Johannes Brahms, mais celui-ci fut sommĂ© par l’institution musicale allemande d'assumer l'hĂ©ritage. Il lui revenait de prolonger le patrimoine symphonique. Il hĂ©sita longtemps avant de parachever sa PremiĂšre Symphonie en 1876 aprĂšs deux dĂ©cennies de tĂątonnement devant la grande ombre. Quand elle fut crĂ©Ă©e, on la qualifia de « DixiĂšme Symphonie » de Beethoven. Sept ans plus tard, lorsque fut connue sa TroisiĂšme Symphonie, elle fut dĂ©signĂ©e comme l’« HĂ©roĂŻque ».

Une sorte de nationalisme musical créa une fausse filiation entre les trois B :

  1. Bach, le pĂšre Ă©ternel ;
  2. Beethoven, le héros ;
  3. Brahms, le brillant héritier.

Ce n'était pas un cadeau pour ce dernier, que son tempérament portait plutÎt vers le lyrisme intime et le clair-obscur. Il fut donc quelque peu condamné par l'air du temps politique et culturel à faire revivre un compositeur qu'il admirait profondément et redoutait à la fois.

Gustav Mahler, en un sens, marqua l'ultime Ă©tape de l'influence beethovĂ©nienne en Autriche. Si son langage est trĂšs Ă©loignĂ© de celui de son lointain prĂ©dĂ©cesseur, la nature mĂȘme de ses symphonies en prolongeait le message personnel. Beethoven Ă©crivait en marge du manuscrit de la Missa solemnis ; « Venu du cƓur, puisse-t-il retourner au cƓur. » Mahler notait aussi ses Ă©tats d'Ăąme en marge de ses partitions. Dans les deux cas, la musique embrasse le monde et la condition humaine. Sa DeuxiĂšme Symphonie avec son chƓur final est fille de la NeuviĂšme de Beethoven. Sa TroisiĂšme est un hymne Ă  la nature comme la Pastorale. Et enfin, sa SixiĂšme Ă©voque Ă  trois reprises les coups du Destin[62].

Une aura universelle et humaniste

Page de titre de l'Ă©dition de 1809 de la 5e Symphonie.

AprĂšs le nazisme, le mythe Beethoven ne pouvait plus ĂȘtre le mĂȘme pour revenir au Beethoven universel et humaniste. Les quatre premiĂšres notes de la CinquiĂšme Symphonie avaient Ă©tĂ© associĂ©es par les AlliĂ©s Ă  la victoire selon l'analogie trois brĂšves et une longue du code Morse de la lettre V, signe cinq en chiffre romain du V victorieux de Winston Churchill. AprĂšs la fin des hostilitĂ©s, le thĂšme de l'Ode Ă  la joie fut choisi comme hymne europĂ©en[63] et enregistrĂ© par l'Orchestre philharmonique de Berlin et Herbert von Karajan, qui dans sa jeunesse avait souvent dirigĂ© Beethoven dans un tout autre contexte. Mais, depuis longtemps, les Ă©coliers de nombreux pays chantaient la jolie chanson idĂ©aliste : « Oh, quel magnifique rĂȘve vient illuminer mes yeux/Quel brillant soleil se lĂšve dans les purs et larges cieux », disait la version française pour les Ă©coles, signĂ©e Maurice Bouchor. En 1955, pour la rĂ©ouverture du Wiener Staatsoper de Vienne, aprĂšs les rĂ©parations consĂ©cutives aux graves dommages des bombardements alliĂ©s, fut montĂ© Fidelio, hymne Ă  la rĂ©sistance Ă  la barbarie et Ă  la libertĂ© retrouvĂ©e, ce qui, tout de mĂȘme, n'allait pas sans quelques ambiguĂŻtĂ©s dans un pays qui s'Ă©tait enthousiasmĂ© pour l'Anschluss, sans parler du chef d'orchestre Karl Böhm, qui avait eu quelques regrettables complaisances Ă  l'Ă©gard du rĂ©gime dĂ©chu.

La seconde moitiĂ© du XXe siĂšcle ne cesse de cĂ©lĂ©brer Beethoven, qui reste longtemps le compositeur phare de la musique classique. Il apparaĂźt souvent dans la bande-son des films, et de maniĂšre particuliĂšrement impressionnante dans Orange mĂ©canique de Stanley Kubrick (1971) oĂč le Scherzo[alpha 25] dĂ©formĂ© de la NeuviĂšme Symphonie figure l'Ă©nergie dĂ©voyĂ©e d'Alex, le hĂ©ros psychopathe. Cependant, durant les derniĂšres dĂ©cennies, la vague du retour aux musiques anciennes et une certaine dĂ©fiance Ă  l'Ă©gard du sentiment et de toute exaltation emphatique font baisser la cote beethovĂ©nienne. Le recours aux instruments d'Ă©poque et Ă  des pratiques d'exĂ©cution diffĂ©rentes permet de produire une nouvelle image sonore.

Emil Cioran suggĂšre que cette façon intime et grandiose d'aborder la musique — qui est surtout le fait de commentateurs postĂ©rieurs Ă  Beethoven — en avait « viciĂ©[64] » l'Ă©volution. Yehudi Menuhin considĂšre qu'avec Beethoven la musique commence Ă  changer de nature pour aller vers une sorte de mainmise morale sur l'auditeur. Un pouvoir totalitaire en quelque sorte. C'Ă©tait un siĂšcle auparavant le point de vue d'un LĂ©on TolstoĂŻ dans sa nouvelle La Sonate Ă  Kreutzer, qui associe l'amour de la musique Ă  une passion maladive[65].

L'icÎne de la liberté

Friedrich von Schiller par Ludovike Simanowiz (en). La ferveur humaniste de l'Ode Ă  la joie fascine Beethoven.

Quoi qu'il en soit, globalement, l'image, affadie, qui subsiste est celle d'un militant pour la liberté, les droits de l'homme, le progrÚs social.

Le , Leonard Bernstein conduit la NeuviÚme Symphonie devant le mur de Berlin éventré et remplacé le mot « Freude » (joie) de l'Ode par celui de « Freiheit » (liberté). Deutsche Grammophon commercialise l'enregistrement du concert en insérant dans le boßtier, comme une anti-relique, un morceau du vrai mur.

Le sens de ces manifestations est cependant plutĂŽt flottant. En 1981, lors de la cĂ©rĂ©monie d'investiture de François Mitterrand, Daniel Barenboim, avec les chƓurs et l'Orchestre de Paris, exĂ©cutent le dernier mouvement de la NeuviĂšme devant le PanthĂ©on[66].

En 1995, Jean-Marie Le Pen ouvre le meeting dans lequel il annonce sa candidature Ă  l'Ă©lection prĂ©sidentielle, par l'Ode Ă  la joie. En , pour couvrir une manifestation d'un mouvement d'extrĂȘme droite protestant contre l'immigration, les chƓurs de l'OpĂ©ra de Mayence entonnent cet hymne[66].

Des flash mobs sur L'Ode Ă  la joie — pratique moderne, assez lĂ©gĂšre et consensuelle, mais tout de mĂȘme significative —, place Sant Roc Ă  Sabadell[67], parvis de l'Ă©glise Saint-Laurent de Nuremberg[68], Tokushima[69] - [70], Fukushima[71], Hong Kong, Odessa ou Tunis, expriment le dĂ©sir de libertĂ© d'une foule jeune. Dans ces contextes, Beethoven est recherchĂ©.

En introduction à ses Mythologies, Roland Barthes écrit cette phrase célÚbre autant qu'énigmatique : « Un mythe est une parole. » Polysémique, polyvalente, flexible, cette parole vit avec le temps, vit avec son temps. Le Beethoven actuel des flashmobs est bien éloigné du feu intérieur qui anime les bustes d'Antoine Bourdelle, de l'humanisme quelque peu emphatique de Romain Rolland ou des revendications nationalistes des deux Reich. C'est bien la preuve, par le mouvement, que le mythe court encore[72].

Style musical et innovations

Jeunesse Ă  Bonn

Portrait de Johann Sebastian Bach (1715)
Jean-SĂ©bastien Bach par J. E. Rentsch, 1715.

Contrairement Ă  une croyance rĂ©pandue, les premiĂšres influences musicales qui se sont exercĂ©es sur le jeune Beethoven ne sont pas tant celles de Haydn ou de Mozart — dont, Ă  l’exception de quelques partitions[73], il ne dĂ©couvrit vĂ©ritablement la musique qu’une fois arrivĂ© Ă  Vienne — que du style galant de la seconde moitiĂ© du XVIIIe siĂšcle et des compositeurs de l’École de Mannheim dont il pouvait entendre les Ɠuvres Ă  Bonn, Ă  la cour du Prince-Ă©lecteur Maximilien François d'Autriche.

Les Ɠuvres de cette pĂ©riode n’apparaissent pas dans le catalogue des opus. Elles sont composĂ©es entre 1782 et 1792 et tĂ©moignent dĂ©jĂ  d’une remarquable maĂźtrise de la composition ; mais sa personnalitĂ© ne s’y manifeste pas encore comme elle le fera dans la pĂ©riode viennoise.

Les Sonates Ă  l’Électeur WoO 47 (1783), le Concerto pour piano WoO 4 (1784) ou encore les Quatuors avec piano WoO 36 (1785) sont fortement influencĂ©s par le style galant de compositeurs tels que Johann Christian Bach.

Deux autres reprĂ©sentants de la famille Bach constituent d’ailleurs le socle de la culture musicale du jeune Beethoven :

Dans les deux cas, il s’agit plutĂŽt d’études destinĂ©es Ă  la maĂźtrise de son instrument qu’à la composition proprement dite.

L’influence dĂ©cisive de Haydn

La particularitĂ© de l’influence exercĂ©e par Haydn — par rapport, notamment, Ă  celle exercĂ©e par Clementi — tient au fait qu’elle dĂ©passe littĂ©ralement le simple domaine esthĂ©tique (auquel elle ne s‘applique que momentanĂ©ment et superficiellement) pour imprĂ©gner bien davantage le fond mĂȘme de la conception beethovĂ©nienne de la musique. En effet, le modĂšle du maĂźtre viennois ne se manifeste pas tant, comme on le croit trop souvent, dans les Ɠuvres dites « de la premiĂšre pĂ©riode », que dans celles des annĂ©es suivantes : la Symphonie HĂ©roĂŻque, dans son esprit et ses proportions, a ainsi bien plus Ă  voir avec Haydn que les deux prĂ©cĂ©dentes ; de mĂȘme, Beethoven se rapproche davantage de son aĂźnĂ© dans son dernier quatuor, achevĂ© en 1826, que dans son premier, composĂ© une trentaine d’annĂ©es plus tĂŽt. On distingue ainsi, dans le style de Haydn, les aspects qui deviendront essentiels de l’esprit beethovĂ©nien.

Plus que tout, c’est le sens haydnien du motif qui influence profondĂ©ment et durablement l’Ɠuvre de Beethoven. Jamais celle-ci ne connaĂźtra de principe plus fondateur et plus immuable que celui, hĂ©ritĂ© de son maĂźtre, de bĂątir un mouvement entier Ă  partir d’une cellule thĂ©matique — rĂ©duite parfois jusqu’à l’extrĂȘme — et les chefs-d’Ɠuvre les plus cĂ©lĂšbres en tĂ©moignent, Ă  l’exemple du premier mouvement de la CinquiĂšme Symphonie. À la rĂ©duction quantitative du matĂ©riau de dĂ©part doit correspondre une extension du dĂ©veloppement ; et si la portĂ©e de l’innovation apportĂ©e par Haydn s’est rĂ©vĂ©lĂ©e si grande, sur Beethoven et donc indirectement sur toute l’histoire de la musique, c’est justement parce que le motif haydnien a eu vocation Ă  engendrer un dĂ©veloppement thĂ©matique d’une ampleur jusqu’alors inĂ©dite.

Partition : motif de la cinquiÚme symphonie (sol-sol-sol-mi-bémol, fa-fa-fa-ré)
Beethoven emprunte à Haydn son sens du motif. Ainsi, une cellule rythmique de deux mesures sert de matériau à tout le premier mouvement de la CinquiÚme symphonie.

Cette influence de Haydn ne se limite pas toujours au thĂšme ou mĂȘme au dĂ©veloppement de celui-ci, mais s’étend parfois jusqu’à l’organisation interne de tout un mouvement de sonate. Pour le maĂźtre du classicisme viennois, c’est le matĂ©riau thĂ©matique qui dĂ©termine la forme de l’Ɠuvre. LĂ  aussi, plus que d’une influence, on peut parler d’un principe qui deviendra vĂ©ritablement substantiel de l’esprit beethovĂ©nien ; et que le compositeur dĂ©veloppera d’ailleurs encore bien davantage que son aĂźnĂ© dans ses productions les plus abouties. Ainsi en est-il par exemple, comme l’explique Charles Rosen[74], du premier mouvement de la Sonate « Hammerklavier » : c’est la tierce descendante du thĂšme principal qui en dĂ©termine toute la structure (on voit par exemple tout au long du morceau les tonalitĂ©s se succĂ©der dans un ordre de tierces descendantes : si bĂ©mol majeur, sol majeur, mi bĂ©mol majeur, si majeur
).

En dehors de ces aspects essentiels, d’autres caractĂ©ristiques moins fondamentales de l’Ɠuvre de Haydn ont parfois influencĂ© Beethoven. On pourrait citer quelques rares exemples antĂ©rieurs mais Haydn est le premier compositeur Ă  avoir vĂ©ritablement fait usage d’une technique consistant Ă  commencer un morceau dans une fausse tonalitĂ© — c’est-Ă -dire une tonalitĂ© autre que la tonique. Ce principe illustre bien la propension typiquement haydnienne Ă  susciter la surprise de l’auditeur, tendance que l’on retrouve largement chez Beethoven : le dernier mouvement du QuatriĂšme concerto pour piano, par exemple, semble commencer en ut majeur le temps de quelques mesures avant que ne s’établisse clairement la tonique (sol majeur). Haydn est Ă©galement le premier Ă  s’ĂȘtre penchĂ© sur la question de l’intĂ©gration de la fugue dans la forme sonate, Ă  laquelle il rĂ©pond principalement en employant la fugue comme dĂ©veloppement. Dans ce domaine, avant de mettre au point de nouvelles mĂ©thodes (qui n’interviendront que dans la Sonate pour piano no 32 et le Quatuor Ă  cordes no 14) Beethoven reprendra plusieurs fois les trouvailles de son maĂźtre : le dernier mouvement de la Sonate pour piano no 28 et le premier de la Sonate « Hammerklavier » en fournissent probablement les meilleurs exemples.

Et pourtant, malgré les liens relevés par les musicologues entre les deux compositeurs, Beethoven, qui admirait Cherubini et vénérait Haendel (« j'aurais aimé m'agenouiller devant le grand Haendel»), et semblait avoir plus apprécié les leçons de Salieri, ne l'entendait pas ainsi et ne reconnaissait pas l'influence de Haydn. Il déclarera n'avoir « jamais rien appris de Haydn » selon Ferdinand Ries, ami et élÚve de Beethoven.

L’influence de Mozart

Portrait de Mozart (1790)
À partir de 1800, l’influence de Mozart chez Beethoven apparaĂźt plus formelle qu’esthĂ©tique.
Portrait inachevé de J. Lange (détail) vers 1790

Davantage encore que prĂ©cĂ©demment, il faut bien distinguer dans l’influence de Mozart sur Beethoven un aspect esthĂ©tique et un aspect formel. L’esthĂ©tique mozartienne se manifeste principalement dans les Ɠuvres dites de la « premiĂšre pĂ©riode » ; et ce de maniĂšre plutĂŽt superficielle, puisque l’influence du maĂźtre s’y rĂ©sume le plus souvent Ă  des emprunts de formules toutes faites. Jusqu’aux alentours de 1800 la musique de Beethoven s’inscrit surtout dans le style tantĂŽt post-classique, tantĂŽt prĂ©-romantique alors reprĂ©sentĂ© par des compositeurs tels que Clementi ou Hummel ; un style qui n’imite Mozart qu’en surface, et que l’on pourrait qualifier davantage de « classicisant » que de vĂ©ritablement classique (selon l’expression de Rosen).

L’aspect formel — et plus profond — de l’influence de Mozart se manifeste plutĂŽt Ă  partir des Ɠuvres dites de la « deuxiĂšme pĂ©riode ». C’est dans le concerto, genre que Mozart a portĂ© Ă  son plus haut niveau, que le modĂšle du maĂźtre semble ĂȘtre demeurĂ© le plus prĂ©sent. Ainsi, dans le premier mouvement du Concerto pour piano no 4, l’abandon de la double exposition de sonate (successivement orchestre et soliste) au profit d’une exposition unique (simultanĂ©ment orchestre et soliste) reprend en quelque sorte l’idĂ©e mozartienne consistant Ă  fondre la prĂ©sentation statique du thĂšme (orchestre) dans sa prĂ©sentation dynamique (soliste). Plus gĂ©nĂ©ralement, Beethoven, dans sa propension Ă  amplifier les codas jusqu’à les transformer en Ă©lĂ©ments thĂ©matiques Ă  part entiĂšre, se pose bien plus en hĂ©ritier de Mozart que de Haydn — chez qui les codas se distinguent bien moins de la rĂ©exposition.

Certains morceaux de Mozart nous rappellent de grandes pages de l'Ɠuvre de Beethoven, les deux plus marquants sont : l’offertoire K 222 composĂ© en 1775 (violons commençant Ă  environ 1 minute) qui rappelle fortement le thĂšme de l'ode Ă  la joie, les 4 coups de timbales du 1er mouvement du concerto pour piano n°25 Ă©crit en 1786 rappelant la cĂ©lĂšbre introduction de la 5e symphonie.

Les sonates pour piano de Clementi

Dans le domaine de la musique pour piano, c’est surtout l’influence de Muzio Clementi qui s’exerce rapidement sur Beethoven Ă  partir de 1795 et permet Ă  sa personnalitĂ© de s’affirmer et s’épanouir vĂ©ritablement. Si elle n’a pas Ă©tĂ© aussi profonde que celle des Ɠuvres de Haydn, la portĂ©e des sonates pour piano du cĂ©lĂšbre Ă©diteur n’en a pas moins Ă©tĂ© immense dans l’évolution stylistique de Beethoven, qui les jugeait d’ailleurs supĂ©rieures Ă  celles de Mozart. Certaines d’entre elles, par leur audace, leur puissance Ă©motionnelle et le caractĂšre novateur de leur traitement de l’instrument, inspirent quelques-uns des premiers chefs-d’Ɠuvre de Beethoven ; et les Ă©lĂ©ments qui, les premiers, permettent au style pianistique du compositeur de se distinguer proviennent pour une bonne part de Clementi.

Ainsi, dĂšs les annĂ©es 1780, Clementi fait un emploi nouveau d’accords peu usitĂ©s jusqu’alors : les octaves, principalement, mais aussi les sixtes et les tierces parallĂšles. Il Ă©toffe ainsi sensiblement l’écriture pianistique, dotant l’instrument d’une puissance sonore inĂ©dite, qui impressionne certainement le jeune Beethoven ; lequel va rapidement intĂ©grer, dĂšs ses trois premiĂšres sonates, ces procĂ©dĂ©s dans son propre style. L’usage des indications dynamiques s’élargit dans les sonates de Clementi : pianissimo et fortissimo y deviennent frĂ©quents et leur fonction expressive prend une importance considĂ©rable. LĂ  aussi, Beethoven saisit les possibilitĂ©s ouvertes par ces innovations ; et dĂšs la Sonate « PathĂ©tique », ces principes se voient dĂ©finitivement intĂ©grĂ©s au style beethovĂ©nien.

Un autre point commun entre les premiĂšres sonates de Beethoven et celles — contemporaines ou antĂ©rieures — de Clementi est leur longueur, relativement importante pour l’époque : les sonates de Clementi dont s’inspire le jeune Beethoven sont en effet des Ɠuvres d’envergure, souvent constituĂ©es de vastes mouvements. On y trouve les prĂ©mices d’une nouvelle vision de l’Ɠuvre musicale, conçue dĂ©sormais pour ĂȘtre unique. Les sonates pour piano de Beethoven sont connues pour avoir Ă©tĂ© en quelque sorte son « laboratoire expĂ©rimental », celui duquel il tirait les idĂ©es nouvelles qu’il Ă©tendait ensuite Ă  d’autres formes — comme la symphonie. Par elles, l’influence de Clementi s’est donc exercĂ©e sur l’ensemble de la production beethovĂ©nienne. Ainsi, comme le fait remarquer Marc Vignal[75], on trouve par exemple des influences importantes des sonates op. 13 no 6 et op. 34 no 2 de Clementi dans la Symphonie hĂ©roĂŻque.

Haendel et les anciens

Portrait de G. F. Haendel (1733)
Beethoven voyait en Haendel (1685-1759) le plus grand compositeur de l’histoire. Il s’en inspira dans plusieurs de ses derniùres Ɠuvres dont la Missa solemnis et la Sonate opus 111.
Portrait de B. Denner, 1733.
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Sonate pour piano en do mineur, Opus 111
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Une fois les influences « hĂ©roĂŻques » assimilĂ©es, aprĂšs avoir vĂ©ritablement pris le « nouveau chemin »[23] sur lequel il souhaitait s’engager, et aprĂšs avoir dĂ©finitivement affirmĂ© sa personnalitĂ© Ă  travers les rĂ©alisations d’une pĂ©riode crĂ©atrice allant de la Symphonie HĂ©roĂŻque jusqu’à la SeptiĂšme Symphonie, Beethoven cesse de s’intĂ©resser aux Ɠuvres de ses contemporains, et par consĂ©quent d’ĂȘtre influencĂ© par elles. Parmi ses contemporains, seuls Cherubini et Schubert l’enchantent encore ; mais en aucune maniĂšre il ne songe Ă  les imiter. MĂ©prisant par-dessus tout l’opĂ©ra italien, et dĂ©sapprouvant fermement le romantisme naissant, Beethoven sent alors le besoin de se tourner vers les « piliers » historiques de la musique : J.S. Bach et G.F. Haendel, ainsi que les grands maĂźtres de la renaissance, tels Palestrina. Parmi ces influences, la place de Haendel est plus que privilĂ©giĂ©e : jamais sans doute n’eut-il de plus fervent admirateur que Beethoven ; qui (dĂ©signant ses Ɠuvres complĂštes, qu’il vient de recevoir) s’écrie : « VoilĂ  la vĂ©ritĂ© ! » ; ou encore Beethoven qui, au soir de sa vie, dit vouloir s’« agenouiller sur sa tombe ».

De l’Ɠuvre de Haendel, la musique du dernier Beethoven prend souvent l’aspect grandiose et gĂ©nĂ©reux, par l’emploi de rythmes pointĂ©s — comme c’est le cas dans l’introduction de la Sonate pour piano no 32, dans le premier mouvement de la NeuviĂšme symphonie ou encore dans la seconde Variation Diabelli — ou mĂȘme par un certain sens de l’harmonie, ainsi que le montrent les premiĂšres mesures du deuxiĂšme mouvement de la Sonate pour piano no 30, entiĂšrement harmonisĂ©es dans le plus pur style haendelien.

C’est Ă©galement l’inĂ©puisable vitalitĂ© caractĂ©ristique de la musique de Haendel qui fascine Beethoven, et que l’on retrouve par exemple dans le fugato choral sur « Freude, schöner Götterfunken » qui suit le cĂ©lĂšbre « Seid umschlungen, Millionen », dans le finale de la NeuviĂšme symphonie : le thĂšme qui y apparaĂźt, balancĂ© par un puissant rythme ternaire, relĂšve d’une simplicitĂ© et d’une vivacitĂ© typiquement haendeliennes jusque dans ses moindres contours mĂ©lodiques. Un nouveau pas est franchi avec la Missa solemnis, oĂč la marque des grandes Ɠuvres chorales de Haendel se fait plus que jamais sentir. Beethoven est mĂȘme tellement absorbĂ© dans l’univers du Messie qu’il en retranscrit note pour note l’un des plus cĂ©lĂšbres motifs de l’Halleluja dans le Gloria. Dans d’autres Ɠuvres, on retrouve la nervositĂ© que peuvent revĂȘtir les rythmes pointĂ©s de Haendel parfaitement intĂ©grĂ©e au style beethovĂ©nien, comme dans l’effervescente Grande Fugue ou encore dans le second mouvement de la Sonate pour piano no 32, oĂč cette influence se voit peu Ă  peu littĂ©ralement transfigurĂ©e.

Enfin, c’est Ă©galement dans le domaine de la fugue que l’Ɠuvre de Haendel imprĂšgne Beethoven. Si les exemples du genre Ă©crits par l’auteur du Messie reposent sur une parfaite maĂźtrise des techniques contrapuntiques, elles se fondent gĂ©nĂ©ralement sur des thĂšmes simples et suivent un cheminement qui ne prĂ©tend pas Ă  l’extrĂȘme Ă©laboration de fugues de Bach. C’est ce qui a dĂ» satisfaire Beethoven, qui d’une part partage avec Haendel le souci de construire des Ɠuvres entiĂšres Ă  partir d’un matĂ©riau aussi simple et rĂ©duit que possible, et qui d’autre part ne possĂšde pas les prĂ©dispositions pour le contrepoint qui lui permettraient d’y chercher une excessive sophistication.

La théorie des trois périodes et ses limites

Les trois « maniÚres » sont une progression de l'enfant[76] qui apprend, devient adulte et est déifié :

  1. 1793-1801 : la période d'imitation[76] dans la forme : le style pianistique de Carl P. E. Bach selon l'idée créatrice de Friedrich Wilhelm Rust dans une architecture d'Haydn ;
  2. 1801-1815 : la pĂ©riode de transition[77] : l'amour de la femme — Juliette Guicciardi[78] —, de la nature et de la patrie ;
  3. 1815-1827 : la période de réflexion[79].

L’hĂ©ritage au XIXe siĂšcle

Dernier grand reprĂ©sentant du classicisme viennois (aprĂšs Gluck, Haydn et Mozart), Beethoven a prĂ©parĂ© l’évolution vers le romantisme en musique et influencĂ© la musique occidentale pendant une grande partie du XIXe siĂšcle. Inclassable (« Vous me faites l’impression d’un homme qui a plusieurs tĂȘtes, plusieurs cƓurs, plusieurs Ăąmes » lui dit Haydn vers 1793)[80], son art s’est exprimĂ© Ă  travers diffĂ©rents genres musicaux, et bien que sa musique symphonique soit la principale source de sa popularitĂ©, il a eu un impact Ă©galement considĂ©rable dans l’écriture pianistique et dans la musique de chambre[81].

Beethoven au XXe siĂšcle

C'est au XXe siĂšcle que la musique de Beethoven trouve ses plus grands interprĂštes. Elle occupe une place centrale dans le rĂ©pertoire de la plupart des pianistes et concertistes du siĂšcle (Kempff, Richter, Nat, Arrau, Ney, Rubinstein
) et un certain nombre d'entre eux, Ă  la suite d'Artur Schnabel, enregistrent l'intĂ©grale des sonates pour piano. L'Ɠuvre orchestrale, dĂ©jĂ  reconnue depuis le XIXe siĂšcle, connaĂźt son apogĂ©e avec les interprĂ©tations d'Herbert von Karajan et de Wilhelm FurtwĂ€ngler.

« [Dans la musique,] derriĂšre les rythmes non-rationnels, il y a l'« ivresse » primitive dĂ©finitivement rebelle Ă  toute articulation ; derriĂšre l'articulation rationnelle, il y a la « forme » qui, de son cĂŽtĂ©, a la volontĂ© et la force d'absorber et d'ordonner toute vie, et donc finalement l'ivresse elle-mĂȘme ! C'est Nietzsche qui a, pour la premiĂšre fois, formulĂ© de façon grandiose cette dualitĂ© grĂące aux concepts de Dionysiaque et d'Apollinien. Mais pour nous, aujourd'hui, qui considĂ©rons la musique de Beethoven, il s'agit de nous rendre compte que ces deux Ă©lĂ©ments ne sont pas contradictoires - ou, plutĂŽt, qu'ils ne doivent pas l'ĂȘtre nĂ©cessairement. Cela semble ĂȘtre la tĂąche de l'art, de l'art au sens de Beethoven, de les concilier[82]. »

— Wilhelm FurtwĂ€ngler, 1951.

Et en 1942 :

« Beethoven renferme en lui-mĂȘme toute la nature de l'homme. Il n'est pas essentiellement chantant comme Mozart, il n'a pas l'Ă©lan architectural de Bach ni le sensualisme dramatique de Wagner. Il unit tout cela en lui, chaque chose Ă©tant Ă  sa place : lĂ  est l'essence de son originalitĂ©. [
] Jamais un musicien n'a mieux ressenti et exprimĂ© l'harmonie des sphĂšres, le chant de la Nature Divine. Par lui seulement, les vers de Schiller : « FrĂšres, au-dessus de la voĂ»te des Ă©toiles / Doit rĂ©gner un pĂšre aimant » ont trouvĂ© leur rĂ©alitĂ© vivante, qui va bien au-delĂ  de ce que peuvent exprimer les mots[82]. »

Il conclut en 1951 :

« Ainsi, la musique de Beethoven reste pour nous un grand exemple d'accord unanime oĂč se rejoignent toutes les tendances, un exemple d'harmonie entre la langue de l'Ăąme, entre l'architecture musicale et le dĂ©roulement d'un drame enracinĂ© dans la vie psychique, mais surtout entre le Moi et l'HumanitĂ©, entre l'Ăąme anxieuse de l'individu isolĂ©, et la communautĂ© dans son universalitĂ©. Les paroles de Schiller : « FrĂšres, au-dessus de la voĂ»te des Ă©toiles / Doit rĂ©gner un pĂšre aimant », que Beethoven a proclamĂ© avec une clartĂ© divinatoire dans le message de sa derniĂšre symphonie, n'Ă©taient pas dans sa bouche paroles de prĂ©dicateur ou de dĂ©magogue ; c'est ce que lui-mĂȘme a vĂ©cu concrĂštement tout au long de sa vie, depuis le dĂ©but de son activitĂ© artistique. Et c'est aussi la raison pour laquelle nous-mĂȘmes, hommes d'aujourd'hui, sommes encore si profondĂ©ment touchĂ©s par un tel message[82]. »

Il faut également attendre le XXe siÚcle pour que certaines partitions comme les Variations Diabelli ou la 9e symphonie soit réétudiées et reconsidérées par le monde musical.

Instruments

L'un des pianos de Beethoven était un instrument fabriqué par la société viennoise Geschwister Stein. Le 19 novembre 1796, Beethoven écrit une lettre à Andreas Streicher, le mari de Nannette Streicher : "J'ai reçu votre pianoforte avant-hier. Il est vraiment merveilleux, n'importe qui voudrait l'avoir pour lui..." [83]

Comme le rappelle Carl Czerny, en 1801 Beethoven avait un piano Walter dans sa maison[84]. En 1802 il demandait Ă©galement Ă  son ami Zmeskall de demander Ă  Walter de lui fabriquer un pianoforte Ă  une corde[85].

Puis, en 1803, Beethoven reçoit son piano à queue Erard. Mais, comme l'écrit Newman : "Beethoven n'était pas satisfait de cet instrument dÚs le départ, en partie parce que le compositeur trouvait que sa mécanique anglaise était incurablement lourde".[86]

Un autre piano de Beethoven, le Broadwood 1817, qui était un cadeau de Thomas Broadwood. Beethoven l'a gardé chez lui à la Schwarzspanierhaus jusqu'à sa mort en 1827[87].

Le dernier instrument de Beethoven Ă©tait un piano Graf Ă  quatre cordes. Conrad Graf lui-mĂȘme a confirmĂ© avoir prĂȘtĂ© Ă  Beethoven un piano de 6 Âœ octaves, puis l'avoir vendu, aprĂšs la mort du compositeur, Ă  la famille Wimmer[88]. En 1889, l'instrument a Ă©tĂ© acquis par la Beethovenhaus de Bonn[89].

L’Ɠuvre de Beethoven

Dans l’histoire musicale, l’Ɠuvre de Beethoven reprĂ©sente une transition entre l’ùre classique (approximativement 1750-1810) et l’ùre romantique (approximativement 1810-1900). Si ses premiĂšres Ɠuvres sont influencĂ©es par Haydn ou Mozart, ses Ɠuvres de maturitĂ© sont riches d’innovations et ont ouvert la voie aux musiciens au romantisme exacerbĂ©, tels Brahms (dont la PremiĂšre Symphonie Ă©voque « la DixiĂšme » de Beethoven selon Hans von Bulow probablement Ă  cause de son finale oĂč Brahms introduit volontairement un thĂšme proche de celui de l’Hymne Ă  la Joie en hommage au MaĂźtre), Schubert, Wagner ou encore Bruckner :

  • l’ouverture de sa CinquiĂšme Symphonie (1807), expose un motif violent — motif omniprĂ©sent dĂšs ses Ɠuvres de jeunesse —, qui est rĂ©utilisĂ© tout au long des quatre mouvements ; la transition du troisiĂšme au dernier mouvement se fait attacca (sans interruption) ;
  • la NeuviĂšme Symphonie (1824) est la premiĂšre symphonie Ă  introduire un chƓur, au quatriĂšme mouvement. L’ensemble de ce traitement orchestral reprĂ©sente une vĂ©ritable innovation ; ajoutons que la mystĂ©rieuse introduction de 16 mesures, Ă  incertitude tonale (seules les trois notes la, rĂ©, mi sont utilisĂ©es, on ne connaĂźt donc ni la tonalitĂ© ni le mode, majeur ou mineur) qui ouvre la symphonie, inspirera Bruckner dont la HuitiĂšme symphonie comporte une interversion des places du Scherzo et de l’Adagio comme dans la NeuviĂšme de Beethoven ;
  • son opĂ©ra, Fidelio, utilise les voix comme des instruments symphoniques, cela sans se soucier des limitations techniques des choristes.

Sur le plan de la technique musicale, l’emploi de motifs qui nourrissent des mouvements entiers est considĂ©rĂ© comme un apport majeur. D’essence essentiellement rythmique — ce qui constitue une grande nouveautĂ© — ces motifs se modifient et se multiplient pour constituer des dĂ©veloppements. Il en va ainsi des trĂšs fameux :

  • premier mouvement du QuatriĂšme Concerto pour piano (donnĂ© dĂšs les premiĂšres mesures) ;
  • premier mouvement de la CinquiĂšme Symphonie (idem) ;
  • deuxiĂšme mouvement de la SeptiĂšme Symphonie (au rythme dactylique) : le tourbillonnement toujours renouvelĂ© qui en rĂ©sulte est extrĂȘmement saisissant, Ă  l’origine de cette grande vĂ©hĂ©mence qui « vient », sans cesse, chercher l’auditeur.

Beethoven est aussi l’un des tout premiers Ă  se pencher sur l’orchestration avec autant de soin. Dans les dĂ©veloppements, des associations changeantes, notamment au niveau des pupitres de bois, permettent d’éclairer de façon singuliĂšre les retours thĂ©matiques, eux aussi lĂ©gĂšrement modifiĂ©s sur le plan harmonique. Les variations de ton et couleur qui s’ensuivent renouvellent le discours tout en lui conservant les repĂšres de la mĂ©moire.

Si les Ɠuvres de Beethoven sont aussi apprĂ©ciĂ©es, c’est Ă©galement grĂące Ă  leur force Ă©motionnelle, caractĂ©ristique du romantisme.

Le grand public connaĂźt surtout ses Ɠuvres symphoniques, souvent novatrices, en particulier la sixiĂšme, dite Pastorale, et les symphonies « impaires » : 3, 5, 7 et 9. Ses Ɠuvres concertantes les plus connues sont le Concerto pour violon et surtout le CinquiĂšme Concerto pour piano, dit L’Empereur. Sa musique instrumentale est apprĂ©ciĂ©e au travers de quelques magnifiques sonates pour piano, parmi les trente-deux qu’il a Ă©crites. D’aspect plus classique, sa musique de chambre, comportant notamment 16 quatuors Ă  cordes, est moins connue.

Il nous reste de Beethoven 398 Ɠuvres.

ƒuvres symphoniques

Partition autographe de la neuviĂšme Symphonie
Ludwig van Beethoven Symphonie no 9 en ré mineur op. 125, Partition autographe, 4e mouvement.

Haydn a composĂ© plus de cent symphonies et Mozart plus de quarante. De ses prĂ©dĂ©cesseurs, Beethoven n’a pas hĂ©ritĂ© de la productivitĂ©, car il n’a composĂ© que neuf symphonies, et en a Ă©bauchĂ© une dixiĂšme. Mais les neuf symphonies de Beethoven sont bien plus monumentales et ont toutes une identitĂ© propre. Curieusement, plusieurs compositeurs romantiques ou post-romantiques sont morts aprĂšs leur neuviĂšme (achevĂ©e ou non), d’oĂč une lĂ©gende de malĂ©diction attachĂ©e Ă  ce nombre : Schubert, Bruckner, Dvoƙák, Mahler, mais aussi Ralph Vaughan Williams.

Les deux premiĂšres symphonies de Beethoven sont d’inspiration et de facture classiques. Or, la 3e symphonie, dite « HĂ©roĂŻque », va marquer un grand tournant dans la composition d’orchestre. Beaucoup plus ambitieuse que les prĂ©cĂ©dentes, l’HĂ©roĂŻque se dĂ©marque par l’ampleur de ses mouvements et le traitement de l’orchestre. Le premier mouvement, Ă  lui seul, est plus long que la plupart des symphonies Ă©crites Ă  cette date. Cette Ɠuvre monumentale, Ă©crite au dĂ©part en hommage Ă  NapolĂ©on Bonaparte avant qu’il soit sacrĂ© empereur, rĂ©vĂšle Beethoven comme un grand architecte musical et est considĂ©rĂ©e comme le premier exemple avĂ©rĂ© de romantisme en musique.

Bien qu'elle soit plus courte et souvent considĂ©rĂ©e comme plus classique que la prĂ©cĂ©dente, les tensions dramatiques qui la parsĂšment font de la 4e symphonie une Ă©tape logique du cheminement stylistique de Beethoven. Puis viennent deux monuments crĂ©Ă©s le mĂȘme soir, la 5e symphonie et la 6e symphonie. La cinquiĂšme et son fameux motif Ă  quatre notes, souvent dit « du destin » (le compositeur aurait dit, en parlant de ce cĂ©lĂšbre thĂšme, qu’il reprĂ©sente « le destin qui frappe Ă  la porte ») peut se rapprocher de la troisiĂšme par son aspect monumental. Un autre aspect novateur est l’utilisation rĂ©pĂ©tĂ©e du motif de quatre notes sur lequel repose presque toute la symphonie. La 6e symphonie, dite « Pastorale », Ă©voque Ă  merveille la nature que Beethoven aimait tant. En plus de moments paisibles et rĂȘveurs, la symphonie possĂšde un mouvement oĂč la musique peint un orage des plus rĂ©alistes.

La 7e symphonie est, malgrĂ© un deuxiĂšme mouvement en forme de marche funĂšbre, marquĂ©e par son aspect joyeux et le rythme frĂ©nĂ©tique de son final, qualifiĂ© par Richard Wagner d’« ApothĂ©ose de la danse ». La symphonie suivante, brillante et spirituelle, revient Ă  une facture plus classique. Enfin, la NeuviĂšme symphonie est la derniĂšre symphonie achevĂ©e et le joyau de l’ensemble. Durant plus d’une heure, c’est une symphonie en quatre mouvements qui ne respecte pas la forme sonate. Chacun d’eux est un chef-d’Ɠuvre de composition qui montre que Beethoven s’est totalement affranchi des conventions classiques et fait dĂ©couvrir de nouvelles perspectives dans le traitement de l’orchestre. C’est Ă  son dernier mouvement que Beethoven ajoute un chƓur et un quatuor vocal qui chantent l’Hymne Ă  la joie, un poĂšme de Friedrich von Schiller. Cette Ɠuvre appelle Ă  l’amour et Ă  la fraternitĂ© entre tous les hommes, et la partition fait maintenant partie du patrimoine mondial de l’Unesco. L’Hymne Ă  la joie a Ă©tĂ© choisi comme hymne europĂ©en[63].

Concertos et Ɠuvres concertantes

Masque de Beethoven moulĂ© en 1812 par le sculpteur Franz Klein (en) pour le buste rĂ©alisĂ© la mĂȘme annĂ©e (Beethoven Haus de Bonn).
Masque de Beethoven moulĂ© en 1812 par le sculpteur Franz Klein (en) pour le buste rĂ©alisĂ© la mĂȘme annĂ©e (Beethoven Haus de Bonn).

À l’ñge de 14 ans, Beethoven avait dĂ©jĂ  Ă©crit un modeste Concerto pour piano en mi bĂ©mol majeur (WoO 4), restĂ© inĂ©dit de son vivant. Seule subsiste la partie de piano avec des rĂ©pliques d’orchestre assez rudimentaires. Sept ans plus tard, en 1791, il semble que deux autres concertos aient figurĂ© parmi ses rĂ©alisations les plus impressionnantes, mais malheureusement rien ne subsiste qui puisse ĂȘtre attribuĂ© avec certitude Ă  la version originale hormis un fragment du deuxiĂšme concerto pour violon. Vers 1800, il composa deux romances pour violon et orchestre (op. 40 et op. 50). Mais Beethoven reste avant tout un compositeur de concertos pour piano, Ɠuvres dont il se rĂ©servait l’exĂ©cution en concert – sauf pour le dernier oĂč, sa surditĂ© Ă©tant devenue complĂšte, il dut laisser son Ă©lĂšve Czerny le jouer le Ă  Vienne. De tous les genres, le concerto est celui le plus marquĂ© par sa surditĂ© : en effet, il n’en composa plus une fois devenu sourd.

Les concertos les plus importants sont donc les cinq pour piano. Contrairement aux concertos de Mozart, ce sont des Ɠuvres spĂ©cifiquement Ă©crites pour le piano alors que Mozart laissait la possibilitĂ© d’utiliser le clavecin. Il fut l’un des premiers Ă  composer exclusivement pour le piano-forte et imposa ainsi une nouvelle esthĂ©tique sonore du concerto de soliste.

La numĂ©rotation des concertos respecte l’ordre de crĂ©ation hormis pour les deux premiers. En effet, le premier concerto fut composĂ© en 1795 et publiĂ© en 1801 alors que le deuxiĂšme concerto prĂ©sente une composition antĂ©rieure (commencĂ©e vers 1788), mais une publication seulement en . Toutefois, la chronologie en reste imprĂ©cise : lors du premier grand concert public de Beethoven, au Hofburgtheater de Vienne, le , un concerto fut crĂ©Ă©, mais on ignore s’il s’agissait de son premier ou de son deuxiĂšme. La composition du TroisiĂšme Concerto a lieu pendant la pĂ©riode oĂč il achĂšve ses premiers quatuors et ses deux premiĂšres symphonies, ainsi que quelques grandes sonates pour piano. Il dĂ©clare savoir dĂ©sormais Ă©crire des quatuors et va maintenant savoir Ă©crire des concertos. Sa crĂ©ation a eu lieu lors du grand concert public Ă  Vienne le . Le QuatriĂšme Concerto prend naissance au moment oĂč le compositeur s’affirme dans tous les genres, des quatuors Razoumovski Ă  la Sonate « Appassionata », de la Symphonie hĂ©roĂŻque Ă  son opĂ©ra LĂ©onore. De ces cinq concertos, le cinquiĂšme est le plus typique du style beethovĂ©nien. Sous-titrĂ© « L’empereur » mais pas par le compositeur, il est composĂ© Ă  partir de 1808, pĂ©riode de troubles politiques dont on retrouve les traces sur son manuscrit avec des annotations comme « Auf die Schlacht Jubelgesang » (« Chant de triomphe pour le combat »), « Angriff » (« Attaque »), « Sieg » (« Victoire »).

L’unique Concerto pour violon (op. 61) de Beethoven date de 1806 et rĂ©pond Ă  une commande de son ami Franz Clement. Il en fit une transcription pour piano, parfois dĂ©signĂ©e SixiĂšme concerto pour piano (op. 61a). Beethoven composa Ă©galement un Triple Concerto pour violon, violoncelle et piano (op. 56) en 1803-1804.

Beethoven Ă©crit en 1808 une Fantaisie chorale pour piano, chƓurs et orchestre, op. 80, qui tient de la sonate, du concerto et de l'Ɠuvre chorale, dont l’un des thĂšmes sera Ă  l’origine de l’Hymne Ă  la Joie.

Musique de scĂšne

Beethoven a Ă©crit trois musiques de scĂšne : Egmont, op. 84 (1810), Les Ruines d'AthĂšnes, op. 113 (1811) et Le Roi Étienne, op. 117 (1811) et Ă©crit un ballet : Les CrĂ©atures de PromĂ©thĂ©e, op. 43 (1801).

Il a encore composĂ© plusieurs ouvertures : LĂ©onore I, op. 138 (1805), LĂ©onore II, op. 72 (1805), LĂ©onore III, op. 72a (1806), Coriolan, op. 62 (1807), Le Roi Étienne, op. 117 (1811), Fidelio, op. 72b (1814), Jour de fĂȘte, op. 115 (1815) et La ConsĂ©cration de la maison, op. 124 (1822)

Enfin Beethoven sera l’auteur d’un unique opĂ©ra, Fidelio, Ɠuvre Ă  laquelle il tiendra le plus, et certainement celle qui lui a coĂ»tĂ© le plus d’efforts. En effet cet opĂ©ra est construit sur la base d’un premier essai qui a pour titre LĂ©onore, opĂ©ra qui n’a pas reçu un accueil favorable du public. Il reste nĂ©anmoins les trois versions d’ouverture de LĂ©onore, la derniĂšre Ă©tant souvent interprĂ©tĂ©e avant le finale de Fidelio.

Musique pour piano

Bien que les symphonies soient ses Ɠuvres les plus populaires et celles par qui le nom de Beethoven est connu du grand public, c’est certainement dans sa musique pour le piano (ainsi que pour le quatuor Ă  cordes) que se distingue le plus le gĂ©nie de Beethoven.

TrĂšs tĂŽt reconnu comme un maĂźtre dans l’art de toucher le piano-forte, le compositeur va, au cours de son existence, s’intĂ©resser de prĂšs Ă  tous les dĂ©veloppements techniques de l’instrument afin d’exploiter toutes ses possibilitĂ©s.

Sonates pour piano

Statue de Beethoven par Ernst HĂ€hnel Ă  Bonn.
Statue de Beethoven par Ernst HĂ€hnel Ă  Bonn.

Traditionnellement, on dit que Beethoven a Ă©crit 32 sonates pour piano, mais en rĂ©alitĂ© il existe 35 sonates pour piano totalement achevĂ©es. Les trois premiĂšres Ă©tant les sonates pour piano WoO 47, composĂ©es en 1783 et dites Sonates Ă  l’Électeur. Pour ce qui est des 32 sonates traditionnelles, Ɠuvres d’importance majeure pour Beethoven puisqu’il a donnĂ© un numĂ©ro d’opus Ă  chacune d’elles, leur composition s’échelonne sur une vingtaine d’annĂ©es. Cet ensemble, aujourd’hui considĂ©rĂ© comme l’un des monuments dĂ©diĂ©s Ă  l’instrument, tĂ©moigne, encore plus que les symphonies, du cheminement stylistique du compositeur au cours des annĂ©es. Les sonates, de forme classique au dĂ©but, vont peu Ă  peu s’affranchir de cette forme et ne plus en garder que le nom, Beethoven se plaisant Ă  commencer ou Ă  terminer une composition par un mouvement lent, par exemple comme dans la cĂ©lĂšbre sonate dite « au Clair de Lune », Ă  y inscrire une fugue (voir le dernier mouvement de la Sonate no 31 en la bĂ©mol majeur, op. 110), ou Ă  nommer sonate une composition Ă  deux mouvements (voir les Sonates no 19 et 20, op. 49, 1-2).

Au fur et Ă  mesure, les compositions gagnent en libertĂ© d’écriture, sont de plus en plus architecturĂ©es, et de plus en plus complexes. On peut citer parmi les plus cĂ©lĂšbres l’Appassionata (1804), la Waldstein de la mĂȘme annĂ©e, ou Les Adieux (1810). Dans la cĂ©lĂšbre Hammerklavier (1819), longueur et difficultĂ©s techniques atteignent des proportions telles qu’elles mettent en jeu les possibilitĂ©s physiques de l’interprĂšte comme celles de l’instrument, et exigent une attention soutenue de la part de l’auditeur. Elle fait partie des cinq derniĂšres sonates, qui forment un groupe Ă  part dit de la « derniĂšre maniĂšre ». Ce terme dĂ©signe un aboutissement stylistique de Beethoven, dans lequel le compositeur, dĂ©sormais totalement sourd et possĂ©dant toutes les difficultĂ©s techniques de la composition, dĂ©laisse toutes considĂ©rations formelles pour ne s’attacher qu’à l’invention et Ă  la dĂ©couverte de nouveaux territoires sonores. Les cinq derniĂšres sonates constituent un point culminant de la littĂ©rature pianistique. La « derniĂšre maniĂšre » de Beethoven, associĂ©e Ă  la derniĂšre pĂ©riode de la vie du maĂźtre, dĂ©signe la manifestation la plus aiguĂ« de son gĂ©nie et n’aura pas de descendance, si ce n'est, peut-ĂȘtre, le ragtime (arrietta, sonate n°32).

À cĂŽtĂ© des 32 sonates, on trouve les Bagatelles, les nombreuses sĂ©ries de variations, diverses Ɠuvres, notamment les rondos op. 51, ainsi que quelques piĂšces pour piano Ă  quatre mains.

Bagatelles

Les bagatelles sont des piĂšces brĂšves, fortement contrastĂ©es, souvent publiĂ©es en recueils. Le premier recueil opus 33, rassemblĂ© en 1802 et Ă©ditĂ© en 1803 Ă  Vienne, consiste en sept bagatelles d’une centaine de mesures chacune, toutes dans des tonalitĂ©s majeures. L’accent est mis sur le lyrisme comme on peut notamment le voir dans l’indication pour la bagatelle no 6 : con una certa espressione parlante (« avec une certaine expression parlĂ©e »).

Le recueil suivant opus 119 comporte onze bagatelles, mais se compose en fait de deux recueils (bagatelles 1 Ă  6 d’un cĂŽtĂ© et 7 Ă  11 de l’autre). Le second fut le premier constituĂ©, en 1820, Ă  la demande de son ami Friedrich Starke afin de contribuer Ă  une mĂ©thode pour piano. En 1822, l’éditeur Peters demanda des Ɠuvres Ă  Beethoven. Il rassembla cinq premiĂšres piĂšces qui avaient Ă©tĂ© composĂ©es de nombreuses annĂ©es plus tĂŽt et les retoucha de diffĂ©rentes maniĂšres. Cependant, aucune de ces cinq piĂšces ne prĂ©sentait une conclusion satisfaisante pour Beethoven et il composa donc une sixiĂšme bagatelle. Peters refusa de publier la sĂ©rie de six et c’est Clementi qui la fit paraĂźtre en ajoutant les piĂšces Ă©crites pour Starke afin de constituer le recueil de onze piĂšces tel qu’on le connaĂźt aujourd’hui.

Son dernier recueil opus 126 est uniquement composĂ© Ă  partir de bases nouvelles. Il est formĂ© de six bagatelles composĂ©es en 1824. Lorsque Beethoven travaillait Ă  ce recueil, il y avait cinq autres bagatelles achevĂ©es qui sont aujourd’hui restĂ©es seules Ă  cĂŽtĂ© des trois recueils. La plus connue, datant de 1810, est la Lettre Ă  Élise (WoO 59). Les quatre autres sont : WoO 52, 56, l'allemande 81 et Hess 69. D’autres petites piĂšces peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme bagatelle en tant que telle, mais elles n’ont jamais fait partie d’un projet quelconque de Beethoven de les publier dans un recueil.

Variations

Manuscrit des Variations Eroica (1802)
Manuscrit des Variations héroïques, op. 35 (1802)

Les sĂ©ries de variations peuvent ĂȘtre vues pĂ©riode par pĂ©riode. Il composa vingt sĂ©ries au total d’importance trĂšs diverse. Celles d’importance majeure pour Beethoven sont celles pour lesquelles il attribua un numĂ©ro d'Opus, Ă  savoir : les six Variations sur un thĂšme original en rĂ© majeur op. 76, les six Variations sur un thĂšme original en fa majeur op. 34 (variations sur Les Ruines d'AthĂšnes), les 15 Variations sur le thĂšme des CrĂ©atures de PromĂ©thĂ©e en mi bĂ©mol majeur, op. 35 (appelĂ©es Ă  tort Variations hĂ©roĂŻques du fait que le thĂšme des CrĂ©atures de PromĂ©thĂ©e (op. 43) ait Ă©tĂ© repris par Beethoven pour le dernier mouvement de sa Symphonie no 3, « hĂ©roĂŻque ». Mais le thĂšme a bien initialement Ă©tĂ© composĂ© pour le ballet) et enfin le monument du genre, les Variations Diabelli opus 120.

La premiĂšre pĂ©riode est celle oĂč Beethoven se trouve Ă  Vienne. La premiĂšre Ɠuvre jamais publiĂ©e par Beethoven est les variations en ut mineur WoO 63. Elles furent composĂ©es en 1782 (Beethoven avait 11 ans). Avant son dĂ©part pour Vienne en 1792, Beethoven composa trois autres sĂ©ries (WoO 64 Ă  66).

Viennent ensuite les annĂ©es 1795-1800, au cours desquelles Beethoven ne composa pas moins de neuf sĂ©ries (WoO 68 Ă  73 et 75 Ă  77). La plupart sont fondĂ©es sur des airs d’opĂ©ras et de Singspiels Ă  succĂšs et presque toutes comportent une longue coda dans laquelle le thĂšme est dĂ©veloppĂ© au lieu d’ĂȘtre simplement variĂ©. C’est Ă©galement Ă  cette Ă©poque que Beethoven commença Ă  utiliser des thĂšmes originaux pour ses sĂ©ries de variations.

Arrive ensuite l’annĂ©e 1802 oĂč Beethoven composa deux sĂ©ries plus importantes et inhabituelles. Il s'agit des six variations en fa majeur op. 34 et des quinze variations et fugue en mi bĂ©mol majeur op. 35. Comme il s'agit d’Ɠuvres majeures, il leur attribua un numĂ©ro d’opus (aucune des sĂ©ries antĂ©rieures n'a de numĂ©ro d'opus). L’idĂ©e de dĂ©part dans l'opus 34 Ă©tait d'Ă©crire un thĂšme variĂ© dans lequel chaque variation aurait une mesure et un tempo propres. Il dĂ©cida Ă©galement d’écrire chacune des variations dans une tonalitĂ© particuliĂšre. Le thĂšme Ă©tait ainsi non seulement soumis Ă  la variation, mais subissait aussi une transformation complĂšte de caractĂšre. Par la suite, des compositeurs comme Liszt feront grand usage de la transformation thĂ©matique, mais elle Ă©tait Ă©tonnante en 1802. Les variations op. 35 sont encore plus novatrices. Beethoven utilise ici un thĂšme du finale de son ballet Les CrĂ©atures de PromĂ©thĂ©e, thĂšme qu’il utilisa Ă©galement dans le finale de la Symphonie « hĂ©roĂŻque », ce qui donna son nom aux variations (« eroica »). La premiĂšre innovation se trouve dĂšs le dĂ©part oĂč, au lieu d’énoncer son thĂšme, Beethoven en prĂ©sente uniquement la ligne de basse en octaves, sans accompagnement. Viennent ensuite trois variations dans lesquelles cette ligne de basse est accompagnĂ©e par un, deux puis trois contre-chants, tandis que la ligne de basse apparaĂźt Ă  la basse, dans le mĂ©dium, puis dans l’aigu. Le thĂšme vĂ©ritable apparaĂźt enfin suivi de 15 variations. La sĂ©rie se finit sur une longue fugue fondĂ©e sur les quatre premiĂšres notes de la ligne de basse de dĂ©part. Puis viennent deux nouvelles doubles variations avant une brĂšve section finale qui conclut l’Ɠuvre.

La derniĂšre pĂ©riode va de 1802 Ă  1809 oĂč Beethoven composa quatre sĂ©ries (WoO 78 Ă  80 et op. 76). À partir de 1803, il eut tendance Ă  se concentrer sur des Ɠuvres plus vastes (Symphonies, quatuors Ă  cordes, musique de scĂšnes). Les deux premiĂšres des quatre sĂ©ries Ă©noncĂ©es, composĂ©es en 1803, se basent sur des mĂ©lodies anglaises : God Save the Queen et Rule, Britannia! de Thomas Arne. La 3e fut Ă©crite en ut mineur sur un thĂšme original en 1806. Le thĂšme se distingue par sa concentration extrĂȘme : huit mesures seulement. La mesure reste inchangĂ©e dans les 32 variations. Mis Ă  part dans la section centrale de cinq variations (nos 12 Ă  16) en ut majeur, c'est la tonalitĂ© d'ut mineur qui dĂ©finit le climat de l’Ɠuvre. Contrairement Ă  ce que certains pourraient attendre, voulant voir cette sĂ©rie parmi les plus grandes Ɠuvres de Beethoven, le compositeur la publia sans numĂ©ro d’opus et sans dĂ©dicataire. Ses origines restent obscures. Puis viennent les six variations en rĂ© majeur op. 76, composĂ©es en 1809 et dĂ©diĂ©es Ă  Franz Oliva, un ami de Beethoven. Il rĂ©utilisa plus tard le thĂšme de cette sĂ©rie en 1811 pour le Singspiel en un acte Les Ruines d’AthĂšnes. Dix annĂ©es s’écoulĂšrent avant que Beethoven n'aborde sa derniĂšre sĂ©rie de variations.

Finalement, en 1822, l’éditeur et compositeur Anton Diabelli eut l'idĂ©e de rĂ©unir en un recueil des piĂšces des compositeurs majeurs de son Ă©poque autour d’un unique thĂšme musical de sa propre composition. L'ensemble de ces variations — nommĂ© « Variations Diabelli » — devait servir de panorama musical de l’époque. Beethoven, sollicitĂ©, et qui n’avait pas Ă©crit pour le piano depuis longtemps, se prit au jeu, et au lieu de fournir une variation, en Ă©crivit 33, qui furent publiĂ©es dans un fascicule Ă  part. Les Variations Diabelli, de par leur invention, constituent le vĂ©ritable testament de Beethoven pianiste.

PiÚces « mineures »

Beaucoup d’autres petites piĂšces auraient pu prendre place dans les recueils de bagatelles. L’une d’elles est le rondo a capriccio op. 129, qu’il composa en 1795 et qu’on trouva dans ses papiers aprĂšs sa mort, pas tout Ă  fait achevĂ©. C’est Diabelli qui fit les additions nĂ©cessaires et le publia peu de temps aprĂšs sous le titre La colĂšre pour un sou perdu. Ce titre figurait sur le manuscrit original, mais n’était pas de la main de Beethoven et on ne sait pas si celui-ci avait l’approbation du compositeur. Les autres piĂšces brĂšves dans le style de la bagatelle vont de l’allegretto en ut mineur (WoO 53) au minuscule Allegretto quasi andante de 13 mesures en sol mineur (WoO 61a).

Autres piĂšces substantielles, l’Andante Favori en fa majeur (WoO 57) et la fantaisie en sol mineur (op. 77). L’andante fut Ă©crit pour servir de mouvement lent Ă  la sonate « L’Aurore », mais Beethoven le remplaça par un mouvement beaucoup plus court. La fantaisie est trĂšs peu connue et est pourtant une composition assez extraordinaire. Elle est d’un caractĂšre sinueux et improvisĂ© : elle commence par des gammes en sol mineur et aprĂšs une sĂ©rie d’interruptions se conclut par un thĂšme et des variations dans la tonalitĂ© de si majeur.

Enfin, les deux rondos op. 51, composĂ©s indĂ©pendamment l’un de l’autre et publiĂ©s en 1797 et 1802, sont de proportions comparables Ă  l’andante et Ă  la fantaisie. Il existe deux autres rondos (WoO 48 & 49) que Beethoven composa Ă  l’ñge de 12 ans environ.

Beethoven composa Ă©galement des danses pour piano. Il s’agit des Écossaises et Valses WoO 83 Ă  86, des six menuets WoO 10, des sept lĂ€ndler WoO 11 et des douze allemandes WoO 12. Il existe toutefois une piĂšce d’importance en la Polonaise en ut majeur op. 89 qui fut composĂ©e en 1814 et dĂ©diĂ©e Ă  l’impĂ©ratrice de Russie.

PiĂšces pour piano Ă  4 mains

Il existe trĂšs peu d’Ɠuvres pour piano Ă  quatre mains. Elles se rĂ©sument Ă  deux sĂ©ries de variations, une sonate et trois marches. La premiĂšre sĂ©rie de variations (WoO 67) qui en compte huit est basĂ©e sur un thĂšme du mĂ©cĂšne Waldstein. La seconde sĂ©rie sur son propre lied « Ich denke dein » (WoO 74) fut commencĂ©e en 1799, oĂč Beethoven composa le lied et quatre variations, puis publiĂ©e en 1805 aprĂšs l’ajout de deux autres variations. La sonate op. 6 est en deux mouvements et fut composĂ©e autour de 1797. Les marches (op. 45) sont une commande du comte Browne et furent Ă©crites vers 1803. Enfin, Beethoven rĂ©alisa la transcription de sa « Grande Fugue » opus 133 (op. 134) pour duo de pianistes. Il s’agissait Ă  l’origine du finale du quatuor Ă  cordes op. 130, mais les critiques furent tellement mauvaises que Beethoven se trouva contraint de rĂ©Ă©crire un autre finale et l’éditeur eut l’idĂ©e de transcrire le final original pour piano Ă  quatre mains.

PiĂšces pour orgue

Beethoven a peu Ă©crit pour l’orgue dont une fugue Ă  deux voix en rĂ© majeur (WoO 31) composĂ©e en 1783, deux prĂ©ludes pour piano ou orgue (op. 39) composĂ©s en 1789, des piĂšces pour un orgue mĂ©canique (WoO 33) composĂ©es en 1799[90]. Il existe aussi des Ɠuvres composĂ©es par Beethoven dans le cadre de sa formation avec Neefe, Haydn et Albrechtsberger.

Musique de chambre

Buste de Ludwig van Beethoven par Hugo Hagen.
Buste de Ludwig van Beethoven par Hugo Hagen.

Quatuors Ă  cordes

Le grand monument de la musique de chambre de Beethoven est formĂ© par les 16 quatuors Ă  cordes. C’est sans doute pour cette formation que Beethoven a confiĂ© ses plus profondes inspirations. Le quatuor Ă  cordes a Ă©tĂ© popularisĂ© par Boccherini, Haydn puis Mozart, mais c’est Beethoven qui a le premier utilisĂ© au maximum les possibilitĂ©s de cette formation. Les six derniers quatuors et la « Grande Fugue » en particulier, constituent le sommet insurpassĂ© du genre. Depuis Beethoven, le quatuor Ă  cordes n’a cessĂ© d’ĂȘtre un passage obligĂ© des compositeurs et un des plus hauts sommets fut sans doute atteint par Schubert. C’est nĂ©anmoins dans les quatuors de BartĂłk que l’on trouve l’influence la plus profonde, mais aussi la plus assimilĂ©e des quatuors de Beethoven ; on peut alors parler d’une lignĂ©e « Haydn-Beethoven-BartĂłk » — trois compositeurs partageant Ă  bien des Ă©gards une mĂȘme conception de la forme, du motif et de son usage, et tout particuliĂšrement dans ce genre prĂ©cis.

Sonates pour violon

À cĂŽtĂ© des quatuors, Beethoven a Ă©crit de belles sonates pour violon et piano, les premiĂšres Ă©tant l’hĂ©ritage direct de Mozart, alors que les derniĂšres, notamment la Sonate « Ă  Kreutzer » s’en Ă©loignent pour ĂȘtre du pur Beethoven, cette derniĂšre sonate Ă©tant quasiment un concerto pour piano et violon. La derniĂšre sonate (no 10) revĂȘt un caractĂšre plus introspectif que les prĂ©cĂ©dentes, prĂ©figurant Ă  cet Ă©gard les derniers quatuors Ă  cordes.

Sonates pour violoncelle

Cycle moins connu que ses sonates pour violon ou ses quatuors, ses sonates pour violoncelle et piano, au nombre de cinq, font partie des Ɠuvres rĂ©ellement novatrices de Beethoven. Il y dĂ©veloppe des formes trĂšs personnelles, Ă©loignĂ©es du schĂ©ma classique qui perdure dans ses sonates pour violon. Avec des virtuoses tels que Luigi Boccherini ou Jean-Baptiste BrĂ©val, le violoncelle a acquis de la notoriĂ©tĂ© en tant qu’instrument soliste Ă  la fin du XVIIIe siĂšcle. Cependant, aprĂšs les concertos de Vivaldi et l’importance du violoncelle dans la musique de chambre de Mozart, c’est avec Beethoven que pour la premiĂšre fois, le violoncelle est traitĂ© dans le genre de la sonate classique.

Les deux premiĂšres sonates (op. 5 no 1 et op. 5 no 2) sont composĂ©es en 1796 et dĂ©diĂ©es au roi FrĂ©dĂ©ric-Guillaume II de Prusse. Ce sont des Ɠuvres de jeunesse (Beethoven avait 26 ans), qui prĂ©sentent pourtant une certaine fantaisie et libertĂ© d’écriture. Toutes deux ont la mĂȘme construction, Ă  savoir une large introduction en guise de mouvement lent puis deux mouvements rapides de tempo diffĂ©rents. Ces sonates s’éloignent donc du modĂšle classique, dont on peut trouver un parfait exemple dans les sonates pour piano opus 2. La premiĂšre de ces sonates, en fa majeur, comporte en fait une forme sonate en son sein. En effet, aprĂšs l’introduction, s’enchaĂźne une partie prĂ©sentant cette forme : un allegro, un adagio, un presto et un retour Ă  l’allegro. Le rondo final prĂ©sente une mĂ©trique ternaire, contrastant avec le binaire du mouvement prĂ©cĂ©dent. La seconde sonate, en sol mineur, a un caractĂšre tout diffĂ©rent. Le dĂ©veloppement et les passages contrapuntiques y sont bien davantage prĂ©sents. Dans le rondo final, une polyphonie distribuant un rĂŽle diffĂ©rent aux deux solistes prend la place Ă  l’imitation et la rĂ©partition Ă©gale des thĂšmes entre les deux instruments telle qu’elle Ă©tait pratiquĂ©e Ă  l’époque, notamment dans les sonates pour violon de Mozart.

Portrait du Comte Razoumovski
Le comte AndreĂŻ Razoumovski fut l’un des premiers mĂ©cĂšnes de Beethoven Ă  Vienne. Il reçut en 1806 les trois Quatuors Ă  cordes op. 59.

Beethoven ne recompose une autre sonate que bien plus tard, en 1807. Il s’agit de la sonate en la majeur op. 69, composĂ©e Ă  la mĂȘme pĂ©riode que les symphonies no 5 et 6, que les quatuors Razoumovski et que du concerto pour piano no 4. Le violoncelle entame seul le premier mouvement au cours duquel on dĂ©couvre un thĂšme qu’il rĂ©utilisera dans l’arioso dolente de la sonate pour piano opus 110. Le second mouvement est un scherzo prĂ©sentant un rythme syncopĂ© trĂšs marquĂ©, pouvant faire penser au mouvement correspondant de la symphonie no 7. Suit un mouvement lent trĂšs court, faisant figure d’introduction au finale comme dans la sonate l’« Aurore », lequel prĂ©sente un tempo sĂ©ant Ă  un mouvement conclusif.

Beethoven achĂšve son parcours dans les sonates pour violoncelle en 1815, dans les deux sonates opus 102. L’Allgemaine Musikalische Zeitung en dira : « Ces deux sonates reprĂ©sentent Ă  coup sĂ»r ce qu’il y a de plus inhabituel et de plus singulier parmi ce qui a Ă©tĂ© Ă©crit depuis longtemps, non seulement dans ce genre, mais pour le piano en gĂ©nĂ©ral. Tout y est diffĂ©rent, complĂštement diffĂ©rent de ce que l’on a l’habitude d’entendre, mĂȘme de la part du maĂźtre lui-mĂȘme. » Cette dĂ©claration sonne comme un Ă©cho lorsque l’on sait que le manuscrit de la sonate en ut majeur opus 102 no 1 porte le titre « sonate libre pour piano et violoncelle ». Cette Ɠuvre a en effet une Ă©trange construction : un andante mĂšne sans interruption Ă  un vivace en la mineur de forme sonate dont le thĂšme est quelque peu apparentĂ© Ă  celui de l’andante. Un adagio conduit Ă  une reprise variĂ©e de l’andante puis au finale allegro vivace, lui aussi de forme sonate, dont le dĂ©veloppement et la coda font apparaĂźtre une Ă©criture fuguĂ©e, une premiĂšre pour Beethoven dans la forme sonate. La seconde sonate du groupe, en rĂ© majeur, est tout aussi libre. Le deuxiĂšme mouvement, un adagio, est l’unique grand mouvement lent des cinq sonates pour violoncelle. L’Ɠuvre se conclut par une fugue Ă  quatre voix dont la derniĂšre partie prĂ©sente une ĂąpretĂ© harmonique caractĂ©ristique des fugues de Beethoven.

De ces sonates se dégage la liberté avec laquelle Beethoven se détache des formules mélodiques et harmoniques traditionnelles.

Trios avec piano

Au cours de ses premiĂšres annĂ©es Ă  Vienne, Beethoven avait dĂ©jĂ  une formidable rĂ©putation de pianiste. La premiĂšre composition qu'il fit publier ne fut cependant pas une Ɠuvre pour piano seul, mais un recueil de trois trios pour piano, violon et violoncelle composĂ© entre 1793 et 1795 et publiĂ© en . Ces trois trios, no 1 en mi bĂ©mol majeur op. 1 no 1, no 2 en sol majeur op. 1 no 2, no 3 en ut mineur op. 1 no 3, furent dĂ©diĂ©s au prince Karl von Lichnowsky, un des premiers mĂ©cĂšnes du compositeur Ă  Vienne.

DĂ©jĂ  dans cette premiĂšre publication, Beethoven se dĂ©marque de ses illustres prĂ©dĂ©cesseurs dans cette forme musicale que sont Joseph Haydn et Mozart dont les trios ne comportent que trois mouvements. Beethoven dĂ©cida de placer les trois instruments sur un pied d'Ă©galitĂ©, tandis qu'il donnait une forme plus symphonique Ă  la structure de l'Ɠuvre en ajoutant un quatriĂšme mouvement. Il n'hĂ©sita pas non plus Ă  fouiller l'Ă©criture, afin de crĂ©er une musique vĂ©ritablement complexe et exigeante, plutĂŽt qu'une sorte de divertissement de salon.

Le Trio no 4 en si bĂ©mol majeur, op. 11, surnommĂ© « Gassenhauer » est un trio pour piano, clarinette et violoncelle dans lequel la clarinette peut ĂȘtre remplacĂ©e par un violon. Il fut composĂ© en 1797 et publiĂ© en 1798, et dĂ©diĂ© Ă  la comtesse Maria Whilhelmine von Thun, protectrice de Beethoven Ă  Vienne. Le trio comporte trois mouvements. Le thĂšme des variations du dernier mouvement provient d'un air populaire extrait de l'opĂ©ra L'amor marinaro de Joseph Weigl.

Portait de L'archiduc Rodolphe
L’archiduc Rodolphe de Habsbourg, Ă©lĂšve de Beethoven dĂšs 1807, fut le dĂ©dicataire de la Missa solemnis et du Trio avec piano no 7 dit « Ă  l’Archiduc ».
Portrait de J.B. Lampi.

Beethoven commença la composition des deux Trios pour piano et cordes, op. 70 en aoĂ»t 1808, juste aprĂšs avoir achevĂ© la SixiĂšme symphonie ; peut-ĂȘtre le rĂŽle prĂ©pondĂ©rant accordĂ© au violoncelle est-il liĂ© Ă  la composition, peu avant, de la Sonate pour violoncelle op. 69.

Le Trio no 5 op. 70 no 1 en ré majeur comporte trois mouvements ; son appellation courante « Les Esprits » (Geister-Trio en allemand) provient assurément du mystérieux Largo introductif, chargé de trémolos et trilles inquiétants. Fort à propos, l'une des idées musicales du mouvement provient d'esquisses pour la scÚne des sorciÚres d'un opéra Macbeth qui n'a jamais vu le jour[91].

Le Trio no 6 op. 70 no 2, en mi bémol majeur, reprend la forme en quatre mouvements ; on notera le lyrisme presque schubertien du troisiÚme mouvement, un Allegretto dans le style du menuet. Ces deux trios furent dédiés à la comtesse Maria von Erdödy, proche amie du compositeur.

Le dernier Trio avec piano, l'op. 97 en si bémol majeur, composé en 1811 et publié en 1816, est connu sous le nom de « L'Archiduc », en l'honneur de l'archiduc Rodolphe, élÚve et mécÚne de Beethoven, à qui il est d'ailleurs dédié. Fait inhabituel, le Scherzo et Trio précÚdent le mouvement lent Andante cantabile, dont la structure en thÚme et variations suit le modÚle classique, à savoir une difficulté et une complexité d'écriture croissantes à mesure que se déroulent les variations. AprÚs une longue coda, le discours s'efface dans le silence jusqu'à ce qu'un motif guilleret vienne emmener l'auditeur droit dans le rondo final.

À cĂŽtĂ© des sept grands trios avec numĂ©ro d'opus, Beethoven Ă©crira, pour la mĂȘme formation, deux grandes sĂ©ries de variations (op. 44 et op. 121a), deux autres trios publiĂ©s aprĂšs sa mort (WoO 38 et WoO 39)[92] ainsi qu'un Allegretto en mi-bĂ©mol Hess 48[92].

Trios Ă  cordes

Les trios Ă  cordes ont Ă©tĂ© composĂ©s entre 1792 et 1798. Ils ont prĂ©cĂ©dĂ© la gĂ©nĂ©ration des quatuors et constituent les premiĂšres Ɠuvres de Beethoven pour cordes seules. Le genre du trio est issu de la sonate en trio baroque oĂč la basse constituĂ©e ici d’un clavecin et d’un violoncelle va voir disparaĂźtre le clavecin avec l’indĂ©pendance prise par le violoncelle qui ne faisait jusqu’ici que renforcer les harmoniques de ce dernier.

L’opus 3 a Ă©tĂ© composĂ© avant 1794 et publiĂ© en 1796. Il s’agit d’un trio en six mouvements en mi bĂ©mol majeur. Il reste proche de l’esprit de divertissement. Les trois cordes sont traitĂ©es ici de façon complĂ©mentaire avec une rĂ©partition des rĂŽles mĂ©lodiques homogĂšne. La sĂ©rĂ©nade en rĂ© majeur opus 8 date de 1796-1797. Cette Ɠuvre en cinq mouvements est construite de maniĂšre symĂ©trique et s’articule autour d’un adagio central encadrĂ© par deux mouvements lents lyriques le tout Ă©tant introduit et conclu par la mĂȘme marche. Enfin, les trios opus 9 no 1, no 2 et no 3 voient leur composition remonter Ă  1797 et leur publication avoir lieu en juillet 1798. Cet opus est dĂ©diĂ© au comte von Browne officier de l’armĂ©e du tsar. Ces trios sont construits en quatre mouvements selon le modĂšle classique du quatuor et de la symphonie. Dans le premier (en sol majeur) et le troisiĂšme (en ut mineur), le scherzo remplace le menuet tandis que le deuxiĂšme (en rĂ© majeur) reste parfaitement classique.

Contrairement à la plupart des compositions de musique de chambre, on ne sait pas pour quels interprÚtes ont été écrits ces trios. AprÚs Schubert, le trio à cordes sera pratiquement délaissé.

Ensemble divers

Bien qu’ayant Ă©crit des sonates pour piano et violon, piano et violoncelle, des quintettes ou des quatuors Ă  cordes, Beethoven a aussi composĂ© pour des ensembles moins conventionnels. Il y a mĂȘme certaines formations pour lesquelles il ne composa qu’une seule fois. La majoritĂ© de ces Ɠuvres ont Ă©tĂ© composĂ©es pendant ses jeunes annĂ©es, pĂ©riode oĂč Beethoven Ă©tait toujours Ă  la recherche de son style propre. Ceci ne l’empĂȘcha pas d’essayer de nouvelles formations plus tard dans sa vie, comme des variations pour piano et flĂ»te autour de 1819. Le piano reste l’instrument de prĂ©dilection de Beethoven, et cela se ressent dans sa production de musique de chambre, oĂč l’on trouve de maniĂšre quasi systĂ©matique un piano.

On retrouve dans un ordre chronologique les trois quatuors pour piano, violon, alto et violoncelle WoO 36 en 1785, le trio pour piano, flûte et basson WoO 37 en 1786, le sextuor pour deux cors, deux violons, alto et violoncelle op. 81b en 1795, le quintette pour piano, hautbois, clarinette, cor et basson op. 16 en 1796, quatre piÚces pour mandoline et piano WoO 43/44 en 1796, le trio pour piano, clarinette et violoncelle op. 11 entre 1797 et 1798, le septuor pour violon, alto, clarinette, cor, basson, violoncelle et contrebasse op. 20 en 1799, la sonate pour piano et cor op. 17 en 1800, la sérénade pour flûte, violon et alto op. 25 en 1801, le quintette pour deux violons, deux altos et violoncelle op. 29 en 1801 et les thÚmes et variations pour piano et flûte op. 105 et 107 de 1818 à 1820.

Musique sacrée

Beethoven a composĂ© un oratorio : Le Christ au Mont des Oliviers (1801) pour soli, chƓurs et orchestre op. 85, et deux messes : la Messe en ut majeur, op. 86 (1807), et surtout la Missa solemnis en rĂ© majeur, op. 123 (1818-1822), l’un des Ă©difices de musique vocale religieuse les plus importants jamais crĂ©Ă©s.

Musique profane

Enfin, il est l’auteur de plusieurs cycles de Lieder — dont celui titrĂ© À la bien-aimĂ©e lointaine — qui, s’ils n’atteignent pas la profondeur de ceux de Franz Schubert (qu’il dĂ©couvrira peu avant de mourir), n’en sont pas moins de grande qualitĂ©.

Liste classĂ©e par genre des Ɠuvres principales

Musique symphonique

Lithographie de 1834 exposée à la Beethoven-Haus de Bonn, représentant Beethoven composant la Symphonie Pastorale.
Lithographie de 1834 exposée à la Beethoven-Haus de Bonn, représentant Beethoven composant la Symphonie Pastorale.

Concertos et Ɠuvres concertantes

Atelier de Beethoven à la Schwarzspanierhaus, sa derniÚre résidence, en 1827. Tableau de J.N. Hoechle.
Atelier de Beethoven à la Schwarzspanierhaus, sa derniÚre résidence, en 1827. Tableau de J.N. Hoechle.

Beethoven a Ă©galement adaptĂ© lui-mĂȘme une version pour piano et orchestre de son propre concerto pour violon et orchestre en rĂ© majeur, opus 61.

Musique pour piano

Beethoven-Haus 2013.
Beethoven-Haus 2013.

Musique de chambre

Page de titre de l'Ă©dition originale du treiziĂšme quatuor Ă  cordes
Page de titre d’une Ă©dition originale du Quatuor Ă  cordes no 13.

Musique vocale

Buste de Beethoven par Antoine Bourdelle exposé à la Beethoven-Haus de Bonn.
Buste de Beethoven par Antoine Bourdelle exposé à la Beethoven-Haus de Bonn.

Utilisation contemporaine

Aujourd’hui, son Ɠuvre est reprise dans de nombreux films, gĂ©nĂ©riques d’émissions radiodiffusĂ©es et publicitĂ©s. On peut citer notamment :

La vie de Beethoven a aussi inspiré plusieurs films, entre autres :

Des enregistrements faits avec des instruments de l'Ă©poque de Beethoven

  • Malcolm Bilson, Tom Beghin, David Breitman, Ursula DĂŒtschler, Zvi Meniker, Bart van Oort, Andrew Willis. Ludwig van Beethoven. The complete Piano Sonatas on Period Instruments
  • AndrĂĄs Schiff. Ludwig van Beethoven. Beethoven’s Broadwood Piano
  • Robert Levin, John Eliot Gardiner. Ludwig van Beethoven. Piano Concertos. Walter (Paul McNulty)
  • Ronald Brautigam. Ludwig van Beethoven. Complete Works for Solo Piano. Walter, Stein, Graf (Paul McNulty)

Hommages

Astronomie

En astronomie, sont nommés en son honneur (1815) Beethoven, un astéroïde de la ceinture principale d'astéroïdes[93], et Beethoven, un cratÚre de la planÚte Mercure[94].

Filmographie

Anecdotes

Le , un manuscrit original comportant 80 pages de la Grande Fugue[95] (une version pour piano Ă  quatre mains du final du Quatuor Ă  cordes op. 133) a Ă©tĂ© vendu Ă  Londres par la maison Sotheby's pour 1,6 million d’euros. Le manuscrit avait Ă©tĂ© retrouvĂ© dans les caves du SĂ©minaire thĂ©ologique Palmer Ă  Philadelphie en .

Expositions

Publications

  • Ludwig van Beethoven (trad. de l'allemand par Jean Chuzeville, prĂ©f. RenĂ© Koering), Les Lettres de Beethoven : L'intĂ©grale de la correspondance 1787-1827, Arles, Actes Sud, coll. « Beaux Arts », , 1920 p. (ISBN 978-2-7427-9192-7, OCLC 742951160)
  • En 1833, un prĂ©tendu TraitĂ© d’harmonie et de composition de Beethoven a Ă©tĂ© publĂ© dans une traduction française par François-Joseph FĂ©tis. En fait, Beethoven n'a jamais voulu rĂ©diger de traitĂ© d'harmonie et de composition. Voici l'histoire de l'ouvrage que François-Joseph FĂ©tis a traduit:

L’archiduc Rodolphe, frĂšre cadet de l'empereur d'Autriche, dĂ©cida de prendre des cours de composition avec Beethoven. Celui-ci « ne pouvait pas refuser ce souhait Ă  une personnalitĂ© aussi haut placĂ©e, bien qu’il ait eu peu envie de donner des cours de composition Ă  qui que ce soit et n’avait pas d’expĂ©rience en la matiĂšre. »[97] « En Ă©tĂ© 1809, il copia les passages choisis des livres de compositions les plus importants de ce temps-lĂ , de Carl Philipp Emanuel Bach, Daniel Gottlob TĂŒrk, Johann Philipp Kirnberger, Fux et Albrechtsberger, pour en tirer l’essence d’un cours propre[98]. » Ce matĂ©riel constituait la base thĂ©orique. Pour la pratique, Beethoven utilisa la mĂ©thode de l’enseignement concret : Il fit transcrire et arranger Ă  son Ă©lĂšve les chefs-d’Ɠuvre les plus divers. Comme Rodolphe de Habsbourg collectionnait les partitions, il avait beaucoup de musique Ă  disposition.

« En 1832, ce « cours » fut publiĂ© par le chef d’orchestre Ignaz Seyfried sous le titre « Ludwig van Beethoven’s Studien im Generalbasse, Contrapuncte und in der Compositions-Lehre ». Seyfried donna ainsi la fausse impression que Beethoven avait lui-mĂȘme rĂ©digĂ© un traitĂ© de composition[99]. »

Notes et références

Notes

  1. Prononciation en français de France retranscrite selon la norme API. Cette prononciation usuelle française se rapproche de la prononciation nĂ©erlandaise, d'oĂč le nom est originaire.
  2. Prononciation en allemand standard retranscrite selon la norme API.
  3. Extrait d’une conversation de Haydn avec Beethoven rapportĂ©e par le flĂ»tiste Louis Drouet[1].
  4. Seule la date du 17[3] dĂ©cembre 1770, inscrite sur le registre des baptĂȘmes de l’église Saint Remigius (de) Ă  Bonn, est connue avec certitude, ce sacrement se faisant le plus souvent le lendemain[4] de la naissance.
  5. Note de Waldstein sur l’album de Beethoven, novembre 1792[13].
  6. [AprÚs que Haydn ait recommandé à Beethoven de ne pas publier son 3e Trio à clavier] « Aussi ce langage de Haydn fit sur Beethoven une mauvaise impression et lui laissa cette idée que Haydn était envieux, jaloux[14], et ne lui voulait pas de bien. »
  7. « Haydn avait dĂ©sirĂ© que Beethoven mĂźt sur le titre de ses ouvrages: “ÉlĂšve de Haydn.” Beethoven ne le voulut pas, parce que, disait-il, il avait pris quelques leçons auprĂšs de Haydn, mais n'avait jamais rien appris de lui[14].
    Par ailleurs, Jean et Brigitte Massin font remarquer dans leur Beethoven que Haydn n'a corrigé qu'environ 40 des prÚs de 300 devoirs remis par Beethoven et en y laissant des fautes[15]. »
  8. « Haydn, choqué des grands airs de son élÚve, le surnommait en riant le Grand Mogol[16], et Beethoven, alléguant des griefs plus sérieux, accusait le pÚre Haydn de négligence dans son enseignement. »[17]
  9. Extrait d’une conversation de Haydn avec Beethoven rapportĂ©e par le flĂ»tiste Louis Drouet[1].
  10. Karl Czerny était le meilleur élÚve de Beethoven. Il créa notamment le CinquiÚme concerto pour piano.
  11. Les hypothĂšses d’une labyrinthite chronique, d’une sclĂ©rose tympano-labyrinthique, d’une otospongiose et d’une maladie de Paget osseuse ont Ă©tĂ© discutĂ©es sans qu’aucune puisse ĂȘtre confirmĂ©e a posteriori[21]
  12. S’il est juste de dire que le musicien Ă©tait par nature impulsif et caractĂ©riel, que sa farouche volontĂ© d’indĂ©pendance le rendait indocile voire dĂ©testable en public, il est tout aussi juste d’affirmer qu’il Ă©tait gĂ©nĂ©reux, loyal et souvent tendre, comme l’attestent sa correspondance et les tĂ©moignages de son Ă©poque.
  13. « Ce n’est donc rien de plus qu’un homme ordinaire ! Maintenant il va fouler aux pieds tous les droits humains, il n’obĂ©ira plus qu’à son ambition ; il voudra s’élever au-dessus de tous les autres, il deviendra un tyran[25] !
    — RĂ©action de Beethoven apprenant que NapolĂ©on s’était proclamĂ© empereur, rapportĂ©e par Ferdinand Ries. »
  14. Au poĂšte Christophe Kuffner qui lui demandait laquelle de ses symphonies il prĂ©fĂ©rait, Beethoven rĂ©pondit : « L’HĂ©roĂŻque ! — J’aurais cru l’ut mineur — Non, non ! L’HĂ©roĂŻque ! »
  15. Beethoven avait esquissĂ© une ouverture pour cet hypothĂ©tique opĂ©ra. Willem Holsbergen a tentĂ© de reconstituer l’Ɠuvre qui est publiĂ©e sous le numĂ©ro 454 du catalogue Biamonti.
  16. MalgrĂ© son affiche ce concert semble avoir Ă©tĂ© un dĂ©sastre artistique, l’orchestre n’ayant pas eu le temps nĂ©cessaire pour rĂ©pĂ©ter et Beethoven insultant copieusement les musiciens.
    Beethoven aurait également improvisé au piano durant ce concert sur ce qui deviendra l'année suivante sa Fantaisie pour piano opus 77.
  17. Joseph Haydn meurt dans sa maison de Gumpendorf le .
  18. « Wir Endliche mit dem unendlichen Geist sind nur zu Leiden und Freuden geboren, und beinahe könnte man sagen, die Ausgezeichneten erhalten durch Leiden Freude. » Extrait d’une lettre de Beethoven Ă  Maria von Erdödy[43].
  19. « Je veux donc m’abandonner patiemment Ă  toutes les vicissitudes et placer mon entiĂšre confiance uniquement en ton immuable bontĂ©, ĂŽ Dieu ! Tienne, immuablement tienne doit se rĂ©jouir d’ĂȘtre mon Ăąme. Sois mon rocher, ĂŽ Dieu, sois ma lumiĂšre, sois Ă©ternellement mon assurance ! » – Christian Sturm, recopiĂ© par Beethoven, 1818[46].
  20. « L’Angleterre tient une haute situation par sa civilisation. À Londres, tout le monde sait quelque chose et le sait bien, mais le Viennois, lui, sait parler seulement de manger et de boire ; il chante et il racle de la musique insignifiante, ou en fabrique lui-mĂȘme. » – Beethoven Ă  Johann Stumpff[50].
  21. Beethoven prĂ©sentait une hĂ©patomĂ©galie, un ictĂšre, une ascite (on disait alors « hydropisie abdominale ») et des ƓdĂšmes des membres infĂ©rieurs, Ă©lĂ©ments d’un syndrome cirrhotique avec hypertension portale.
  22. Les historiens de la mĂ©decine ont d'abord Ă©voquĂ© une otosclĂ©rose pour expliquer sa surditĂ©, mais les descriptions anatomiques post-mortem ne mentionnent pas ce genre d’atteinte.
  23. Cette hypothÚse, largement répandue, est contestée par certains biographes du compositeur dont Maynard Solomon.
  24. Phrase attribuée à Schubert par le témoignage de Karl Johann Braun von Braunthal, 1827. La citation entiÚre : « Il sait tout, mais nous ne pouvons pas encore tout comprendre, et il coulera beaucoup d'eau dans le Danube avant que tout ce que cet homme a créé soit universellement compris. Non seulement parce qu'il est le plus sublime et le plus fécond de tous les musiciens : il est encore le plus fort. Il est aussi fort dans la musique dramatique que dans la musique épique, dans la lyrique que dans la prosaïque ; en un mot il peut tout. Tout le monde comprend Mozart, personne ne comprend bien Beethoven. »
  25. Scherzo Ă  mettre en correspondance avec le deuxiĂšme mouvement Allegretto scherzando de la HuitiĂšme symphonie.

Références

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  24. « Dans cette symphonie, Beethoven s’était proposĂ© pour sujet Bonaparte, Ă  l’époque oĂč celui-ci Ă©tait encore premier consul. Jusqu’alors, Beethoven en faisait un cas extraordinaire, et voyait en lui l’égal des plus grands consuls romains. » – TĂ©moignage de Ferdinand Ries sur la genĂšse de la TroisiĂšme Symphonie.
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  31. «_je_veux_saisir_le_destin_à_la_gueule._»_p._[https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k992519v/f29.image_23]-51" class="mw-reference-text">Rolland 1977, « je veux saisir le destin à la gueule. » p. 23.
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Voir aussi

Bibliographie

  • Erik Orsenna La passion de la FraternitĂ© : Beethoven Stock/Fayard, 2021
  1. Chap. 4
  2. Chap. 6
  3. Chap. 7
  4. Chap. 8
  5. Chap. 10

Articles connexes

Liens externes

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